Démission de Mgr Aupetit : les raisons de la décision du pape François
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Démission de Mgr Aupetit : les raisons de la décision du pape François
Démission de Mgr Aupetit : les raisons de la décision du pape François
La rapidité avec laquelle le pape François a accepté la démission de l’archevêque de Paris interroge. Les faits reprochés à Mgr Aupetit pourraient être plus graves que des erreurs de gouvernance et un simple mail... Enquête.
Un article du Point avait révélé l'existence, en 2012, d'un mail compromettant de Mgr Aupetit à une femme mais envoyé par erreur à sa secrétaire. L'archevêque de Paris dément toute liaison intime avec cette correspondante. - Corinne SIMON/CIRIC
La rapidité avec laquelle le pape François a accepté la démission de l’archevêque de Paris interroge. Les faits reprochés à Mgr Aupetit pourraient être plus graves que des erreurs de gouvernance et un simple mail... Enquête.
Un article du Point avait révélé l'existence, en 2012, d'un mail compromettant de Mgr Aupetit à une femme mais envoyé par erreur à sa secrétaire. L'archevêque de Paris dément toute liaison intime avec cette correspondante. - Corinne SIMON/CIRIC
Publié le 2/12/2021 à 20:21
Six jours seulement. François n’a pas traîné pour statuer sur le sort de l’archevêque de Paris. Sans l’avoir préalablement rencontré - mais joint par téléphone selon nos informations -, le pape a accepté jeudi 2 décembre la démission de Mgr Michel Aupetit. Le couperet est tombé sans crier gare et a surpris tout le monde, même les observateurs les plus aguerris des arcanes du monde ecclésial. Dans l’entourage de l’archevêque, c’est la sidération. « On ne s’attendait pas à ça, confie un proche. En vérité, c’est un choc cosmique ! Nous recevons des centaines de messages de consternation à l’archevêché. Ces gens ne croient pas à cette soi-disant affaire de ‘petite copine’. Ils estiment que cette histoire est une chose impossible et que Rome s’est tout simplement trompé. Certains messages sont même empreints de colère. »
Mais de rares voix osent établir un lien entre la rapidité de la décision romaine et la gravité des faits qui seraient reprochés à Mgr Aupetit. Depuis la publication par l’hebdomadaire Le Point d’un article à charge contre l’archevêque parisien, les langues se délient et les accusations mettant en cause « le comportement ambigu » de Mgr Aupetit – selon ses propres mots – avec une femme s’étayent. Selon les informations recueillies par Famille Chrétienne après un long travail d'enquête, les faits qui lui sont reprochés pourraient être bien plus graves qu’un simple mail adressé par erreur à sa secrétaire en 2012, et justifieraient à eux seuls la décision expéditive du Saint-Père. Les nombreux interlocuteurs que nous avons joints n'ont pas souhaité s'exprimer publiquement à propos de cette douloureuse affaire, étant partagé entre leur loyauté envers Michel Aupetit et leur volonté de faire la vérité.
Dissimulation jusqu'en haut lieu
Selon des sources proches du dossier, la décision de Rome est en rapport direct avec la réalité des affaires de mœurs reprochées à Mgr Aupetit par Le Point, mais aussi la manière dont il aurait volontairement dissimulé la réalité de ces faits à son entourage. L’archevêque de Paris avait démenti avec force auprès de l’hebdomadaire toute relation sexuelle avec la destinataire de son mail, expliquant que cette femme s’était « manifestée à de nombreuses reprises auprès de moi par des visites, des courriers, etc., à tel point que j’ai parfois dû prendre des dispositions pour mettre de la distance entre nous ». Il admettait cependant que son « comportement vis-à-vis d’elle a pu être ambigu, laissant ainsi sous-entendre l’existence entre nous d’une relation intime et de rapports sexuels, ce que je réfute avec force. (…) J’ai décidé de ne plus la revoir et je l’en ai informée ».
Or, selon nos informations, le mail a bien été envoyé par Mgr Aupetit, avec des pièces jointes compromettantes, et la relation avec cette femme est avérée. L’archevêque de Paris aurait menti sur la réalité de ses relations intimes, et laissé entendre, à plusieurs reprises, que l’affaire avait été réglée avec ses supérieurs et avec Rome même. Or, il n’en était rien. Le pape n’a fait que prendre une décision tardive et dans l’urgence, qui aurait pu intervenir plus tôt, toujours selon nos informations, si d’autres responsables du diocèse avaient eu le courage de parler plusieurs années avant.
Cette affaire de mœurs serait-elle à l’origine de la démission successive, en décembre 2020 puis en mars 2021, du père Alexis Leproux et du père Benoit de Sinety, ses deux vicaires généraux ? C’est ce qu’affirme un autre observateur du diocèse : « Le malaise des deux vicaires généraux n’est pas seulement venu de l’autoritarisme d’Aupetit… L’affaire de mœurs était à l’origine des démissions ! Sinety et Leproux auraient été mis au courant et l’attitude d’Aupetit les aurait poussés à partir. »
Un autre bon connaisseur du diocèse de Paris avance une tout autre hypothèse pour expliquer la célérité de la décision du pape. « A Rome, la Congrégation pour les évêques a reçu des informations très partielles. Les collaborateurs du cardinal Ouellet ont cédé à la panique en faisant une mauvaise analyse de l’état de l’Eglise de France – qui serait selon eux catastrophique – après le rapport de la Ciase. Le fait d’accepter si vite la démission de Mgr Aupetit serait une manière d’éviter si possible une nouvelle fissure dans une Eglise fragilisée. »
Un costume trop grand
A ces accusations graves s’ajoutent des problèmes récurrents de gouvernance du diocèse, affirment plusieurs sources croisées. « Le costume était trop grand pour lui », assure un ancien membre de son entourage proche. Un ex salarié du diocèse ne nie pas « des tensions liées à la gouvernance » et juge que Mgr Aupetit, bien que « véritable pasteur », n’avait probablement pas la carrure suffisante pour diriger le diocèse de Paris. Mais il ne croit pas aux assertions concernant une éventuelle relation entretenue par l’archevêque. Comme beaucoup d’autres, il confirme que l’archevêque avait été la cible d’une femme « à la limite du harcèlement ». « Plus qu’une sombre histoire qui touche à la chasteté, Aupetit est tombé pour des problème de gouvernement de l’Eglise », renchérit un prêtre qui l’a souvent côtoyé.
La crise majeure de son épiscopat restera l’affaire de Saint-Jean de Passy, au printemps 2020, qui lui a attiré de profondes et durables inimitiés et dont certains voient aujourd’hui l’une des sources de sa chute. Dans ce lycée privé catholique de l’ouest parisien, nombre de familles sont tombées des nues en apprenant par un courrier en avril 2020 le licenciement manu-militari de deux responsables de l’établissement, le directeur François Xavier Clément et le préfet des terminales pour « pratiques managériales dysfonctionnelles ». « Saint-Jean-de-Passy est le plus gros problème d’Aupetit, il s’est mis à dos ses plus fervents soutiens acquis à sa cause », confie une source proche du dossier et de l’archevêque. Certaines familles ont même menacé de couper tous leurs dons au diocèse, se sentant humiliées et ignorées face à leurs demandes d’explications sur les causes des deux licenciements. Ces parents reprochent à l’archevêque de ne pas s’être imposé face au directeur diocésain de l’enseignement catholique, Jean-François Canteneur, qui l’a averti la veille de sa décision de licencier François-Xavier Clément. « Mis devant le fait accompli par M. Canteneur, Mgr Aupetit, furieux, aurait dû taper du poing sur la table et assumer son rôle d'archevêque en empêchant le directeur de l'enseignement catholique de prendre une telle décision seul », regrette une source de Famille Chrétienne.
Pas de crise aux Bernardins
Cité par Le Point comme un des dossiers mal gérés par Michel Aupetit, le collège des Bernardins ne connaîtrait pas de remous aussi graves qu’allégués. Voulu par Mgr Lustiger comme un lieu de réflexion et d’ouverture du catholicisme sur le monde, ce prestigieux centre installé dans une ancienne abbaye cistercienne a connu un changement de gouvernance et de ligne à l’arrivée de Mgr Aupetit en 2017. Des changements qui auraient donné lieu à plusieurs départs : « entre juin 2020 et juillet 2021, on a assisté au départ de nombreux membres de la direction : Hubert du Mesnil, Mgr Leproux, François Morinière (administrateur du collège) ou encore Bertrand de Feydeau, directeur financier et parmi les fondateurs du collège des Bernardins, indique un déçu de l’ère Aupetit. Les orientations ont été modifiées. J’ai ressenti une volonté de se recentrer sur le monde catholique alors que Mgr Lustiger avait créé ce lieu comme un lieu de dialogue » poursuit-il, avant de conclure : « d’autres départs vont encore avoir lieu. La gouvernance est de plus en plus floue ! ». Des accusations que le directeur Laurent Landete dément fermement : « Il n’y a jamais eu de crise aux Bernardins. Un seul a démissionné pour des divergences de vue, c’est François Morinière. Les autres sont partis pour d’autres raisons qui n’ont rien à voir avec la gouvernance ou les nouvelles orientations ».
Mais ces dossiers, de notoriété publique comme la fermeture du centre Saint-Merry, ne sont que la face émergée de l’iceberg. Un acteur de l’Eglise de France souligne des dysfonctionnements connus d’un cercle restreint qui éclatent aujourd’hui au grand jour. Il cite en vrac : un air trop absent aux diverses réunions de la Conférence des évêques de France ; une gestion à la légère du dossier explosif de la restauration de Notre-Dame de Paris ; un management trop dur et méprisant avec les « tradis » lors de l’application du motu proprio ou encore de prises de position pas toujours ajustées du point de vue théologique.
Une succession de rendez-vous manqués
Le malaise Aupetit ne se résume pas qu’à des erreurs d’administration du diocèse ou de gestion de dossiers « chauds ». « Ça fait plusieurs mois que l’on dit qu’il y a un problème « Aupetit » à Paris », lâche ce laïc parisien. Le problème ? La double personnalité du prélat. « Il aime les petites gens qui, en retour, apprécient son bagou, son charisme et sa manière de vivre sa foi, profonde et incarnée. Mais vis-à-vis des catholiques engagés, il a zéro écoute », tacle ce fin connaisseur de la vie diocésaine parisienne. Entre Mgr Aupetit et les hautes sphères – diocésaine, associative ou politique -, c’est l’histoire d’une succession de rendez-vous manqués : des mécènes qui attendaient de le rencontrer « et pour lesquels l’archevêque ne prêtait aucune attention », des rendez-vous politiques non honorés dont une invitation du président Emmanuel Macron… « Beaucoup de personnes se sont senties ignorées, humiliées et elles ont nourri un esprit de rancœur et même de vengeance à l’égard d’Aupetit ».
Dans les sacristies de la capitale, Michel Aupetit suscite autant la division que l’adhésion. Plusieurs curés joints par Famille Chrétienne font état d’un soutien sans faille du presbytérat parisien à l’égard de cet évêque charismatique. « Même s’il nous arrivait d’avoir des désaccords, il me semble que nous étions très nombreux parmi les curés parisiens à avoir toujours soutenu Mgr Aupetit et à lui faire confiance, atteste ce curé d’une paroisse du nord-est. Je suis prêtre depuis 12 ans, et à ma modeste place, je n’ai jamais connu de tensions extrêmes dans le diocèse comme en témoignerait l’article du Point. Je n’ai pas vu de changement particulier depuis l’arrivée de Mgr Aupetit après Mgr Vingt-Trois », ajoute-t-il précisant en avoir « discuté avec plusieurs prêtres ».
« Cette affaire est un règlement de compte en bon et due forme. Je trouve le procédé dégoutant !, réagit un autre curé du nord de Paris. Ce dernier reconnait tout de même le caractère « assez autocrate et autocentré » de son ancien évêque. « Ce n’est un secret pour personne ! », lance-t-il. Les deux vicaires généraux qui ont démissionné sont d’ailleurs partis, selon lui, pour des désaccords irréconciliables sur la façon de gouverner de l’archevêque. « Humainement, ils étaient plutôt des « grandes gueules », tient-il à rappeler. Pour ceux qui ont connu le cardinal Lustiger, Mgr Aupetit est un ange à côté de lui. « Lustiger était brutal, se souvient un curé d’une paroisse de l’ouest parisien. Michel Aupetit, lui, est souriant, il est sympathique, du moins c’est ce qui nous apparaît. Lustiger a gardé le sérail, Vingt-Trois n’a rien fait et avec Aupetit, les choses bougeaient enfin ! ».
Etrange épiscopat que celui de Michel Aupetit à Paris. Véritable « locomotive » les premiers mois suivant son arrivée rue Barbet de Jouy en 2017, très présent sur les sujets de société et animé d’un fort esprit missionnaire, l’ancien médecin généraliste s’est progressivement et étrangement effacé. « Il était devenu plus discret depuis des mois, absent parfois lors des réunions épiscopales », s’étonne un observateur éclairé de l’épiscopat français, au point d’estimer que cette nomination à Paris est une de ces « erreurs de casting » dont l’Eglise aura du mal à se remettre. Reste, au final, un profond sentiment de gâchis. La déception et le trouble sont à la hauteur des espérances que l’arrivée de Mgr Aupetit à Paris avait suscitées.
Samuel Pruvot , Antoine Pasquier et La Rédaction de Famille Chrétienne
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Lumen- Date d'inscription : 09/11/2021
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