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Il y a deux sortes de générosités, l'une Naturelle, l'autre Surnaturelle :

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Il y a deux sortes de générosités, l'une Naturelle, l'autre Surnaturelle :  Empty Il y a deux sortes de générosités, l'une Naturelle, l'autre Surnaturelle :

Message par Invité Ven 24 Juil 2020 - 1:01

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De la générosité !

Il y a deux sortes de générosités, l'une naturelle, l'autre surnaturelle : toutes les deux viennent de Dieu, et la première sert de disposition à la seconde. Pour entrer dans la voie de la sainteté, pour y marcher, pour y persévérer jusqu'au bout, il faut un grand fonds de générosité, parce que cette voie n'est qu'une suite de sacrifices toujours plus grands et plus difficiles les uns que les autres. Aussi toutes les âmes que Dieu destine à la sainteté ont elles une certaine noblesse de sentiments qui les élève au-dessus des biens de la terre, et en même temps une certaine tendresse de cœur qui les rend sensibles aux misères d'autrui, et les porte à se priver d'une partie de ce qu'elles ont pour les soulager ; car c'est de la réunion de ces deux qualités, élévation dans les sentiments et tendresse de cœur, que naît la générosité. Une âme basse et attachée aux biens de ce monde, une âme dure et insensible aux maux d'autrui, ne fut jamais généreuse ; elle peut donner dans la dévotion par esprit d'intérêt et pour faire son salut, mais elle sera toujours étroite, rétrécie, ne donnera à Dieu que le moins qu'elle pourra, n'aura pas même l'idée des grands sacrifices que Dieu demande des Saints.

Mais, quoique la générosité naturelle soit une disposition à la générosité surnaturelle, il y a bien loin de l'une à l'autre, soit qu'on les considère en elles-mêmes ou dans leurs motifs.
La générosité naturelle ne consiste guère qu'à donner à autrui une partie de ce qu'on a ; au lieu que la générosité surnaturelle nous fait donner à Dieu non-seulement ce que nous avons, mais ce que nous sommes, mais tout ce que nous sommes. Elle nous porte à lui sacrifier notre esprit, notre volonté, notre liberté, notre santé, notre vie, notre réputation ; à consentir, en un mot, à la destruction totale de ce moi qui nous constitue, et sur lequel reposent nos plus chers intérêts.

Or, il est aisé, dit saint Grégoire, de renoncer à ce qu'on a ; mais il est infiniment difficile de renoncer à ce qu'on est, de se dépouiller de ce soi-même ; et sans les grâces de Dieu les plus spéciales, sans les plus grands efforts de générosité, on ne le ferait jamais. On croit avoir tout fait, quand, dans certains mouvements de ferveur sensible, on s'est donné à Dieu de tout son cœur, et qu'on lui a protesté qu'on est prêt à passer dans toutes les épreuves, à souffrir tout, à sacrifier tout pour son amour. Mais ce n'est encore là qu'un sacrifice en disposition et en préparation ; le sacrifice véritable est tout autre chose.
Quand Dieu veut nous mettre dans la voie des sacrifices réels, il retire pour l'ordinaire le sensible ; il permet des répugnances, des révoltes de la nature, et un soulèvement général de l'amour-propre. On sent alors une opposition inexprimable à ce que Dieu demande de nous, un combat intérieur violent, qui réduit l'âme à une espèce d'agonie. On souhaite que le calice passe loin de nous ; on prie même Dieu pour cela ; en un mot, la nature résiste de toute sa force à sa destruction. Cependant la volonté, soutenue de la grâce d'une manière puissante mais imperceptible, demeure inébranlable dans sa soumission ; elle reçoit les coups, elle en sent toute la pesanteur, mais elle les porte avec courage, et ne se laisse point abattre.
Quelquefois, au moment où le coup lui est porté, elle est paisible, forte, contente ; mais ensuite le trouble s'empare d'elle, l'imagination travaille, l'amour-propre se réveille, et ces agitations intérieures fatiguent l'âme, la poursuivent partout, et ne s'apaisent qu'après un temps plus ou moins long, selon qu'il plaît à Dieu de faire durer l'exercice et le combat. L'épreuve revient ainsi à plusieurs reprises, jusqu'à ce que l'âme soit parfaitement morte sur l'objet dont il s'agit. Alors Dieu passe à une autre épreuve, et ainsi de sacrifice en sacrifice jusqu'à la consommation.

Mais pourquoi Dieu permet-il ces répugnances, ces révoltes, soit avant, soit après le sacrifice ? Pour plusieurs raisons toutes dignes de sa sagesse. Premièrement, pour apprendre à l'âme à se connaître, à juger combien elle est mauvaise, opposée à tout bien, incapable du moindre effort de générosité, et la tenir par là dans une profonde humilité. Car elle serait tentée de s'applaudir elle-même, et d'attribuer son sacrifice à ses propres forces, si Dieu ne lui en faisait sentir toute la difficulté. Secondement, elle connaît aussi mieux par là tout le prix de la grâce, et combien elle a besoin de se confier uniquement en Dieu, puisqu'elle ne trouve nulle force, nul soutien en elle-même. Troisièmement, plus elle éprouve de résistance, plus elle a d'obstacles à vaincre, plus aussi son mérite est grand ; plus le combat dure, plus la victoire est complète ; plus la nature est détruite, plus Dieu est glorifié et le démon confondu ; plus encore l'âme acquiert d'expérience et d'habileté dans les choses de la vie intérieure.
Comme toute notre générosité vient de Dieu, il nous en dérobe la connaissance, de peur que nous ne lui ravissions la gloire qui lui appartient tout entière.

Par le peu que je viens de dire, il est facile de juger combien est grande la différence qu'il y a de la générosité naturelle à la générosité surnaturelle, et que celle-ci s'exerce sur des objets tout autrement intéressants pour nous, et avec une peine incomparablement plus grande que l'autre. Elles ne diffèrent pas moins par leurs motifs. Il entre toujours de l'amour-propre, et beaucoup même, dans l'exercice de la générosité naturelle. Il s'y mêle souvent de l'intérêt, de la vanité, de l'orgueil ; on se croit au-dessus de ceux qu'on oblige ; on s'applaudit d'une noblesse de sentiment qui nous élève au-dessus du commun des hommes ; on se repaît des louanges que cela nous attire ; on s'en donne soi-même, et l'on jouit avec complaisance d'une certaine satisfaction intérieure.

Aucun de ces motifs ne souille l'exercice de la générosité surnaturelle. L'amour-propre n'y trouve point de nourriture, puisque c'est sur lui et à ses dépens qu'elle s'exerce. La vue de notre propre intérêt n'y a pas lieu, puisque la générosité nous porte à le sacrifier à l'intérêt de Dieu. Les victoires coûtent si cher et sont si pénibles, qu'on n'est point exposé à en concevoir de la vanité. Les humiliations intérieures et extérieures nous garantissent de l'orgueil et des vains applaudissements des hommes. Tout y est pour Dieu, uniquement pour Dieu ; et c'est ce qui imprime à cette générosité ce caractère sublime et divin, qui ne peut être que l'œuvre de la grâce.

Lorsqu'il plaît donc à Dieu d'exiger de l'âme de grands sacrifices, il lui donne une générosité proportionnée ; il lui élargit le cœur ; il élève ses sentiments ; il lui donne la plus haute idée de ce qu'il mérite ; et lui fait connaître que tout ce qu'elle peut faire pour lui n'est rien, moins que rien ; que c'est une pure bonté de sa part de vouloir bien accepter ce qu'elle lui offre ; que toute la gloire que pourrait lui procurer l'anéantissement volontaire de toutes les créatures raisonnables, n'ajoute rien à sa grandeur et à sa félicité ; enfin, que c'est un honneur inestimable qu'il nous fait d'agréer nos offrandes et nos sacrifices.
Pénétrée de ces idées, l'âme voit clairement que jusqu'à ce moment elle n'a rien fait pour Dieu, elle conçoit un désir immense de se dévouer tout entière à lui ; et, parce que tout ce qu'elle pourrait faire et souffrir pour son infinie majesté n'est pas digne de lui, elle le prie de se glorifier lui-même en elle de la manière qu'il lui plaira, et elle se livre entièrement à lui dans cette vue. De ce moment son cœur s'élargit, et, autant qu'une petite créature en est susceptible, devient propre à la grandeur des desseins de Dieu. Le joug des commandements et même celui des conseils, qui paraît si pesant, si gênant aux chrétiens ordinaires, lui semble doux et léger ; elle s'étonne que Dieu lui demande si peu, et elle voudrait faire pour son amour mille fois davantage. C'est ce que David éprouvait lorsqu'il disait : J'ai couru dans la voie de vos commandements, après que vous avez élargi mon cœur. Auparavant il marchait avec peine et avec effort ; il trouvait la voie trop dure et trop étroite, parce que son cœur était étroit et resserré. À présent que Dieu, en prenant possession de son cœur, lui a communiqué quelque chose de son immensité, il ne marche plus, il court, il vole ; nulle difficulté, nul obstacle ne l'arrête.

Il n'est que trop vrai que dans le service de Dieu tout dépend de la disposition du cœur, et que ce qui paraît beaucoup à une âme avare et concentrée en elle-même, n'est rien pour une âme généreuse, qui est sortie d'elle pour passer en Dieu. Demandons donc continuellement à Dieu cette générosité. Prions-le de ne jamais permettre que nous mesurions ce que nous lui devons sur nos idées étroites et bornées, mais de nous élever à l'idée qu'il a de lui-même, et de nous apprendre à le servir en Dieu. Servir Dieu en Dieu ! Ô la grande parole ! Mais l'exécution en est infiniment au-dessus de notre portée. Il n'y a qu'un moyen d'accomplir ce service, c'est de se livrer à Dieu, afin qu'il dispose absolument de nous, qu'il nous dépouille de notre esprit et qu'il nous revête du sien ; qu'il nous donne un cœur selon son cœur. Demandons-le sans cesse, et, pour vérifier l'effet d'une demande d'où dépend la plus grande gloire de Dieu et notre perfection, soyons d'une fidélité inviolable à tous les mouvements de la grâce. Moins nous serons menés selon nos vues, plus nous serons conduits selon les vues de Dieu ; car il n'y a pas plus de proportion des idées que Dieu a de la sainteté aux nôtres, que de sa nature à la nôtre ; et tant que nous ne serons généreux qu'à notre manière, nous ne le serons pas à la sienne.


(Extrait du Manuel des âmes intérieures)

Le Petit Sacristain

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