Rome Chrétienne et ses monuments - EUGENE DE LA GOURNERIE - 1867
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Rome Chrétienne et ses monuments - EUGENE DE LA GOURNERIE - 1867
Rome Chrétienne et ses monuments (Extraits)
EUGENE DE LA GOURNERIE - 1867
0 Roma noiblis, orba et domina
Cunctarum urbiam excellentissima...
Salutem dicimus tibi ! per omnia
Te benedicimus, salve, per secula!
Hymne chrétienne.
APPROBATIONS.
Antoine-Mathias-Alexandre JAQUEMET, par la miséricorde de Dieu et la grâce du Saint-Siège apostolique, Évêque de Nantes, Nous avons approuvé et approuvons par ces présentes, l'ouvrage composé par M. Eugène de la Gournerie, sous ce titre : Rome Chrétienne (2« édition). Nous y avons trouvé, avec une doctrine toujours saine et un grand amour de l'Église, une érudition sagement contenue, une appréciation exacte des faits, des personnes et des choses, un style pur et simple qui rappelle les beaux temps de notre littérature française. Nous recommandons la lecture de ce livre, comme préparation au voyage de Rome pour ceux qui auront le bonheur de faire ce pieux pèlerinage, et comme un dédommagement précieux pour ceux qui ne peuvent que saluer de loin la ville éternelle, de leur amour, de leurs voeux et de leurs regrets. Donné à Nantes, en notre palais épiscopal, le 18 mars 1858.
t ALEXANDRE, Évêque de Nantes.
Mandement de Monseigneur,
J. Lepré, Chanoine secrétaire
Introduction
Ce que voulait Clément IX, faire connaître et aimer Rome chrétienne, nous l'avons tenté dans la mesure de nos forces, et, si nous n'avons qu'imparfaitement réussi, notre Essai a été du moins accueilli avec assez de faveur pour qu'une seconde édition soit devenue aujourd'hui nécessaire. Nous l'offrons à tous ceux qui sentent battre leur cœur au seul nom de la ville des martyrs et des papes, de la science et des arts, de la religion et du génie. S'ils doivent visiter Rome, notre livre pourra leur servir de préparation au voyage et peut-être ensuite de compagnon de route : s'ils sont retenus loin d'elle, ils suivront du moins de l'œil, en le lisant, le tableau si imposant par lui-même que présente l'histoire de la grande capitale chrétienne, se déroulant, siècle par siècle, avec ses saintetés, ses gloires et ses merveilles.
O Roma Nobilis
Chapitre 1
La Rome des Brutus et des César fut puissante par le glaive, mais elle corrompit, elle humilia, elle asservit l'humanité. La Rome chrétienne n'eut aucune force apparente, et elle consola, elle éleva, elle délivra l'humanité : à elle se rattachent tous les prodiges de la civilisation moderne ; à elle donc, à ses monuments sacrés, à ses saintes reliques, notre respectueuse admiration et nos hommages !
Carte de l`empire romain en rouge au temps des apôtres, avec la ville de Rome comme capitale.
Certains aime se moquer de la bonhomie des chrétiens s'agenouillant devant des ossements, devant des parcelles de bois richement enchâssées dans l'or. Ils sourient de pitié en nous voyant prier, à Saint-Marie-Majeure, au pied du berceau de l'Enfant-Dieu ; à Saint-Jean de Latran, devant la table sur laquelle fut célébrée la cène ; en nous voyant monter à deux genoux les degrés que monta Jésus-Christ durant sa passion ; ou bien nous humilier à Sainte-Praxède devant la colonne ; à Sainte- Croix, devant le bois auguste ; à Sainte-Marie in Campo-Santo, devant la terre qui furent arrosés de son sang. Superstition! folie! s'écrient-ils; et ils ne voient pas, ces hommes si fiers de leur science, que cet humble berceau, ce meuble de l'indigent, entouré de pierres précieuses, c'est la réhabilitation, l'anoblissement du pauvre !
Qu'était, en effet, le pauvre dans ce monde antique, dont on scrute avec tant d'admiration les vestiges? Esclave, gladiateur, il servait, il mourait pour le plaisir du riche ; voilà toute sa vie ! Et les philosophes applaudissaient ! ils déclaraient que l'esclave n'était pas de même nature que l'homme libre! Aujourd'hui, il est vrai, ils parlent, en docteurs, d'égalité et de liberté ; mais que vaut cette éloquence posthume près du berceau de Sainte-Marie-Majeure !
Les cruels combats à mort des gladiateurs dans le cirque de Rome
Et maintenant, si vous attachez quelque prix aux idées de dévouement et de sacrifice, si vous admettez une Providence quelconque pour expliquer l'inégale répartition des biens et des maux sur la terre, où en trouverez-vous de plus touchants symboles, que cette table où s'est assis un Dieu et où il s'est distribué lui-même à ses disciples ; que cette colonne, cette croix sur lesquelles il a souffert pour ceux qu'il aimait, et souffert jusqu'à la mort; que cette glorification enfin des instruments de son supplice ; que cet éclat, cette pompe, ce respect dont on les environne, haute et solennelle réparation, heureux présage pour celui qui gémit et qui pleure ; car ce sont autant de voix pour lui dire que ses larmes sont comptées, et qu'il n'est pas une de ses souffrances qui ne lui vaille un trésor ? Oui, si à de telles pensées, certaines personnes ne savent répondre que par un dédain amer, si leur cœur ne palpite pas à des émotions qui font vibrer des milliers de poitrines, si ce qu'il y a de plus saint au monde les touche peu, elles n'ont de l'homme que le mouvement, mais leur âme est aussi froide qu'un cadavre !
L`esclavage était courant dans tout l`empire romain.
La loi de Jésus-Christ fut annoncée pour la première fois à Rome par saint Pierre, vers l'an 41 ap J.C (8 ans après la Passion du Christ). Suivant la tradition, le saint apôtre se logea au Vicus patricius, entre l'Esquilin et le Viminal, dans la maison du sénateur Pudens, qui fut des premiers, avec toute sa famille, à abjurer le culte des idoles. A la place de cette maison a été édifiée dans la suite la petite église de Sainte-Pudentienne, avec son haut clocher byzantin.
L`Église de Sainte Prudentienne ( Santa Pudenziana) construite sur la place de l`ancienne maison du Sénateur Romain Prudens et de sa famille qui sont parmi les premiers romains convertis à la foi chrétienne vers 41 Ap J.C.
La Rome antique
Le Film Quo Vadis de 1951 - Montre la vie des premiers chrétiens a Rome vers 60 Ap J.C. sous le cruel empereur romain païen Néron et sa femme Poppée.
La prédication de saint Pierre eut les mêmes succès dans la capitale du monde qu'à Jérusalem et à Antioche, et le nombre des fidèles s'élevait déjà à plusieurs milliers, lorsqu'une persécution dirigée contre les Juifs obligea le chef du troupeau à quitter l'Italie (Actes des Apôtres 18,2). La garde de l'Église naissante fut alors confiée à Andronic, à Urbain et à quelques autres enfants chéris des apôtres (Épître aux Romains chapitre 16). Or, cette Église croissait de jour en jour dans le silence; sa foi retentissait déjà par tout le monde, et saint Paul brûlait du désir de venir répandre sur elle les trésors de la grâce dont Dieu l'avait fait le dispensateur et le ministre.
C'est vers l'an 58 qu'il adressa aux Romains son épître dogmatique, et dès lors il leur parle comme à de vieux convertis. Au peuple le plus vain de sa raison, il proclame la faiblesse et l'insuffisance de la raison ; il lui dit que ses philosophes se sont évanouis dans leurs pensées, et qu'en s' applaudissant de leur sagesse ils sont devenus comme des stupides ; il leur rappelle leurs crimes, leurs vices sans nombre, leurs penchants contre nature, leur orgueil, leur perfidie; et s' élevant haut et ferme sur les débris souillés du monde antique, il prêche au monde nouveau l'humilité, la docilité aux enseignements; car il n'y a de salut que dans la foi en Jésus-Christ, et la foi ne se trouve pas par les seules forces de l'intelligence, elle s'apprend : Fides ex auditu.
Saint Paul se rendait alors à Jérusalem; on sait comment emprisonné, menacé de mort dans cette ville, il vit le Christ soutenant son courage et lui disant : — Sois constant et fort, car il faut que tu me rendes témoignage à Rome comme tu viens de me le rendre ici. — Peu de temps après, en effet, saint Paul fut dirigé vers Rome, sous la garde d'un soldat. Débarqué à Puteoli (Pouzzole), il y rencontra des chrétiens qui le retinrent pendant sept jours, puis il se remit en route. Les fidèles de Rome étaient venus au-devant de lui jusqu'au Forum d'Appius et aux Trois -Tavernes (aujourd'hui Casarillo di Santa- Maria et Cisterna). Saint Paul bénit Dieu en les voyant, et fit son entrée avec eux dans la ville éternelle; (Actes des Apôtres 28,14) il y fut bientôt rejoint par saint Pierre, mais il n'y fut pas laissé libre comme lui. Un soldat continua d'être commis à sa garde, et il n'est pas douteux qu'il le tint enchaîné, suivant les habitudes de la surveillance romaine. Aussi, écrivant alors à Philémon, Paul ne prend d'autre titre que celui de captif de Jésus-Christ, vinctus Christi Jesu. Il se logea d'ailleurs où il voulut et reçut librement ceux qui venaient à lui. On voit encore la chambre de l'apôtre dans les substructions de l'église de Santa-Maria in via lata, au pied du Capitole; on y voit la colonne et la chaîne auxquelles il fut attaché; sur la colonne ont été inscrits ces mots célèbres qu'il adressait à Timothée : — « La parole de Dieu du moins n'est pas captive. » — Sed verbuni Dei non est alligatum.
Église de Santa-Maria via lata ou selon la tradition on trouve l`ancienne chambre ou était gardé sous les chaines l`apôtre St-Paul en résidence surveillée.
On aime à se rappeler, sous ces sombres voûtes, les diverses circonstances de l'apostolat de saint Paul, pendant les deux ans qu'il y vécut. Ce fut là qu'il convertit Onésime, qu'il reçut les présents des Philippiens, apportés par Épaphrodite ; c'était de là qu'il écrivait à Philémon, à Tite, aux habitants de Philippe et de Colosse ; c'était là qu'il prêchait la folie de la croix avec cette fougue ardente, cette éloquence abrupte, qui s'échauffait dans la lutte et que l'inspiration rendait sublime.
Pierre s'adressait surtout aux Circoncis (Juifs); Paul aux Gentils (Non-Juifs); à leur science pour la confondre, à leur raison pour l'humilier. N'avait-il pas déjà converti le proconsul Sergius Paulus et Denys l'Aréopagite ? A Rome sa parole n'est pas moins puissante, et des courtisans de Néron, de ses parents même peut-être, cèdent à l'action de Dieu, qui se révèle dans chacun des enseignements de son ministre (Épitre aux Philippiens 4,22). Autour de l'apôtre se pressent d'ardents disciples : c'est Onésiphore d'Éphèse, qui ne rougit pas de porter une partie de sa chaîne; Epaphras de Colosse, qui fut captif avec lui; Timothée, dont une sainte union identifiait toutes les pensées avec celle de son maître, et qui lui était attaché comme un fils, ( Épitre aux Philippiens 2,22) ; c'est encore Hermas, ( voir le livre des premiers chrétiens de Rome - le Pasteur d`Hermas) auquel un ange apparaissait sous la forme d'un pasteur, et révélait les profonds mystères de la morale chrétienne ; ce sont Aristarque, Marc, Demas, et le médecin Luc, compagnon fidèle de l'apôtre, son disciple bien-aimé, Lucas.
Après deux années de séjour à Rome, Paul s'en éloigna pour visiter l'Italie ; puis il retourna en Asie, à Éphèse, en Crète, et ne revint à Rome que vers l'an 64. Les progrès de l'Évangile commençaient alors à troubler le sommeil des augures. Simon le Magicien, cet ennemi acharné des apôtres, avait cherché à lutter avec eux dans la capitale même de l'empire, et, si l'on en croyait Tertullien, les Romains lui auraient érigé une statue dans l'île du Tibre.
La chute de Simon le magicien à Rome, après son vol devant l`empereur Néron et St-Pierre
Simon se disait le Christ, lisons-nous dans une des homélies de saint Augustin, et il prétendit pouvoir voler vers Dieu, comme un fils vers son père. En effet, il s'éleva subitement par art magique, continue le grand évêque d'Hippone; «mais Pierre, s'agenouillant, pria le Seigneur, et la prière de l'apôtre vainquit la légèreté du Magicien. Simon tomba comme enchaîné du haut des airs, et se brisa les jambes dans sa chute.» Suivant la tradition catholique, ce serait sur le Forum qu'aurait eu lieu la vaine tentative de Simon, et l'on conserve à Sainte-Françoise Romaine deux pierres portant l'empreinte des genoux de l'apôtre. Ces prodiges, et l'influence chaque jour croissante de la nouvelle loi, mirent en mouvement toutes les mauvaises passions qui fermentaient dans le vieux levain du paganisme. On pressentait une persécution; déjà même saint Pierre était l'objet de recherches, lorsque les chrétiens le supplièrent de s'éloigner pour quelque temps, et « bien qu'il n'aspirât qu'à souffrir, dit saint Ambroise, ayant égard cependant aux prières du peuple, qui lui demandait en grâce de se réserver pour l'instruire et le confirmer dans la foi, il se laissa vaincre. »
Note sur Simon le magicien : Arnobe, écrivain du troisième siècle, raconte le même fait, qui fut cause, dit-il, de nombreuses conversions (Adv. gentes, lib. II, p. 50, édit. de Leyde). Suétone parle, de son côté, d'un nouvel Icare qui s'éleva dans les airs en présence de Néron, puis tomba près du siège de l'empereur, qu'il arrosa de son sang. Juvénal fait allusion à un fait analogue, qu'il attribue à un Grec. Le vol magique et la chute se trouvent donc attestés par les païens eux-mêmes.
La nuit étant donc venue, Pierre sortit de Rome ; mais à peine avait-il fait quelques pas sur la voie Appienne, qu'il rencontra, suivant une tradition sainte, Jésus-Christ chargé de sa croix. — Seigneur, où allez-vous ? s'écria-t-il : — Je retourne au Calvaire me faire crucifier de nouveau, répondit le Fils de l'homme, et Pierre, comprenant la pensée de son divin Maître, revint sans hésiter au-devant du martyre.
Seigneur, où allez-vous ? s'écria St-Pierre : — Je retourne au Calvaire me faire crucifier de nouveau, répondit le Fils de l'homme. St-Pierre voit le Christ avec sa croix sur la voie Appienne à Rome.
L`Église Domine Quo Vadis de Rome – Construite sur le lieu ou St-Pierre a vu le Christ avec sa croix
Une petite chapelle s'élève aujourd'hui au lieu de la rencontre. Elle est connue sous le nom de Domine, quo vadis ? Vers cette époque, cependant, Rome fut dévorée par un affreux incendie, dont la vue pleine d'angoisse fit étinceler de joie les yeux cruels de Néron. Ce fut pour lui comme la révélation d'une nouvelle sorte de volupté. Le monstre s'était habitué au sang, comme une bête carnassière. — « Or, le bruit s'était répandu, dit Tacite, qu'au moment de l'embrasement de la ville, Néron était monté sur le théâtre de son palais et y avait chanté la ruine de Troie.... Mais rien surtout ne pouvait étouffer l'odieuse rumeur que l'incendie avait été mis par ordre ; pour l'étouffer, l'empereur chercha des coupables... » — et les chrétiens furent arrêtés; on les menait dans les jardins de Néron, qui s'étendaient du Tibre à la place actuelle de Saint-Pierre ; on les entassait dans le cirque qui comprenait une partie de l'espace occupé aujourd'hui par l'église du Vatican; et là, tantôt on les couvrait de peaux de bêtes pour les faire déchirer par des chiens, tantôt on les brûlait, on les crucifiait, et le soir, enduits de poix enflammée, ils devaient éclairer les plaisirs du prince.
Reconstitution du palais de l`empereur Néron à Rome
L`Incendie de Rome sous l`empereur Néron – une ville de près de 1 million d`Habitants à cette époque
Persécution des Chrétiens de Rome dans les jardins de l`empereur Néron vers l`an 64 Ap J.C.
Néron, cependant, donnait des jeux dans le cirque, se mêlant au peuple en habit de cocher, ou conduisant des chars. Aussi, quelles que fussent les préventions de Rome contre les chrétiens, la pitié se faisait jour, dit Tacite; on sentait qu'il ne s'agissait pas du bien public, mais de l'amusement d'un barbare. Peu de temps après ces horribles scènes, Pierre et Paul furent enchaînés dans la prison Mamertinei. Cette prison, aujourd'hui San-Pietro-in-Carcere, avait été construite par Ancus Martius et Tullus Hostilius, au milieu de la ville, au-dessus du Forum. Elle se composait de nombreux cachots et de souterrains profonds, qui existent encore. Il y avait dans ces souterrains un précipice où l'on jetait quelquefois les criminels ; d'autres fois ils étaient étouffés dans la prison, et leurs cadavres étaient abandonnés sur l'escalier de ces sombres cavernes ; on appelait cet escalier les Gémonies.
La prison Mamertine de Rome ou les apôtres St-Paul et St-Pierre ont été détenus
Les souffrances qui attendaient les apôtres dans cet odieux repaire, ne pouvaient pas plus diminuer leur foi que ralentir leur zèle. Pierre prêchait toujours, et à sa voix les geôliers Procëssus et Martinianus et quarante-sept captifs embrassaient la loi du Christ. Une source jaillissait de terre pour servir au baptême des néophytes. Paul, l'ardent apôtre, soutenait les droits de la conscience et la justice de Dieu en face de Néron ; puis il épanchait avec bonheur ses dernières paroles dans le sein de Timothée, son enfant, son disciple. « Dieu ne nous a pas donné l'esprit de crainte, mais de courage, lui disait-il. Ne rougis donc point de rendre témoignage à Notre Dieu.... C'est pourquoi je souffre; mais je ne suis pas confondu, parce que je sais en qui j'ai foi... Je t'adjure au nom du Seigneur et de Jésus-Christ qui doit juger les vivants et les morts;... prêche la parole sainte, insiste au temps propice, ou même avec importunité, discute, supplie, reproche en toute patience et toute vérité de doctrine;... veille avec soin, travaille pour tous, remplis l'œuvre d'un évangéliste, accomplis ton ministère, sois sobre.... Pour moi, j'ai combattu un bon combat, j'ai consommé ma course, j'ai gardé ma foi. » (2 Tim 1,7 et chap 4.)
Les adieux que Pierre adressait à tous ceux qui avaient reçu, comme lui, le précieux don de la foi, n'étaient ni moins touchants ni moins dignes. « Je suis certain, leur disait-il, que je dois bientôt quitter ma tente, ainsi que Notre-Seigneur Jésus-Christ me l'a fait connaître, mais j'aurai soin qu'après ma mort ce que je vous ai recommandé vous soit remis en mémoire; ô mes bien-aimés ! attendez le jour du Seigneur, hâtez-le par vos désirs. ...car nous espérons, suivant sa promesse, de nouveaux cieux et une nouvelle terre où la justice fait sa demeure. » (B. Petri Epist. sec.)
2 - Les Comices (Comitium): la place de réunion des citoyens et de justice ou les deux apôtres auraient été flagellés
EUGENE DE LA GOURNERIE - 1867
0 Roma noiblis, orba et domina
Cunctarum urbiam excellentissima...
Salutem dicimus tibi ! per omnia
Te benedicimus, salve, per secula!
Hymne chrétienne.
APPROBATIONS.
Antoine-Mathias-Alexandre JAQUEMET, par la miséricorde de Dieu et la grâce du Saint-Siège apostolique, Évêque de Nantes, Nous avons approuvé et approuvons par ces présentes, l'ouvrage composé par M. Eugène de la Gournerie, sous ce titre : Rome Chrétienne (2« édition). Nous y avons trouvé, avec une doctrine toujours saine et un grand amour de l'Église, une érudition sagement contenue, une appréciation exacte des faits, des personnes et des choses, un style pur et simple qui rappelle les beaux temps de notre littérature française. Nous recommandons la lecture de ce livre, comme préparation au voyage de Rome pour ceux qui auront le bonheur de faire ce pieux pèlerinage, et comme un dédommagement précieux pour ceux qui ne peuvent que saluer de loin la ville éternelle, de leur amour, de leurs voeux et de leurs regrets. Donné à Nantes, en notre palais épiscopal, le 18 mars 1858.
t ALEXANDRE, Évêque de Nantes.
Mandement de Monseigneur,
J. Lepré, Chanoine secrétaire
Introduction
Ce que voulait Clément IX, faire connaître et aimer Rome chrétienne, nous l'avons tenté dans la mesure de nos forces, et, si nous n'avons qu'imparfaitement réussi, notre Essai a été du moins accueilli avec assez de faveur pour qu'une seconde édition soit devenue aujourd'hui nécessaire. Nous l'offrons à tous ceux qui sentent battre leur cœur au seul nom de la ville des martyrs et des papes, de la science et des arts, de la religion et du génie. S'ils doivent visiter Rome, notre livre pourra leur servir de préparation au voyage et peut-être ensuite de compagnon de route : s'ils sont retenus loin d'elle, ils suivront du moins de l'œil, en le lisant, le tableau si imposant par lui-même que présente l'histoire de la grande capitale chrétienne, se déroulant, siècle par siècle, avec ses saintetés, ses gloires et ses merveilles.
O Roma Nobilis
Chapitre 1
La Rome des Brutus et des César fut puissante par le glaive, mais elle corrompit, elle humilia, elle asservit l'humanité. La Rome chrétienne n'eut aucune force apparente, et elle consola, elle éleva, elle délivra l'humanité : à elle se rattachent tous les prodiges de la civilisation moderne ; à elle donc, à ses monuments sacrés, à ses saintes reliques, notre respectueuse admiration et nos hommages !
Carte de l`empire romain en rouge au temps des apôtres, avec la ville de Rome comme capitale.
Certains aime se moquer de la bonhomie des chrétiens s'agenouillant devant des ossements, devant des parcelles de bois richement enchâssées dans l'or. Ils sourient de pitié en nous voyant prier, à Saint-Marie-Majeure, au pied du berceau de l'Enfant-Dieu ; à Saint-Jean de Latran, devant la table sur laquelle fut célébrée la cène ; en nous voyant monter à deux genoux les degrés que monta Jésus-Christ durant sa passion ; ou bien nous humilier à Sainte-Praxède devant la colonne ; à Sainte- Croix, devant le bois auguste ; à Sainte-Marie in Campo-Santo, devant la terre qui furent arrosés de son sang. Superstition! folie! s'écrient-ils; et ils ne voient pas, ces hommes si fiers de leur science, que cet humble berceau, ce meuble de l'indigent, entouré de pierres précieuses, c'est la réhabilitation, l'anoblissement du pauvre !
Qu'était, en effet, le pauvre dans ce monde antique, dont on scrute avec tant d'admiration les vestiges? Esclave, gladiateur, il servait, il mourait pour le plaisir du riche ; voilà toute sa vie ! Et les philosophes applaudissaient ! ils déclaraient que l'esclave n'était pas de même nature que l'homme libre! Aujourd'hui, il est vrai, ils parlent, en docteurs, d'égalité et de liberté ; mais que vaut cette éloquence posthume près du berceau de Sainte-Marie-Majeure !
Les cruels combats à mort des gladiateurs dans le cirque de Rome
Et maintenant, si vous attachez quelque prix aux idées de dévouement et de sacrifice, si vous admettez une Providence quelconque pour expliquer l'inégale répartition des biens et des maux sur la terre, où en trouverez-vous de plus touchants symboles, que cette table où s'est assis un Dieu et où il s'est distribué lui-même à ses disciples ; que cette colonne, cette croix sur lesquelles il a souffert pour ceux qu'il aimait, et souffert jusqu'à la mort; que cette glorification enfin des instruments de son supplice ; que cet éclat, cette pompe, ce respect dont on les environne, haute et solennelle réparation, heureux présage pour celui qui gémit et qui pleure ; car ce sont autant de voix pour lui dire que ses larmes sont comptées, et qu'il n'est pas une de ses souffrances qui ne lui vaille un trésor ? Oui, si à de telles pensées, certaines personnes ne savent répondre que par un dédain amer, si leur cœur ne palpite pas à des émotions qui font vibrer des milliers de poitrines, si ce qu'il y a de plus saint au monde les touche peu, elles n'ont de l'homme que le mouvement, mais leur âme est aussi froide qu'un cadavre !
L`esclavage était courant dans tout l`empire romain.
La loi de Jésus-Christ fut annoncée pour la première fois à Rome par saint Pierre, vers l'an 41 ap J.C (8 ans après la Passion du Christ). Suivant la tradition, le saint apôtre se logea au Vicus patricius, entre l'Esquilin et le Viminal, dans la maison du sénateur Pudens, qui fut des premiers, avec toute sa famille, à abjurer le culte des idoles. A la place de cette maison a été édifiée dans la suite la petite église de Sainte-Pudentienne, avec son haut clocher byzantin.
L`Église de Sainte Prudentienne ( Santa Pudenziana) construite sur la place de l`ancienne maison du Sénateur Romain Prudens et de sa famille qui sont parmi les premiers romains convertis à la foi chrétienne vers 41 Ap J.C.
La Rome antique
Le Film Quo Vadis de 1951 - Montre la vie des premiers chrétiens a Rome vers 60 Ap J.C. sous le cruel empereur romain païen Néron et sa femme Poppée.
La prédication de saint Pierre eut les mêmes succès dans la capitale du monde qu'à Jérusalem et à Antioche, et le nombre des fidèles s'élevait déjà à plusieurs milliers, lorsqu'une persécution dirigée contre les Juifs obligea le chef du troupeau à quitter l'Italie (Actes des Apôtres 18,2). La garde de l'Église naissante fut alors confiée à Andronic, à Urbain et à quelques autres enfants chéris des apôtres (Épître aux Romains chapitre 16). Or, cette Église croissait de jour en jour dans le silence; sa foi retentissait déjà par tout le monde, et saint Paul brûlait du désir de venir répandre sur elle les trésors de la grâce dont Dieu l'avait fait le dispensateur et le ministre.
C'est vers l'an 58 qu'il adressa aux Romains son épître dogmatique, et dès lors il leur parle comme à de vieux convertis. Au peuple le plus vain de sa raison, il proclame la faiblesse et l'insuffisance de la raison ; il lui dit que ses philosophes se sont évanouis dans leurs pensées, et qu'en s' applaudissant de leur sagesse ils sont devenus comme des stupides ; il leur rappelle leurs crimes, leurs vices sans nombre, leurs penchants contre nature, leur orgueil, leur perfidie; et s' élevant haut et ferme sur les débris souillés du monde antique, il prêche au monde nouveau l'humilité, la docilité aux enseignements; car il n'y a de salut que dans la foi en Jésus-Christ, et la foi ne se trouve pas par les seules forces de l'intelligence, elle s'apprend : Fides ex auditu.
Saint Paul se rendait alors à Jérusalem; on sait comment emprisonné, menacé de mort dans cette ville, il vit le Christ soutenant son courage et lui disant : — Sois constant et fort, car il faut que tu me rendes témoignage à Rome comme tu viens de me le rendre ici. — Peu de temps après, en effet, saint Paul fut dirigé vers Rome, sous la garde d'un soldat. Débarqué à Puteoli (Pouzzole), il y rencontra des chrétiens qui le retinrent pendant sept jours, puis il se remit en route. Les fidèles de Rome étaient venus au-devant de lui jusqu'au Forum d'Appius et aux Trois -Tavernes (aujourd'hui Casarillo di Santa- Maria et Cisterna). Saint Paul bénit Dieu en les voyant, et fit son entrée avec eux dans la ville éternelle; (Actes des Apôtres 28,14) il y fut bientôt rejoint par saint Pierre, mais il n'y fut pas laissé libre comme lui. Un soldat continua d'être commis à sa garde, et il n'est pas douteux qu'il le tint enchaîné, suivant les habitudes de la surveillance romaine. Aussi, écrivant alors à Philémon, Paul ne prend d'autre titre que celui de captif de Jésus-Christ, vinctus Christi Jesu. Il se logea d'ailleurs où il voulut et reçut librement ceux qui venaient à lui. On voit encore la chambre de l'apôtre dans les substructions de l'église de Santa-Maria in via lata, au pied du Capitole; on y voit la colonne et la chaîne auxquelles il fut attaché; sur la colonne ont été inscrits ces mots célèbres qu'il adressait à Timothée : — « La parole de Dieu du moins n'est pas captive. » — Sed verbuni Dei non est alligatum.
Église de Santa-Maria via lata ou selon la tradition on trouve l`ancienne chambre ou était gardé sous les chaines l`apôtre St-Paul en résidence surveillée.
On aime à se rappeler, sous ces sombres voûtes, les diverses circonstances de l'apostolat de saint Paul, pendant les deux ans qu'il y vécut. Ce fut là qu'il convertit Onésime, qu'il reçut les présents des Philippiens, apportés par Épaphrodite ; c'était de là qu'il écrivait à Philémon, à Tite, aux habitants de Philippe et de Colosse ; c'était là qu'il prêchait la folie de la croix avec cette fougue ardente, cette éloquence abrupte, qui s'échauffait dans la lutte et que l'inspiration rendait sublime.
Pierre s'adressait surtout aux Circoncis (Juifs); Paul aux Gentils (Non-Juifs); à leur science pour la confondre, à leur raison pour l'humilier. N'avait-il pas déjà converti le proconsul Sergius Paulus et Denys l'Aréopagite ? A Rome sa parole n'est pas moins puissante, et des courtisans de Néron, de ses parents même peut-être, cèdent à l'action de Dieu, qui se révèle dans chacun des enseignements de son ministre (Épitre aux Philippiens 4,22). Autour de l'apôtre se pressent d'ardents disciples : c'est Onésiphore d'Éphèse, qui ne rougit pas de porter une partie de sa chaîne; Epaphras de Colosse, qui fut captif avec lui; Timothée, dont une sainte union identifiait toutes les pensées avec celle de son maître, et qui lui était attaché comme un fils, ( Épitre aux Philippiens 2,22) ; c'est encore Hermas, ( voir le livre des premiers chrétiens de Rome - le Pasteur d`Hermas) auquel un ange apparaissait sous la forme d'un pasteur, et révélait les profonds mystères de la morale chrétienne ; ce sont Aristarque, Marc, Demas, et le médecin Luc, compagnon fidèle de l'apôtre, son disciple bien-aimé, Lucas.
Après deux années de séjour à Rome, Paul s'en éloigna pour visiter l'Italie ; puis il retourna en Asie, à Éphèse, en Crète, et ne revint à Rome que vers l'an 64. Les progrès de l'Évangile commençaient alors à troubler le sommeil des augures. Simon le Magicien, cet ennemi acharné des apôtres, avait cherché à lutter avec eux dans la capitale même de l'empire, et, si l'on en croyait Tertullien, les Romains lui auraient érigé une statue dans l'île du Tibre.
La chute de Simon le magicien à Rome, après son vol devant l`empereur Néron et St-Pierre
Simon se disait le Christ, lisons-nous dans une des homélies de saint Augustin, et il prétendit pouvoir voler vers Dieu, comme un fils vers son père. En effet, il s'éleva subitement par art magique, continue le grand évêque d'Hippone; «mais Pierre, s'agenouillant, pria le Seigneur, et la prière de l'apôtre vainquit la légèreté du Magicien. Simon tomba comme enchaîné du haut des airs, et se brisa les jambes dans sa chute.» Suivant la tradition catholique, ce serait sur le Forum qu'aurait eu lieu la vaine tentative de Simon, et l'on conserve à Sainte-Françoise Romaine deux pierres portant l'empreinte des genoux de l'apôtre. Ces prodiges, et l'influence chaque jour croissante de la nouvelle loi, mirent en mouvement toutes les mauvaises passions qui fermentaient dans le vieux levain du paganisme. On pressentait une persécution; déjà même saint Pierre était l'objet de recherches, lorsque les chrétiens le supplièrent de s'éloigner pour quelque temps, et « bien qu'il n'aspirât qu'à souffrir, dit saint Ambroise, ayant égard cependant aux prières du peuple, qui lui demandait en grâce de se réserver pour l'instruire et le confirmer dans la foi, il se laissa vaincre. »
Note sur Simon le magicien : Arnobe, écrivain du troisième siècle, raconte le même fait, qui fut cause, dit-il, de nombreuses conversions (Adv. gentes, lib. II, p. 50, édit. de Leyde). Suétone parle, de son côté, d'un nouvel Icare qui s'éleva dans les airs en présence de Néron, puis tomba près du siège de l'empereur, qu'il arrosa de son sang. Juvénal fait allusion à un fait analogue, qu'il attribue à un Grec. Le vol magique et la chute se trouvent donc attestés par les païens eux-mêmes.
La nuit étant donc venue, Pierre sortit de Rome ; mais à peine avait-il fait quelques pas sur la voie Appienne, qu'il rencontra, suivant une tradition sainte, Jésus-Christ chargé de sa croix. — Seigneur, où allez-vous ? s'écria-t-il : — Je retourne au Calvaire me faire crucifier de nouveau, répondit le Fils de l'homme, et Pierre, comprenant la pensée de son divin Maître, revint sans hésiter au-devant du martyre.
Seigneur, où allez-vous ? s'écria St-Pierre : — Je retourne au Calvaire me faire crucifier de nouveau, répondit le Fils de l'homme. St-Pierre voit le Christ avec sa croix sur la voie Appienne à Rome.
L`Église Domine Quo Vadis de Rome – Construite sur le lieu ou St-Pierre a vu le Christ avec sa croix
Une petite chapelle s'élève aujourd'hui au lieu de la rencontre. Elle est connue sous le nom de Domine, quo vadis ? Vers cette époque, cependant, Rome fut dévorée par un affreux incendie, dont la vue pleine d'angoisse fit étinceler de joie les yeux cruels de Néron. Ce fut pour lui comme la révélation d'une nouvelle sorte de volupté. Le monstre s'était habitué au sang, comme une bête carnassière. — « Or, le bruit s'était répandu, dit Tacite, qu'au moment de l'embrasement de la ville, Néron était monté sur le théâtre de son palais et y avait chanté la ruine de Troie.... Mais rien surtout ne pouvait étouffer l'odieuse rumeur que l'incendie avait été mis par ordre ; pour l'étouffer, l'empereur chercha des coupables... » — et les chrétiens furent arrêtés; on les menait dans les jardins de Néron, qui s'étendaient du Tibre à la place actuelle de Saint-Pierre ; on les entassait dans le cirque qui comprenait une partie de l'espace occupé aujourd'hui par l'église du Vatican; et là, tantôt on les couvrait de peaux de bêtes pour les faire déchirer par des chiens, tantôt on les brûlait, on les crucifiait, et le soir, enduits de poix enflammée, ils devaient éclairer les plaisirs du prince.
Reconstitution du palais de l`empereur Néron à Rome
L`Incendie de Rome sous l`empereur Néron – une ville de près de 1 million d`Habitants à cette époque
Persécution des Chrétiens de Rome dans les jardins de l`empereur Néron vers l`an 64 Ap J.C.
Néron, cependant, donnait des jeux dans le cirque, se mêlant au peuple en habit de cocher, ou conduisant des chars. Aussi, quelles que fussent les préventions de Rome contre les chrétiens, la pitié se faisait jour, dit Tacite; on sentait qu'il ne s'agissait pas du bien public, mais de l'amusement d'un barbare. Peu de temps après ces horribles scènes, Pierre et Paul furent enchaînés dans la prison Mamertinei. Cette prison, aujourd'hui San-Pietro-in-Carcere, avait été construite par Ancus Martius et Tullus Hostilius, au milieu de la ville, au-dessus du Forum. Elle se composait de nombreux cachots et de souterrains profonds, qui existent encore. Il y avait dans ces souterrains un précipice où l'on jetait quelquefois les criminels ; d'autres fois ils étaient étouffés dans la prison, et leurs cadavres étaient abandonnés sur l'escalier de ces sombres cavernes ; on appelait cet escalier les Gémonies.
La prison Mamertine de Rome ou les apôtres St-Paul et St-Pierre ont été détenus
Les souffrances qui attendaient les apôtres dans cet odieux repaire, ne pouvaient pas plus diminuer leur foi que ralentir leur zèle. Pierre prêchait toujours, et à sa voix les geôliers Procëssus et Martinianus et quarante-sept captifs embrassaient la loi du Christ. Une source jaillissait de terre pour servir au baptême des néophytes. Paul, l'ardent apôtre, soutenait les droits de la conscience et la justice de Dieu en face de Néron ; puis il épanchait avec bonheur ses dernières paroles dans le sein de Timothée, son enfant, son disciple. « Dieu ne nous a pas donné l'esprit de crainte, mais de courage, lui disait-il. Ne rougis donc point de rendre témoignage à Notre Dieu.... C'est pourquoi je souffre; mais je ne suis pas confondu, parce que je sais en qui j'ai foi... Je t'adjure au nom du Seigneur et de Jésus-Christ qui doit juger les vivants et les morts;... prêche la parole sainte, insiste au temps propice, ou même avec importunité, discute, supplie, reproche en toute patience et toute vérité de doctrine;... veille avec soin, travaille pour tous, remplis l'œuvre d'un évangéliste, accomplis ton ministère, sois sobre.... Pour moi, j'ai combattu un bon combat, j'ai consommé ma course, j'ai gardé ma foi. » (2 Tim 1,7 et chap 4.)
Les adieux que Pierre adressait à tous ceux qui avaient reçu, comme lui, le précieux don de la foi, n'étaient ni moins touchants ni moins dignes. « Je suis certain, leur disait-il, que je dois bientôt quitter ma tente, ainsi que Notre-Seigneur Jésus-Christ me l'a fait connaître, mais j'aurai soin qu'après ma mort ce que je vous ai recommandé vous soit remis en mémoire; ô mes bien-aimés ! attendez le jour du Seigneur, hâtez-le par vos désirs. ...car nous espérons, suivant sa promesse, de nouveaux cieux et une nouvelle terre où la justice fait sa demeure. » (B. Petri Epist. sec.)
2 - Les Comices (Comitium): la place de réunion des citoyens et de justice ou les deux apôtres auraient été flagellés
Dernière édition par MichelT le Mar 7 Déc 2021 - 16:35, édité 4 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: Rome Chrétienne et ses monuments - EUGENE DE LA GOURNERIE - 1867
Église de Santa-Maria Traspontina a Rome ou se trouve les colonnes de flagellation des apôtres
Le jour approchait en effet où les deux apôtres devaient recevoir la couronne de justice qui leur était réservée. Ils furent extraits de la prison le 29 juin 67, et conduits d'abord au bâtiment des Comices, sur le Forum, pour y être flagellés. Les deux colonnes auxquelles ils furent alors attachés ont été transportées dans l'église de Santa-Maria Traspontina. Puis le funèbre cortège reprit sa marche en se dirigeant vers le grand cirque. C'était le quartier du petit peuple, et, sans doute, il recelait plus d'un chrétien. Nous trouvons ensuite divers monuments du passage des bourreaux et de leurs victimes dans deux directions différentes, sur la route d'Ostie et sur la voie Appienne. Sur la route d'Ostie, c'est la petite chapelle de la Séparation, à un mille de Rome (Cette petite église est désignée par le nom de SS. Pietro è Paolo qui separati; elle fut élevée au lieu où les deux apôtres durent se quitter.
Plaque montrant le lieu de la séparation des apôtres St-Paul et St-Pierre sur la route d`Ostie
Sur la voie Appienne, c'est l'église de la Fasciola, ou, en français, de la Bandelette, érigée, suivant la tradition, en souvenir d'une bande de linge des plaies de saint Pierre, que l'apôtre laissa tomber en cet endroit.
L'église de la Fasciola - saints Nérée et Achillée - Santi Nereo e Achilleo
L'église de la Fasciola, dédiée depuis lors aux saints Nérée et Achillée, s'élève dans l'ancienne vallée d'Égérie, occupée, au temps des empereurs, par de malheureux Juifs, qui n'avaient pour tout mobilier que des nattes et un peu de foin, et auxquels on vendait, dit Juvénal, jusqu'à l'ombre des vieux arbres. Qui ne comprend que ce fut pour les rendre témoins de l'humiliation de leur compatriote, qu'on allongea à plaisir la dernière marche de saint Pierre? L'apôtre fut enfin conduit sur la rive droite du Tibre, également
habitée par des Juifs, et il y subit la mort de la croix, au faîte d'un coteau qui dominait les jardins de Néron, ou peut-être dans ces jardins eux-mêmes, déjà consacrés par la mort de dix mille martyrs.
Crucifixion de St-Pierre
Soit pour ajouter à l'ignominie de son supplice, soit pour céder à son dernier vœu, les exécuteurs le crucifièrent la tête en bas. Le grand apôtre protestait, si nous en croyons saint Augustin et saint Ambroise, qu'il était indigne d'être élevé comme l'avait été Jésus-Christ. C'est ainsi qu'il mourut, louant et bénissant Dieu au milieu de ses bourreaux et des saintes femmes qui étaient venues en cachette s'édifier à son martyre et chercher à dérober son corps.
Note : Sur le coteau s'élève aujourd'hui l'église de Saint-Pierre in Montorio, et dans les jardins de Néron la grande basilique de Saint-Pierre du Vatican.
Deux d'entre elles, Basilisse et Anastasie, furent saisies à l'instant où elles recueillaient le sang de l'apôtre, et eurent la tête tranchée aussitôt. Saint Paul avait suivi la route d'Ostie ; ayant rencontré une dame nommée Plautille, au lieu consacré aujourd'hui par l'église de San-Salvator, il la pria de lui donner un linge pour se couvrir les yeux, lui promettant de le lui rendre.
Église de San-Salvator ou St-Paul blessé après la flagellation demanda a une dame nommée Plautille un linge pour ses blessures.
Plautille lui donna le linge, et la nuit suivante le saint lui apparut et le lui restitua. Ses gardes le menaient aux Eaux Salviennes, vallon riant et frais à trois milles de Rome : là il fut attaché à une colonne de marbre et décapité. Sa tête, assure-t-on, bondit trois fois sur la terre, et à chacun des bonds jaillit une fontaine.
La décapitation de St-Paul près de Rome
Abbaye de Tre Fontane ( Trois Fontaines) – le lieu d`exécution de St-Paul près de Rome
Le corps de saint Pierre fut déposé au Vatican, lieu que devait rendre à jamais célèbre l'église érigée en sa mémoire; et celui de saint Paul fut enterré par Lucine, dame romaine, dans un terrain qui lui appartenait, à peu de distance des Eaux Salviennes, terrain sur lequel s'éleva, au quatrième siècle, la basilique placée sous son invocation. Aujourd'hui, des temples magnifiques ont été édifiés en tous les lieux sanctifiés par la présence des deux martyrs. Dès le premier siècle, saint Anaclet, troisième évêque de Rome, creusa un oratoire souterrain au Vatican, pour y recevoir les reliques de saint Pierre. Au quatrième, la partie du Janicule, qui, suivant quelques opinions, avait été le théâtre du crucifiement de l'apôtre, se couronna de la belle église de Saint-Pierre in Montorio. Au cinquième, l'impératrice Eudoxie fit construire l'admirable basilique de Saint-Pierre-ès-Liens, derrière les thermes de Titus, pour y conserver et y exposer au respect des fidèles les chaînes qui avaient attaché l'apôtre à Jérusalem et à Rome.
Église de Saint-Pierre in Montorio, l`endroit où fut crucifié tête en bas l`apôtre St-Pierre ( San Pietro in Montorio)
Église de Saint-Pierre in Montorio
Basilique de Saint-Pierre-ès-Liens construite à Rome au 5 eme siècle sur ordre de l`impératrice Eudoxie pour exposer les chaines qui avaient attachés les St-Apôtres.
La prison Mamertine devint à son tour un oratoire et un lieu de saint pèlerinage. La table sur laquelle le premier vicaire de Jésus-Christ avait coutume de consacrer le pain et le vin, devint l'autel majeur de Saint- Jean de Latran. Enfin les Eaux Salviennes furent consacrées par une chapelle où l'on vénère encore la colonne de marbre blanc sur laquelle Paul fut décapité, et les trois fontaines, muets souvenirs de son supplice. Mais ce n'était pas assez de ces pieux hommages de la foi chrétienne envers les glorieux prédicateurs de la loi du Christ ; ce n'était pas assez des temples, des tableaux, des chefs-d'oeuvre des arts chrétiens et de la civilisation moderne, envers ceux qui implantèrent au sol de Rome le germe de ces arts et de cette civilisation ; il fallait que les monuments du paganisme s'humiliassent à leur tour devant ceux que le paganisme avait humiliés, opprimés, martyrisés ; il fallait qu'ils devinssent comme autant de marchepieds pour porter plus haut le souvenir de leur triomphe ! Aussi est-ce une grande chose de voir aujourd'hui, à la place des Statues décrépites des empereurs romains, s'élever, nobles et pures, celles du pécheur de Tibériade et du fabricant de tentes de la Cilicie, au-dessus de deux des plus beaux ouvrages de l'art antique, les colonnes Trajane et Antonine.
Les successeurs de saint Pierre, dans le gouvernement de l'Église, furent, au premier siècle, saint Lin, saint Anaclet, saint Clément et saint Évariste, Lin et Clément étaient disciples des apôtres et avaient prêché avec eux l'Évangile. A partir du pontificat de Lin, les femmes ne purent entrer dans l'Église que voilées. On attribue à saint Clément l'établissement des notaires ecclésiastiques chargés de rechercher et de rédiger les actes des martyrs.
Le Pape Saint Lin (St-Linus) – Il succède à St-Pierre Apôtre comme pape et Évêque de Rome de l`an 67 a l`an 76 ap J.C.
Or, en dépit des persécutions, le nombre des chrétiens se multipliait. On se relirait dans quelque maison solitaire pour prier. Là, les prêtres et les évêques lisaient l'Écriture, consacraient et distribuaient l'Eucharistie; puis on prenait un repas en commun, lequel était encore sanctifié par la prière. On choisissait surtout pour ces réunions pieuses les lieux qu'avaient habités les martyrs. Ainsi la maison de saint Pierre au pied de l'Esquilin et plus tard celle de saint Valentin, près du cirque de Flaminius ; celle de saint Clément, au-dessus de l'amphithéâtre de Vespasien; celle de sainte Sabine, sur l'Aventin; celle de saint Pancrace, sur la voie Aurélienne, étaient transformées en chapelles, où tout ce qui avait appartenu au saint était religieusement conservé, comme rappelant de nobles vertus et un grand courage.
Lorsqu'on pouvait se rassembler près des tombeaux des martyrs, on le faisait avec bonheur. J'ai parlé de l'oratoire creusé au Vatican par saint Anaclet, mais il fallait un profond mystère, car la surveillance était minutieuse dans les lieux de supplices, pour empêcher les chrétiens d'en approcher. Alors il arrivait que de courageuses femmes se dévouaient pour dérober les reliques des saints et les cacher dans quelque caverne, dans quelque puits, autour duquel on pût prier. Ainsi, dans l'église actuelle de Sainte-Praxède se trouve un puits où la sainte patronne amoncelait les ossements des martyrs qu'elle parvenait à arracher aux bourreaux.
L`Église de Sainte Praxède ( Santa Prassede) avec ses mosaïques romaines des premiers siècles de l`Église
Sainte Praxède – Vierge et Martyre a l’âge de 16 ans dans les persécutions de l`empereur romain païen Marc-Aurèle. Elle assistait les fidèles de ses soins et devoirs de charité. Elle consolait les chrétiens victimes des persécutions. Leur maison servait de chapelle et de baptistère. Arrêté par la police impériale elle subit son martyre et fut inhumée dans les catacombes de Rome.
Cette paisible intrépidité de la femme est remarquable; elle l'est surtout chez ces Romaines que Juvénal nous représente, vers le même temps, n'ayant de courage que pour braver la honte. Nous avons vu sainte Lucine ensevelissant saint Paul, sainte Basilisse et sainte Anastasie mises à mort pour avoir voulu recueillir le sang de saint Pierre. Asservie, avilie par le paganisme, la femme se relève tout à coup ; elle retrouve au fond de son cœur ce besoin d'affections pures, dévouées, généreuses que Dieu y avait mis , mais que le paganisme avait comme étouffé par ses dissolutions hideuses et cette servitude domestique, dont la roideur prévenait tout abandon dans l'intimité et toute confiance dans les épanchements.
Visiter les prisonniers, consoler les malades, soigner les plaies des confesseurs, recueillir les ossements des martyrs, telles deviennent ses occupations, et il n'y a plus chez elle qu'amour et sacrifice depuis qu'elle a trouvé des frères, une famille, un Dieu pour répondre aux battements de son cœur.
Lorsque l'assemblée chrétienne pouvait se réunir près du tombeau de quelque saint, c'était sur ce tombeau qu'on offrait le sacrifice, et l'autel s'appelait alors la Confession. C'est ainsi que les tombeaux placés sous les autels des grandes basiliques romaines ne sont encore nommés que la Confession de saint Pierre, la Confession de saint Laurent, la Confession de saint Sébastien, etc. Là, en effet, étaient les dépouilles mortelles de ceux qui avaient confessé Jésus-Christ par leur mort comme par toutes les actions de leur vie. Dans les moments de persécution, on priait avec une ferveur nouvelle, mais sans crainte; car on se souvenait des paroles de saint Paul : « Si Dieu est pour nous, qui est contre nous?»
La mort de l`empereur romain païen Néron en 68 Ap J.C.
La persécution, après avoir été si violente sous Néron, cessa d'être publique et ouverte avec son règne. On sait comment Néron, gorgé de sang et de débauches, se tua misérablement dans la maison d'un de ses affranchis, en apprenant la révolte de ses gardes. Il fut enterré près de la voie Flaminienne, en attendant que ses cendres fussent jetées au vent pour faire place à une église de cette religion qu'il avait cru pouvoir étouffer, et qui devait grandir par les supplices. C'est cette église de Sainte-Marie du Peuple, la première que l'on aperçoit en entrant dans Rome, par la route de Florence, avec ses peintures du Pinturrichio, ses bas-reliefs de Contucci, ses marbres, ses cénotaphes, et son nom si doux, symbole de ce règne de paix et de justice, qui prend soin des plus petits et a détrôné à jamais la tyrannie antique.
Église de Sainte-Marie du Peuple (Santa Maria del Popolo)
Église de Sainte-Marie du Peuple de Rome (Santa Maria del Popolo)
Sous l`empereur Vespasien s'accomplissent les anathèmes des prophètes contre Jérusalem qui n'avait pas craint de faire retomber sur elle le sang du Juste. La ville est emportée d'assaut, le temple est détruit, sans qu'il y reste pierre sur pierre; et les Juifs, traînés à la suite des cohortes romaines, servent d'ornement au triomphe... « Le jour de cette pompe superbe étant arrivé, raconte Josèphe, il ne se trouva personne dans l'infinie multitude du peuple de Rome qui ne voulût en être spectateur. Les légions cependant n'avaient pas attendu l'aurore pour se mettre en marche. Elles se rendirent dans un ordre magnifique aux portes du temple d'Isis, où l'empereur Vespasien et son fils Titus avaient passé la nuit, et le soleil ne faisait que poindre lorsqu'on vit les deux empereurs sortir couronnés de lauriers et vêtus de pourpre. Le sénat, les chevaliers et les principaux de la république les attendaient près du portique d'Octavie. Un trône y avait été élevé avec des sièges d'ivoire. Quand les empereurs s'y furent assis, les soldats commencèrent à célébrer leurs exploits comme en ayant été témoins et s' acquittant de ce qu'ils devaient à leur vertu.»
Destruction de Jérusalem et du Temple en 70 Ap J.C. par les légions romaines païennes de Titus après une révolte contre Rome.
Vespasien leur imposa silence par modestie, puis il se leva, et couvrant en partie sa tête d'un pan de sa robe, ainsi que Titus, ils firent, l'un et l'autre, les prières et les vœux accoutumés... On marcha ensuite vers la porte Triomphale, ainsi nommée parce que c'est la seule que parcourt la pompe des triomphes... Or, il est impossible de dire quelle fut la magnificence de cette pompe auguste... Les captifs eux-mêmes avaient été habillés avec tant de recherche et de tant de manières différentes, que cette variété empêchait de remarquer la tristesse empreinte sur leurs visages. Mais rien ne donnait tant d'admiration aux spectateurs que les grandes machines, hautes quelquefois de trois ou quatre étages, qui représentaient avec une saisissante vérité les événements les plus importants de la guerre. Quant aux Juifs esclaves, on les employa, dit-on, à bâtir l'arc de triomphe de leur vainqueur, et à élever un immense amphithéâtre (le Colisée).
Le triomphe de l`empereur romain païen Vespasien et de son fils Titus à Rome après la reconquête de Jérusalem en 70 Ap J.C.
Vers la fin du règne de Domitien, de cette moitié de Néron, comme parle Tertullien, la persécution redevint terrible. Flavius Clemens, cousin de l'empereur, subit le premier la colère du despote. Flavia Domitilla, son épouse, et une seconde Flavia Domitilla, sa nièce, furent ensuite exilées dans des îles désertes, et deux eunuques, attachés à cette dernière, Nérée et Achillée, après avoir enduré de cruels tourments, reçurent, ainsi qu'elle, la couronne du martyre. Leurs corps, ensevelis par le diacre Césaire au fond d'une crypte de la voie Ardéatine, reposent aujourd'hui dans l'antique et vénérable église qui porte leurs noms.
L`empereur romain païen Domitien lance une violente persécution contre les chrétiens. ( Il règne de l`an 81 a 96 Ap J.C)
Flavia Domitilla, chrétienne et nièce de l`empereur Domitien avec ses esclaves chrétiens Nérée et Achillée avec la palme des martyrs.
L'église de la Fasciola - saints Nérée et Achillée - Santi Nereo e Achilleo - ou reposent les deux esclaves chrétiens de Flavia Domitilla maryrisés dans les persécutions de Domitien.
Ce fut également sous le règne de Domitien (an 95 Ap J.C.) que saint Jean fut amené à Rome, d'Éphèse où il s'était retiré avec la sainte Vierge depuis la dispersion des apôtres, et d'où il gouvernait les Églises d'Asie. On se rappelle que saint Jean était le disciple que Jésus aimait, homme d'une tendresse vive, d'une onction touchante, qui, dans ses vieilles années, aimait sur tout à répéter ce mot : « Mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres, » et dont l'Évangile est tout entier une émanation de l'amour divin. Il faisait donc ombrage, lui aussi, ce prêtre si peu offensif, cet homme de paix, qui n'avait que des paroles de charité et de bénédiction sur les lèvres, il faisait ombrage à la politique haineuse et craintive du tyran ! N'était-ce pas un crime de prêcher une doctrine qui captivait les populations et dominait le pouvoir des dieux comme celui des proconsuls ? N'était-ce pas un crime d'attaquer les vices auxquels l'empereur se plaisait à sacrifier? Saint Jean fut donc condamné à d'affreux supplices : on le conduisit sur la route du Latium; là, ses cheveux furent coupés et on le plongea dans l'huile bouillante. Mais vainement le feu était attisé par les bourreaux, vainement l'huile bouillonnait dans la chaudière, Jean demeura intact. La patience des bourreaux se lassa avant la patience de Dieu ; le confesseur sortit sain et sauf de l'épreuve, et fut relégué dans l'île de Pathmos-
L`apôtre St-Jean est plongé dans une marmite d`huile bouillante à Rome près de la porte Latine sur l`ordre de l`empereur Domitien. Il en sort sans aucun dommage et est exilé par Domitien sur l`île grecque de Pathmos en l`an 94 Ap J.C.
Les cheveux du saint et les instruments de son supplice furent soigneusement conservés par les fidèles. Dans la suite, une chapelle, sous le titre de San-Giovanni-in-Oleo, fut construite au lieu sanctifié par le miracle, et ces reliques en devinrent le plus précieux trésor. Cette chapelle est contiguë à l'église de Saint- Jean antè Portam-Latinam, et elle a été renouvelée au dix-septième siècle avec une ornementation toute italienne. Ainsi finissait le siècle qui avait commencé avec la naissance du Fils de l'homme dans la crèche de Bethléem. Que d'événements, quelles révolutions dans cette période !
La chapelle, de San-Giovanni-in-Oleo, près de la porte Latine est l`endroit ou St-Jean a été plongé dans la marmite bouillante.
Les païens n'en voyaient rien encore ; ils juraient toujours par Hercule, battaient des mains aux combats des gladiateurs, s'abandonnaient à de hideux plaisirs en l'honneur de la déesse Flora, et s'imaginaient que les disciples de la croix n'étaient qu'une poignée de fanatiques dont on aurait toujours raison en les faisant passer par les verges comme des esclaves. Mais les chrétiens étaient déjà partout : invisibles comme l'âme, ils commençaient à se répandre comme elle dans toutes les parties du corps social et à en modifier l'action. Chaque excès, chaque violence nouvelle du paganisme épuisait le monde vieilli; c'était un corps étiolé avant l'âge, heureux du moins qu'un sang nouveau vînt tout à coup réchauffer ses veines, et lui rendre sa vigueur qu'il avait usée, sa jeunesse qu'il avait flétrie.
Dernière édition par MichelT le Mar 7 Déc 2021 - 16:36, édité 4 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: Rome Chrétienne et ses monuments - EUGENE DE LA GOURNERIE - 1867
CHAPITRE II.
DEUXIÈME SIÈCLE.
Au deuxième siècle, la position de l'Église se modifie. Elle n'a plus besoin seulement d'apôtres pour prêcher la bonne nouvelle aux hommes simples et justes de cœur, et de martyrs pour lui rendre témoignage dans les amphithéâtres ; il lui faut encore des orateurs, des philosophes, des savants, pour répondre à la philosophie et à la science qui commencent à s'émouvoir; il lui faut d'habiles dialecticiens pour démêler toujours la vérité à travers les subtiles arguties des hérétiques. L'aurore de ce siècle vit la mort des derniers compagnons des apôtres, et son déclin l'apparition brillante de Tertullien et d'Origène.
Tertullien, né entre 150 et 160 Ap J.C. à Carthage (actuelle Tunisie) et décédé vers 220 à Carthage, est un écrivain de langue latine issu d'une famille berbère romanisée et païenne. Il se convertit au christianisme à la fin du IIe siècle et devient le plus éminent théologien de Carthage
Origène est le père de l'exégèse biblique. Théologien de la période patristique, il est né à Alexandrie ( Égypte) v. 185 Ap J.C. et mort à Tyr ( Liban actuel) v. 253.
Durant cette période, le paganisme sembla s'arrêter pour reprendre des forces. Les empereurs furent, pour la plupart, des hommes doux, d'une société avenante, d'un gouvernement facile ; la philosophie païenne put s'enorgueillir de quelques rares et beaux génies ; enfin on eût pu douter un instant de la décrépitude du culte antique, si ce mouvement de réaction fût venu de lui, et si ceux qui se portaient ses défenseurs eussent ajouté foi à ses symboles. Mais quel homme fut moins païen qu'Épictète ou que Marc Aurèle ? Était-ce dans les traditions sacerdotales de Rome et de la Grèce, de Parthénope et d'Amathonte, qu'ils avaient trouvé ces aphorismes de vertu, cette morale plus élevée, plus sévère, plus digne, qu'ils venaient enseigner à un monde qui n'en voulait plus ? Il y avait alors deux partis dans la société païenne : le parti des hommes matériels, adonnés aux plaisirs des sens, quelque grossiers qu'ils fussent, incrédules, impies, ne voyant de désirable que le luxe et le néant ; c'est ce parti qui domina sous Néron et ses successeurs jusqu'à Antonin : et le parti des hommes graves, au cœur noble, à l'âme ardente, qui comprenaient ce qu'il y a d'humiliant dans une vie toute brutale, et cherchaient un refuge contre l'abîme ou s'engloutissait le monde, dans d'austères principes malheureusement dénués de sanction.
L`empereur romain païen Antonin le pieux – Il règne de l`an 138 à 161 Ap J.C.
L`empereur romain païen Marc Aurèle – Il règne de l`an 161 à 180 Ap J.C.
Ces hommes étaient Antonin, Marc Aurèle et un petit nombre de philosophes. Tout en sacrifiant de fait aux idoles, ils se prenaient à douter du paganisme, et peut-être leur morale si vantée n'était-elle déjà qu'une émanation de ces enseignements évangéliques qui se répandaient dans les familles et n'avaient pas été sans venir aux oreilles impériales. Cette réaction fut de peu de durée. Que pouvaient en effet des préceptes sévères, quand rien n'en garantissait l'exécution ? La morale n'est qu'une brillante utopie, qu'un mot vide de sens dès qu'on la sépare du dogme. Aussi le paganisme retomba-t-il lourdement après cette invasion orgueilleuse de la philosophie, et il n'opposa plus au Christianisme que la force d'instinct de la brute et ses accès de cruauté.
Le Christianisme se tint en dehors de ces mouvements intérieurs et de cette fiévreuse agitation de la religion mourante ; il souffrait, attendait et priait. La philosophie ne fut pas plus indulgente pour lui que la débauche; on vit les persécutions recommencer, et se multiplier les instruments de supplices.
L'un des chrétiens qui souffrirent d'abord le martyre à Rome fut un vieillard, un évêque, Ignace d'Antioche, pasteur qu'une douceur angélique, une piété expansive et touchante, une tendre et inaltérable charité avaient rendu le bien-aimé de son troupeau. Lorsque Trajan le condamna à aller servir de spectacle au peuple oisif de la capitale, Ignace ne répondit qu'un mot : — « Je vous rends grâces, mon Dieu, de ce que vous avez bien voulu m'honorer de ce témoignage de votre amour, en permettant que je sois lié de chaînes comme Paul, votre apôtre. »
L`empereur romain païen Trajan rencontra l`Évêque Ignace d`Antioche ( Turquie Actuelle et colonie romaine a cette époque) lors d`une campagne militaire en orient et ordonna sa déportation à Rome comme condamné a mort pour les jeux du cirque vers l`an 107 ou 113 Ap J.C. .
Promené ainsi par les villes et les bourgades, depuis Antioche jusqu'à Séleucie et à Smyrne, partout le noble captif rencontrait des évêques, des diacres, des fidèles, députés par les Églises, pour lui donner des secours, s'unir à ses prières et recevoir ses paternelles bénédictions. Il enseignait encore, le saint prêtre, il affermissait les faibles, consolait les affligés ; vous eussiez dit d'un bienheureux insensible au mal et qui reporterait toute sa compassion sur nos souffrances.
Lorsque les chrétiens de Rome le surent près des portes de leur ville, ils coururent à sa rencontre et l'accueillirent avec cet empressement, cette joie de frères qui souffrent et qui espèrent ensemble. Il y en avait même beaucoup qui voulaient se répandre parmi le peuple, pour chercher à l'attendrir et lui faire demander la grâce du vieillard; mais le vieillard leur dit : — « Je crains votre charité, j'appréhende que vous n'ayez pour moi une pitié trop tendre...»
Le martyre de l`Évêque St-Ignace d`Antioche au Colisée de Rome sous le règne de l`empereur romain païen Trajan en l`an 107 ou 113 Ap J.C.
L'amphithéâtre Flavien - le Colisée de Rome ou l`Évêque St-Ignace a été livré aux lions
Ignace fut conduit à l'amphithéâtre : c'était sans doute l'amphithéâtre Flavien, cet immense Colisée qui servait aux fêtes solennelles du peuple-roi.
Sous les empereurs Hadrien et sous Antonin, le sang continua de couler, et l'on vit se renouveler deux fois l'épouvantable sacrifice des Machabées et de leur mère. Hadrien avait résolu de se construire, au pied de la colline de Tibur, un palais qui fût comme un abrégé de toutes les merveilles de l'art, où les formes des monuments de la Grèce et de l'Égypte et l'aspect des paysages qui l'avaient frappé se trouvassent reproduits avec cette perfection de travail, cette richesse de décoration qui devaient appartenir à sa puissance et à son orgueil.
L`empereur romain païen Hadrien règne de l`an 117 à 138 Ap J.C.
Le palais édifié, on consulta les oracles et on appela les prêtres des dieux pour en faire la dédicace. Or, les oracles répondirent : « La veuve Symphorose et ses sept fils nous déchirent tous les jours en invoquant leur Dieu. » — Symphorose était veuve d'un tribun qui avait souffert, et était mort plutôt que de s'agenouiller devant les idoles. Elle vivait retirée à Tibur, enseignant à ses enfants la vertu et le courage, et faisant redire de pieux cantiques aux échos qui tant de fois répétèrent le bruit des orgies d'Horace et les soupirs voluptueux de Properce et de Délie. L'empereur l'appelle devant lui et lui ordonne de faire voler l'encens devant les dieux. Mais Symphorose n'a qu'une réponse : « Mon mari Getulius et son frère Amantius étant vos tribuns, ont souffert divers tourments pour le nom de Jésus-Christ, et ont vaincu vos démons par leur mort. Ils ont été couverts d'ignominie devant les hommes, et maintenant ils jouissent de la vie éternelle. » — L'empereur la menace, mais elle ne répond plus rien. Alors on la conduit au temple d'Hercule, qui s'élevait riche et majestueux, au centre de la ville. Là elle est souffletée et pendue par les cheveux : mais les supplices sont aussi impuissants que les menaces, et l'on ne trouve moyen de triompher de cette grande chrétienne qu'en la précipitant dans l'Anio, au pied du temple de la Sibylle. Les sept fils de Symphorose comparurent ensuite devant Hadrien; mais aussi inébranlables que leur mère, on les attacha à sept pieux autour du temple d'Hercule, et là ils furent démembrés à force de poulies.
Note : On nous saura gré de citer ici les noms de ces jeunes martyrs : ils s'appelaient Crescent, Julien, Némésien, Primitivus, Justin, Stacteus et Eugène.
Sainte-Symphorose et sa famille – Les sept saints de Tibur – martyrisés pour la foi chrétienne sous le régime de l`empereur romain Hadrien.
Le village de Tivoli près de Rome ou demeurait Sainte Symphorose et sa famille
Ils furent enterrés sur le chemin de Rome, à huit milles de cette ville, et une église fut édifiée dans la suite sous leur invocation, au lieu de leur sépulture. J'ai vu Tivoli, petite cité s'élevant riante et fraîche sur les débris de la blanche Tibur; je l'ai vue toute fière de sa sibylle, de ses cascatelles, promenant gaiement le voyageur de la villa d'Horace à celle de Mécène, de l'humble demeure de Properce au palais d'Adrien. J'ai descendu sur le bord de son Anio, dans ses grottes retentissantes ; mais indifférent aux souvenirs qu'on me rappelait, je cherchais le lieu où mourut Symphorose. Remonté sur la colline, je de mandai le temple d'Hercule ; mais le temple d'Hercule est mort comme son dieu : à peine en découvre-t-on quelques vestiges derrière l'abside d'une basilique chrétienne ! La maison d'Horace est devenue le patrimoine d'un couvent; la madone de Quintiliolo a seule profité de l'héritage de Quintilius Varus ; et le splendide palais d'Adrien, ses propylées, ses temples, ses thermes, ses amphithéâtres, tout cela caché parmi les buissons, enfoui sous l'herbe, n'offrant plus que des débris où la science s'épuise en recherches, eût complètement disparu depuis longtemps sans la protection de quelques prêtres qui y ont succédé aux empereurs romains.
Le martyre de sainte Félicité et de sa famille au champ de Mars à Rome
Un dévouement analogue à celui de Symphorose amena, sous les Antonins, le supplice de Félicité, dame romaine, et de ses sept fils. Ce fut dans le champ de Mars que cette généreuse femme comparut avec ses enfants devant les juges, et qu'elle résista à leurs offres bienveillantes comme à leur colère. Ses enfants et elle furent mis à mort. Les uns eurent la tête tranchée; d'autres furent assommés à coups de lanières garnies de balles, et les derniers périrent sous le bâton. Les corps de ces généreux martyrs
furent enterrés près du pont Salaro dans une crypte qui devint bientôt un oratoire sous l'invocation de sainte Félicité. Cet oratoire avait la forme d'une rotonde, et chacune des reliques reposait au fond d'une abside pratiquée dans la profondeur du tuf.
Le martyre du général romain chrétien et vétéran des Légions romaines Saint-Eustache et de sa famille dans un taureau de bronze chauffé au rouge sous l`empereur Hadrien.
Oublierons-nous maintenant le martyr d'Eustache, général des armées romaines, de sa femme Théopista et de ses deux fils, Agapet et Théopiste ? Eustache était un vétéran des légions. Il se distingua particulièrement à la tête de la cavalerie au siège de Jérusalem. Trajan l'éleva aux plus hauts grades; Hadrien lui confia ses armées ; mais, un jour, revenant à Rome après une victoire, Eustache refusa de monter au Capitole pour en rendre grâces aux dieux; et Hadrien le fit jeter, lui, sa femme et ses enfants, dans un taureau de bronze chauffé au rouge. La maison d'Eustache, près des thermes de Néron, devint dès lors un lieu de réunion pour les chrétiens qui y célébrèrent longtemps leurs agapes. C'est aujourd'hui Saint-Eustache in Thermis.
Saint Eustache – officier romain chrétien et Martyr
Ne voilà-t-il pas cependant assez de supplices ? Mais qui ne sait combien les chrétiens souffrirent à cette époque? qui ne sait la constance des papes saint Alexandre, saint Sixte, saint Télesphore, saint Victor, et de cet Onésime d'Éphèse que saint Paul avait converti et qui revint à Rome chercher la palme du martyre? En même temps on voyait à Lyon deux jeunes hommes, saint Alexandre et saint Épipode ; à Autun, saint Symphorien ; en Asie, saint Polycarpe, monter au ciel, comme autant d'élus des Églises naissantes, pour y porter les témoignages de leur foi et les prémices de leur amour.
Saint-Symphorien d`Autun martyr en Gaule romaine vers l`an 178
Saint Épisode et Saint Alexandre martyrs de Lyon (Lugdunum – Gaule romaine) en 177 Ap J.C. – Arrêtés lors des persécutions romaines, Épisode est décapité et Alexandre crucifié pour avoir refusé d`abjurer leur foi chrétienne.
Le règne de Marc Aurèle commença sous de favorables auspices; non-seulement ce prince ordonna de renvoyer les chrétiens absous, mais il leur fut permis d'exercer une action contre leurs accusateurs. Les disciples de l'Évangile se montrent alors partout, dans les villes, dans les armées. Cette gloire toute nouvelle pour les chrétiens, et les prétentions philosophiques de l'empereur devaient assurer, ce semble, aux fidèles une complète liberté de conscience ; mais les païens s'effrayèrent, ils circonvinrent Marc Aurèle, et le sang recommença de couler à flots. Alors mourut saint Ptolémée pour avoir cherché à détourner une femme des impuretés dont le libertinage païen souillait le mariage. Deux chrétiens prirent sa défense et partagèrent son sort. Sous le règne de l`empereur Commode, un sénateur, Apollonius, souffrit également le martyre.
Martyre de Saint Apollinaire sous l`empereur romain Commode vers 186 Ap J.C. (Le sénateur romain Apollonius).
Ce n'était plus seulement le peuple qui affrontait les supplices, c'étaient les grands, les puissants du monde : saint Eustache, martyrisé sous Trajan, avait, nous l'avons dit, commandé les armées ; sainte Sabine et sainte Sérapie, martyrisées sous Hadrien, appartenaient à la noblesse de Rome ; et saint Hermès était préfet du prétoire.
Sainte Sabine, une dame chrétienne de la noblesse romaine martyrisée sous le règne de l`empereur Hadrien
Ce qui qui commençait à contrister l`Église, c'étaient les scissions multipliées qui s'opéraient déjà dans son sein. Il y a, dans notre siècle, un grand nombre de philosophes qui, repoussant tout dogme précis comme un texte à la discussion, se perdent avec jouissance dans la pensée unique, infinie de Dieu ; comme si l'on pouvait concevoir la matière sans la forme, l'idée sans l'expression, l'harmonie sans les accords, la divinité enfin sans sa définition. Or, toute définition de Dieu est un dogme.
Au deuxième siècle de notre ère et dans tous les siècles suivants, on a envisagé la religion d'un tout autre point de vue ; on l'a considérée comme une révélation divine dont chaque parole est sacrée, comme un vaste symbole dont toutes les parties se correspondent entre elles, et auquel on ne peut pas plus retrancher une syllabe, qu'une note à une suave mélodie. De là les prières des fidèles et la sollicitude des évêques, du moment qu'un profane osait toucher à l'arche sainte. Les gnostiques, hommes charnels, trouvent d'abord la morale de l'Évangile trop sévère, et ils s'en façonnent une facile et relâchée.
Montan, tout au contraire, prêche un renoncement plus absolu que ne l'ordonnait même l'Évangile; Marcion renouvelle l'erreur des deux principes. Pour répondre à ces attaques simultanées, les chefs de l'Église s'assemblent plusieurs fois et notamment à Rome, en 192. Ce sont les premiers conciles après celui de Jérusalem. Leurs décrets étaient promptement divulgués, répandus par les docteurs et les prélats qui de toutes parts prenaient la défense de la foi catholique : c'étaient saint Irénée dans les Gaules, Clément à Alexandrie (Égypte), saint Justin à Rome. On compte jusqu'à huit apologies des chrétiens publiées dans ce siècle, tant contre les imputations calomnieuses des païens que contre les subtilités des hérétiques : les apologies de saint Quadrat et de saint Aristide, présentées à l`empereur Hadrien ; les deux de saint Justin; celle de Méliton, évêque de Sardes, adressée à l`empereur Marc Aurèle; et celles d'Athénagore, de Miltiade, de saint Appollinaire d'Hiéraple.
Saint Justin avec Justin de Naplouse, né à Flavia Neapolis (actuelle Naplouse en Cisjordanie) vers le début du IIe siècle et mort (exécuté) à Rome vers 165, est un apologète et philosophe chrétien, auteur d'une œuvre rédigée en langue grecque, en grande partie perdue, à l'exception de deux Apologies et d'un Dialogue avec Tryphon. Condamné pour avoir refusé de participer au culte d'idoles il est exécuté par décapitation vers 165.
Saint Justin tenait une école à Rome où, sous la robe du philosophe et avec les formes de discussions habituelles à la philosophie, il enseignait les dogmes chrétiens avec une austère et rude franchise. « Recevez une doctrine toute divine, disait-il à ceux qui venaient l'entendre, qui ne forme pas des poètes et des orateurs, mais des hommes tout célestes, qui procure l'immortalité, qui divinise en quelque sorte l'homme, qui détache de la terre, élève vers le ciel, guérit les passions et réforme entièrement le cœur. Voilà ce qui m'a fait changer; venez avec moi, apprenez ce que j'ai appris, et, puisque j'ai été ce que vous êtes, ne désespérez pas d'être un jour ce que je suis ».
Le Livre de Saint Justin - Apologie
Saint Justin fut martyrisé à l'âge de soixante-quatre ans, avec Cariton, Hiérax, Evelpiste, Libérius, et une femme nommée Caritine, qui tous étaient ses disciples. J'ai cherché avec empressement à Rome le lieu où pouvait être l'école de saint Justin. Les antiquaires nous disent bien que César demeurait dans la voie Suburra; ils seraient heureux de découvrir quelques vestiges de la tribune où montait Cicéron ; mais que leur importe de savoir où vécut, où prêcha, où écrivit saint Justin ?
Et cependant César ne fut qu'un despote, Cicéron, qu'un philosophe sans conviction, un orateur à effets étudiés, un homme politique sans caractère ; tandis que Justin sut réunir, dans sa sauvage éloquence, la foi et l'entraînement ; que toute sa vie fut consacrée à l'enseignement et à l'amélioration de ses semblables ; qu'il fut noble, courageux, indépendant, et que, le front haut, il ne craignit pas de dire aux empereurs : « Nous n'adorons que Dieu seul ; mais nous sommes disposés à vous obéir avec joie dans tout le reste, vous reconnaissant pour nos souverains et les maîtres du monde, et demandant constamment à Dieu qu'avec la puissance, vous ayez aussi un esprit droit et une conduite sage. Si vous n'avez aucun égard à nos remontrances, nous n'y perdrons rien, persuadés, comme nous le sommes, que chacun souffrira dans les flammes éternelles la peine due à ses crimes, et que Dieu lui demandera compte de tout le pouvoir qu'il lui aura donné »
Cette énergique éloquence ne vaut-elle pas les périodes étudiées de Cicéron ? Saint Justin a lui-même indiqué le lieu de sa demeure, dans l'interrogatoire que lui fit subir le préfet Rustique : « J'ai habité jusqu'à présent, dit-il, près de la maison d'un nommé Marcius, au bain Timiotinum. »
Ce bain Timiotinum, ou de Timothée, nous rappelle un des lieux les plus anciennement saints de Rome chrétienne. Comment n'y pas reconnaître, en effet, ces thermes de Timothée ou de Novatus dont l'église de Sainte-Pudentienne nous offre encore des vestiges!
Église de Sainte-Prudentienne à Rome
Ils formaient une dépendance du palais dans lequel le sénateur Pudens avait reçu saint Pierre, et qui depuis lors était resté ouvert à tous les chrétiens, mais surtout aux chrétiens de l'Orient. A Pudens avait succédé son fils Punicus, dont l'épouse Priscille recueillait les corps des martyrs et les ensevelissait dans une catacombe qui a gardé son nom. Punicus et Priscille eurent un fils qui fut appelé Pudens comme son aïeul et qu'ils marièrent à une jeune fille nommée Sabinella.
Les catacombes de Priscille ( Priscilla) ou elle allait ensevelir les martyrs chrétiens
De cette union naquirent quatre enfants : Novatus, Timothée, Praxède et Pudentienne. L'histoire des deux dernières nous a été transmise par un prêtre qui se désigne lui-même par le nom de Pasteur (Pastor), et qui vivait familièrement au milieu de cette famille d'élus. Son écrit est adressé à Timothée :
« Pasteur, prêtre, à Timothée son frère, salut : Pudens, lui dit-il, fut admirable de zèle dans le culte qu'il rendait aux apôtres et dans l'hospitalité qu'il offrait aux étrangers. Ayant perdu son épouse Sabinella, et ses parents, c'est-à-dire Punicus et Priscille qui la lui avaient donnée pour femme, il dédaigna dès lors les biens de ce monde et s'adonna à l'étude de tous les préceptes de Dieu. Sabinella lui avait laissé deux filles, Praxède et Pudentienne, que Pudens éleva en toute chasteté et instruisit de la loi divine avec un amour du Christ qui ne connaissait pas de bornes. Se trouvant donc privé de son épouse, Pudens désira, sur les conseils du bienheureux évêque Pie, transformer sa maison en église, et, pour nous autres pécheurs, cette pensée fut mise à effet. Là même est le titre érigé en notre nom au lieu qu'on appelle Vicus patricii. » Il s'agit du titre ou de l'église célèbre du Pasteur.
« Pudens cependant s'en alla vers le Seigneur, laissant ses filles munies de chasteté et savantes dans toute la loi divine. Celles-ci vendirent leurs biens, en distribuèrent le produit aux pauvres, et persévérèrent nettement dans l'amour du Christ, gardant intacte la fleur de leur virginité et ne cherchant la gloire que dans les veilles, les jeûnes et les prières. Elles désirèrent avoir un baptistère dans leur maison, et non-seulement le bienheureux Pie y consentit, mais il traça de sa propre main le plan de la fontaine. Appelant alors leurs esclaves tant de la ville que des champs, les deux vierges donnèrent la liberté à ceux qui étaient chrétiens et appelèrent à la sainte croyance de la foi ceux qui ne l'étaient pas encore. Sur le conseil du bienheureux Pie, l'affranchissement fut accompli avec toutes les cérémonies antiques dans l'oratoire fondé par Pudens; puis, à la fête de Pâques, quatre-vingt seize néophytes y furent baptisés; de sorte que l'on s'assembla dès lors dans ledit oratoire, et que, jour et nuit, le chant des hymnes s'y fit entendre. Beaucoup de païens y vinrent trouver la foi et reçurent le baptême en toute allégresse. Avis cependant en fut donné à l'empereur Antonin, lequel rendit un édit qui ordonnait aux chrétiens de se borner à vivre dans leurs demeures, sans se mêler en rien au reste du peuple, ni même acheter publiquement, ni paraître dans les Thermes, etc.
Praxède et Pudentienne réunirent alors ceux qu'elles avaient amenés à la foi, et elles les gardèrent, elles les nourrirent plusieurs jours en veillant et priant. Le bienheureux évêque Pie lui-même nous visitait fréquemment et avec joie, et offrait pour nous au Seigneur le sacrifice. Or, Pudentienne, n'ayant que seize ans, s'en alla à Dieu. Sa sœur et moi nous l'enveloppâmes de parfums et la tînmes cachée dans l'oratoire ; puis, au bout de vingt-huit jours, nous la portâmes au cimetière de Priscille, près de son père Pudens.
Onze mois après, Novatus mourut à son tour. Il légua son bien à Praxède, et celle-ci demanda alors à saint Pie d'ériger un titre (une église) dans les thermes du dit Novatus, lesquels n'étaient plus en usage et avaient une salle grande et spacieuse. L' évêque en fit la dédicace sous le nom de la bienheureuse vierge Pudentienne, et il dédia une autre église sous le nom de la bienheureuse vierge Praxède dans la rue qui s'appelle de Latran, et y établit un titre romain. Dans le même lieu fut consacré par lui un baptistère. Cependant au bout de deux ans, une grande persécution fut déclarée aux chrétiens et beaucoup d'entre eux reçurent la couronne du martyre. Praxède en cacha un grand nombre dans son oratoire, et elle les nourrissait à la fois des vivres de la terre et de la parole de Dieu.
Mais l'empereur Antonin ayant appris que des réunions se faisaient au titre de Praxède, le fit investir aussitôt et beaucoup de chrétiens furent pris, le prêtre Simétrius notamment et vingt-deux autres. Antonin ordonna de les punir tous par le glaive sans même les entendre. Et la bienheureuse Praxède recueillit leurs corps pendant la nuit, et elle les ensevelit au cimetière de Priscille, le septième jour des calendes de juin. Puis, la vierge du Seigneur, accablée d'afflictions, ne demanda plus que la mort. Or, ses prières et ses larmes montèrent au ciel, et, cinquante-quatre jours après la passion de ses frères, elle s'en alla à Dieu. Et moi, Pasteur, prêtre, j'ai enseveli son corps près de son père Pudens »
Église de Sainte Prudentienne et de Sainte Praxède à Rome
Nous avons reproduit presque en entier ce récit, et parce qu'il nous introduit dans toute l'intimité des
pratiques et des vertus d'une famille chrétienne du deuxième siècle, et parce qu'il nous fait connaître l'origine de deux des sanctuaires les plus anciens et les plus vénérés de Rome. L'auteur en nomme même
trois : l'église du Pasteur, celle de Sainte-Pudentienne et celle de Sainte-Praxède. Mais les deux premières étaient contiguës l'une à l'autre, et elles ont depuis lors été réunies.
Aujourd'hui encore, on remarque dans l'église de Sainte-Pudentienne la chapelle du Pasteur: c'est l'ancienne demeure des Pudens, et, par suite, celle de saint Pierre. La table sur laquelle l'Apôtre offrait le sacrifice y a été pieusement conservée. Elle est accompagnée de l'inscription suivante :— « Sur cet autel saint Pierre offrait le corps et le sang du Seigneur, pour les vivants et pour les morts, afin d'accroître la multitude des fidèles. »
Le reste de l'église de Sainte-Pudentienne rappelle l'oratoire fondé par saint Pie dans la grande salle des thermes de Novatus. Les débris des thermes, je l'ai dit, sont encore visibles ; mais ce qui attire surtout l'attention et le respect, c'est ce puits dans lequel les deux saintes déposaient les corps des martyrs. L'église de Sainte-Praxède possède également un puits auquel se rattache une tradition semblable.
Praxède et Pudentienne recueillaient, en outre, avec des éponges, le sang des athlètes de Jésus-Christ. On a retrouvé de ces éponges qui étaient rouges encore. L'une d'elles est conservée dans l'église de Sainte-Pudentienne. Tels sont les souvenirs qui nous restent de la première famille chrétienne de Rome. Sa maison fut l'asile de saint Pierre et la demeure de saint Justin ; elle fut le lieu d'assemblée des premiers fidèles, et l'on y vit réunis pour la première fois, dans un palais romain, le courage, le dévouement, la chasteté, l'humilité, la charité et la prière.
Sainte-Prudentienne
Là ont été affranchis les premiers esclaves ; là on a vu, à quelques pas des jardins du philosophe Sénèque, du trop riche Sénèque, comme dit Juvénal, les trésors des consuls et des sénateurs devenir tout à coup le patrimoine des pauvres. De cette maison est sortie toute une civilisation nouvelle pour Rome et pour le monde. Et cependant quel est le livre d'histoire qui parle de Pudens et de sa famille? Qu'est-ce que la famille de Pudens, vous dira-t-on, auprès de celle des Césars.
Saint Pie 1, qui fut le soutien et l'appui de Praxède et de Pudentienne, occupait le trône pontifical vers le milieu du deuxième siècle; Rome était dès lors universellement considérée comme le centre de l'unité catholique. « C'était la plus grande et la plus ancienne Église connue de tout le monde, disait saint Irénée, et c'était à elle, comme à la principale, que tous les chrétiens devaient s'unir. » Aussi voyons-nous les évêques les plus influents et les plus célèbres venir à Rome pour conférer avec le souverain pontife sur les questions de foi et de discipline.
L'histoire cite, entre autres, saint Polycarpe et saint Hégésippe. Saint Polycarpe était évêque de Smyrne (Turquie actuelle et à l`époque colonie romaine), et le plus vénéré des prélats de l'Asie ; saint Hégésippe avait abjuré le judaïsme et s'était adonné à recueillir les traditions apostoliques, pour qu'elles se transmissent plus surement parmi les fidèles. Il est regrettable que leur passage à Rome n'y ait été consacré par aucun monument. Mais alors les disciples de la loi nouvelle fuyaient se cachaient ; à peine pouvaient-ils se réunir à la clarté du jour, et le plus souvent ils étaient obligés de s'enfoncer vivants dans des souterrains, pour dérober à l'inquisition jalouse de leurs ennemis les reliques de leurs saints et le mystère de leurs sacrifices.
Les catacombes de Rome
Ces souterrains, creusés dans le tuf, formaient un inextricable labyrinthe sous la campagne romaine et offraient un sûr asile aux malheureux proscrits. Qu'on s'imagine des milliers de voies, étroites, basses, tortueuses, se croisant dans toutes sortes de directions, affreuses solitudes où les ténèbres sont éternelles et où la lumière des flambeaux faiblit elle-même, comme étouffée par l'humidité des miasmes qu'on y respire. A la tombée de la nuit, les Chrétiens s'y enfonçaient comme des ombres ; ils y creusaient dans les parois trois ou quatre niches oblongues, les unes au-dessus des autres, pour y déposer autant de cercueils, puis ils muraient l'entrée de ces niches.
Près de la tête du mort, était scellée une fiole de son sang, s'il avait eu le bonheur de le verser pour Jésus-Christ. Quant à son nom, quelquefois on l'inscrivait sur la pierre avec le monogramme du Christ, ou divers ornements symboliques, une palme, une colombe, une couronne : d'autres fois, on se bornait à ces derniers emblèmes, à la palme du martyre surtout. Qu'importait le nom de celui qui l'avait conquise ! Dieu le savait !
Enterrement dans les catacombes de Rome par les premiers chrétiens
C'était dans les carrefours de ce dédale de la mort qu'on célébrait l'office ; on y priait au milieu des siens, et tous les signes de la destruction disparaissaient alors sous les symboles de l'espérance. Il y a près de soixante de ces catacombes autour de Rome, et l'étendue de leurs voies superposées par étages semble atteindre, dit un savant illustre le chiffre énorme d'environ cinq cent quatre-vingts kilomètres, la longueur de l'Italie ! on les appelait cimetières, du mot grec signifiant, je dors; mot touchant, empreint de toute la placidité d'une pure conscience. Ceux que l'on peut le plus facilement visiter, sont les cimetières de saint Sébastien sur la voie Appienne, de sainte Cyriaque, sur la route de Tivoli ; de saint Calepodius, sur la voie Aurélienne ; de saint Zénon, ad aquas Salvias; des saints Tiburce et Marcellin, ad duas Lauros ; de sainte Agnès sur la voie Nomentane ; de sainte Priscille, sur la voie Salaria, dans lequel furent enterrées sainte Praxède et sainte Pudentienne; et le plus vaste de tous, le plus peuplé, la catacombe de Calixte.
Les catacombes de Saint Calixte à Rome. La crypte de Sainte Cécile
Grégoire de Tours raconte que, vers la fin du troisième siècle, l'affluence des chrétiens était surtout considérable à celle de ces cryptes dans laquelle se trouvaient les corps de saint Chrysanthe et de sainte Daria. Les païens y firent mourir un grand nombre de fidèles, en en comblant toutes les issues, qui ne furent découvertes que longtemps après le règne de Constantin. Le cimetière de Calixte est surtout célèbre par la tombe de sainte Cécile et par celles de onze papes du deuxième siècle. Trois de ces papes, saint-Etienne, saint Sixte II, et saint Caïus y furent même martyrisés. Ce cimetière occupe la droite de la voie Appienne, un demi-mille avant Saint-Sébastien, dont la catacombe, à jamais illustre par le séjour qu'y firent les corps des Apôtres, a longtemps été prise pour lui.
Saint Chrysanthe et sainte Daria martyres. Ils furent emmurés dans une grotte en même temps que bien d'autres Chrétiens à Rome vers l`an 283 Ap J.C.
C'est au cimetière de Saint-Sébastien que remonte le nom de catacombe, parce qu'il était près des tombes de saint Pierre et de saint Paul, ce nom vénéré finit ensuite par devenir celui de tous les hypogées chrétiens. Sur la porte qui lui donne entrée, on lit ce passage de saint Jérôme :
« Lorsque dans ma jeunesse je m'adonnais à Rome aux études libérales, j'avais coutume d'aller, le dimanche, avec les jeunes gens de mon âge qui étudiaient avec moi, visiter les tombeaux des apôtres et des martyrs. Souvent même nous parcourions ces souterrains, creusés dans les profondeurs de la terre, dont les parois, à droite et à gauche, sont pleines de corps ensevelis. Ces lieux sont si obscurs qu'on croit voir se réaliser la menace du prophète, qu'ils descendent vivants dans les enfers. Quelquefois une faible clarté, se glissant par une étroite ouverture, tempère la silencieuse horreur des ténèbres; mais, si vous avancez encore, vous vous retrouvez, dans une nuit profonde, et il vous souvient du vers de Virgile : De toutes parts l'horreur saisit votre de, et le silence lui-même est plein d'épouvante »
Or, lorsque j'ai parcouru ces lieux saints, nous étions ensemble trois jeunes gens, nous livrant avec jouissance, comme Jérôme, au plaisir de l'étude, enfants de cette civilisation légère qui effleure tout, cherchant des émotions et des souvenirs, scrutant les pierres des temples, les débris des palais, avec le zèle d'un âge où les illusions sont encore toutes vives, mais aussi avec cette foi chrétienne qui est plus puissante encore que l'imagination, et qui, à tous trois, nous était commune. Un vieux moine alluma une petite bougie et nous précéda dans l'escalier inégal et tortueux. Il marchait vite, car ses pieds étaient faits à ce terrain glissant et à ses rudes aspérités ; à peine sa bougie exhalait-elle une lueur vacillante à travers les vapeurs qui l'étiolaient. Je l'appelai une fois, et sa voix creuse retentit faiblement sous ces basses voûtes ; et il marchait toujours, et nous le suivions baissant la tête, nous heurtant à chaque pas contre les murs, dans l'épaisseur desquels reposent des pontifes, des martyrs, des vierges, tant elles sont étroites les rues de cette ville de la mort !
Voilà le puits, nous disait le religieux, dans lequel furent déposés les corps des Apôtres; voici la place où se réunissait pour prier, l'église militante et souffrante. Cet espace plus grand était un sanctuaire; ce siège de pierre était une chaire pontificale ; cette tombe isolée sous un arceau était un autel ! Voilà l'humble tabernacle où l'hostie sainte était exposée à la vénération des saints; car alors sainteté et christianisme étaient presque une même chose. Nous trouvâmes plusieurs lampes en terre avec le monogramme du Christ, dont se servaient les fidèles.
Et à ces souvenirs des premiers âges, se joignaient de plus récents souvenirs. Sainte Brigitte, nous disait-on, sainte Catherine, saint Charles Borromée aimaient à fréquenter ces lieux; en cet endroit même, sur cette terre humide, saint Philippe de Néri passa souvent les nuits en prières. Ah ! si nous ne nous sentions pas la force de nous faire, comme ces grands saints, les hôtes habituels des catacombes, combien du moins nous aurions voulu, en présence de tant de débris d'une époque de foi et de courage, nous associer aux cantiques des prédestinés, unir nos - vœux aux vœux ardents des néophytes, et entendre les paroles de paix des confesseurs, les pieux enseignements des Calixte, des Urbain, des Corneille, des Etienne, vertueux pontifes qui se soumettaient aux adversités avec un ineffable dévouement et accueillaient les jours mauvais par des actions de grâces !
Mes amis et moi, nous étions dominés par une inexprimable émotion; différences de caractères, de vie et d'habitudes s'étaient confondues dans un même sentiment de respect, dans un retour profondément triste et réfléchi sur notre temps et sur nous-mêmes. Le froid qui nous pénétrait, la bougie qui se consumait lentement, eurent peine à nous arracher de ces sépulcres, tant la religion y est grande, tant les vertus auxquelles l'homme peut atteindre y paraissent hautes et sublimes. C'est dans les catacombes qu'on a découvert la plupart des monuments qui nous restent de la primitive Église; ces calices, ces patènes de verre, ces cuillers eucharistiques, ministeria sacrata, qui ne pouvaient être touchés que par les ministres de l'autel, et ces instruments de supplice qui servaient au triomphe des saints. Il y avait de petits calices pour les prêtres et d'énormes calices où les fidèles puisaient le vin sacré à l'aide de tubes, fistuloe, arundines. Les lampes avaient souvent la forme d'une colombe, union mystique des deux symboles particuliers à cet esprit de vérité que Jésus-Christ envoya au monde pour l'éclairer toujours, ut maneat vobis in oeternum.
Sur l'autel étaient exposés les dyptiques de métal ou d'ivoire, où étaient inscrits les noms des saints, et gravée quelque scène touchante de l'Écriture. On les appelait dyptiques, parce qu'ils étaient divisés en deux panneaux qui se pliaient l'un sur l'autre, ce qui permettait de les cacher plus aisément dans les persécutions. On aime à retrouver dans les catacombes plusieurs de nos pieux usages. Saint Sixte Ier ordonna qu'on chanterait, pendant le sacrifice, l'hymne de joie et d'adoration, Sanctus, Sanctus, Sanctus, Dominus Deus sabaoth.
Saint Télesphore voulut que la nuit de Noël fût consacrée par la célébration de la messe, et que les premières paroles des chrétiens fussent alors les paroles des anges : Gloria in excelsis Deo et in terra pax hominibus.
Dans chaque maison il devait y avoir de l'eau de l'aspersion, aquam sparsionis, bénite et mêlée de sel. Hygin détermina avec plus de précision les divers degrés de la hiérarchie. Anicet interdit aux prêtres les longues chevelures des païens. Pie et Victor fixèrent la Pâque au dimanche. Dans les réunions des chrétiens, l'autel était couvert de cierges , afin d'éclairer les ténèbres des catacombes, et, à leur clarté vacillante, on put bientôt apercevoir sur les parois et les voûtes de ces caveaux condamnés, ce semble, à une obscurité éternelle, de fraîches peintures rappelant les croyances et les espérances du chrétien, sinon avec le génie de l'art, du moins avec la poésie de la foi.
Le Christianisme avait trouvé les arts dans une voie de décadence, et les pauvres ouvriers des catacombes ne pouvaient, du premier coup, leur donner une vie nouvelle ; mais du moins ils les consacrèrent à Dieu au moment où toutes les passions les prostituaient au mal; ils s'en firent, dans les souterrains où on les traquait comme des bêtes fauves, une consolation pour eux et une prédication pour tous. Ainsi, ils peignaient ou ils ciselaient l'ancre de la foi , la palme de la victoire ; la colombe, emblème de la douceur et de l'innocence ; le phénix, de la résurrection ; le poisson, symbole mystérieux de celui qui souffrit toutes les douleurs sans se plaindre ; le chandelier aux sept branches, expression des lumières divines ; le monogramme du Christ, rappelant à la fois le nom du Sauveur et peut-être, par sa forme, l'instrument de sa passion.
Symboles chrétiens des catacombes de Rome. L`ancre de la foi et le poisson symbole du Christ qui souffrit toutes les douleurs sans se plaindre. La colombe représente le St-Esprit, la douceur et l`innocence.
Catacombe de St-Calixte – le monogramme du Christ
Quelquefois ces convertis de la veille empruntaient à la fable des images pour leurs nouvelles pensées. Ils se plaisaient surtout à reproduire Orphée dont les douces mélodies animaient les arbres et apprivoisaient les tigres : touchante allusion à celui dont la voix si douce avait changé le monde. Exilés sur la terre, fuyant la mort qui les poursuivait, et soupirant après le repos d'une vie meilleure, ils aimaient à se représenter eux-mêmes sous la figure du cerf fugitif qui court après l'eau des fontaines. Voués, en quelque sorte, au martyre, ils dessinaient paisiblement et courageusement Daniel dans la fosse aux lions et les enfants dans la fournaise. Sauvés du déluge des passions et des mille dangers de la vie, ils consacraient leur reconnaissance par des représentations de l'arche de Noé, de Jonas ou du passage de la mer Rouge; mais surtout ils peignaient avec amour le bon Pasteur portant une brebis sur ses épaules. On retrouve cette image jusque sur les vases sacrés. Nous pourrions citer encore la barque de saint Pierre, la tentation d'Adam et d’Ève, Moïse.
Représentation du Bon Pasteur dans les catacombes
Dans la catacombe de Sainte-Agnès on remarque une Vierge qui remonte au second siècle. Marie, richement vêtue, et ayant l'Enfant Jésus sur son giron, étend les bras dans l'attitude de la prière. Quant à Jésus, il est ordinairement représenté dans tout l'éclat de la douceur et de la jeunesse; mais quelquefois l'artiste se contente de peindre un agneau portant une croix.
Catacombe de Sainte Agnès à Rome
La statuaire produisit peu d'œuvres durant les trois premiers siècles : on craignait sans doute le souvenir des idoles. Mais au quatrième, les ciselures furent remplacées par des bas-reliefs, surtout dans la décoration des sarcophages. Ces sarcophages ne nous offrent point de scènes joyeuses ni de folles plaisanteries avec la mort comme les tombeaux antiques, mais des pensées de paix et d'espérance exprimées avec une touchante poésie. Tantôt c'est la Résurrection de Lazare, tantôt Élie emporté dans un char de feu, etc. Les inscriptions qui les accompagnent ne parlent également que de la vie là où les yeux n'aperçoivent que la mort : — « Marzia, tu vis en paix ; — Dioscore, vis éternellement ; — Laurent s'est retiré du siècle ; — Sevère a été emmené par les Anges (Accersitus ab Angelis). »
L'art se tait, s'efface devant cette piété des premiers âges, cette foi vive, cet amour ardent, ces derniers hommages rendus à des hommes flétris par le pouvoir, reniés du monde, et qui, fidèles à leur vocation, avaient passé en faisant le bien. La religion était alors dans son époque militante ; il lui fallait jeter les fondements de l'édifice, propager ses dogmes, en faire la base des lois et des mœurs, et renverser pour reconstruire à neuf toutes les croyances des nations. Pendant ce temps-là, les arts sont abandonnés à d'humbles et pieux manœuvres. Mais lorsque la religion, haute et dominante, eut accompli sa tâche, lorsqu'elle eut constitué fortement la société, alors ses branches s'étendirent, se ramifièrent ; elle féconda l'esprit humain, l'aiguillonna dans toutes les directions, et éclaira de son flambeau ses investigations nouvelles.
Sarcophage de l`Adoration des Rois Mages - 4 eme siècle
DEUXIÈME SIÈCLE.
Au deuxième siècle, la position de l'Église se modifie. Elle n'a plus besoin seulement d'apôtres pour prêcher la bonne nouvelle aux hommes simples et justes de cœur, et de martyrs pour lui rendre témoignage dans les amphithéâtres ; il lui faut encore des orateurs, des philosophes, des savants, pour répondre à la philosophie et à la science qui commencent à s'émouvoir; il lui faut d'habiles dialecticiens pour démêler toujours la vérité à travers les subtiles arguties des hérétiques. L'aurore de ce siècle vit la mort des derniers compagnons des apôtres, et son déclin l'apparition brillante de Tertullien et d'Origène.
Tertullien, né entre 150 et 160 Ap J.C. à Carthage (actuelle Tunisie) et décédé vers 220 à Carthage, est un écrivain de langue latine issu d'une famille berbère romanisée et païenne. Il se convertit au christianisme à la fin du IIe siècle et devient le plus éminent théologien de Carthage
Origène est le père de l'exégèse biblique. Théologien de la période patristique, il est né à Alexandrie ( Égypte) v. 185 Ap J.C. et mort à Tyr ( Liban actuel) v. 253.
Durant cette période, le paganisme sembla s'arrêter pour reprendre des forces. Les empereurs furent, pour la plupart, des hommes doux, d'une société avenante, d'un gouvernement facile ; la philosophie païenne put s'enorgueillir de quelques rares et beaux génies ; enfin on eût pu douter un instant de la décrépitude du culte antique, si ce mouvement de réaction fût venu de lui, et si ceux qui se portaient ses défenseurs eussent ajouté foi à ses symboles. Mais quel homme fut moins païen qu'Épictète ou que Marc Aurèle ? Était-ce dans les traditions sacerdotales de Rome et de la Grèce, de Parthénope et d'Amathonte, qu'ils avaient trouvé ces aphorismes de vertu, cette morale plus élevée, plus sévère, plus digne, qu'ils venaient enseigner à un monde qui n'en voulait plus ? Il y avait alors deux partis dans la société païenne : le parti des hommes matériels, adonnés aux plaisirs des sens, quelque grossiers qu'ils fussent, incrédules, impies, ne voyant de désirable que le luxe et le néant ; c'est ce parti qui domina sous Néron et ses successeurs jusqu'à Antonin : et le parti des hommes graves, au cœur noble, à l'âme ardente, qui comprenaient ce qu'il y a d'humiliant dans une vie toute brutale, et cherchaient un refuge contre l'abîme ou s'engloutissait le monde, dans d'austères principes malheureusement dénués de sanction.
L`empereur romain païen Antonin le pieux – Il règne de l`an 138 à 161 Ap J.C.
L`empereur romain païen Marc Aurèle – Il règne de l`an 161 à 180 Ap J.C.
Ces hommes étaient Antonin, Marc Aurèle et un petit nombre de philosophes. Tout en sacrifiant de fait aux idoles, ils se prenaient à douter du paganisme, et peut-être leur morale si vantée n'était-elle déjà qu'une émanation de ces enseignements évangéliques qui se répandaient dans les familles et n'avaient pas été sans venir aux oreilles impériales. Cette réaction fut de peu de durée. Que pouvaient en effet des préceptes sévères, quand rien n'en garantissait l'exécution ? La morale n'est qu'une brillante utopie, qu'un mot vide de sens dès qu'on la sépare du dogme. Aussi le paganisme retomba-t-il lourdement après cette invasion orgueilleuse de la philosophie, et il n'opposa plus au Christianisme que la force d'instinct de la brute et ses accès de cruauté.
Le Christianisme se tint en dehors de ces mouvements intérieurs et de cette fiévreuse agitation de la religion mourante ; il souffrait, attendait et priait. La philosophie ne fut pas plus indulgente pour lui que la débauche; on vit les persécutions recommencer, et se multiplier les instruments de supplices.
L'un des chrétiens qui souffrirent d'abord le martyre à Rome fut un vieillard, un évêque, Ignace d'Antioche, pasteur qu'une douceur angélique, une piété expansive et touchante, une tendre et inaltérable charité avaient rendu le bien-aimé de son troupeau. Lorsque Trajan le condamna à aller servir de spectacle au peuple oisif de la capitale, Ignace ne répondit qu'un mot : — « Je vous rends grâces, mon Dieu, de ce que vous avez bien voulu m'honorer de ce témoignage de votre amour, en permettant que je sois lié de chaînes comme Paul, votre apôtre. »
L`empereur romain païen Trajan rencontra l`Évêque Ignace d`Antioche ( Turquie Actuelle et colonie romaine a cette époque) lors d`une campagne militaire en orient et ordonna sa déportation à Rome comme condamné a mort pour les jeux du cirque vers l`an 107 ou 113 Ap J.C. .
Promené ainsi par les villes et les bourgades, depuis Antioche jusqu'à Séleucie et à Smyrne, partout le noble captif rencontrait des évêques, des diacres, des fidèles, députés par les Églises, pour lui donner des secours, s'unir à ses prières et recevoir ses paternelles bénédictions. Il enseignait encore, le saint prêtre, il affermissait les faibles, consolait les affligés ; vous eussiez dit d'un bienheureux insensible au mal et qui reporterait toute sa compassion sur nos souffrances.
Lorsque les chrétiens de Rome le surent près des portes de leur ville, ils coururent à sa rencontre et l'accueillirent avec cet empressement, cette joie de frères qui souffrent et qui espèrent ensemble. Il y en avait même beaucoup qui voulaient se répandre parmi le peuple, pour chercher à l'attendrir et lui faire demander la grâce du vieillard; mais le vieillard leur dit : — « Je crains votre charité, j'appréhende que vous n'ayez pour moi une pitié trop tendre...»
Le martyre de l`Évêque St-Ignace d`Antioche au Colisée de Rome sous le règne de l`empereur romain païen Trajan en l`an 107 ou 113 Ap J.C.
L'amphithéâtre Flavien - le Colisée de Rome ou l`Évêque St-Ignace a été livré aux lions
Ignace fut conduit à l'amphithéâtre : c'était sans doute l'amphithéâtre Flavien, cet immense Colisée qui servait aux fêtes solennelles du peuple-roi.
Sous les empereurs Hadrien et sous Antonin, le sang continua de couler, et l'on vit se renouveler deux fois l'épouvantable sacrifice des Machabées et de leur mère. Hadrien avait résolu de se construire, au pied de la colline de Tibur, un palais qui fût comme un abrégé de toutes les merveilles de l'art, où les formes des monuments de la Grèce et de l'Égypte et l'aspect des paysages qui l'avaient frappé se trouvassent reproduits avec cette perfection de travail, cette richesse de décoration qui devaient appartenir à sa puissance et à son orgueil.
L`empereur romain païen Hadrien règne de l`an 117 à 138 Ap J.C.
Le palais édifié, on consulta les oracles et on appela les prêtres des dieux pour en faire la dédicace. Or, les oracles répondirent : « La veuve Symphorose et ses sept fils nous déchirent tous les jours en invoquant leur Dieu. » — Symphorose était veuve d'un tribun qui avait souffert, et était mort plutôt que de s'agenouiller devant les idoles. Elle vivait retirée à Tibur, enseignant à ses enfants la vertu et le courage, et faisant redire de pieux cantiques aux échos qui tant de fois répétèrent le bruit des orgies d'Horace et les soupirs voluptueux de Properce et de Délie. L'empereur l'appelle devant lui et lui ordonne de faire voler l'encens devant les dieux. Mais Symphorose n'a qu'une réponse : « Mon mari Getulius et son frère Amantius étant vos tribuns, ont souffert divers tourments pour le nom de Jésus-Christ, et ont vaincu vos démons par leur mort. Ils ont été couverts d'ignominie devant les hommes, et maintenant ils jouissent de la vie éternelle. » — L'empereur la menace, mais elle ne répond plus rien. Alors on la conduit au temple d'Hercule, qui s'élevait riche et majestueux, au centre de la ville. Là elle est souffletée et pendue par les cheveux : mais les supplices sont aussi impuissants que les menaces, et l'on ne trouve moyen de triompher de cette grande chrétienne qu'en la précipitant dans l'Anio, au pied du temple de la Sibylle. Les sept fils de Symphorose comparurent ensuite devant Hadrien; mais aussi inébranlables que leur mère, on les attacha à sept pieux autour du temple d'Hercule, et là ils furent démembrés à force de poulies.
Note : On nous saura gré de citer ici les noms de ces jeunes martyrs : ils s'appelaient Crescent, Julien, Némésien, Primitivus, Justin, Stacteus et Eugène.
Sainte-Symphorose et sa famille – Les sept saints de Tibur – martyrisés pour la foi chrétienne sous le régime de l`empereur romain Hadrien.
Le village de Tivoli près de Rome ou demeurait Sainte Symphorose et sa famille
Ils furent enterrés sur le chemin de Rome, à huit milles de cette ville, et une église fut édifiée dans la suite sous leur invocation, au lieu de leur sépulture. J'ai vu Tivoli, petite cité s'élevant riante et fraîche sur les débris de la blanche Tibur; je l'ai vue toute fière de sa sibylle, de ses cascatelles, promenant gaiement le voyageur de la villa d'Horace à celle de Mécène, de l'humble demeure de Properce au palais d'Adrien. J'ai descendu sur le bord de son Anio, dans ses grottes retentissantes ; mais indifférent aux souvenirs qu'on me rappelait, je cherchais le lieu où mourut Symphorose. Remonté sur la colline, je de mandai le temple d'Hercule ; mais le temple d'Hercule est mort comme son dieu : à peine en découvre-t-on quelques vestiges derrière l'abside d'une basilique chrétienne ! La maison d'Horace est devenue le patrimoine d'un couvent; la madone de Quintiliolo a seule profité de l'héritage de Quintilius Varus ; et le splendide palais d'Adrien, ses propylées, ses temples, ses thermes, ses amphithéâtres, tout cela caché parmi les buissons, enfoui sous l'herbe, n'offrant plus que des débris où la science s'épuise en recherches, eût complètement disparu depuis longtemps sans la protection de quelques prêtres qui y ont succédé aux empereurs romains.
Le martyre de sainte Félicité et de sa famille au champ de Mars à Rome
Un dévouement analogue à celui de Symphorose amena, sous les Antonins, le supplice de Félicité, dame romaine, et de ses sept fils. Ce fut dans le champ de Mars que cette généreuse femme comparut avec ses enfants devant les juges, et qu'elle résista à leurs offres bienveillantes comme à leur colère. Ses enfants et elle furent mis à mort. Les uns eurent la tête tranchée; d'autres furent assommés à coups de lanières garnies de balles, et les derniers périrent sous le bâton. Les corps de ces généreux martyrs
furent enterrés près du pont Salaro dans une crypte qui devint bientôt un oratoire sous l'invocation de sainte Félicité. Cet oratoire avait la forme d'une rotonde, et chacune des reliques reposait au fond d'une abside pratiquée dans la profondeur du tuf.
Le martyre du général romain chrétien et vétéran des Légions romaines Saint-Eustache et de sa famille dans un taureau de bronze chauffé au rouge sous l`empereur Hadrien.
Oublierons-nous maintenant le martyr d'Eustache, général des armées romaines, de sa femme Théopista et de ses deux fils, Agapet et Théopiste ? Eustache était un vétéran des légions. Il se distingua particulièrement à la tête de la cavalerie au siège de Jérusalem. Trajan l'éleva aux plus hauts grades; Hadrien lui confia ses armées ; mais, un jour, revenant à Rome après une victoire, Eustache refusa de monter au Capitole pour en rendre grâces aux dieux; et Hadrien le fit jeter, lui, sa femme et ses enfants, dans un taureau de bronze chauffé au rouge. La maison d'Eustache, près des thermes de Néron, devint dès lors un lieu de réunion pour les chrétiens qui y célébrèrent longtemps leurs agapes. C'est aujourd'hui Saint-Eustache in Thermis.
Saint Eustache – officier romain chrétien et Martyr
Ne voilà-t-il pas cependant assez de supplices ? Mais qui ne sait combien les chrétiens souffrirent à cette époque? qui ne sait la constance des papes saint Alexandre, saint Sixte, saint Télesphore, saint Victor, et de cet Onésime d'Éphèse que saint Paul avait converti et qui revint à Rome chercher la palme du martyre? En même temps on voyait à Lyon deux jeunes hommes, saint Alexandre et saint Épipode ; à Autun, saint Symphorien ; en Asie, saint Polycarpe, monter au ciel, comme autant d'élus des Églises naissantes, pour y porter les témoignages de leur foi et les prémices de leur amour.
Saint-Symphorien d`Autun martyr en Gaule romaine vers l`an 178
Saint Épisode et Saint Alexandre martyrs de Lyon (Lugdunum – Gaule romaine) en 177 Ap J.C. – Arrêtés lors des persécutions romaines, Épisode est décapité et Alexandre crucifié pour avoir refusé d`abjurer leur foi chrétienne.
Le règne de Marc Aurèle commença sous de favorables auspices; non-seulement ce prince ordonna de renvoyer les chrétiens absous, mais il leur fut permis d'exercer une action contre leurs accusateurs. Les disciples de l'Évangile se montrent alors partout, dans les villes, dans les armées. Cette gloire toute nouvelle pour les chrétiens, et les prétentions philosophiques de l'empereur devaient assurer, ce semble, aux fidèles une complète liberté de conscience ; mais les païens s'effrayèrent, ils circonvinrent Marc Aurèle, et le sang recommença de couler à flots. Alors mourut saint Ptolémée pour avoir cherché à détourner une femme des impuretés dont le libertinage païen souillait le mariage. Deux chrétiens prirent sa défense et partagèrent son sort. Sous le règne de l`empereur Commode, un sénateur, Apollonius, souffrit également le martyre.
Martyre de Saint Apollinaire sous l`empereur romain Commode vers 186 Ap J.C. (Le sénateur romain Apollonius).
Ce n'était plus seulement le peuple qui affrontait les supplices, c'étaient les grands, les puissants du monde : saint Eustache, martyrisé sous Trajan, avait, nous l'avons dit, commandé les armées ; sainte Sabine et sainte Sérapie, martyrisées sous Hadrien, appartenaient à la noblesse de Rome ; et saint Hermès était préfet du prétoire.
Sainte Sabine, une dame chrétienne de la noblesse romaine martyrisée sous le règne de l`empereur Hadrien
Ce qui qui commençait à contrister l`Église, c'étaient les scissions multipliées qui s'opéraient déjà dans son sein. Il y a, dans notre siècle, un grand nombre de philosophes qui, repoussant tout dogme précis comme un texte à la discussion, se perdent avec jouissance dans la pensée unique, infinie de Dieu ; comme si l'on pouvait concevoir la matière sans la forme, l'idée sans l'expression, l'harmonie sans les accords, la divinité enfin sans sa définition. Or, toute définition de Dieu est un dogme.
Au deuxième siècle de notre ère et dans tous les siècles suivants, on a envisagé la religion d'un tout autre point de vue ; on l'a considérée comme une révélation divine dont chaque parole est sacrée, comme un vaste symbole dont toutes les parties se correspondent entre elles, et auquel on ne peut pas plus retrancher une syllabe, qu'une note à une suave mélodie. De là les prières des fidèles et la sollicitude des évêques, du moment qu'un profane osait toucher à l'arche sainte. Les gnostiques, hommes charnels, trouvent d'abord la morale de l'Évangile trop sévère, et ils s'en façonnent une facile et relâchée.
Montan, tout au contraire, prêche un renoncement plus absolu que ne l'ordonnait même l'Évangile; Marcion renouvelle l'erreur des deux principes. Pour répondre à ces attaques simultanées, les chefs de l'Église s'assemblent plusieurs fois et notamment à Rome, en 192. Ce sont les premiers conciles après celui de Jérusalem. Leurs décrets étaient promptement divulgués, répandus par les docteurs et les prélats qui de toutes parts prenaient la défense de la foi catholique : c'étaient saint Irénée dans les Gaules, Clément à Alexandrie (Égypte), saint Justin à Rome. On compte jusqu'à huit apologies des chrétiens publiées dans ce siècle, tant contre les imputations calomnieuses des païens que contre les subtilités des hérétiques : les apologies de saint Quadrat et de saint Aristide, présentées à l`empereur Hadrien ; les deux de saint Justin; celle de Méliton, évêque de Sardes, adressée à l`empereur Marc Aurèle; et celles d'Athénagore, de Miltiade, de saint Appollinaire d'Hiéraple.
Saint Justin avec Justin de Naplouse, né à Flavia Neapolis (actuelle Naplouse en Cisjordanie) vers le début du IIe siècle et mort (exécuté) à Rome vers 165, est un apologète et philosophe chrétien, auteur d'une œuvre rédigée en langue grecque, en grande partie perdue, à l'exception de deux Apologies et d'un Dialogue avec Tryphon. Condamné pour avoir refusé de participer au culte d'idoles il est exécuté par décapitation vers 165.
Saint Justin tenait une école à Rome où, sous la robe du philosophe et avec les formes de discussions habituelles à la philosophie, il enseignait les dogmes chrétiens avec une austère et rude franchise. « Recevez une doctrine toute divine, disait-il à ceux qui venaient l'entendre, qui ne forme pas des poètes et des orateurs, mais des hommes tout célestes, qui procure l'immortalité, qui divinise en quelque sorte l'homme, qui détache de la terre, élève vers le ciel, guérit les passions et réforme entièrement le cœur. Voilà ce qui m'a fait changer; venez avec moi, apprenez ce que j'ai appris, et, puisque j'ai été ce que vous êtes, ne désespérez pas d'être un jour ce que je suis ».
Le Livre de Saint Justin - Apologie
Saint Justin fut martyrisé à l'âge de soixante-quatre ans, avec Cariton, Hiérax, Evelpiste, Libérius, et une femme nommée Caritine, qui tous étaient ses disciples. J'ai cherché avec empressement à Rome le lieu où pouvait être l'école de saint Justin. Les antiquaires nous disent bien que César demeurait dans la voie Suburra; ils seraient heureux de découvrir quelques vestiges de la tribune où montait Cicéron ; mais que leur importe de savoir où vécut, où prêcha, où écrivit saint Justin ?
Et cependant César ne fut qu'un despote, Cicéron, qu'un philosophe sans conviction, un orateur à effets étudiés, un homme politique sans caractère ; tandis que Justin sut réunir, dans sa sauvage éloquence, la foi et l'entraînement ; que toute sa vie fut consacrée à l'enseignement et à l'amélioration de ses semblables ; qu'il fut noble, courageux, indépendant, et que, le front haut, il ne craignit pas de dire aux empereurs : « Nous n'adorons que Dieu seul ; mais nous sommes disposés à vous obéir avec joie dans tout le reste, vous reconnaissant pour nos souverains et les maîtres du monde, et demandant constamment à Dieu qu'avec la puissance, vous ayez aussi un esprit droit et une conduite sage. Si vous n'avez aucun égard à nos remontrances, nous n'y perdrons rien, persuadés, comme nous le sommes, que chacun souffrira dans les flammes éternelles la peine due à ses crimes, et que Dieu lui demandera compte de tout le pouvoir qu'il lui aura donné »
Cette énergique éloquence ne vaut-elle pas les périodes étudiées de Cicéron ? Saint Justin a lui-même indiqué le lieu de sa demeure, dans l'interrogatoire que lui fit subir le préfet Rustique : « J'ai habité jusqu'à présent, dit-il, près de la maison d'un nommé Marcius, au bain Timiotinum. »
Ce bain Timiotinum, ou de Timothée, nous rappelle un des lieux les plus anciennement saints de Rome chrétienne. Comment n'y pas reconnaître, en effet, ces thermes de Timothée ou de Novatus dont l'église de Sainte-Pudentienne nous offre encore des vestiges!
Église de Sainte-Prudentienne à Rome
Ils formaient une dépendance du palais dans lequel le sénateur Pudens avait reçu saint Pierre, et qui depuis lors était resté ouvert à tous les chrétiens, mais surtout aux chrétiens de l'Orient. A Pudens avait succédé son fils Punicus, dont l'épouse Priscille recueillait les corps des martyrs et les ensevelissait dans une catacombe qui a gardé son nom. Punicus et Priscille eurent un fils qui fut appelé Pudens comme son aïeul et qu'ils marièrent à une jeune fille nommée Sabinella.
Les catacombes de Priscille ( Priscilla) ou elle allait ensevelir les martyrs chrétiens
De cette union naquirent quatre enfants : Novatus, Timothée, Praxède et Pudentienne. L'histoire des deux dernières nous a été transmise par un prêtre qui se désigne lui-même par le nom de Pasteur (Pastor), et qui vivait familièrement au milieu de cette famille d'élus. Son écrit est adressé à Timothée :
« Pasteur, prêtre, à Timothée son frère, salut : Pudens, lui dit-il, fut admirable de zèle dans le culte qu'il rendait aux apôtres et dans l'hospitalité qu'il offrait aux étrangers. Ayant perdu son épouse Sabinella, et ses parents, c'est-à-dire Punicus et Priscille qui la lui avaient donnée pour femme, il dédaigna dès lors les biens de ce monde et s'adonna à l'étude de tous les préceptes de Dieu. Sabinella lui avait laissé deux filles, Praxède et Pudentienne, que Pudens éleva en toute chasteté et instruisit de la loi divine avec un amour du Christ qui ne connaissait pas de bornes. Se trouvant donc privé de son épouse, Pudens désira, sur les conseils du bienheureux évêque Pie, transformer sa maison en église, et, pour nous autres pécheurs, cette pensée fut mise à effet. Là même est le titre érigé en notre nom au lieu qu'on appelle Vicus patricii. » Il s'agit du titre ou de l'église célèbre du Pasteur.
« Pudens cependant s'en alla vers le Seigneur, laissant ses filles munies de chasteté et savantes dans toute la loi divine. Celles-ci vendirent leurs biens, en distribuèrent le produit aux pauvres, et persévérèrent nettement dans l'amour du Christ, gardant intacte la fleur de leur virginité et ne cherchant la gloire que dans les veilles, les jeûnes et les prières. Elles désirèrent avoir un baptistère dans leur maison, et non-seulement le bienheureux Pie y consentit, mais il traça de sa propre main le plan de la fontaine. Appelant alors leurs esclaves tant de la ville que des champs, les deux vierges donnèrent la liberté à ceux qui étaient chrétiens et appelèrent à la sainte croyance de la foi ceux qui ne l'étaient pas encore. Sur le conseil du bienheureux Pie, l'affranchissement fut accompli avec toutes les cérémonies antiques dans l'oratoire fondé par Pudens; puis, à la fête de Pâques, quatre-vingt seize néophytes y furent baptisés; de sorte que l'on s'assembla dès lors dans ledit oratoire, et que, jour et nuit, le chant des hymnes s'y fit entendre. Beaucoup de païens y vinrent trouver la foi et reçurent le baptême en toute allégresse. Avis cependant en fut donné à l'empereur Antonin, lequel rendit un édit qui ordonnait aux chrétiens de se borner à vivre dans leurs demeures, sans se mêler en rien au reste du peuple, ni même acheter publiquement, ni paraître dans les Thermes, etc.
Praxède et Pudentienne réunirent alors ceux qu'elles avaient amenés à la foi, et elles les gardèrent, elles les nourrirent plusieurs jours en veillant et priant. Le bienheureux évêque Pie lui-même nous visitait fréquemment et avec joie, et offrait pour nous au Seigneur le sacrifice. Or, Pudentienne, n'ayant que seize ans, s'en alla à Dieu. Sa sœur et moi nous l'enveloppâmes de parfums et la tînmes cachée dans l'oratoire ; puis, au bout de vingt-huit jours, nous la portâmes au cimetière de Priscille, près de son père Pudens.
Onze mois après, Novatus mourut à son tour. Il légua son bien à Praxède, et celle-ci demanda alors à saint Pie d'ériger un titre (une église) dans les thermes du dit Novatus, lesquels n'étaient plus en usage et avaient une salle grande et spacieuse. L' évêque en fit la dédicace sous le nom de la bienheureuse vierge Pudentienne, et il dédia une autre église sous le nom de la bienheureuse vierge Praxède dans la rue qui s'appelle de Latran, et y établit un titre romain. Dans le même lieu fut consacré par lui un baptistère. Cependant au bout de deux ans, une grande persécution fut déclarée aux chrétiens et beaucoup d'entre eux reçurent la couronne du martyre. Praxède en cacha un grand nombre dans son oratoire, et elle les nourrissait à la fois des vivres de la terre et de la parole de Dieu.
Mais l'empereur Antonin ayant appris que des réunions se faisaient au titre de Praxède, le fit investir aussitôt et beaucoup de chrétiens furent pris, le prêtre Simétrius notamment et vingt-deux autres. Antonin ordonna de les punir tous par le glaive sans même les entendre. Et la bienheureuse Praxède recueillit leurs corps pendant la nuit, et elle les ensevelit au cimetière de Priscille, le septième jour des calendes de juin. Puis, la vierge du Seigneur, accablée d'afflictions, ne demanda plus que la mort. Or, ses prières et ses larmes montèrent au ciel, et, cinquante-quatre jours après la passion de ses frères, elle s'en alla à Dieu. Et moi, Pasteur, prêtre, j'ai enseveli son corps près de son père Pudens »
Église de Sainte Prudentienne et de Sainte Praxède à Rome
Nous avons reproduit presque en entier ce récit, et parce qu'il nous introduit dans toute l'intimité des
pratiques et des vertus d'une famille chrétienne du deuxième siècle, et parce qu'il nous fait connaître l'origine de deux des sanctuaires les plus anciens et les plus vénérés de Rome. L'auteur en nomme même
trois : l'église du Pasteur, celle de Sainte-Pudentienne et celle de Sainte-Praxède. Mais les deux premières étaient contiguës l'une à l'autre, et elles ont depuis lors été réunies.
Aujourd'hui encore, on remarque dans l'église de Sainte-Pudentienne la chapelle du Pasteur: c'est l'ancienne demeure des Pudens, et, par suite, celle de saint Pierre. La table sur laquelle l'Apôtre offrait le sacrifice y a été pieusement conservée. Elle est accompagnée de l'inscription suivante :— « Sur cet autel saint Pierre offrait le corps et le sang du Seigneur, pour les vivants et pour les morts, afin d'accroître la multitude des fidèles. »
Le reste de l'église de Sainte-Pudentienne rappelle l'oratoire fondé par saint Pie dans la grande salle des thermes de Novatus. Les débris des thermes, je l'ai dit, sont encore visibles ; mais ce qui attire surtout l'attention et le respect, c'est ce puits dans lequel les deux saintes déposaient les corps des martyrs. L'église de Sainte-Praxède possède également un puits auquel se rattache une tradition semblable.
Praxède et Pudentienne recueillaient, en outre, avec des éponges, le sang des athlètes de Jésus-Christ. On a retrouvé de ces éponges qui étaient rouges encore. L'une d'elles est conservée dans l'église de Sainte-Pudentienne. Tels sont les souvenirs qui nous restent de la première famille chrétienne de Rome. Sa maison fut l'asile de saint Pierre et la demeure de saint Justin ; elle fut le lieu d'assemblée des premiers fidèles, et l'on y vit réunis pour la première fois, dans un palais romain, le courage, le dévouement, la chasteté, l'humilité, la charité et la prière.
Sainte-Prudentienne
Là ont été affranchis les premiers esclaves ; là on a vu, à quelques pas des jardins du philosophe Sénèque, du trop riche Sénèque, comme dit Juvénal, les trésors des consuls et des sénateurs devenir tout à coup le patrimoine des pauvres. De cette maison est sortie toute une civilisation nouvelle pour Rome et pour le monde. Et cependant quel est le livre d'histoire qui parle de Pudens et de sa famille? Qu'est-ce que la famille de Pudens, vous dira-t-on, auprès de celle des Césars.
Saint Pie 1, qui fut le soutien et l'appui de Praxède et de Pudentienne, occupait le trône pontifical vers le milieu du deuxième siècle; Rome était dès lors universellement considérée comme le centre de l'unité catholique. « C'était la plus grande et la plus ancienne Église connue de tout le monde, disait saint Irénée, et c'était à elle, comme à la principale, que tous les chrétiens devaient s'unir. » Aussi voyons-nous les évêques les plus influents et les plus célèbres venir à Rome pour conférer avec le souverain pontife sur les questions de foi et de discipline.
L'histoire cite, entre autres, saint Polycarpe et saint Hégésippe. Saint Polycarpe était évêque de Smyrne (Turquie actuelle et à l`époque colonie romaine), et le plus vénéré des prélats de l'Asie ; saint Hégésippe avait abjuré le judaïsme et s'était adonné à recueillir les traditions apostoliques, pour qu'elles se transmissent plus surement parmi les fidèles. Il est regrettable que leur passage à Rome n'y ait été consacré par aucun monument. Mais alors les disciples de la loi nouvelle fuyaient se cachaient ; à peine pouvaient-ils se réunir à la clarté du jour, et le plus souvent ils étaient obligés de s'enfoncer vivants dans des souterrains, pour dérober à l'inquisition jalouse de leurs ennemis les reliques de leurs saints et le mystère de leurs sacrifices.
Les catacombes de Rome
Ces souterrains, creusés dans le tuf, formaient un inextricable labyrinthe sous la campagne romaine et offraient un sûr asile aux malheureux proscrits. Qu'on s'imagine des milliers de voies, étroites, basses, tortueuses, se croisant dans toutes sortes de directions, affreuses solitudes où les ténèbres sont éternelles et où la lumière des flambeaux faiblit elle-même, comme étouffée par l'humidité des miasmes qu'on y respire. A la tombée de la nuit, les Chrétiens s'y enfonçaient comme des ombres ; ils y creusaient dans les parois trois ou quatre niches oblongues, les unes au-dessus des autres, pour y déposer autant de cercueils, puis ils muraient l'entrée de ces niches.
Près de la tête du mort, était scellée une fiole de son sang, s'il avait eu le bonheur de le verser pour Jésus-Christ. Quant à son nom, quelquefois on l'inscrivait sur la pierre avec le monogramme du Christ, ou divers ornements symboliques, une palme, une colombe, une couronne : d'autres fois, on se bornait à ces derniers emblèmes, à la palme du martyre surtout. Qu'importait le nom de celui qui l'avait conquise ! Dieu le savait !
Enterrement dans les catacombes de Rome par les premiers chrétiens
C'était dans les carrefours de ce dédale de la mort qu'on célébrait l'office ; on y priait au milieu des siens, et tous les signes de la destruction disparaissaient alors sous les symboles de l'espérance. Il y a près de soixante de ces catacombes autour de Rome, et l'étendue de leurs voies superposées par étages semble atteindre, dit un savant illustre le chiffre énorme d'environ cinq cent quatre-vingts kilomètres, la longueur de l'Italie ! on les appelait cimetières, du mot grec signifiant, je dors; mot touchant, empreint de toute la placidité d'une pure conscience. Ceux que l'on peut le plus facilement visiter, sont les cimetières de saint Sébastien sur la voie Appienne, de sainte Cyriaque, sur la route de Tivoli ; de saint Calepodius, sur la voie Aurélienne ; de saint Zénon, ad aquas Salvias; des saints Tiburce et Marcellin, ad duas Lauros ; de sainte Agnès sur la voie Nomentane ; de sainte Priscille, sur la voie Salaria, dans lequel furent enterrées sainte Praxède et sainte Pudentienne; et le plus vaste de tous, le plus peuplé, la catacombe de Calixte.
Les catacombes de Saint Calixte à Rome. La crypte de Sainte Cécile
Grégoire de Tours raconte que, vers la fin du troisième siècle, l'affluence des chrétiens était surtout considérable à celle de ces cryptes dans laquelle se trouvaient les corps de saint Chrysanthe et de sainte Daria. Les païens y firent mourir un grand nombre de fidèles, en en comblant toutes les issues, qui ne furent découvertes que longtemps après le règne de Constantin. Le cimetière de Calixte est surtout célèbre par la tombe de sainte Cécile et par celles de onze papes du deuxième siècle. Trois de ces papes, saint-Etienne, saint Sixte II, et saint Caïus y furent même martyrisés. Ce cimetière occupe la droite de la voie Appienne, un demi-mille avant Saint-Sébastien, dont la catacombe, à jamais illustre par le séjour qu'y firent les corps des Apôtres, a longtemps été prise pour lui.
Saint Chrysanthe et sainte Daria martyres. Ils furent emmurés dans une grotte en même temps que bien d'autres Chrétiens à Rome vers l`an 283 Ap J.C.
C'est au cimetière de Saint-Sébastien que remonte le nom de catacombe, parce qu'il était près des tombes de saint Pierre et de saint Paul, ce nom vénéré finit ensuite par devenir celui de tous les hypogées chrétiens. Sur la porte qui lui donne entrée, on lit ce passage de saint Jérôme :
« Lorsque dans ma jeunesse je m'adonnais à Rome aux études libérales, j'avais coutume d'aller, le dimanche, avec les jeunes gens de mon âge qui étudiaient avec moi, visiter les tombeaux des apôtres et des martyrs. Souvent même nous parcourions ces souterrains, creusés dans les profondeurs de la terre, dont les parois, à droite et à gauche, sont pleines de corps ensevelis. Ces lieux sont si obscurs qu'on croit voir se réaliser la menace du prophète, qu'ils descendent vivants dans les enfers. Quelquefois une faible clarté, se glissant par une étroite ouverture, tempère la silencieuse horreur des ténèbres; mais, si vous avancez encore, vous vous retrouvez, dans une nuit profonde, et il vous souvient du vers de Virgile : De toutes parts l'horreur saisit votre de, et le silence lui-même est plein d'épouvante »
Or, lorsque j'ai parcouru ces lieux saints, nous étions ensemble trois jeunes gens, nous livrant avec jouissance, comme Jérôme, au plaisir de l'étude, enfants de cette civilisation légère qui effleure tout, cherchant des émotions et des souvenirs, scrutant les pierres des temples, les débris des palais, avec le zèle d'un âge où les illusions sont encore toutes vives, mais aussi avec cette foi chrétienne qui est plus puissante encore que l'imagination, et qui, à tous trois, nous était commune. Un vieux moine alluma une petite bougie et nous précéda dans l'escalier inégal et tortueux. Il marchait vite, car ses pieds étaient faits à ce terrain glissant et à ses rudes aspérités ; à peine sa bougie exhalait-elle une lueur vacillante à travers les vapeurs qui l'étiolaient. Je l'appelai une fois, et sa voix creuse retentit faiblement sous ces basses voûtes ; et il marchait toujours, et nous le suivions baissant la tête, nous heurtant à chaque pas contre les murs, dans l'épaisseur desquels reposent des pontifes, des martyrs, des vierges, tant elles sont étroites les rues de cette ville de la mort !
Voilà le puits, nous disait le religieux, dans lequel furent déposés les corps des Apôtres; voici la place où se réunissait pour prier, l'église militante et souffrante. Cet espace plus grand était un sanctuaire; ce siège de pierre était une chaire pontificale ; cette tombe isolée sous un arceau était un autel ! Voilà l'humble tabernacle où l'hostie sainte était exposée à la vénération des saints; car alors sainteté et christianisme étaient presque une même chose. Nous trouvâmes plusieurs lampes en terre avec le monogramme du Christ, dont se servaient les fidèles.
Et à ces souvenirs des premiers âges, se joignaient de plus récents souvenirs. Sainte Brigitte, nous disait-on, sainte Catherine, saint Charles Borromée aimaient à fréquenter ces lieux; en cet endroit même, sur cette terre humide, saint Philippe de Néri passa souvent les nuits en prières. Ah ! si nous ne nous sentions pas la force de nous faire, comme ces grands saints, les hôtes habituels des catacombes, combien du moins nous aurions voulu, en présence de tant de débris d'une époque de foi et de courage, nous associer aux cantiques des prédestinés, unir nos - vœux aux vœux ardents des néophytes, et entendre les paroles de paix des confesseurs, les pieux enseignements des Calixte, des Urbain, des Corneille, des Etienne, vertueux pontifes qui se soumettaient aux adversités avec un ineffable dévouement et accueillaient les jours mauvais par des actions de grâces !
Mes amis et moi, nous étions dominés par une inexprimable émotion; différences de caractères, de vie et d'habitudes s'étaient confondues dans un même sentiment de respect, dans un retour profondément triste et réfléchi sur notre temps et sur nous-mêmes. Le froid qui nous pénétrait, la bougie qui se consumait lentement, eurent peine à nous arracher de ces sépulcres, tant la religion y est grande, tant les vertus auxquelles l'homme peut atteindre y paraissent hautes et sublimes. C'est dans les catacombes qu'on a découvert la plupart des monuments qui nous restent de la primitive Église; ces calices, ces patènes de verre, ces cuillers eucharistiques, ministeria sacrata, qui ne pouvaient être touchés que par les ministres de l'autel, et ces instruments de supplice qui servaient au triomphe des saints. Il y avait de petits calices pour les prêtres et d'énormes calices où les fidèles puisaient le vin sacré à l'aide de tubes, fistuloe, arundines. Les lampes avaient souvent la forme d'une colombe, union mystique des deux symboles particuliers à cet esprit de vérité que Jésus-Christ envoya au monde pour l'éclairer toujours, ut maneat vobis in oeternum.
Sur l'autel étaient exposés les dyptiques de métal ou d'ivoire, où étaient inscrits les noms des saints, et gravée quelque scène touchante de l'Écriture. On les appelait dyptiques, parce qu'ils étaient divisés en deux panneaux qui se pliaient l'un sur l'autre, ce qui permettait de les cacher plus aisément dans les persécutions. On aime à retrouver dans les catacombes plusieurs de nos pieux usages. Saint Sixte Ier ordonna qu'on chanterait, pendant le sacrifice, l'hymne de joie et d'adoration, Sanctus, Sanctus, Sanctus, Dominus Deus sabaoth.
Saint Télesphore voulut que la nuit de Noël fût consacrée par la célébration de la messe, et que les premières paroles des chrétiens fussent alors les paroles des anges : Gloria in excelsis Deo et in terra pax hominibus.
Dans chaque maison il devait y avoir de l'eau de l'aspersion, aquam sparsionis, bénite et mêlée de sel. Hygin détermina avec plus de précision les divers degrés de la hiérarchie. Anicet interdit aux prêtres les longues chevelures des païens. Pie et Victor fixèrent la Pâque au dimanche. Dans les réunions des chrétiens, l'autel était couvert de cierges , afin d'éclairer les ténèbres des catacombes, et, à leur clarté vacillante, on put bientôt apercevoir sur les parois et les voûtes de ces caveaux condamnés, ce semble, à une obscurité éternelle, de fraîches peintures rappelant les croyances et les espérances du chrétien, sinon avec le génie de l'art, du moins avec la poésie de la foi.
Le Christianisme avait trouvé les arts dans une voie de décadence, et les pauvres ouvriers des catacombes ne pouvaient, du premier coup, leur donner une vie nouvelle ; mais du moins ils les consacrèrent à Dieu au moment où toutes les passions les prostituaient au mal; ils s'en firent, dans les souterrains où on les traquait comme des bêtes fauves, une consolation pour eux et une prédication pour tous. Ainsi, ils peignaient ou ils ciselaient l'ancre de la foi , la palme de la victoire ; la colombe, emblème de la douceur et de l'innocence ; le phénix, de la résurrection ; le poisson, symbole mystérieux de celui qui souffrit toutes les douleurs sans se plaindre ; le chandelier aux sept branches, expression des lumières divines ; le monogramme du Christ, rappelant à la fois le nom du Sauveur et peut-être, par sa forme, l'instrument de sa passion.
Symboles chrétiens des catacombes de Rome. L`ancre de la foi et le poisson symbole du Christ qui souffrit toutes les douleurs sans se plaindre. La colombe représente le St-Esprit, la douceur et l`innocence.
Catacombe de St-Calixte – le monogramme du Christ
Quelquefois ces convertis de la veille empruntaient à la fable des images pour leurs nouvelles pensées. Ils se plaisaient surtout à reproduire Orphée dont les douces mélodies animaient les arbres et apprivoisaient les tigres : touchante allusion à celui dont la voix si douce avait changé le monde. Exilés sur la terre, fuyant la mort qui les poursuivait, et soupirant après le repos d'une vie meilleure, ils aimaient à se représenter eux-mêmes sous la figure du cerf fugitif qui court après l'eau des fontaines. Voués, en quelque sorte, au martyre, ils dessinaient paisiblement et courageusement Daniel dans la fosse aux lions et les enfants dans la fournaise. Sauvés du déluge des passions et des mille dangers de la vie, ils consacraient leur reconnaissance par des représentations de l'arche de Noé, de Jonas ou du passage de la mer Rouge; mais surtout ils peignaient avec amour le bon Pasteur portant une brebis sur ses épaules. On retrouve cette image jusque sur les vases sacrés. Nous pourrions citer encore la barque de saint Pierre, la tentation d'Adam et d’Ève, Moïse.
Représentation du Bon Pasteur dans les catacombes
Dans la catacombe de Sainte-Agnès on remarque une Vierge qui remonte au second siècle. Marie, richement vêtue, et ayant l'Enfant Jésus sur son giron, étend les bras dans l'attitude de la prière. Quant à Jésus, il est ordinairement représenté dans tout l'éclat de la douceur et de la jeunesse; mais quelquefois l'artiste se contente de peindre un agneau portant une croix.
Catacombe de Sainte Agnès à Rome
La statuaire produisit peu d'œuvres durant les trois premiers siècles : on craignait sans doute le souvenir des idoles. Mais au quatrième, les ciselures furent remplacées par des bas-reliefs, surtout dans la décoration des sarcophages. Ces sarcophages ne nous offrent point de scènes joyeuses ni de folles plaisanteries avec la mort comme les tombeaux antiques, mais des pensées de paix et d'espérance exprimées avec une touchante poésie. Tantôt c'est la Résurrection de Lazare, tantôt Élie emporté dans un char de feu, etc. Les inscriptions qui les accompagnent ne parlent également que de la vie là où les yeux n'aperçoivent que la mort : — « Marzia, tu vis en paix ; — Dioscore, vis éternellement ; — Laurent s'est retiré du siècle ; — Sevère a été emmené par les Anges (Accersitus ab Angelis). »
L'art se tait, s'efface devant cette piété des premiers âges, cette foi vive, cet amour ardent, ces derniers hommages rendus à des hommes flétris par le pouvoir, reniés du monde, et qui, fidèles à leur vocation, avaient passé en faisant le bien. La religion était alors dans son époque militante ; il lui fallait jeter les fondements de l'édifice, propager ses dogmes, en faire la base des lois et des mœurs, et renverser pour reconstruire à neuf toutes les croyances des nations. Pendant ce temps-là, les arts sont abandonnés à d'humbles et pieux manœuvres. Mais lorsque la religion, haute et dominante, eut accompli sa tâche, lorsqu'elle eut constitué fortement la société, alors ses branches s'étendirent, se ramifièrent ; elle féconda l'esprit humain, l'aiguillonna dans toutes les directions, et éclaira de son flambeau ses investigations nouvelles.
Sarcophage de l`Adoration des Rois Mages - 4 eme siècle
Dernière édition par MichelT le Mar 7 Déc 2021 - 16:37, édité 2 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: Rome Chrétienne et ses monuments - EUGENE DE LA GOURNERIE - 1867
CHAPITRE III.
TROISIÈME SIÈCLE.
Les premières années du troisième siècle virent paraître deux ouvrages qui font époque dans l'histoire ecclésiastique, l'Apologétique de Tertullien et son livre des Prescriptions. C'était la défense du Christianisme s'élevant jusqu'à l'éloquence la plus vive et la plus abondante contre les calomnies des païens, et jusqu'à la dialectique la plus dominante et la plus serrée contre les arguments des hérétiques.
Voilà donc ce qu'étaient devenus ces gens sans connaissance des arts, sans nulle teinture des lettres, cette lie du peuple, comme parle Cécilius dans le dialogue de Minutius Félix ! Au premier siècle, ce sont les âmes simples, les cœurs humbles et droits qui sont préférablement appelés de Dieu ; au second, saint Justin et Clément d'Alexandrie ne craignent pas d'abaisser au pied de la croix leur orgueil philosophique.
Mais au troisième, la Propagande chrétienne finit par s'emparer de tout ce qu'il y a de grand, de noble, de puissant par l'intelligence. Au second siècle, les païens s'enorgueillissaient encore d'Epictète, de Favorin, de Celse, de Plutarque; mais au troisième, on ne vit plus parmi eux que des historiens obscurs, des poètes sans verve, des philosophes sans crédit, tels que Plotin et Porphyre. C'est une dégénération complète ; la société tombe énervée dans la crapule. Ne lui demandez plus rien qui exige de la force et du caractère ; elle n'a plus de force que pour rire d'un rire convulsif dans les orgies, de caractère que pour hurler encore : Les chrétiens aux bêtes !
Alors aussi s'agrandit et paraît plus au jour la famille chrétienne. Quels hommes que ceux qu'elle produit ou qu'elle soumet à ses croyances ! Tertullien, Origène, saint Hippolyte, saint Denis d'Alexandrie, saint Grégoire Thaumaturge, saint Cyprien surtout! Quelle réunion de génies ardents et forts ! comme l'entraînement se trouve uni en eux à la science, la hauteur de volonté à la plus inaltérable modestie ! C'est bien de ces hommes, de saint Cyprien, par exemple, que l'on pouvait dire que le zèle de la maison de Dieu les dévorait.
Saint Cyprien de Carthage (200 à 258 Ap J.C.) - Évêque de Carthage. Il vivait dans les provinces romaines d`Afrique du Nord en Tunisie actuelle. Il a été exécuté dans les persécutions antichrétiennes de l`empereur romain Valérien.
Il ne paraît pas que saint Cyprien soit jamais venu à Rome ; mais il écrivit plusieurs fois au clergé de cette ville et au souverain pontife. Tertullien et Origène (Égypte)demeurèrent également fidèles à l'Afrique ; et les rapports du premier avec Rome eurent de bien fâcheux résultats, s'il est vrai, comme l'affirme saint Jérôme, que l'envie et les mauvais traitements des clercs romains contribuèrent à le précipiter dans l'hérésie. Mais si les passions humaines altérèrent parfois la ferveur du clergé de Rome, elles ne parvenaient pas du moins jusqu'au trône du successeur de Pierre.
La papauté était le premier degré de l'échafaud, et l'on ne voyait dans le courageux accomplissement des devoirs qu'elle impose, qu'une sainte préparation au martyre. — « Un évêque attaché à l'Évangile, écrivait le pape saint Corneille, peut être tué, mais non vaincu, » — et la preuve en est partout à cette époque.
Saint Calixte, saint Urbain, saint Pontien, saint Anthéros, saint Fabien, saint Etienne, saint Félix confessèrent hautement l'Évangile au milieu des supplices; saint Corneille fut décapité près du temple de Mars ; saint Luce fut exilé, puis décapité ; saint Sixte II ( Pape) fut arrêté au moment où il célébrait le saint sacrifice au cimetière de Calixte, et martyrisé avec cinq diacres ; saint Caïus n'échappa pendant quelque temps aux troupes de Dioclétien, qu'en se réfugiant dans les catacombes; saint Marcellin scella sa foi de son sang.
Urbain Ier (Pape) est, selon la tradition catholique, élu évêque de Rome en 222 Ap J.C. pour succéder à Calixte Ier, qui était mort défenestré lors d'une émeute dirigée contre les Chrétiens.
Les empereurs supportaient beaucoup plus patiemment, suivant l'expression de saint Cyprien, l'annonce d'une compétition et d'une révolte que celle de l'établissement d'un évêque de Dieu à Rome. Et c'est cependant à cette époque qu'on doit reporter l'édification des premières églises. Nous avons vu que jusque-là les chrétiens s'assemblaient dans des maisons particulières ou dans les catacombes ; et l'oratoire édifié par saint Anaclet au Vatican, n'était, à vrai dire, qu'une crypte dans laquelle on venait prier. Mais la paix dont jouirent les disciples de la loi nouvelle durant les dernières années du second siècle, leur nombre qui s'augmentait, qui comprenait déjà des sénateurs, des magistrats, des consuls ; leur foi, leur confiance dans l'avenir leur donnèrent le courage d'élever, à la clarté du soleil, des basiliques pour leurs sacrifices.
Ainsi nous apprenons par Origène que, lors de la persécution de Maximin en 236, plusieurs basiliques furent brûlées. On compta même jusqu'à vingt-cinq églises à Rome, sous le règne d'Alexandre Sévère, (vers 222 Ap J.C.) et le pape Urbain put donner une patène d'argent à chacune d'elles. La plus ancienne de ces églises est Sainte-Marie Trans-Tiberim, (Santa Maria in Trastevere) érigée en 224 par le pape saint Calixte sur l'emplacement et peut-être même dans le local abandonné de la Taberna meritoria, hôtel des invalides des armées romaines. Une tradition religieuse s'attachait à ce lieu. On racontait qu'au moment de la naissance de Jésus-Christ, une source d'huile y jaillit de terre et se répandit pendant tout un jour dans le Tibre.
Basilique de Santa Maria in Trastevere érigée en l`an 224 Ap J.C. par le pape saint Calixte
Basilique de Santa Maria in Trastevere
Les chrétiens acquirent ce lieu consacré et le dédièrent à la Mère de Dieu. Mais les taverniers de Rome le réclamèrent et portèrent leurs plaintes à l'empereur. « J'aime mieux, répondit Alexandre Sévère, que Dieu soit honoré en ce lieu d'une manière quelconque, que de le livrer à des marchands de vin. » L'église de Sainte-Marie Trans-Tiberim (Santa Maria in Trastevere) a été rebâtie, au quatrième siècle, avec des débris antiques. Le pape saint Jules y fit réunir alors des colonnes et des chapitaux, qui malheureusement n'offrent ni les mêmes proportions ni le même style ; mais la disposition du moins en fut grande et majestueuse.
Mosaïque romaine de la Basilique de Santa Maria in Trastevere
Restaurée en l`an 1139, enrichie successivement de mosaïques curieuses, de peintures du Dominiquin et d'un brillant portique, elle est somptueuse aujourd'hui et éclatante comme toutes les églises romaines ; mais ce que le chrétien y cherche surtout, c'est la première maison de prière dédiée à Marie dans la capitale du monde par les fidèles des vieux siècles ; c'est la chapelle vénérée où sainte Cécile et sainte Françoise aimèrent si souvent à venir s'agenouiller aux pieds de celle qui releva leur sexe, et lui légua, comme un modèle, sa vie toute de pudeur et d'amour.
Église San Calisto de Rome sur le lieu ou le Pape Saint Calixte fut jeté dans un puit par des soldats romains en l`an 222 Ap J.C.
Près de cette église en est une autre dédiée au fondateur de Sainte-Marie ( Église San Calisto), le pape saint Calixte. C'était la maison d'un soldat romain, dans laquelle le pontife se réfugia lors de la persécution d'Alexandre Sévère. On y voit encore le puits où il fut jeté par ceux qui le poursuivaient. Plusieurs autres églises romaines appartiennent encore à cette époque : Sainte-Cécile in Transtevere, consacrée par Urbain Ier en 230; Saint-Pancrace, érigée en 270 par le pape Félix ; et peut-être Sainte-Prisca du mont Aventin.
Sainte Cécile de Rome – Vierge et Martyre dans les persécutions de l`empereur romain païen Maximin vers l`an 230 Ap J.C.
Sainte Cécile vivait au commencement du troisième siècle. Elle appartenait à une famille dont le nom était lié aux plus beaux souvenirs de Rome, depuis Caïa Coecilla Tanaquil, l'illustre épouse du premier Tarquin, jusqu'à ces Coecilius Metellus qui avaient conquis les titres de Macédonique, Baléarique, Crétique, Numidique, etc. Convertie au Christianisme, mais vivant dans une maison païenne, Cécile allait de nuit aux assemblées des fidèles et consacrait ses jours à chanter dans la solitude les louanges du bien-aimé de son cœur. Une petite chapelle a été édifiée dans le quartier du Champ-de-Mars, au lieu où elle passa ainsi son enfance. On y lit cette inscription : Haec est domus in qua orabat sancta Cecilia (C'est ici la maison où priait sainte Cécile). Cette chapelle est vulgairement connue sous le nom du Divin Amour (Il Divino Amore).
Purcell - Ode au courage de St. Cécile
Cependant le père de Cécile avait résolu de la marier, car un païen pouvait-il supposer que sa fille voulût demeurer vierge? La virginité, pour toute personne autre que les vestales, emportait avec elle une certaine idée de honte, et il fallait toute l'élévation des idées chrétiennes pour la comprendre et l'admirer. Le mariage se conclut donc, on le célèbre avec de grandes fêtes, et Cécile se laisse conduire triste et silencieuse comme l'Agneau devant celui qui le tond. Quelque péril que semble courir sa pudeur, elle va où on la mène, car elle a foi dans celui qui n'abandonne pas ceux qui espèrent.
Maintenant qui pourrait dire cette scène touchante entre la jeune épouse timide, mais aussi forte et douce qu'elle est pure, et l'époux ivre de joie qui lui a été donné ? Il n'y a que le christianisme pour nous offrir de ces tableaux d'une pureté inénarrable, pour faire naître dans nos âmes de ces émotions ravissantes qui sont pour nous comme une vision du ciel. Qui peut dire ce qui se passa dans le cœur de ce jeune homme païen, sensuel, ayant sa grande part des passions qui nous agitent, à la révélation de cette pensée étrange, de ce culte immatériel ; à ces paroles d'une entraînante douceur qui le supplient, qui le conjurent de respecter des membres consacrés, et de vivre comme un ange près d'un ange, dans l'intimité de la confiance et de la vertu ? Le jeune homme se révolte, il s'irrite, il reproche; mais il y a dans la voix de son épouse comme un charme qui le domine ; elle est d'ailleurs sous la garde d'un esprit céleste et elle ne craint rien.
« Faites donc que je voie cet esprit qui vous protège», s'écrie Valérianus. — Il est un vieillard qui purifie les hommes, répond Cécile, et les rend dignes de voir l'ange de Dieu. — Où le trouverai-je ? demande Valérien.
«Sors de la ville par la voie Appienne, reprend Cécile, marche jusqu'à la troisième borne ; là, tu trouveras des pauvres demandant aux passants le secours de leurs aumônes; j'ai toujours eu pour eux une grande sollicitude ; aussi sont-ils à bon droit les dépositaires de mon secret. Lorsque tu les verras, tu leur donneras ma bénédiction : — Cécile m'envoie vers vous, diras-tu, afin que vous me fassiez voir le saint vieillard Urbain. — Puis, quand tu seras en présence du vieillard, rapporte-lui mes paroles ; il te purifiera, te revêtira d'habillements nouveaux de couleur blanche, et, lorsque, ainsi vêtu, tu reviendras dans cette chambre, tu verras le saint ange qui veille sur moi; il sera devenu également ton ami et tu obtiendras de lui tout ce que tu lui demanderas. »
La voie Appienne conduisait aux catacombes. C'était en effet dans ces souterrains ou près d'eux que les pontifes du troisième siècle se retiraient le plus souvent pour instruire et baptiser les catéchumènes. Les pauvres qui veillaient sur la route nous indiquent d'ailleurs tout le mystère dont ils étaient réduits à s'entourer. Valérien suivit les conseils de Cécile, et les prières du pontife firent d'un lion impétueux le plus doux des agneaux. Revêtu presque aussitôt de la tunique blanche, le néophyte revient vers la chambre nuptiale, et qu'y voit-il ? Cécile en prière et l'ange de Dieu tenant deux couronnes entrelacées de lis et de roses, la couleur de la chasteté et celle du martyre !
Sainte Cécile et les Saint-Anges
L'une des couronnes était pour lui, l'autre était pour elle. Le frère de Valérien, Tiburce entre alors dans la chambre. — « Qu'est-ce ? dit-il, ce lieu est embaumé du parfum des fleurs, pendant que la saison est encore froide et que nulle part la nature n'est épanouie ? D'où vient cette odeur enivrante ! » — Valérien lui révèle alors son bonheur et Tiburce abjure à son tour le culte des idoles. Les deux nouveaux chrétiens vécurent dans la société de Cécile comme des frères, priant et faisant le bien, jusqu'au moment où ils furent appelés au ciel par la voie sanglante du martyre.
Cécile leur survécut peu de jours, mais pendant ce peu de jours, sa demeure fut, en quelque sorte, comme le centre de Rome chrétienne. Le pape Urbain y fixa sa résidence et y baptisa plus de quatre cents néophytes. Ce fut enfin sous ce même toit que la pieuse vierge subit la mort. Le préfet Almachius avait donné l'ordre de l'étouffer à l'aide de la vapeur, dans la salle de bain de son palais. Pendant trois jours Cécile dut respirer cette atmosphère brûlante et elle ne mourut pas. On eût dit qu'une rosée la rafraîchissait comme les enfants dans la fournaise, car on ne remarquait pas même de sueur sur son visage. De dépit, Almachius donna l'ordre de lui trancher la tête ; mais, après avoir reçu trois coups, Cécile vivait encore. Elle était étendue à terre, baignée dans son sang. Le licteur avait pris la fuite, et les fidèles l'entouraient avec respect. Le pape Urbain vint à son tour; il trouva Cécile souriant aux pauvres et aux néophytes. — « J'ai demandé au Seigneur, lui dit-elle, un délai de trois jours afin de remettre à votre béatitude ces pauvres que j'ai nourris et cette maison que j'ai habitée qu'elle soit à jamais consacrée en église »
Sainte Cécile de Rome – Vierge et Martyre dans les persécutions de l`empereur romain païen Maximin vers l`an 230 Ap J.C.
L'église de Sainte-Cécile a été rebâtie, en 818, par saint Pascal. On y transporta alors, des catacombes de Calixte, les corps des trois bienheureux. Cette église est noble et élégante ; mais le beau portique qui la précède, la riche châsse d'argent dans laquelle reposent les dépouilles mortelles de Cécile, le pavé d'albâtre sur lequel elle est placée, le jaspe, l'agate, les pierres orientales qui la décorent, les quatre-vingt-dix lampes qui brûlent perpétuellement devant elle, tout ce luxe est peu de chose près des pieux souvenirs qui s'attachent à ce lieu vénéré. On voit encore, près de la première chapelle, à main droite, la chambre de bain où le préfet de Rome voulut faire étouffer la jeune vierge, et où elle reçut la mort. Le tuyau de plomb qui portait les eaux et les tuyaux de briques qui répandaient de brûlantes vapeurs dans l'étuve, existent toujours : précieuses antiquités qui élèvent l'âme par des pensées de vertu et de courage, au lieu de l'abaisser, comme tant d'autres, par des idées de plaisir; de débauche, ou d'une grandeur fastueuse et oppressive.
Église Sainte-Cécile-du-Trastevere
Quelques éléments restant de l`ancienne maison romaine de Sainte-Cécile
Saint Pancrace était un jeune Romain qui, à l'âge de quatorze ans, confessa la foi et souffrit le martyre. Le lieu où il fut décapité fut consacré, vers la fin du troisième siècle, par une église dédiée d'abord à saint Calepodius et placée ensuite sous son invocation. L'église actuelle conserve encore quelques-unes des dispositions de l'ancienne. On y voit aussi les deux chaires de porphyre ou ambons, dans lesquelles on lisait, aux premiers siècles, l'épître et l'évangile.
Saint Pancrace de Rome, un jeune noble romain, martyr, a quatorze ans en 304 Ap J.C. pour avoir refusé d`abjurer sa foi chrétienne sous le règne de l`empereur romain païen Dioclétien
Basilique de San Pancrazio ( Saint Pancrace) à Rome
Une chapelle souterraine a été pratiquée à l'endroit du martyre du saint, et près d'elle un escalier sombre et tortueux conduit au cimetière de Saint-Calepodius. Au nombre des premiers disciples de l'Évangile, l'Écriture cite, entre autres, un Juif et une Juive, Aquila et Priscilla son épouse. Saint Paul les appelle ses aides en Jésus-Christ; il ajoute qu'ils exposèrent pour lui leurs têtes, et il travailla avec eux à fabriquer des tentes, lorsqu'ils furent exilés de Rome.
L'habitation d'Aquila et de Priscilla se trouvait à Rome sur le mont Aventin. Saint Pierre y fut fréquemment accueilli, et il y baptisa sainte Prisca, jeune fille de treize ans, qui fut flagellée, exposée aux lions, et décapitée sous Claude. Cette sainte demeure devint une église sous le pape saint Eutychien, qui en fit la consécration en 280. Elle fut dédiée à la vierge martyre. On y voit, dans une crypte, le vase qui servait à saint Pierre pour administrer le baptême. Près de là furent autrefois le temple de Diane, centre fameux de la confédération latine, et la fontaine des Faunes, et l'antre de Cacus, et le lieu infâme consacré à la Bonne Déesse.
Sainte Prisca, vierge et martyre à Rome a l’âge de 13 ans dans les persécutions de l`empereur romain païen Claude entre l`an 41 et 54 Ap J.C.
Vers le Palatin, on aperçoit des arcades pantelantes et l'emplacement du grand cirque dont il ne reste plus que les cachots : partout des débris majestueux, d'éloquentes ruines ! Seule la petite église ne connaît point d'âge ; renouvelée, restaurée par la piété toujours fervente, plus elle a compté d'années et plus les arts se sont étudiés à la rajeunir. Donnons également un pieux souvenir à sainte Suzanne du Quirinal.
Sainte Suzanne, une femme chrétienne de la noblesse romaine, martyre. Belle et instruite, elle refuse la demande en mariage de Maximien, fils de l'empereur Dioclétien vers la fin du 3 eme siècle.
Église de Sainte Suzanne sur le Quirinal à Rome (Santa Suzanna) près des anciens thermes de Dioclétien.
Sainte Suzanne appartenait à une des plus illustres familles de Rome. Recherchée en mariage par Maximien Auguste, elle refusa de s'unir au persécuteur des chrétiens, et paya son refus de sa tête. Des partisans de Dioclétien l'égorgèrent dans la maison qu'elle habitait, et cette maison devint, le jour même, une église. Le pape saint Caïus, oncle de Suzanne, offrit, en effet, pour elle, le sacrifice de Jésus-Christ dans la chambre ensanglantée de son martyre, et y fixa une des stations des fidèles. La création de ces églises, au milieu même des persécutions, dénote une sève bien puissante dans le Christianisme. Qui ne sait d'ailleurs toutes les luttes qu'il eut à soutenir, tous les obstacles qu'il eut à vaincre dans le siècle qui commença avec Caracalla et finit avec Dioclétien ! L'hérésie, le schisme se liguaient en quelque sorte avec l'idolâtrie pour saper dans sa base une religion qui menaçait de tout dominer, comme la vérité dont elle était le symbole.
Aujourd'hui, Novat sème la discorde parmi les Églises, prêche la tolérance à Carthage et la sévérité à Rome ; plus tard Novatien se fait ordonner évêque de Rome, du vivant du pape saint Corneille, par trois évêques pris de vin et de débauche; puis Sabellius, Hiérax, Paul de Samosate, Manès, répandent sur toute la chrétienté le venin de leurs erreurs. L'un dit qu'il n'y a qu'une personne en Dieu ; un autre condamne le mariage ; un troisième ne voit en Jésus-Christ qu'un homme ; un quatrième nous place sous le joug de deux principes : l'un bon, l'autre mauvais, ainsi que l'avaient fait les dualistes de l'Orient.
L'Église demeure inébranlable au milieu de toutes ces attaques ; mais une autre plaie commençait dès lors à la ronger : c'était le relâchement et la tiédeur, enfants du doute et de la mollesse, qui font trembler tour à tour devant la foi et devant le monde, rendent capables du bien sans vertu et du mal sans vice. Ainsi les prières communes étaient moins suivies, on voyait des confesseurs eux-mêmes donner l'exemple de l'attachement aux biens terrestres et d'une vie sensuelle. Enfin, dans les persécutions d'Alexandre Sévère, de Maximin, de Dèce, de Dioclétien, il y eut de nombreuses et désolantes apostasies.
Alors on institua des peines plus rigoureuses pour des fautes auparavant presque inconnues, et des conciles de Carthage et de Rome, tenus en 251, dressèrent une nouvelle série de canons pénitentiaux. Ceux qui voulaient faire pénitence se présentaient le premier jour du carême sur le seuil de l'église, en habits pauvres et déchirés ; le prêtre leur répandait de la cendre sur la tête et leur donnait un cilice, puis les portes étaient fermées devant eux. Ils devaient alors consumer leur vie dans les gémissements et dans les larmes ; seulement aux jours de fête ils venaient à l'église, écoutaient les sermons et les lectures, mais sortaient avant la prière.
Lorsqu'il y avait déjà plusieurs années qu'ils subissaient la pénitence, on leur permettait de prier avec les fidèles, mais la face contre terre et seulement avant le sacrifice; plus tard ils pouvaient prier debout, mais devaient se retirer à l'offertoire. Enfin, lorsque la peine avait été accomplie dans toute son étendue, ou diminuée par l'autorisation des martyrs, des confesseurs ou des évêques, le réconcilié se présentait en habit de suppliant ; on le faisait entrer au milieu de ses frères, et il recevait l'absolution solennelle.
La pénitence était de deux ans pour le vol, de onze pour le parjure, de quinze pour l'adultère, de vingt pour l'homicide et de toute la vie pour l'apostasie. La pénitence était également de toute la vie dans quelques églises, pour l'homicide et l'adultère. On alla même jusqu'à refuser l'Eucharistie, à l'heure de la mort, aux apostats ; mais les conciles de Carthage et de Rome mitigèrent à cet égard la rigueur de la discipline, et ne privèrent d'aucune des consolations spirituelles le moribond qui avait longtemps gémi.
Cependant à côté de quelques défaillances se multipliaient les conversions, et le sang des martyrs semait les chrétiens, suivant une belle expression liturgique. La famille impériale elle-même se laissait atteindre par la foi. Nous avons entendu, dès le premier siècle, saint Paul parler des chrétiens de la maison de César. Quels étaient cependant ces fidèles égarés chez Néron ?
Saint Chrysostôme mentionne un échanson et une concubine de l'empereur, qui auraient été convertis par le grand apôtre, ce qui fut, dit-il, une des causes de sa mort. Les Actes des martyrs citent, de leur côté, saint Tropez et saint Évellius comme ayant rempli des fonctions domestiques dans le palais de Néron.
Saint Tropez, officier chrétien d`une famille patricienne de Pise, chef de la garde du palais de Néron à Rome et martyr vers l`an 64 Ap J.C.
Mais, vingt ans après, ce ne sont plus seulement de pauvres esclaves attachés au service ou aux voluptés impériales, qui cèdent à la grâce ; c'est Flavius Clémens, cousin de Domitien ; ce sont les deux Flavia Domitilla, ses parentes. Un siècle après, Septime Sévère recueille chez lui un chrétien du nom de Proculus qui l'avait guéri d'une maladie avec l'huile sainte. (Tertullien, ad Scapulam.) Mammée, mère de l`empereur Alexandre Sévère, était, dit-on, chrétienne; Séréna Augusta, femme de l`empereur Dioclétien, l'était également, et, comme les Lucine, les Praxède, les Plautille, elle recueillait pieusement les restes des martyrs. Ainsi, lorsque sainte Suzanne eut été mise à mort dans sa maison du Quirinal, Séréna, nous disent les Actes, « se rendit pleine de joie, pendant la nuit, au lieu du supplice. Elle enleva le corps inanimé, et imbiba son voile du sang qui était répandu à terre. Ayant ensuite placé le voile dans une cassette d'argent, elle ne cessait de répandre, jour et nuit, devant le pieux trésor, ses furtives prières. Quant au corps de la vierge, Séréna le parfuma elle-même d'aromates, l'enveloppa de linges, et le déposa dans le cimetière d'Alexandre. » Or, tandis qu'elle remplissait ces pieux offices de la charité chrétienne, l`empereur Dioclétien, son terrible époux, dictait fièrement ces inscriptions dans lesquelles il se vante d'avoir aboli partout la superstition du Christ et étendu le culte des dieux.
On comptait à Rome, en l`an 250 ap J.C, quarante-six prêtres, sept diacres, sept sous-diacres, quarante-deux acolytes et cinquante-deux exorcistes, lecteurs et portiers. On y comptait également quinze cents personnes secourues par l'Église : veuves, pauvres ou malades. Les fonctions des diacres étaient surtout de visiter ces malheureux, de les aider, de les consoler, de leur amener des prêtres. Lorsqu'un prêtre ou un évêque était captif, on prodiguait l'argent aux geôliers pour pouvoir pénétrer dans le cachot, assister au sacrifice et emporter l'Eucharistie dans sa demeure. Alors, à défaut de table, le prêtre consacrait sur les mains des diacres.
De leur côté, les pasteurs qui étaient libres visitaient les fidèles, priaient avec eux et prenaient toute espèce de soins pour que nul ne manquât du pain des forts. A l'époque la plus funeste de la persécution de l`empereur Valérien, le lendemain du jour où le pape saint Étienne avait eu la tête tranchée dans sa chaire pontificale, au cimetière de Calixte, un acolyte, du nom de Tarsicius, sortait, à la dérobée, des catacombes, pour aller porter l'Eucharistie aux fidèles de Rome.
Déjà même il approchait de la porte Capène, lorsque des soldats l'arrêtent et veulent savoir ce qu'il a sur lui. Plutôt que de découvrir les saints mystères, Tarsicius refuse de répondre et se laisse frapper jusqu'à la mort. Vainement ensuite les soldats fouillèrent ses vêtements, ils n'y trouvèrent rien. Mais, au même moment, ils aperçoivent un grand nombre de personnes qui se glissent dans les souterrains du voisinage : c'étaient des chrétiens qui allaient célébrer en cachette les funérailles du pape Etienne. Les soldats firent leur rapport à l'empereur, et Valérien interdit l'entrée des cimetières.
L'étendue de cet ouvrage ne nous permet pas, au reste, de rappeler avec détails l'histoire de tous les martyrs qui souffrirent à Rome durant le troisième siècle, et il est pénible de ne pouvoir en présenter qu'une froide et incomplète énumération. Tantôt c'était un comédien ( Saint Genès) qui, après s'être joué longtemps des mystères chrétiens sur le théâtre, confessait tout à coup l'Évangile avec une sainte audace, et expiait par une glorieuse mort les outrages dont il s'était rendu coupable. Tantôt c'étaient de jeunes hommes ( Saint Abdon et Saint Sennen) qui passaient leurs jours à rechercher les corps des saints, à les enterrer dans leur patrimoine, et dont la charité était punie par l'exposition aux lions dans l'amphithéâtre.
Saint Genès de Rome était un acteur de théâtre qui confessa la foi chrétienne et fut exécuté pour avoir refusé de renier sa foi.
Des étrangers, des Perses, ( saint Marius- Marthe – Audifax – Abachum) vinrent à Rome pour prêter l'assistance de leurs secours aux confesseurs de la foi, et méritèrent par-là d'avoir part à leur triomphe. Le diacre Cyriaque, après avoir délivré du démon (Ange déchu) la fille de Dioclétien, fut décapité aux jardins de Salluste ; le diacre Césaire fut jeté dans la mer à Terracine, pour avoir voulu s'opposer à un sacrifice humain que les habitants de cette ville offraient à Apollon; le prêtre Marcellin et l'exorciste Pierre eurent la tête tranchée dans une sombre forêt à quelques milles de Rome.
Le diacre Saint-Césaire de Terracina martyr ( Italie) fut jeté dans la mer, par les habitants païens de la ville.
Les païens espéraient que leur sépulture y resterait inconnue ; mais le lieu en fut révélé à une sainte femme qui recueillit leurs ossements et les déposa dans la catacombe sur la voie Labicane. Un oratoire fut édifié en leur honneur sur cette catacombe, et dans la suite des âges le théâtre de leur supplice devint une ville et un siège épiscopal, sous le nom de Blanche-Forêt, Silva- Candida.
Il y avait à Rome, sous le tribunat de Claudius, deux jeunes époux, Chrysanthe et Daria, dont l'ardent prosélytisme entraînait une foule de païens aux églises chrétiennes. Chrysanthe s'adressait surtout aux hommes, Daria aux femmes. Lorsqu'ils furent saisis par les licteurs, la protection divine rendit vains, pendant longtemps, tous les efforts de leurs ennemis; les chaînes dont on liait Chrysanthe se brisaient d'elles-mêmes, le lieu de prostitution dans lequel on exposait Daria devenait un lieu de prières; si on les jetait dans de ténébreux cachots, une lumière céleste venait les y éclairer. Enfin Dieu leur permit de conquérir la palme du martyre ; ils furent lapidés comme saint Étienne. Primus et Felicianus furent délivrés de leurs fers par un ange; plus tard, ayant été repris et conduits à l'amphithéâtre, les lions vinrent leur lécher les pieds.
Sous le règne de Dioclétien, plusieurs chrétiens trouvèrent momentanément un refuge au palais impérial, chez Castule, commis aux alcôves et aux étuves de l'empereur; mais ils finirent par être trahis et subirent presque tous le martyre. Alors moururent saint Marc et saint Marcellin, dont les noms sont restés à une catacombe sur la voie d'Ardée; saint Tranquillin, saint Castule, saint Tiburce, saint Chromace : ce dernier était préfet de Rome; il avait été converti par l'infatigable charité de saint Sébastien.
Saint Marc et saint Marcellin martyrs à Rome sous l`empereur romain païen Dioclétien vers l`an 286
Les femmes furent glorieusement représentées, dans ces sanglantes hécatombes, par sainte Candide et sainte Pauline qui furent jetées vivantes dans les cryptes désertes de la voie Aurélienne; par sainte Sotère, tante de saint Ambroise, jeune fille des plus belles, valde decora, qui offrit d'elle-même son visage aux soufflets et son cou à la hache ; par sainte Rufine et sainte Seconde, deux soeurs, deux vierges qui préférèrent la mort à de brillants mariages. Le préfet sembla d'abord épargner la plus jeune : — Pourquoi l'honneur à ma sœur et à moi l'ignominie ? s'écrie alors Seconde. Ensemble nous avons confessé le Christ- Dieu, ensemble nous devons souffrir. Sainte Zoé périt pour avoir été surprise en prière aux tombeaux des Apôtres; on la tint enfermée six jours sans nourriture, puis elle fut pendue par les pieds au-dessus d'un feu de paille humide.
Sainte Rufine et sa sœur sainte Seconde; vierges et martyres par décapitation à Rome en 257 Ap J.C. pour avoir refusé de rejeter leur foi chrétienne.
Sainte Eugénie fut accusée d'avoir prêché la virginité à ses compagnes, et ce monde païen qui n'eut pas un anathème pour l'infanticide, cette Rome des consuls qui, chaque matin, offrait le spectacle hideux d'enfants nouveau-nés jetés au vélabre, s'effrayaient du nombre des vierges ! «Voici le moment de la vendange, disait sainte Eugénie, les bons raisins seront cueillis et séparés du pampre futile, puis le jus en sera exprimé pour les breuvages éternels. » Et la jeune fille fut broyée comme le raisin mûr. Eugénie possédait, sur la voie Latine, un jardin et une crypte dans laquelle elle avait enseveli de ses mains un grand nombre de martyrs; Claudia, sa mère, y déposa ses restes. Or, un jour qu'elle était en prière dans cette crypte, Eugénie lui apparut rayonnante d'une joie céleste ; elle avait retrouvé son père dans les délices du ciel, et elle y donnait rendez-vous à sa mère et à ses frères. Le corps de sainte Eugénie est aujourd'hui vénéré dans l'Église des Saints-Apôtres.
Sainte Eugénie de Rome, vierge et martyre vers l`an 257 dans les persécutions antichrétiennes de l`empereur romain païen Valérien.
Oublierons-nous maintenant l'humble et courageuse diaconesse Martine? Eugénie était fille d'un préfet de l'Égypte; Martine avait pour père un consul, et elle était douée de tous les biens qui séduisent; mais ses trésors furent pour les pauvres, sa beauté pour Dieu, et son cœur pour tous ceux qui vivaient dans les larmes. De tels exemples étaient une constante prédication, et le paganisme s'en effraya. On s'empare donc de Martine, on la flagelle, on la déchire avec des ongles de fer, puis elle est exposée sanglante dans l'amphithéâtre, mais les lions viennent lui lécher les pieds comme à sainte Prisca et à sainte Tatienne.
Sainte Martine de Rome, vierge et martyre
Église Saint Luc et Sainte Martine de Rome
On la jette sur un bûcher, mais les flammes sont impuissantes sur elle comme l'ont été sur Cécile les vapeurs de l'étuve. Les bourreaux, interdits, se convertissent et confessent à leur tour la foi dans les supplices. Quant à Martine, elle finit par expirer sous le glaive, et monta au ciel entourée de martyrs. « La ville trembla, disent les Actes, et un grand nombre d'adorateurs des idoles se rendirent à Jésus-Christ. » L'église de Sainte-Martine, reconstruite avec luxe par Urbain VIII, sur l'emplacement du temple de Mars, au pied du Capitole.
La liste des généreux athlètes du troisième siècle serait encore longue ; qu'il nous suffise de citer les plus célèbres : le diacre Laurent surtout, le savant évêque Hippolyte, et le chef de la première compagnie des gardes prétoriennes, Sébastien. Le pape Sixte II ayant été arrêté avec une partie de son clergé, Laurent s'approcha de lui : « Mon père, lui dit-il, où allez-vous sans votre fils ? en quoi vous ai-je déplu ? vous n'avez pas coutume d'offrir de sacrifice sans ministres. — Mon fils, un plus grand combat vous est réservé, répondit le pontife, vous me suivrez dans trois jours. »
Le diacre St-Laurent cherchant à protéger le Pape Sixte II arrêté par des légionnaires romains lors des persécutions antichrétiennes de l’empereur romain païen Valérien vers 258 Ap J.C.
Or, il arriva que le préfet de Rome, voulant s'emparer des richesses que l'on supposait aux chrétiens, fit venir Laurent, le premier des diacres. « Montrez-moi, lui dit-il, les trésors de votre église, les vases d'or, les coupes d'argent dans lesquelles elle reçoit le sang de la victime, les magnifiques chandeliers qui éclairent vos cérémonies nocturnes. — Oui, notre église a de grands trésors, répondit Laurent, de plus grands que ceux de l'empereur, vous les verrez !» Et le saint diacre appelle, rassemble les pauvres nourris des aumônes des fidèles, les aveugles, les boiteux, les malades dirigés, soutenus, consolés avec une charité toute fraternelle; et l'âme, pleine d'une pieuse joie : « Venez, dit-il au païen, venez voir les richesses de notre Dieu ! »
Saint-Laurent de Rome martyr en 258 Ap J.C.
Le païen s'irrite, il menace. « Eh quoi ! s'écrie Laurent, ne valent-ils pas mieux que de l'or, ces infortunés recueillis par une bienfaisance secourable et éclairés de la lumière divine? Profitez de ces richesses pour Rome, pour l'empereur et pour vous. » Alors commença le drame sanglant qu'ont immortalisé les actes des saints et les chefs-d'oeuvre des artistes. C'était, si l'on en croit la tradition, au sommet du Viminal, dans une noire prison, au lieu même où s'élève aujourd'hui Saint-Laurent in Panisperna. Le corps du martyr fut déchiré à coups de fouet, puis exposé sur un gril rouge. Or, pendant que sa chair brûlait, sa figure était rayonnante et le théâtre du supplice comme embaumé de parfums ; il priait pour la conversion et le bonheur de Rome, et il pria jusqu'au bout, (10 août 258 ap J.C.).
Le Martyr du diacre Saint-Laurent en 258 Ap J.C.
Ses reliques, enlevées par les chrétiens, furent portées hors de la ville et enterrées sur le chemin de Tibur, dans une crypte appartenant à une sainte femme nommée Cyriaca. C'est sur cette crypte, dans une petite vallée entourée de collines et connue sous le nom à Ager Veranus, que fut élevée, au quatrième siècle, la basilique patriarcale de Saint-Laurent.
Note: II y a six églises à Rome dédiées à saint Laurent : Saint-Laurent hors des murs, qui est une des sept grandes basiliques romaines; Saint-Laurent in Damaso, au palais de la chancellerie ; Saint-Laurent in Lucina, près du Corso. On y voit encore le gril du martyre ; Saint-Laurent in Miranda, derrière les colonnes du temple d'Antonin et Faustine; Saint-Laurent in Fonte, sur le Viminal, érigée à la place où le saint diacre baptisa son gardien saint Hippolyte, ainsi que toute sa maison; et Saint-Laurent in Panisperna, où il souffrit la mort.
Basilique San Lorenzo in Lucina de Rome consacrée au diacre et martyr Saint-Laurent
Sainte Cyriaque, qui recueillit les restes de saint Laurent, était une pieuse veuve adonnée depuis longtemps à toutes les œuvres de la charité chrétienne. Elle habitait la partie du Coelius qui est occupée aujourd'hui par l'église de Sainte-Marie in Dominica, et la veille encore de son martyre, saint Laurent distribuait chez elle aux pauvres de Rome les trésors de l'Église.
Église de San Lorenzo in Panisperna a Rome sur le lieu de la prison ou le diacre St-Laurent souffrit son martyr
Le zèle des femmes à trouver les dépouilles des saints continue d'être, on le voit, un des traits distinctifs de leur piété et de leur caractère; elles sur montent tous les obstacles, elles bravent tous les périls pour leur rendre les honneurs funèbres, et, le plus souvent, c'est chez elles, dans leurs vignes, dans leurs jardins, qu'elles leur creusent un dernier asile, qui finira par devenir une catacombe. Ainsi fit sainte Lucine pour saint Paul, sainte Priscille pour les premiers martyrs de Néron, sainte Plautille pour les deux courageuses sœurs Rufine et Seconde. Ainsi faisaient Eugénie, Irène, Eusébie et tant d'autres nobles chrétiennes dont les noms reviennent sans cesse dans l'histoire : Félicité, qui recueillit les ossements à demi consumés de saint Marius et de son héroïque famille; Florence, qui ensevelit avec les plus grands honneurs les martyrs Vite, Modeste et Crescentia ; Octavilla, qui rendit les mêmes devoirs à l'enfant-martyr saint Pancrace; et cette seconde Lucine, dont le nom reviendra plus d'une fois dans nos récits, qui disputa à sainte Cyriaque l'honneur de posséder le corps de saint Laurent, et consacra au grand martyr un sanctuaire au centre même de Rome (San-Lorenzo in Lucina).
Sainte Cyriaque suivit de près saint Laurent dans la crypte de l'Ager Veranus, et elle y arriva, comme lui, par la voie sanglante du martyre ; puis toute une légion de saints l'y suivit à son tour. Aussi venait-on de toutes parts en pèlerinage à cette grotte funèbre, et, quelque large qu'en fût l'ouverture (ampla fauce), elle devenait étroite, nous dit Prudence, sous la pression de la foule.
Parmi les martyrs qui furent déposés en ce lieu saint, l'histoire cite Hippolyte, évêque de Porto; c'était un homme savant, élève de saint Irénée, maître d'Origène ; l'énergie de sa foi lui valut la mort. Il fut précipité, pieds et mains liés, dans un gouffre (22 août 269 Ap J.C.). Quelques années auparavant (255 Ap J.C.), un autre Hippolyte, un prêtre, un vieillard, avait été attaché par les pieds à des chevaux sauvages, en souvenir de la mort du fils de Thésée : l'ironie se mêlait au supplice.
Saint Hippolyte de Porto avait composé un cycle pascal qui était demeuré célèbre. Ce cycle, longtemps perdu, fut découvert en 1551, avec la statue du saint, dans les ruines d'un oratoire qui avait été édifié sur sa sépulture. Il était gravé en caractères grecs sur la chaire pontificale dans laquelle le vénérable évêque était représenté assis. La période de ce cycle était de seize ans et commençait à la première année du règne d'Alexandre Sévère. D'un côté, il déterminait les lunes de mars; de l'autre, les dimanches de Pâques. Répété sept fois, il embrassait dans ses calculs un espace de cent douze ans. La statue de saint Hippolyte avec son cycle, curieux monument de la primitive Église, se voit aujourd'hui à la bibliothèque du Vatican.
Nous venons de parcourir quelques-unes des légendes romaines du troisième siècle; eh bien! je le demande ; à ne les considérer que d'un point de vue tout humain, en pourrait-on concevoir où la morale se revêtit de formes plus touchantes et plus sublimes? Quoi de plus simple et de plus naïf que ces récits? Leur vérité, à défaut d'autres preuves, ne serait-elle pas démontrée par leur ingénuité même? C'était la vertu et le courage se mettant à la portée de tous, rejetant les poses théâtrales et les périodes emphatiques, mais ne dissimulant rien, n'exagérant rien, enveloppant les plus terribles souffrances, les épreuves les plus ardues, d'un nuage de confiance en Dieu et de sainte espérance, qui en faisait disparaître l'horreur.
A travers les chevalets et les ongles de fer on voit toujours le ciel; au milieu des insultes des bourreaux on entend toujours le cri de Tertullien : Vous nous condamnez, Dieu nous absout.
Les soldats des armées, les vétérans des légions romaines avaient l'exemple de Maurice et de ses compagnons, et celui de saint Sébastien, de cet enfant des Gaules qui portait un cœur d'apôtre sous le costume de la garde prétorienne. Pénétrer dans les cachots, secourir les confesseurs, convertir leurs geôliers, telles furent longtemps sa mission et ses œuvres.
Saint-Maurice et ses compagnons légionnaires chrétiens, martyrs pour avoir refusé de persécuter des chrétiens sur l`ordre de l`empereur païen Maximien vers 286 Ap J.C.
Le massacre de la Légion Thébaine (auxiliaire) a eu lieu en Suisse actuelle près de Maurice en Valais
Soixante-huit personnes furent en un jour présentées au baptême par Sébastien. De si nombreuses conquêtes accomplies tout autour de Dioclétien, dans ses tribunaux, dans son palais, ne pouvaient manquer de trahir le nom du jeune capitaine du prétoire. L`empereur Dioclétien lui reproche son ingratitude. « J'ai compris, lui répond Sébastien, quelle folie il y avait à prier des pierres, et, nuit et jour, j'ai adoré le Christ, le Dieu qui est au ciel, pour votre salut et celui de l'empire. » Et Dioclétien le livre aux archers de Mauritanie, qui l'attachent à une colonne et le percent de flèches.
Saint Sébastien, légionnaire de la Garde prétorienne exécuté pour avoir refusé d`abjurer sa foi chrétienne
Sébastien cependant respirait encore lorsqu'il fut recueilli par Irène, la pieuse veuve de Castule, de cet intendant des étuves de l'empereur, dont la demeure fut quelque temps le refuge des chrétiens, et qui, depuis lors, avait été enterré vivant pour prix de son courage. Irène panse les blessures du martyr, et le rend à la vie. Sébastien se présente alors devant Dioclétien, et cherche à lui faire sentir l'injustice de ses arrêts contre des malheureux qui prient pour lui. Pour toute réponse Dioclétien le fait assommer dans
l'hippodrome ; et, afin qu'il ne reste aucun vestige de son corps, il le fait jeter dans un cloaque. Sainte Lutine l'en retira néanmoins, et le transporta aux catacombes (an 288 Ap J.C.).
Deux églises ont été consacrées à Rome au souvenir de saint Sébastien. San-Sebastiano alla Polveriera, sur le Palatin, marque le lieu de son supplice, et San-Sebastiano-alle-Catacombe, sur la voie d'Ostie, celui de sa sépulture.
Église de Saint-Sébastien-des-Catacombes a Rome
Reportons-nous cependant au sein de la société chrétienne : à côté de ces grands exemples qui parlaient aux âmes fortes, il y en avait d'autres non moins grands qui s'adressaient aux âmes faibles, languissantes, regrettant les plaisirs enivrants de leur vie passée et doutant de la grâce divine. A celles-là on parlait d'Aglaé et de Boniface ; d'Aglaé la grande dame, mulier magna, qui avait des palais, des villas, soixante-quatorze intendants pour ses domaines, et qui, dans sa magnificence, avait trois fois donné des jeux au peuple. Belle et adorée, Aglaé ne voyait de la vie que ses délices ; et pourtant elle n'était pas toujours sans crainte pour l'avenir. Boniface, de son côté, le chef de ses intendants, le complice de ses plaisirs, avait plusieurs des qualités d'un cœur droit : l'hospitalité surtout, la générosité et la miséricorde.
Il était toujours prompt à recueillir les étrangers, et la nuit même quelquefois il s'en allait par les rues et les carrefours de Rome à la recherche des malheureux. Or, un jour, Aglaé dit à Boniface : « Tu vois dans quelles hontes nous sommes plongés, sans prendre garde que Dieu nous voit, et que nous lui rendrons compte de tout le mal commis par nous en ce monde. J'ai ouï dire toutefois à des chrétiens que ceux qui rendent honneur aux martyrs de Jésus-Christ auront part un jour à leur gloire. Prends donc de l'or et des parfums, et va me chercher de leurs reliques. — Mais si, au lieu de leurs reliques, on vous apporte des miennes, reprit alors Boniface, du moins ne les refusez pas. »
Sainte Aglaé était une riche dame romaine avec des palais, des villas, 74 intendants pour ses domaines. En devenant chrétienne, elle vend son patrimoine et affranchi ses esclaves pour servir l`Église et les pauvres de Rome. Son intendant Boniface devint un martyr pour la Foi chrétienne.
Aglaé répondit par le sarcasme à l'ironie de son serviteur, et Boniface partit, et il fut touché de la grâce et il souffrit pour Dieu (an 290 Ap J.C.). Une voix d'en haut l'apprit, à Aglaé. Aussitôt elle rassemble des prêtres, et marche avec eux, au chant des hymnes et avec grand respect, au-devant du corps sanctifié qu'on lui rapporte. Elle le rencontra à cinq stades de Rome sur la voie Latine (625 pas), et l'y déposa dans une crypte sur laquelle elle édifia un oratoire digne de son martyre (dignum passione ejus).
Et Aglaé renonça à ses Mens, à ses palais, à ses parures. Ses esclaves furent affranchis, ses trésors abandonnés aux pauvres, et la voluptueuse Romaine, la fille du proconsul Arsace, ne fut plus que la servante de Jésus-Christ. Elle vécut ainsi treize ans, et mourut entourée de toutes les manifestations de la grâce divine.
Sainte Agnès de Rome, vierge et martyre a 13 ans vers l`an 304 Ap J.C. lors des persécutions antichrétiennes de l`empereur romain païen Dioclétien
Le cirque Agonal de l`empereur Domitien était un lieu pour les compétitions athlétiques.
Quant aux vierges, aux enfants, n'avaient-ils pas l'exemple de Pancrace et d'Agnès? n'avaient-ils pas vu Agnès, jeune fille pure comme Cécile, menée au cirque Agonal, aujourd'hui place Navone, et là, menacée, injuriée, outragée ? Rien n'altère la sérénité de son front blanc et impassible ; on va la conduire dans un lieu de débauche, sous les arcades du cirque, et elle ne tremble pas, elle ne rougit pas, elle si chaste, elle dont une seule pensée, une seule image honteuse eût épouvanté la candeur ! Mais un ange la protège sans doute comme Cécile, comme toutes les vierges, ces âmes privilégiées qui s'isolent, se privent d'appui ici-bas, pour trouver plus d'aide, plus d'amour au ciel.
Sainte Agnès est exposée dans un lieu de débauche mais sa pudeur est protégée par un ange du Seigneur alors que ses cheveux s`allongent pour la couvrir.
Je suis descendu dans le lieu infâme où fut exposée Agnès. Ses voûtes d'une antique architecture, ses vieilles mosaïques y rappellent la scène dont il fut le théâtre plus vivement encore que le bas-relief de l'Algarde qui est placé sur l'autel. Voyez-vous cette infortunée conduite par deux soldats? Les habitantes de ce vil repaire l'accueillent par des risées obscènes. C'est chose étrange, en effet, pour elles, chose ridicule que cette réserve, cette modestie angélique ! Elles veulent dépouiller Agnès, mais ses cheveux croissant aussitôt l'inondent de toutes parts et servent de rempart à sa pudeur. Le fils du préfet de Rome ose la fixer d'un regard impur, mais il tombe mort sur la place. Oh ! c'est alors qu'il faut voir le préfet lui-même, le persécuteur, le bourreau d'Agnès s'humilier aux pieds de sa victime et réclamer son fils. La victime joint les mains, lève les yeux au ciel, et le jeune homme renaît à la lumière. Mais elle ? elle a assez combattu ; elle soupire après la couronne que lui tressent les séraphins et les archanges : pourquoi eût-elle attendu encore, pauvre exilée, lorsque le tranchant du glaive pouvait en un clin d'œil la rendre à sa patrie?
Église de Sainte-Agnès in Agone a Rome sur le lieu de l`ancien cirque agonal de Domitien
Les parents d'Agnès emportèrent son corps avec toute joie, pour parler comme les Actes de son martyre, et le déposèrent dans un de leurs domaines, sur la voie Nomentane. Cependant Agnès avait une soeur de lait, nommée Émérentienne, qui n'avait pas encore reçu le baptême. Les païens la surprirent au tombeau de sa sœur ; ils voulurent lui faire renier Dieu; et ne pouvant y parvenir, ils la lapidèrent sur la tombe même.
Sainte-Émérentienne, la soeur de Sainte Agnès est lapidée par les païens sur le tombeau de sa soeur en 304 Ap J.C.
Note : II y a deux églises dédiées à sainte Agnès, à Rome : Sainte Agnès de la place Navone, où l'on voit le lieu dans lequel elle fut exposée, et Sainte-Agnès hors des murs, construite à l'endroit où fut déposé son corps. Le martyre de sainte Agnès est du 21 janvier 304. Nous n'en parlons dans ce chapitre qu'afin de compléter le tableau des persécutions de Dioclétien
L`empereur romain païen Dioclétien règne de l`an 284 à 305 Ap J.C. et lance une violente persécution contre les chrétiens
TROISIÈME SIÈCLE.
Les premières années du troisième siècle virent paraître deux ouvrages qui font époque dans l'histoire ecclésiastique, l'Apologétique de Tertullien et son livre des Prescriptions. C'était la défense du Christianisme s'élevant jusqu'à l'éloquence la plus vive et la plus abondante contre les calomnies des païens, et jusqu'à la dialectique la plus dominante et la plus serrée contre les arguments des hérétiques.
Voilà donc ce qu'étaient devenus ces gens sans connaissance des arts, sans nulle teinture des lettres, cette lie du peuple, comme parle Cécilius dans le dialogue de Minutius Félix ! Au premier siècle, ce sont les âmes simples, les cœurs humbles et droits qui sont préférablement appelés de Dieu ; au second, saint Justin et Clément d'Alexandrie ne craignent pas d'abaisser au pied de la croix leur orgueil philosophique.
Mais au troisième, la Propagande chrétienne finit par s'emparer de tout ce qu'il y a de grand, de noble, de puissant par l'intelligence. Au second siècle, les païens s'enorgueillissaient encore d'Epictète, de Favorin, de Celse, de Plutarque; mais au troisième, on ne vit plus parmi eux que des historiens obscurs, des poètes sans verve, des philosophes sans crédit, tels que Plotin et Porphyre. C'est une dégénération complète ; la société tombe énervée dans la crapule. Ne lui demandez plus rien qui exige de la force et du caractère ; elle n'a plus de force que pour rire d'un rire convulsif dans les orgies, de caractère que pour hurler encore : Les chrétiens aux bêtes !
Alors aussi s'agrandit et paraît plus au jour la famille chrétienne. Quels hommes que ceux qu'elle produit ou qu'elle soumet à ses croyances ! Tertullien, Origène, saint Hippolyte, saint Denis d'Alexandrie, saint Grégoire Thaumaturge, saint Cyprien surtout! Quelle réunion de génies ardents et forts ! comme l'entraînement se trouve uni en eux à la science, la hauteur de volonté à la plus inaltérable modestie ! C'est bien de ces hommes, de saint Cyprien, par exemple, que l'on pouvait dire que le zèle de la maison de Dieu les dévorait.
Saint Cyprien de Carthage (200 à 258 Ap J.C.) - Évêque de Carthage. Il vivait dans les provinces romaines d`Afrique du Nord en Tunisie actuelle. Il a été exécuté dans les persécutions antichrétiennes de l`empereur romain Valérien.
Il ne paraît pas que saint Cyprien soit jamais venu à Rome ; mais il écrivit plusieurs fois au clergé de cette ville et au souverain pontife. Tertullien et Origène (Égypte)demeurèrent également fidèles à l'Afrique ; et les rapports du premier avec Rome eurent de bien fâcheux résultats, s'il est vrai, comme l'affirme saint Jérôme, que l'envie et les mauvais traitements des clercs romains contribuèrent à le précipiter dans l'hérésie. Mais si les passions humaines altérèrent parfois la ferveur du clergé de Rome, elles ne parvenaient pas du moins jusqu'au trône du successeur de Pierre.
La papauté était le premier degré de l'échafaud, et l'on ne voyait dans le courageux accomplissement des devoirs qu'elle impose, qu'une sainte préparation au martyre. — « Un évêque attaché à l'Évangile, écrivait le pape saint Corneille, peut être tué, mais non vaincu, » — et la preuve en est partout à cette époque.
Saint Calixte, saint Urbain, saint Pontien, saint Anthéros, saint Fabien, saint Etienne, saint Félix confessèrent hautement l'Évangile au milieu des supplices; saint Corneille fut décapité près du temple de Mars ; saint Luce fut exilé, puis décapité ; saint Sixte II ( Pape) fut arrêté au moment où il célébrait le saint sacrifice au cimetière de Calixte, et martyrisé avec cinq diacres ; saint Caïus n'échappa pendant quelque temps aux troupes de Dioclétien, qu'en se réfugiant dans les catacombes; saint Marcellin scella sa foi de son sang.
Urbain Ier (Pape) est, selon la tradition catholique, élu évêque de Rome en 222 Ap J.C. pour succéder à Calixte Ier, qui était mort défenestré lors d'une émeute dirigée contre les Chrétiens.
Les empereurs supportaient beaucoup plus patiemment, suivant l'expression de saint Cyprien, l'annonce d'une compétition et d'une révolte que celle de l'établissement d'un évêque de Dieu à Rome. Et c'est cependant à cette époque qu'on doit reporter l'édification des premières églises. Nous avons vu que jusque-là les chrétiens s'assemblaient dans des maisons particulières ou dans les catacombes ; et l'oratoire édifié par saint Anaclet au Vatican, n'était, à vrai dire, qu'une crypte dans laquelle on venait prier. Mais la paix dont jouirent les disciples de la loi nouvelle durant les dernières années du second siècle, leur nombre qui s'augmentait, qui comprenait déjà des sénateurs, des magistrats, des consuls ; leur foi, leur confiance dans l'avenir leur donnèrent le courage d'élever, à la clarté du soleil, des basiliques pour leurs sacrifices.
Ainsi nous apprenons par Origène que, lors de la persécution de Maximin en 236, plusieurs basiliques furent brûlées. On compta même jusqu'à vingt-cinq églises à Rome, sous le règne d'Alexandre Sévère, (vers 222 Ap J.C.) et le pape Urbain put donner une patène d'argent à chacune d'elles. La plus ancienne de ces églises est Sainte-Marie Trans-Tiberim, (Santa Maria in Trastevere) érigée en 224 par le pape saint Calixte sur l'emplacement et peut-être même dans le local abandonné de la Taberna meritoria, hôtel des invalides des armées romaines. Une tradition religieuse s'attachait à ce lieu. On racontait qu'au moment de la naissance de Jésus-Christ, une source d'huile y jaillit de terre et se répandit pendant tout un jour dans le Tibre.
Basilique de Santa Maria in Trastevere érigée en l`an 224 Ap J.C. par le pape saint Calixte
Basilique de Santa Maria in Trastevere
Les chrétiens acquirent ce lieu consacré et le dédièrent à la Mère de Dieu. Mais les taverniers de Rome le réclamèrent et portèrent leurs plaintes à l'empereur. « J'aime mieux, répondit Alexandre Sévère, que Dieu soit honoré en ce lieu d'une manière quelconque, que de le livrer à des marchands de vin. » L'église de Sainte-Marie Trans-Tiberim (Santa Maria in Trastevere) a été rebâtie, au quatrième siècle, avec des débris antiques. Le pape saint Jules y fit réunir alors des colonnes et des chapitaux, qui malheureusement n'offrent ni les mêmes proportions ni le même style ; mais la disposition du moins en fut grande et majestueuse.
Mosaïque romaine de la Basilique de Santa Maria in Trastevere
Restaurée en l`an 1139, enrichie successivement de mosaïques curieuses, de peintures du Dominiquin et d'un brillant portique, elle est somptueuse aujourd'hui et éclatante comme toutes les églises romaines ; mais ce que le chrétien y cherche surtout, c'est la première maison de prière dédiée à Marie dans la capitale du monde par les fidèles des vieux siècles ; c'est la chapelle vénérée où sainte Cécile et sainte Françoise aimèrent si souvent à venir s'agenouiller aux pieds de celle qui releva leur sexe, et lui légua, comme un modèle, sa vie toute de pudeur et d'amour.
Église San Calisto de Rome sur le lieu ou le Pape Saint Calixte fut jeté dans un puit par des soldats romains en l`an 222 Ap J.C.
Près de cette église en est une autre dédiée au fondateur de Sainte-Marie ( Église San Calisto), le pape saint Calixte. C'était la maison d'un soldat romain, dans laquelle le pontife se réfugia lors de la persécution d'Alexandre Sévère. On y voit encore le puits où il fut jeté par ceux qui le poursuivaient. Plusieurs autres églises romaines appartiennent encore à cette époque : Sainte-Cécile in Transtevere, consacrée par Urbain Ier en 230; Saint-Pancrace, érigée en 270 par le pape Félix ; et peut-être Sainte-Prisca du mont Aventin.
Sainte Cécile de Rome – Vierge et Martyre dans les persécutions de l`empereur romain païen Maximin vers l`an 230 Ap J.C.
Sainte Cécile vivait au commencement du troisième siècle. Elle appartenait à une famille dont le nom était lié aux plus beaux souvenirs de Rome, depuis Caïa Coecilla Tanaquil, l'illustre épouse du premier Tarquin, jusqu'à ces Coecilius Metellus qui avaient conquis les titres de Macédonique, Baléarique, Crétique, Numidique, etc. Convertie au Christianisme, mais vivant dans une maison païenne, Cécile allait de nuit aux assemblées des fidèles et consacrait ses jours à chanter dans la solitude les louanges du bien-aimé de son cœur. Une petite chapelle a été édifiée dans le quartier du Champ-de-Mars, au lieu où elle passa ainsi son enfance. On y lit cette inscription : Haec est domus in qua orabat sancta Cecilia (C'est ici la maison où priait sainte Cécile). Cette chapelle est vulgairement connue sous le nom du Divin Amour (Il Divino Amore).
Purcell - Ode au courage de St. Cécile
Cependant le père de Cécile avait résolu de la marier, car un païen pouvait-il supposer que sa fille voulût demeurer vierge? La virginité, pour toute personne autre que les vestales, emportait avec elle une certaine idée de honte, et il fallait toute l'élévation des idées chrétiennes pour la comprendre et l'admirer. Le mariage se conclut donc, on le célèbre avec de grandes fêtes, et Cécile se laisse conduire triste et silencieuse comme l'Agneau devant celui qui le tond. Quelque péril que semble courir sa pudeur, elle va où on la mène, car elle a foi dans celui qui n'abandonne pas ceux qui espèrent.
Maintenant qui pourrait dire cette scène touchante entre la jeune épouse timide, mais aussi forte et douce qu'elle est pure, et l'époux ivre de joie qui lui a été donné ? Il n'y a que le christianisme pour nous offrir de ces tableaux d'une pureté inénarrable, pour faire naître dans nos âmes de ces émotions ravissantes qui sont pour nous comme une vision du ciel. Qui peut dire ce qui se passa dans le cœur de ce jeune homme païen, sensuel, ayant sa grande part des passions qui nous agitent, à la révélation de cette pensée étrange, de ce culte immatériel ; à ces paroles d'une entraînante douceur qui le supplient, qui le conjurent de respecter des membres consacrés, et de vivre comme un ange près d'un ange, dans l'intimité de la confiance et de la vertu ? Le jeune homme se révolte, il s'irrite, il reproche; mais il y a dans la voix de son épouse comme un charme qui le domine ; elle est d'ailleurs sous la garde d'un esprit céleste et elle ne craint rien.
« Faites donc que je voie cet esprit qui vous protège», s'écrie Valérianus. — Il est un vieillard qui purifie les hommes, répond Cécile, et les rend dignes de voir l'ange de Dieu. — Où le trouverai-je ? demande Valérien.
«Sors de la ville par la voie Appienne, reprend Cécile, marche jusqu'à la troisième borne ; là, tu trouveras des pauvres demandant aux passants le secours de leurs aumônes; j'ai toujours eu pour eux une grande sollicitude ; aussi sont-ils à bon droit les dépositaires de mon secret. Lorsque tu les verras, tu leur donneras ma bénédiction : — Cécile m'envoie vers vous, diras-tu, afin que vous me fassiez voir le saint vieillard Urbain. — Puis, quand tu seras en présence du vieillard, rapporte-lui mes paroles ; il te purifiera, te revêtira d'habillements nouveaux de couleur blanche, et, lorsque, ainsi vêtu, tu reviendras dans cette chambre, tu verras le saint ange qui veille sur moi; il sera devenu également ton ami et tu obtiendras de lui tout ce que tu lui demanderas. »
La voie Appienne conduisait aux catacombes. C'était en effet dans ces souterrains ou près d'eux que les pontifes du troisième siècle se retiraient le plus souvent pour instruire et baptiser les catéchumènes. Les pauvres qui veillaient sur la route nous indiquent d'ailleurs tout le mystère dont ils étaient réduits à s'entourer. Valérien suivit les conseils de Cécile, et les prières du pontife firent d'un lion impétueux le plus doux des agneaux. Revêtu presque aussitôt de la tunique blanche, le néophyte revient vers la chambre nuptiale, et qu'y voit-il ? Cécile en prière et l'ange de Dieu tenant deux couronnes entrelacées de lis et de roses, la couleur de la chasteté et celle du martyre !
Sainte Cécile et les Saint-Anges
L'une des couronnes était pour lui, l'autre était pour elle. Le frère de Valérien, Tiburce entre alors dans la chambre. — « Qu'est-ce ? dit-il, ce lieu est embaumé du parfum des fleurs, pendant que la saison est encore froide et que nulle part la nature n'est épanouie ? D'où vient cette odeur enivrante ! » — Valérien lui révèle alors son bonheur et Tiburce abjure à son tour le culte des idoles. Les deux nouveaux chrétiens vécurent dans la société de Cécile comme des frères, priant et faisant le bien, jusqu'au moment où ils furent appelés au ciel par la voie sanglante du martyre.
Cécile leur survécut peu de jours, mais pendant ce peu de jours, sa demeure fut, en quelque sorte, comme le centre de Rome chrétienne. Le pape Urbain y fixa sa résidence et y baptisa plus de quatre cents néophytes. Ce fut enfin sous ce même toit que la pieuse vierge subit la mort. Le préfet Almachius avait donné l'ordre de l'étouffer à l'aide de la vapeur, dans la salle de bain de son palais. Pendant trois jours Cécile dut respirer cette atmosphère brûlante et elle ne mourut pas. On eût dit qu'une rosée la rafraîchissait comme les enfants dans la fournaise, car on ne remarquait pas même de sueur sur son visage. De dépit, Almachius donna l'ordre de lui trancher la tête ; mais, après avoir reçu trois coups, Cécile vivait encore. Elle était étendue à terre, baignée dans son sang. Le licteur avait pris la fuite, et les fidèles l'entouraient avec respect. Le pape Urbain vint à son tour; il trouva Cécile souriant aux pauvres et aux néophytes. — « J'ai demandé au Seigneur, lui dit-elle, un délai de trois jours afin de remettre à votre béatitude ces pauvres que j'ai nourris et cette maison que j'ai habitée qu'elle soit à jamais consacrée en église »
Sainte Cécile de Rome – Vierge et Martyre dans les persécutions de l`empereur romain païen Maximin vers l`an 230 Ap J.C.
L'église de Sainte-Cécile a été rebâtie, en 818, par saint Pascal. On y transporta alors, des catacombes de Calixte, les corps des trois bienheureux. Cette église est noble et élégante ; mais le beau portique qui la précède, la riche châsse d'argent dans laquelle reposent les dépouilles mortelles de Cécile, le pavé d'albâtre sur lequel elle est placée, le jaspe, l'agate, les pierres orientales qui la décorent, les quatre-vingt-dix lampes qui brûlent perpétuellement devant elle, tout ce luxe est peu de chose près des pieux souvenirs qui s'attachent à ce lieu vénéré. On voit encore, près de la première chapelle, à main droite, la chambre de bain où le préfet de Rome voulut faire étouffer la jeune vierge, et où elle reçut la mort. Le tuyau de plomb qui portait les eaux et les tuyaux de briques qui répandaient de brûlantes vapeurs dans l'étuve, existent toujours : précieuses antiquités qui élèvent l'âme par des pensées de vertu et de courage, au lieu de l'abaisser, comme tant d'autres, par des idées de plaisir; de débauche, ou d'une grandeur fastueuse et oppressive.
Église Sainte-Cécile-du-Trastevere
Quelques éléments restant de l`ancienne maison romaine de Sainte-Cécile
Saint Pancrace était un jeune Romain qui, à l'âge de quatorze ans, confessa la foi et souffrit le martyre. Le lieu où il fut décapité fut consacré, vers la fin du troisième siècle, par une église dédiée d'abord à saint Calepodius et placée ensuite sous son invocation. L'église actuelle conserve encore quelques-unes des dispositions de l'ancienne. On y voit aussi les deux chaires de porphyre ou ambons, dans lesquelles on lisait, aux premiers siècles, l'épître et l'évangile.
Saint Pancrace de Rome, un jeune noble romain, martyr, a quatorze ans en 304 Ap J.C. pour avoir refusé d`abjurer sa foi chrétienne sous le règne de l`empereur romain païen Dioclétien
Basilique de San Pancrazio ( Saint Pancrace) à Rome
Une chapelle souterraine a été pratiquée à l'endroit du martyre du saint, et près d'elle un escalier sombre et tortueux conduit au cimetière de Saint-Calepodius. Au nombre des premiers disciples de l'Évangile, l'Écriture cite, entre autres, un Juif et une Juive, Aquila et Priscilla son épouse. Saint Paul les appelle ses aides en Jésus-Christ; il ajoute qu'ils exposèrent pour lui leurs têtes, et il travailla avec eux à fabriquer des tentes, lorsqu'ils furent exilés de Rome.
L'habitation d'Aquila et de Priscilla se trouvait à Rome sur le mont Aventin. Saint Pierre y fut fréquemment accueilli, et il y baptisa sainte Prisca, jeune fille de treize ans, qui fut flagellée, exposée aux lions, et décapitée sous Claude. Cette sainte demeure devint une église sous le pape saint Eutychien, qui en fit la consécration en 280. Elle fut dédiée à la vierge martyre. On y voit, dans une crypte, le vase qui servait à saint Pierre pour administrer le baptême. Près de là furent autrefois le temple de Diane, centre fameux de la confédération latine, et la fontaine des Faunes, et l'antre de Cacus, et le lieu infâme consacré à la Bonne Déesse.
Sainte Prisca, vierge et martyre à Rome a l’âge de 13 ans dans les persécutions de l`empereur romain païen Claude entre l`an 41 et 54 Ap J.C.
Vers le Palatin, on aperçoit des arcades pantelantes et l'emplacement du grand cirque dont il ne reste plus que les cachots : partout des débris majestueux, d'éloquentes ruines ! Seule la petite église ne connaît point d'âge ; renouvelée, restaurée par la piété toujours fervente, plus elle a compté d'années et plus les arts se sont étudiés à la rajeunir. Donnons également un pieux souvenir à sainte Suzanne du Quirinal.
Sainte Suzanne, une femme chrétienne de la noblesse romaine, martyre. Belle et instruite, elle refuse la demande en mariage de Maximien, fils de l'empereur Dioclétien vers la fin du 3 eme siècle.
Église de Sainte Suzanne sur le Quirinal à Rome (Santa Suzanna) près des anciens thermes de Dioclétien.
Sainte Suzanne appartenait à une des plus illustres familles de Rome. Recherchée en mariage par Maximien Auguste, elle refusa de s'unir au persécuteur des chrétiens, et paya son refus de sa tête. Des partisans de Dioclétien l'égorgèrent dans la maison qu'elle habitait, et cette maison devint, le jour même, une église. Le pape saint Caïus, oncle de Suzanne, offrit, en effet, pour elle, le sacrifice de Jésus-Christ dans la chambre ensanglantée de son martyre, et y fixa une des stations des fidèles. La création de ces églises, au milieu même des persécutions, dénote une sève bien puissante dans le Christianisme. Qui ne sait d'ailleurs toutes les luttes qu'il eut à soutenir, tous les obstacles qu'il eut à vaincre dans le siècle qui commença avec Caracalla et finit avec Dioclétien ! L'hérésie, le schisme se liguaient en quelque sorte avec l'idolâtrie pour saper dans sa base une religion qui menaçait de tout dominer, comme la vérité dont elle était le symbole.
Aujourd'hui, Novat sème la discorde parmi les Églises, prêche la tolérance à Carthage et la sévérité à Rome ; plus tard Novatien se fait ordonner évêque de Rome, du vivant du pape saint Corneille, par trois évêques pris de vin et de débauche; puis Sabellius, Hiérax, Paul de Samosate, Manès, répandent sur toute la chrétienté le venin de leurs erreurs. L'un dit qu'il n'y a qu'une personne en Dieu ; un autre condamne le mariage ; un troisième ne voit en Jésus-Christ qu'un homme ; un quatrième nous place sous le joug de deux principes : l'un bon, l'autre mauvais, ainsi que l'avaient fait les dualistes de l'Orient.
L'Église demeure inébranlable au milieu de toutes ces attaques ; mais une autre plaie commençait dès lors à la ronger : c'était le relâchement et la tiédeur, enfants du doute et de la mollesse, qui font trembler tour à tour devant la foi et devant le monde, rendent capables du bien sans vertu et du mal sans vice. Ainsi les prières communes étaient moins suivies, on voyait des confesseurs eux-mêmes donner l'exemple de l'attachement aux biens terrestres et d'une vie sensuelle. Enfin, dans les persécutions d'Alexandre Sévère, de Maximin, de Dèce, de Dioclétien, il y eut de nombreuses et désolantes apostasies.
Alors on institua des peines plus rigoureuses pour des fautes auparavant presque inconnues, et des conciles de Carthage et de Rome, tenus en 251, dressèrent une nouvelle série de canons pénitentiaux. Ceux qui voulaient faire pénitence se présentaient le premier jour du carême sur le seuil de l'église, en habits pauvres et déchirés ; le prêtre leur répandait de la cendre sur la tête et leur donnait un cilice, puis les portes étaient fermées devant eux. Ils devaient alors consumer leur vie dans les gémissements et dans les larmes ; seulement aux jours de fête ils venaient à l'église, écoutaient les sermons et les lectures, mais sortaient avant la prière.
Lorsqu'il y avait déjà plusieurs années qu'ils subissaient la pénitence, on leur permettait de prier avec les fidèles, mais la face contre terre et seulement avant le sacrifice; plus tard ils pouvaient prier debout, mais devaient se retirer à l'offertoire. Enfin, lorsque la peine avait été accomplie dans toute son étendue, ou diminuée par l'autorisation des martyrs, des confesseurs ou des évêques, le réconcilié se présentait en habit de suppliant ; on le faisait entrer au milieu de ses frères, et il recevait l'absolution solennelle.
La pénitence était de deux ans pour le vol, de onze pour le parjure, de quinze pour l'adultère, de vingt pour l'homicide et de toute la vie pour l'apostasie. La pénitence était également de toute la vie dans quelques églises, pour l'homicide et l'adultère. On alla même jusqu'à refuser l'Eucharistie, à l'heure de la mort, aux apostats ; mais les conciles de Carthage et de Rome mitigèrent à cet égard la rigueur de la discipline, et ne privèrent d'aucune des consolations spirituelles le moribond qui avait longtemps gémi.
Cependant à côté de quelques défaillances se multipliaient les conversions, et le sang des martyrs semait les chrétiens, suivant une belle expression liturgique. La famille impériale elle-même se laissait atteindre par la foi. Nous avons entendu, dès le premier siècle, saint Paul parler des chrétiens de la maison de César. Quels étaient cependant ces fidèles égarés chez Néron ?
Saint Chrysostôme mentionne un échanson et une concubine de l'empereur, qui auraient été convertis par le grand apôtre, ce qui fut, dit-il, une des causes de sa mort. Les Actes des martyrs citent, de leur côté, saint Tropez et saint Évellius comme ayant rempli des fonctions domestiques dans le palais de Néron.
Saint Tropez, officier chrétien d`une famille patricienne de Pise, chef de la garde du palais de Néron à Rome et martyr vers l`an 64 Ap J.C.
Mais, vingt ans après, ce ne sont plus seulement de pauvres esclaves attachés au service ou aux voluptés impériales, qui cèdent à la grâce ; c'est Flavius Clémens, cousin de Domitien ; ce sont les deux Flavia Domitilla, ses parentes. Un siècle après, Septime Sévère recueille chez lui un chrétien du nom de Proculus qui l'avait guéri d'une maladie avec l'huile sainte. (Tertullien, ad Scapulam.) Mammée, mère de l`empereur Alexandre Sévère, était, dit-on, chrétienne; Séréna Augusta, femme de l`empereur Dioclétien, l'était également, et, comme les Lucine, les Praxède, les Plautille, elle recueillait pieusement les restes des martyrs. Ainsi, lorsque sainte Suzanne eut été mise à mort dans sa maison du Quirinal, Séréna, nous disent les Actes, « se rendit pleine de joie, pendant la nuit, au lieu du supplice. Elle enleva le corps inanimé, et imbiba son voile du sang qui était répandu à terre. Ayant ensuite placé le voile dans une cassette d'argent, elle ne cessait de répandre, jour et nuit, devant le pieux trésor, ses furtives prières. Quant au corps de la vierge, Séréna le parfuma elle-même d'aromates, l'enveloppa de linges, et le déposa dans le cimetière d'Alexandre. » Or, tandis qu'elle remplissait ces pieux offices de la charité chrétienne, l`empereur Dioclétien, son terrible époux, dictait fièrement ces inscriptions dans lesquelles il se vante d'avoir aboli partout la superstition du Christ et étendu le culte des dieux.
On comptait à Rome, en l`an 250 ap J.C, quarante-six prêtres, sept diacres, sept sous-diacres, quarante-deux acolytes et cinquante-deux exorcistes, lecteurs et portiers. On y comptait également quinze cents personnes secourues par l'Église : veuves, pauvres ou malades. Les fonctions des diacres étaient surtout de visiter ces malheureux, de les aider, de les consoler, de leur amener des prêtres. Lorsqu'un prêtre ou un évêque était captif, on prodiguait l'argent aux geôliers pour pouvoir pénétrer dans le cachot, assister au sacrifice et emporter l'Eucharistie dans sa demeure. Alors, à défaut de table, le prêtre consacrait sur les mains des diacres.
De leur côté, les pasteurs qui étaient libres visitaient les fidèles, priaient avec eux et prenaient toute espèce de soins pour que nul ne manquât du pain des forts. A l'époque la plus funeste de la persécution de l`empereur Valérien, le lendemain du jour où le pape saint Étienne avait eu la tête tranchée dans sa chaire pontificale, au cimetière de Calixte, un acolyte, du nom de Tarsicius, sortait, à la dérobée, des catacombes, pour aller porter l'Eucharistie aux fidèles de Rome.
Déjà même il approchait de la porte Capène, lorsque des soldats l'arrêtent et veulent savoir ce qu'il a sur lui. Plutôt que de découvrir les saints mystères, Tarsicius refuse de répondre et se laisse frapper jusqu'à la mort. Vainement ensuite les soldats fouillèrent ses vêtements, ils n'y trouvèrent rien. Mais, au même moment, ils aperçoivent un grand nombre de personnes qui se glissent dans les souterrains du voisinage : c'étaient des chrétiens qui allaient célébrer en cachette les funérailles du pape Etienne. Les soldats firent leur rapport à l'empereur, et Valérien interdit l'entrée des cimetières.
L'étendue de cet ouvrage ne nous permet pas, au reste, de rappeler avec détails l'histoire de tous les martyrs qui souffrirent à Rome durant le troisième siècle, et il est pénible de ne pouvoir en présenter qu'une froide et incomplète énumération. Tantôt c'était un comédien ( Saint Genès) qui, après s'être joué longtemps des mystères chrétiens sur le théâtre, confessait tout à coup l'Évangile avec une sainte audace, et expiait par une glorieuse mort les outrages dont il s'était rendu coupable. Tantôt c'étaient de jeunes hommes ( Saint Abdon et Saint Sennen) qui passaient leurs jours à rechercher les corps des saints, à les enterrer dans leur patrimoine, et dont la charité était punie par l'exposition aux lions dans l'amphithéâtre.
Saint Genès de Rome était un acteur de théâtre qui confessa la foi chrétienne et fut exécuté pour avoir refusé de renier sa foi.
Des étrangers, des Perses, ( saint Marius- Marthe – Audifax – Abachum) vinrent à Rome pour prêter l'assistance de leurs secours aux confesseurs de la foi, et méritèrent par-là d'avoir part à leur triomphe. Le diacre Cyriaque, après avoir délivré du démon (Ange déchu) la fille de Dioclétien, fut décapité aux jardins de Salluste ; le diacre Césaire fut jeté dans la mer à Terracine, pour avoir voulu s'opposer à un sacrifice humain que les habitants de cette ville offraient à Apollon; le prêtre Marcellin et l'exorciste Pierre eurent la tête tranchée dans une sombre forêt à quelques milles de Rome.
Le diacre Saint-Césaire de Terracina martyr ( Italie) fut jeté dans la mer, par les habitants païens de la ville.
Les païens espéraient que leur sépulture y resterait inconnue ; mais le lieu en fut révélé à une sainte femme qui recueillit leurs ossements et les déposa dans la catacombe sur la voie Labicane. Un oratoire fut édifié en leur honneur sur cette catacombe, et dans la suite des âges le théâtre de leur supplice devint une ville et un siège épiscopal, sous le nom de Blanche-Forêt, Silva- Candida.
Il y avait à Rome, sous le tribunat de Claudius, deux jeunes époux, Chrysanthe et Daria, dont l'ardent prosélytisme entraînait une foule de païens aux églises chrétiennes. Chrysanthe s'adressait surtout aux hommes, Daria aux femmes. Lorsqu'ils furent saisis par les licteurs, la protection divine rendit vains, pendant longtemps, tous les efforts de leurs ennemis; les chaînes dont on liait Chrysanthe se brisaient d'elles-mêmes, le lieu de prostitution dans lequel on exposait Daria devenait un lieu de prières; si on les jetait dans de ténébreux cachots, une lumière céleste venait les y éclairer. Enfin Dieu leur permit de conquérir la palme du martyre ; ils furent lapidés comme saint Étienne. Primus et Felicianus furent délivrés de leurs fers par un ange; plus tard, ayant été repris et conduits à l'amphithéâtre, les lions vinrent leur lécher les pieds.
Sous le règne de Dioclétien, plusieurs chrétiens trouvèrent momentanément un refuge au palais impérial, chez Castule, commis aux alcôves et aux étuves de l'empereur; mais ils finirent par être trahis et subirent presque tous le martyre. Alors moururent saint Marc et saint Marcellin, dont les noms sont restés à une catacombe sur la voie d'Ardée; saint Tranquillin, saint Castule, saint Tiburce, saint Chromace : ce dernier était préfet de Rome; il avait été converti par l'infatigable charité de saint Sébastien.
Saint Marc et saint Marcellin martyrs à Rome sous l`empereur romain païen Dioclétien vers l`an 286
Les femmes furent glorieusement représentées, dans ces sanglantes hécatombes, par sainte Candide et sainte Pauline qui furent jetées vivantes dans les cryptes désertes de la voie Aurélienne; par sainte Sotère, tante de saint Ambroise, jeune fille des plus belles, valde decora, qui offrit d'elle-même son visage aux soufflets et son cou à la hache ; par sainte Rufine et sainte Seconde, deux soeurs, deux vierges qui préférèrent la mort à de brillants mariages. Le préfet sembla d'abord épargner la plus jeune : — Pourquoi l'honneur à ma sœur et à moi l'ignominie ? s'écrie alors Seconde. Ensemble nous avons confessé le Christ- Dieu, ensemble nous devons souffrir. Sainte Zoé périt pour avoir été surprise en prière aux tombeaux des Apôtres; on la tint enfermée six jours sans nourriture, puis elle fut pendue par les pieds au-dessus d'un feu de paille humide.
Sainte Rufine et sa sœur sainte Seconde; vierges et martyres par décapitation à Rome en 257 Ap J.C. pour avoir refusé de rejeter leur foi chrétienne.
Sainte Eugénie fut accusée d'avoir prêché la virginité à ses compagnes, et ce monde païen qui n'eut pas un anathème pour l'infanticide, cette Rome des consuls qui, chaque matin, offrait le spectacle hideux d'enfants nouveau-nés jetés au vélabre, s'effrayaient du nombre des vierges ! «Voici le moment de la vendange, disait sainte Eugénie, les bons raisins seront cueillis et séparés du pampre futile, puis le jus en sera exprimé pour les breuvages éternels. » Et la jeune fille fut broyée comme le raisin mûr. Eugénie possédait, sur la voie Latine, un jardin et une crypte dans laquelle elle avait enseveli de ses mains un grand nombre de martyrs; Claudia, sa mère, y déposa ses restes. Or, un jour qu'elle était en prière dans cette crypte, Eugénie lui apparut rayonnante d'une joie céleste ; elle avait retrouvé son père dans les délices du ciel, et elle y donnait rendez-vous à sa mère et à ses frères. Le corps de sainte Eugénie est aujourd'hui vénéré dans l'Église des Saints-Apôtres.
Sainte Eugénie de Rome, vierge et martyre vers l`an 257 dans les persécutions antichrétiennes de l`empereur romain païen Valérien.
Oublierons-nous maintenant l'humble et courageuse diaconesse Martine? Eugénie était fille d'un préfet de l'Égypte; Martine avait pour père un consul, et elle était douée de tous les biens qui séduisent; mais ses trésors furent pour les pauvres, sa beauté pour Dieu, et son cœur pour tous ceux qui vivaient dans les larmes. De tels exemples étaient une constante prédication, et le paganisme s'en effraya. On s'empare donc de Martine, on la flagelle, on la déchire avec des ongles de fer, puis elle est exposée sanglante dans l'amphithéâtre, mais les lions viennent lui lécher les pieds comme à sainte Prisca et à sainte Tatienne.
Sainte Martine de Rome, vierge et martyre
Église Saint Luc et Sainte Martine de Rome
On la jette sur un bûcher, mais les flammes sont impuissantes sur elle comme l'ont été sur Cécile les vapeurs de l'étuve. Les bourreaux, interdits, se convertissent et confessent à leur tour la foi dans les supplices. Quant à Martine, elle finit par expirer sous le glaive, et monta au ciel entourée de martyrs. « La ville trembla, disent les Actes, et un grand nombre d'adorateurs des idoles se rendirent à Jésus-Christ. » L'église de Sainte-Martine, reconstruite avec luxe par Urbain VIII, sur l'emplacement du temple de Mars, au pied du Capitole.
La liste des généreux athlètes du troisième siècle serait encore longue ; qu'il nous suffise de citer les plus célèbres : le diacre Laurent surtout, le savant évêque Hippolyte, et le chef de la première compagnie des gardes prétoriennes, Sébastien. Le pape Sixte II ayant été arrêté avec une partie de son clergé, Laurent s'approcha de lui : « Mon père, lui dit-il, où allez-vous sans votre fils ? en quoi vous ai-je déplu ? vous n'avez pas coutume d'offrir de sacrifice sans ministres. — Mon fils, un plus grand combat vous est réservé, répondit le pontife, vous me suivrez dans trois jours. »
Le diacre St-Laurent cherchant à protéger le Pape Sixte II arrêté par des légionnaires romains lors des persécutions antichrétiennes de l’empereur romain païen Valérien vers 258 Ap J.C.
Or, il arriva que le préfet de Rome, voulant s'emparer des richesses que l'on supposait aux chrétiens, fit venir Laurent, le premier des diacres. « Montrez-moi, lui dit-il, les trésors de votre église, les vases d'or, les coupes d'argent dans lesquelles elle reçoit le sang de la victime, les magnifiques chandeliers qui éclairent vos cérémonies nocturnes. — Oui, notre église a de grands trésors, répondit Laurent, de plus grands que ceux de l'empereur, vous les verrez !» Et le saint diacre appelle, rassemble les pauvres nourris des aumônes des fidèles, les aveugles, les boiteux, les malades dirigés, soutenus, consolés avec une charité toute fraternelle; et l'âme, pleine d'une pieuse joie : « Venez, dit-il au païen, venez voir les richesses de notre Dieu ! »
Saint-Laurent de Rome martyr en 258 Ap J.C.
Le païen s'irrite, il menace. « Eh quoi ! s'écrie Laurent, ne valent-ils pas mieux que de l'or, ces infortunés recueillis par une bienfaisance secourable et éclairés de la lumière divine? Profitez de ces richesses pour Rome, pour l'empereur et pour vous. » Alors commença le drame sanglant qu'ont immortalisé les actes des saints et les chefs-d'oeuvre des artistes. C'était, si l'on en croit la tradition, au sommet du Viminal, dans une noire prison, au lieu même où s'élève aujourd'hui Saint-Laurent in Panisperna. Le corps du martyr fut déchiré à coups de fouet, puis exposé sur un gril rouge. Or, pendant que sa chair brûlait, sa figure était rayonnante et le théâtre du supplice comme embaumé de parfums ; il priait pour la conversion et le bonheur de Rome, et il pria jusqu'au bout, (10 août 258 ap J.C.).
Le Martyr du diacre Saint-Laurent en 258 Ap J.C.
Ses reliques, enlevées par les chrétiens, furent portées hors de la ville et enterrées sur le chemin de Tibur, dans une crypte appartenant à une sainte femme nommée Cyriaca. C'est sur cette crypte, dans une petite vallée entourée de collines et connue sous le nom à Ager Veranus, que fut élevée, au quatrième siècle, la basilique patriarcale de Saint-Laurent.
Note: II y a six églises à Rome dédiées à saint Laurent : Saint-Laurent hors des murs, qui est une des sept grandes basiliques romaines; Saint-Laurent in Damaso, au palais de la chancellerie ; Saint-Laurent in Lucina, près du Corso. On y voit encore le gril du martyre ; Saint-Laurent in Miranda, derrière les colonnes du temple d'Antonin et Faustine; Saint-Laurent in Fonte, sur le Viminal, érigée à la place où le saint diacre baptisa son gardien saint Hippolyte, ainsi que toute sa maison; et Saint-Laurent in Panisperna, où il souffrit la mort.
Basilique San Lorenzo in Lucina de Rome consacrée au diacre et martyr Saint-Laurent
Sainte Cyriaque, qui recueillit les restes de saint Laurent, était une pieuse veuve adonnée depuis longtemps à toutes les œuvres de la charité chrétienne. Elle habitait la partie du Coelius qui est occupée aujourd'hui par l'église de Sainte-Marie in Dominica, et la veille encore de son martyre, saint Laurent distribuait chez elle aux pauvres de Rome les trésors de l'Église.
Église de San Lorenzo in Panisperna a Rome sur le lieu de la prison ou le diacre St-Laurent souffrit son martyr
Le zèle des femmes à trouver les dépouilles des saints continue d'être, on le voit, un des traits distinctifs de leur piété et de leur caractère; elles sur montent tous les obstacles, elles bravent tous les périls pour leur rendre les honneurs funèbres, et, le plus souvent, c'est chez elles, dans leurs vignes, dans leurs jardins, qu'elles leur creusent un dernier asile, qui finira par devenir une catacombe. Ainsi fit sainte Lucine pour saint Paul, sainte Priscille pour les premiers martyrs de Néron, sainte Plautille pour les deux courageuses sœurs Rufine et Seconde. Ainsi faisaient Eugénie, Irène, Eusébie et tant d'autres nobles chrétiennes dont les noms reviennent sans cesse dans l'histoire : Félicité, qui recueillit les ossements à demi consumés de saint Marius et de son héroïque famille; Florence, qui ensevelit avec les plus grands honneurs les martyrs Vite, Modeste et Crescentia ; Octavilla, qui rendit les mêmes devoirs à l'enfant-martyr saint Pancrace; et cette seconde Lucine, dont le nom reviendra plus d'une fois dans nos récits, qui disputa à sainte Cyriaque l'honneur de posséder le corps de saint Laurent, et consacra au grand martyr un sanctuaire au centre même de Rome (San-Lorenzo in Lucina).
Sainte Cyriaque suivit de près saint Laurent dans la crypte de l'Ager Veranus, et elle y arriva, comme lui, par la voie sanglante du martyre ; puis toute une légion de saints l'y suivit à son tour. Aussi venait-on de toutes parts en pèlerinage à cette grotte funèbre, et, quelque large qu'en fût l'ouverture (ampla fauce), elle devenait étroite, nous dit Prudence, sous la pression de la foule.
Parmi les martyrs qui furent déposés en ce lieu saint, l'histoire cite Hippolyte, évêque de Porto; c'était un homme savant, élève de saint Irénée, maître d'Origène ; l'énergie de sa foi lui valut la mort. Il fut précipité, pieds et mains liés, dans un gouffre (22 août 269 Ap J.C.). Quelques années auparavant (255 Ap J.C.), un autre Hippolyte, un prêtre, un vieillard, avait été attaché par les pieds à des chevaux sauvages, en souvenir de la mort du fils de Thésée : l'ironie se mêlait au supplice.
Saint Hippolyte de Porto avait composé un cycle pascal qui était demeuré célèbre. Ce cycle, longtemps perdu, fut découvert en 1551, avec la statue du saint, dans les ruines d'un oratoire qui avait été édifié sur sa sépulture. Il était gravé en caractères grecs sur la chaire pontificale dans laquelle le vénérable évêque était représenté assis. La période de ce cycle était de seize ans et commençait à la première année du règne d'Alexandre Sévère. D'un côté, il déterminait les lunes de mars; de l'autre, les dimanches de Pâques. Répété sept fois, il embrassait dans ses calculs un espace de cent douze ans. La statue de saint Hippolyte avec son cycle, curieux monument de la primitive Église, se voit aujourd'hui à la bibliothèque du Vatican.
Nous venons de parcourir quelques-unes des légendes romaines du troisième siècle; eh bien! je le demande ; à ne les considérer que d'un point de vue tout humain, en pourrait-on concevoir où la morale se revêtit de formes plus touchantes et plus sublimes? Quoi de plus simple et de plus naïf que ces récits? Leur vérité, à défaut d'autres preuves, ne serait-elle pas démontrée par leur ingénuité même? C'était la vertu et le courage se mettant à la portée de tous, rejetant les poses théâtrales et les périodes emphatiques, mais ne dissimulant rien, n'exagérant rien, enveloppant les plus terribles souffrances, les épreuves les plus ardues, d'un nuage de confiance en Dieu et de sainte espérance, qui en faisait disparaître l'horreur.
A travers les chevalets et les ongles de fer on voit toujours le ciel; au milieu des insultes des bourreaux on entend toujours le cri de Tertullien : Vous nous condamnez, Dieu nous absout.
Les soldats des armées, les vétérans des légions romaines avaient l'exemple de Maurice et de ses compagnons, et celui de saint Sébastien, de cet enfant des Gaules qui portait un cœur d'apôtre sous le costume de la garde prétorienne. Pénétrer dans les cachots, secourir les confesseurs, convertir leurs geôliers, telles furent longtemps sa mission et ses œuvres.
Saint-Maurice et ses compagnons légionnaires chrétiens, martyrs pour avoir refusé de persécuter des chrétiens sur l`ordre de l`empereur païen Maximien vers 286 Ap J.C.
Le massacre de la Légion Thébaine (auxiliaire) a eu lieu en Suisse actuelle près de Maurice en Valais
Soixante-huit personnes furent en un jour présentées au baptême par Sébastien. De si nombreuses conquêtes accomplies tout autour de Dioclétien, dans ses tribunaux, dans son palais, ne pouvaient manquer de trahir le nom du jeune capitaine du prétoire. L`empereur Dioclétien lui reproche son ingratitude. « J'ai compris, lui répond Sébastien, quelle folie il y avait à prier des pierres, et, nuit et jour, j'ai adoré le Christ, le Dieu qui est au ciel, pour votre salut et celui de l'empire. » Et Dioclétien le livre aux archers de Mauritanie, qui l'attachent à une colonne et le percent de flèches.
Saint Sébastien, légionnaire de la Garde prétorienne exécuté pour avoir refusé d`abjurer sa foi chrétienne
Sébastien cependant respirait encore lorsqu'il fut recueilli par Irène, la pieuse veuve de Castule, de cet intendant des étuves de l'empereur, dont la demeure fut quelque temps le refuge des chrétiens, et qui, depuis lors, avait été enterré vivant pour prix de son courage. Irène panse les blessures du martyr, et le rend à la vie. Sébastien se présente alors devant Dioclétien, et cherche à lui faire sentir l'injustice de ses arrêts contre des malheureux qui prient pour lui. Pour toute réponse Dioclétien le fait assommer dans
l'hippodrome ; et, afin qu'il ne reste aucun vestige de son corps, il le fait jeter dans un cloaque. Sainte Lutine l'en retira néanmoins, et le transporta aux catacombes (an 288 Ap J.C.).
Deux églises ont été consacrées à Rome au souvenir de saint Sébastien. San-Sebastiano alla Polveriera, sur le Palatin, marque le lieu de son supplice, et San-Sebastiano-alle-Catacombe, sur la voie d'Ostie, celui de sa sépulture.
Église de Saint-Sébastien-des-Catacombes a Rome
Reportons-nous cependant au sein de la société chrétienne : à côté de ces grands exemples qui parlaient aux âmes fortes, il y en avait d'autres non moins grands qui s'adressaient aux âmes faibles, languissantes, regrettant les plaisirs enivrants de leur vie passée et doutant de la grâce divine. A celles-là on parlait d'Aglaé et de Boniface ; d'Aglaé la grande dame, mulier magna, qui avait des palais, des villas, soixante-quatorze intendants pour ses domaines, et qui, dans sa magnificence, avait trois fois donné des jeux au peuple. Belle et adorée, Aglaé ne voyait de la vie que ses délices ; et pourtant elle n'était pas toujours sans crainte pour l'avenir. Boniface, de son côté, le chef de ses intendants, le complice de ses plaisirs, avait plusieurs des qualités d'un cœur droit : l'hospitalité surtout, la générosité et la miséricorde.
Il était toujours prompt à recueillir les étrangers, et la nuit même quelquefois il s'en allait par les rues et les carrefours de Rome à la recherche des malheureux. Or, un jour, Aglaé dit à Boniface : « Tu vois dans quelles hontes nous sommes plongés, sans prendre garde que Dieu nous voit, et que nous lui rendrons compte de tout le mal commis par nous en ce monde. J'ai ouï dire toutefois à des chrétiens que ceux qui rendent honneur aux martyrs de Jésus-Christ auront part un jour à leur gloire. Prends donc de l'or et des parfums, et va me chercher de leurs reliques. — Mais si, au lieu de leurs reliques, on vous apporte des miennes, reprit alors Boniface, du moins ne les refusez pas. »
Sainte Aglaé était une riche dame romaine avec des palais, des villas, 74 intendants pour ses domaines. En devenant chrétienne, elle vend son patrimoine et affranchi ses esclaves pour servir l`Église et les pauvres de Rome. Son intendant Boniface devint un martyr pour la Foi chrétienne.
Aglaé répondit par le sarcasme à l'ironie de son serviteur, et Boniface partit, et il fut touché de la grâce et il souffrit pour Dieu (an 290 Ap J.C.). Une voix d'en haut l'apprit, à Aglaé. Aussitôt elle rassemble des prêtres, et marche avec eux, au chant des hymnes et avec grand respect, au-devant du corps sanctifié qu'on lui rapporte. Elle le rencontra à cinq stades de Rome sur la voie Latine (625 pas), et l'y déposa dans une crypte sur laquelle elle édifia un oratoire digne de son martyre (dignum passione ejus).
Et Aglaé renonça à ses Mens, à ses palais, à ses parures. Ses esclaves furent affranchis, ses trésors abandonnés aux pauvres, et la voluptueuse Romaine, la fille du proconsul Arsace, ne fut plus que la servante de Jésus-Christ. Elle vécut ainsi treize ans, et mourut entourée de toutes les manifestations de la grâce divine.
Sainte Agnès de Rome, vierge et martyre a 13 ans vers l`an 304 Ap J.C. lors des persécutions antichrétiennes de l`empereur romain païen Dioclétien
Le cirque Agonal de l`empereur Domitien était un lieu pour les compétitions athlétiques.
Quant aux vierges, aux enfants, n'avaient-ils pas l'exemple de Pancrace et d'Agnès? n'avaient-ils pas vu Agnès, jeune fille pure comme Cécile, menée au cirque Agonal, aujourd'hui place Navone, et là, menacée, injuriée, outragée ? Rien n'altère la sérénité de son front blanc et impassible ; on va la conduire dans un lieu de débauche, sous les arcades du cirque, et elle ne tremble pas, elle ne rougit pas, elle si chaste, elle dont une seule pensée, une seule image honteuse eût épouvanté la candeur ! Mais un ange la protège sans doute comme Cécile, comme toutes les vierges, ces âmes privilégiées qui s'isolent, se privent d'appui ici-bas, pour trouver plus d'aide, plus d'amour au ciel.
Sainte Agnès est exposée dans un lieu de débauche mais sa pudeur est protégée par un ange du Seigneur alors que ses cheveux s`allongent pour la couvrir.
Je suis descendu dans le lieu infâme où fut exposée Agnès. Ses voûtes d'une antique architecture, ses vieilles mosaïques y rappellent la scène dont il fut le théâtre plus vivement encore que le bas-relief de l'Algarde qui est placé sur l'autel. Voyez-vous cette infortunée conduite par deux soldats? Les habitantes de ce vil repaire l'accueillent par des risées obscènes. C'est chose étrange, en effet, pour elles, chose ridicule que cette réserve, cette modestie angélique ! Elles veulent dépouiller Agnès, mais ses cheveux croissant aussitôt l'inondent de toutes parts et servent de rempart à sa pudeur. Le fils du préfet de Rome ose la fixer d'un regard impur, mais il tombe mort sur la place. Oh ! c'est alors qu'il faut voir le préfet lui-même, le persécuteur, le bourreau d'Agnès s'humilier aux pieds de sa victime et réclamer son fils. La victime joint les mains, lève les yeux au ciel, et le jeune homme renaît à la lumière. Mais elle ? elle a assez combattu ; elle soupire après la couronne que lui tressent les séraphins et les archanges : pourquoi eût-elle attendu encore, pauvre exilée, lorsque le tranchant du glaive pouvait en un clin d'œil la rendre à sa patrie?
Église de Sainte-Agnès in Agone a Rome sur le lieu de l`ancien cirque agonal de Domitien
Les parents d'Agnès emportèrent son corps avec toute joie, pour parler comme les Actes de son martyre, et le déposèrent dans un de leurs domaines, sur la voie Nomentane. Cependant Agnès avait une soeur de lait, nommée Émérentienne, qui n'avait pas encore reçu le baptême. Les païens la surprirent au tombeau de sa sœur ; ils voulurent lui faire renier Dieu; et ne pouvant y parvenir, ils la lapidèrent sur la tombe même.
Sainte-Émérentienne, la soeur de Sainte Agnès est lapidée par les païens sur le tombeau de sa soeur en 304 Ap J.C.
Note : II y a deux églises dédiées à sainte Agnès, à Rome : Sainte Agnès de la place Navone, où l'on voit le lieu dans lequel elle fut exposée, et Sainte-Agnès hors des murs, construite à l'endroit où fut déposé son corps. Le martyre de sainte Agnès est du 21 janvier 304. Nous n'en parlons dans ce chapitre qu'afin de compléter le tableau des persécutions de Dioclétien
L`empereur romain païen Dioclétien règne de l`an 284 à 305 Ap J.C. et lance une violente persécution contre les chrétiens
Dernière édition par MichelT le Mar 7 Déc 2021 - 16:40, édité 4 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: Rome Chrétienne et ses monuments - EUGENE DE LA GOURNERIE - 1867
CHAPITRE IV.
QUATRIÈME SIÈCLE.
Nous voici à l'époque où les monuments chrétiens se multiplient à Rome et dans l'empire. Mais avant que des jours de paix commençassent à luire pour le Christianisme, il eut encore ses martyrs sous le règne de Maxence. Le pape Marcel fut condamné à prendre soin des bêtes destinées aux amusements du public, et pendant neuf mois il demeura dans leur étable. Au bout de ce temps, des clercs parvinrent à l'enlever. Ils le cachèrent dans la maison que sainte Lucine possédait près de la via lata, et qui depuis longtemps était l'asile des malades et des pauvres. Cette maison devint dès lors un oratoire où les fidèles s'empressaient d'aller entendre les pieuses exhortations du pontife.
L`empereur romain païen Maxence. Il règne à Rome de l`an 306 a l`an 312 Ap J.C. mais sera vaincu par empereur romain Constantin dans une guerre civile
Maxence l'apprit, il ordonna aussitôt de transformer cet oratoire en étable, et réduisit une seconde fois Marcel au vil métier de gardeur de bêtes. Le pontife succomba bientôt sous le poids de ces nouvelles souffrances, et le lieu sanctifié par son martyre redevint une église que les chrétiens placèrent sous son invocation. C'est aujourd'hui Saint-Marcel al Corso.
Le Pape Marcel - Marcellus en Latin - (308-309 Ap J.C.) est condamné par l`empereur romain Maxence à garder les bêtes jusqu`à sa mort.
Église San Marcello al Corso de Rome – St-Marcel al Corso sur le lieu ou le pape Marcel est mort après avoir été condamné aux travaux forcés par l`empereur romain païen Maxence.
Constantin avait cependant été proclamé César en 306, il se décida à marcher vers l'Italie en 312, et, le 27 octobre de cette année, il campa fièrement avec ses quarante mille soldats sur les bords du Tibre, en présence des cent soixante-dix mille hommes de Maxence. Le pont Milvius (aujourd'hui Ponte Molle) séparait les deux camps ; mais le lendemain l'armée de Maxence, confiante dans son nombre, passe le fleuve ; Maxence lui-même vient se mettre à sa tête, car le peuple de Rome lui a reproché sa lâcheté, et il a cru voir un présage de victoire dans les paroles ambiguës des livres de la sibylle.
Carte de l`empire romain sous l`empereur Dioclétien - En jaune la région de la Gaule et de la Bretagne sous le gouvernement de Constance, le père de Constantin sympathique envers les Chrétiens - Constantin va prendre sa place a sa mort - Maximien gouverne l`Italie, l`Espagne et l`Afrique du Nord mais Maxence le renverse dans un coup d`État - Galère gouverne la Grèce et l`Illyrie - Dioclétien gouverne en Orient - Turquie - Palestine -Syrie et Égypte
La bataille du Pont Milvius aux portes de la ville de Rome entre les légions de Constantin et les armées de Maxence en l`an 312 Ap J.C.
Le pont Milvius sur le Tibre.
La cavalerie de Constantin au pont Milvius avec le Labarum chrétien sur leur bouclier et leur enseigne chrétienne
De l'autre côté, une nouvelle enseigne flotte au-dessus des légions; c'est le Labarum marqué de la croix du Calvaire, et portant avec elle la promesse du triomphe. Constantin ne sent pas seulement en lui le génie des grands hommes, mais l'impulsion de la divinité. La bataille fut sanglante et décisive. Maxence, dans son fol espoir, avait fait rompre le pont Milvius, et, toute retraite lui étant ainsi fermée, lui et une grande partie de son armée se noyèrent dans le Tibre. C'est peu d'heures avant cet événement, qui changea la face du monde, que Constantin marchant dans la campagne, lorsque le soleil commençait à baisser, aperçut dans le ciel une croix lumineuse avec les paroles célèbres : In hoc signo vinces. (Par ce signe, tu vaincras)
Le Labarum ( Chrisme) - le signe que Constantin a vu en vision
Une église fut construite au moyen-âge sur le mont Marius, à l'endroit où, suivant la tradition, cette vision apparut à l'empereur. Cependant les portes de la ville éternelle s'ouvrent devant la croix; et le sénat et le peuple érigent à Constantin un arc de triomphe, pour l'ornement duquel on réunit les plus beaux marbres, on convoque les plus savants artistes, et l'on va même jusqu'à dépouiller de ses bas-reliefs un arc de triomphe de Trajan. Ce monument existe encore dans son intégrité; c'est celui que nous voyons avec ses statues de Renommée, ses trois arcades, ses hautes colonnes de jaune antique, à l'extrémité de la voie Sacrée, près de l'amphithéâtre de Vespasien, dans la direction du chemin d'Ostie.
L`Arc de triomphe de Constantin à Rome qui célèbre la victoire du Pont Milvius
Constantin l er, premier empereur romain chrétien (272 à 337 Ap J.C.)
Plusieurs inscriptions y sont gravées, nous en citerons une :
LIBERATORI URBIS, FUNDATORI QUIETIS. « Au libérateur de la ville, au fondateur du repos » mot admirable : les sénateurs le comprirent-ils bien en l'écrivant ? Une chose d'ailleurs est certaine, c'est qu'il ne s'agissait plus seulement de l'ancienne paix du temple de Janus, mais d'une paix toute nouvelle, la paix de l'âme, fondée à jamais sur la croix.
Une fois maître de la capitale du monde, la première pensée de Constantin catéchumène fut d'implanter partout la civilisation de l'Évangile. Les débauches infâmes des païens furent proscrites sous des peines sévères. Afin d'ôter tout prétexte au meurtre des enfants, qui était une des habitudes des mœurs romaines, l'empereur ordonna que les enfants des pauvres seraient nourris aux frais du trésor public. Les affranchissements d'esclaves furent favorisés et consacrés par une cérémonie religieuse ; le divorce fut sinon aboli, du moins rendu plus difficile ; la confiscation des biens des criminels cessa d'atteindre ceux de leurs femmes et de leurs enfants ; il fut défendu de jeter les prisonniers dans des cachots, et de leur lier les membres avec des chaînes; l'appel à l'empereur fut toujours permis aux orphelins et aux veuves, jamais à leurs adversaires.
Note: Nombre de Princes de ce temps sont des hommes remarquables devenus chrétiens qui tenteront de réformer la société par la nouvelle morale évangélique plus douce. La législation impériale adoucit le sort des esclaves, dont l`affranchissement est rendu plus facile et qu`on interdit de battre a mort, de châtrer, ou de séparer de leur famille. La loi interdit l`exposition des enfants, la livraison de condamnés aux bêtes, la crucifixion, le marquage du visage des condamnés au fer rouge. La nouvelle loi lutte contre l`usure, l`adultère, le rapt des jeunes filles, le proxénétisme, le trafic des enfants, et fait du Dimanche un jour chômé. source: Les derniers jours de l`Empire romain d`Occident - Michel de Jaeghere.
On croit rêver en entendant proclamer, comme lois de l'empire, ces maximes de la plus haute civilisation, quelques jours seulement après le règne de Dioclétien et de Maximin Hercule ! Qu'étaient donc devenus Jupiter, Vénus, Flore, Priape ? le Seigneur en avait purgé la terre, pour parler l'éloquent langage de Lactance. Et voilà pourquoi, en quelques jours, le monde se trouva comme transformé.
Le premier monument chrétien que Constantin consacra à Rome fut un baptistère sous l'invocation de saint Jean, afin d'y recevoir l'eau sainte. Ce fut dans les antiques jardins de Plautius Lateranus, alors occupés par le palais de l'impératrice Fausta, que fut construit, sous le pontificat de saint Sylvestre, ce somptueux baptistère qui appelle, de nos jours encore, la piété des fidèles et la curiosité des artistes à Saint-Jean de Latran.
Basilique St-Jean de Latran construite sous le règne de Constantin, premier empereur romain chrétien au 4 eme siècle. Première église à être publiquement consacrée — le 9 novembre 324 par le pape Sylvestre Ier — elle prit progressivement (à partir du XIIe siècle) le nom de basilique Saint-Jean par association à son important baptistère voisin, dédié à saint Jean-Baptiste, le plus ancien de Rome
Baptistère de la Basilique de St-Jean du Latran
Nulle part, en effet, on ne peut mieux reconnaître la forme de ce genre d'édifices particuliers à la primitive Église, et les cérémonies qui s'observaient dans l'administration du premier sacrement des chrétiens. L'eau sainte y est contenue dans une urne de basalte placée au milieu d'une vaste cuve, dans laquelle descendaient les néophytes. Cette urne avait été ornée par Constantin de lames d'argent du poids de 3,000 livres. Un agneau d'or et sept cerfs d'argent y jetaient l'eau. Près de l'agneau se trouvaient deux autres statues également d'argent, et hautes de cinq pieds, représentant : l'une, Notre-Seigneur; l'autre , saint Jean-Baptiste. Saint Jean tenait un rouleau portant l'inscription : Ecce Agnus Dei qui tollit peccata mundi. ( Voici l`Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde) Enfin, du milieu du bassin s'élevait une colonne de porphyre portant un vase d'or de 52 livres, dans lequel brûlaient, chaque année, à la solennité de Pâques, 200 livres de baume avec des mèches d'amiante. Ne cherchez plus aujourd'hui ces richesses, les Barbares ont pillés la ville de Rome.
Mais l'édifice du moins est resté ; il présente la forme octogone, et cette forme est reproduite à l'intérieur Par la disposition des colonnes qui entourent les fonts. Ces colonnes sont de porphyre. Elles supportent une frise, puis un ordre de colonnes de marbre blanc sur lequel repose la lanterne qui laisse pénétrer le jour dans le sanctuaire. Autrefois, dans la matinée du samedi saint, le pape avait coutume de se rendre solennellement au baptistère de Constantin. Avant d'y entrer, il se retournait vers les cardinaux et les bénissait en prononçant les paroles sacrées : Allez, et baptisez toutes les nations. Les cardinaux prêtres montaient alors à cheval et se dirigeaient vers les églises dont ils étaient titulaires, afin d'y donner l'eau sainte aux catéchumènes. Le pape la donnait lui-même à trois néophytes. Cette vénérable cérémonie est aujourd'hui tombée en désuétude ; mais chaque année encore, le samedi saint, le baptême est conféré solennellement à quelques convertis sur l'urne de basalte qui servit à saint Sylvestre.
Constantin joignit à son baptistère une grande basilique dédiée au Sauveur, et subsidiairement, plus tard, aux deux saints Jean : Jean le Précurseur et Jean le Bien-aimé. C'est cette basilique du Latran, la mère et la tête de toutes les églises du monde, ainsi qu'elle le porte fièrement écrit sur sa façade; église, en effet, la plus célèbre de l'univers par son baptistère antique, par son palais pontifical qui fut, pendant plus de dix siècles, la demeure de la papauté, et par les cinq conciles œcuméniques qui s'y assemblèrent. Cette vénérable basilique fut consacrée par le pape saint Sylvestre, le 5 des ides de novembre de l'année 324, et la commémoration de cette dédicace est devenue une fête pour toute la chrétienté. ( Fête de la Dédidace de l`Église)
Les anciens historiens nomment souvent l'église du Latran la basilique d'or, tant elle était splendide. Sa façade, tournée vers l'orient, se composait d'un portique en marbre de Paros, faisant saillie sur l'édifice, et d'un pignon élevé qu'ornait, dans sa partie supérieure, une mosaïque représentant le Sauveur des hommes. Six colonnes soutenaient le portique au fond duquel étaient les cinq entrées du temple. Nulle porte ne les fermait jamais L'église mère demeurait toujours ouverte, et comme asile au malheur et comme consolation à la prière.
Basilique de St-Jean du Latran
Au centre de la croix s'élevait le maître autel ayant au-dessous de lui la Confession, et au-dessus un riche baldaquin. Quatre anges, les douze apôtres et Jésus- Christ, assis sur son trône, l'entouraient. Baldaquin et statues étaient d'argent : la corniche elle-même qui supportait les statues était d'argent et ornée de ciselures. Quant au tabernacle, on lui avait consacré l`or le plus fin. Les lampes qui brûlaient devant lui ne consumaient que de l'huile de nard. En avant du maître autel se trouvait le chœur des chanoines, formant une enceinte carrée de marbre de Paros, et en arrière la tribune avec son siège pontifical.
Basilique St-Jean du Latran construite sous le règne de l`empereur romain Constantin - premier empereur romain converti a la foi chrétienne au 4 eme siècle Ap J.C.
Ce siège était élevé sur six gradins, dont l'un, le dernier, offrait les images sculptées d'un aspic, d'un lion, d'un dragon et d'un basilic. C'était un souvenir des paroles du Prophète : Super aspidem et basiliscum ambulabis et conculcabis leonem et draconem. (Tu marcheras sur le lion et sur l’aspic, tu fouleras le lionceau et le dragon – Psaume 91,13)
Enfin, les parois de la basilique étaient ornées de peintures, du milieu desquelles se détachait, au fond de la tribune, l'a figure du Rédempteur qu'on y voit encore. Une auréole d'or entoure la tête, dont l'ex pression est singulièrement grave et majestueuse. Suivant une pieuse tradition, cette figure était subitement apparue aux yeux de tous, lors de la consécration de la basilique.
L'église du Latran avait autrefois quelques usages liturgiques qui lui étaient propres. Dédiée au Sauveur, elle n'admettait habituellement d'autre oraison dans les offices que l'oraison Dominicale. — Il était facile de reconnaître l'Église suprême, ajoute Panvinius, à cet emploi presque exclusif de la suprême prière. — Le même auteur nous apprend que les cloches de la basilique ne faisaient jamais entendre que des sons joyeux, parce qu'elle représentait, plus particulièrement que tous les autres sanctuaires, l'église du ciel.
Fête de la Dédidace de l`Église St-Jean du Latran - Consacrée en Novembre de l`an 324 Ap J.C
L'église du Latran avait autrefois quelques usages liturgiques qui lui étaient propres. Dédiée au Sauveur, elle n'admettait habituellement d'autre oraison dans les offices que l'oraison Dominicale. — Il était facile de reconnaître l'Église suprême, ajoute Panvinius, à cet emploi presque exclusif de la suprême prière. — Le même auteur nous apprend que les cloches de la basilique ne faisaient jamais entendre que des sons joyeux, parce qu'elle représentait, plus particulièrement que tous les autres sanctuaires, l'église du ciel.
On n'y terminait jamais non plus l'Agnus Dei par la prière : Dona nobis pacem, (Donne-nous la Paix) la paix dans le ciel étant éternelle Saint-Jean de Latran a été saccagé et ruiné à diverses époques ; il fut notamment incendié au commencement du quatorzième siècle, et Pétrarque, le cœur navré, écrivait alors au pape Urbain : « Père miséricordieux, de quel cœur peux-tu dormir mollement sur les rives du Rhône, sous les paisibles toits de tes appartements dorés, tandis que le Latran s'en va en débris, que la mère de toutes les églises manque de toit et est livrée aux vents et aux tempêtes ? »
La basilique actuelle ne date que de 1360, et sa façade ne fut élevée que dans le dernier siècle par Alexandre Galilei. C'est un bâtiment noble et vaste, où malheureusement le Borromini a enfoui sous de massifs piliers les colonnes de brèche, de serpentine et de brocatelle de l'ancienne église. Les statues gigantesques des douze apôtres, debout dans l'épaisseur de ces piliers, rappellent majestueusement ce concile de Jérusalem, qui a été suivi au Latran de tant d'autres conciles. Au-dessus des apôtres sont les images des prophètes; au-dessus des prophètes se déroule, d'un côté, le vaste et imposant tableau des promesses de l'ancienne loi ; de l'autre, celui plus imposant encore de leur accomplissement dans l'Évangile. Partout, enfin, dans l'église du Latran, vous rencontrez de grandes œuvres et de grands souvenirs. La table sur laquelle Jésus-Christ fit la cène; et les colonnes qu'Auguste fit mouler avec le bronze des rostres arrachés aux vaisseaux pris à Actium, y soutiennent l'architrave de l'autel où le Dieu des chrétiens demeure exposé à la vénération des âmes pieuses.
Plusieurs autres grandes basiliques romaines doivent leur origine à Constantin ; Saint-Pierre entre autres, Saint-Paul hors des murs, Sainte-Croix en Jérusalem et Saint-Laurent. J'ai dit que c'était au pied de la colline Vaticane, dans le jardin et le cirque de Néron, que les premiers chrétiens de Rome souffrirent le martyre et que fut enterré le corps du prince des apôtres. Depuis lors ce lieu était devenu saint et vénéré.
La basilique St-Pierre de Rome commencée sous le règne de l`empereur romain Constantin.
La basilique de St-Paul hors les murs commencée sous le règne de l`empereur romain Constantin
Église de la Sainte-Croix en Jérusalem ( Santa Croce in Gerusalemme) commencée sous le règne de l`empereur romain Constantin
Basilique de Saint-Laurent Hors les murs ( en l`honneur du diacre martyr) commencée sous le règne de l`empereur romain Constantin
Basilique de Saint-Laurent Hors les murs
Les païens, de leur côté, considéraient le Vatican comme la colline des oracles (Vaticinia). Ces oracles émanaient, disaient-ils, du temple d'Apollon. Mais non loin du temple se faisait remarquer en outre un vieux chêne, plus vieux que Rome, nous dit Pline, vetustior urbe, et qui, dès le temps des Étrusques, était l'objet d'un culte religieux (Pline, lib. XIII, c. 7). Le Vatican, d'ailleurs, n'était fréquenté que par quelques potiers qui venaient y fabriquer les vases fragiles dont parle Juvénal, Vaticano fragiles de monte patellas (sat. VI, V. 344).
L'air de ces lieux était si malsain, que Tacite, en souvenir des épidémies qui s'y formaient, les traite d'infâmes, infamibus Vaticanis locis (Hist. II, 93). On comprend dès lors que, malgré le voisinage du cirque et des jardins de Néron, les chrétiens durent y trouver des facilités pour leurs assemblées et leurs mystères. Nous apprenons, en effet, par les Actes de saint Martial, que saint Pierre y enseignait de grandes foules de peuples. C'était sans doute dans les grottes creusées par les potiers que les assemblées avaient lieu, et ce fut sans doute dans ces mêmes grottes que le corps de l'apôtre et ceux des premiers martyrs reçurent la sépulture.
Anaclet y pratiqua bientôt un oratoire en mémoire du bienheureux Pierre, et saint Sylvestre, aidé de la munificence impériale, y construisit, à son tour, une somptueuse église, dont Constantin voulut poser lui-même les fondements. Le puissant empereur ( Constantin) se rendit donc au Vatican, au milieu d'un nombre considérable d'évêques et de clercs qui chantaient les louanges de Dieu, et que suivait tout le peuple. Là, rejetant son diadème, il s'agenouille et s'accuse hautement de ses fautes en répandant d'abondantes larmes ; puis, saisissant une pioche, il creuse le sol et transporte sur ses épaules douze charges de terre en l'honneur des douze apôtres.
La basilique fut aussitôt construite, et avec une telle rapidité, qu'elle put être consacrée cette même année 324 ap J.C. (18 novembre), quelques jours seulement après la consécration de l'église du Sauveur. La basilique de saint Pierre était assise sur la pente du Vatican et, en partie, sur les murailles du cirque de Néron. On y arrivait par un escalier de trente-cinq degrés de marbre, divisé en cinq paliers. En avant de sa façade se présentait un portique percé de trois fenêtres et de trois entrées, s' ouvrant entre des colonnes de granit d'Égypte. A droite et en retrait s'éleva plus tard un haut clocher de forme carrée et d'architecture byzantine.
Quant au portique, son entrée était fermée par des portes de bronze attenantes à des chambranles de marbre. Après les avoir franchies, on se trouvait dans une vaste cour rectangulaire qui rappelait l'Atrium romain, tant par la galerie à colonnes dont elle était entourée, que par la fontaine qui en occupait le centre. Cette cour fut pavée, dans la suite, de marbre blanc par le pape Donus : on l'appela alors le Paradis .
Dès le IVe siècle, au reste, saint Paulin nous parle de son aspect éclatant. La fontaine qui l'ornait était ombragée, nous dit-il, par un dôme d'airain, et ses eaux jaillissaient entre quatre colonnes placées là, non sans une pensée mystérieuse, non sine specie mystica. Saint Paulin y voyait en effet une image de cette source de la grâce qui jaillit vers l'Éternité bienheureuse du milieu des colonnes de la vie. Cependant, au-dessus de la galerie, vers l'orient, s'élevait le fronton azuré du temple (fronte coerulea). Ce temple auguste comptait cinq portes, cinq nefs et cent colonnes. La longueur seule de ses nefs atteignait 400 palmes; leur largeur, 180; quant à la hauteur, elle était de 170 palmes dans la grande nef, de 82 dans les suivantes, de 62 dans les dernières. Les portes de Saint-Pierre ont chacune leur nom dans l'histoire.
Celle du milieu, ordinairement fermée, était la Porte d'Argent (argentea). Elle fut en effet couverte de lames d'argent par saint Grégoire Ier, Honorius Ier et Léon IV. Près d'elle, à gauche, était la porte Ravennate, ainsi nommée du Transtévère qui était quelquefois désigné par le nom de quartier de Ravennes; cette porte était consacrée aux hommes. De l'autre côté se trouvait la porte Romaine, par laquelle entraient les femmes ; puis, à la suite, la porte Guidonea, qui ne s'ouvrait que devant les guidons des pèlerins, et, à l'autre extrémité, la porte du Jugement, qui ne s'ouvrait que devant les cercueils des morts.
Lorsqu'on mettait le pied dans la basilique, on remarquait, à droite et à gauche de la principale entrée, deux colonnes plus belles que toutes les autres, les plus belles même, dit-on, qu'on eût jamais vues. Elles étaient de marbre d'Afrique et rappelaient, suivant Severani, les deux colonnes de l'église, saint Pierre et saint Paul. Mais ce qui frappait surtout d'admiration, c'était la haute et grande nef avec son arc triomphal jeté comme un pont aérien en avant de l'autel, et le trône de l'apôtre resplendissant au fond de l'abside (coruscans). Saint Paulin disait de cette vue qu'elle saisissait les yeux et réjouissait le coeur (lumina stringit et corda Isetificat).
Basilique St-Pierre de Rome
On retrouve encore l'arc de triomphe dans plusieurs des basiliques romaines. Au Vatican il portait la croix du Labarum et les clefs de saint Pierre. On y exposait en outre, aux grandes fêtes, la Sacra Culcitra, linceul sanglant et vénéré dont se servirent les premiers chrétiens pour porter les corps des martyrs aux catacombes. Par delà l'arc de triomphe, une colonne torse de marbre blanc, avec festons de vigne, était l'objet d'un pieux respect. Suivant la tradition, Notre-Seigneur se serait appuyé contre elle en prêchant dans le temple.
Cette colonne et onze autres semblables, venues également, d'après l'opinion commune, du temple de Salomon, précédaient l'autel. Ici toute description devient impossible en présence des richesses en or, argent, pierreries, que la munificence de l'empereur s'était plu à accumuler. Disons seulement que l'autel, composé des plus beaux marbres, était surmonté d'un baldaquin de vermeil soutenu par quatre colonnes de porphyre. Au-dessous était la Confession ou le tombeau de l'Apôtre : cette disposition était un souvenir des catacombes ; c'était aussi un souvenir de l'Apocalypse : « Je vis sous l'autel , dit saint Jean, les âmes de lui rendirent témoignage. » (VI-9.) — Le corps de saint Pierre avait été placé par Constantin dans une châsse d'argent, et celle-ci renfermée à son tour dans une caisse de bronze doré, portant une croix d'or du poids de cent cinquante livres ; puis le dépôt sacré avait été remis au fond des grottes vaticanes sous l'antique oratoire de saint Anaclet.
Cet oratoire formait en effet comme un étage intermédiaire entre le grand autel de la basilique et le tombeau du premier des pontifes. Il avait, lui aussi, son autel et sa crypte. On n'apercevait celle-ci que par une petite fenêtre, et saint Grégoire de Tours nous apprend que les pèlerins passaient la tête par cette ouverture afin de prier devant les saintes reliques.
Or, la foule de ces pèlerins était immense. On les vit quelquefois errer dans les rues de Rome comme des nuées de fourmis et d'abeilles; et les princes eux-mêmes, les rois, les empereurs vinrent souvent abaisser l'orgueil de leur diadème aux pieds du pêcheur de Tibériade. Totila est un de ceux que cite l'histoire. Charlemagne ne monta les degrés du sanctuaire qu'en les baisant l'un après l'autre. C'est sur le tombeau de saint Pierre que Fulrad, abbé de Saint-Denis, déposa l'acte de donation des villes et des provinces dont Pépin faisait hommage au successeur du chef des apôtres.
Le sacre de l`empereur Charlemagne à Rome à Noel de l`an 800.
Nombre d'empereurs furent couronnés dans cette église, nombre de saints y furent canonisés ; il y avait peu d'évêques, dans les premiers âges, qui se dispensassent d'y porter, au moins une fois dans leur vie, leurs prières et celles de leur troupeau. — « Quels travaux, quelles difficultés vous ont induit à négliger le bienheureux Pierre, écrivait Grégoire VII à l'archevêque de Rouen, lorsque, des parties les plus éloignées du monde, les peuples même nouvellement convertis à la foi s'efforcent d'y venir tous les ans, hommes et femmes?»
Rome païenne ne vit jamais que des vaincus monter à son temple du Capitole; Rome chrétienne a vu toutes les nations, toutes les grandeurs se mêler, se confondre, s'humilier sous les majestueux arceaux de Saint-Pierre. Au sortir du Vatican les pèlerins se portaient en foule sur la voie d'Ostie où se trouvait la sépulture de saint Paul. Là, en effet, était la seconde station obligée de tout pèlerinage. Les fidèles ne venaient pas dans la pensée de prier seulement sur la tombe de Pierre, ils venaient aux tombeaux des Apôtres, suivant l'expression consacrée, Ad limina Apostolorum.
Les pèlerinages au Moyen-Age
Le lendemain du jour où sainte Zoé fut brûlée à petit feu pour avoir été surprise au tombeau de saint Pierre, saint Tranquillin était lapidé pour avoir été trouvé en prière au tombeau de saint Paul. Ces deux sépulcres vénérés étaient quelquefois désignés par le nom de trophées. — « Je puis vous montrer, écrivait le prêtre Caïus, au second siècle, les trophées des Apôtres qui ont fondé cette église. Soit que vous alliez au Vatican, soit que vous alliez sur la voie d'Ostie, vous les rencontrerez. » Le corps de saint Paul avait été enseveli, après son martyre, dans un champ appartenant à une pieuse femme du nom de Lucine. Ce nom de Lucine revient sans cesse dans l'histoire du dévouement et de la charité, aux premiers siècles de l'Église romaine.
Cependant, depuis que Constantin était maître du monde, sa pieuse mère Hélène avait jeté les yeux sur la Terre-Sainte, et, bien qu'âgée de quatre-vingts ans elle y était allée arracher la statue de Vénus du temple qu'Adrien lui avait érigé sur le Calvaire. On sait comment, en démolissant les fondements de ce temple, on trouva trois croix et divers instruments de supplice. Un miracle révéla laquelle de ces croix avait été sanctifiée par la mort de Jésus-Christ; et Hélène, après en avoir laissé une partie à Jérusalem, et en avoir envoyé une seconde à Constantinople, fit édifier une basilique pour recevoir la troisième.
L`impératrice romaine St-Hélène et la recherche de la Vraie Croix ( 250 à 330 Ap J.C.)
Telle fut l'origine de la basilique de la Sainte-Croix-en-Jérusalem de Rome. Elle occupe l'emplacement du palais Sessorien et des Horti Variant, somptueux jardins que souillèrent les débauches hideuses de l`empereur romain païen Héliogabale. Depuis lors, le palais Sessorien avait été habité par Alexandre Sévère, et il l'était au cinquième siècle, par la pieuse veuve de Constance Chlore. Ce fut donc dans sa propre demeure qu'Hélène construisit un sanctuaire à la croix, imitant en cela son fils, qui avait fait de son palais de Latran l'église du Sauveur.
La sève chrétienne, si violemment comprimée naguère par les empereurs païens, s'épandait rapidement désormais dans toutes les veines du corps social et vivifiait chacune des branches de ce vieux tronc qui s'en allait en poudre. — « Si la multitude des chrétiens vous eût quittés pour se retirer dans quelque contrée lointaine, disait Tertullien aux Romains, dès le second siècle, la perte seule de tant de citoyens de tout état vous eût assez punis. Vous auriez été effrayés de votre solitude, du silence, de l'étonnement du monde qui aurait paru comme mort. (Apologétique 37.) » — Si telle était dès lors la puissance du catholicisme, que ne devait-elle pas être après Constantin ! et cependant une grande partie de la population n'avait pas encore cessé d'être idolâtre ; les temples païens continuèrent, jusqu'à Théodose, à recevoir des offrandes et à être rougis du sang des sacrifices ; mais tandis que les églises chrétiennes ne pouvaient suffire à la multitude qui en assiégeait les portes, les temples étaient abandonnés et on les fermait successivement, faute d'adeptes.
Cette ère de grandeur et de prospérité eut malheureusement ses jours de douleurs et d'épreuves, car y en eut-il jamais de plus tristement pénibles que ceux qui virent les querelles ardentes de l'arianisme ? Ce n'est plus une guerre franche comme celle des persécutions, mais une lutte de mots captieux, d'arguties enveloppées de phrases amphibologiques. L'arianisme mit en feu l'empire romain pendant près d'un siècle ; mais ce fut surtout à Constantinople (Le ville d`Istamboul en Turquie actuelle) et à Alexandrie (Égypte gréco-romaine de l`époque) que les animosités et les débats furent ardents et opiniâtres.
QUATRIÈME SIÈCLE.
Nous voici à l'époque où les monuments chrétiens se multiplient à Rome et dans l'empire. Mais avant que des jours de paix commençassent à luire pour le Christianisme, il eut encore ses martyrs sous le règne de Maxence. Le pape Marcel fut condamné à prendre soin des bêtes destinées aux amusements du public, et pendant neuf mois il demeura dans leur étable. Au bout de ce temps, des clercs parvinrent à l'enlever. Ils le cachèrent dans la maison que sainte Lucine possédait près de la via lata, et qui depuis longtemps était l'asile des malades et des pauvres. Cette maison devint dès lors un oratoire où les fidèles s'empressaient d'aller entendre les pieuses exhortations du pontife.
L`empereur romain païen Maxence. Il règne à Rome de l`an 306 a l`an 312 Ap J.C. mais sera vaincu par empereur romain Constantin dans une guerre civile
Maxence l'apprit, il ordonna aussitôt de transformer cet oratoire en étable, et réduisit une seconde fois Marcel au vil métier de gardeur de bêtes. Le pontife succomba bientôt sous le poids de ces nouvelles souffrances, et le lieu sanctifié par son martyre redevint une église que les chrétiens placèrent sous son invocation. C'est aujourd'hui Saint-Marcel al Corso.
Le Pape Marcel - Marcellus en Latin - (308-309 Ap J.C.) est condamné par l`empereur romain Maxence à garder les bêtes jusqu`à sa mort.
Église San Marcello al Corso de Rome – St-Marcel al Corso sur le lieu ou le pape Marcel est mort après avoir été condamné aux travaux forcés par l`empereur romain païen Maxence.
Constantin avait cependant été proclamé César en 306, il se décida à marcher vers l'Italie en 312, et, le 27 octobre de cette année, il campa fièrement avec ses quarante mille soldats sur les bords du Tibre, en présence des cent soixante-dix mille hommes de Maxence. Le pont Milvius (aujourd'hui Ponte Molle) séparait les deux camps ; mais le lendemain l'armée de Maxence, confiante dans son nombre, passe le fleuve ; Maxence lui-même vient se mettre à sa tête, car le peuple de Rome lui a reproché sa lâcheté, et il a cru voir un présage de victoire dans les paroles ambiguës des livres de la sibylle.
Carte de l`empire romain sous l`empereur Dioclétien - En jaune la région de la Gaule et de la Bretagne sous le gouvernement de Constance, le père de Constantin sympathique envers les Chrétiens - Constantin va prendre sa place a sa mort - Maximien gouverne l`Italie, l`Espagne et l`Afrique du Nord mais Maxence le renverse dans un coup d`État - Galère gouverne la Grèce et l`Illyrie - Dioclétien gouverne en Orient - Turquie - Palestine -Syrie et Égypte
La bataille du Pont Milvius aux portes de la ville de Rome entre les légions de Constantin et les armées de Maxence en l`an 312 Ap J.C.
Le pont Milvius sur le Tibre.
La cavalerie de Constantin au pont Milvius avec le Labarum chrétien sur leur bouclier et leur enseigne chrétienne
De l'autre côté, une nouvelle enseigne flotte au-dessus des légions; c'est le Labarum marqué de la croix du Calvaire, et portant avec elle la promesse du triomphe. Constantin ne sent pas seulement en lui le génie des grands hommes, mais l'impulsion de la divinité. La bataille fut sanglante et décisive. Maxence, dans son fol espoir, avait fait rompre le pont Milvius, et, toute retraite lui étant ainsi fermée, lui et une grande partie de son armée se noyèrent dans le Tibre. C'est peu d'heures avant cet événement, qui changea la face du monde, que Constantin marchant dans la campagne, lorsque le soleil commençait à baisser, aperçut dans le ciel une croix lumineuse avec les paroles célèbres : In hoc signo vinces. (Par ce signe, tu vaincras)
Le Labarum ( Chrisme) - le signe que Constantin a vu en vision
Une église fut construite au moyen-âge sur le mont Marius, à l'endroit où, suivant la tradition, cette vision apparut à l'empereur. Cependant les portes de la ville éternelle s'ouvrent devant la croix; et le sénat et le peuple érigent à Constantin un arc de triomphe, pour l'ornement duquel on réunit les plus beaux marbres, on convoque les plus savants artistes, et l'on va même jusqu'à dépouiller de ses bas-reliefs un arc de triomphe de Trajan. Ce monument existe encore dans son intégrité; c'est celui que nous voyons avec ses statues de Renommée, ses trois arcades, ses hautes colonnes de jaune antique, à l'extrémité de la voie Sacrée, près de l'amphithéâtre de Vespasien, dans la direction du chemin d'Ostie.
L`Arc de triomphe de Constantin à Rome qui célèbre la victoire du Pont Milvius
Constantin l er, premier empereur romain chrétien (272 à 337 Ap J.C.)
Plusieurs inscriptions y sont gravées, nous en citerons une :
LIBERATORI URBIS, FUNDATORI QUIETIS. « Au libérateur de la ville, au fondateur du repos » mot admirable : les sénateurs le comprirent-ils bien en l'écrivant ? Une chose d'ailleurs est certaine, c'est qu'il ne s'agissait plus seulement de l'ancienne paix du temple de Janus, mais d'une paix toute nouvelle, la paix de l'âme, fondée à jamais sur la croix.
Une fois maître de la capitale du monde, la première pensée de Constantin catéchumène fut d'implanter partout la civilisation de l'Évangile. Les débauches infâmes des païens furent proscrites sous des peines sévères. Afin d'ôter tout prétexte au meurtre des enfants, qui était une des habitudes des mœurs romaines, l'empereur ordonna que les enfants des pauvres seraient nourris aux frais du trésor public. Les affranchissements d'esclaves furent favorisés et consacrés par une cérémonie religieuse ; le divorce fut sinon aboli, du moins rendu plus difficile ; la confiscation des biens des criminels cessa d'atteindre ceux de leurs femmes et de leurs enfants ; il fut défendu de jeter les prisonniers dans des cachots, et de leur lier les membres avec des chaînes; l'appel à l'empereur fut toujours permis aux orphelins et aux veuves, jamais à leurs adversaires.
Note: Nombre de Princes de ce temps sont des hommes remarquables devenus chrétiens qui tenteront de réformer la société par la nouvelle morale évangélique plus douce. La législation impériale adoucit le sort des esclaves, dont l`affranchissement est rendu plus facile et qu`on interdit de battre a mort, de châtrer, ou de séparer de leur famille. La loi interdit l`exposition des enfants, la livraison de condamnés aux bêtes, la crucifixion, le marquage du visage des condamnés au fer rouge. La nouvelle loi lutte contre l`usure, l`adultère, le rapt des jeunes filles, le proxénétisme, le trafic des enfants, et fait du Dimanche un jour chômé. source: Les derniers jours de l`Empire romain d`Occident - Michel de Jaeghere.
On croit rêver en entendant proclamer, comme lois de l'empire, ces maximes de la plus haute civilisation, quelques jours seulement après le règne de Dioclétien et de Maximin Hercule ! Qu'étaient donc devenus Jupiter, Vénus, Flore, Priape ? le Seigneur en avait purgé la terre, pour parler l'éloquent langage de Lactance. Et voilà pourquoi, en quelques jours, le monde se trouva comme transformé.
Le premier monument chrétien que Constantin consacra à Rome fut un baptistère sous l'invocation de saint Jean, afin d'y recevoir l'eau sainte. Ce fut dans les antiques jardins de Plautius Lateranus, alors occupés par le palais de l'impératrice Fausta, que fut construit, sous le pontificat de saint Sylvestre, ce somptueux baptistère qui appelle, de nos jours encore, la piété des fidèles et la curiosité des artistes à Saint-Jean de Latran.
Basilique St-Jean de Latran construite sous le règne de Constantin, premier empereur romain chrétien au 4 eme siècle. Première église à être publiquement consacrée — le 9 novembre 324 par le pape Sylvestre Ier — elle prit progressivement (à partir du XIIe siècle) le nom de basilique Saint-Jean par association à son important baptistère voisin, dédié à saint Jean-Baptiste, le plus ancien de Rome
Baptistère de la Basilique de St-Jean du Latran
Nulle part, en effet, on ne peut mieux reconnaître la forme de ce genre d'édifices particuliers à la primitive Église, et les cérémonies qui s'observaient dans l'administration du premier sacrement des chrétiens. L'eau sainte y est contenue dans une urne de basalte placée au milieu d'une vaste cuve, dans laquelle descendaient les néophytes. Cette urne avait été ornée par Constantin de lames d'argent du poids de 3,000 livres. Un agneau d'or et sept cerfs d'argent y jetaient l'eau. Près de l'agneau se trouvaient deux autres statues également d'argent, et hautes de cinq pieds, représentant : l'une, Notre-Seigneur; l'autre , saint Jean-Baptiste. Saint Jean tenait un rouleau portant l'inscription : Ecce Agnus Dei qui tollit peccata mundi. ( Voici l`Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde) Enfin, du milieu du bassin s'élevait une colonne de porphyre portant un vase d'or de 52 livres, dans lequel brûlaient, chaque année, à la solennité de Pâques, 200 livres de baume avec des mèches d'amiante. Ne cherchez plus aujourd'hui ces richesses, les Barbares ont pillés la ville de Rome.
Mais l'édifice du moins est resté ; il présente la forme octogone, et cette forme est reproduite à l'intérieur Par la disposition des colonnes qui entourent les fonts. Ces colonnes sont de porphyre. Elles supportent une frise, puis un ordre de colonnes de marbre blanc sur lequel repose la lanterne qui laisse pénétrer le jour dans le sanctuaire. Autrefois, dans la matinée du samedi saint, le pape avait coutume de se rendre solennellement au baptistère de Constantin. Avant d'y entrer, il se retournait vers les cardinaux et les bénissait en prononçant les paroles sacrées : Allez, et baptisez toutes les nations. Les cardinaux prêtres montaient alors à cheval et se dirigeaient vers les églises dont ils étaient titulaires, afin d'y donner l'eau sainte aux catéchumènes. Le pape la donnait lui-même à trois néophytes. Cette vénérable cérémonie est aujourd'hui tombée en désuétude ; mais chaque année encore, le samedi saint, le baptême est conféré solennellement à quelques convertis sur l'urne de basalte qui servit à saint Sylvestre.
Constantin joignit à son baptistère une grande basilique dédiée au Sauveur, et subsidiairement, plus tard, aux deux saints Jean : Jean le Précurseur et Jean le Bien-aimé. C'est cette basilique du Latran, la mère et la tête de toutes les églises du monde, ainsi qu'elle le porte fièrement écrit sur sa façade; église, en effet, la plus célèbre de l'univers par son baptistère antique, par son palais pontifical qui fut, pendant plus de dix siècles, la demeure de la papauté, et par les cinq conciles œcuméniques qui s'y assemblèrent. Cette vénérable basilique fut consacrée par le pape saint Sylvestre, le 5 des ides de novembre de l'année 324, et la commémoration de cette dédicace est devenue une fête pour toute la chrétienté. ( Fête de la Dédidace de l`Église)
Les anciens historiens nomment souvent l'église du Latran la basilique d'or, tant elle était splendide. Sa façade, tournée vers l'orient, se composait d'un portique en marbre de Paros, faisant saillie sur l'édifice, et d'un pignon élevé qu'ornait, dans sa partie supérieure, une mosaïque représentant le Sauveur des hommes. Six colonnes soutenaient le portique au fond duquel étaient les cinq entrées du temple. Nulle porte ne les fermait jamais L'église mère demeurait toujours ouverte, et comme asile au malheur et comme consolation à la prière.
Basilique de St-Jean du Latran
Au centre de la croix s'élevait le maître autel ayant au-dessous de lui la Confession, et au-dessus un riche baldaquin. Quatre anges, les douze apôtres et Jésus- Christ, assis sur son trône, l'entouraient. Baldaquin et statues étaient d'argent : la corniche elle-même qui supportait les statues était d'argent et ornée de ciselures. Quant au tabernacle, on lui avait consacré l`or le plus fin. Les lampes qui brûlaient devant lui ne consumaient que de l'huile de nard. En avant du maître autel se trouvait le chœur des chanoines, formant une enceinte carrée de marbre de Paros, et en arrière la tribune avec son siège pontifical.
Basilique St-Jean du Latran construite sous le règne de l`empereur romain Constantin - premier empereur romain converti a la foi chrétienne au 4 eme siècle Ap J.C.
Ce siège était élevé sur six gradins, dont l'un, le dernier, offrait les images sculptées d'un aspic, d'un lion, d'un dragon et d'un basilic. C'était un souvenir des paroles du Prophète : Super aspidem et basiliscum ambulabis et conculcabis leonem et draconem. (Tu marcheras sur le lion et sur l’aspic, tu fouleras le lionceau et le dragon – Psaume 91,13)
Enfin, les parois de la basilique étaient ornées de peintures, du milieu desquelles se détachait, au fond de la tribune, l'a figure du Rédempteur qu'on y voit encore. Une auréole d'or entoure la tête, dont l'ex pression est singulièrement grave et majestueuse. Suivant une pieuse tradition, cette figure était subitement apparue aux yeux de tous, lors de la consécration de la basilique.
L'église du Latran avait autrefois quelques usages liturgiques qui lui étaient propres. Dédiée au Sauveur, elle n'admettait habituellement d'autre oraison dans les offices que l'oraison Dominicale. — Il était facile de reconnaître l'Église suprême, ajoute Panvinius, à cet emploi presque exclusif de la suprême prière. — Le même auteur nous apprend que les cloches de la basilique ne faisaient jamais entendre que des sons joyeux, parce qu'elle représentait, plus particulièrement que tous les autres sanctuaires, l'église du ciel.
Fête de la Dédidace de l`Église St-Jean du Latran - Consacrée en Novembre de l`an 324 Ap J.C
L'église du Latran avait autrefois quelques usages liturgiques qui lui étaient propres. Dédiée au Sauveur, elle n'admettait habituellement d'autre oraison dans les offices que l'oraison Dominicale. — Il était facile de reconnaître l'Église suprême, ajoute Panvinius, à cet emploi presque exclusif de la suprême prière. — Le même auteur nous apprend que les cloches de la basilique ne faisaient jamais entendre que des sons joyeux, parce qu'elle représentait, plus particulièrement que tous les autres sanctuaires, l'église du ciel.
On n'y terminait jamais non plus l'Agnus Dei par la prière : Dona nobis pacem, (Donne-nous la Paix) la paix dans le ciel étant éternelle Saint-Jean de Latran a été saccagé et ruiné à diverses époques ; il fut notamment incendié au commencement du quatorzième siècle, et Pétrarque, le cœur navré, écrivait alors au pape Urbain : « Père miséricordieux, de quel cœur peux-tu dormir mollement sur les rives du Rhône, sous les paisibles toits de tes appartements dorés, tandis que le Latran s'en va en débris, que la mère de toutes les églises manque de toit et est livrée aux vents et aux tempêtes ? »
La basilique actuelle ne date que de 1360, et sa façade ne fut élevée que dans le dernier siècle par Alexandre Galilei. C'est un bâtiment noble et vaste, où malheureusement le Borromini a enfoui sous de massifs piliers les colonnes de brèche, de serpentine et de brocatelle de l'ancienne église. Les statues gigantesques des douze apôtres, debout dans l'épaisseur de ces piliers, rappellent majestueusement ce concile de Jérusalem, qui a été suivi au Latran de tant d'autres conciles. Au-dessus des apôtres sont les images des prophètes; au-dessus des prophètes se déroule, d'un côté, le vaste et imposant tableau des promesses de l'ancienne loi ; de l'autre, celui plus imposant encore de leur accomplissement dans l'Évangile. Partout, enfin, dans l'église du Latran, vous rencontrez de grandes œuvres et de grands souvenirs. La table sur laquelle Jésus-Christ fit la cène; et les colonnes qu'Auguste fit mouler avec le bronze des rostres arrachés aux vaisseaux pris à Actium, y soutiennent l'architrave de l'autel où le Dieu des chrétiens demeure exposé à la vénération des âmes pieuses.
Plusieurs autres grandes basiliques romaines doivent leur origine à Constantin ; Saint-Pierre entre autres, Saint-Paul hors des murs, Sainte-Croix en Jérusalem et Saint-Laurent. J'ai dit que c'était au pied de la colline Vaticane, dans le jardin et le cirque de Néron, que les premiers chrétiens de Rome souffrirent le martyre et que fut enterré le corps du prince des apôtres. Depuis lors ce lieu était devenu saint et vénéré.
La basilique St-Pierre de Rome commencée sous le règne de l`empereur romain Constantin.
La basilique de St-Paul hors les murs commencée sous le règne de l`empereur romain Constantin
Église de la Sainte-Croix en Jérusalem ( Santa Croce in Gerusalemme) commencée sous le règne de l`empereur romain Constantin
Basilique de Saint-Laurent Hors les murs ( en l`honneur du diacre martyr) commencée sous le règne de l`empereur romain Constantin
Basilique de Saint-Laurent Hors les murs
Les païens, de leur côté, considéraient le Vatican comme la colline des oracles (Vaticinia). Ces oracles émanaient, disaient-ils, du temple d'Apollon. Mais non loin du temple se faisait remarquer en outre un vieux chêne, plus vieux que Rome, nous dit Pline, vetustior urbe, et qui, dès le temps des Étrusques, était l'objet d'un culte religieux (Pline, lib. XIII, c. 7). Le Vatican, d'ailleurs, n'était fréquenté que par quelques potiers qui venaient y fabriquer les vases fragiles dont parle Juvénal, Vaticano fragiles de monte patellas (sat. VI, V. 344).
L'air de ces lieux était si malsain, que Tacite, en souvenir des épidémies qui s'y formaient, les traite d'infâmes, infamibus Vaticanis locis (Hist. II, 93). On comprend dès lors que, malgré le voisinage du cirque et des jardins de Néron, les chrétiens durent y trouver des facilités pour leurs assemblées et leurs mystères. Nous apprenons, en effet, par les Actes de saint Martial, que saint Pierre y enseignait de grandes foules de peuples. C'était sans doute dans les grottes creusées par les potiers que les assemblées avaient lieu, et ce fut sans doute dans ces mêmes grottes que le corps de l'apôtre et ceux des premiers martyrs reçurent la sépulture.
Anaclet y pratiqua bientôt un oratoire en mémoire du bienheureux Pierre, et saint Sylvestre, aidé de la munificence impériale, y construisit, à son tour, une somptueuse église, dont Constantin voulut poser lui-même les fondements. Le puissant empereur ( Constantin) se rendit donc au Vatican, au milieu d'un nombre considérable d'évêques et de clercs qui chantaient les louanges de Dieu, et que suivait tout le peuple. Là, rejetant son diadème, il s'agenouille et s'accuse hautement de ses fautes en répandant d'abondantes larmes ; puis, saisissant une pioche, il creuse le sol et transporte sur ses épaules douze charges de terre en l'honneur des douze apôtres.
La basilique fut aussitôt construite, et avec une telle rapidité, qu'elle put être consacrée cette même année 324 ap J.C. (18 novembre), quelques jours seulement après la consécration de l'église du Sauveur. La basilique de saint Pierre était assise sur la pente du Vatican et, en partie, sur les murailles du cirque de Néron. On y arrivait par un escalier de trente-cinq degrés de marbre, divisé en cinq paliers. En avant de sa façade se présentait un portique percé de trois fenêtres et de trois entrées, s' ouvrant entre des colonnes de granit d'Égypte. A droite et en retrait s'éleva plus tard un haut clocher de forme carrée et d'architecture byzantine.
Quant au portique, son entrée était fermée par des portes de bronze attenantes à des chambranles de marbre. Après les avoir franchies, on se trouvait dans une vaste cour rectangulaire qui rappelait l'Atrium romain, tant par la galerie à colonnes dont elle était entourée, que par la fontaine qui en occupait le centre. Cette cour fut pavée, dans la suite, de marbre blanc par le pape Donus : on l'appela alors le Paradis .
Dès le IVe siècle, au reste, saint Paulin nous parle de son aspect éclatant. La fontaine qui l'ornait était ombragée, nous dit-il, par un dôme d'airain, et ses eaux jaillissaient entre quatre colonnes placées là, non sans une pensée mystérieuse, non sine specie mystica. Saint Paulin y voyait en effet une image de cette source de la grâce qui jaillit vers l'Éternité bienheureuse du milieu des colonnes de la vie. Cependant, au-dessus de la galerie, vers l'orient, s'élevait le fronton azuré du temple (fronte coerulea). Ce temple auguste comptait cinq portes, cinq nefs et cent colonnes. La longueur seule de ses nefs atteignait 400 palmes; leur largeur, 180; quant à la hauteur, elle était de 170 palmes dans la grande nef, de 82 dans les suivantes, de 62 dans les dernières. Les portes de Saint-Pierre ont chacune leur nom dans l'histoire.
Celle du milieu, ordinairement fermée, était la Porte d'Argent (argentea). Elle fut en effet couverte de lames d'argent par saint Grégoire Ier, Honorius Ier et Léon IV. Près d'elle, à gauche, était la porte Ravennate, ainsi nommée du Transtévère qui était quelquefois désigné par le nom de quartier de Ravennes; cette porte était consacrée aux hommes. De l'autre côté se trouvait la porte Romaine, par laquelle entraient les femmes ; puis, à la suite, la porte Guidonea, qui ne s'ouvrait que devant les guidons des pèlerins, et, à l'autre extrémité, la porte du Jugement, qui ne s'ouvrait que devant les cercueils des morts.
Lorsqu'on mettait le pied dans la basilique, on remarquait, à droite et à gauche de la principale entrée, deux colonnes plus belles que toutes les autres, les plus belles même, dit-on, qu'on eût jamais vues. Elles étaient de marbre d'Afrique et rappelaient, suivant Severani, les deux colonnes de l'église, saint Pierre et saint Paul. Mais ce qui frappait surtout d'admiration, c'était la haute et grande nef avec son arc triomphal jeté comme un pont aérien en avant de l'autel, et le trône de l'apôtre resplendissant au fond de l'abside (coruscans). Saint Paulin disait de cette vue qu'elle saisissait les yeux et réjouissait le coeur (lumina stringit et corda Isetificat).
Basilique St-Pierre de Rome
On retrouve encore l'arc de triomphe dans plusieurs des basiliques romaines. Au Vatican il portait la croix du Labarum et les clefs de saint Pierre. On y exposait en outre, aux grandes fêtes, la Sacra Culcitra, linceul sanglant et vénéré dont se servirent les premiers chrétiens pour porter les corps des martyrs aux catacombes. Par delà l'arc de triomphe, une colonne torse de marbre blanc, avec festons de vigne, était l'objet d'un pieux respect. Suivant la tradition, Notre-Seigneur se serait appuyé contre elle en prêchant dans le temple.
Cette colonne et onze autres semblables, venues également, d'après l'opinion commune, du temple de Salomon, précédaient l'autel. Ici toute description devient impossible en présence des richesses en or, argent, pierreries, que la munificence de l'empereur s'était plu à accumuler. Disons seulement que l'autel, composé des plus beaux marbres, était surmonté d'un baldaquin de vermeil soutenu par quatre colonnes de porphyre. Au-dessous était la Confession ou le tombeau de l'Apôtre : cette disposition était un souvenir des catacombes ; c'était aussi un souvenir de l'Apocalypse : « Je vis sous l'autel , dit saint Jean, les âmes de lui rendirent témoignage. » (VI-9.) — Le corps de saint Pierre avait été placé par Constantin dans une châsse d'argent, et celle-ci renfermée à son tour dans une caisse de bronze doré, portant une croix d'or du poids de cent cinquante livres ; puis le dépôt sacré avait été remis au fond des grottes vaticanes sous l'antique oratoire de saint Anaclet.
Cet oratoire formait en effet comme un étage intermédiaire entre le grand autel de la basilique et le tombeau du premier des pontifes. Il avait, lui aussi, son autel et sa crypte. On n'apercevait celle-ci que par une petite fenêtre, et saint Grégoire de Tours nous apprend que les pèlerins passaient la tête par cette ouverture afin de prier devant les saintes reliques.
Or, la foule de ces pèlerins était immense. On les vit quelquefois errer dans les rues de Rome comme des nuées de fourmis et d'abeilles; et les princes eux-mêmes, les rois, les empereurs vinrent souvent abaisser l'orgueil de leur diadème aux pieds du pêcheur de Tibériade. Totila est un de ceux que cite l'histoire. Charlemagne ne monta les degrés du sanctuaire qu'en les baisant l'un après l'autre. C'est sur le tombeau de saint Pierre que Fulrad, abbé de Saint-Denis, déposa l'acte de donation des villes et des provinces dont Pépin faisait hommage au successeur du chef des apôtres.
Le sacre de l`empereur Charlemagne à Rome à Noel de l`an 800.
Nombre d'empereurs furent couronnés dans cette église, nombre de saints y furent canonisés ; il y avait peu d'évêques, dans les premiers âges, qui se dispensassent d'y porter, au moins une fois dans leur vie, leurs prières et celles de leur troupeau. — « Quels travaux, quelles difficultés vous ont induit à négliger le bienheureux Pierre, écrivait Grégoire VII à l'archevêque de Rouen, lorsque, des parties les plus éloignées du monde, les peuples même nouvellement convertis à la foi s'efforcent d'y venir tous les ans, hommes et femmes?»
Rome païenne ne vit jamais que des vaincus monter à son temple du Capitole; Rome chrétienne a vu toutes les nations, toutes les grandeurs se mêler, se confondre, s'humilier sous les majestueux arceaux de Saint-Pierre. Au sortir du Vatican les pèlerins se portaient en foule sur la voie d'Ostie où se trouvait la sépulture de saint Paul. Là, en effet, était la seconde station obligée de tout pèlerinage. Les fidèles ne venaient pas dans la pensée de prier seulement sur la tombe de Pierre, ils venaient aux tombeaux des Apôtres, suivant l'expression consacrée, Ad limina Apostolorum.
Les pèlerinages au Moyen-Age
Le lendemain du jour où sainte Zoé fut brûlée à petit feu pour avoir été surprise au tombeau de saint Pierre, saint Tranquillin était lapidé pour avoir été trouvé en prière au tombeau de saint Paul. Ces deux sépulcres vénérés étaient quelquefois désignés par le nom de trophées. — « Je puis vous montrer, écrivait le prêtre Caïus, au second siècle, les trophées des Apôtres qui ont fondé cette église. Soit que vous alliez au Vatican, soit que vous alliez sur la voie d'Ostie, vous les rencontrerez. » Le corps de saint Paul avait été enseveli, après son martyre, dans un champ appartenant à une pieuse femme du nom de Lucine. Ce nom de Lucine revient sans cesse dans l'histoire du dévouement et de la charité, aux premiers siècles de l'Église romaine.
Cependant, depuis que Constantin était maître du monde, sa pieuse mère Hélène avait jeté les yeux sur la Terre-Sainte, et, bien qu'âgée de quatre-vingts ans elle y était allée arracher la statue de Vénus du temple qu'Adrien lui avait érigé sur le Calvaire. On sait comment, en démolissant les fondements de ce temple, on trouva trois croix et divers instruments de supplice. Un miracle révéla laquelle de ces croix avait été sanctifiée par la mort de Jésus-Christ; et Hélène, après en avoir laissé une partie à Jérusalem, et en avoir envoyé une seconde à Constantinople, fit édifier une basilique pour recevoir la troisième.
L`impératrice romaine St-Hélène et la recherche de la Vraie Croix ( 250 à 330 Ap J.C.)
Telle fut l'origine de la basilique de la Sainte-Croix-en-Jérusalem de Rome. Elle occupe l'emplacement du palais Sessorien et des Horti Variant, somptueux jardins que souillèrent les débauches hideuses de l`empereur romain païen Héliogabale. Depuis lors, le palais Sessorien avait été habité par Alexandre Sévère, et il l'était au cinquième siècle, par la pieuse veuve de Constance Chlore. Ce fut donc dans sa propre demeure qu'Hélène construisit un sanctuaire à la croix, imitant en cela son fils, qui avait fait de son palais de Latran l'église du Sauveur.
La sève chrétienne, si violemment comprimée naguère par les empereurs païens, s'épandait rapidement désormais dans toutes les veines du corps social et vivifiait chacune des branches de ce vieux tronc qui s'en allait en poudre. — « Si la multitude des chrétiens vous eût quittés pour se retirer dans quelque contrée lointaine, disait Tertullien aux Romains, dès le second siècle, la perte seule de tant de citoyens de tout état vous eût assez punis. Vous auriez été effrayés de votre solitude, du silence, de l'étonnement du monde qui aurait paru comme mort. (Apologétique 37.) » — Si telle était dès lors la puissance du catholicisme, que ne devait-elle pas être après Constantin ! et cependant une grande partie de la population n'avait pas encore cessé d'être idolâtre ; les temples païens continuèrent, jusqu'à Théodose, à recevoir des offrandes et à être rougis du sang des sacrifices ; mais tandis que les églises chrétiennes ne pouvaient suffire à la multitude qui en assiégeait les portes, les temples étaient abandonnés et on les fermait successivement, faute d'adeptes.
Cette ère de grandeur et de prospérité eut malheureusement ses jours de douleurs et d'épreuves, car y en eut-il jamais de plus tristement pénibles que ceux qui virent les querelles ardentes de l'arianisme ? Ce n'est plus une guerre franche comme celle des persécutions, mais une lutte de mots captieux, d'arguties enveloppées de phrases amphibologiques. L'arianisme mit en feu l'empire romain pendant près d'un siècle ; mais ce fut surtout à Constantinople (Le ville d`Istamboul en Turquie actuelle) et à Alexandrie (Égypte gréco-romaine de l`époque) que les animosités et les débats furent ardents et opiniâtres.
Dernière édition par MichelT le Mar 7 Déc 2021 - 16:42, édité 2 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: Rome Chrétienne et ses monuments - EUGENE DE LA GOURNERIE - 1867
Ce fut à Alexandrie que saint Athanase, homme prodigieux, qui sembla être le génie du catholicisme dans ce siècle, combattit cinquante ans contre les passions ameutées, les calomnies et les empereurs. Chassé quatre fois de son siège, en reprenant possession quatre fois comme un triomphateur, toujours inébranlable au milieu d'une persécution qui s'étendit comme une lèpre sur les plus saints, aussi puissant, aussi terrible à ses adversaires du fond des Gaules et des solitudes de l'Égypte que du haut de la chaire de son église, c'est véritablement l'homme fort, l'homme soutenu de Dieu, qui espère contre toute espérance, et que la haine est réduite à accuser de magie, tant il y a d'entraînement dans sa voix, tant il y a de divination dans sa prudence !
Saint Athanase – Évêque d`Alexandrie en Égypte ( 296-373 Ap J.C.)
Saint Athanase vint deux fois à Rome : une première, lorsque les Ariens le citèrent au jugement du pape ; une seconde, lorsque l'intrusion de l'évêque Grégoire l'obligea de quitter Alexandrie. Il amena avec lui quelques moines d'Égypte, et il vécut avec eux dans la capitale du monde, observant les exercices et les pénitences qu'il avait vu pratiquer aux cénobites de la Thébaïde. C'est donc à saint Athanase qu'on peut faire remonter l'introduction de la vie monastique à Rome.
Il y répandit son livre de la Vie de saint Antoine, premier ermite, et y inspira à sainte Marcelle ce goût de la méditation et de la retraite qui la porta, dans la suite, à vivre avec sa fille dans la solitude et la prière. Nous apprenons de l'illustre patriarche qu'il fut accueilli et logé à Rome par quelques-uns des membres de la famille même de Constance, le protecteur de ses ennemis. Nous savons par lui que ses hôtes lui prodiguèrent les honneurs et les devoirs les plus touchants de la charité. Quels étaient cependant ces hôtes ? Baronius nomme Eutropie, sœur de Constantin le Grand, et Népotien, son fils, qui fut un instant empereur. Ce serait donc peut-être au Palatin, dans la demeure d'Auguste et de Néron, qu'aurait été recueilli et comblé d'honneurs Athanase.
Athanase vint la première fois à Rome en 340, et la seconde en 342. Il y resta alors trois ans. Parlant d'un de ces voyages, il ne dit que ces simples mots : « Je me rendis à Rome, afin d'aller trouver l'église et l'évêque ; » .Saint Athanase fut le précurseur de cette longue série de grands et nobles génies qui illustrèrent l'Église au quatrième siècle.
Un de ceux qui le suivirent de plus près, saint Ambroise, appartenait à une famille romaine. Né à Trêves, pendant que son père était préfet des Gaules, il vint peu de temps après à Rome, et passa son enfance dans la maison paternelle, à l'endroit où s'éleva depuis Sant-Ambrogio della Massima. C'est là que l'heureux enfant, dans la bouche duquel les abeilles étaient venues, comme dans celle de Platon, déposer leur miel, donnait en jouant sa main à baiser à sa mère et à sa soeur, en disant : Je serai évêque; c'est là que sa soeur bien-aimée, sainte Marcelline, s'étudiait à former son esprit et son coeur.
Saint-Ambroise de Milan (339-397 Ap J.C. -Italie)
Marcelline reçut le voile des vierges, dans la basilique Vaticane, des mains du pape Libère, et saint Ambroise quitta Rome pour aller gouverner la Ligurie. On sait comment la voix d'un enfant le proclamant évêque fut considérée comme la voix de Dieu par le peuple de Milan ; on sait comment il recourut, mais en vain, aux ruses, ce semble, les plus imprudentes, pour se soustraire à la dignité qui le menaçait ; on sait les vertus, le courage, la fermeté inébranlable de son épiscopat, la constante douceur de son caractère et l'éloquence de ses ouvrages, éloquence autrement sentie que celles des chefs-d'œuvre de Rome et de la Grèce.
Saint-Augustin (354-430 Ap J.C.) Carthage en Afrique romaine - Tunisie actuelle
Film - Saint Augustin - Bande annonce
Un nom qui se trouve intimement uni dans l'histoire à celui de saint Ambroise, c'est celui de saint Augustin. Lorsque Augustin vint à Rome, il sortait de Carthage, où son âme s'était laissé séduire par tout plein de mauvaises amours. Las des plaisirs, trouvant partout la science impuissante à combler le vide de son cœur, il s'en allait flottant à tout vent de doctrine, le malheureux jeune homme, enseignant les lettres à de jeunes hommes ardents, voluptueux, inquiets comme lui, cherchant peut-être comme lui, dans des études frivoles, un refuge contre les inquiétudes qui les obsédaient. C'est au lieu où s'élève aujourd'hui le haut clocher de Sainte-Marie in Cosmedin, sur les ruines du temple de la Pudicité, près du temple debout encore de Vesta, qu'était l'école où la foule se pressait pour entendre Augustin.
Il ne quitta Rome qu'en 384 pour aller à Milan, où il devait trouver saint Ambroise. Monique, sa pieuse mère, vint l'y rejoindre, et elle eut le bonheur de voir la conversion d'un fils aux pas duquel elle s'était attachée comme son bon ange (an 387). Délivrée alors de ses inquiétudes, elle songea à retourner en Afrique, et Augustin se mit en route avec elle. Arrivés à Ostie et attendant le départ du navire, ils se tenaient, un jour, appuyés sur la fenêtre de la maison qu'ils occupaient, oubliant le passé et cherchant à pénétrer dans l'avenir les mystères de la vie bienheureuse. Les pensées, les affections de la terre s'évanouirent pour eux dans cette méditation sainte; leurs âmes s' élançant par l'ardeur de leurs désirs parvinrent à goûter comme les prémices de l'ineffable félicité, et ils gémissaient d'être réduits aux accents de la voix humaine pour exprimer ce qui est au-dessus de toute parole.
Sainte-Monique avec Saint-Augustin son fils (354-430 Ap J.C.)
Alors Monique dit à Augustin : « Mon fils, je vous avoue qu'il n'y a plus rien en cette vie qui soit capable de me plaire, et je ne sais plus ce que j'y fais, ni pourquoi j'y demeure davantage, puisque je n'ai plus rien à y espérer. La seule chose qui me faisait un peu désirer de vivre, était de vous voir chrétien et catholique avant ma mort. Dieu a plus fait, puisqu'il ne m'a pas seulement accordé une telle grâce, mais aussi celle de vous voir devenir entièrement son serviteur par le mépris que vous faites, pour l'amour de lui, de tous les biens et de toutes les félicités de ce monde. Que fais-je donc ici davantage ? » Cinq jours après, elle fut prise d'une fièvre ardente, et appelant ses fils : « Vous enterrerez ici votre mère, leur dit-elle ; souvenez-vous d'elle à l'autel du Seigneur, en quelque lieu que vous soyez. » Ce furent ses dernières paroles.
Augustin revint une dernière fois à Rome, et il composa même dans cette ville ses livres des Mœurs de l Église, de la Grandeur de l'âme et du Libre arbitre. Quant à sa vie en Afrique, elle n'appartient qu'à l'histoire générale du catholicisme qui le renomma toujours comme l'un des plus intrépides défenseurs de la vérité, comme le plus complet surtout, car personne, parmi les hauts génies de cette époque, n'envisagea l'ensemble des dogmes religieux d'un point de vue plus vaste, et n'en développa le tableau avec plus d'abondance et de lucidité. Saint Jérôme et saint Paulin de Nole durent se trouver à Rome en même temps qu'Augustin. C'était à Rome que le fougueux Dalmate avait passé son orageuse, son inquiète jeunesse, s' abandonnant à l'étude et aux plaisirs avec toute l'ardeur qui, plus tard, l'entraîna dans la Palestine et inspira son éloquence.
Certes, c'est belle chose de voir la hauteur de pensée, la dignité de conduite, la puissance de parole des évêques de ce grand siècle. Les luttes continuelles qu'ils avaient à soutenir contre les influences vivaces du paganisme et la ferveur hypocrite des hérésies, accroissaient leur talent et épuraient leur caractère. A Rome, les papes étaient tous des saints : c'étaient saint Marcel, saint Eusèbe, saint Melchiade, sous le pontificat duquel Constantin défit Maxence ; saint Sylvestre qui l'aida si puissamment dans son œuvre d'organisation ; saint Marc, saint Jules, dont les lettres sont un des plus curieux monuments de l'antiquité ecclésiastique ; saint Damase, homme d'une austérité et d'une pureté qui lui ont fait donner le nom de Docteur-Vierge; saint Sirice, et ce Libère dont le nom n'est pas inscrit dans tous les martyrologes, mais qui n'en termina pas moins saintement sa longue et orageuse vie.
Sous le pontificat de Libère, la persécution exercée par les Ariens contre les catholiques atteignit à son dernier degré de violence ; lui-même s'étant montré inflexible dans sa confession de foi, fut saisi par ordre de l'empereur Constance. On avait répandu à l'avance une sorte de terreur sur toute la ville de Rome, dans la crainte que le peuple n'intervînt en faveur du pontife. Des calomnies, des menaces de mort avaient obligé un grand nombre de familles à s'enfuir ; les portes et le cours du Tibre furent gardés, et Libère, enlevé pendant la nuit, fut conduit à Milan devant l'empereur. Là, il dut subir un long interrogatoire, durant lequel il fut en admiration à tous, dit Théodoret. Constance lui reprochait d'être seul au monde à soutenir saint Athanase. — « Quand je serais seul, répondait Libère, la cause de la foi ne serait pas pour cela vaincue. » — « Je veux que vous embrassiez la communion des Églises, » disait encore Constance, « et vous retournerez à Rome. — J'ai déjà dit adieu à nos frères de Rome, reprenait le pontife; mieux vaut ne pas habiter Rome, que de sacrifier les lois de l'Église. Envoyez-moi donc où il vous plaira. »
Et Libère fut exilé à Bérée en Thrace ; et son siège fut occupé par Félix, archidiacre de l'Église romaine, que trois eunuques et trois évêques élurent pontife dans le palais de l'empereur. Félix du moins se montra fidèle à la foi de Nicée mais son intrusion le condamnait à l'isolement. Le clergé l'évitait, le peuple s'éloignait des églises. Constance étant venu à Rome en avril 357, les dames romaines lui demandèrent avec instance le retour de Libère. — « Mais vous avez un autre pasteur ? » dit le prince. — « Personne n'entre dans l'église lorsqu'il s'y présente , » répondirent les nobles femmes. Peu de temps après, l'empereur annonça par lettres-patentes le rappel de Libère, à la condition qu'il gouvernerait en commun avec Félix. Le peuple était au Cirque lorsqu'on lui lut ces lettres.
Il n'y a qu'un Dieu, s'écria-t-il, qu'un Christ, qu'un évêque, et Félix fut contraint de céder. L'émotion fut même telle dans la ville, que Constance finit par consentir malgré lui, suivant l'expression de Socrate, au retour de Libère. Le saint pontife rentra dans Rome en triomphe; et ses dernières années furent toutes consacrées à ramener par la prédication et la douceur les chrétiens égarés par Arius.
Il n`était pas rare de voir des familles entières de prédestinés. Saint Augustin était fils de sainte Monique; saint Ambroise était frère de sainte Marcelline et neveu de sainte Sotère; le grand saint Basile avait pour mère sainte Emmélie, et pour frères et soeurs saint Grégoire de Nysse, saint Pierre de Sébaste et sainte Macrine. On vit deux saints Grégoire, père et fils, se succéder sur le siège de Nazianze ; le plus célèbre des deux eut pour mère sainte Nonne, et pour frère et soeur saint Césaire et sainte Gorgonie ; sainte Thérasie était épouse de saint Paulin de Nole. Ainsi encore on voit au Mont-Cassin la statue de saint Benoît entre celles de sainte Abondance, sa mère, et de sa soeur sainte Scholastique.
La famille alors se soutenait comme une phalange dans les épreuves, et le foyer paternel était un sanctuaire. Alors aussi le Christianisme présentait parmi ses saints et ses défenseurs l'élite des génies du monde entier. Les Gaules, encore barbares, avaient saint Paulin et saint Hilaire ; l'Espagne, le grand Osius ; l'Afrique, si brillante, si civilisée, citait avec orgueil saint Augustin et Lactance ; l'Orient avait saint Basile, saint Grégoire de Nazianze, saint Chrysostome, Eusèbe de Césarée, saint Athanase. On dirait que l'église avait absorbé à elle seule tout ce qu'il y avait de sève et de vie dans les intelligences.
Nous avons nommé quelques-unes des églises qui appartiennent à la seconde moitié du quatrième siècle : nous citerons encore Saint-Eusèbe, sur l'Esquilin, qui occupe l'emplacement de la demeure du pape Eusèbe, et Sainte-Marie-Majeure. Tout le monde connaît le miracle qui donna lieu à la fondation de cette dernière basilique. Le Patrice Jean 1 et sa femme n'ayant point d'enfants, avaient fait vœu de consacrer leur fortune à l'accomplissement d'une œuvre qui pût être agréable à la mère de Dieu et ils priaient journellement la Vierge de leur révéler sa pensée, lorsque tout à coup, aux nones d'août, la neige couvrit pendant la nuit une partie du mont Esquilin. En même temps la Vierge apparaissait en songe au Patrice et au pape Libère. Le lendemain, le pape et le Patrice se portèrent en pompe à l'Esquilin, et jetèrent les fondements d'une église qui embrassa tout l'espace blanchi par la neige. Cette église, dédiée à Marie, fut appelée Sancta Maria ad Nives; mais comme elle était la plus grande de celles qui lui étaient consacrées à Rome, on la désigna dans la suite par le nom de Sainte-Marie-Majeure.
Basilique de Sainte-Marie-Majeure
C'est une des sept grandes basiliques romaines. L'ensemble de la construction de Sainte-Marie- Majeure n'a aujourd'hui rien d'antique. Son plafond à caissons dorés, sa façade percée de hautes fenêtres n'ont ni la grandeur ni la majesté de nos vieux monuments chrétiens ; ce sera toujours cependant une belle, une harmonieuse, une somptueuse église. La splendeur de sa chapelle du Saint-Sacrement et de celle de la Vierge est sans égale.
FIN DE L`EXTRAIT
Saint Athanase – Évêque d`Alexandrie en Égypte ( 296-373 Ap J.C.)
Saint Athanase vint deux fois à Rome : une première, lorsque les Ariens le citèrent au jugement du pape ; une seconde, lorsque l'intrusion de l'évêque Grégoire l'obligea de quitter Alexandrie. Il amena avec lui quelques moines d'Égypte, et il vécut avec eux dans la capitale du monde, observant les exercices et les pénitences qu'il avait vu pratiquer aux cénobites de la Thébaïde. C'est donc à saint Athanase qu'on peut faire remonter l'introduction de la vie monastique à Rome.
Il y répandit son livre de la Vie de saint Antoine, premier ermite, et y inspira à sainte Marcelle ce goût de la méditation et de la retraite qui la porta, dans la suite, à vivre avec sa fille dans la solitude et la prière. Nous apprenons de l'illustre patriarche qu'il fut accueilli et logé à Rome par quelques-uns des membres de la famille même de Constance, le protecteur de ses ennemis. Nous savons par lui que ses hôtes lui prodiguèrent les honneurs et les devoirs les plus touchants de la charité. Quels étaient cependant ces hôtes ? Baronius nomme Eutropie, sœur de Constantin le Grand, et Népotien, son fils, qui fut un instant empereur. Ce serait donc peut-être au Palatin, dans la demeure d'Auguste et de Néron, qu'aurait été recueilli et comblé d'honneurs Athanase.
Athanase vint la première fois à Rome en 340, et la seconde en 342. Il y resta alors trois ans. Parlant d'un de ces voyages, il ne dit que ces simples mots : « Je me rendis à Rome, afin d'aller trouver l'église et l'évêque ; » .Saint Athanase fut le précurseur de cette longue série de grands et nobles génies qui illustrèrent l'Église au quatrième siècle.
Un de ceux qui le suivirent de plus près, saint Ambroise, appartenait à une famille romaine. Né à Trêves, pendant que son père était préfet des Gaules, il vint peu de temps après à Rome, et passa son enfance dans la maison paternelle, à l'endroit où s'éleva depuis Sant-Ambrogio della Massima. C'est là que l'heureux enfant, dans la bouche duquel les abeilles étaient venues, comme dans celle de Platon, déposer leur miel, donnait en jouant sa main à baiser à sa mère et à sa soeur, en disant : Je serai évêque; c'est là que sa soeur bien-aimée, sainte Marcelline, s'étudiait à former son esprit et son coeur.
Saint-Ambroise de Milan (339-397 Ap J.C. -Italie)
Marcelline reçut le voile des vierges, dans la basilique Vaticane, des mains du pape Libère, et saint Ambroise quitta Rome pour aller gouverner la Ligurie. On sait comment la voix d'un enfant le proclamant évêque fut considérée comme la voix de Dieu par le peuple de Milan ; on sait comment il recourut, mais en vain, aux ruses, ce semble, les plus imprudentes, pour se soustraire à la dignité qui le menaçait ; on sait les vertus, le courage, la fermeté inébranlable de son épiscopat, la constante douceur de son caractère et l'éloquence de ses ouvrages, éloquence autrement sentie que celles des chefs-d'œuvre de Rome et de la Grèce.
Saint-Augustin (354-430 Ap J.C.) Carthage en Afrique romaine - Tunisie actuelle
Film - Saint Augustin - Bande annonce
Un nom qui se trouve intimement uni dans l'histoire à celui de saint Ambroise, c'est celui de saint Augustin. Lorsque Augustin vint à Rome, il sortait de Carthage, où son âme s'était laissé séduire par tout plein de mauvaises amours. Las des plaisirs, trouvant partout la science impuissante à combler le vide de son cœur, il s'en allait flottant à tout vent de doctrine, le malheureux jeune homme, enseignant les lettres à de jeunes hommes ardents, voluptueux, inquiets comme lui, cherchant peut-être comme lui, dans des études frivoles, un refuge contre les inquiétudes qui les obsédaient. C'est au lieu où s'élève aujourd'hui le haut clocher de Sainte-Marie in Cosmedin, sur les ruines du temple de la Pudicité, près du temple debout encore de Vesta, qu'était l'école où la foule se pressait pour entendre Augustin.
Il ne quitta Rome qu'en 384 pour aller à Milan, où il devait trouver saint Ambroise. Monique, sa pieuse mère, vint l'y rejoindre, et elle eut le bonheur de voir la conversion d'un fils aux pas duquel elle s'était attachée comme son bon ange (an 387). Délivrée alors de ses inquiétudes, elle songea à retourner en Afrique, et Augustin se mit en route avec elle. Arrivés à Ostie et attendant le départ du navire, ils se tenaient, un jour, appuyés sur la fenêtre de la maison qu'ils occupaient, oubliant le passé et cherchant à pénétrer dans l'avenir les mystères de la vie bienheureuse. Les pensées, les affections de la terre s'évanouirent pour eux dans cette méditation sainte; leurs âmes s' élançant par l'ardeur de leurs désirs parvinrent à goûter comme les prémices de l'ineffable félicité, et ils gémissaient d'être réduits aux accents de la voix humaine pour exprimer ce qui est au-dessus de toute parole.
Sainte-Monique avec Saint-Augustin son fils (354-430 Ap J.C.)
Alors Monique dit à Augustin : « Mon fils, je vous avoue qu'il n'y a plus rien en cette vie qui soit capable de me plaire, et je ne sais plus ce que j'y fais, ni pourquoi j'y demeure davantage, puisque je n'ai plus rien à y espérer. La seule chose qui me faisait un peu désirer de vivre, était de vous voir chrétien et catholique avant ma mort. Dieu a plus fait, puisqu'il ne m'a pas seulement accordé une telle grâce, mais aussi celle de vous voir devenir entièrement son serviteur par le mépris que vous faites, pour l'amour de lui, de tous les biens et de toutes les félicités de ce monde. Que fais-je donc ici davantage ? » Cinq jours après, elle fut prise d'une fièvre ardente, et appelant ses fils : « Vous enterrerez ici votre mère, leur dit-elle ; souvenez-vous d'elle à l'autel du Seigneur, en quelque lieu que vous soyez. » Ce furent ses dernières paroles.
Augustin revint une dernière fois à Rome, et il composa même dans cette ville ses livres des Mœurs de l Église, de la Grandeur de l'âme et du Libre arbitre. Quant à sa vie en Afrique, elle n'appartient qu'à l'histoire générale du catholicisme qui le renomma toujours comme l'un des plus intrépides défenseurs de la vérité, comme le plus complet surtout, car personne, parmi les hauts génies de cette époque, n'envisagea l'ensemble des dogmes religieux d'un point de vue plus vaste, et n'en développa le tableau avec plus d'abondance et de lucidité. Saint Jérôme et saint Paulin de Nole durent se trouver à Rome en même temps qu'Augustin. C'était à Rome que le fougueux Dalmate avait passé son orageuse, son inquiète jeunesse, s' abandonnant à l'étude et aux plaisirs avec toute l'ardeur qui, plus tard, l'entraîna dans la Palestine et inspira son éloquence.
Certes, c'est belle chose de voir la hauteur de pensée, la dignité de conduite, la puissance de parole des évêques de ce grand siècle. Les luttes continuelles qu'ils avaient à soutenir contre les influences vivaces du paganisme et la ferveur hypocrite des hérésies, accroissaient leur talent et épuraient leur caractère. A Rome, les papes étaient tous des saints : c'étaient saint Marcel, saint Eusèbe, saint Melchiade, sous le pontificat duquel Constantin défit Maxence ; saint Sylvestre qui l'aida si puissamment dans son œuvre d'organisation ; saint Marc, saint Jules, dont les lettres sont un des plus curieux monuments de l'antiquité ecclésiastique ; saint Damase, homme d'une austérité et d'une pureté qui lui ont fait donner le nom de Docteur-Vierge; saint Sirice, et ce Libère dont le nom n'est pas inscrit dans tous les martyrologes, mais qui n'en termina pas moins saintement sa longue et orageuse vie.
Sous le pontificat de Libère, la persécution exercée par les Ariens contre les catholiques atteignit à son dernier degré de violence ; lui-même s'étant montré inflexible dans sa confession de foi, fut saisi par ordre de l'empereur Constance. On avait répandu à l'avance une sorte de terreur sur toute la ville de Rome, dans la crainte que le peuple n'intervînt en faveur du pontife. Des calomnies, des menaces de mort avaient obligé un grand nombre de familles à s'enfuir ; les portes et le cours du Tibre furent gardés, et Libère, enlevé pendant la nuit, fut conduit à Milan devant l'empereur. Là, il dut subir un long interrogatoire, durant lequel il fut en admiration à tous, dit Théodoret. Constance lui reprochait d'être seul au monde à soutenir saint Athanase. — « Quand je serais seul, répondait Libère, la cause de la foi ne serait pas pour cela vaincue. » — « Je veux que vous embrassiez la communion des Églises, » disait encore Constance, « et vous retournerez à Rome. — J'ai déjà dit adieu à nos frères de Rome, reprenait le pontife; mieux vaut ne pas habiter Rome, que de sacrifier les lois de l'Église. Envoyez-moi donc où il vous plaira. »
Et Libère fut exilé à Bérée en Thrace ; et son siège fut occupé par Félix, archidiacre de l'Église romaine, que trois eunuques et trois évêques élurent pontife dans le palais de l'empereur. Félix du moins se montra fidèle à la foi de Nicée mais son intrusion le condamnait à l'isolement. Le clergé l'évitait, le peuple s'éloignait des églises. Constance étant venu à Rome en avril 357, les dames romaines lui demandèrent avec instance le retour de Libère. — « Mais vous avez un autre pasteur ? » dit le prince. — « Personne n'entre dans l'église lorsqu'il s'y présente , » répondirent les nobles femmes. Peu de temps après, l'empereur annonça par lettres-patentes le rappel de Libère, à la condition qu'il gouvernerait en commun avec Félix. Le peuple était au Cirque lorsqu'on lui lut ces lettres.
Il n'y a qu'un Dieu, s'écria-t-il, qu'un Christ, qu'un évêque, et Félix fut contraint de céder. L'émotion fut même telle dans la ville, que Constance finit par consentir malgré lui, suivant l'expression de Socrate, au retour de Libère. Le saint pontife rentra dans Rome en triomphe; et ses dernières années furent toutes consacrées à ramener par la prédication et la douceur les chrétiens égarés par Arius.
Il n`était pas rare de voir des familles entières de prédestinés. Saint Augustin était fils de sainte Monique; saint Ambroise était frère de sainte Marcelline et neveu de sainte Sotère; le grand saint Basile avait pour mère sainte Emmélie, et pour frères et soeurs saint Grégoire de Nysse, saint Pierre de Sébaste et sainte Macrine. On vit deux saints Grégoire, père et fils, se succéder sur le siège de Nazianze ; le plus célèbre des deux eut pour mère sainte Nonne, et pour frère et soeur saint Césaire et sainte Gorgonie ; sainte Thérasie était épouse de saint Paulin de Nole. Ainsi encore on voit au Mont-Cassin la statue de saint Benoît entre celles de sainte Abondance, sa mère, et de sa soeur sainte Scholastique.
La famille alors se soutenait comme une phalange dans les épreuves, et le foyer paternel était un sanctuaire. Alors aussi le Christianisme présentait parmi ses saints et ses défenseurs l'élite des génies du monde entier. Les Gaules, encore barbares, avaient saint Paulin et saint Hilaire ; l'Espagne, le grand Osius ; l'Afrique, si brillante, si civilisée, citait avec orgueil saint Augustin et Lactance ; l'Orient avait saint Basile, saint Grégoire de Nazianze, saint Chrysostome, Eusèbe de Césarée, saint Athanase. On dirait que l'église avait absorbé à elle seule tout ce qu'il y avait de sève et de vie dans les intelligences.
Nous avons nommé quelques-unes des églises qui appartiennent à la seconde moitié du quatrième siècle : nous citerons encore Saint-Eusèbe, sur l'Esquilin, qui occupe l'emplacement de la demeure du pape Eusèbe, et Sainte-Marie-Majeure. Tout le monde connaît le miracle qui donna lieu à la fondation de cette dernière basilique. Le Patrice Jean 1 et sa femme n'ayant point d'enfants, avaient fait vœu de consacrer leur fortune à l'accomplissement d'une œuvre qui pût être agréable à la mère de Dieu et ils priaient journellement la Vierge de leur révéler sa pensée, lorsque tout à coup, aux nones d'août, la neige couvrit pendant la nuit une partie du mont Esquilin. En même temps la Vierge apparaissait en songe au Patrice et au pape Libère. Le lendemain, le pape et le Patrice se portèrent en pompe à l'Esquilin, et jetèrent les fondements d'une église qui embrassa tout l'espace blanchi par la neige. Cette église, dédiée à Marie, fut appelée Sancta Maria ad Nives; mais comme elle était la plus grande de celles qui lui étaient consacrées à Rome, on la désigna dans la suite par le nom de Sainte-Marie-Majeure.
Basilique de Sainte-Marie-Majeure
C'est une des sept grandes basiliques romaines. L'ensemble de la construction de Sainte-Marie- Majeure n'a aujourd'hui rien d'antique. Son plafond à caissons dorés, sa façade percée de hautes fenêtres n'ont ni la grandeur ni la majesté de nos vieux monuments chrétiens ; ce sera toujours cependant une belle, une harmonieuse, une somptueuse église. La splendeur de sa chapelle du Saint-Sacrement et de celle de la Vierge est sans égale.
FIN DE L`EXTRAIT
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
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