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LE PÈLERINAGE DE DEUX SOEURS, VERS LEUR BIEN-AIMÉ DANS LA CITÉ DE JÉRUSALEM - Belgique - 17 eme - Allégorie

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LE PÈLERINAGE DE DEUX SOEURS, VERS LEUR BIEN-AIMÉ DANS LA CITÉ DE JÉRUSALEM - Belgique - 17 eme - Allégorie Empty LE PÈLERINAGE DE DEUX SOEURS, VERS LEUR BIEN-AIMÉ DANS LA CITÉ DE JÉRUSALEM - Belgique - 17 eme - Allégorie

Message par MichelT Sam 19 Oct 2019 - 21:07

LE PÈLERINAGE DE DEUX SOEURS, COLOMBELLE ET VOLONTAIRETTE, VERS LEUR BIEN-AIMÉ DANS LA CITÉ DE JÉRUSALEM

OUVRAGE ALLÉGORIQUE - par Boèce-Bolswert - Belgique - 17 eme siècle

Devant l'Homme sont la Vie et la Mort, le Bien et le Mal ce qu'il aura choisi, lui sera donné. (Du Livre de l'Ecclésiastique, 15 .18.)


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Jeunesse Chrétienne qu'une Providence miséricordieuse appelle à consoler l'avenir des maux du passé, et à préparer au Seigneur une génération parfaite; le tendre intérêt que vous nous inspirez, et qui toujours fut l'un des premiers motifs de nos travaux, nous porte encore à occuper vos loisirs d'un Pèlerinage qui pourra tout à la fois vous instruire
et vous récréer. Vous y trouverez tracée, d'une manière agréable, la route que vous devez suivre et les dangers que vous avez à éviter dans le plus important des voyages, celui de la vie. La Vertu et le vice vous y seront présentés sous des couleurs propres à vous faire discerner la différence essentielle qui les sépare, et à vous inspirer l'amour de l'une et l'horreur de l'autre.

AVIS SUR CETTE ÉDITION.

Le livre que l'on essaye ici de reproduire, sous le titre de Pèlerinage de Colombelle et Volontairette, a été composé en langue flamande, au commencement du dix-septième
siècle, par Boèce-Bolswert.  

Cet ouvrage est écrit en forme de dialogue, manière si goûtée et si recherchée des anciens. Il présente une suite d'allégories ingénieuses où les événements les plus ordinaires de la vie, comme les diverses passions qui l'agitent, sont représentés au naturel , et forment un contraste frappant avec les sentiments nobles qu'inspire la lecture des Livres Saints, aidée des exemples et des leçons salutaires des moralistes les plus vertueux. Ces allégories au reste sont aisées à comprendre, et l'explication qui y est jointe, est à la portée des personnes, sans en excepter les enfants eux dont elles piquent vivement la curiosité. L'expérience a prouvé que ce livre donnait le goût de la lecture à ceux pour qui elle avait le moins d'attrait. Des personnes de tout âge l'ont lu avec fruit ; plusieurs même, en le lisant, sont devenues meilleures, ou ont désiré de le devenir.

L'allégorie a été regardée dans tous les temps, comme le genre d'écrire le plus utile et le plus instructif. La morale, présentée sous des dehors attrayants, semble perdre toute
sa sévérité; et le précepte le plus rigoureux n'a plus rien qui rebute. Jésus-Christ lui même, lorsqu'il daignait instruire les hommes, a souvent parlé en paraboles. Nous recommandons particulièrement la lecture du sens spirituel placé à la fin des principaux chapitres. La négliger, ce serait se priver soi-même du plaisir que l'on goûte naturellement et de l'intérêt que l'on met à bien deviner l'allégorie : ce serait d'ailleurs s'exposer à ne retirer que peu de fruit de cet ouvrage.


CHAPITRE 1.

Colombelle écoute et suit son bien-aimé qui l'appelle. Volontairette, prévenue de la même faveur, néglige d'y répondre, et se livre à ses propres penchants.

Colombelle. J'accours, chère soeur, pour vous faire part de l'heureuse visite que je viens de recevoir.... Je dormais, à mon ordinaire, d'un sommeil calme et paisible,
tandis que mon coeur veillait et s'occupait du bien-aimé de nos âmes, quand bientôt j'entendis sa voix qui m'appelait et me conviait en ces termes : « O vous ma fidèle
amie, dont je veux faire la félicité, éveillez vous, et sans tarder, levez-vous, si vous m'aimez : purifiez-vous, venez à moi, et me suivez dans ma cité de Jérusalem où
j'habite un palais plein de richesses et de gloire. Mon voeu le plus cher est d'en partager avec vous les chastes délices.... »

A de si tendres invitations, mon âme a été remplie et comme inondée d'une douce et sainte allégresse. Je m'empressai de répondre aux avances du bien - aimé; je volai vers lui, je le cherchai, je l'appelai.... Mais déjà il avait pris les devants, et n'avait laissé sur ses traces, que la suave odeur des parfums qui attirent à lui et qui font marcher et voler à sa suite,... Eh bien, chère soeur, comprenez-vous et sentez - vous le prix d'une visite aussi honorable ?

Volontairette. Certainement, ma soeur, j'entends fort bien le récit que vous me faites : mais ce qui m'étonne, c'est que vous attachiez à cette invitation assez
d'importance, pour interrompre d'aussi bonne heure votre sommeil et le mien. Celui dont vous me paraissez si éprise, m'a prévenue et appelée avec un égal
empressement. Mais, je vous l'avoue, je ne puis me résoudre à me priver si matin des douceurs du sommeil, et suis même tentée de ne voir en tout cela qu'illusion
et chimère.

Colombelle. Hé, ma soeur, pourriez vous traiter ainsi la consolante et admirable visite dont nous avons été l'une et l'autre favorisées ! Ne sommes - nous pas trop
heureuses qu'un aussi grand personnage ait daigné jeter les yeux sur deux pauvres créatures qu'il veut élever jusqu'à partager son trône et ses trésors ? Pouvait-il nous
honorer d'une prédilection plus marquée, et ne suffit-il pas qu'il nous appelle, pour ne point tarder à répondre à sa voix ? Si nous nous y montrions sourdes et insensibles,
peut-être, hélas! n'aurions-nous plus le temps de le suivre. Ne perdons point, chère soeur, l'occasion d'une aussi belle destinée, et partons à l'instant, pour nous
trouver, dès le point du jour, au bord de la rivière où nous nous purifierons selon ses désirs : car il est lui-même si exempt de souillures, que nous ne pouvons, sans
lui déplaire, paraitre devant lui avec les nôtres. D'ailleurs, n'aurions - nous pas honte de prolonger un sommeil que tout nous presse d'interrompre, et pourrions nous
concilier la qualité de personnes honnêtes avec l'indolence et la paresse ?

Volontairette. Eh, qui donc pourrait nous inspirer cette honte, puisque personne au monde n'est informé de ce que nous faisons? Au reste, je vous le répète, il est si matin, que je n'aperçois pas la nécessité de nous hâter encore; nous en aurons le temps après-midi. En attendant, jouissons, dans le repos, de la fraîcheur de la matinée.

Colombelle. Mais comment pourriez-vous mieux goûter ce plaisir, qu'en le cherchant dans un air pur et serein ? Levez-vous, et vous l'éprouverez. Peut-être aurons-nous après - midi des affaires inopinées et pressantes qui retarderont notre départ et doubleront nos fatigues. Ne vaut-il pas mieux commencer de bonne heure, que de nous exposer, faute de temps, à manquer le but ?

Volontairette. Ah, de grâce, laissez-moi quelques instants encore : je me trouve si bien ici, et j'aime tant à sommeiller !... si cependant, pour vous complaire, il fallait me faire violence ; peut-être... mais non, je n'en ai point le courage. Comment, sans une peine infinie, m'arracher au plus doux repos?..... Vous gardez le silence, et vous paraissez attendre de moi un dernier effort.... Eh bien, je le ferai, ne fut-ce que pour ne pas rester seule ici, et m'épargner plus tard la peine de vous rejoindre. Donnez-moi seulement le temps de m'habiller, et, avant tout, ayez soin de préparer le déjeuner, car je commence à avoir faim.

Colombelle. Je trouve assez plaisante l'envie que vous avez de manger si matin : elle me prouve au moins que vous commencez à secouer la paresse.

Volontairette. Détrompez - vous : je croyais être éveillée, et je tombe de sommeil... En vérité, il est bien pénible, et, qui plus est, dangereux de voyager de si bonne heure.... Mais vous l'avez ainsi conçu, et tel est votre plaisir : il faut bon gré, mal gré, s'y soumettre. Admirez ma complaisance et mon courage... Avouez que l'on ne peut être ni plus prompte ni plus docile : car, ne vous en déplaise, je crois aussi avoir ma petite dose de mérite, soit dit en passant.... Au reste, me voici prête ; marchons.

Colombelle. Nous devons à Dieu tout ce que nous sommes... Les premières pensées de la journée lui appartiennent : recueillons-nous donc en sa présence et recommandons - lui le succès de notre voyage. Ne trouvez-vous pas, ma soeur, que la lumière du jour est bien agréable, et que ceux qui profitent de ses bienfaits, sont heureux? Voyez; nous voici déjà près des bords de la rivière. Baignez-vous dans ses eaux limpides, et purifiez-vous, comme je vais faire.

Volontairette. Pour cette fois, je n'hésite plus : les apparences sont si belles, que je me puis trop tôt essayer d'une nouveauté dont vous me vantez les effets admirables.
Ah! comme je vais me baigner!..... Mais, mais... que ces eaux sont froides!... elles me glacent.. je tremble; tout mon corps frissonne; et néanmoins je me sens allégée,
épurée, raffermie.... Dites-moi donc, ma soeur; croyez-vous que ces eaux doivent couler ainsi le long de notre route, pendant tout le voyage ? -

Colombelle. Oui, ma soeur, nous les verrons couler toujours belles et toujours limpides : car elles prennent leur source aux montagnes de Rome, et se rendent à
cette heureuse Jérusalem où nous sommes appelées et attendues.

LE PÈLERINAGE DE DEUX SOEURS, VERS LEUR BIEN-AIMÉ DANS LA CITÉ DE JÉRUSALEM - Belgique - 17 eme - Allégorie Riviere-haute-ubaye-1140x761

Volontairette. Quelles bénédictions pour les lieux qu'elles arrosent ! et quelles actions de grâces exige un si grand bienfait !

Colombelle. J'aime à vous entendre parler ainsi, ma chère soeur... Nous avons eu part à ces bénédictions : ne manquons pas au devoir de la reconnaissance. Prenons
garde surtout de nous écarter du cours de ces eaux salutaires, si nous voulons suivre le seul chemin qui conduit à la cité glorieuse. C'est là certainement que nous trouverons
des eaux bien autrement excellentes.

Volontairette. Pour moi, si j'y arrive, j'en boirai à longs traits, je ferai même de leurs bassins pleins de charmes mes plus beaux miroirs.

Colombelle. Dieu veuille nous aider, chère soeur, à parvenir à ce séjour plein de délices !... Mais, dès à présent, voyons si nous nous sommes bien et suffisamment purifiées.

Volontairette. Oui, vraiment; je suis blanche et nette comme une perle.

Colombelle. Dieu en soit loué! c'est un grand bonheur d'être pur : mais il est difficile d'en concevoir l'avantage, quand on ne l'a point éprouvé. Hé, comment
jusqu'ici aurions-nous osé paraître en présence de notre bien-aimé qui est si pur, si souverainement beau? Qu'y avait-il en nous qui pût nous mériter ses regards,
ou plutôt que n'avions-nous pas qui ne fut capable de le rebuter? Oh, qu'il est bon, quand il nous invite et nous ordonne même de nous laver et de nous purifier! devions
nous attendre qu'il nous le commandât ? Et comment avons - nous pu vivre dans l'oubli d'un devoir aussi important?... O noble pureté de l'âme! que vous êtes consolante pour ceux qui vous possèdent, et qu'il est pénible de vous avoir perdue !

O chaste amant de nos coeurs ! que vos lois, que vos conseils même sont sages et salutaires ! Quelle reconnaissance ne vous devons-nous pas, pour ne nous avoir point
dédaignées, malgré nos souillures, et nous avoir inspiré l'amour d'une pratique salutaire, dont nous connaissons maintenant le prix.... O Beauté, que rien n'égale
ici- bas ! qu'il est doux de connaitre et d'éprouver combien vous êtes aimable et combien vous méritez d'être aimée !..... Désormais, nous en prenons devant vous la résolution, désormais nos coeurs vous chercheront et vous suivront sans cesse ; toujours vous enserrez la lumière, le guide, l'appui, l'unique espoir, jusqu'à ce que vous en deveniez la récompense... Réjouissons-nous, chère soeur, de notre sublime destinée, et, pour nous montrer sensibles aux dons excellents que nous a laissés le bien-aimé de nos âmes, goûtons - en les douceurs, respirons-en les parfums, afin de nous encourager à le suivre avec promptitude et facilité.

SENS SPIRITUEL.

Ces deux soeurs sont l'image des âmes qui s'endorment dans leurs funestes habitudes, et que la grâce de Jésus-Christ réveille, en leur inspirant de se purifier dans le bain de la Confession et dans les larmes de la Pénitence, dont la rivière est ici la figure. Colombelle répond à ces inspirations salutaires et les met en pratique dès le matin de la vie, qui n'est autre que le temps de la jeunesse. Volontairette, insensible à la voix de la grâce, se livre à une nonchalance mauvaise et à l'oubli de ses devoirs. Elles reçoivent toutes deux, sous l'emblème de douceurs et de parfums, des grâces particulières que Colombelle s'empresse de faire valoir, tandis que sa soeur les dédaigne ou n'en profite qu'imparfaitement, pour suivre ses goûts naturels.

LE PÈLERINAGE DE DEUX SOEURS, VERS LEUR BIEN-AIMÉ DANS LA CITÉ DE JÉRUSALEM - Belgique - 17 eme - Allégorie Cate078a
La Confession des péchés


CHAPITRE 2

La fervente Colombelle exprime son zèle et son amour pour son bien-aimé. Volontairette au contraire, n'annonce que tiédeur et indifférence.

Colombelle. Hâtons-nous, chère soeur, de rejoindre notre bien-aimé qui a pris les devants. Déjà le soleil se montre à nous, brillant de clarté : contemplons ce
bel astre, qui, par la douceur et la vivacité de ses rayons, répand la joie sur toute la nature et en développe à nos yeux les merveilles... Ah! que ces fleurs, que ces diverses productions des champs exhalent une odeur suave ! quel agréable mélange de formes et de couleurs, quel ensemble ravissant!.. Écoutons ces oiseaux qui, dès le matin, semblent, par la mélodie de leurs chants, louer leur Créateur et nous rappeler un devoir auquel nous n'avons été que trop infidèles. A leur exemple, rendons à notre bien-aimé le tribut d'amour et de reconnaissance que nous lui devons. Louons-le d'une manière d'autant plus digne de lui, que nous avons en partage la raison dont ces petits animaux sont privés. Prions-le qu'il dirige nos pas dans la carrière que nous avons à parcourir; et, comptant sur son secours, suivons, avec courage, notre grande entreprise; méritons la sublime destinée qu'il nous réserve.  Pourrions-nous douter de sa parole et de ses sentiments ? Eut-il pris la peine de nous rechercher lui - même, si véritablement nous n'étions l'objet de son amour? son coeur ne nous est-il pas garant de la vérité de ses promesses?

Volontairette. Eh, vous êtes assez bonne pour croire sur parole tout ce qu'on vous dit !... Pour moi je suis loin d'être crédule. J'ai appris à me défier de ces doucereux
personnages qui ne s'occupent qu'à tendre des pièges à notre sexe faible et sans expérience. Ils nous prodiguent des louanges, des compliments, comme si nous étions
des divinités; ils cherchent à nous captiver par les plus fades adulations et plus souvent encore par les présents les plus dangereux. A les voir et à les entendre, on croirait
leurs intentions loyales et sincères : mais si nous ajoutons foi à leurs paroles insidieuses, si même nous nous permettons de les écouter, nous ne pouvons que tomber dans
leurs pièges et y trouver le tombeau de notre vertu.

Quant à moi, je ne suis pas leur dupe. Je parois les admettre avec honnêteté près de moi, et, n'ayant rien de mieux pour passer le temps, je prête indifféremment l'oreille, et aux nouvelles qu'ils me débitent et aux compliments et déclarations qu'ils me font. Je ris, je m'amuse, et nos conversations se terminent par une promenade et par une collation où les friandises ne sont pas épargnées. Chacun à l'envie s'efforce de me plaire, et il en coûte peu à mon esprit et à mon adresse pour les contenter.... C'est ainsi que je me propose de m'amuser à leurs dépens, jusqu'à ce que je sois mariée. Mais une fois devenue femme, je compte bien prendre une autre allure. Et certes, on ne m'éveillera pas si matin que vous avez fait aujourd'hui ; mon mari aura pour moi plus de complaisance ; mes domestiques me serviront avec un zèle respectueux; en un mot, voici la conduite que je suivrai.

Le matin, je ne me ferai éveiller, que pour prendre un bouillon ou quelqu'autre boisson agréable que j'aurai ordonné la veille, après quoi je me dorloterai jusqu'à midi. Ma première affaire, à mon lever, sera une toilette élégante, suivie d'une promenade ou d'une course chez quelque amie, que j’entraînerai aux magasins de modes les plus achalandés. Viendront plus tard, si j'en ai le temps, les ennuyeux détails de ménage; suivra le dîner où j'aurai soin que rien ne manque à mes goûts, et dont je partagerai la gaieté avec quelques beaux esprits, qui s'empresseront de me commenter les nouvelles du jour, ou les événements du théâtre. Plus tard, succédera l'affaire de la grande toilette; puis le départ pour le spectacle ou pour quelque brillante réunion de danse, ou de jeu; et ce cercle de plaisirs remplira très-complètement ma journée.... Voilà en raccourci mon plan pour l'avenir jusques là, je continuerai à recevoir mes attentifs; je me montrerai à leurs yeux, aimable et sans préjugés, et m'assurerai sans peine un parti riche et opulent qui fournira à mes goûts et me tiendra lieu de tout le reste.

Colombelle. Qui donc, ma soeur, a pu vous remplir la tête d'idées aussi étranges et aussi incohérentes? Vous n'êtes point crédule, dites-vous, et vous paraissez même
révoquer en doute le sort avantageux que nous propose le véritable ami de notre bonheur; et cependant vous adoptez de confiance tout ce que l'esprit de frivolité vous suggère. De-là, les aperçus si peu édifiants ou plutôt si scandaleux dont votre imagination se repaît, et dont vous ne rougissez pas de m'entretenir. Mais pouvez-vous croire que le plan d'une conduite si légère et si imprudente convienne à une femme honnête, et soit bien propre à vous procurer un établissement solide et heureux ? Ignorez-vous que la plupart des jeunes gens ne cherchent qu'à s'amuser aux dépens de celles qui les écoutent, et que jamais homme sage ne s'associera au sort d'une personne qui annonce des goûts aussi peu décents, aussi peu raisonnables ? N'y a-t-il pas lieu de s'étonner que, malgré tant de versatilité de votre part, notre bien-aimé daigne vous rechercher encore avec tant d'indulgence ? Bien différent de ces faux amis qui ne nous flattent que pour leur propre intérêt, son amour généreux nous appelle à partager son bonheur, nous qui n'avons rien de nous-mêmes qui puisse ajouter au sien, et sa bonté seule est notre titre.

Volontairette. J'avoue que l'estime qu'on parait avoir généralement pour lui, peut, sous quelques rapports, justifier notre confiance en ses promesses. Néanmoins, j'ai
peine à regarder comme vrai tout ce que vous m'en dites; je crains que vous-même ne soyez dupe de votre imagination, et je ne puis me résoudre à en croire sur cela,
que mes propres yeux.

Colombelle. Vous m'étonnez, ma soeur; eh! serait-il possible que vous pussiez douter de la réalité des promesses de notre ami et de la générosité de ses démarches,
quand tout atteste à nos yeux ses perfections et ses oeuvres, ses bienfaits et son amour ? Ne nous en a-t-il pas laissé des preuves assez rassurantes ? Il a daigné,
dans son extrême indulgence, s'abaisser jusqu'à nous qui sommes si peu de chose, pour nous élever jusqu'à lui qui seul possède tous les biens. Sa parole, qu'il ne
donna jamais en vain, nous promet et nous garantit la destinée la plus heureuse, quand par des efforts persévérants, nous serons arrivées au terme de notre pèlerinage
Les dons même que nous prodigue dès à-présent sa main libérale, ne sont-ils pas le gage et l'avant-goût des douceurs et de la félicité qu'il nous prépare ?

Volontairette. Voilà bien assez de verbiage ; cela commence à m'ennuyer. Pensons avant tout, à déjeuner : peut-être, après cela, pourrai-je mieux vous écouter
et vous comprendre. Mais, jusqu'ici je ne sais trop où aboutissent tous vos rêves.

Colombelle. Ce que vous appelez si indécemment rêves et verbiage, est cependant pour vous, ma soeur, autant que pour moi de la plus grande importance. Celui dont je me plais à vous entretenir, n'est point un de ces êtres fabuleux, de ces personnages imaginaires qui n'ont d'existence que dans les romans ou sur les théâtres; et vous seriez bien à plaindre, si, infatuée de ces bagatelles puériles, vous ne montriez que mépris ou indifférence pour l'infaillible et immuable vérité qui se manifeste à nous avec tant d'amour... Laissons, laissons aux enfants de la vanité, leurs rêves et leurs mensonges; pour nous ne pensons qu'à répondre à l'invitation de celui qui nous aime, Donnons-lui cœur pour coeur; il mérite infiniment davantage. Eh! quelle serait notre ingratitude, si nous lui refusions un tribut si juste et si légitime !

Volontairette. Eh bien, ma soeur, si vous voulez que je l'aime, faites que j'y trouve quelque avantage. Vous connaissez mes goûts : je ne puis l'aimer, qu'à des conditions qui me soient commodes et agréables.

Colombelle. En est-il une plus agréable et plus délicieuse, que celle d'être unies par l'amour à un Prince si grand, si généreux, si magnifique ? Une union si douce ne suffit-elle pas à nos désirs ? Eh qui pourrait la remplacer ? Où trouverions-nous un être plus parfait, que celui dont les perfections sont sans bornes? C'est en vain que nous en chercherions un qui pût lui être préféré.... Ah, ma chère soeur, goûtons et voyons combien est aimable celui qui nous recherche; rendons lui amour pour amour, et hâtons-nous de voler sur ses pas et d'arriver à lui.


Dernière édition par MichelT le Mer 23 Oct 2019 - 2:55, édité 6 fois

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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Message par MichelT Sam 19 Oct 2019 - 23:28

CHAPITRE 3

Colombelle prémunit sa soeur contre les dangers qui pourraient troubler leur voyage, et l'invite à cueillir des fleurs, pour en faire un bouquet au bien - aimé.

Colombelle. Je ne puis vous cacher, ma chère amie, que notre bien - aimé est si jaloux de nos coeurs, qu'il veut les voir s'attacher uniquement à lui sans partage et sans réserve. Il a placé près de nous des surveillants (anges) qui observent nos paroles, nos actions, nos démarches et jusqu'à nos pensées et nos inclinations. Ils nous accompagnent d'une manière invisible, durant notre voyage. Par ses ordres, ils nous gardent et nous protègent ; ils dirigent et inspectent notre conduite. Il est donc pour nous du plus grand intérêt de nous comporter avec sagesse et de ne rien faire qui puisse l'offenser ou le contrister.... Faisons de grand coeur tout ce que nous croirons lui être agréable; conformons-nous à ses volontés et à ses désirs évitons avec tout le soin possible, la poussière, la boue, les immondices, dont notre route est parsemée, et tâchons de paraître pures et nettes en sa présence : car nous ne pouvons ignorer combien l'impureté (le péché) lui déplaît, et combien nous-mêmes devons l'avoir en horreur, si nous voulons être admises dans son magnifique héritage.

Volontairette. Que dites-vous là, ma soeur ?.. Serait-il possible qu'il fut si difficile !... Ah! s'il était tel, je vous avoue que sa délicatesse ne me conviendrait guères. Eh quoi, il faudra donc que j'emploie tout mon temps à me garantir des souillures, ou à me laver et à me nettoyer; il faudra que j'aie sans cesse un miroir devant les yeux et une éponge à la main?

Colombelle. N'exagérons rien, ma chère soeur; contentons-nous de consulter de temps à autre les eaux claires et limpides de cette belle rivière; la chose ne nous sera pas bien difficile; et non-seulement nous y verrons nos souillures, comme dans un miroir fidèle; mais nous y trouverons encore le moyen de les faire disparaître. Considérons au reste qu'ayant une longue route à parcourir, nous ne pouvons marcher avec trop de célérité, pour arriver à Jérusalem avant le coucher du soleil : car, si la nuit nous surprenait, nous serions exposées à errer dans les campagnes, à la merci des voleurs et des bêtes farouches, sans espoir de secours; et ce qui serait pire encore, nous risquerions d'être à jamais frustrées du tendre accueil de celui qui nous appelle. Je vous en conjure donc, ma chère soeur, ne perdons aucun des moments qui nous restent, puisqu'il est pour nous de la dernière conséquence d'arriver de jour à notre but, et que la porte une fois fermée, rien n'égalerait le malheur de n'avoir pas profité de la lumière pour répondre à notre vocation.

Volontairette. Que vous êtes ingénieuse à vous tourmenter mal-à-propos ! Eh ! n'avons-nous pas du temps de reste? Le soleil est encore trop élevé, pour que nous
ayons à craindre les approches de la nuit. Mes calculs sont bien différents des vôtres Vous craignez que le temps ne soit trop court, et moi je le trouve si long, que je ne sais à quoi l'employer pendant un voyage qui me parait excessivement ennuyeux et pénible.  Quelle nécessité de nous hâter ? le jour nous manquera moins que la santé : ménageons-la surtout avec soin, c'est l'essentiel. Ne voyons-nous pas une multitude de voyageurs qui, sans s'inquiéter du temps, se divertissent tout à leur aise en chemin ?'ils comptent bien sans doute arriver demain, s'ils n'arrivent pas aujourd'hui. Laissons donc aller en avant ceux qui sont les plus pressés.

Colombelle. Votre raisonnement manque de justesse, ma chère soeur : car s'il est certain, comme nous ne pouvons en douter, que notre sort dépend uniquement
de la journée que nous commençons, il nous importe beaucoup de nous hâter et de ne perdre aucun instant, pour arriver avant qu'elle finisse; et il ne serait ni sage,
ni prudent de nous exposer à l'extrême confusion que nous causerait notre retard. Nous perdrions sans doute les bonnes grâces du bien-aimé qui nous attend, si nous nous abandonnions à une nonchalance aussi criminelle.

Cependant, comme les présents servent à honorer les grands et à rendre leur accueil favorable, il me parait essentiel de nous munir de quelque objet qui puisse être agréable
à notre auguste ami ! Vous savez qu'il aime les fleurs, et que, partout où il se trouve, il en respire et en répand lui-même l'odeur suave; ce qui s'accorde parfaitement avec les attributs qu'il se donne, quand il se compare à la fleur des champs et au lis des vallées. Souvenez-vous encore qu'en nous appelant, il nous disait avec tendresse : « Levez-vous, hâtez-vous, mes amies, et venez : car l'hiver est passé, les pluies ont cessé, et les fleurs sont écloses dans nos campagnes... » Pourrions-nous douter, d'après cette invitation, que nos bouquets, présentés par des mains fidèles, ne lui soient agréables ?..... Ne soyons pas moins empressées d'en offrir à son vénérable Père, avec l'hommage de l'amour le plus respectueux : car c'est avec son consentement, que son Fils nous aime et nous recherche..... Témoignons aussi notre empressement à sa bienheureuse Mère qui est la reine de cette aimable cité. Nous avons besoin de sa protection ; elle est miséricordieuse et libérale ; il ne nous sera pas difficile de nous la rendre propice. Elle aime la pureté : disposons nous donc à ne paraître en sa présence qu'avec le vêtement de cette vertu angélique....

Il y a encore dans cette cour une multitude de Princes dont il est important de nous ménager le crédit : ils sont assez puissants auprès du Souverain, pour nous obtenir ses bonnes grâces...... Cueillons donc de toutes espèces de fleurs pour les leur offrir : composons des guirlandes et des couronnes qui soient dignes de notre bien-aimé, et de ceux qui l'entourent. Il fera moins d'attention à nos faibles présents, qu'à la pureté du coeur qui les lui présentera, et son auguste et tendre Mère nous obtiendra par sa médiation la bienveillance de son Fils.... Voila, ma chère sœur, quelques-unes des vérités dont je désire vivement vous voir pénétrée.

LE PÈLERINAGE DE DEUX SOEURS, VERS LEUR BIEN-AIMÉ DANS LA CITÉ DE JÉRUSALEM - Belgique - 17 eme - Allégorie Wild-flower-seeds-mixed-perennials-annuals-100g-30-varieties-3616-p


Volontairette. J'ai très-bien entendu vos avis, ma soeur, j'y ai même fait assez d'attention, pour prendre la résolution de les suivre. Rien de ma part n'empêchera désormais que nous ne continuions notre voyage avec autant de promptitude, que de sagesse. A votre exemple, je cueillerais bien volontiers des fleurs : mais, je vous l'avoue, j'ai une faim si grande, que..... En cueillerez-vous encore longtemps?... Je ne sais si j'ai pris assez de de vivres. Sont-ils suffisamment apprêtés, et pourrons-nous les manger sans assaisonnements? Rien n'empêche, ce me semble, que nous cherchions les moyens de nous régaler et de faire bonne chère..... Allons donc, ma soeur, vous amuserez vous toujours à la récolte de vos fleurs ? Pour moi, je ne sais pas bien la quantité que j'en ai amassée; mais je crois en avoir ce qu'il faut. Regardez combien j'en ai de bleues; cette couleur, je l'avoue, a pour moi plus de charmes.

Colombelle. Ne nous lassons point d'en recueillir de toute espèce : mais faisons, je vous prie, plus d'attention au mérite de l'odeur qu'à celui des nuances, et formons nos bouquets de toutes les espèces qui se présenteront à nous sur la route.... Mais que vois-je? celles que vous avez rassemblées, sont ternies et aussi sales, que si on les avait foulées aux pieds. Je crains bien qu'elles ne soient pas dignes d'être offertes à notre bien - aimé qui aime la propreté en toutes choses.... Au reste, il est bon que vous sachiez que les plus belles fleurs croissent ordinairement dans les chemins étroits et peu fréquentés, et qu'ainsi il nous importe de nous tenir à l'écart et de ne pas nous mêler dans la foule.

SENS SPIRITUEL.

Les surveillants dont il est fait mention dans ce Chapitre, sont les Anges, préposés pour nous conduire, nous garder, et prévenir nos chutes. Les taches, les souillures signifient les péchés et tout ce qui ternit la pureté de l'âme. La clarté du jour fait allusion à la vie présente. Les portes fermées désignent l'exclusion du Ciel; les bêtes farouches, les démons ( les anges déchus). Les fleurs représentent les vertus et leurs actes : celles qui sont ternies, marquent la négligence et la tiédeur dans la prière et la pratique des bonnes oeuvres. La Mère du bien - aimé est la sainte Vierge, notre protectrice auprès de son divin Fils.


CHAPITRE 4

Volontairette ne respirant que la bonne chère, consomme en quelques instants les provisions destinées au voyage.

Volontairette. Vos conseils seront suivis, ma chère soeur. Convaincue que l'accueil qui nous est destiné, répondra aux soins et aux précautions que nous aurons prises
dans la récolte de nos fleurs, mon étude sera désormais de choisir les plus belles et de les mieux conserver.... Mais, avant tout, pensons à manger; car je sens une
faim dévorante. Ouvrons la corbeille, et voyons si elle contient quelque chose qui plaise à mon appétit.

Colombelle. Je l’avais bien pensé, que vous ne tarderiez pas à vouloir manger... Mais au moins commençons cette action par la prière, et mangeons simplement pour
réparer et soutenir nos forces. Il convient de ménager nos provisions; car nous en aurons besoin pour la suite du voyage.

Volontairette. A quoi bon tant s'inquiéter? Pour moi, je ne consulte que l'appétit ; c'est de tous les conseillers le meilleur...... Ah! que je fais bonne chère!.. Il faut que
je m'en donne aujourd'hui jusqu'a satiété, et que je n'épargne rien.... Voyez - vous comme je mange sans nul apprêt , ni façon ? Car à quoi servent ces ustensiles de
table ? ils ne font qu'entraver la faim : aussi les ai-je jetés par terre.

Colombelle. Fi donc, ma soeur : devez vous ainsi vous livrer sans retenue à la plus basse gloutonnerie ? N'avez-vous pas honte de ne rien réserver de la portion
que nous a procurée la divine Providence, et de prodiguer ainsi les biens que le Ciel nous envoie? Ne valait-il pas mieux les garder pour le besoin, que de les gâter
et de les perdre, comme font les enfants mal élevés? D'ailleurs, les pauvres n'y avaient-ils pas quelques droits ? et vous les en avez frustrés.... Que votre conduite
m'afflige! j'en suis vraiment humiliée... Mais au moins, rendons grâces à Dieu qui nous a comblées de ses dons, et poursuivons notre route.

Volontairette. Vous parlez tout à votre aise. Pour moi, je ne puis partir : je sens que mon estomac a besoin de repos, et qu'il me serait impossible de marcher :
je souffre même à un tel point , qu'à peine puis-je me remuer.

Colombelle. Vous sentez enfin combien il est déraisonnable de porter aussi loin l'intempérance? Comment avez-vous pu oublier la promesse que vous m'aviez faite
d'être sobre, et ne pas réfléchir que vous regretteriez plus tard tout ce qu'a prodigué votre caprice? Sachez qu'il n'est rien de si bas, que de se livrer ainsi à ses appétits
désordonnés. C'est en ne ménageant rien, c'est en prodiguant tout, qu'on devient pauvre et misérable, et qu'on va finir à l'hôpital des jours déshonorés par tous
les excès. Hé, n'est-il pas honteux de se ravaler ainsi au-dessous de la bête qui ne mange pas au - delà de son besoin ? Ah, de grâce, ma soeur, efforcez-vous
d'acquérir la belle vertu de tempérance ; elle est la gardienne de la santé de l'âme et du corps;
elle nous concilie l'estime des personnes honnêtes et bien élevées,
elle nous conserve l'usage de la raison , et nous empêche d'exposer notre honneur à de funestes naufrages ; elle nous fait enfin trouver dans l'économie d'utiles ressources qui nous procurent les plus douces jouissances, celles de secourir le malheur, de soulager la misère, et de remplir les devoirs que prescrit la charité envers nos semblables.... Mais, dites-moi donc : où avez-vous laissé vos fleurs? les auriez-vous perdues?

Volontairette. Je vous certifie que je l'ignore. J'ai beau les chercher, je ne les retrouve plus.

Colombelle. Que vous êtes à plaindre , ma chère sœur, si, dans vos excès de gourmandise, vous avez eu le malheur de les perdre ! Ah, croyez-moi, retournez
sans délai à la rivière, et purifiez-vous de ces nouvelles souillures.

Volontairette. Je les déplore avec amertume et j'en rougis de honte. Je vais suivre votre conseil et me laver de nouveau. Hélas! je ne puis concevoir l'excès de ma folie qui m'a fait préférer une satisfaction vile et honteuse à la conservation de mes fleurs qui devaient être mon trésor. Je comprends maintenant que, si je ne veux pas me perdre sans ressource, il faut que je sois plus sobre et plus prudente : j'en prends ici la résolution...... Enfin me voilà nette, ma soeur ; je sors du bain, toute disposée à continuer le voyage. Mais je serais d'avis que nous suivissions ce petit sentier, pour éviter les accidents auxquels on est exposé sur le grand chemin...... Eh, ma bonne soeur, que je suis heureuse !
je retrouve ici les fleurs que j'avais perdues.

Colombelle. Je vous en félicite, et m'en réjouis avec vous. Mais remercions Dieu de la grâce qu'il vous accorde. Courage, chère soeur, marchons désormais avec
une ardeur toute nouvelle. Déjà nous approchons du terme de notre course ; achevons-la avec constance. Les douceurs et les aliments substantiels que nous a
laissés le bien-aimé, nous fortifieront et nous aideront à avancer vers lui. Ne nous occupons plus que du bonheur de le voir et de le posséder : rien n'est si doux que
de s'entretenir de ce que l'on aime. Il me semble toujours entendre sa voix pleine de charmes ; sans cesse elle parle à mon coeur et le pénètre. « Venez, disait-il avec
tendresse, venez, mon amie tendre et fidèle; levez-vous, hâtez-vous : venez à moi, vous qui êtes dans la peine, et je vous soulagerai.... » O aimable voix ! qui
pourrait vous résister et refuser de vous suivre ? quelles consolations et quelle force n'éprouve-t-on pas dans les travaux et les difficultés que l'on rencontre pour
arriver au plus parfait et au plus généreux des amis ! Que ces paroles sont tendres : « Venez, ma bien - aimée ! » quel délice de les entendre un jour sortir de sa
bouche !... Mais, que celles-ci seraient au contraire foudroyantes et terribles : « Retirez-vous de moi pour jamais !... » O vous, le désiré de mon âme, je viens, j'accours et je vous amène la plus chérie des soeurs : recevez-nous selon vos promesses, et nous vivrons de vous et en vous, sans craindre d'être trompées dans notre attente..... Ne
tardons plus, chère soeur, et marchons en toute diligence. Encore quelques moments, et nous achèverons notre pèlerinage, et nous parviendrons à l'objet aimable de nos désirs, pourvu que nous ne perdions pas en chemin cette pureté qui lui est si agréable et à laquelle il attache de si magnifiques récompenses. Hélas! vous n'avez déjà que trop éprouvé combien l'impureté est honteuse, et combien ses suites sont funestes. Fuyons avec horreur tout ce qui pourrait nous y entraîner; défions-nous de nous-mêmes et ne mettons que dans l'époux céleste notre force et notre confiance.

SENS SPIRITUEL.

Colombelle reproche à Volontairette, sa gourmandise et sa prodigalité qui lui font perdre le mérite de ses bonnes oeuvres figurées par les fleurs qu'elle avait recueillies.  Si celle-ci les retrouve, ce n'est qu'après s'être purifiée dans les eaux de la pénitence, dont la rivière où elle se baigne, est la figure.


CHAPITRE 5.

Colombelle se hâte de continuer son voyage. Volontairette ne pense qu'à s'amuser, et se plaît à considérer une troupe de Baladins.

Volontairette. C'est chose résolue, ma soeur : désormais je serai sur mes gardes et je n'agirai qu'avec la plus grande circonspection. Docile à vos sages avis, et
attentive à les suivre, vous trouverez en moi la douceur d'un agneau...... Mais, remarquez donc le bel endroit où nous entrons : que le site en est agréable! On
y célèbre, ce semble, la fête du village ; j'y aperçois une assemblée nombreuse. Ah, voyez, voyez comme ces gens sont gais et gaillards.

Colombelle. Tant pis : car ils sont vraiment à plaindre, de passer un jour de Dimanche dans la débauche, au lieu de le sanctifier par des œuvres de piété et de
miséricorde. Dieu veuille avoir pitié de leur aveuglement et leur ouvrir les yeux.  Pour nous, ma chère soeur, qui avons le bonheur d'être éclairées sur nos premiers
devoirs, entrons dans le motif de l'institution de la fête; sanctifions la par de pieux exercices ; cherchons notre plus doux délassement dans quelque bonne oeuvre, et montrons nous aussi recueillies, aussi modestes, que nous serons édifiantes et charitables : c'est ainsi que nous prouverons l'estime que nous faisons des vertus qui sont si agréables à notre bien-aimé. Mais, en les pratiquant, ayons soin de lui en rapporter toute la gloire, et n'attendons que de son secours et de sa protection l'heureuse issue de notre voyage.

Volontairette. Oh vraiment, je suis bien occupée d'autre chose.... Regardez, regardez ces comédiens , ces farceurs, ces divertissantes marionnettes... Ah ! ma
soeur, il faut nécessairement nous arrêter ici : que nous aurons de plaisir !... Pour moi j'en ris aux larmes....

Colombelle. Qu'alliez-vous y faire ? on n'y respire qu'un air empesté; on n'y voit que des costumes indécents ou des danses obscènes; on n'y entend que des chants
et des maximes contraires à la religion. Vous vous y êtes exposée aux regards des partisans de la débauche, et ils vous ont bafouée et accablée d'injures. Les personnes honnêtes, et surtout celles de notre sexe, ne doivent jamais paraître à ces sortes d'assemblées. Allons, ma soeur, nettoyez-vous, et, sans tarder, délivrez-vous du malaise que vous devez à votre nouvelle imprudence : mais regrettez surtout le temps précieux qu'elle nous fait perdre.

Volontairette. Vous avez beau dire, ma soeur, je ne saurais changer mes goûts,ni me priver de plaisirs, quand l'occasion s'en présente. Si l'arc était toujours bandé, il finirait par se rompre. Vous êtes d'une sévérité qui révolte : selon vous, il faudrait donc ne jamais s'amuser en ce monde ? Et moi je veux rire et me donner de la joie tant que je
pourrai.

Colombelle. Il est quelquefois permis de se récréer, j'en conviens : mais il ne faut point que les plaisirs nous fassent oublier et négliger nos devoirs : or, il est
difficile que les divertissements profanes ne nous en inspirent le dégoût : souvent même ils nous exposent à des chutes funestes qui sont suivies de remords et
d'amertume : ils sont au moins la plupart superficiels et passagers; au lieu que les plaisirs que se permet la vertu, s'accordent toujours avec elle et produisent une joie
parfaite et durable. Tel est celui que nous goûtons , en nous occupant de notre bien-aimé et de l'amour qu'il nous témoigne. Quelle sera donc notre félicité,
quand nous lui serons unies par des liens inaltérables que nul dégoût, nul remords et nulle inconstance ne pourront affaiblir ?.... O fidèle Ami!  Votre nom ne peut être prononcé, sans remplir mon âme des sentiments les plus doux. Eh ! de quelles délices ne serai-je point enivrée, quand votre gloire se manifestera pleinement à mes yeux ! Peut-on comparer ces chastes délices aux plaisirs empoisonnés du siècle qui toujours nous exposent au plus fatal avenir?.... Mettons à profit ma soeur, le temps qui nous reste, et ne nous hasardons plus à perdre la félicité éternelle, pour celle de cette vie qui n'en est que l'ombre.

SENS SPIRITUEL.

Les avis de Colombelle font connaitre dans quel esprit nous devons sanctifier les jours du dimanche, et quelles dispositions nous devons apporter aux exercices de la Religion. Ils nous apprennent à fuir les spectacles immoraux d'où l'on ne rapporte que des impressions nuisibles qui salissent l`âme et tourmentent, en préjudiciant aux moeurs; à ne chercher enfin la joie pure et solide, que dans la pensée de Dieu, dans la pratique de la vertu chrétiennes et dans l'espoir des récompenses qui lui sont promises.


Dernière édition par MichelT le Lun 21 Oct 2019 - 1:43, édité 1 fois

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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LE PÈLERINAGE DE DEUX SOEURS, VERS LEUR BIEN-AIMÉ DANS LA CITÉ DE JÉRUSALEM - Belgique - 17 eme - Allégorie Empty Re: LE PÈLERINAGE DE DEUX SOEURS, VERS LEUR BIEN-AIMÉ DANS LA CITÉ DE JÉRUSALEM - Belgique - 17 eme - Allégorie

Message par MichelT Lun 21 Oct 2019 - 1:42

CHAPITRE 6

La vue d'un Paon qui épanouit ses belles plumes, inspire à Volontairette des désirs de parure , et l'empêche d'apercevoir un tas de boue où elle s'enfonce.

LE PÈLERINAGE DE DEUX SOEURS, VERS LEUR BIEN-AIMÉ DANS LA CITÉ DE JÉRUSALEM - Belgique - 17 eme - Allégorie Paon-4-083221

Volontairette. Ho! ma soeur , voyez donc ce bel oiseau sur cette galerie : remarquez sa superbe huppe, son col plein d'éclat , le brillant plumage de sa queue épanouie, la noblesse de son port, tout l'ensemble de sa ravissante parure. Ah ! qu'il est beau, et que j'ai de plaisir à le contempler !.. Son vêtement enchanteur fait naître en moi le désir d'en imiter l'élégance, de me procurer de riches étoffes et de m'habiller au goût du siècle. Car, après tout, le simple et modique accoutrement que je porte, ne m'attire que le dédain et l'oubli; au lieu que si j'étais élégamment vêtue, je me ferais remarquer et recueillerais plus d'hommages. Car, si les vives couleurs de ce bel oiseau fixent les regards, la parure et les ajustements de notre sexe arrêtent aussi ceux du beau monde et en obtiennent les distinctions les plus flatteuses. Pouvez - vous disconvenir , ma soeur , de tout l'ascendant d'une mise recherchée ? Mais au reste, et quoique vous puissiez dire, j'en ai pris le parti, je veux décidément, me mettre à la mode.

Colombelle. J'avais bien raison de craindre que les marionnettes et les histrions ne vous eussent gâté l'esprit et le coeur : vous m'en donnez ici la preuve , et m'offrez en même - temps un contraste qui vraiment fait pitié; l'état où je vous vois , cadre bien mal avec vos prétentions à l'élégance. Regardez vos pieds, et vous rougirez de la fange dont ils sont couverts. Le Paon, privé de raison, n'éprouve aucun regret d'avoir marché dans la boue : mais vous, n'auriez-vous pas sujet de vous humilier de n'avoir pas sçu vous en garantir ?.. Comment donc avez-vous pu vous souiller ainsi ?

Volontairerette. Ce malheur vient de m'arriver à l'instant. J'ai, par mégarde , mis le pied dans un tas d'immondices qui se sont attachées à ma chaussure et m'empêchent de marcher.

Colombelle. Vous ne l'aviez, hélas ! que trop mérité. Mais un sort plus funeste vous attend, si d'après les idées extravagantes que vous a inspirées la vue d'un oiseau embelli par la nature, au lieu d'en admirer l'auteur, vous persistez à désirer ce qui aurait pour vous, comme pour tant de personnes vaines et imprudentes, des résultats si terribles. Vous perdriez un temps précieux à vous parer, à vous friser, à vous adoniser, à consulter le miroir et à vous y contempler avec complaisance, et vous tomberiez dans cette espèce de folie.

Hélas! combien de jeunes personnes se perdent par un goût de parure et de frivolité poussé jusqu'à l'indécence ! comptent-elles pour rien les impressions déshonnêtes et scandaleuses quelles occasionnent et dont elles auront à répondre ? Ont - elles réfléchi que d'aussi vaines dépenses entraînent le plus souvent après elles la ruine des familles, et, ce qui est plus déplorable, la perte des vertus qui honorent le plus notre sexe ?.. Croyez moi , ma soeur , soyez toujours vêtue modestement et sans affectation , si vous voulez conserver l'estime des personnes honnêtes qui voient dans un extérieur modeste le symbole de la candeur et de la pureté des moeurs. En vous conduisant ainsi, vous n'aurez pas, il est vrai, l'approbation des insensés; mais vous en serez bien dédommagée et par le témoignage de votre conscience et par le suffrage unanime de ceux qui aiment et apprécient la vertu.

Volontairette. En vérité, ma soeur, vous renversez toutes mes idées, quand vous prétendez que la parure et les ajustements ne méritent aucune estime, tandis que généralement on les recherche et qu'on leur prodigue les égards.

Colombelle. Ma soeur, je l'ai dit et je le répète; une jeune personne dont l'extérieur propre, décent et honnête annonce la modestie, ne peut qu'être estimée des gens de bien et respectée même de ceux qui ne le sont pas. Les hommes sensés sont justement indignés des extravagances , de notre sexe, et n'en sont pas les dupes : notre imprudence les rend plus sages et plus circonspects. Ainsi, croyez-moi, ne cherchons point à nous relever à leurs yeux par un vain appareil de parures qui me nous convient sous aucun rapport.

Nous avons un but bien autrement préférable : nous touchons au moment d'être reçues chez notre bien-aimé; et c'est – là que, sans dangers, nous brillerons, comme le soleil, des plus vives clartés : l'éclat de l'or et des pierreries ne peut être comparé à celui dont nous y serons revêtues.  Élevons donc nos pensées et nos vœux vers l'objet infiniment aimable, conjurons-le de détourner nos yeux des objets profanes, de peur qu'ils ne s'attachent à la vanité, et n'ayons d'autre prétention , que celle de cueillir et d'amasser, pour sa gloire, les fleurs qui lui sont les plus agréables. Le véritable amour s'oublie lui-même et ne s'occupe que du bien-aimé: lui sacrifier quelques jouissances momentanées et incapables de remplir nos coeurs, c'est travailler avec certitude à nous rendre heureuses à jamais.

Volontairette. Eh quoi ma soeur, vous voulez donc m'assujettir à ne m'occuper que de fleurs et même à ne cueillir que les plus belles; c'est la chose impossible : où les chercher ? où les trouver ? et puis, n'a-t-on pas souvent bien d'autres choses en tête ?

Colombelle. Je vous comprends, et sans doute les marionnettes, les baladins et la roue du paon , dont votre esprit est plein, sont pour vous des choses bien plus importantes. J'aperçois dès lors que vous ne cherchez qu'à retarder notre arrivée, et que vous n'avez nul désir, nulle ardeur de voir celui auquel nous devons uniquement aspirer.

Volontairette. Hé mais, vous êtes aussi par trop exigeante : quoi, toujours penser à ce que je ne vois pas?.. Non, certes, et ne vous en déplaise, je dirai, sans façon , que ce qui frappe mes sens, me touche et me satisfait plus que tout le reste, et que le présent, à mes yeux, l'emporte sur l'avenir.

Colombelle. Que dites-vous, ma soeur, et à quoi vous entraîne ce désir inconsidéré de jouir du présent?... Ah! si mes conseils trouvent en vous si peu d'égards, si les promesses infaillibles de notre bien-aimé, si la sublime destinée qu'il nous réserve, font si peu d'impression sur votre coeur ; peut-être vous laisserez-vous toucher par les misères affreuses dont il peut et saura vous accabler; faites au moins, par une sage prévoyance et par une crainte salutaire, ce que le seul amour devrait vous inspirer. Hélas ! ma chère soeur, que votre état serait déplorable, si vos désirs et vos espérances se bornaient au court espace de cette journée qui va finir, et si, pour l'avoir employée aux bagatelles et aux folies qui vous enchantent , vous perdiez le bonheur ineffable qui nous est offert !


CHAPITRE 7

Volontairette témoigne beaucoup de répugance pour les pourceaux. Colombelle lui donne des avis sages et raisonnables.

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Volontairette. Ma soeur, vous m'alarmez horriblement, en me faisant apercevoir les malheurs extrêmes dont nous serions les tristes victimes, si, par notre faute,
nous étions exclues du palais de notre bien-aimé. Je vais en conséquence être plus circonspecte, vous écouter avec plus d'attention et me conduire avec plus de sagesse. Car, en vérité, je ne puis disconvenir que vous n'ayez raison dans les avis que votre prudence et votre charité me donnent. Je vois, comme vous me l'aviez annoncé, que notre route est semée d'immondices; mais, ce qui m'étonne, c'est que ces vilains pourceaux que nous rencontrons ici, n'en ont aucune horreur. Regardez comme ils se vautrent dans la fange et semblent même y prendre plaisir. Si, les sales, les puantes bêtes! Elles me font mal au coeur, et peu s'en faut que je n'en éprouve une sorte de défaillance.

Colombelle. Vous voilà devenue bien délicate, ma soeur : mais au moins pouvez vous tirer de l'émotion que vous ressentez, quelque leçon utile. Apprenez à avoir
l'impureté en horreur et à éviter les souillures que l'on contracte en un instant et dont on ne se nettoie qu'avec beaucoup de peine.

Volontairette. Vous me faites beaucoup d'honneur de me comparer à des pourceaux, et vous avez belle grâce de me reprocher la saleté, comme si j'y étais plus exposée que vous. Non non, soyez tranquille; je ne crains rien, parce que je saurai me tenir sur mes gardes.

Colombelle. Vous ferez bien ma soeur; mais vous ferez mieux encore de vous défier de vous-même.... N'ayons au reste sur ce que nous voyons, que des idées
justes et raisonnables. C'est souvent à tort que l'on condamne les animaux qui certainement n'agissent que par instinct, tandis que l'on est soi-même si digne de blâme, en n'écoutant ni la raison que Dieu nous a donné, ni les inspirations dont il nous favorise.

Volontairette. Mais dit - moi donc, ma soeur, à quoi sont bons ces pourceaux ? partout ils font horreur ! leur saleté; ils n'ont rien d'aimable, rien qui ne répugne; ils ne font que grogner, gronder et mordre ; tout en eux produit l'horreur.

Colombelle. Encore une fois, gardez-vous de vous livrer à une critique téméraire et peu réfléchie. Si vous cherchiez mieux à connaitre les desseins du Créateur, vous
sauriez qu'il a donné aux animaux de chaque espèce , leurs penchants , leurs propriétés, qui les distinguent les uns des autres; que tous sont bons et utiles dans
l’ordre de sa providence, quoique souvent ils paraissent nuisibles ou incommodes aux hommes. Ceux dont vous faites une peinture si désagréable, n'ont rien d'attrayant , je l'avoue : cependant , sous différents rapports, nous pouvons en retirer bien des avantages : leurs corps, bien apprêtés, fournissent à nos tables des mets recherchés.

Il n`est point jusqu'aux défauts que nous remarquons en eux qui ne puissent nous porter a la fuite de quelque vice, à la pratique de quelque vertu. Leur pente à se vautrer dans l'ordure, peut nous inspirer l'horreur de toute affection déréglée; leur grognement, peut nous apprendre à éviter l'humeur qui altère la charité fraternelle ; leurs cris rauques et perçants, à détester les injures, les querelles qui troublent la paix et l'union avec le prochain; leurs morsures, à éviter celles plus dangereuses que cause la médisance; enfin leur gloutonnerie peut nous inspirer l'éloignement des excès et le goût de la sobriété et de la tempérance. Ce peu de réflexions suffira, j'espère, pour vous empêcher désormais
de condamner les choses qui vous paraissent mauvaises, sans les avoir suffisamment approfondies ; et cette utile précaution vous rendra prudente et sage.

Volontairette. Mais, ne le suis-je point assez, et que me manque-t-il sur cet article ? Je puis au reste très-facilement m'abstenir de la critique, pourvu que je
trouve ailleurs mon plaisir...... Ho ! ho! qu'aperçois-je dans ces champs? Ce sont, si je ne me trompe, des agneaux et des veaux, qui bondissent dans ces
pâturages assez éloignés. J'y cours à l'instant pour les voir de plus près,

Colombelle. Eh! ma soeur, de grâce, ne perdons point notre temps à nous amuser aux ébats de ces jeunes animaux : nous aurons des amusements et plus nobles
plus dignes de nous, quand nous serons arrivées au palais où abondent les plaisirs purs et durables.... Ah ! mon bien-aimé , vous seul êtes l'objet auquel tendent tous
mes désirs, auquel se rapportent toutes mes démarches et tous mes pas. Quand je pense aux délices que font goûter vos banquets magnifiques , aux chants de
triomphe et d'allégresse dont retentit l’enceinte de Jérusalem , mon coeur se dilate et s'enflamme, mon âme, transportée vers cet heureux séjour, s'unit au bien suprême, et se perd dans cet océan de perfections. Oh ! qu'il me tarde de partager la félicité des âmes pures qui déjà le possèdent ! qu'il me tarde de contempler mon bien-aimé dans l'aimable compagnie de ces Vierges illustres, de ces héroïnes de notre sexe, revêtues de robes étincelantes de blancheur , couronnées des lys et des roses qu'elles ont ici bas recueillies , et portant les palmes de leurs victoires !... C'est-là, ma soeur, où nous attendent la gloire , les richesses , les chastes jouissances; c'est-là , que nous sont préparées des demeures dont l'éclat surpasse celui de l'astre du jour. Là, se présenteront à nos yeux enchantés les vastes et superbes jardins qu'à tracés la main du maître qui les habite; là, des bosquets pleins de charmes, des gazons émaillés de superbes fleurs, exhalent de toutes parts les parfums les plus exquis ; là, règne un printemps perpétuel que jamais ne précédent les frimas de l'hiver et que n'altèrent point les brûlantes ardeurs de l'été, Nous nous y reposerons à l'ombre des plants majestueux qui décorent ce magnifique séjour, et sur le bord des limpides ruisseaux dont le murmure invite au repos le plus doux. Mais, que dis-je ? nous le goûterons ce délicieux repos dans la société intime de l'objet souverainement aimable qui seul, possédant tous les biens, sera aussi seul notre amour, notre gloire, notre félicité.

Lui-même nous conduira , nous accompagnera sans cesse, et toujours nous lui serons unies par des liens indissolubles... De si belles espérances vous permettent-elles de croire, ma soeur, que les plaisirs et les biens de ce monde soient dignes de nous et puissent être comparés à ceux qui nous attendent ? Cessez donc d'attacher quelque prix aux chétifs amusements qui trop souvent retardent notre course, et désormais ne perdons plus un instant, pour arriver à notre but.

SENS SPIRITUEL.

Volontairette toujours légère et capricieuse, ne cherche qu'à s'amuser, sans se mettre en peine ni du temps qu'elle perd, ni des souillures qu'elle peut contracter : et si quelquefois elle convient de ses torts, bientôt elle les oublie ou veut les justifier. Colombelle au contraire, toujours constante et fidèle , ne s'occupe que de l'objet dont son coeur est épris. Exempte de la plupart des faiblesses ordinaires à l'humanité, elle supporte celles des autres, ne présume point de ses forces , et, s'appuyant sur celles du Tout-puissant , elle avance vers le Ciel où tendent tous ses désirs.


CHAPITRE 8

Volontairette cherche à s'attirer des louanges : elle s'élève, tombe, et devient un objet de risée.

Volontairette. Dites-moi , ma Soeur, qu'est-ce donc que cette assemblée nombreuse où j'aperçois tant de gens qui fixent sur nous les yeux, comme s'ils étaient surpris de nous voir ? Je crois entendre qu'ils parlent de nous. Marchons plus lentement, je vous prie, afin que nous puissions recueillir quelques-unes de leurs paroles.... Entendez-vous l'éloge qu'ils font de notre mise simple et modeste ?.. Oh, pour le coup, il n'y a plus à balancer : je renonce aux modes et aux colifichets, et suis obligée de convenir qu'un habillement peu recherché suffit pour nous concilier l'estime et même la considération.

Colombelle. Si ces bonnes gens vous eussent aperçue en certaine circonstance moins favorable à votre vanité, je doute fort qu'ils eussent loué votre accoutrement et surtout votre chaussure. Mais, dans ce moment-ci, l'opinion que leur fait concevoir de notre mérite la vue seule de notre extérieur, ne parait pas assez fondée : car la simplicité du vêtement ne donne pas une garantie suffisante des qualités intérieures qu'elle annonce.  L'on peut, vous le savez, cacher beaucoup de vices et de défauts sous les dehors de la régularité et de la vertu, Au reste, si nous voulons moins exposer nos vêtements aux souillures et aux accidents du voyage, abrégeons-en le cours, hâtons notre arrivée à Jérusalem, et conservons avec soin la modestie et la vertu qui nous en faciliteront l'entrée..... Quelles doivent être, ô mon bien-aimé, ma vigilance et mes précautions, pour ne point souiller et endommager le vêtement avec lequel je paraîtrai devant vous! et quand arrivera le moment heureux où vous-même me revêtirez de celui qui jamais ne perdra son lustre et sa splendeur !... Mais, où vous arrêtez vous encore , ma soeur ? et comment pouvez-vous prendre plaisir à écouter de fades éloges ?

Volontairette. Ne me grondez pas, je vous prie.... Voici des fleurs que je viens de cueillir.. Mais, avant tout, il faut que je vous dise l'accident qui vient de m'arriver.... Avez-vous remarqué, dans le lieu où ces villageois sont assemblés, une vieille masure dont le sommet était couvert de fleurs jaunes? J'y suis montée, et dans le temps que j'en cueillais, la muraille s'est écroulée et m'a entraînée dans sa chute : mon chapeau est tombé dans la boue, et mes vêtements ont été souillés et déchirés. Ce qui me touche le plus, c'est que ces vilains, et notamment une femme impertinente, se sont divertis de ma chute et m'ont huée avec une insolence extrême.

Colombelle. Pourquoi donc vous trouviez-vous en pareille société ?.. La vanité que vous ont inspirée leurs louanges, est cause de votre chute. Vous aviez oublié
sans doute que celui qui s'élève sera humilié. Vous êtes montée sur cette masure plutôt pour vous attirer des éloges, que pour y cueillir des fleurs : et les bons
villageois ne se sont pas trompés sur le motif qui vous y conduisait , ni sur la chétive qualité des fleurs qui en étaient le prétexte : elles sont en effet si communes,
que vous pouvez les jeter sans regret. Remerciez Dieu d'avoir échappé à un si grand danger et de n'avoir reçu que de légères meurtrissures.

Volontairette. Et vous ne comptez donc pour rien les fatigues et les peines de ma malheureuse entreprise ? S'il faut en perdre le mérite, je me dévoue à la nullité la
plus absolue, et ne veux plus penser qu'à chercher mes aises et à me donner du repos.

Colombelle. Vous raisonnez à faire pitié: car, dites-moi, quelle estime vouliez-vous qu'on fit de ces fleurs qui d'elles-mêmes n'ont aucun mérite, et que vous avez
gâtées en les cueillant? En cet état, pourraient-elles attirer les regards de notre bien-aimé, ou fixer son choix en notre faveur? Elles n'ont pas même obtenu le
suffrage de ceux dont vous aviez mendié les applaudissements. Ne vous avois-je point fait sentir l'inconvenance de chercher des fleurs dans les lieux fréquentés par la foule ? Outre qu'elles y sont chargées de poussière, elles ne peuvent y être recueillies avec autant de soin et de discernement que dans la solitude : c'est dans les lieux écartés, que l'air pur leur conserve une fraîcheur et une odeur admirables que leur fait perdre l'air infect et contagieux ! des endroits habités.... Mais, ma soeur,  considérez, je vous prie, combien de temps nous font perdre vos excursions fréquentes Sans cesse je suis contrainte de m'arrêter pour vous attendre...... O mon , bien-aimé! pourquoi faut-il, hélas! que je trouve tant d'obstacles à l'empressement qui me porte vers vous ? Que ne puis-je enfin triompher de la légèreté et de l'inconstance d'une soeur que j'aime avec tendresse! Que ne m'est-il donné de l'entraîner avec moi, et de la réunir au plutôt à vous, pour répondre à vos tendres avances ! Quelle est ma douleur et mon tourment de voir ainsi se prolonger mon pèlerinage ! Ah! qui me donnera des ailes comme à la colombe, afin que je puisse voler et me reposer en vous qui êtes l'objet de mes désirs !

SENS SPIRITUEL.

L'esprit d'humilité doit inspirer et accompagner la simplicité dans les habits. L'on voit cependant des personnes modestement vêtues, qui semblent en cela mendier l'approbation des hommes; ce qui, sous un extérieur humble en apparence, cache un fonds d'orgueil et de vanité, cause ordinaire de chutes humiliantes. Toute œuvre ou tout acte de vertu, fait par un motif de vanité, ne peut être un titre auprès de Dieu, pour obtenir ses récompenses éternelles.


CHAPITRE 9

Volontairette cherche à se venger des outrages qu'elle croit avoir reçus des paysans; et elle me s'attire que blâme et ignominie.

Volontairette. Je n'en puis plus, ma soeur.. Je succombe de lassitude, de chaleur et de dépit....

Colombelle. Bon Dieu! Que vois-je?... votre figure, pleine de boue, est méconnaissable.... D'où venez-vous, et pourquoi êtes-vous si agitée ?

Volontairette. Laissez-moi respirer un instant, et je vous dirai tout....... Voici ma cruelle aventure, Piquée au vif contre la paysanne dont je vous ai parlé, j'enrageais de n'avoir pu, au milieu de la foule qui l'encourageait, lui sauter au visage. Je pris donc le parti de dissimuler, et me jurai à moi - même de venger cet affront. Tandis que j'en méditais les moyens, une Cardeuse de laine est venue me dire beaucoup de mal de cette vilaine femme qui l'avait aussi injuriée, et m'a proposé de me joindre à elle pour mieux concerter notre vengeance : j'en ai saisi l'occasion avec un singulier plaisir, et j'ai donné aveuglément dans le projet qu'elle-même avait formé.

Nous sommes convenues que nous accuserions notre commune ennemie d'avoir  volé le chapeau de ma complice, et j'ai promis d'attester la réalité du larcin. Sans délai
nous nous sommes mises à l'œuvre, et ma Cardeuse est allée porter sa plainte au juge : je l'ai accompagnée et j`ai fait serment que son mensonge était la vérité. Le juge
a d'abord trouvé notre démarche assez ridicule : il s'égayait à nos dépens, et voulait nous éconduire; mais un présent, que nous lui avons adroitement glissé, l'a fait changer de ton, et l'a rendu favorable à notre cause. Ayant donc fait paraître l'accusée, et l'ayant entendue, il l'a condamnée à rendre ou à payer le chapeau, et, pour réparation publique, à être menée par tout le village avec un chaperon de folle sur la tête. Pendant cette séance juridique, une aventure assez plaisante m'a fort amusée : le juge, voulant passer le pot à l'encre au greffier qui devait rédiger la sentence, l'a totalement répandue sur ses habits; ce qui l'a mis dans une telle colère, qu'il a juré comme un païen, et qu'il nous a envoyées à tous  les diables... La sentence n'en a pas moins reçu son exécution. La villageoise a été conduite dans tous les coins du village, à travers les huées du peuple, et nous avons joui tout à notre aise, du plaisir de nous moquer d'elle à notre tour...

Mais bientôt, hélas! l'affaire a changé de face. Le frère de la prétendue coupable, jeune homme adroit et plein de moyens, est parvenu à découvrir la trame de notre complot; il a prouvé avec évidence que l’accusation et le témoignage qui l'appuyait, étaient faux ; il a démontré que mon arrivée dans ces lieux, étant du jour même, et par conséquent, postérieure au prétendu larcin, je n'avais pu, sans l'imposture la plus honteuse et sans un horrible parjures attester un délit dont je n'avais été, ni pu être témoin. D'après des preuves aussi convaincantes, les jeunes-gens du village se sont saisi de nous et nous ont conduites chez le juge d'appel, pour qu'il revît toute la procédure. Il a ordonné que nous fussions interrogées séparément en sa présence. Mandée la première , l'on m'a interpellée de dire quelle était la couleur du chapeau volé? Interdite et déconcertée;
mais forcée de m'expliquer sur le champ, j'ai répondu qu'il était jaune. De suite, on a introduit la plaignante qui, non moins embarrassée que moi, a répondu que le chapeau était noir. L'imposture ainsi manifestée nous a l'une et l'autre couvertes de honte et de confusion. Le juge d'appel, après nous avoir sévèrement réprimandées, nous a condamnées, pour réparation d'honneur, à porter dans le village, ma complice un chaperon de folle noir, et moi un jaune... Et la canaille aussitôt de nous huer, en courant après nous. Tous les habitants, assemblés sur la place publique, ont été les témoins de notre infamie et ont joui de nous voir accablées d'injures et de boue... Après l'exécution de cette rigoureuse sentence, je n'ai cherché qu'à me soustraire à tous les regards, et me suis sauvée chez ma Cardeuse où nous nous sommes barricadées : mais déjà l'on se disposait à enfoncer la porte, lorsque , m'esquivant par celle de derrière et franchissant haies et fossés, je suis accourue vers vous dans l'état où me voici.

Colombelle. Ha! ma soeur, est-il possible que vous ayez pu vous oublier à ce point, et tomber aussi lâchement dans le crime le plus détestable ? Ne saviez-vous pas que
le faux témoignage et le parjure sont en horreur à Dieu et aux hommes? Ne saviez Vous pas que la vengeance est réservée au Seigneur? Qui donc vous a donné le droit de l'exercer vous-même et d'ajouter à la perfidie le plus honteux mensonge pour venger un affront prétendu qu'a grossi votre orgueil?
Vous avez perdu votre honneur, votre âme, votre salut éternel; vous vous êtes attiré à vous-même plus de maux, que ne pouvaient vous en faire vos ennemis les plus acharnés et, dans cet horrible état, vous vous croiriez suffisamment en repos près de moi, sans penser qu'à tout instant vous pouvez tomber dans les mains bien autrement redoutables d'un Dieu vengeur du crime ?..

Ah! quel serait votre malheur, si votre conscience se fermait au remords, comme elle s'est endurcie dans l'exécution de vos projets criminels ! Réfléchissez sérieusement à la folie et aux suites fatales d'un plaisir dont la durée a été si courte et qui ne vous laisse qu'un long et cuisant repentir... Instruite à vos dépens par ce qui fait maintenant votre honte, devenez enfin sage et circonspecte. Mais qu'avant tout, une pénitence proportionnée à la grièveté de votre faute, vous ramène au plutôt dans l'heureux sentier de la vertu.

Volontairette. Ah, ma soeur, qui l'eut cru, qu'un complot si secrètement concerté, eut jamais pu transpirer et m'attirer un tel sort !

Colombelle. Vous vous connaissez bien peu vous-même, ma chère; car il suffisait que vous vous en fussiez mêlée, pour qu'il devint public. Ainsi, ne soyez surprise ni
de sa funeste issue, ni de la honte dont il a été suivi.

Volontairette. Mais le Juge même avait donné dans le piège et prononcé conformément à nos désirs.

Colombelle. Faut-il s'en étonner? Votre présent lui avait fasciné les yeux et l'avait porté à commettre la plus horrible injustice. L'encre répandue sur ses habits, semblait lui en reprocher toute la noirceur. Au reste, quand votre criminel complot eût dû à jamais être enseveli et soustrait à la connaissance des hommes, ne suffisait-il pas, pour vous en abstenir, que votre conscience en sentit toute l'horreur, et que Dieu en fut le témoin ? Cessez donc d'en aggraver l'énormité par votre obstination à le justifier : pensez plutôt à faire disparaître par une humiliation profonde, les souillures affreuses qui vous couvrent toute entière, et à réparer l'honneur de la villageoise que vous avez si injustement flétri.

Volontairette. Mais ne suis-je pas suffisamment acquittée sur ce point, par la réparation publique à laquelle j'ai été condamnée ?

Colombelle. Parlez plus sagement, ma soeur, et dites qu'ayant regret de vous être attiré cette ignominie, vous ratifiez de bon coeur et en esprit de pénitence
cette réparation que vous avez faite malgré vous... Si telles sont vos dispositions, suivez moi, venez à la rivière, et efforcez-vous d'y laver et faire disparaître les taches
horribles qui vous rendent méconnaissable. Cachez, en y allant, votre difformité par le maintien le plus modeste, de peur que les chiens eux-mêmes ne vous attaquent et ne vous fassent aussi sentir leurs morsures.

Volontairette. Ah! ma soeur, je me rends à de si pressantes et charitables exhortations. Vous touchez mon cœur jusqu'aux larmes. Je confesse ma malice, je la déplore, je m'en repens de toute mon âme et je désire en être purifiée. De ce pas, je vous suis à la rivière et vous proteste que je veux m'y laver si soigneusement, qu'il ne reste en moi aucune trace de mes souillures.

Colombelle. Nous voici près des eaux salutaires.. Je vais m'y laver avec vous : car on ne peut être trop pur, pour se présenter au bien-aimé, aux yeux duquel
rien n'échappe.....

Volontairette. Ah ! que je suis maintenant à l'aise ! rien ne me gêne, rien ne me pèse. Il ne me manque que les fleurs que j'ai laissées chez la Cardeuse, où il me
prend envie de les aller chercher.

Colombelle. J'y consens : mais soyez sur vos gardes, de peur de vous salir encore : car l'huile qu'emploie cette femme, en cardant sa laine, pourrait vous tacher, si
vous vous en approchiez sans précautions.

Volontairette. Ne craignez rien, ma soeur : je serai sur mes gardes... Je pars....

A la Cardeuse. Eh bien, ma bonne, comment vous portez-vous, et comment vous êtes vous tirée des mains de cette insolente canaille?

La Cardeuse. Ah! Madame, que j'ai eu à souffrir de ces coquins qui ont failli de m'assassiner dans ma maison !.. Voyez comme ils m'ont maltraitée..... Et vous,
qu'avez-vous donc fait, pour être si propre et si nette?.. Mais, à propos, que pensez vous de cette diablesse de femme ? Oh ! par la corbleu, elle n'est pas encore hors
de mes mains : je veux me venger à la première occasion.

Volontairette. Avouons, entre nous, qu'en tout ceci il y a eu beaucoup de notre faute. Nous avons été fort imprudentes de porter la chose à cette extrémité. Nous
aurions dû, pour toute vengeance, nous contenter de rire et de plaisanter; nous nous serions épargné bien des affronts. Mais ce qui est fait, est fait, et le meilleur
parti, ce me semble, est d'oublier et de pardonner.


La Cardeuse. Toutes réflexions faites, je crois, madame, que vous avez raison, et que le plus sûr est d'ensevelir tout dans le silence.

Volontairette. Faites-le pour votre repos ma chère, vous vous en trouverez bien..... Mais, je cherche ici des fleurs que je crois  y avoir laissées..... Ah! les voilà : que je
suis heureuse de les retrouver ! Je cours les porter à leur destination, et je ne puis tarder. Adieu donc, ma chère ; je vous quitte a regret.

A Colombelle. Eh bien, ma soeur, me voici cependant avec mes fleurs : j'en suis ravie et toute glorieuse. Ah! c'est maintenant que je vais marcher avec courage et sans
crainte,

Colombelle. Remerciez Dieu qui vous les rend, et demandez-lui la grâce de les conserver avec plus de vigilance, en réglant mieux vos démarches. Réfléchissez souvent aux tristes effets du péché : à peine est-il conçu, qu'il fatigue et inquiète l'esprit; et, dès qu'il est consommé, il devient le tourment le plus cruel de l'esprit et du coeur, et répand l'amertume sur les plaisirs les plus innocents, dont la vertu seule goûte en paix la douceur.


SENS SPIRITUEL.

On voit ici combien la vengeance est aveugle et méprisable dans les moyens qu'elle emploie et combien les suites en sont malheureuses, et ce qu'il en coûte pour en expier et en réparer l'injustice.


CHAPITRE 10

Volontairette, toujours infatuée d'honneurs et de vaine gloire, fait une nouvelle chute dont elle est blessée.

Volontairette. J'avais bien raison de vous dire, ma soeur, que je me comporterais avec sagesse dans ma visite à la Cardeuse de laine. Oh ! je m'y suis conduite comme
un ange : les moyens que j'ai employés pour assoupir notre fâcheuse affaire, et pour amener le silence et la paix, me font, certes, le plus grand honneur; j'ai lieu de m'en applaudir et de compter désormais sur ma prudence : on peut, je  crois, dans l'occasion, y avoir recours et s'en rapporter à mes conseils : sur ce point, ma réputation paraît assurée...... Mais, je tombe, je tombe... Secourez-moi, ma soeur... Ah ! je suis blessée.

Colombelle. Vos chutes me font séché d'effroi. Qu'avez-vous ? que sentez-vous, ma bonne soeur ? ne me cachez rien........ Voyons, examinons.…. Après toutes mes recherches, je n'aperçois qu'une boursouflure à la tête, et j'espère qu'elle n'aura d'autre suite, que de vous inspirer moins de confiance en vos propres forces... Mais,
dites-moi, comment avez-vous pu vous exposer encore à cette rechute ?

Volontairette. Je m'amusais à regarder un aigle majestueusement perché sur le haut de cette tour, et me disais à moi même : Qu'il est doux, qu'il est ravissant de se voir ainsi élevé! Ne semble-t-on pas, à cette hauteur, commander l'admiration, le respect et tous les hommages ?... J'enviais l'heureuse destinée de cet oiseau, je planais avec lui dans les airs, je me perdais dans les nues, et n'apercevais pas la fosse fatale où j'allais tomber.

Colombelle. Que l'ambition est aveugle, ma chère soeur, et que ses suites sont humiliantes et funestes ! Vous ignoriez sans doute les dangers auxquels s'exposent
ceux qui recherchent les honneurs et les dignités : vous ignoriez que les précipices sont ordinairement près des hauteurs, et que plus on est élevé, plus le péril est grand et la chute dangereuse. L'air subtil des lieux hauts fait tourner la tête : on y essui des tempêtes et des commotions violentes , et peu de gens savent s'y soutenir... Ah ! gardons-nous donc, ma soeur, d'aspirer jamais aux premiers rangs ; n'envions point la gloire si courte et si fragile des prétendus heureux du siècle; bornons notre ambition à nous avancer dans les vertus de notre état; aimons toujours mieux obéir que commander, et croyons que les voies simples et unies que nous trace la Providence, sont pour nous les plus sûres et les plus proportionnées à notre faiblesse..... O mon bien aimé peut-on vous connaitre, et désirer les vains honneurs de ce monde? Peut-on se bien connaitre soi-même, et chercher le mérite dans l'élévation ?  Votre gloire, ô mon bien-aimé, et le bonheur de la partager bientôt, est l'unique but auquel nous devons prétendre.... Courons donc, et volons à lui, ma chère soeur; avançons avec courage vers l'heureux terme où lui même nous élèvera jusqu'à lui, et ne nous rendons plus indignes de ce haut rang, en nous livrant aux illusions de l'orgueil.
Hâtons-nous; le temps presse; n'en perdons pas un instant.... Mais que vois-je hélas ! Vous restez encore en arrière ?

SENS SPIRITUEL.

Les richesses et les vains honneurs de ce monde, sont souvent une occasion de chutes spirituelles. Tout occupés de leurs ambitieux projets, la plupart des hommes ne pensent qu'au Temps présent et oublient l'Éternité.


la suite bientôt


Dernière édition par MichelT le Ven 8 Nov 2019 - 14:00, édité 1 fois

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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LE PÈLERINAGE DE DEUX SOEURS, VERS LEUR BIEN-AIMÉ DANS LA CITÉ DE JÉRUSALEM - Belgique - 17 eme - Allégorie Empty Re: LE PÈLERINAGE DE DEUX SOEURS, VERS LEUR BIEN-AIMÉ DANS LA CITÉ DE JÉRUSALEM - Belgique - 17 eme - Allégorie

Message par MichelT Jeu 24 Oct 2019 - 13:36

CHAPITRE 11

Volontairette, aux prises avec un chien, se remplit de boue.


Volontairette. Je m'arrête à regret, ma soeur : mais il faut bien que je me défende. Ce vilain chien me déchire à belles dents, quoique je ne lui aie fait aucun mal : souffrirai-je tranquillement ses insultes? Non, et décidément je veux lui casser la tête.

Colombelle. Ah , de grâce, ma soeur, cessez cette lutte inutile et dangereuse, Que gagnerez-vous à lui jeter des pierres? Elles sont si pleines de boue, que vous en serez vous-même remplie.

Volontairette. N'importe : je n'aurai pas le dessous.

Colombelle. Mais, pensez donc que vouloir empêcher un chien d'aboyer et même de mordre, quand on s'y prend à votre manière, n'est pas chose aisée. Vous en fussiez venu à bout, si, au lieu d'irriter cet animal par vos gestes menaçants, vous lui en eussiez imposé par un regard calme et assuré. Croyez-moi, ne l'aigrissez pas davantage; continuez votre chemin; traînez après vous votre bâton; sa colère se déchargera sur lui, et vous n'aurez rien à craindre...... Voilà qui est fini. Arrêtons-nous en ce lieu pour cueillir quelques fleurs : elles y sont en abondance.

Volontairette. Oh ! pour cela non, ma soeur; je ne puis me baisser pour en cueillir.

Colombelle. Comment donc le pouviez-vous tout-à-l'heure, pour ramasser des pierres ?

Volontairette. J'avais mes raisons : que vous importe ? Le plaisir de me venger d'un maudit animal et de punir son insolence, compensait bien ma peine...

Colombelle. Vous m'en dites assez, et je devine aisément le sujet de sa colère. Il a reconnu en vous celle que l'on traîna dans tous les coins du village, coiffée d'un chaperon de folle. Sans doute, alors, vous lui jettâtes des pierres ?

Volontairette. Oui certes, je lui en jetai : car j'étais piquée au vif de l'entendre aboyer après moi.

Colombelle. J'avoue que son ressentiment m'étonne moins que le vôtre : et pour peu que vous réfléchissiez, vous en sentirez , j'espère, la raison... Quoi qu'il en soit, laissons-lui ses torts, s'il peut en avoir; reprenons notre calme, et poursuivons paisiblement notre route.

SENS SPIRITUEL.

Le chien qui aboie contre les passants , est l'emblème des querelleurs et des envieux qui n'épargnent personne. Le meilleur moyen d'échapper à leurs traits malins, est de marcher constamment vers son but, sans s'amuser à leur répondre.

CHAPITRE 12

Volontairette attaque un taureau, et en reçoit une meurtrissure.

LE PÈLERINAGE DE DEUX SOEURS, VERS LEUR BIEN-AIMÉ DANS LA CITÉ DE JÉRUSALEM - Belgique - 17 eme - Allégorie 587e7f93

Volontairette. A mon secours , ma soeur, à mon secours... Un énorme taureau me barre le chemin... Déjà il m'a froissé le pied, et j'ai beau le repousser avec mon bâton, le butord s'obstine à me tenir tête.

Colombelle. Êtes-vous réellement blessée?

Volontairette. Je ne sais trop ; mais j'éprouve une douleur forte qui me va jusqu'au coeur.... En vain il persiste à me menacer de ses cornes : vous allez voir comme je saurai le dompter.

Colombelle. Il serait plus sage de vous détourner et de ne pas vous exposer à la fureur d'un animal aussi dangereux.

Volontairette. Eh quoi donc, souffrirai-je que ce maudit taureau me dispute le passage ? Non, il ne sera pas dit que je lui aie abandonné le champ de bataille.

Colombelle. Ah, ma soeur, quelle est votre imprudence? et qui peut vous aveugler à ce point? -

Volontairette. Est-ce ma faute, si par un entêtement diabolique, cette lourde bête ne veut pas me céder?

Colombelle. C'est plutôt votre orgueil qui s'obstine à ne pas céder à sa brutalité.

Volontairette. Vous n'y entendez rien : car, si je paraissais craindre cet animal de dure cervelle, il n'en deviendrait que plus fier, et l'on serait fondé à croire que je manque de courage. J'aime mieux le bien étriller, et apprendre à quiconque oserait m'insulter, qu'on ne le fait pas impunément.

Colombelle. Cette jactance, si hors de propos, n'excuse ni votre orgueil, ni votre opiniâtreté; au contraire elle aggrave vos torts, et vous rend même ridicule.... Une conduite prudente et réfléchie vous eût concilié plus d'estime, et vous eut épargné une meurtrissure.

Volontairette. Je ne sais ou vous avez trouvé qu'on doive ménager les bêtes et les sots.

Colombelle. J'ignore bien plus où vous avez appris que la rencontre d'un animal sans raison, pût vous autoriser à en manquer vous-même. Mais, ce que je sais très-bien, c'est que la prudence fait éviter au sage les attaques de ceux qui ne le sont pas.... ! Peut-on, à pareil trait, vous reconnaître pour sage?... Si vous vouliez seulement considérer l'état où vous a mise une lutte aussi inégale, vous auriez horreur de vous même. Les villageois , témoins de cet étrange et ridicule spectacle, se moquent de votre témérité et se scandalisent avec raison de vous voir dans une agitation si peu décente, les cheveux épars, couverte de poussière, et semblable à une furie.

Volontairette. Eh bien, peu m'importe. J'en jure sur ma tête, je me vengerai de ce détestable animal. Je voudrais lâcher sur sa maudite carcasse dix mille chats enragés, et le voir tomber en lambeaux devant moi.

Colombelle. Je frémis ma soeur, en vous entendant proférer ces imprécations qui font à la fois horreur et pitié. Est-ce là le fruit de l'éducation que vous avez reçue? Votre humeur brutale et la grossièreté de vos propos conviennent-elles à une personne honnête, et s'accordent-elles avec la modestie et la douceur qui font le plus bel attribut de notre sexe? Ne portent-elles pas plutôt l'odieux caractère de l'effronterie et de l'arrogance la plus obstinée ?

Volontairette. Je vous entends , ma soeur, vous voulez donc qu'on souffre tout et qu'on soit insensible à tout, c'est-à-dire apathique et nul ? Ce n'est ni mon avis, ni mon humeur. Je suis décidée à prouver en toute occasion que j'ai du sang dans les veines, et jamais je n'aurai la lâcheté de me faire brebis, pour être la proie du
loup.

Colombelle. Ces sentiments ne peuvent vous être inspirés que par l'esprit d'orgueil. Malheur à vous, si vous le préférez aux leçons et aux exemples que nous a donnés le bien-aimé, et qu'ont suivis tous ceux qu'il nous propose pour modèles !... Oh! pourriez-vous vous rappeler la douceur et l'humilité de son auguste Mère sans rougir de vous montrer si éloignée de ses vertus? Ah! sans tarder, ma soeur, recourez à elle dans l'assaut où vous allez périr : faisons ensemble parvenir à son coeur le cri de la détresse et de la confiance.... O bonne Mère ! accourez au secours de votre enfant. Des passions violentes l'agitent et l'entraînent : jetez sur elle un regard de miséricorde, et rendez-lui le calme et la paix.... Respirons un instant, ma soeur, sous la protection de cette incomparable Mère. Nous ne trouverons en elle, que commisération et tendresse...Mais demandons-lui ses vertus; elle nous les obtiendra : son crédit est immense , autant que son humilité fut sans bornes. Imitons-la sur tout, comme la créature la plus douce et la plus patiente que le ciel ait donnée à la terre, si nous voulons par elle obtenir l'heureux succès de notre voyage.


CHAPITRE 13

Volontairette par une fausse délicatesse ; évite la rencontre des pauvres, et reçoit sur elle un bassin d'eau sale.

Colombelle. Que faites vous donc, ma soeur ? sans cesse vous vous éloignez de moi et quittez la vraie route.

Volontairette. J'ai mes raisons.... et puisqu'il faut vous les dire, j'ai voulu me détourner du voisinage de ces pauvres qui sont sales et puants à l'excès.

Colombelle. Votre langage est bien étrange, et j'ai peine à le comprendre.

Volontairette. Eh bien, je vous dirai, puisqu'il le faut, que, passant près de cet hôpital qui fourmille de pauvres, j'ai respiré une odeur si infecte, que j'en ai
été presque renversée. Je n'ai rien eu de plus pressé que de faire volte face et de changer de route; car je vous avoue que je ne puis ni voir, ni sentir cette canaille;
elle est pour moi pire que la peste..... Comme je tournois le coin de cette dégoûtante demeure, une maudite servante me jeta sur le corps un pot d'eau sale dont mes
habits, vous le voyez, sont horriblement imprégnés et souillés.

Colombelle. Je ne puis que blâmer l'indiscrétion de cette servante ; mais votre aigreur, et votre aversion pour les pauvres me paraissent tout autrement
répréhensibles, et me font craindre que la charité ne soit éteinte ou très-refroidie dans votre coeur.... Eh quoi ? loin d'aimer et de secourir les pauvres, comme d'autres
vous mêmes, loin de voir en eux les amis et les membres de notre bien-aimé, vous leur prodiguez le mépris et les malédictions, vous les fuyez par orgueil , par
dédain et par la plus criminelle délicatesse. Si vous partagiez leur malheureuse condition, ne trouveriez-vous pas inhumain et barbare que l'on vous refusât jusqu'aux
faibles témoignages de la pitié ? La pauvreté est-elle donc un crime? et, dans l'impuissance où vous êtes de l'aider de vos propres moyens, qui vous empêche au
moins de la consoler par le tendre intérêt  qu'inspire la charité ? Auriez-vous oublié cette importante leçon que nous a laissée notre bien-aimé : souvenez vous que l'on
se servira envers vous de la même mesure dont vous vous serez servi envers les autres, et que je regarderai comme fait à moi même ce que vous aurez fait au moindre
de mes frères ? Si donc nous refusons de secourir les indigents, nous nous en faisons des ennemis près d'un maître qui pour nous a été si miséricordieux. Car hélas ! que serions-nous devenues, si dans l'extrême misère où il nous a vu réduites, il eut détourné de nous ses regards? Mais, loin de nous fuir et de nous dédaigner, il nous a recherchées avec la plus tendre sollicitude, il s'est associé à notre indigence, il a daigné se revêtir de nos haillons sales et déchirés, il est venu habiter parmi nous et nous a fait part de ses richesses.... D'après un exemple qui ôte toute excuse à la délicatesse , que deviennent auprès de notre bien-aimé vos motifs d'aversion pour les pauvres ? Vous les trouvez sales et dégoûtants, sans penser que tant de fois vous vous êtes montrée devant lui, souillée des immondices les plus infectes...

Ne devriez-vous pas plutôt considérer ces infortunés, comme vos protecteurs les plus puissants auprès de celui qui les appelle ses frères, et qui tôt ou tard sait venger le mépris qu'on a pour eux ou récompenser les secours qu'on leur donne?.. Convenez donc que vous n'avez que trop mérité, par votre conduite envers les malheureux, l'accident que vous venez d'éprouver... Efforcez-vous de réparer votre faute, en vous rapprochant des pauvres, dont les prières vous obtiendront d'être conservée pure et sans tache.


CHAPITRE 14.

Volontairette provoque deux chiens au combat, et ses habits sont tachés.

Volontairette. Ah! ma soeur, que j'ai été amplement dédommagée, de ma lutte avec le taureau, par le plaisir extrême d'une autre rencontre qui m'a fort amusée. Peu loin d'ici, deux dogues de bonne mine se disputaient très-sérieusement un os : l'un le voulait tout entier; l'autre y prétendait sa part. La scène devint si burlesque, que je voulus y faire mon personnage : je me mis à frapper des mains pour les exciter à se battre, et ce moyen me réussit. L'attaque fut telle, que le possesseur de l'os convoité se vit contraint de le lâcher , pour se défendre : car il avait à faire à un champion redoutable qui le mordait à belles dents et avec tant de rage. Le combat durerait encore, si, malheureusement, il n'était survenu de ces gens trop sensibles ou trop officieux, qui les ont séparés.

Colombelle. Le goût de la discorde et des batailles me paraît faire chez vous de grands progrès : aussi en portez-vous l'empreinte; car vos vêtements sont horriblement sales.

Volontairette. Ce qui a donné lieu à ce petit malheur, c'est que l'un des dogues, est venu triomphant se secouer près de moi , et s'essuyer à mes habits.

Colombelle. Peu importe de quelle manière la chose s'est passée ; vous n'en êtes pas moins étonnante de chercher toujours votre satisfaction dans le trouble, plutôt
que dans le calme et la paix qui conviennent si bien à notre vocation. Tout nous y invite dans le voyage que nous avons entrepris sous de si favorables auspices, et qui doit nous conduire au séjour du repos et de la félicité. Ah! combien vous vous éloignez de ce but, ma soeur, vous qui jamais tranquille , vous livrez sans cesse au malheureux penchant de la malignité, vous qui ne vous occupez qu'à semer des querelles, qu'à les attiser par vos paroles ou par vos gestes , et qu'à mettre la désunion partout où règne le parfait accord. Ne serait-il pas plus digne des hautes destinées qui vous attendent, de répandre et d'inspirer dans les lieux où vous passez, la paix, l'union et leurs célestes douceurs? Vous deviendriez alors la touchante, et noble image de celui dont la bonté pour nous égale la munificence.... Mais quels regrets surtout devrait vous causer le temps précieux que vous perdez ! Ah, veillez, veillez surtout à la garde de vos fleurs que tant d'incidents fâcheux vous exposent à perdre. Voyez si vous les possédez encore : que j’ai lieu de craindre qu'elles ne soient égarées !

Volontairette. Vos craintes ne sont que trop fondées : les fleurs ont disparu, sans que je m'en appercusse, pendant ma lutte avec le taureau : mais il m'est facile de les remplacer; je suis sans inquiétude.

Colombelle. Ha, ma soeur , cette perte me touche autant que les fautes et les excès qui l’ont causée : mais ce qui n'afflige profondément, c'est de vous y voir insensible : votre aveuglement et votre présomption achèvent de me consterner... Oh, que les délais que vous mettez au bonheur de me voir rapprochée du bien aimé de mon âme, sont cruels! Qu'il me tarde d'arriver jusqu'a lui, et de me reposer sur son coeur !... Eh quoi donc, ma pauvre amie, mes tendres sollicitations, et mes instances seront - elles toujours vaines? Rien ne sera-t-il capable de vous ouvrir les yeux et de vous ramener au devoir ? A quoi aboutiront enfin tant d'écarts indignes d'une âme raisonnable, sinon à vous détourner de la voie droite  et à vous faire perdre un temps que vous devriez mieux employer?... Sentez donc l'extrême importance de ne plus nous arrêter, si nous voulons achever heureusement notre course. Eh ! quel serait notre confusion, si, par légèreté ou par nonchalance, nous avions le malheur de ne point heureusement la terminer! Nous déplorerions en vain notre sort, et ne pourrions que nous imputer ce que nous pouvions si aisément prévenir.... Ah! ma soeur, seriez-vous aussi peu touchée de mes avis, que vous paraissez l'être de vos faiblesses et de vos criminels retards ? Les beautés de Jérusalem ne feraient-elles plus d'impression sur vous ? Le magnifique palais qu'habite notre bien-aimé, le tendre amour qu'il nous porte, les délices ineffables dont il veut nous combler, le Bien suprême en un mot, et toutes ses perfections seraient-ils sans attraits pour votre coeur ?

SENS SPIRITUEL.

Ceux qui excitent et fomentent des querelles, se rendent coupables des résultats qui souvent rejaillissent sur eux-mêmes. Quiconque participe à un acte de vengeance personnelle, en devient responsable aussi au tribunal de Dieu.


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MichelT

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Message par MichelT Ven 1 Nov 2019 - 23:25

CHAPITRE 15

Volontairette voulant contenter sa gourmandise, mange inconsidérément des chenilles.

LE PÈLERINAGE DE DEUX SOEURS, VERS LEUR BIEN-AIMÉ DANS LA CITÉ DE JÉRUSALEM - Belgique - 17 eme - Allégorie Vitis-muscat-hambourg_1

Volontairette. La douceur dont vous assaisonnez vos avis, chère Colombelle, et le vif intérêt que vous me témoignez, triomphent enfin de mon inconstance, et me disposent à vous suivre avec une soumission parfaite. Oubliez tous mes torts; je vais les réparer et marcher de manière à ne plus retarder vos pas....
Ho! mais, regardez donc ce vignoble : qu'il paraît vaste et abondant ! Je crois apercevoir que l'on y fait vendange. Courons-y ma soeur, nous goûterons du vin nouveau.

Colombelle. Nous n'en avons point le temps. D'ailleurs il est bon que vous connaissiez les effets de ce vin, c'est de porter à la tête : ainsi l'usage que vous en feriez, deviendrait un nouvel obstacle à notre voyage.

Volontairette. En vérité, ma sœur votre prudence est extrême, et, j'ose ajouter, très- incommode Mais, quoique vous en disiez, je ne passerai pas sans manger quelques raisins.

Colombelle. Il ne vous est pas permis de manger ce qui ne vous appartient pas. Prenez garde que votre gourmandise n'ait encore quelque suite fâcheuse.

Volontairette. Ne craignez rien, je ne vois ici aucun danger Vous devez savoir que les fruits qui croissent le long des chemins, sont communs à tous les passants. Ah! ma soeur que ces raisins sont délicats ... Le nectar n'est pas meilleur. Je ne finis pas d'en croquer, si je m'e croyais. Mais j'en ai déjà tant mangé, que je n'en puis plus! Ho, ho, j'entrevois ici quelque autre chose; il faut que j'en goûte, ne vous en déplaise...... Ha ! qu'ai-je fait ! fi, fi, peste soit de l'ordure qui me remplit la bouche. Ma soeur, ma soeur, je suis empoisonnée j'enrage de colère contre ce maudit buisson qui m`a trompée.

Colombelle. N'avez-vous pas honte de parler ainsi? C'est à vous seule que vous devez imputer l'état où vous êtes; votre , gloutonnerie et votre imprudence en sont  la cause : mais quel tort a pu vous faire  ce buisson?

Volontairette. C'est que, mal à propos, il s'est trouvé là, pour me cacher ce qui  cause les horribles nausées que j'éprouve.  Rassasiée de raisins, j'ai voulu goûter, des mûres que je voyais dans ce buisson : j'en ai furtivement empoigné et gobé , quelques-unes, sans y apercevoir des chenilles qui en prenaient leur part; et je me . suis mis sur la langue et sous les dents ces détestables et dégoûtants insectes qui me  donnent un mal de coeur si violent, qu'il s'en faut peu que je ne rende tout ce que à j'ai dans le corps.

Colombelle. Ne serait-ce pas ici, ma pauvre soeur, la punition de votre gourmandise et la leçon salutaire qui vous apprend à la réprimer ? Vous ignorez, ce me semble, que la tempérance est la mère de la santé qui jamais n'est meilleure que lorsqu'on use sobrement des aliments simples et ordinaires; tandis que l'excès des nourritures même les plus saines, ou l'usage de celles qui ne le sont pas, exposent à des maladies graves et concourent à abréger les jours ou à les rendre languissants. Quiconque néglige de mettre un frein à ses appétits désordonnés, en devient l'esclave. Ah! veillez, ma soeur, veillez sur votre malheureuse propension à la gourmandise et sur votre empressement à la satisfaire. Ceux qui en sont témoins, sont portés à juger de votre conduite par vos excès, et ont lieu de soupçonner que quelque habitude vicieuse se joint à votre intempérance.  Empressez-vous donc de donner de vos goûts et de vos inclinations une idée moins défavorable... Je ne puis en ce moment que vous inviter à cueillir avec moi quelques fleurs odorantes, pour vous ôter le dégoût qui vous poursuit et que vous ne devez qu'à vous-même.

Volontairette. Cueillir des fleurs? Non certes, je n'en cueillerai pas : je n'y suis nullement disposée. Ces maudites chenilles me tourmentent et me soulèvent encore le coeur.

Colombelle. Croyez-moi venez à la rivière ; lavez-vous bien le visage et la bouche, et vous perdrez ce mauvais goût. Vous avez d'ailleurs grand besoin de vous baigner, pour vous purifier de tant d'autres souillures et ne pas croupir dans le triste état où je vous vois ; il excite le dégoût et la pitié.

Volontairette. Eh bien , me méprise qui voudra; je m'en soucie peu : mais décidément je n'irai point à la rivière. Que ceux à qui je fais horreur ou pitié, ferment ou détournent les yeux. J'ai levé le masque et me mets au-dessus du qu'en dira-t-on.

Colombelle. Oh ! pour le coup, vous m'accablez.... Je succombe, je me tais et je gémis.… Mais vous, ô mon bien aimé, qui savez combien elle m'est chère, venez et voyez.... Sauvez-la; elle va périr. Soeur infortunée, ou courez-vous donc, et qu'allez-vous devenir ? Je tremble, à la vue des dangers qui vous menacent aimé, qui savez combien elle m'est chère, venez et voyez.... Sauvez-la; elle va périr. Soeur infortunée, ou courez-vous donc, et qu'allez-vous devenir ? Je tremble, à la vue des dangers qui vous menacent.


CHAPITRE 16

Volontairette s'obstine à marcher seule : elle s'égare, et tombe dans un bourbier.

Volontoirette. Ha! ma soeur, m'y voici jusqu'au cou...Grondez-moi, j'y consens ; mais, avant tout, secourez-moi..... Colombelle. Je vole à vous, sans tarder... Toujours mon coeur me presse de vous tendre une main secourable.... ( Ici elle la retire du bourbier.) Ayez enfin compassion de vous-même , et puisse cette nouvelle humiliation vous faire sentir l'indécence des répliques que vous opposiez à mes derniers avis ! Si je vous aimais moins, je m'épargnerais la peine de vous ramener sans cesse, et vous laisserais prendre les voies tortueuses qui aboutissent aux derniers malheurs. Et cependant , malgré ma vigilance et ma sollicitude, vous m'échappez toujours, et, avec une présomption inconcevable , vous vous exposez aux rechutes les plus funestes.

Volontairette. Je ne sais, ma soeur comment il a pu se faire que je n'aie pas vu le péril où j'allais être entraînée. Je m'étais mise à la suite d'un troupeau de gros bétail, croyant la route sûre et sans danger. Tout à coup j'aperçus ce bourbier qui ne coupait le chemin. Je pris le parti de monter sur une génisse pour le traverser ; mais cette lourde bête se déroba de dessous moi et me laissa dans le cloaque.

Colombelle. N'était-il point plus sage de retourner sur vos pas, quand vous avez rencontré cet obstacle , que de confier votre vie à un animal · grossier et sans
adresse ? Convenez que votre imprudence est sans excuse. Et ce qui m'afflige toujours davantage, c'est la perte du temps, c'est la difficulté extrême d'arriver ce soir à
notre heureuse destination.

Volontairette. Hélas! je ne soupçonnais pas la profondeur de ce malheureux bourbier.

Colombelle. Pourquoi donc vous y engagiez-vous ? Au reste, ma chère soeur, je vous préviens que, si vous n'êtes enfin déterminée à marcher avec plus de circonspection, je me verrai forcée à vous abandonner à votre triste sort et à me priver de votre compagnie. Car enfin, je ne peux ni ne dois m'exposer à perdre le sort heureux qui m'est offert, en m'occupant sans cesse à vous attendre ou à vous relever, et n'apercevant aucun fruit de mes soins et de mes conseils.

Volontairette. Je ne saurais vous blâmer, ma soeur. Je reconnais mes torts, et veux désormais montrer tant de déférence à vos avis et une circonspection si exacte dans ma conduite, que vous n'aurez plus à vous plaindre de moi. Telle est ma résolution ferme et sans retour.

Colombelle. Puissiez - vous enfin, ma chère soeur, vous montrer fidèle à vos promesses! Puissions-nous l'une et l'autre n'avoir plus qu'une seule volonté et les mêmes désirs !.... Mais, hélas ! que de moments précieux nous avons perdus depuis les premières heures de la journée,  moi à vous adresser les représentations les plus justes et les plus tendres, et vous à les entendre sans fruit ! Cependant, que de fleurs nous eussions pu cueillir et amasser, que de guirlandes nous eussions préparées, pour en faire hommage à celui qui nous appelle! O mon bien-aimé ! vous êtes assez bon pour nous montrer la route droite et sûre, qui conduit à vos palais pleins de délices : faut-il, hélas ! qu'à la suite du plus excellent des guides, nous nous exposions sans cesse à nous égarer et à nous perdre?...Jusques à quand nous laisserons nous entraîner par des illusions mensongères, et où aboutiront enfin nos erreurs? Je frémis d'y penser.... Ah plutôt, chère soeur, attachons-nous aux pas de notre bon maître; que rien ne nous détourne, ne nous amuse, ne nous retienne; et bientôt nous verrons arriver ce beau soir, où nous irons, près de lui, nous délasser des ennuis d'une route longue et pénible, et où nous pourrons avec confiance lui demander notre salaire. Lui même, ma chère soeur, lui-même sera notre sublime récompense....

Courage donc, avançons... Voici le bon chemin; ne nous écartons plus, et suivons les traces de notre bien-aimé.…. Mais, qu'aperçois je, et d'où vient cette étrange lenteur qui vous appesantit et retarde notre marche? Est-ce ainsi que vous tenez à vos résolutions? Ah! si déjà vous les avez oubliées, il ne me reste qu'à vous plaindre, à vous quitter sans délai, et à continuer ma route en doublant le pas.

SENS SPIRITUEL

Les âmes qui se livrent à la sensualité et à l'intempérance, ont la pénitence en horreur. Plus elles s'éloignent de ce remède salutaire, plus leur témérité à s'exposer aux occasions, les entraîne dans de nouveaux écarts, plus aussi elles s'obstinent à persévérer dans le vice, malgré les sages conseils et les bons exemples.


CHAPITRE 17

Volontairette a l'imprudence de monter un poulain, et s'expose à une chute dangereuse.

Volontairette. Hélas ma soeur, une nouvelle incartade va m'attirer de votre part, de nouvelles réprimandes. Mais je vous en dois l'aveu, quelque humiliant qu'il puisse être : A la vue de deux bœufs, qui se soumettaient au joug sans résistance, et d'un beau cheval qui, sellé et bridé, marchait au gré du cavalier qui le montait; je me suis mise à plaisanter sur la stupidité des animaux qui bêtement sacrifient leur liberté aux fantaisies de l'homme, et renoncent à la faculté si naturelle de courir où il leur plaît, de bondir à leur aise, de manger et de boire à toute heure. Considérant les peines que s'était données le cavalier pour l'équipement de son cheval, et les superfluités embarrassantes de bride, de selle , de sangles et de ferrailles dont il faisait usage, j'en ai ri de pitié, et voulant montrer, à ma façon, que l'on peut se passer de ces entraves gênantes ; j'ai fait choix d'un poulain, confié à la prairie voisine, et qui y prenait ses repas : je l'ai saisi par les crins, et lestement je lui ai sauté sur le dos, croyant que je le dompterais sans peine.

Au premier coup de houssine, il s'est mis à galoper avec tant de vitesse, qu'en peu d'instants j'ai dépassé le cavalier qui me devançait, et qui trouvait à son tour mon équipage fort plaisant. La houssine cependant allait son train et désespérait l'animal, qui bientôt se cabrant, ruant et s'esquivant comme l'éclair, m'a menée droit au marais, où il s'est enfoncé jusqu'à la croupe, et où j'ai failli périr. Je ne sais comme j'ai pu échapper à ce danger; c'est sans doute par un trait de providence.

Colombelle. C'en est un grand, ma soeur, et vous devez vous hâter d'en rendre grâces à Dieu Vous tirerez, j'espère, de cet événement l'avantage de vous mieux connaitre. Ce poulain vous rappellera, d'une manière frappante, vos légèretés, vos inégalités et tous vos écarts. Vous apprendrez encore combien il est dangereux de suivre ses caprices, de ne savoir point se conduire et de ne vouloir pas être conduit... Heureuse, si enfin vous concevez la nécessité de consulter des personnes prudentes et éclairées, d'écouter leurs avis et de vous y conformer. Alors, loin d'accueillir d'un ris moqueur ceux qui prennent pour règle les conseils de la sagesse et de l'expérience, vous vous croirez obligée de mettre un frein à vos passions, de les tenir en bride, et jamais vous n'intervertirez l'ordre que Dieu a établi dans les choses d'ici-bas. Rougissez donc de votre présomption et de vos inconséquences; sortez au plutôt du déplorable état où elles vous ont jetée, et défaites vous de cette fange infecte qui vous rend méconnaissable. Oseriez - vous paraître ainsi en la présence de Celui qui est la pureté même


LE PÈLERINAGE DE DEUX SOEURS, VERS LEUR BIEN-AIMÉ DANS LA CITÉ DE JÉRUSALEM - Belgique - 17 eme - Allégorie 4_lievre-damerique


CHAPITRE 18


Volontairette s'arrête, avec curiosité, au gîte d'un lièvre, et y respire une mauvaise odeur.

Volontairette. Vous m'avez convaincue ma soeur, qu'il vaut mieux écouter et suivre les avis des sages, que de marcher au gré de ses passions et de ses caprices.
Me voici toute décidée à m'abandonner à vos conseils, à vous confier le soin de ma conduite, et à n'avoir désormais pour vous que déférence et docilité parfaites. Prescrivez-moi tout ce que vous jugerez m'être utile, et je vous obéirai ponctuellement. Je n'ai d'autre désir, que de vous donner des marques non équivoques de mon affection respectueuse : vous la méritez et par la supériorité de vos lumières et par l'excellence de vos vertus. Pour moi, je ne me réserve que l'humble mérite de vous être soumise.. Ne croyez pas | que je vous adresse ici de fades louanges, je ne fais que rendre justice à vos qualités éminentes. Au reste, mettez-moi à l'épreuve, et vous jugerez de la sincérité de mes sentiments et de mes dispositions.

Colombelle. Ho, ho! voilà des compliments à perte de vue... J'ignore où tendent ces protestations d'obéissance, de respect et de tendresse : mais assurément j'y reconnais le langage à la mode , celui qu'emploie le siècle pour persuader le mensonge aux dépens de la vérité. Du reste, j'aime à croire au changement que m'annonce votre harangue, et je souhaite qu'il produise en vous une réforme plus qu'apparente, en passant des lèvres jusqu'au coeur.

Volontairette. Votre surprise cessera, ma soeur, quand vous saurez que je me suis mise en tête de parler désormais le langage de la cour. Car enfin n'est-il pas
honteux à une demoiselle de mon espèce d'ignorer ces tournures gracieuses , ces propos fins et enjoués qui charment les oreilles , flattent l'esprit et gagnent les
coeurs? Si jusqu'ici je ne me suis énoncée que d'une manière commune, simple et naturelle, je veux me former une diction élégante et recherchée qui m'attire plus
de considération.

Colombelle. Fort bien..... Votre prétention subite au bel esprit présente au moins un aspect propre à égayer; et vous me pardonnerez, si je ris un instant de
vos plaisants contrastes.... Mais revenons au vrai. Vous vous imaginez que l'honnêteté, la politesse, consistent à exprimer avec emphase, ou en termes recherchés,
des sentiments que l'on n'a pas? Désabusez-vous. Ces vertus sociales, qui s'allient si bien avec la charité, consistent à ne dire que ce qu'on pense, en termes simples et
modestes, et sans choquer les personnes à qui l'on s'adresse ou dont on parle. Les vrais sages ne se laissent pas éblouir par le clinquant des paroles; ils se défient de
ces élocutions guindées qui décèlent un esprit peu occupé de la chose essentielle, et dans lequel le pompeux galimatias cherche à remplacer la chose solide. Je
suis donc certaine que vous ne pensez rien de tout ce que vous venez de me dire, et je serais bien trompée, si votre coeur y avait quelque part : plusieurs, je le sais,
offrent des services à ceux auxquels ils voudraient commander... Quoiqu'il en soit, j'accepte vos offres et vos promesses : mais je me borne à vous demander peu
de chose, et je vous le demande par le tendre intérêt que je vous porte; c'est d'avoir plus de déférence pour les conseils que médite la véritable amitié ;c'est d'être
plus vigilante et plus attentive sur vous-même; c'est de vous conserver pure et sans tache autant que vous le pourrez, et de vous purifier sans délai de vos souillures; c'est enfin de mieux employer votre temps et de ne pas me faire perdre le mien.

Volontairette. Rien de plus juste, rien de plus raisonnable, que ce que vous attendez de moi, ma soeur : aussi suis-je bien résolue de faire disparaître tout ce qui me rend désagréable à vos yeux. Mon premier soin sera de me bien laver, quand nous serons un peu plus avancées dans la route : j'en trouverai mieux alors le temps et la facilité , et je le ferai par amitié pour vous.

Colombelle. Croyez - moi, profitez du moment : la rivière est à deux pas de nous ; ne différez pas d'y déposer toutes vos souillures : faites-le, non pour me plaire ,
mais uniquement pour obéir et vous rendre agréable au bien-aimé.

Volontairette. Rien ne presse encore : j'ai bien assez de temps. Respirons un peu et poursuivons notre route.... Ma soeur, ma soeur , qu'aperçois – je dans ce buisson ?Oh le singulier animal !

Colombelle. Nouvel incident : je n'avais que trop raison de le craindre; et voilà toujours où aboutissent tant de paroles, tant de belles promesses? Ce sont de fausses
fleurs qui ne produisent point de fruits : le moindre vent les emporte... Mais dites moi donc, à quoi vous amusez-vous ?

Volontairette. Je crois voir un lièvre accroupi, qui me regarde fixement. Je vais m'en emparer.... Ha, ha, comme il fuit !... Il ne me laisse que la mauvaise odeur qu'exhale son gîte, Oh, la puante bête !

Colombelle. Voilà assurément une rencontre assez intéressante, pour vous faire perdre un temps qui devrait vous être si précieux ! Quand vous occuperez - vous
donc de votre unique et importante affaire ? Quand cesserez - vous de vouloir connaitre et examiner ce qu'il vous est si peu nécessaire de savoir, et quand rechercherez-vous ce qu'il vous est si essentiel d'acquérir ? Après tant de mouvements, de soins, d'inquiétudes, que vous reste-t-il, que des objets qui passent, disparaissent, et ne vous laissent que le regret de vous être en vain fatiguée pour en jouir ? Eh quoi, les avantages que vous offre, que vous garantit l'ami par excellence , ne méritent-ils pas bien que vous les préfériez à quelques amusements puérils ? avez vous trop de temps pour vous occuper des biens infinis qu'il vous prépare et des démarches pleines de tendresse, par lesquelles il vous prévient? Ses perfections, sa magnificence, ses divins attraits ne peuvent-ils rien sur votre coeur ? Ses courses , ses travaux, ses peines, ses sacrifices ne vous feront-ils jamais sentir à quel point il vous aime et désire que vous l'aimiez ?

Et tant de prodiges d'amour n'auront-ils point la force de vous engager à lui sacrifier des plaisirs dangereux ou criminels que toujours suivent de cruels remords ? Que vous revient-il en effet de vos curiosités, de vos imprudences, de vos légèretés ? Toujours des chutes, toujours des douleurs et des regrets pleins d'amertume. Mais que de douceurs au contraire ne goûteriez vous pas, si, docile à mes conseils, vous vous montriez moins volage et moins frivole; si, plus zélée à recueillir les fleurs qui s'offrent sur notre route , vous étiez aussi plus soigneuse à les conserver, pour en faire hommage à celui qui se contente des plus petits présents !.. Pensons donc enfin, ma soeur, à nos intérêts les plus chers; fermons les yeux à tout ce qui nous en détourne, et nous pourrons avec sécurité et avec confiance arriver à notre but.

SENS SPIRITUEL.

Les compliments qui tendent à flatter le prochain, ont presque toujours une teinte du mensonge, qui en rend l'usage pernicieux et criminel... La curiosité conduit aussi à de grandes fautes, et porte le plus souvent avec elle sa punition : elle n'est guères innocente, que lorsque la charité en est le motif Les préceptes, les conseils et les exemples de Jésus Christ devraient être notre seule étude.


Dernière édition par MichelT le Lun 11 Nov 2019 - 14:43, édité 2 fois

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LE PÈLERINAGE DE DEUX SOEURS, VERS LEUR BIEN-AIMÉ DANS LA CITÉ DE JÉRUSALEM - Belgique - 17 eme - Allégorie Empty Re: LE PÈLERINAGE DE DEUX SOEURS, VERS LEUR BIEN-AIMÉ DANS LA CITÉ DE JÉRUSALEM - Belgique - 17 eme - Allégorie

Message par MichelT Ven 8 Nov 2019 - 12:44

LE PÈLERINAGE DE DEUX SOEURS, VERS LEUR BIEN-AIMÉ DANS LA CITÉ DE JÉRUSALEM - Belgique - 17 eme - Allégorie Crecerellevol

CHAPITRE 19.

Volontairette s'efforce de prendre un faucon : elle se foule le pied, et se donne une entorse.

Volontairette. Vous voulez, ma soeur, que je ferme les yeux aux objets intéressants qui se rencontrent sur notre route. Ce genre de mortification, je vous l'avoue, passe mes forces. J'ai beau faire, je ne puis résister au plaisir de contempler cette multitude de faucons qui planent sur nos têtes. Voyez donc avec quelle fierté et quelle majesté ils se balancent dans les airs. Ah, je ne serai contente, que lorsque j'aurai pu faire de l'un d'eux mon prisonnier. Essayons , employons l'adresse et les efforts pour y réussir.... Ouf !.. Quel mal affreux je ressens !... Je crains de m'être estropiée, et réellement me voici boiteuse. Peste soit des maudits oiseaux.

Colombelle. Peut-on, ma soeur, pousser plus loin l'extravagance ? Quelle témérité, d'aspirer à la chose impossible ! Vous aurez aussi quelque jour la fantaisie de vouloir prendre la lune. Voilà, pour le coup, perdre bien gratuitement son temps, et négliger des avantages certains, pour courir après des chimères. Et cependant,
hélas! vous vous êtes mise hors d'état de continuer le voyage avec la diligence convenable. Il est des blessures qui honorent : mais la vôtre n'atteste que votre imprudence.

Volontairette. Vous trouvez donc mauvais que je m'amuse ? Mais certes, votre route est si déplaisante, qu'il m'est bien permis je crois, de chercher à m'égayer... En deux mots, ma soeur, vos représentations m'ennuient. Sans cesse je vous entends me rabâcher les mêmes chansons : Venez donc, marchez, hâtez-vous, ne perdez pas de temps : tout cela me dégoûte et me chagrine.

Colombelle. Hé, puis-je trop vous répéter ce que, pour votre malheur, vous ne voulez pas entendre ? Puis-je tranquillement, pour satisfaire quelques misérables caprices, vous laisser perdre le plus riche héritage ? Non non, ma soeur, et vos coupables résistances ne font qu'accroître mon zèle. Hâtons-nous, je vous le dis encore, et arrivons au plutôt chez notre bien - aimé : c'est - là que tous les biens nous attendent : pouvons-nous raisonnablement les dédaigner, et ne devons-nous pas tout laisser, tout oublier, pour les acquérir ?

Volontairette. Vous voilà toujours sur le même ton. Eh bien, je vous répète moi que ce voyage m'ennuie à périr, et que j'en bâille de détresse : tout m'y est fastidieux, tout m'y est funeste. Tantôt la tête me tourne, et je tombe; tantôt je me heurte et me blesse; ici je respire une odeur infecte, là je m'empoisonne de quelque
drogue détestable. Je ne puis plus y tenir : Job lui-même y perdrait patience.

Colombelle. Votre curiosité, votre témérité, vos appétits gloutons, vos amusements puérils sont cause de tous les accidents que vous éprouvez, et, dans ce moment même, vous vous ressentez de vos vains et ridicules efforts pour saisir au vol un oiseau que les plus habiles ne sauraient prendre.

Volontairette. Il vous sied bien de me blâmer, tandis que vous-même avez pris et possédez un oiseau de même espèce.

Colombelle. C'est bien différent. Celui que j'ai, s'est approché de moi et s'est livré, pour ainsi dire, entre mes mains ; tandis qu'aucun des autres n'annonçait l'envie de se rendre. J'ai pu retenir le bel oiseau qui s'est donné à moi; mais vous n'avez pu sans témérité vous exposer à vous blesser, pour obtenir celui qu'en
vain vous convoitiez. Au reste, le mien est à vous, chère soeur, autant qu'à moi, et fera en commun notre délassement.

Volontairette. Vous avez beau dire : mais à coup sûr, vous en serez la mieux accueillie, et il en sera de lui à votre égard, comme du bien-aimé qui assurément vous donne une préférence bien marquée. Aussi, ne parlez-vous, ne vous occupez-vous que de lui ; toujours vous êtes aux petits soins pour lui plaire. Séparée du monde entier, vous passez votre temps, ce temps que vous appelez si précieux, à cueillir des fleurs, à composer des bouquets, à tresser des guirlandes, et vous n'avez que du dédain pour les fleurs que je choisis, parce qu'elles n'ont pas l'odeur des vôtres. Réservée à un point extrême, vous vous privez des fruits qui se présentent à vous et me blâmez d'en prendre et d'en manger. Si la moindre poussière ternit vos vêtements, vous voilà dans une inquiétude mortelle, et sur le champ vous courez à la rivière, et vous vous y lavez sans mesure. Cette propreté outrée, ces précautions timides et scrupuleuses me font rire, et décèlent en vous beaucoup de faiblesse. Enfin toutes vos minuties me fatiguent à l'excès. Jamais je ne pourrai m'astreindre à ce genre de vie ridicule et incommode.

Colombelle. Il me semble, ma soeur, qu'avant de censurer mes goûts et ma conduite, vous pourriez faire sur les vôtres un retour plus utile. Bientôt vous reconnaîtriez que vos peines, vos douleurs, vos chûtes, vos blessures et même vos humiliations sont les suites fâcheuses de votre inconstance et de votre légèreté. Si vous
n'eussiez suivi que le bon chemin, vous n'y eussiez rencontré que des fleurs dont le choix vous eut été agréable et facile : quelques mauvais pas au plus vous eussent arrêtée ; mais vous les auriez franchis légèrement, sans vous salir, sans vous heurter, et sans vous blesser. Vous le deviez, avec d'autant plus de raison, que
notre généreux et bienfaisant ami nous avait frayé la route, de manière à ne pouvoir nous méprendre. Par cette conduite sage et prudente, vous vous fussiez épargné bien des tourments, bien des regrets , et votre coeur tranquille et plein d'espoir n'eut connu d'autre soin, que celui de hâter par ses voeux et ses efforts un bonheur pur et immuable. O bien-aimé de mon âme ! mes soupirs et mes larmes ne vous sont point inconnus ; vous seul pouvez les faire cesser... Vous voir dédaigné, abandonné par une sœur prévenue, comblée de vos dons , quel tourment pour une âme qui vous connaît et qui vous aime !... Hélas! que mon exil est long! qu'il est pénible et douloureux ! Ah! qui me donnera les ailes de la colombe, pour voler et me reposer en vous!.... Jérusalem, Cité bienheureuse, que mon coeur est épris de vos charmes ! Avec quelle ardeur mon âme désire contempler vos ineffables beautés ! Est - il pour elle un plus doux, un plus consolant espoir, que celui d'habiter bientôt vos ravissantes demeures? C'est-là que l'amour est parfait, que les joies sont pures, que les coeurs, n'ont plus rien à désirer, parce qu'ils possèdent tout. Cette pensée me ranime, et me soutient dans ma laborieuse carrière... Courage donc, ô mon âme ! hâtons-nous de l'achever.


CHAPITRE 20

Volontairette voulant se reposer, se sent piquée par des éperons.

Volontairette Vos discours sont si longs, si fastidieux, qu'ils ont l'art de m'endormir. En vérité je n'en puis plus : souffrez que je me repose. Je vais me jeter sur ce tas de foin... Ah, que j'y suis bien !.... Ai, ai... Qu'est-ce que je sens ?Une horrible piqûre à la jambe.... O ma soeur ! comme je saigne !.. Qui l'eut prévu ?.. Voici des éperons que quelque maroufle aura sans doute cachés dans ce foin... Oh, que jai de mal ! · · · :

Colombelle. Je vous plains, ma chère soeur : mais convenez que ce n'était ni le temps ni le lieu de vous livrer au sommeil. Que n'attendiez-vous la fin de la journée,
et vous auriez trouvé à Jérusalem un lieu de repos plus agréable et plus décent ?... Mais, quoi? Vous persistez à vouloir dormir, malgré la douleur que vous cause, dites
vous, votre blessure : y pensez-vous ? Ah! tant d'obstination m'afflige à un point que je ne puis rendre. O mon bien - aimé ! que n'ai - je une source de larmes, pour pleurer les égarements de ma pauvre soeur ! mon âme est pénétrée d'amertume, quand je la vois retarder sans cesse, par ses caprices ou par son indolence, mon arrivée auprès de
vous qui êtes le centre de mon repos. En vain je ranime son zèle, en vain je la conjure de se montrer raisonnable, active et fervente : vous voyez comme elle persiste dans la plus déplorable indifférence. Étendue nonchalamment sur ce foin, elle n'a pas honte de s'assimiler aux plus vils animaux... Que ferai-je, et quelle doit être ici ma conduite ? Daignez vous-même me l'inspirer. Abandonner ma sœur à son triste sort, serait un parti pénible à mon cœur et qui déplairait au vôtre : car vous m'avez recommandé de la consoler, de l'animer et de la secourir. L'attendre et souscrire à ses volontés, ce serait m'exposer par des retards à perdre une félicité dont rien ne pourrait me dédommager.  J'obéirai donc et à vos ordres et aux lois de la charité, en ne cessant de l'exhorter, de la presser avec force et avec douceur, pour la conduire ou la ramener à vous. Aidez moi, secondez mes efforts, et que vos attraits puissants triomphent enfin de ses coupables résistances !

Allons, allons, ma chère soeur : il se fait tard.... Comme elle dort profondément !... Ma soeur, ma soeur, réveillez-vous enfin; secouez la paresse ;il y va de vos intérêts les plus chers.... Est-il possible que vous vous exposiez ainsi au danger de perdre votre couronne?

Volontairette. Qu'entends-je?... Est-ce à moi que vous parlez, ma soeur?.. Ah ! que vous êtes incommode ! Ne sauriez-vous me laisser dormir à mon aise ? Car enfin je veux décidément me reposer.

Colombelle. Eh quoi vous reposer ? En est-il temps? Et pourriez-vous goûter un repos que vous interdisent votre conscience et votre devoir?

Volontairette. Pourquoi non ? Ai – je rien de mieux à faire? C'est aujourd'hui fête, et par conséquent jour de repos et de sommeil.

Colombelle. Fête ou non, vous devriez rougir de préférer le repos de l'indolence à celui que mériteront notre courage et nos efforts : vous devriez surtout mieux
connaitre et pratiquer ce qu'exige de vous la sanctification de ce jour... Au reste , pensez-y sérieusement : nous sommes ici dans une terre étrangère; la journée s'avance et va bientôt finir; le terme où nous tendons est encore loin de nous. Si nous ne pressons le pas, jamais nous n'arriverons aux heureuses demeures de la Cité sainte.... Eh bien, ma soeur, resterez-vous plongée dans la plus honteuse paresse, tandis qu'il n'y a pas un moment à perdre ?

Volontairette. Vraiment , ma soeur , vous êtes par trop ridicule avec votre paresse dont vous me rebattez sans cesse les oreilles. Ne semble-t-il pas que vous condamniez tous les gens riches qui , n'ayant aucun besoin de travailler pour vivre, partagent leur vie entière entre les plaisirs et le repos ?

Colombelle. Vous vous persuadez faussement que toutes les personnes opulentes vivent dans l'oisiveté, Combien en voit-on au contraire qui, dans les divers états de
la société, se rendent utiles à leurs semblables ? Combien d'âmes charitables et généreuses vont porter dans les lieux qu'habitent la douleur et la misère , des consolations, des services et des secours?.. Tous, il est vrai, ne suivent point d'aussi parfaits modèles : la plupart au contraire font de la vanité leur occupation principale, et ne comptent leurs moments, que par la succession des plaisirs : toujours en action pour des objets frivoles, ils s'endorment sur des devoirs essentiels, et, ne se proposant dans leurs actions même les plus louables aucun motif surnaturel, ils en perdent le fruit pour l'éternité. Souvent, dès ce monde, et par une juste punition , ils tombent de l'opulence dans la plus affreuse infortune , et ne trouvent pas même , dans le travail dont ils sont incapables ou dont ils rougissent la seule ressource qui adoucirait leurs malheurs.

Volontairette. Voudriez-vous peut être que des personnes accoutumées à ne rien faire, commençassent si tard à travailler ? Assurément elles n'y gagneraient pas la vie,
et n'y trouveraient que la honte et la misère.

Colombelle. La honte, dites-vous ? Eh, jamais y en eut-il à travailler pour vivre ? Rien au contraire n'est plus honnête et plus digne d'éloges. Mais, croupir dans une criminelle oisiveté, sans vouloir être utile à soi-même ou aux autres, c'est, en quelque sorte s'avilir , se dégrader , et s'exposer au blâme et au mépris général. Eh, pourrait-on, pour se dispenser du travail, alléguer son inaptitude, ou sa délicatesse, quand on a sous les yeux, et jusque dans les conditions les plus relevées, des exemples si propres à inspirer le goût et l'estime des occupations utiles? Non, non, ma soeur; ce n'est que la paresse et le désœuvrement qui ôtent les forces et le courage. Dans quelque état d'aisance et d'honneur que l'on puisse être ou avoir été, rien ne dispense d'un travail quelconque : il est indiqué par la nature, prescrit par Dieu même, nécessaire au bien de la société, et par conséquent honorable à ceux qui en acquittent la dette et en remplissent l'obligation.... Sortez donc de ce honteux et coupable repos que vous prétendez en vain justifier. Courez, sans délai, vous laver de vos nouvelles souillures, et formez la résolution de récupérer, par une marche prompte et suivie, le temps précieux que vous venez de perdre.

SENS SPIRITUEL.

Volontairette, éprise des biens fugitifs et périssables, figurés par les oiseaux qui fendent les airs sans laisser de traces de leur passage, ou qui échappent à ceux qui les poursuivent, ne sent guères d'attrait pour les biens solides et éternels. Fatiguée des efforts impuissants qu'elle a faits pour acquérir ceux de ce monde ou s'en procurer la jouissance , elle cherche le repos dans la paresse et l'oisiveté. Mais la piqûre qu'elle reçoit, fait voir que le repos du paresseux ne saurait être paisible, et qu'il est ordinairement troublé et interrompu par l'aiguillon des remords.


CHAPITRE 21

Colombelle continue d'exhorter sa soeur à vaincre la paresse et la gourmandise, et lui fait surmonter la mauvaise honte qui l'empêchait de se purifier. Elles vont toutes deux à la rivière, et se disposent à recevoir les nouveaux présents du bien-aimé.

Volontairette. De grâce, ma soeur, arrêtons-nous à la première auberge. La faim me presse, et les forces me manquent.... Commandons un repas qui me restaure.

Colombelle. Je crois apercevoir dans votre demande une nouvelle tentation de paresse et de gourmandise, dont vous n'avez pas le courage de triompher. Vous ne pouvez ignorer qu'un repas dispendieux ne nous est plus possible, et vous savez où en est réduite notre bourse. Si vous aviez été moins prodigue de nos provisions de voyage, elles nous seraient à présent fort utiles. Mais le mal est fait : il faut en subir la peine ; il faut nous accoutumer aux privations et nous contenter du nécessaire. Avant tout, croyez-moi , allons à la rivière : je m'y laverai avec vous, et nous mangerons ensuite, avec appétit et même dans une sainte allégresse, ce que daignera nous procurer la divine Providence.

Volontairette. Eh , pourquoi donc irais-je encore à cette rivière? (la Confession des péchés) J'ai honte de m'y montrer si souvent.

Colombelle. Votre honte est très déplacée : vos souillures (péchés) seules devraient vous faire rougir, et non le bain qui les fait disparaître. Craignez, évitez d'en contracter de nouvelles, et vous vous épargnerez la confusion qu'elles attirent.

Volontairette. Vous avez raison, ma soeur : j'adopte le moyen que vous m'indiquez, et vais le mettre en pratique. De ce pas, je cours me baigner et me laver de manière à n'être plus de longtemps obligée d'y revenir. Ah! que ces eaux me paraissent pures et agréables! que le bain que j'y prends est salutaire! Il produit sur moi un effet si prompt, si efficace, que j'ai peine à me reconnaitre. Je suis tout autre : Dieu en soit loué!

Colombelle. Vos sentiments et vos dispositions m'édifient, ma chère soeur, et me consolent. Vous les couronnerez, j'espère, par une courageuse persévérance, en conjurant la bonté suprême d'affermir en vous l'heureux changement qu'elle vient d'y opérer.  C'est ici le moment de nous préparer à recevoir le don inestimable que nous a fait espérer le bien-aimé. Disposons-nous à y puiser les forces surnaturelles qui nous sont nécessaires pour soutenir les fatigues et les vicissitudes de notre pèlerinage. Désirons avec une sainte avidité la nourriture solide et délicieuse dont sa tendre charité veut munir notre faiblesse. Sachons la discerner des nourritures ordinaires, et recevons-la avec une vive et respectueuse reconnaissance.... Goûtons et voyons , quand nous l'aurons reçue, combien est doux le bien-aimé qui nous manifeste à un tel point son amour et sa libéralité ineffables Que nos coeurs embrasés le payent d'un juste retour, et que notre conduite désormais soit une continuelle action de grâces. Nos désirs vont être exaucés, ma chère soeur. J'aperçois deux personnages vénérables qui s'avancent et paraissent revêtus du caractère d'ambassadeurs de notre bien- aimé. Recueillons-nous, et préparons nos coeurs à une visite aussi consolante, qu'elle est honorable.... Entrons, pour les attendre, dans cette hôtellerie. J'y vois une salle vide et prête à nous recevoir. L'hôtesse est sans doute près d'ici : nous nous aboucherons plus tard avec elle.


CHAPITRE 22

Colombelle accueille avec honneur les envoyés du bien-aimé. Volontairette montre à leur égard beaucoup de légèreté et d'irrévérence.

Les Envoyés. Que la paix soit avec vous, ô soeurs chéries, ô bien-aimées de notre auguste maître l... Nous venons de sa part vous annoncer tous les biens, et vous en
apporter le gage...... Voici l'aliment de vie que lui-même vous a préparé... Qu'il soit le soutien de votre faiblesse, le soulagement de vos peines, la consolation de votre
pèlerinage... Vous touchez au terme de la carrière... Notre maître vous appelle au bonheur, à la gloire.... Le superbe palais que sa bonté vous destine, est prêt; son
festin magnifique est dressé; ses couronnes vous attendent; sa voix vous convie, vous presse, et....

Volontairette. Ma soeur, ma soeur, re gardez donc, et voyez à cette fenêtre une Pie qui vous divertira par ses sauts et par son jargon. Rien, au monde....

Colombelle. Vous vous oubliez d'une manière fort étrange, ma pauvre soeur... Vous sied-il d'interrompre aussi indécemment l'auguste message dont nous sommes
honorées ? Hélas! vous en appréciez bien peu les avantages, puisque vous vous permettez une irrévérence si grossière.

Les Envoyés. Le meilleur des maîtres vous exhorte, nos chères soeurs, à ne pas recevoir en vain le don que vous transmet son amour, et à ouvrir vos coeurs aux tendres invitations qu'il vous adresse par notre ministère.... Recevez et mangez , vous dit-il, le pain substantiel, le pain des forts, et, soutenues par cette nourriture restaurante, pressez, accélérez votre marche vers la Cité sainte : de nouveaux retards vous en interdiraient l'entrée , et votre malheur serait irréparable... Marchez , avancez, mais soyez sur vos gardes. Fermez les yeux aux vanités de cette terre que vous traversez : détournez l'oreille des joies insensées qui s'y font entendre : gardez-vous de la contagion qu'on y respire. Contenez vos langues dans les bornes de la discrétion, de la sagesse et de la charité. Veillez sur vos sens, sur votre esprit, sur votre coeur. Soyez humbles, douces , patientes , modestes, chastes , tempérantes et pacifiques; et par vos désirs, volez sur les ailes de l'amour vers celui dont les délices sont d'être avec vous. Le soleil va bientôt terminer sa course. Nous nous retirons en formant pour vous des voeux. Daigne le Ciel les exaucer et les accomplir !

Colombelle. Mon âme tressaille de joie à l'heureuse nouvelle qui est annoncée : bientôt j'habiterai la demeure le mon bien aimé !.. O Jérusalem! tes enfants rassemblés
dans ton sein, partagent ton amour, ton repos, ta félicité. Pourrais-je ne pas souhaiter tout ce qui te donne la paix ? Ah ! que tous les biens soient l'heureuse récompense de ceux qui te chérissent , ô Cité ravissante ! que le calme et l'abondance règnent dans tes murs !.. Patrie fortunée de mes frères et de mes proches ! mes paroles sont pour toi des paroles de bénédiction. Séjour auguste du bien-aimé de mon coeur, mes vœux appellent sur toi tous les biens. Qui me donnera de les goûter, réunie à tous ceux qui me sont chers !... Ah! ma soeur, efforçons – nous d'en obtenir ensemble la possession et les délices.

Volontairette. Mais, ne vous faites-vous point illusion, en croyant aux douceureuses, paroles de ces envoyés ? Leur langage ne serait-il point celui de l'adulation, qui chercherait à abuser de notre pieuse crédulité?

Colombelle. Pourrions-nous, ma soeur, élever des doutes sur la véracité de ceux que députe vers nous le bien-aimé ? Lui qui ne trompe jamais, ne nous a-t-il pas dit que les écouter, c'est l'écouter lui-même ?,.. Munies du gage le plus certain de la gloire et des richesses qu'il nous promet, occupons - nous uniquement à répandre devant lui nos coeurs et à nous, exciter aux plus vifs sentiments d'amour et de reconnaissance.

Volontairette. Hélas! je m'égarais, chère soeur, et vous me ramenez : mes yeux dessillent, mon coeur s'échauffe, et déjà je crois éprouver les doux et salutaires effets de la nourriture que je viens de prendre. Me voici disposée à vous suivre et à marcher avec une ardeur nouvelle.... Mais à présent ne jugez-vous pas convenable que nous mangions autre chose ?

Colombelle. Sans doute , ma soeur. Il nous est maintenant permis d'accorder à la nature ses aliments ordinaires. Appelons l'hôtesse... Mais n'oublions pas que la tempérance est l'une des vertus qui plaisent le plus à notre bien-aimé.

Volontairette. Je m'en souviendrai, soyez-en sûre. Je vais savoir où est l'hôtesse que je crois avoir aperçue dans le jardin, et vous l'amènerai.

Colombelle. Me voici seule un moment. O mon âme, que pourras-tu rendre au bien-aimé pour tout ce qu'il vient de t'accorder?... Il vous-appelle, ont dit ses envoyés, il vous attend, il vous presse. Ah! quand irai-je et paraîtrai-je en la présence du plus aimant et du meilleur des maîtres ! Le cerf altéré ne soupire pas avec plus d'ardeur après les sources d'eau vive, que mon âme ne soupire après vous, ô mon bien-aimé , qui êtes l'objet de mes désirs.... Marchez, avancez, ont-ils ajouté ; mais soyez sur vos gardes. O prévenante sollicitude qui associe le bien-aimé à mon pèlerinage et qui me donne le moyen d'en surmonter les ennuis et les dangers, en même-temps qu'il me les fait prévoir ! Courage donc, ô mon âme; ton bien-aimé est le consolateur, l'ami le plus fidèle : il te parle, il t'assure lui-même que ses délices sont d'être avec toi. Quel trésor tu possèdes en lui, et quel héritage il te réserve ! Plaisirs et vanités du monde, pourriez-vous leur être comparés ? Non , non : vous seul, ô tendre époux, avez droit à toutes mes préférences. Eh, que puis-je aimer et désirer au Ciel et sur la terre, sinon vous, ô mon unique partage ! L'amour, le plus noble amour me donne des ailes et me fait prendre l'essor pour me reposer en vous. Je commence à ressentir ces aimables langueurs, cette douce ivresse. C'est un torrent de chaste volupté qui va désaltérer mon coeur.

SENS  SPIRITUEL.

Après le Sacrement de Pénitence, l'une des meilleures dispositions à la sainte Communion, est le désir ardent de recevoir le Sauveur dans le Sacrement de son amour, et de correspondre à sa tendresse par une conduite entièrement chrétienne... Les envoyés du bien - aimé sont les ministres de Jésus-Christ et de son Église, seuls dispensateurs des divins mystères, En nous exhortant à y participer, ils nous portent en même-temps à la pratique des vertus, à l'humilité, à la douceur, à la patience, à la modestie, à la pureté, à la tempérance et à la mortification des sens, mais surtout à la charité. Les âmes ferventes écoutent avec une respectueuse docilité leurs instructions salutaires, et reçoivent, dans l'auguste Sacrement, des grâces abondantes qui leur donnent un avant-gout de la félicité éternelle ; au lieu que les âmes tièdes et dissipées en retirent ordinairement peu de fruit.


CHAPITRE 23.

Volontairette, oubliant ses résolutions, trouve dans un chétif présent qu'elle fait, une nouvelle occasion de succomber à la vanité.

Volontairette. Enfin, ma soeur, j'ai trouvé la bonne hôtesse qui s'occupait dans son potager. Elle m'a promis un légume auquel elle ajoutera des oeufs de sa basse-cour, et
ce qu'elle peut avoir en réserve... La voici qui arrive.

L'hôtesse. Soyez les bienvenues, mesdames : votre visite m'honore beaucoup. Ayez la complaisance de vous placer à cette table, vous allez être servies ; ma domestique vous apportera ce que j'ai de meilleur, et j'espère que vous serez contentes.... Un moment avant votre arrivée, l'enfant que vous voyez, m'a remis ces fleurs qu'il a trouvées sur la route. Ne seraient elles pas à vous ?

Volontairette. Eh oui, ma bonne, elles sont à moi. Que je suis heureuse de les retrouver! Tenez, mon enfant , voici deux belles noix que vous méritez et dont
je vous gratifie.... Voyez, ma chère hôtesse, comme je suis libérale !... Mais ne tardez pas; servez-nous au plutôt.

L'hôtesse. Je pars à l'instant, madame ; vous serez obéie.

Colombelle. Y pensiez-vous, ma soeur, de vanter avec emphase un présent aussi chétif? Et certes, il ne mérite pas que vous en tiriez vanité, et moins encore que vous le fassiez remarquer. Vous croyez donc vous être distinguée par un trait de générosité héroïque ? Et moi je crains que vous ne vous soyez rendue ridicule, en vous montrant aussi vaine. Si vous m'en croyez, vous couvrirez vos charités et vos largesses du voile de la discrétion et de la modestie; votre main gauche ignorera ce que fait votre main droite, et alors vous aurez lieu d'en espérer la récompense.

Volontairette. Eh, quelle récompense peuvent prétendre des oeuvres qui ne font aucun bruit? Je l'ignore., J'avoue seulement qu'on ne doit pas les publier au son de la trompette : mais il me semble moins permis de les divulguer adroitement et sans affectation.

Colombelle. Je crois au contraire que le mérite de les tenir cachées à tout autre que Dieu , compense abondamment la vaine satisfaction de les faire connaitre. D'ailleurs, n'est-ce pas en quelque sorte doubler le prix d'un bienfait , que de paraître l'avoir oublié ? Quelle jouissance plus douce pour un coeur noble et généreux, que le témoignage intérieur du bien qu'il a pu faire ! ce témoignage est préférable à tous les éloges. Ah, contentons-nous, ma soeur, en obligeant nos semblables, d'imiter la bienfaisance de celui qui nous comble si gratuitement de ses dons les plus précieux, et qui veut nous rendre heureuses à jamais de son propre bonheur.  Que vos pensées sont différentes des nôtres, ô bienfaiteur suprême !... Vous versez sur nous à pleines mains les richesses de vos grâces, et, par la complaisance en nous-mêmes la plus injuste et la plus criminelle, nous osons nous glorifier, comme si nous ne tenions rien de vous. Vous nous appelez au degré d'élévation le plus éminent, celui de régner avec vous, et nous nous avilissons jusqu'à mendier les louanges les plus mensongères. Tout ce que nous avons, tout ce que nous possédons, naissance , fortune , talents , qualités et agréments personnels, tout, jusqu'à nos vertus mêmes, vous appartient et doit vous être rapporté : et cependant nous nous l'approprions et en faisons l'aliment de notre vanité et de notre orgueil : quel aveuglement! quelle ingratitude ! Cessons, ma soeur, cessons d'abuser des dons du bien-aimé, et gardons-nous de nous en attribuer l'honneur. Il est, par ses largesses, le principe du bien que nous faisons; seul il s'en réserve la gloire et veut en être la récompense.... Hâtons-nous donc de le remercier de vous avoir fait recouvrer vos fleurs : mais humilions-nous des fautes qui vous avoient exposée à les perdre.

SENS SPIRITUEL.

Colombelle, reprenant sa soeur de la vanité que celle-ci veut tirer d'un présent très modique, nous apprend que, dans nos aumônes et nos bonnes œuvres, nous ne devons point chercher les louanges ni l'estime des hommes et que, si le bien que nous faisons ne peut demeurer inconnu au prochain qui y trouve matière à s'édifier et à glorifier le Seigneur, nous devons toujours au moins désirer le secret, et n'avoir l'intention de plaire qu'à Dieu seul; sans quoi nous nous exposons à perdre le mérite et la récompense que Dieu attache à nos bonnes actions, avantages bien supérieurs à tous ceux que le monde peut nous promettre.


Dernière édition par MichelT le Jeu 14 Nov 2019 - 22:58, édité 1 fois

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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LE PÈLERINAGE DE DEUX SOEURS, VERS LEUR BIEN-AIMÉ DANS LA CITÉ DE JÉRUSALEM - Belgique - 17 eme - Allégorie Empty Re: LE PÈLERINAGE DE DEUX SOEURS, VERS LEUR BIEN-AIMÉ DANS LA CITÉ DE JÉRUSALEM - Belgique - 17 eme - Allégorie

Message par MichelT Jeu 14 Nov 2019 - 22:57

CHAPITRE 24

Volontairette accable d'injures la servante de l'auberge où elle prend son repas.

Volontairette. Oh! la mauvaise, la détestable gargote ! Peut-on être plus mal servi et mieux empoisonné, que nous le sommes ici? Pain dur et moisi, viande puante, oeufs gâtés, eau bourbeuse, vin frelaté, tout, jusqu'à la nappe, fait soulever le coeur.... Holà ho, viens donc ici, mauvaise servante : que je te lave la tête... Vois
ces oeufs, et mange-les; ils ne sont bons que pour toi et les goujats qui te ressemblent.

La servante. Madame, si les oeufs sont gâtés, ce n'est pas ma faute : j'y ai moi même été trompée, et vous en demande mille pardons. Je cours vous en chercher d'autres, et tacherai d'en choisir de plus frais.

Volontairette. Belle et charmante excuse! Voyons les autres.  Eh bien, canaille ceux-ci sont-ils moins mauvais ? Tiens, sens. Je ne sais ce qui m'empêche de te les jeter au nez... Regarde, impertinente, vois mes mains infectées de cette ordure dégoûtante, et apporte-moi de quoi m'essuyer... Il faut en vérité que j'aie bien de la patience.

Colombelle. Ma soeur , ma soeur !.. Je gémis de vous retrouver toujours la même. Eh, dans quelle circonstance !... Faut-il, hélas ! que la plus légère occasion fasse évanouir toutes vos résolutions et reproduise tous vos défauts?.. Il n'appartient qu'à une poissarde d'employer les termes bas et outrageants dont vous venez d'accabler cette pauvre servante... Quel tort pouviez-vous donc lui reprocher, quand elle nous servait ce que sa maîtresse la chargeait de nous apporter? Mais eut-elle commis quelque inadvertance, elle vous en a demandé pardon, et vous seule êtes inexcusable de l'avoir traitée avec tant d'aigreur et d'indécence . Ah! que vous
sert-il d'aller si souvent à la rivière et d'avoir goûté avec moi le pain des forts si toujours vous contractez de nouvelles souillures et vous abandonnez sans retenue à vos passions.

Volontairette. Bon, bon; il faut traiter ces gens-là comme des chevaux de louage : plus on les éperonne, mieux ils vont.

Colombelle. Quelle odieuse comparaison! elle suppose, dans celle qui se la permet, beaucoup d'inhumanité, et s'applique très injustement à une malheureuse créature dont la condition est déjà assez pénible, pour que l'on n'en aggrave point la rigueur.

Volontairette. Je vois bien que vous ignorez le ton et les façons de faire du grand monde. Depuis que les subalternes sont devenus impérieux et insolents, il faut mater ces sortes de gens avec rudesse, si on veut en être obéi et respecté,

Colombelle. Vos sentiments et vos discours me font rougir, et ne sont malheureusement que trop conformes aux maximes du siècle, si opposées à celles de la religion : mais il n'en est pas moins vrai que quiconque saura commander à ses gens dans l'esprit de douceur et de charité qu'inspire cette religion bienfaisante, sera beaucoup mieux obéi et servi, que ceux auxquels les injures et la brutalité servent de raison et de loi. Si cette infortunée domestique a commis quelque faute, ce dont je ne conviens pas, vous vous êtes mise bien au-dessous d'elle, en l'injuriant de la manière la plus grossière. Elle a eu assez de jugement pour apprécier vos outrages, et assez de modération pour les dissimuler : car, si elle était aussi indiscrète et aussi emportée que vous, elle ne manquerait pas de les divulguer à votre honte. Ainsi, quoique pauvre et mercenaire, sa patience lui acquiert devant Dieu un mérite que vous fait perdre votre injustice.

Volontairette. Vous la jugez donc meilleure que moi, et vous osez, ce me semble, me comparer à elle ?

Colombelle. Vraiment oui, et votre orgueil dût-il en être offensé, j'ose croire qu'elle a sur vous de grands avantages. Eh, dites-moi donc de bonne foi, qui de vous ou d'elle s'est ici comportée d'une manière plus raisonnable et plus digne d'estime? Et à qui persuaderiez - vous que votre acharnement à l'injurier, est plus digne
d'éloges que sa retenue et son silence? Sondez-vous vous-même, et répondez.

Volontairette. Bah, bah, vous me faites sans cesse des contes à dormir debout... J'ai bien autres choses à penser et à regretter; ce sont les excellentes provisions de voyage, que j'ai si follement prodiguées : ah ! qu'elles remplaceraient bien à présent la mauvaise chère que nous faisons ici !

Colombelle.
Je n'avais que trop prévu et je vous avais avertie que vous vous repentiriez de vos profusions : vous eussiez dû m'en croire et suivre des conseils qui toujours ont pour but votre bonheur.

Volontairette. Qui eut pensé qu'on trouvât si difficilement des vivres sur une route aussi fréquentée? Ces paysans n'ont pas même l'esprit de faire des provisions pour les voyageurs.

Colombelle. Mais, qui vous empêchait de ménager les nôtres?... Vous ne l'avez pas fait : il faut donc nous contenter de ce que nous trouvons et prendre patience.  Au reste, voulons-nous moins ressentir cette légère privation ? Nourrissons-nous de l'espérance d'être ce soir splendidement et abondamment traitées à la table de notre illustre et généreux ami, qui lui-même a daigné nous y convier, et qui vient de nous envoyer l'aliment substantiel, le gage infaillible de ses promesses. Croyez-moi , chère soeur, revenons aux pensées douces et consolantes que doit produire en nous une aussi délicieuse attente. Terminons en paix notre compte avec l'hôtesse, et reprenons, sans tarder, notre course.

Volontairette. Je me rends à vos sages conseils, et vais sur le champ les mettre en pratique. Laissez-moi le soin de conclure avec la bonne femme; vous verrez comme je m'en acquitterai.


CHAPITRE 25.

Volontairette joignant la vanité et le mensonge à la friponnerie, trompe son hôtesse en la payant, et obtient d'elle un fruit que la gourmandise lui fait convoiter.


Volontairette. Venez, notre bonne hôtesse : que je vous paye notre dépense. Combien vous devons-nous?

L'hôtesse. Hé quoi, mesdames; êtes-vous donc si pressées de partir ? A peine avez-vous eu le temps de manger... Votre dépense ne sera pas forte; elle se réduit à
quinze sols.

Volontairette. J'aurais désiré faire avec vous, ma bonne, plus ample connaissance ; mais il faut, dit-on, que nous avancions chemin, pour arriver ce soir à notre but,
ce qui me contrarie beaucoup... Voilà de l'argent; rendez-moi le surplus.

L'hôtesse. Vous me donnez, je crois, une pièce de trente sols; je dois vous en remettre quinze...Voyez, madame, si ce que je vous rends, fait votre compte : car je n'y vois guères, quoique je me serve de lunettes.

Volontairette. Consolez - vous, bonne femme : les jeunes gens sont quelquefois moins clairvoyants que ceux qui ont besoin de lunettes, et moi-même je fais souvent
d'assez lourdes bévues.... Fort bien, c'est quinze sols que vous me rendez : nous voilà quittes.

L'hôtesse. Si vous êtes contente, je le suis aussi, et n'ai qu'à vous remercier de votre honorable visite.

Volontairette. Tout est au mieux, soyez tranquille... Mais, avant de vous quitter, j'aimerais à vous confier une chose qui m'est personnelle et dont je vous demande le secret.... Je suis dame de qualité, et réside en Allemagne, dans une terre qui depuis longtemps fait partie du domaine de mes ancêtres. La fille que vous voyez avec moi, est celle de mes femmes de chambre qui m'accompagne dans mes voyages. Ma mise simple et modeste n'annonce pas ce que je suis : mais j'ai chez moi une garde-robe riche et élégante; des bijoux précieux, une vaisselle complète et des équipages de toutes saisons. Le château que j'habite avec mon mari est un des plus beaux de l'Europe et des plus somptueusement meublés : nous y sommes servis par un grand nombre de domestiques, conformément à notre naissance et à notre fortune. Mon éducation a été tellement soignée, qu'outre les talents dont m'a gratifiée la nature, je possède, dans un degré éminent, celui de broder avec art, celui de jouer de plusieurs instruments , de peindre en miniature, de composer de jolies pièces de vers, de parler et d'écrire dans la plupart des langues modernes; ce en quoi je surpasse toutes les personnes de mon sexe. Aussi puis-je me flatter de jouir d'une réputation extraordinaire. De toutes parts on me recherche, et l'on m'admet dans les compagnies les plus savantes, ce qui m'attire souvent la jalousie des autres dames qui n'ont ni ma tournure, ni mes qualités : mais je m'en moque; mon esprit et mon adresse me tiennent lieu de tout, et, en dépit des jaloux, je conserve ma prééminence.... Ne vous imaginez pas, ma bonne hôtesse, que je vous fasse cette confidence, pour m'attirer votre estime et vos égards : la vanité n'est pas mon faible, et je sais trop bien que les louanges ne sont pas dues à celui qui les recherche. D'ailleurs , je serais au désespoir de perdre , par un mensonge le mérite du pèlerinage que la piété m'a fait entreprendre. C'est ce qui m'a déterminée à choisir un costume et une suite analogues à la circonstance où je me trouve... Voilà en partie mon histoire : vous étiez digne de la connaitre.... Je crois apercevoir une belle pomme sur votre armoire : j'aime éperdument cette espèce de fruit.... En la voyant, il me prend envie de vous la demander.

L'hôtesse. Ah, madame, elle est à vous. Je l'avais conservée avec soin; mais je suis trop flattée qu'elle puisse vous être agréable.

Volontairette. Je vous en remercie bien, ma chère hôtesse, et la mangerai à votre intention... Je vous quitte à regret, et je prie Dieu qu'il vous conserve heureuse et
en bonne santé.

L'hôtesse. Je vous fais de tout mon coeur le même souhait, madame, et suis votre très-humble servante.

Colombelle. Ma soeur, où êtes – vous donc, et qui peut vous retenir aussi longtemps ?

Volontairette. Me voici : je m'amusais à mon profit et au vôtre; je ne puis y penser, sans rire.... Cette vieille hôtesse m'ayant demandé quinze sols pour notre
dépense, je lui ai présenté une pièce d'argent tout usée et de fabrique étrangère, qui ressemble à celles de trente sols, mais qui n'en vaut effectivement que quinze.
Trompée par l'apparence, elle ma rendu quinze sols que j'ai pris, sans la tirer d'erreur. Voilà ce qui s'appelle faire une spéculation avantageuse, et voyager à peu de frais.

Colombelle. Eh quoi, vous osez vous glorifier d'une telle bassesse, et plaisanter d'une escroquerie honteuse et détestable?.. Ah ! j'en rougis pour vous, et vous déclare nettement que, s'il vous reste le moindre sentiment d'honneur et de délicatesse, vous ne pouvez tarder un instant à restituer cet argent à cette pauvre femme : la conscience
vous en fait un devoir rigoureux.


Volontairette. Vous avez beau dire; j'ai droit de garder ce qu'elle m'a donné.

Colombelle. Quoi, donné ?... Ah, dites plutôt, ce que vous lui avez dérobé, et ne cherchez point à justifier votre indigne artifice; vous seriez alors doublement criminelle... Pouvez - vous ignorer que la fraude, la duplicité, le larcin, quels qu'en soient les prétextes , sont en horreur à Dieu et aux hommes. Celui qui ose s'en rendre coupable, devient l'objet du mépris des gens honnêtes et se fait exclure de toute autre société, que celle des brigands. Jamais le vol, la spoliation, l'injustice ne sauraient assurer le bonheur et la prospérité des familles, ni même des grandes sociétés. Rien n'est utile et stable, que ce qui est juste. Dieu l'a voulu ainsi, parce qu'il est la souveraine équité : sa loi nous défend de faire aux autres ce que nous ne voulons pas que l'on nous fasse à nous-mêmes; elle interdit de prendre et de détenir le bien d'autrui; elle ordonne de restituer tout ce qui est au prochain et tout ce qui ne nous appartient pas. Cet ordre est positif; il n'admet ni exception ni prétexte; hors de là, point de salut.... Réparez donc au plutôt le tort que vous avez causé à cette femme, et rendez lui son argent... Je cours moi-même la chercher. Où êtes-vous, chère hôtesse?.. Écoutez, écoutez un instant.... Vous vous êtes trompée en nous rendant ces quinze sols que nous vous remettons , puisque la pièce qu'on vous a donné n'en vaut pas davantage.

L'hôtesse. Je vous remercie, ma fille : j'ai cru que votre maîtresse m'avait donné une pièce de trente sols.

Colombelle. Votre maîtresse , dites-vous? Cette dénomination est impropre : car nous ne sommes elle et moi que deux soeurs peu fortunées, mais qui ne voulons
tromper personne.... Adieu, chère et bonne femme : portez-vous bien, et vivez heureuse et contente.

SENS SPIRITUEL.

Beaucoup de personnes honnêtes selon le monde, se permettent sans scrupule de légères escroqueries qu'elles jugent excusables, surtout quand il s'y mêle quelque chose de plaisant. Elles emploient avec la même facilité une foule de mensonges, pour se faire valoir, afin d'obtenir les plus faibles avantages. Cependant, ces moyens bas et méprisables sont loin d'être légitimes devant Dieu, et rien n'est plus incontestable que cette maxime de saint Augustin : Le péché n'est point remis, si l'on ne restitue la chose enlevée, c'est-à-dire celle dont on a privé ou dépouillé le prochain.

LE PÈLERINAGE DE DEUX SOEURS, VERS LEUR BIEN-AIMÉ DANS LA CITÉ DE JÉRUSALEM - Belgique - 17 eme - Allégorie Apple


CHAPITRE 26

Le beau fruit que Volontairette vient d'obtenir par ses mensonges, se trouve gâté et rempli de pourriture.


Volontairette. Savez-vous bien , ma soeur, que la manière dont vous vous êtes expliquée, en quittant notre hôtesse, n'a pu que me déshonorer près d'elle et lui donner de moi d'étranges idées... Il est vrai que vous ignoriez le sujet de mon dernier entretien avec cette femme.... Eh bien, je lui ai fait croire que j'étais une dame de qualité, qui avais entrepris un pèlerinage pieux. Je lui ai composé une histoire toute entière, et me suis plu à la revêtir des couleurs les plus propres à me donner du relief auprès d'elle : mais mon seul dessein était d'en obtenir une pomme, belle en apparence, que cette femme conservait depuis longtemps: j'y suis parvenue, et elle me l'a donnée de bonne grâce. Ce fruit, si séduisant à l'extérieur, était au dedans si gâté, si mauvais, que, m'étant empressée d'y mordre, j'en ai eu la bouche empoisonnée, et j'ai beaucoup de peine encore à m'ôter ce goût détestable.

Colombelle. O pauvre soeur! vous seule avez pu vous déshonorer et vous souiller par vos paroles vaines et mensongères. Hé, fallait-il employer un tissu de faussetés, pour
arriver à un résultat si déplaisant? Pouviez-vous ignorer que les ruses et les petits manèges que l'on emploie pour se faire valoir, n'attirent ordinairement que le mépris, et ne deviez-vous pas prévoir et craindre les impressions et les suites fâcheuses que produiraient vos impostures? Osiez-vous d'ailleurs vous flatter que des actions basses et tout à fait ignobles feraient honorer en vous la naissance et les talents que vous aviez la folie de vous attribuer ?.. Ah, ma soeur, que vous connaissez peu la vraie noblesse qui ordinairement se distingue par les sentiments et les procédés vrais et généreux !.. Eh, qui vous empêche d'en saisir et d'en copier les traits dans le parfait modèle que nous présente le bien-aimé de nos âmes ? Ses invitations désintéressées, ses nobles et magnifiques avances n'auraient-elles pas dû depuis longtemps nous inspirer le désir et le courage de les imiter ? Quand donc enfin commencerons-nous à marcher sur ses traces et à nous montrer dignes de lui?

Volontairette. Dès cet instant, ma soeur, je veux, à votre suite et d'après vos conseils, aller droit au but, et y parvenir avec vous... Marchons et avançons.... Ha, ha, voyez donc ce parc immense, ces plantations magnifiques : tout annonce ici un vaste et superbe domaine...

Colombelle. Cela est vrai : mais gardons-nous de nous y arrêter. Contentons-nous, en le voyant, de reporter nos pensées et nos désirs vers le superbe et immense palais où nous espérons habiter dans peu d'instants. Se pourrait - il qu'une vaine curiosité nous empêchât d'arriver au terme qui seul doit fixer nos espérances.... Oh! quand paraîtrai-je en votre présence, unique objet de mon amour et de mes plus ardents désirs! vous seul pouvez en remplir l'étendue, et rien ici - bas ne saurait remplacer tout ce que vous êtes et tout ce que vous promettez. L'espoir de vous être bientôt réunie, me détache et me tient lieu de toutes les consolations passagères : c'est l'unique bonheur auquel j'aspire : il ne me reste qu'à l'attendre dans la patience et qu'à le mériter par ma fidélité. O vous qui m'appelez, secondez mes efforts, et apprenez-moi à recueillir les fleurs dont vous désirez que je vous
tresse une Couronne. Ma soeur, où êtes-vous?.. Eh quoi, déjà elle a disparu... Que va-t-elle devenir?. Ah, se pourrait - il?.. J'en frémis... O Dieu! daignez la sauver encore.

SENS SPIRITUEL.

La pomme gâtée, belle en apparence, mais détestable au goût, est la figure des fruits de l'injustice , qui, tout agréables qu'ils paraissent, sont néanmoins toujours pleins d'amertume, et ne laissent bientôt que des regrets pénibles ou des remords accablants.


CHAPITRE 27

Volontairette croyant devenir savante et s'enrichir, abandonne sa bourse à une magicienne , et se trouve aussitôt dans une situation horrible dont elle a beaucoup de peine à se tirer.

Volontairette. Me voici , ma soeur : j'accours à vous, demi-morte et glacée d'effroi

Colombelle. O Ciel! dans quel état vous vois-je! vous êtes défigurée et méconnaissable à faire peur.

Volontairette. Je tremble, je frisonne, je respire à peine !

Colombelle. Mais , de grâce, qu'avez vous donc ? Que vous est-il arrivé? Expliquez-vous.

Volontairette. Je ne le puis, la voix me manque.. Laissez-moi quelques instants reprendre mes sens. Enfin pourrai-je et oserai-je vous parler ?... Ah! ma chère soeur, que d'affreux détails vous allez entendre !... De cette vieille masure que vous découvrez d'ici, trois magiciennes de profession m'aperçurent, m'appelèrent et me firent offre de me donner la bonne aventure. Trouvant l'occasion de satisfaire ma curiosité, je la saisis, sans en prévoir les conséquences, et, de suite, je me fis instruire de quantité de choses extraordinaires qu'elles devinèrent en inspectant les plis de mes mains. Bientôt je vis sortir d'un antre obscur une manière de spectre ou de vieille sorcière dont la tête branlante, les yeux enfoncés, les cheveux noirs et épars, la peau livide et desséchée me firent reculer d'horreur ; mais qui, s'approchant de moi, me promit de m'enseigner l'art de m'enrichir sans travail, et m'offrit de me conférer des pouvoirs.  Le désir si naturel d'être riche, de vivre dans l'abondance et de me faire un nom, me détermina à accepter la proposition, et, d'après l'accord que je fis, je lui abandonnai ma bourse qui devait, hélas, payer si chèrement ma sottise. Après m'avoir exhorté à ne rien craindre, elle commença ses prestiges. S'étant ensuite couverte d'un voile lugubre, elle ouvrit un livre maudit. A ce sinistre appareil succédèrent des sons inarticulés, des paroles inintelligibles que marmottait une voix sépulcrale. Je n'y distinguai que d'horribles évocations. » A ces mots, je frémis, et agitée par les affreuses réflexions où me jetais cette scène effroyable, je fus subitement enveloppée d'un nuage de fumée noire et épaisse que parcouraient des ombres, des monstres hideux, à la lueur des éclairs et au bruit de la foudre et des tonnerres... Saisie d'épouvante, une sueur froide se répandit sur tous mes membres,et ne me laissa de ressource, que la fuite, pour me soustraire à tant d'abominations. Je franchis donc et la fumée, et les éclairs et les torches ardentes , et me sauvai de cet infâme et exécrable repaire, heureuse de m'en tirer aux dépens de ma figure, de mes cheveux et de mes vêtements.

Colombelle. Malheureuse créature ! où vous conduiront enfin vos passions insensées, et quand cesserez - vous d'en être l'esclave et la victime?... Quand ouvrirez vous les yeux aux lumières de la raison, de la religion et de l'expérience?... L'abominable scène dans laquelle vous venez de figurer, l'état déplorable où vous êtes, la perte de votre bourse, mais surtout celle de votre âme, ne sont - ce pas des leçons bien capables de vous confondre et de vous faire rentrer en vous-même ?

Volontairette. J'en conviens ma bonne et tendre soeur.... Mais, que voulez-vous ? Nous sommes si fragiles... Et puis, j'espérais devenir riche et savante de toutes les manières et sur tous les points... Je me serais ainsi dédommagée de mes avances.

Colombelle. C'est-à-dire que vous cherchiez tous les moyens de vous perdre, en voulant obtenir par des voies superstitieuses et détestables, ce qui ne pouvait qu'alimenter et fomenter vos malheureux penchants. Eh bien ! êtes-vous devenue plus savante et plus riche ? Dépouillée de tout, peut-être au moins saurez-vous apprécier les ridicules et criminelles prétentions des sciences occultes et l'imposture des charlatans qui en font usage ?... Mais vous était-il donc bien difficile d'apercevoir le but d'une femme rusée qui vous demandait votre bourse, pour vous apprendre l'art de vous enrichir ? Si elle l'eut connu véritablement cet art, elle en eut fait seule son profit. Elle possédait beaucoup mieux sans doute celui de se gorger aux dépens de ses dupes....  Comment, d'après vos principes religieux, pouviez-vous employer de pareils moyens pour obtenir ce que vous convoitiez illicitement?.. Ces moyens ne vous ont pas réussi, direz-vous : mais êtes - vous moins coupable d'y avoir cru, de les avoir tentés et mis en pratique? Pouviez-vous ignorer les menaces et les châtiments que prononcent contre ces associations les lois divines et humaines, et compteriez vous pour peu de chose d'y avoir participé? Ah ma soeur, que votre état est déplorable ! Sentez-en, s'il se peut, toute l'horreur : mais gardez-vous de désespérer de l'indulgence de notre bien-aimé; elle est sans bornes, elle est inépuisable... Hâtez-vous donc de vous purifier encore; allez à la rivière : vous n'en eûtes jamais un plus grand besoin.

Volontairette. J'y cours sans tarder cette fumée dégoûtante dont j'ai le corps noirci, exhalent une odeur insupportable. Je suis à charge à moi-même, et je sens plus que jamais le prix d'un bain aussi salutaire.... Mais, de grâce, regardez, ma bonne soeur, comme on traite ces magiciennes effrontées : voyez comme elles fuient devant les paysans qui les chassent de cet odieux repaire. Je crois même que l'un d'eux nous appelle. Écoutons ce qu'il veut nous dire.

Le Paysan à Volontairette. En vérité, Madame, nous avions tantôt grande pitié, quand nous vous voyions accrochée et presqu'ensorcellée par cette bande de gueuses. Je parierais bien qu'elles vous ont escroqué votre bourse; car elles sont subtiles à ce manège. Mais aussi, vous avez vu comme nous les avons dénichées et menées, tambour battant, hors du village.

Volontairette. Fort bien, brave homme : mais j'aurais désiré que vous en eussiez fait plus prompte justice.

Colombelle. N'importe mon ami; vous avez parfaitement travaillé, vous et vos camarades. Peut-on souffrir quelque part une engeance aussi détestable? Vous en avez purgé votre canton, vous nous avez délivrées d'un grand fléau. Comptez sur notre souvenir, et recevez nos remerciements. Nous prierons Dieu qu'il vous garde et vous bénisse.  Marchons à présent, ma soeur, et regagnons le temps précieux que votre imprudence nous a fait perdre... Mais n'oubliez pas d'aller, avant tout, vous laver à la rivière. Les moments que vous y passerez, ne seront perdus ni pour vous ni pour moi : je les emploierai à m'humilier, à prier pour vous et à gémir sur les contretemps malheureux qui sans cesse retardent notre arrivée et nous exposent à manquer le but de notre voyage. Combien, hélas ! de mauvais pas, de pierres d'achoppement, de lieux escarpés, de pentes glissantes, de bourbiers profonds , de rencontres et d'occasions dangereuses , s'opposent à notre entrée dans Jérusalem !...

Allez donc et soyez sur vos gardes, de peur que quel que nouveau péril... ( Ici Volontairette s'achemine vers la rivière, et laisse Colombelle seule qui continue. ) Eh, qui me donnera d'échapper moi-même à tant de dangers, de surmonter tant d'obstacles? Vous seul, ô mon bien - aimé ! vous qui connaissez tous mes désirs et à qui mes gémissements ne sont point cachés... Bientôt, bientôt, vous ferez cesser mes ennuis, mes craintes, mes alarmes, et vous me comblerez de paix, de consolation et d'allégresse. Ah! qu'il me tarde d'entrer dans la joie pure et ineffable de mon bon maître !.. Où sont ceux qui partagent pour lui mes sentiments et mes transports ? Que le nombre en est petit !.. Qu'avec eux au moins je puisse quelque instant m'entre tenir du bonheur de l'aimer l... O vous que je rencontre dans les sentiers de cette pénible carrière, parlez-moi de celui que mon coeur aime... Je le cherche depuis trop longtemps, et le chercherai toujours, jusqu'à ce que je le trouve...Je le trouverai enfin, j'en ai la douce espérance : car il est à moi, et je suis à lui.... Vous tous qui allez à Jérusalem, et qui en goûterez bientôt les délices, faites connaitre à mon bien-aimé que je languis d'amour pour lui... Ah! tout ce que vous m'en dites, me ravit, me transporte. Je ne puis me lasser d'entendre ce qui le rappelle à mon coeur. Je voudrais, à mon tour, confier aux vôtres le récit des biens qu'il a faits à mon âme, et prolonger avec vous les entretiens de notre amour et de notre reconnaissance. Mais il m'appelle, et j'obéis.

SENS SPIRITUEL.

Ceux qui, par des moyens illicites et superstitieux, ou même par une coupable cupidité, cherchent à se procurer des richesses ou d'autres avantages humains, tombent ordinairement dans la tentation et dans les pièges du démon ( l`ange déchu). Souvent même ils sont réduits, tant pour l'âme que pour le corps, à la plus affreuse misère. Les justes au contraire, tout en déplorant les dangers auxquels notre âme est exposée durant le pèlerinage de cette vie, se confient dans le secours du Seigneur, et l'amour qu'ils lui portent, leur fait ressentir des effets particuliers de sa protection.


CHAPITRE 28

En revenant de la rivière , Volontairette se mêle à une troupe de villageoises auxquelles elle dispute le prix du chant et de la danse. Elle obtient une couronne de nèfles dont la corruption infecte l'air autour d'elle et tache sa robe.

Colombelle. Je vous attendais, ma soeur. Qui a pu retarder à ce point votre retour? Auriez-vous employé à vous laver tout le temps de votre absence?.. Je crois apercevoir sur votre visage et remarquer dans tout votre maintien un air de légèreté et de dissipation, qui n'annonce guères le calme et la joie modeste qu'inspire l'action que vous vous proposiez en me quittant. Auriez-vous été perdre dans la dissipation et par la rechute dans les mêmes fautes, le regret de les avoir commises et la courageuse résolution de les expier ?

Volontairette. Calmez vos craintes, ma chère soeur, et voyez ce que j'apporte... C'est une couronne de nèfles.

Colombelle. Comment vous l'êtes – vous procurée ?

Volontairette. J'ai aperçu, lorsque je revenais à vous, un groupe de villageoises qui chantaient et dansaient à l'envi, pour obtenir un prix destiné à la plus habile. Sûre de mes talents et de mon adresse, je me suis à l'instant introduite dans le cercle, et, associée à la bande joyeuse, j'y ai dansé et chanté d'une manière si supérieure, que j'ai enlevé tous les applaudissements, et que la couronne m'a été accordée.

Colombelle. Quel est donc le beau chant qui vous a valu cette gloriole ?

Volontairette. Peu importe : il suffit que j'en aie la récompense.

Colombelle. Vaine et frêle récompense, pour qui en attend une véritable et solide! Mais pourquoi ne pas me confier ce qui vous a valu celle que vous me montrez? auriez-vous honte de m'en faire l'aveu ?

Volontairette. J'hésite beaucoup à m'y résoudre. Je vous connais si difficile, et, j'ose dire, si scrupuleuse, que je craindrais de votre part de nouveaux reproches.

Colombelle. Eh, pourrais-je vous en faire, si votre chant n'a donné rien à entendre qui ne fut honnête et décent?

Volontairette. Je n'oserais me flatter qu'il ait eu cette perfection ; car tout y était du genre le plus gai et le plus piquant aussi, rien n'a tant amusé, rien n'a mieux
prêté à la plaisanterie et aux applications les plus facétieuses. Mes jolis couplets m'ont valu la réputation de femme d'esprit, de personne aimable et enjouée. Et cependant, vous le dirai-je? Des morceaux si vivement applaudis et dans lesquels l'amour figure avec grâce, avaient été par vous impitoyablement retranchés de mon recueil. Une aussi belle occasion me les rappela fort à propos; je ne puis trop en bénir mon heureuse et excellente mémoire.

Colombelle. Ah! tant pis; car je n'avais eu que trop de raisons de vous engager à les oublier pour jamais. Loin donc de vous en glorifier aussi indécemment que vous le faites, vous ne devriez qu'en rougir, et déplorer la scandaleuse publicité que vous leur avez rendue. Fi, fi, ma soeur vous convient-il de chanter d'autre amour, que celui dont nous honore et qu'attend de nous le bien-aimé de nos âmes ! Comment donc avez - vous pu célébrer un amour criminel à ses yeux, et, par une suite nécessaire, abjurer celui qui doit essentiellement occuper nos esprits et nos coeurs?.. Eh , dans quelle circonstance vous êtes-vous permis cette infidélité? C'est au retour et des bords même de la rivière où vous aviez dû puiser l'esprit de retenue et de sagesse, et où vous vous étiez purifiée de la faute la plus grave, que vous courez à de nouveaux dangers : c'est après vous être engagée à une circonspection plus exacte sur vous-même, que vous vous associez à une troupe volage et insensée, et allez perdre dans l'ivresse d'une joie toute mondaine le fruit des salutaires leçons que nous avoient données les envoyés du bon maître .

Volontairette. Que dites-vous, ma soeur? Ah, loin d'avoir perdu dans cette rencontre, j'y ai gagné un prix distingué et me suis fait un nom.

Colombelle. Ajoutez à un si bel éloge celui non moins honteux d'avoir mendié et obtenu quelques applaudissements, quelques fades louanges de la part de jeunes gens qui au fond n'avaient pour vous qu'un parfait mépris. Hélas! toutes celles d'entre nous qui cherchent à leur plaire par de semblables moyens, annoncent assez que leur vertu est au moins très-chancelante : elles ont toujours à se reprocher devant Dieu les funestes impressions que font sur elles et sur ceux qui les écoutent leurs chansons immorales et dissolues. Réfléchissez, si vous en êtes capable, à la terrible responsabilité que vous a fait encourir votre nouvelle imprudence...Voyez, voyez sur votre robe les taches affreuses qu'y ont laissées vos nèfles... La corruption que répandent ces malheureux fruits, vous convaincra peut-être mieux que mes paroles, du peu de valeur et des mécomptes réels que produisent les plaisirs et les récompenses de ce monde.

Volontairette. Il est bien déplaisant pour moi d'être toujours l'objet de votre sévère et inflexible censure. Je ne puis me permettre aucun délassement, aucune récréation, que vous n'y trouviez à redire.

Colombelle. Vous dites vrai, ma soeur : mais votre conscience doit seule vous répondre... Ajouterai - je à son témoignage que, loin de vous éloigner des vrais plaisirs, je ne cesse de vous indiquer ceux qui ne laissent à leur suite, ni désagréments, ni souillures, ni remords... Vous aimez, ce semble, les chants qui peuvent égayer et charmer les ennuis de notre pèlerinage : eh bien, qui nous empêche d'adresser à notre bien-aimé quelqu'un de ces cantiques qui sont entre nos mains, et où les plus nobles sentiments exprimés par des paroles simples et touchantes, remplacent les maximes licencieuses, les expressions passionnées des chansons profanes?.. Commençons par ceux qui servent à honorer la naissance de noire bon maître , et partageons la pieuse allégresse des bergers qui les premiers lui ont offert leurs hommages. Est-il rien de plus doux, ma chère soeur, que de célébrer ce que l'on aime?.. (Ici Colombelle propose un cantique à sa soeur qui paraît le dédaigner. )

Auguste enfant, le plus beau des enfants des hommes ! Si j'avais eu l'inappréciable avantage d'être admise à votre berceau, je n'aurais pu y déposer une offrande qui
vous fut plus agréable, que celle de mon coeur et de tout moi-même. Que j'aurais vivement senti le bonheur d'être auprès de vous! que j'aurais goûté de délices à vous
porter entre mes bras, et à vous serrer contre mon coeur ! de quelle abondance de parfums et de fleurs je vous aurais entouré! que de respects, que de services j'aurais
prodigués à celui qui, pour m'élever, s'est anéanti, et qui, pour m'enrichir, s'est réduit à la plus extrême indigence !.. Mes tendres empressements se seraient unis à
ceux de sa bienheureuse et incomparable mère : avec elle, je me serais comme absorbée dans la contemplation des grandeurs et des abaissements du fils de sa tendresse ; avec elle je l'aurais aimé; comme elle, je me serais répandue en actions de grâces.... Mais pourquoi me reporter aux sentiments qu'aurait produits en moi ce ravissant spectacle ? Chaque jour et à toute heure le bien-aimé est pour nous aussi bon, aussi parfait, aussi aimable : il est et sera toujours le même; sa charité est éternelle... Soyons donc pour lui tout amour, et aimons-le sans mesure, sans réserve et sans partage.... Croyez-moi, ma chère soeur, jetez cette couronne flétrie et qui n'exhale qu'infection, et occupez-vous, sans tarder, à en composer une des fleurs les plus belles, pour la mettre aux pieds de celui qui nous en promet une incorruptible.

SENS SPIRITUEL.

La confession immédiatement suivie de rechute dans des fautes graves, n'est point ordinairement accompagnée d'une douleur sincère et d'une ferme résolution d'éviter le mal, sans lesquelles l'absolution ne justifie point le pécheur, et ne lui fait point recouvrer le mérite de ses bonnes œuvres. Aussi ne voyons-nous pas ici que Volontairette, en revenant de la rivière, ait retrouvé les fleurs qu'elle avait perdues parmi les magiciennes. Excitée par la vaine gloire dont les efforts n'aboutissent tout au plus qu'à obtenir du monde des récompenses également vaines, figurées par la couronne de nèfles pourries, elle se plait dans cette corruption scandaleuse où elle est tombée, et ne s'élève point jusqu'aux sentiments nobles et aux dispositions généreuses que l'amour de Dieu et le désir de sa gloire inspirent à Colombelle; sentiments et dispositions seuls dignes d'une couronne immortelle et à l'abri de toute flétrissure.

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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LE PÈLERINAGE DE DEUX SOEURS, VERS LEUR BIEN-AIMÉ DANS LA CITÉ DE JÉRUSALEM - Belgique - 17 eme - Allégorie Empty Re: LE PÈLERINAGE DE DEUX SOEURS, VERS LEUR BIEN-AIMÉ DANS LA CITÉ DE JÉRUSALEM - Belgique - 17 eme - Allégorie

Message par MichelT Dim 17 Nov 2019 - 1:52

CHAPITRE 29

Volontairette affaiblie par ses dernières fautes, succombe au respect humain , et veut, par ce motif, renoncer à cueillir des fleurs qui puissent plaire au bien-aimé. Colombelle, animée d'un nouveau courage, lui représente combien il est indigne d'une personne sage de se rendre ainsi l'esclave des insensés.

Volontairette. Sans cesse vous me pressez de chercher et de cueillir avec vous des fleurs. Mais, que doivent penser de nous ceux qui nous voient occupées à de semblables bagatelles? Ils sourient de pitié, sans doute, et disent que ces soins minutieux nous feront perdre la tête, et que nous devrions employer notre temps à nous amuser comme les autres.

Colombelle. Laissons-les penser et parler comme des insensés, et ne cessons de nous comporter en personnes sages et prudentes.  Suivons avec courage et avec circonspection notre généreuse entreprise, n'écoutons que la voix qui nous appelle, et avançons avec une nouvelle ardeur vers celui qui nous attend et qui seul doit nous suffire. Eh, pouvons - nous mieux employer les courts instants de notre pèlerinage, qu'à nous rendre agréables à ses yeux, et à mériter par des œuvres qui lui plaisent la magnifique réception qu'il nous prépare ? Rougirions-nous de faire pour lui ce que tant d'autres font pour contenter les prétentions les plus vaines? Combien de personnes, jusque dans les conditions les plus relevées, se donnent l'occupation et le plaisir de composer et d'arranger elles-mêmes les bouquets dont elles se parent !

Et, nous pourrions montrer moins d'empressement et de zèle, pour plaire à notre bien - aimé et obtenir ses plus insignes faveurs ? Et, nous nous laisserions lâchement intimider par les clameurs ou les fades ironies des faux sages? Semblables à des malades qui prennent en aversion les aliments les plus sains, ou à ceux dont les yeux faibles ne peuvent supporter la clarté du jour, la plupart de ces hommes du siècle blâment tout ce qui choque, tout ce qui condamne leurs absurdes préjugés ou leur lâche indifférence. Eh, pourquoi craindrions - nous de leur déplaire, en cherchant à obtenir l'approbation et les bonnes grâces du plus sage et du plus judicieux des maîtres?

Volontairette. Je reconnais, ma soeur, qu'effectivement mes craintes étaient déplacées, et je suis plus que jamais convaincue du peu de fondement qu'ont ces sortes de critiques. Je vais en conséquence me remettre à l'ouvrage et amasser des fleurs avec vous.

Colombelle. En voilà de flétries; ne les cueillez pas , ma soeur ; ce serait peine perdue.

Volontairette. Eh bien, nous en trouverons d'autres... Ne nous arrêtons pas d'avantage, puisque nous sommes pressées.

Colombelle. Si véritablement vous êtes résolue de faire diligence, nous pourrons encore arriver ce soir à Jérusalem et offrir au bien-aimé des fleurs qui seront préférables à celles que nous nous sommes jusqu'ici procurées. O le bien-aimé de nos âmes! ô vous qui connaissez notre faiblesse et notre fragilité, daignez par votre puissance aplanir les obstacles qu'un monde pervers s'efforce de mettre à l'heureuse issue de notre voyage. Réduisez au silence ces langues perfides qui nous détournent d'aller à vous. Soutenez la résolution que vous nous avez fait prendre de mépriser leurs injustes censures et leurs audacieuses railleries; afin que, marchant avec une noble et généreuse liberté dans les voies qui conduisent à vous, notre humble confiance dans votre secours nous fasse arriver sans empêchement et sans retard, au terme heureux où tous les biens nous attendent.

SENS SPIRITUEL.

Le respect humain est une servitude insupportable pour toute âme dont les sentiments sont nobles et élevés : il tend à nous rendre esclaves, en nous assujettissant aux caprices des personnes les moins faites pour être nos guides ; tandis que rien , au contraire ne doit être plus libre que notre conduite dans ce qui a rapport au bien et à la vertu. Aussi, la critique insensée des partisans du monde n'empêchera-t-elle jamais une âme généreuse de persévérer dans la pratique des bonnes œuvres et dans les saints exercices de la piété.


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CHAPITRE 30

Volontairette écoutant avec plaisir le babil d'un perroquet, reçoit sur son chapeau et sur ses habits la fiente d'une cigogne.

Volontairette. Ah! ma soeur , voyez donc comme je suis faite, et le malheur qui vient de m'arriver. Ma robe et mon chapeau sont dans un état déplorable.

Colombelle. Vous vous êtes sans doute encore arrêtée et amusée à quelque bagatelle , tandis que vous deviez cheminer avec moi ; et vous éprouvez ce nouveau désagrément, pour avoir violé vos dernières résolutions qui cependant étaient si formelles.

Volontairette. Ce que vous dites est vrai: mais je n'ai pu résister au plaisir d'écouter, en passant près de cette fenêtre, un perroquet qui dit des choses vraiment extraordinaires. J'ai été punie de ma curiosité par une cigogne fort incivile qui, du haut d'un toit, a pris plaisir à me verser sa fiente sur la tête, et m'a mise dans l'état où vous
me voyez.

Colombelle. Mais dites-moi donc ce que vous aviez à gagner, en écoutant l'insignifiant babil d'un oiseau qui ne sait dire ou répéter que ce qu'il a entendu, mais qui, de lui-même, sait mordre et blesser ceux qui l'approchent. Vous ne pouviez trouver en lui que beaucoup de ressemblance avec les bavards, les indiscrets et les méchants dont le monde fourmille, et qui, discourant à tort et à travers, attaquent, censurent, mordent qui bon leur semble, sans s'inquiéter des suites qu'auront leur démangeaison de parler et leurs morsures cruelles. Les écouter, c'est leur faire trop d'honneur : le parti prudent et sage est de leur tourner le dos et de les abandonner au mépris public qu'ils sont sûrs de recueillir.... Vous voyez, ma soeur, combien de temps vous venez de perdre.... Quand finiront enfin ces retards continuels ?.... Croyez-moi; rompez avec courage tous les liens qui vous retiendraient encore : allez sans délai, vous purifier a la rivière ; nettoyez-vous à fond, et tachez de recouvrer vos fleurs : car, aux approches de la nuit, il vous serait difficile de vous en procurer de nouvelles.. Courage; ne tardons plus : je vous accompagnerai et me laverai de mon mieux avec vous. Nous ne devons l'une et l'autre chercher qu'à nous rendre toujours plus agréables à notre bien-aimé.

Volontairette. Hélas ! que j'ai honte d'apercevoir sur moi tant de souillures ! Que je me déplais à moi-même ! que j'éprouve de malaise!... O belle et limpide rivière! que vos ondes coulent ici à propos ! qu'il est doux de s'y baigner !...... Déjà j'en éprouve l'efficacité.... Ah, ma soeur, rien n'égale la satisfaction, la paix, le bonheur que je goûte, en me voyant enfin pure et nette.

Colombelle. Eh, sans doute, chère soeur, c'est de toutes les jouissances la plus douce et la plus consolante : mais rapportons-la toute entière à celui qui daigne nous l'accorder, et efforçons - nous d'en mettre à profit les précieux avantages. Que la vertu de ces eaux salutaires fasse cesser nos inconstances, nos langueurs, nos funestes
délais, et qu'on aperçoive, à notre empressement et à notre courageuse ardeur, que nous voulons, avant la nuit, arriver au terme vers lequel nous aspirons.... O désiré
de nos coeurs! vous daignerez agréer nos résolutions, seconder nos efforts, et nous aider à paraître pures et sans tâche devant vous qui êtes la pureté même.... Marchons,
ma soeur, marchons... Voici vos fleurs que je viens de retrouver.... Mais, vous paraissez me suivre avec peine.

Volontairette. Hé, oui vraiment : car le pays devient si montueux, que la route commence à me fatiguer.

Colombelle. Eh bien, chère soeur, quand les travaux, quand les fatigues s'accroissent et se multiplient, cherchons dans les invitations de notre bon maître, la force et
l'appui que nous ne trouvons point en nous-mêmes. Venez à moi, dit-il, Vous tous qui êtes fatigues, qui supportez avec peine vos fardeaux, et je vous soulagerai. Que
ces paroles tendres et encourageantes raniment notre ardeur et notre espérance. Déjà munies de l'aliment substantiel qui soutient dans le voyage, courons et volons
au banquet délicieux qui nous attend à Jérusalem. Le gage précieux que nous avons reçu de notre future félicité, doit nous en faire connaitre et apprécier l'excellence

SENS SPIRITUEL.

Le perroquet, par son babil, et la cigogne, par son imprudence, sont ici la figure des médisants et des calomniateurs. Se plaire dans la compagnie de ces sortes de personnes c'est s'exposer à contracter de grandes souillures et à s'attirer mille désagréments... Qui laisse impunément attaquer la réputation d'autrui, voit souvent la sienne compromise. D'ailleurs, ceux qui écoutent avec plaisir la médisance et la calomnie, ou qui s'en repaissent avidement par curiosité, se rendent toujours aussi coupables devant Dieu, que s'ils les avaient débitées eux-mêmes.


CHAPITRE 31

Volontairette s'étant arrêtée chez un potier, y trouve un singe qui la divertit, et y achète une tire-lire pour déposer ses épargnes. Colombelle lui montre ce qui ressemble en elle au vilain animal dont elle rit, et la reprend de son avarice.

Colombelle. Vous me quittez, ma soeur, et pourquoi?... Allez-vous encore vous occuper de quelque puérilité ?

Volontairette. Je ne demande qu'un instant, et je suis à vous : comptez sur moi. Fidèle à ma parole, me voici... Je me suis arrêtée bien peu de temps, comme vous voyez, chez ce fabricant de poteries, pour y acheter une tire-lire dans laquelle je déposerai l'argent de mes épargnes : car je ne vous cache pas que je veux amasser tant que je pourrai, n'importe comment; et à coup sûr j'atteindrai mon but, en thésaurisant toujours et ne me dégarnissant pour qui que ce soit .. J'oubliais de vous dire que ce potier a un singe dont les manières originales m'ont singulièrement divertie. Il s'est avisé, pendant que je payais son maître, de vouloir en l'imitant, façonner un vase : mais il a tout gâté. Le fabricant l'a cassé aux gages comme un ouvrier plus qu'inutile.

Colombelle. Hélas, ma pauvre soeur, ce qui vous a tant amusé, me donne lieu de gémir, quand j'aperçois en vous, créature raisonnable, tant d'analogie avec un animal
ridicule et nuisible. Comme lui, vous perdez votre temps de gaieté de coeur, en vous occupant de choses étrangères à votre vocation et contraires à la volonté de votre
maître Vous faites retomber sur la vertu vos écarts, vos faiblesses, vos ridicules, et devenez ainsi responsable du préjudice que vous causez aux autres et à vous-même.
Mais, ce qui aggrave vos torts et vous expose aux plus grands malheurs, c'est l'esprit de cupidité qui s'est emparé de vous, c'est la sordide avarice dont je vous vois atteinte et comme possédée. Eh quoi, vous n'avez pas honte de vouloir amasser par tous les moyens possibles, quand vous devriez, au moins de coeur, vous détacher de tout ce qui vous retient, vous surcharge et ralentit vos pas?... Eh , quel sacrifice serait plus agréable à celui qui nous a tout donné et qui attend tout de notre amour, que d'abandonner à ceux auxquels il porte un si tendre intérêt, à nos frères infortunés tout ce que nous possédons, et de nous jeter sans inquiétude dans le sein de la bonne providence !... Mais avançons, ma soeur, je vous en conjure, et ne mettons plus d'obstacles ni de délais à notre marche : car je ne dois plus vous dissimuler que vos inconstances et vos criminels retards accroissent mes inquiétudes et mes alarmes. Je tremble, je frémis sur le sort affreux que vous prépareraient de nouvelles fautes... O mon bien-aimé ! vous seul êtes ma consolation, mon soutien, mon espérance. Ah! ne nous abandonnez point, à la fin de notre carrière. Sauvez, sauvez celle qui devant vous me fait verser tant de larmes...Venez, approchez, chère soeur; ne nous quittons jamais. Tout est perdu pour nous, si nous n'employons à arriver le peu d'instants qui nous restent.

Volontairette. Eh bien, ma soeur, puisque vous le voulez, me voici disposée à vous suivre. Mais que ce chemin est rude et pénible!.. Faut-il, hélas! que je me sois
laissée conduire par des routes aussi fatigantes, aussi difficiles, tandis que tant de jeunes personnes vivent à l'aise et sans soucis, au milieu des plaisirs les plus doux
et les plus riants! Est-ce donc là, ma soeur, ce tendre amour que nous porte, dites vous, le bien-aimé ? Qui pourrait persévérer dans les travaux et les privations
insupportables qu'il nous impose ?

Colombelle. Ah, ma soeur, gardons-nous d'écouter nos répugnances naturelles, et ne perdons pas le fruit de tant de peines. Loin de murmurer et de nous plaindre,
remercions au contraire le plus sage des guides qui nous appelle par un chemin de si courte durée, à une félicité sans bornes. Reconnaissons et admirons l'insigne faveur
dont il nous honore, en se dépouillant de sa grandeur, pour venir lui-même nous tracer la route, y marcher le premier et nous en aplanir les aspérités. Oui, tendre et généreux bienfaiteur, c'est l'amour dont vous brulez pour nous, qui vous a fait entreprendre tant de travaux, supporter tant de douleurs, souscrire à tant de sacrifices, pour nous tirer
de l'abîme où nous allions périr et nous conduire aux plus sublimes destinées : c'est l'amour qui vous a fait descendre du trône de votre gloire, pour nous chercher et
nous sauver au prix de votre repos , de vos sueurs et de votre sang. Vous avez affronté tous les périls, tous les affronts, tous les tourments, pour nous assurer les richesses,
les délices et la gloire. Ah! que sont nos privations et nos peines, comparées à celles que vous a coûté la conquête de nos coeurs ?

Qu'elles sont courtes et légères ces tribulations qui doivent nous mériter un si magnifique héritage et le poids immense d'une gloire et d'un bonheur ineffables !
Réfléchissez enfin, ma soeur, et voyez combien seraient injustes nos dégoûts et nos plaintes, quand nous devons au bien aimé tant de gratitude et d'amour, quand nous
allons recueillir les palmes et les couronnes promises à nos derniers efforts. Courage donc, chère soeur, marchons du même pas : nous touchons à la félicité.

SENS SPIRITUEL.

La manie d'imiter les autres, contre toute raison, figurée ici par les extravagances du singe, conduit souvent à de grandes fautes ou au moins à des erreurs très-préjudiciables soit au prochain, soit à nous-mêmes. L'avarice qui retranche toute libéralité, mène aussi très-souvent à l'injustice, et elle est déjà en elle-même un péché abominable : car l'écriture nous dit qu'il n'est point de scélératesse au-dessus de celle de l'avare. Tandis que les autres passions diminuent insensiblement et s'éteignent, pour ainsi dire, avec l'âge; celle-ci ne fait au contraire que s'accroître et devenir toujours plus tyrannique, en courbant l'homme de plus en plus vers la terre : aussi le cœur de l'avare ne s'élève - t - il que très-difficilement vers le Ciel. L'Aumône, fruit de la charité, nous est expressément recommandée par Jésus-Christ, et c'est elle surtout qui nous donne entrée dans son royaume. La considération des souffrances de ce divin Sauveur, est encore fort utile pour nous exciter à soutenir avec courage les peines et les adversités de cette vie, et nous en faire mériter une qui n'aura point de fin.



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CHAPITRE 32

Les deux soeurs arrivent, en gravissant, à la vue de Jérusalem. Volontairette n'écoute que son orgueil, et monte au sommet d'une élévation d'où le vent la précipite dans les abîmes. Des envoyés de Jérusalem annoncent à Colombelle sa réception prochaine dans le palais de son bien-aimé.

Colombelle. Réjouissons-nous, ma soeur. Déjà se découvre à nos yeux la glorieuse cité de Jérusalem... Dieu en soit béni ! A cet aspect, mon esprit, mon coeur, tout
mon être tressaillent de la plus vive allégresse... Le désir et l'amour me donnent des ailes.

Volontairette. A en juger de loin, cette ville parait vaste et belle. Nous devrions monter plus haut, pour en mieux contempler l'ensemble.

Colombelle. Ce n'est rien de la voir de loin... Ah, de grâce, ma soeur, ne nous arrêtons pas : le point important est de nous en assurer l'entrée. Suivons donc la route ordinaire qui nous en approche ; mais soyons sur nos gardes, car elle devient plus étroite et même périlleuse : de quelque côté que nous nous écartions, nous sommes en danger de périr. Environnées d'affreux précipices où se sont perdus tant de voyageurs inattentifs ou téméraires, craignons un malheur semblable, et gardons-nous de nous y exposer.

Volontairette. Je quitte avec peine la vue d'un aussi beau pays; je n'ai pu que l'entrevoir : il parait surpasser tout ce que nos climats offrent d'agréments, de fertilité
et de richesses, et semble nous promettre tous les biens et tous les plaisirs... J'en conclus que le bien-aimé a dû trouver en nous des qualités rares et excellentes, puisqu'il nous a appelées à partager son bonheur et ses jouissances. Eh, certes, il nous doit bien cette distinction, pour le voyage que nous avons entrepris, à sa demande, et pour les fleurs que nous lui apportons, au prix de tant de fatigues.

Colombelle. Ah! ma soeur, que signifie un langage si étrange?... Il me trouble, il m'inquiète, il m'épouvante... Mon âme est agitée des plus noirs pressentiments. Apercevez-vous ces nuages, avant-coureurs du violent orage dont nous allons être assaillies? Sentez-vous le vent impétueux qui tout à coup s'élève ? Entendez-vous le roulement affreux du tonnerre? Voyez-vous les éclairs et la foudre qui sillonnent les airs?... Prévenons l'horrible tempête qui se prépare ; gardons-nous bien de vouloir monter ; rentrons au contraire dans le chemin le plus bas, si nous voulons conserver nos fleurs : le tourbillon ne manquerait pas de nous les enlever.... Occupons-nous, ma soeur, à détourner l'orage qui gronde sur nos têtes; humilions-nous sous la puissante main de celui qui brise les montagnes et les fait fondre comme la cire : loin de nous élever en nous-mêmes par les audacieuses prétentions d'un orgueil qu'il abhorre, reconnaissons humblement devant lui notre dépendance et notre néant...Eh! qu'avons-nous que nous n'ayons reçu de la bonté toute gratuite de notre bien-aimé ? Notre vocation et les faveurs qui l'ont suivie, ne sont-elles pas dues tout entières à l'amour prévenant de ce bon maître qui nous a si miséricordieusement appelées et attirées à lui? Si donc nous lui devons tout ce que nous possédons de bien, comment oserions-nous nous en attribuer le mérite et nous en réserver la gloire? Ah plutôt occupons-nous à reconnaitre ses dons par une humble et courageuse correspondance, par une fidélité à toute épreuve.

Volontairette. Vous avez beau dire : je persiste moi à penser et à croire qu'il a dû être épris de notre mérite, puisqu'il nous a préférées et recherchées avec un soin si
distingué. Son choix doit, à mon avis, être comparé à celui qu'Assuérus fit de la belle et vertueuse Esther.  (Esther 2,16)

Colombelle. Ah, ma soeur, qu'il vous sied mal de vanter vos qualités personnelles, et d'en faire un objet de comparaison aussi peu réfléchi ! Jamais vous ne devriez oublier vos faiblesses, vos chutes, vos criminelles et humiliantes vicissitudes, elles ne sont propres au moins, qu'à vous inspirer beaucoup plus de modestie.

Volontairette. Vous prétendriez donc me ravir la gloire des courses pénibles que j'ai eu le courage d'entreprendre , et de cette récolte de fleurs qui m'a coûté tant
de peines et de fatigues.

Colombelle. Eh, à qui devez-vous d'avoir entrepris ces courses et cueilli ces fleurs, sinon aux douces et attrayantes invitations de notre bien-aimé ? Vous y sentiez-vous
disposée de vous-même, et, sans ses secours et son indulgence, en eussiez-vous eu la force et le courage?

Volontairette. De quels secours voulez-vous donc parler ? Serait-ce de la visite pleine d'ennui de ses envoyés qui sont venus si à contre-temps retarder l'heure de notre repas et nous débiter avec emphase quelques paroles insignifiantes, pour nous donner un aliment fade et insipide, dont eux seuls nous ont vanté l'excellence ? Et comment encore nous l'ont-ils donné ? avec une parcimonie si ridicule, que j'hésitais à en faire usage.... Non, encore une fois, je ne dois mon mérite et mes vertus qu'à mes efforts et à mon courage.... Vous en doutez, ce me semble? Eh bien je vais vous prouver qu'eux seuls me feront gravir jusqu'au sommet de cette hauteur qui vous parait si effrayante.

Colombelle. Gardez-vous bien de le tenter : la tempête est trop violente...Avez vous donc oublié ce que vous ont coûté tant de chûtes funestes ? Celle - ci serait affreuse et sans ressource. Pensez-y bien ma soeur, et, au nom de Dieu, renoncez à cette folle et téméraire entreprise.... Ah ! votre obstination me consterne et me désole...O Dieu ! Que va-t-elle devenir ?...

Volontairette. Ma soeur, ah ! ma soeur, je tombe, je suis perdue. Hâtez - vous, sauvez-moi.

Colombelle. Eh ! où êtes-vous, chère soeur ? Pourrai-je vous atteindre et vous secourir ?

Volontairette. Aidez - moi , si vous m'aimez.

Colombelle. Pouvez-vous douter de mon amour ? Je vous sacrifierais ma vie. Mais où vous trouver dans ces cavités affreuses, et à cette énorme profondeur ?

Volontairette. M'abandonnerez – vous dans cet abîme?

Colombelle. Votre état me désespère, et mes efforts sont impuissants.

Volontairette. Qu'est devenue votre tendresse? Mes horribles blessures ne pourront-elles vous toucher ?

Colombelle. Ah ! Dieu sait combien je les ressens!... Mon coeur brisé ne peut hélas ! y porter remède.

Volontairette. S'il vous reste quelque pitié, calmez au moins mon désespoir.

Colombelle. O soeur infortunée! j'implore pour vous miséricorde. Le Ciel est sourd à mes sanglots; et, déjà les vôtres parviennent à peine jusqu'à moi.

Volontairette. Il faut donc que je périsse, hélas! et sans ressource !

Colombelle. Tous les efforts humains ne pourraient vous sauver : Dieu seul tient en ses mains votre sort.

Volontairette. Eh quoi, vous éloigneriez vous de moi ?

Colombelle. Mes retards n'allégeraient point vos douleurs, et m'exposeraient à tomber où vous êtes.

Volontairette. Le coeur me crève... Que vous êtes cruelle !

Colombelle. Jamais je ne le fus pour vous.... Je n'ai cessé d'exhorter, de presser, de conjurer... Mes avis, mes soins, ma tendresse, n'ont obtenu que d'opiniâtres résistances...Votre perte est votre ouvrage ; vous-même l'avez consommée...... Mais, le soleil termine sa course et m'avertit de hâter la mienne... J'obéis au devoir qui me presse... Obligée de vous quitter pour jamais, je vous dis, en frémissant, un éternel ADIEU...... Elle m'est donc ravie, ô mon bien aimé! elle m'est enlevée pour toujours celle que, dans votre bon plaisir, vous m'aviez donnée pour soeur et pour compagne, celle que j'aimais en vous d'un amour si vrai et si sincère, celle que vous aviez prévenue et comblée de vos plus insignes faveurs... Hélas! pourquoi a-t-elle repoussé vos avances, dédaigné vos bienfaits, suivi ses penchants, et s'est-elle ainsi dévouée à un malheur sans fin?.. L'orgueil a mis le comble à son ingratitude, et, en la précipitant dans l'abîme de tous les maux, l'a séparée pour jamais du plus aimable des êtres.

Justice inexorable ! j'adore en tremblant vos arrêts pleins d'équité, et, glacée de crainte et d'effroi, à la vue de mes propres faiblesses, j'implore avec des larmes d'amour vos miséricordes et votre indulgence. Soyez, ô le bien-aimé de mon âme soyez jusqu'à la fin de ma douloureuse carrière, ma consolation, ma force et mon appui. Guidée, protégée par vous, quels orages, quelles tempêtes me feraient chanceler ? Ah, quand je marcherais au milieu des ténèbres et des ombres de la mort, je n'en craindrais point les horreurs, parce que vous êtes avec moi...Oui, grâces à votre munificence, j'ai reçu dans l'aliment exquis dont m'a pourvu votre tendresse, le viatique admirable de mon pèlerinage : j'y puise le courage de mes derniers combats, j'y trouve l'avant-goût du banquet ineffable et des délices éternelles que me réserve votre amour. O heureuse Mère de mon bien - aimé ! j'ai recours à votre assistance, dans les périls qui me restent à surmonter. Aidez moi de votre protection puissante auprès de votre glorieux et incomparable Fils. Et vous, Amis et confidents du plus généreux des maîtres, compagnons invisibles de mes longues et pénibles courses, vous qui fûtes mes guides et mes gardiens fidèles, soyez les interprètes de mes voeux les plus ardents. Dites à mon bien – aimé que je brûle du désir de le connaitre en lui-même et de contempler ses sublimes perfections. Vous tous encore qui partagez sa gloire, et qui fûtes mes pères et mes modèles, ne cessez d'être mes intercesseurs, et que l'ardeur de vos prières m'obtienne de passer des ténèbres qui viennent m'envelopper, aux splendeurs qui sans cesse vous environnent.

Les Envoyés de Jérusalem. Consolez vous, chère Colombelle, et ne laissez point se ralentir vos efforts... Encore quelques instants, et la palme vous est assurée. Sans nous découvrir à vos yeux, nous avons observé vos travaux, votre humilité, votre constance : nous en avons rendu témoignage au grand-conseil que préside votre bien-aimé. Toutes les voix s'y sont élevées en votre faveur, et le bien – aimé lui-même a décidé que de puissants secours vous seraient accordés, pour terminer heureusement votre voyage... Venez donc, et suivez nos pas. Nous avons ordre de vous introduire dans l'un des faubourgs de Jérusalem, où vous séjournerez peu de temps, pour y être purifiée de manière à être digne de paraître en la présence de notre bon maître... Et, sans retard, vont être préparés les vêtements, d'une blancheur éblouissante, que vous porterez à votre entrée dans son palais.

SENS SPIRITUEL

Volontairette est ici la figure des orgueilleux qui, méprisant les plus sages conseils exposent témérairement leur salut aux dangers les plus évidents, et se précipitent ainsi, de gaieté de coeur, dans les abîmes éternels. Les humbles au contraire, se défiant de leurs propres forces, évitent ces chutes déplorables ; et les secours surnaturels qu'ils reçoivent, surtout à la fin de leur carrière, les font arriver heureusement au terme de la glorieuse immortalité. Les damnés voient clairement que c'est par leur faute qu'ils ont perdu le Ciel. La sentence irrévocable prononcée contre eux par la justice divine, leur ôte tout espoir d'obtenir jamais une étincelle de charité ni aucun autre secours surnaturel : elle les prive de toute grâce, et les éloigne pour jamais du Bien suprême dont la vue et la possession pleine d'amour, devait faire éternellement leur bonheur.


CHAPITRE 33

Colombelle, parvenue à l'un des faubourgs de Jérusalem, où elle trouve des bains ardents, préparés par l'ordre de son bien-aimé, s'y arrête quelque temps, pour se purifier de ses souillures.


Colombelle. O vous , l'objet de mon amour et de mes plus ardent désirs! je me vois enfin, grâces à vos secours, libre et dégagée des liens qui captivaient mon âme et des entraves qui arrêtaient ou retardaient mes pas... Mais, toute couverte encore de la poussière d'une route sablonneuse et aride, les pieds entachés de la boue des ravins et des marécages que j'ai dû traverser, avec une robe qu'ont légèrement atteinte les fétides exhalaisons qui en émanent, je ne me sens ni assez nette, ni assez allégée du poids et de la fatigue de cette journée périlleuse, pour oser sans retard, voler vers vous et paraitre en votre présence. Déplorables souillures, pourquoi retardez - vous ma félicité ? Quand disparaîtrez-vous, restes humiliants de ma faiblesse, et quand pourrai-je, sans obstacles, m'unir aux perfections du désiré de mon coeur ? Séparée de vous, ô bien suprême ! j'éprouve, dans ces bains ardents qui me purifient, les crises de la mort et les douleurs de l'enfer. Mais, dans ces douleurs les plus vives, ma consolation est de ne pouvoir que vous bénir et vous aimer, sans craindre de vous perdre.... O vous, ma miséricorde ! épurez fortement; mais soutenez votre humble servante. Gémissante, courbée sous les instruments de votre justice, elle adore vos rigueurs salutaires : elle soupire, elle languit, elle souffre : mais elle aime plus ardemment encore, pour aimer toujours davantage et aimer enfin
sans mesure. O mon âme, relève ton courage et ta confiance... Tu touches à la félicité que te prépare celui qui t'a appelée, attirée, comblée de biens celui qui t'a sauvée du
précipice et t'a épargné des larmes éternelles. Console-toi dans la douce pensée que tu vas lui être réunie, que tu vas habiter pour jamais cette région heureuse dont la mort et la douleur n'approcheront plus. Ne cesse de porter tes regards et tes voeux vers les saintes montagnes d'où viendront pour toi le salut et la délivrance : me cesse de penser que celui dont tu éprouves la miséricordieuse justice est ton bien-aimé. Toujours, dans les alternatives d'un laborieux voyage, il a veillé à ta défense, toujours il t'a protégé contre les ardeurs du jour et les obscurités d'une nuit commençante ; toujours , et jusque sous les voûtes ténébreuses où te retient sa juste sévérité, tu peux élever vers lui ta voix suppliante.. Ah ! s'il te traitait selon tes iniquités, pourrais-tu soutenir ce compte redoutable ?.. Mais, dans son coeur est le pardon ; tu as pour garant sa parole : en lui se trouve la rédemption surabondante qui acquittera tes dettes et lavera tes souillures. O Désiré de mon coeur ! qu'il me tarde de m'élancer vers vous ! Le cerf, altéré par une course rapide, cherche avec moins  d'ardeur les eaux qui le désaltèrent, que mon âme n'aspire à étancher la soif dont elle brûle pour vous. L'amour, fort comme la mort, l'emporte sur toutes mes douleurs; il m'embrase , il me consume, il me purifie... Hâtez-vous, mon bien-aimé, de lui donner des ailes : il sera à vous pour jamais.

SENS SPIRITUEL.

Les bains ardent sont ici la figure du purgatoire, dans lequel les âmes justes qui ne se sentent pas assez pures, au sortir de cette vie, pour se réunir de suite à un Dieu qui est la pureté par essence; vont d'elles-mêmes, selon son ordre, expier jusqu'à leurs moindres fautes , et se purifier de leurs souillures, même les plus légères.


CHAPITRE 34

Colombelle, après la visite des Envoyés de Jérusalem, est parée somptueusement par les Dames gardiennes du trousseau. Le Grand officier du palais lui annonce qu'elle va y être conduite en triomphe, pour se voir unie au Bien-aimé.

Les Envoyés de Jérusalem. Vos vœux sont exaucés, heureuse Colombelle. Purifiée par l'amour, vous allez paraître en la présence de votre bien-aimé... Celui qui fut l'objet de vos désirs, va être à vous pour jamais… Il veut qu'une allégresse générale , une réception solennelle rehausse votre triomphe et signale sa magnificence... L'un des Grands officiers de son palais, suivi d'un brillant cortège, va vous introduire près de cet auguste époux.... Mais, avant tout, passez sous ces portiques , et entrez dans cette galerie superbe où trois Dames du premier rang, accompagnées de leurs suivantes, ont ordre de vous revêtir et de vous parer des ornements les plus pompeux... D'autres grands personnages, appelés à composer votre suite, vont aussi se réunir et vous attendre. Les Dames gardiennes du trousseau. Votre arrivée nous comble de joie, aimable et pure Colombelle... Nous nous empressons de participer à votre réception, et d'embellir de charmes vos rares et modestes qualités.

Colombelle. Eh , d'où me vient tant d'honneur. Je ne suis que l'humble servante du plus grand des maîtres : sans lui qu'ai-je pu mériter? A lui seul sont dûes la gloire et l'action de grâces.. Déjà, je vous devais le bonheur de lui plaire; et c'est de vos mains que j'aime à tenir ce qui me rend agréable à ses yeux !

Les Dames gardiennes du trousseau. L'Époux immortel qui règne en ces lieux, vous appelle à régner avec lui. Lui-même va déployer devant vous ses trésors et se
manifester à vous dans toute sa splendeur. L'appareil somptueux de votre entrée triomphante, va répondre à la grandeur et à la majesté du Roi des Rois, du Seigneur des Seigneurs... C'est par ses ordres, que nous venons vous revêtir de dons précieux dont il désire vous voir décorée. Voici une robe dont la blancheur est le symbole de l'innocence que vous avez conservée et des vertus que vous avez pratiquées dans le secret : une broderie éclatante en rehausse le superbe tissu, mais n'ôte rien à sa noble simplicité.... Ce riche diadème, parsemé de perles et de brillants, va faire rejaillir au loin l'éclat des exemples qui ont honoré votre carrière ... Ce collier, ces bracelets d'un prix inestimable sont destinés à compenser ce que la tempérance et une humble abnégation vous ont fait fuir et dédaigner.... Enfin tout ce magnifique trousseau, qui retrace le bel ensemble de vos oeuvres, va composer votre parure, et vous assurer un accès facile auprès du Prince de cette auguste cité.... Il nous reste à vous parfumer la tête de ces essences balsamiques, dont la suave odeur rappelle si bien vos vertus douces et attrayante!  Voici, chère Colombelle , le Grand officier du palais auquel est confiée la fonction de régler la marche de votre glorieuse entrée.

Le Grand officier. Vertueuse et modeste Colombelle, qui, depuis longtemps, êtes l'objet de l'affection et des prévenances toute gratuites du plus aimable et du plus généreux des maîtres; je viens en son nom remplir auprès de vous mon auguste et consolant ministère : je viens vous conduire aux demeures immortelles qu'il habite, et vous décerner les honneurs dûs au rang qui vous y est destiné... Voici, d'après ses volontés suprêmes, l'ordre qui sera suivi dans cette marche solennelle. Vos compagnes chéries, les Vertus, vous placeront sur le char triomphal, et vous entoureront des palmes incorruptibles qu'elles vous ont fait recueillir. Une multitude de Vierges, parées de vêtements d'une blancheur éblouissante, répandront à pleines mains devant vous les fleurs et les parfums... Des vieillards, rayonnants de mérites et de gloire, des enfants d'élite, se jouant avec les lys de la candeur et de l'innocence , formeront votre cortège. De toutes parts, des trompettes éclatantes publieront les œuvres que l'humilité vous fit dérober à la connaissance des hommes... Des chœurs d'une mélodie céleste feront retentir l'air de chants de louanges et d'actions de grâces... Et, dans ce sublime et touchant appareil, tous les Ordres de la Cité bienheureuse, ravis de concourir à votre félicité, vous introduiront au palais de délices où vous attend votre bien-aimé.

Colombelle. Mon bien-aimé m'attend, dites-vous : quelle annonce! en est-il une plus charmante et plus douce pour mon coeur ?.. Il m'attend moi, pauvre et indigne créature, qui mérite à peine ses regards ? Il daigne jeter les yeux sur ma bassesse, et n'y voit que les effets de sa puissance et de sa bonté! C'est à lui que je dois mon salut et mon bonheur : lui seul à jamais sera l'objet de mon amour et de mes chants d'allégresse. O Cité admirable de Jérusalem où règne le désiré de mon âme! vos murs surpassent en beauté le jaspe et l'hyacinthe; vos portes étincellent des pierres précieuses les plus rares; de vos rues, de vos places spacieuses reluit l'or le plus pur; sur vos demeures brille le feu des diamants et les vives nuances des pierreries les plus fines.... Quelle doit être la splendeur du palais de votre Roi! quelles richesses, quelle magnificence doivent environner le trône du plus grand des monarques !.. Mais, quelque ravissant que soit tout ce qui l'entoure, rien n'est comparable à la beauté et aux perfections qui le distinguent lui-même... Après une si longue attente, je touche au moment heureux de le voir et de le posséder.... Je contemplerai l'immense majesté de son incomparable Père, de ce Père, qui surpasse en bonté et en largesses tous les autres pères, et je puiserai, dans l'Amour qui les unit d'une manière ineffable, l'ardeur toujours nouvelle de les aimer et de m'en voir aimée... J'admirerai l'excellence et la gloire de l'auguste Mère du plus aimable Fils : elle fut aussi pour moi dans tous les temps la plus tendre des mères, elle fut ma constante protectrice et mon parfait modèle... J'unirai mes sentiments et ma voix aux transports et aux concerts des Princes de cette illustre cour. Je goûterai le repos et la félicité des habitants du séjour le plus fortuné, et, dans leur réunion vénérable, je retrouverai ceux qui, durant mon pèlerinage eurent des droits à mon affection. Séparée d'eux pour quelques instants, je m'en verrai rapprochée pour toujours, et, dans les liens d'une éternelle charité, nous partagerons la même béatitude. Sublime destinée, bonheur inconcevable, que je suis peu digne de toi! et que j'ai peu fait pour te mériter! quel autre titre puis-je avoir à tes délices, que l'excessive indulgence de l'époux le plus prodigue en bienfaits ?..... Après tant de vicissitudes et d'alarmes, je vais enfin trouver près de lui, sans craindre de la perdre, cette douce paix qui surpasse tout sentiment. Les rebuts, les mépris que j'ai soufferts vont se changer en titres de gloire : des richesses inaltérables vont
remplacer ma pauvreté : de perpétuelles jouissances vont succéder à des privations légères et de peu de moments : enfin mon bien-aimé va couronner ses dons, en couronnant mes faibles mérites.. Déjà j'aperçois son superbe palais, resplendissant de clartés célestes, et mon coeur brûle de désir et d'amour.

Vous m'attirez à vous, ô le bien-aimé par excellence! j'y cours, j'y vole à l'odeur de vos parfums. Que vos demeures sont aimables, quelles sont majestueuses, ô Roi de gloire ! mon âme défaillante supporte à peine l'ardeur d'en contempler les parvis : mon coeur ne peut contenir ses transports, à la pensée du ravissant objet qui va combler ma félicité...Recevez-moi selon vos promesses, ô vous dont les attraits sont si puissants! Et je vivrai de vous, et je vivrai en vous, dans la plénitude du bonheur.

SENS SPIRITUEL.

Les Envoyés de Jérusalem qui viennent annoncer à Colombelle qu'elle va paraître en présence du bien - aimé, représentent ici les Anges que Dieu envoie aux âmes du Purgatoire, au moment de leur délivrance. Les Dames gardiennes du trousseau , sont les Vertus théologales, ou la Foi, l'Espérance et la Charité, à la suite desquelles marchent les Vertus morales, dont les principales sont la Prudence, la Justice, la Force et la Tempérance. Le trousseau est l'emblème de la Justice chrétienne, consommée par le don de persévérance finale et honorée de la récompense éternelle. Le Grand officier du palais est Saint Michel, Archange, Prince de la milice céleste, chargé de recevoir les âmes, au sortir de leurs épreuves , et de les présenter au Dieu des miséricordes, lorsqu'elle vont jouir de lui.

Les autres Princes de la cour sont les Anges, les Archanges et tous les Ordres des Esprits bienheureux. Les Vieillards sont les Patriarches, les Prophètes, les Apôtres, les Martyrs, les Confesseurs, c'est-à-dire ceux qui, par des œuvres personnelles faites à l'aide de la grâce, ont mérité le royaume des Cieux. Les Vierges sont les âmes pures qui, ayant  gardé la virginité pour se rendre plus agréables au Seigneur, ont mérité un degré de gloire particulier. Les Enfants d'élite sont ceux qui ont perdu la vie, et ceux qui sont morts, avant l'usage de la raison, ayant reçu le baptême. En un mot, tout l'appareil du triomphe dont on voit ici la description, est destiné à donner une faible idée de la joie qu'éprouvent les Saints et les Bienheureux, quand une âme fait son entrée dans le Ciel.



CHAPITRE 35

Le Bien-aimé fait à Colombelle le plus tendre accueil, se l'associe pour épouse, et la présente successivement à son Père et au Grand dispensateur des grâces, ensuite à sa Mère, aux Princes de sa cour et aux amis qui partagent son bonheur.

Le Bien-aimé. Venez, amie courageuse et fidèle, venez et entrez dans la joie de votre maître.

Colombelle. Que vois-je et qu'entends je? C'est mon bien - aimé lui-même; c'est l'objet de mes plus ardents désirs, c'est celui de mes plus doux transports.

Le Bien-aimé. Oui, c'est moi, chère Colombelle, c'est moi qui suis à jamais votre grande et sublime récompense.

Colombelle. Eh quoi, vous-même, ô mon Roi ! vous-même ferez ma félicité ; vous-même serez à moi, comme je suis à vous... Eh ! d'où me vient ce bonheur, cet
excès d'amour ?

Le Bien-aimé. Il n'appartient qu'à moi de couronner le mérite. Je reconnais en vous le bon usage de mes dons, et je veux le récompenser par le don de moi-même...
J'avais sur votre soeur les mêmes desseins de miséricorde : la même destinée l'attendait; elle pouvait la mériter. Sourde et insensible à ma voix et à celle de mes
Envoyés, elle s'est elle-même honteusement bannie de ma présence, et son éternel partage est celui des rebelles... Pour vous, ma généreuse amie, qui, fidèle à mes invitations et par amour pour moi , avez tout quitté et vous êtes quittée vous-même ; vous en qui il ne reste aucune tache, aucune souillure qui puisse blesser mes regards ; vous méritez le trône où vous appellent vos vertus : venez en partager avec moi les délices, la gloire , les trésors, et prenez possession de cet immortel héritage.

Colombelle. O bonté, ô munificence vraiment ineffables ! vous surpassez toute idée, tout sentiment. Que peut, hélas ! pour y répondre, une faible créature,
sinon vous louer, vous bénir, vous rendre grâces à cause de votre gloire qui est au dessus de toute autre gloire.

Le Bien-aimé. Avancez, ô vous que j'ai choisie pour Épouse, et, appuyée sur celui qui vous a recherchée et obtenue au prix des plus grands sacrifices, venez contempler et honorer avec un profond respect la haute Majesté d'un Père qui vous a aimée jusqu'à vous donner son Fils unique, la vive image de sa bonté et de toutes ses perfections.

Le Père du Bien-aimé. O vous que, dans ma tendresse, j'ai bénie, j'ai appelée, j'ai élevée à la gloire de mon adoption ! possédez le royaume que vous a mérité mon Fils, l'objet de mon amour et de mes plus douces complaisances.

Le Bien-aimé. Chère Épouse, venez aussi rendre hommage au Grand dispensateur des grâces, qui, comme moi, vit et règne avec mon Père dans l'union de l'amitié et de l'égalité la plus parfaite.

Le Grand dispensateur des grâces. Heureuse Colombelle, je vous ai choisie, et distinguée dès votre naissance. Vous avez répondu aux inspirations et aux impulsions de mon amour. Aimez donc, aimez à jamais le Bien suprême : il est votre partage et votre félicité.

Le Bien - aimé. Suivez - moi , chère Épouse, et reconnaissez, à la gloire qui l'environne, la plus parfaite des Mères. J'ai pris naissance dans son chaste sein,
pour m'associer à vous et vous rapprocher de moi.

La Mère du Bien - aimé. Fille chérie, objet de ma tendre sollicitude, je vous adoptai dès le berceau, et toujours vous vous montrâtes digne de votre Mère :
humble, pure, intérieure, éloignée du monde, vous me prîtes pour modèle : recueillez près de moi la récompense de vos Vertus.

Colombelle. Auguste Époux, je dois à vous seul et à vos mérites un accueil qui me ravit.... Ah! daignez vous-même acquitter ma reconnaissance.

Le Bien-aimé. J`ai grand plaisir, chère et vertueuse Épouse, des honneurs qui vous sont décernés, et j'ai pris sur moi de les reconnaître. Qu'il vous suffise de les apprécier, et de goûter, dans la paix de votre coeur, combien il est doux de m'appartenir. Accourez, volez, Princes de ma cour, Ministres de ma puissance et de mes volontés, et, par vos chants mélodieux, célébrez la joie de votre Maître, le triomphe et la félicité d'une Épouse qu'il veut combler d'honneurs.

Les Princes de la cour. Gloire à notre Roi, dans l'immense étendue de son empire !... Qui jamais lui fut semblable ?... Chantons à jamais ses grandeurs et ses perfections : elles sont au dessus de toute louange. Hommage à celle dont il couronne les vertus... Que son nom, que sa mémoire soient en bénédiction dans tous les siècles !

Le Bien-aimé. Vous tous, Amis généreux et fidèles qui, au sein de la gloire et des solides richesses, vous abreuvez sans cesse aux torrents des voluptés pures, environnez mon Épouse chérie et joignez à son triomphe vos palmes, vos couronnes,' vos acclamations solennelles.

Les Amis du Bien-aimé. Bénédiction , gloire , sagesse, actions de grâces, honneur, puissance et force à l'Époux immortel, au plus grand des Rois, dont l'empire est immuable. O notre Soeur ! O vous, la gloire de Jérusalem , l'honneur de notre peuple !  nous célébrons, dans la joie et dans le transports de la plus douce ivresse, votre heureuse arrivée parmi nous. Après les travaux d'une carrière dont nous avons connu et éprouvé les périls, venez vous reposer avec nous, partager notre félicité, contempler, bénir, aimer à jamais le plus juste et le plus magnifique des maîtres.

Colombelle. Ministres zélés de mon Époux et de mon Roi, et vous Frères chéris, habitants fortunés de ce brillant séjour; qu'il m'est doux de me voir associée à vos sentiments et à votre bonheur! Je chanterai éternellement avec vous les bontés inexprimables de celui qui fait notre félicité !

Le Bien-aimé. Que Jérusalem se lève aujourd'hui toute entière; qu'elle soit ravie de joie, et resplendissante de clartés. Que tous les coeurs tressaillent, que toutes les
voix fassent retentir son enceinte de chants d'allégresse Qu'une harmonie céleste, que la suave odeur des parfums les plus exquis, que l'appareil du bonheur, annoncent à
l'univers la fête nuptiale de l'Époux, le triomphe de l'Épouse , la conquête de l'Amour. Et vous, Épouse chérie, qui n'êtes belle à mes yeux que par vos vertus, ma gloire
vous attend, mes trésors vous sont ouverts? venez, avancez, et régnez.

Colombelle. O chaste Époux ! vous seul êtes mon trésor et ma gloire. Qu'ai-je voulu, pendant mon pèlerinage, et que désiré je encore, sinon vous, ô le Bien-aimé
de mon cœur et mon partage pour jamais !

SENS SPIRITUEL.

Le Père, plein de majesté, à qui le Bien aimé présente, ici Colombelle, est le Père éternel et tout puissant, Créateur de toutes choses, et première Personne de la Très Sainte Trinité, qui a aimé le monde jusqu'à donner son Fils unique, le Verbe fait chair, qui est la seconde Personne, et le livrer à la mort pour le salut de tous les hommes. Le Grand dispensateur des grâces est le Saint Esprit, Amour éternel et immuable du Père et du Fils, Dieu avec eux, et leur égal en toutes choses, c'est-à-dire la troisième Personne, à qui l'on attribue toutes les œuvres de bonté; qui sanctifie les âmes, et leur distribue, selon son bon plaisir, les dons de la grâce. La Mère du Bien-aimé est la Très-Sainte Vierge Marie, Mère du Sauveur. Les Princes de la cour sont les Anges : les Amis du Bien-aimé, les Saints et les Bienheureux.


CHAPITRE 36

Le Bien-aimé, après avoir couronné Colombelle, reçoit avec bonté les fleurs qu'elle lui présente, et s'en forme un diadème. Il lui permet aussi d'en offrir quelques-unes à sa Mère et aux Vierges dont elle est accompagnée.

Le Bien–aimé. Vertueuse Colombelle, Épouse digne de moi et de mes hautes récompenses, recevez la Couronne de Justice préparée à vos courageux et persévérants efforts. Je vous décerne, de ma propre main, cet honneur suprême, en présence de toute ma Cour, qui d'une voix unanime, vous proclame Bienheureuse et applaudit à votre triomphe.

Colombelle. Époux immortel , ô vous ma couronne et ma félicité ! que vous offrirai-je en reconnaissance du don magnifique que vous me faites , et du rang sublime où vous m'élevez ?... Oserais - je, pauvre créature que je suis, mettre à vos pieds une couronne des plus belles fleurs que, grâces à vous, j'ai recueillies durant mon pèlerinage ? Elles sont assurément bien peu dignes de vous être présentées : mais du moins il n'en est aucune qui ne soit l'emblème des plus douces affections de mon coeur... Eh! quels seraient, ô généreux Époux ! votre condescendance et mon ravissement, si vous permettiez aux mains qui les ont tressées, d'en couronner votre auguste front !... A cette grâce pourrais - je en voir succéder une autre, celle de faire agréer à votre incomparable Mère et aux Vierges dont la glorieuse prérogative est de marcher à sa suite, quelques fleurs qu'à leur exemple et sous leurs auspices , il m'a été donné de rassembler ?

Le Bien-aimé. Tout vous est accordé, chère Colombelle. J'accepte votre don; il m'est agréable, par les dispositions du cœur qui m'en fait l'offrande. C'est au même
titre, que vos autres présents vont être favorablement accueillis. Vénérable et tendre Mère, et vous, Ames pures qui composez son cortège, considérez la fraîcheur et la beauté des fleurs dont mon Épouse bien-aimée m'a fait hommage : respirez-en le doux parfum; tout y exhale l'aimable odeur des vertus qui toujours nous furent chères. Votre empressement à les agréer, fera connaitre l'importance que j'y attache et les récompenses qu'elles ont méritées.

La Mère du Bien–aimé.  Des fleur cueillies par des mains aussi pures, et qui obtiennent les éloges du Fils de ma tendresse, sont pour moi d'un prix inestimable... Le don que vous m'en faites, humble et chaste Colombelle, intéresse vivement mon coeur et le presse de vous admettre à ma suite, parmi les Vierges qui partout accompagnent l'Époux par excellence, de tous les Époux le plus pur.

Les Vierges de la suite. Aimable Soeur, dont les vertus reçoivent aujourd'hui tant de gloire ! nos cœurs et nos voix applaudissent au choix de notre Reine, et ne peuvent assez vous exprimer la joie que nous ressentons de vous voir associée à nos sublimes privilèges.

Colombelle. O Reine des Vierges ! Et Vous, ses chastes imitatrices, de quel échange vous daignez honorer mes faibles présents ! Quelques fleurs, d'aussi peu d'éclat, méritaient-elles une faveur que rien n'égale et que je ne dois qu'à votre  indulgence ?

Le Bien-aimé. La modestie qui accompagne vos présents, chère Épouse, en relève à mes yeux le prix. Tout ce qui m'environne, connaîtra l'estime que j'en fais. Vos fleurs, devenues immortelles, formeront l'un de mes diadèmes les plus chers, tant elles ont de rapport avec moi car je suis appelé la fleur des champs, le lys des vallées, et j'aime à retrouver en vous quelques traits d'une heureuse ressemblance; j'aime à vous distinguer parmi les filles d'Adam, comme un beau lys qui s'élève du milieu des épines.

Colombelle. Tout ce que je suis, vous est dû, ô le Bien-aimé de mon âme! vous seul êtes l'arbre fécond parmi tant d'arbres stériles, et vos fruits surpassent l'excellence
du miel le plus pur. Ah! qu'il m'est doux de me reposer enfin sous l'immortel ombrage de celui que j'ai tant désiré!

SENS SPIRITUEL.

La Couronne de Justice que Colombelle reçoit ici de la main de son Bien-aimé, est la vie éternelle ou le royaume des Cieux, que Jésus-Christ, le souverain Juge des vivants et des morts, décerne à ses Saints à titre de récompense. Les fleurs qu'elle lui présente, sont les actes de vertu qu'elle a exercés pendant sa vie, et les mérites qu'elle a recueillis, à l'aide de la grâce : Jésus-Christ, en s'en formant un diadème, témoigne qu'ils ont contribué et contribueront éternellement à sa gloire. Celles qu'elle offre ensuite à la Mère du Bien-aimé et à ses chastes imitatrices, sont les actions méritoires faites en l'honneur de la très-Sainte Vierge et des Saints, ou qui sont dûes particulièrement à leurs exemples : ce qui est cause que Jésus - Christ consent à ce que sa bienheureuse Mère et les Saints en soient aussi glorifiés. La fleur des champs et le lys des vallées figurent les vertus douces et modestes. Le beau lys qui s'élève du milieu des épines, est le symbole de la pureté qui croît et se fortifie parmi les tentations et les épreuves. L'arbre fécond sur lequel nous devons être entés, représente véritablement le Sauveur dont les mérites sont le principe et la source de tous les nôtres.  


CHAPITRE 37

Le Bien-aimé met Colombelle en possession du trône de gloire qu'il lui a destiné. Elle se répand en actions de grâces , et se livre aux plus doux transports de reconnaissance et d'amour.

Le Bien-aimé. Heureuse Colombelle, venez, et prenez possession du Trône où vous appellent vos combats et vos victoires... Attentive à ma voix, fidèle à y répondre, vous avez suivi le droit chemin de la vérité et de la justice, et, triomphant du monde et de vous - même, vous vous êtes avancée de vertus en vertus, jusqu'à cette demeure fortunée ou règne votre Époux et votre Roi. Une grande récompense se présente à vous, c'est moi-même: un royaume devient votre héritage : j'en suis les délices et la gloire. Tout y est à vous pour jamais.

Colombelle. Mon âme ravie tressaille de joie et peut à peine supporter ses transports.. Elle sent, elle goûte, elle contemple ce que l'oeil n'a point vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce que le cœur de l'homme n'aurait sçu concevoir, ce que vous seul, ô Époux tout-puissant! Pouviez préparer à ceux qui vous aiment. O félicité sans bornes, qui surpassez tout sentiment, tout désir ! qui pourra vous comprendre et vous expliquer?... Soleil de justice, vos rayons pénètrent mon coeur, vos feux l'embrasent : à la clarté de vos flammes, je découvre, j'entrevois ce que vous êtes ; mais je sens mieux encore tout ce que je vous dois... O Beauté, toujours ancienne et toujours nouvelle! O source des plus chastes délices ! O vie pure et bienheureuse de ceux qui vivent véritablement! est-ce assez d'un coeur, pour vous aimer ! Ah ! que n'ai - je pu vous conquérir et vous amener tous les coeurs ! Mais, hélas! le monde où vous avez passé en répandant vos bienfaits, n'en a pas apprécié l'excellence... Que vous y êtes peu connu, et encore moins aimé !.. O aveuglement , ô monstrueuse indifférence des enfants des hommes! vous causez, vous aggravez leurs malheurs...Jusques à quand auront - ils le coeur appesanti, jusques à quand aimeront-ils la vanité et chercheront-ils le mensonge?.. Si leurs recherches les ramenaient vers vous, ô Bien suprême, pourraient-ils se défendre de vous aimer ? s'ils portaient leurs regards vers la Cité que j'habite, si leurs pensées savaient s'élever jusqu'aux sublimes jouissances de ceux dont votre main a essuyé les larmes et dont votre amour comble les désirs !... Mais, tout ce que vous promettez, tout ce que vous donnez, demeure caché à leurs yeux dans les ténèbres des passions qui sans cesse les obsèdent.... Quand viendra pour eux ce Règne de vérité qui prépare celui de votre gloire ? quand luiront sur eux ces beaux jours où l'éternelle charité réunira les coeurs droits sous votre aimable empire. O Époux , qui êtes tout amour ! vous-même m'inspirez ces vœux pour des frères infortunés que retient encore la vallée de larmes. Toujours je les porterai dans mon coeur, et leur souhaiterai la paix et la félicité  où m'ont appelée et conduite vos tendres avances.

Rassasiée des biens dont votre main libérale se montre envers moi si prodigue, enivrée des torrents de délices que répand dans mon âme l'aspect de vos perfections ineffables, que puis-je autre chose, que vous rendre amour pour amour, et puiser sans cesse dans votre coeur un sentiment et si juste et si doux?

Eh ! que rendrai - je à tous ceux qui furent à mon égard les instruments de votre bonté Que puis-je encore, sinon vous conjurer, ô généreux Époux ! d'étendre sur eux les largesses dont vous récompensez en moi leur zèle et leurs travaux?... Vous tous qui m'avez appris à connaitre, à aimer, à servir le plus parfait et le plus aimable des maîtres; Ministres et Envoyés respectables de mon Époux, de mon Roi ; Parents chéris et révérés, amis sûrs et sincères, qui, par vos conseils et vos soins, m'avez inspiré les vertus qu'il couronne ; recevez, au jour de mon triomphe, le tribut mérité de ma reconnaissance , et puissiez-vous tous être comptés au nombre de ceux dont je partage le bonheur ! ; Et vous, ô mon âme ! dans les transports de votre amour, bénissez le tendre Époux qui vous a attirée à lui et comblée de ses, dons les plus excellents; qui remplit tous, vos désirs de l'abondance et de l'immensité; de ses biens.Joignez vous à moi, heureux habitants de Jérusalem, qui voyez et goûtez la Vérité sans mélange, et puisez à la source, des vrais et inaltérables plaisirs...Vous qui êtes les preuves les plus éclatantes de sa puissance, de sa sagesse et de son amour, secondez les élans de mon coeur, prêtez moi l'ardeur de vos affections brûlantes , et tous ensemble, dans un accord parfait, louons, glorifions, aimons, Celui qui est et sera à jamais la Béatitude.

SENS SPIRITUEL.

Le Trône de Gloire est ici l'emblème de la haute prééminence à laquelle Jésus - Christ élève les âmes qu'il a trouvées dignes de régner éternellement avec lui, et de la grande autorité qu'il leur donne. Tout est à eux dans son Royaume, parceque le Sauveur est disposé à leur accorder tout ce qu'ils demandent ; et c'est ce qui doit exciter notre confiance. Après ce qu'il a fait pour nous, l'insensibilité, l'aveuglement et l'insouciance des hommes pour tout ce qui a rapport à l'Éternité, sont vraiment incompréhensibles. Les Saints prient continuellement le Dieu des miséricordes d'éclairer leurs frères d'ici-bas et de les enflammer de son amour : ils s'intéressent surtout à ceux qui, pour les porter à Dieu, leur ont enseigné les sublimes vérités et les saintes maximes de la Religion. Montrer aux autres le chemin du Salut, c'est donc l'un des meilleurs moyens de se sauver soi-même.

Fin

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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