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Père Luc de Bellescize : « Le dimanche doit être le temps de la présence réelle »

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Père Luc de Bellescize : « Le dimanche doit être le temps de la présence réelle » Empty Père Luc de Bellescize : « Le dimanche doit être le temps de la présence réelle »

Message par Lumen Lun 13 Déc 2021 - 11:53

Père Luc de Bellescize : « Le dimanche doit être le temps de la présence réelle »

Comment vivre pleinement le jour du Seigneur ? Entretien avec le Père Luc de Bellescize.

Père Luc de Bellescize : « Le dimanche doit être le temps de la présence réelle » Pere_luc_de_bellescize
Le dimanche « est un jour propice pour savourer le sens de la vie et passer des moments de gratuité avec sa famille », rappelle le Père Luc de Bellescize, vicaire à la paroisse Saint-Vincent-de-Paul, à Paris.  - Hans Lucas pour FC

Publié le 10/12/2021 à 10:45


Suffit-il d’aller à la messe pour sanctifier le dimanche ?

La messe est le cœur de la semaine, et rien ne peut la remplacer. Le jour du Seigneur, dies Domini, invite à écouter la parole de Dieu et vivre du plus grand des sacrements qu’est l’eucharistie. Détaché de cette source, un baptisé non pratiquant ne perd pas forcément sa foi, mais « elle cesse d’informer la vie, voilà tout », comme l’écrit Bernanos dans le Journal d’un curé de campagne. Une foi conceptuelle et désincarnée est comme morte dans l’homme. Ce qui ne touche pas mon temps m’est étranger. C’est comme dire à un enfant qu’on l’aime sans passer du temps avec lui. Pourquoi particulièrement ce jour-là ? Le dimanche est le repos de Dieu, évoqué dans le Livre de la Genèse : « Il se reposa au septième jour de son œuvre » (2, 3). Ce repos achève l’œuvre de la Création.
Si l’homme le perd de vue, il s’enferme dans un cycle « métro-boulot-dodo », comme un hamster dans sa roue. En travaillant frénétiquement pour seulement remplir son temps et gagner de l’argent, il perd le sens de sa vie. Or, « quel avantage un homme a-t-il à gagner le monde entier, si c’est au prix de sa vie ? » (Mc 8, 36). Le dimanche est un jour béni pour savourer le fruit de notre travail, un temps de gratuité qui manque beaucoup au monde : tout n’est pas si dramatique qu’il faille nous faire courir sans cesse.

Comment concrètement s’y prendre pour passer du temps gratuit le dimanche ?

Nous pouvons cesser nos activités habituelles et nous rendre disponibles à Dieu et aux autres, à notre famille et nos amis. Cesser les devoirs, bannir les écrans… Le dimanche est un temps pour admirer ce qui nous a été donné de faire pendant la semaine. Lié à l’émerveillement, il est aussi le moment de faire mémoire de la bonté de la Création. Eucharistie signifi e d’ailleurs « action de grâce » : à l’offertoire, nous « présentons » à Dieu le « fruit de la terre et du travail de l’homme ». Élever nos mains pour rendre grâce à Dieu est le sens du sabbat.

Le sabbat, est-ce le même que celui des Juifs dont parle la Bible ?

Oui, c’est un jour où on ne travaille pas pour communier avec Dieu. Le sabbat, qui signifie « repos », est un jour sacré, qui règle le temps. Il a été transposé au dimanche chez les chrétiens, car le Christ est ressuscité dans la nuit du samedi au dimanche : « Le premier jour de la semaine, elles se rendirent au sépulcre » (Lc 24, 1). Le samedi, le Christ se repose, c’est le jour du grand silence où son âme descend aux enfers. Le dimanche est l’éclatement de la victoire du Ressuscité.

Le dimanche est-il le premier jour ou le huitième de la semaine ?

Les deux. Il est à la fois accomplissement et inauguration d’un nouveau jour. Il incarne le jour eschatologique, qui inaugure les derniers temps. « Le temps a cargué ses voiles » (1 Co 7, 29), dit saint Paul. Quand il rentre au port, le dimanche, le chrétien sait qu’il entre dans l’espérance du jour nouveau. Le dimanche est l’achèvement de la victoire du Christ sur la mort : « Tout est accompli » (Jn 19, 30).

Aujourd’hui, les chrétiens sanctifient-ils davantage le premier jour ou le huitième jour ?
Aujourd’hui, ils sanctifient plutôt la grasse matinée… Ils privilégient le repos de leur corps, alors que le chrétien est invité à tendre vers les réalités d’en haut. Aujourd’hui, seul un petit groupe oriente son temps vers l’Éternité. La perte de la foi en l’eucharistie comme présence réelle et substantielle du Christ est une réalité douloureuse. Pourtant, par cette conscience et cette attente du retour du Christ en gloire, ce petit troupeau oriente le monde et vivifie le corps entier de l’Église dans l’espérance. Certains veillent et « devancent la fin de la nuit » (Ps 118).

Comment s’y préparer ?

Pour que la messe dominicale porte du fruit dans nos cœurs, il faut vivre au quotidien « selon le dimanche ». Nous pouvons le préparer chaque jour, par des messes de semaine, la lecture des textes ou la participation à un groupe de formation. Nous pouvons aussi nous confesser. Si l’eucharistie porte peu de fruit en nous, c’est que, depuis des années, nous nous confessons trop peu. Lorsque nous commettons des péchés qui nous coupent de la vie de Dieu, nous sommes d’abord invités à recevoir en nous cette espace disponible à la grâce. Voilà pourquoi le Christ lave les pieds : Il purifie les cœurs. Il ne faut pas tomber dans l’obsession d’être purs comme des anges, car nous sommes des êtres lourds de chair et de sang. Cependant, recevoir le pardon de nos péchés pour recevoir la communion est une manière de respecter le Seigneur et de lui donner toute sa place dans le temple de nos cœurs.

Comment vivre concrètement cette sanctification du dimanche ?

Déjà, en arrivant à l’heure à la messe. C’est un point de conversion pour les chrétiens car elle commence en général avec 50 % de participants. Si les parents arrivent en retard, l’enfant en déduira d’ailleurs qu’elle n’est pas si importante. L’amour se vérifie dans les petites choses et la ponctualité en fait partie. Le dimanche doit être le temps de la présence réelle. Ce jour-là particulièrement, la famille est une « petite Église ». Le repas dominical doit être soigné. C’est un fondement incarné de la vie familiale. Le chrétien est aussi invité à ouvrir sa table aux pauvres et aux personnes seules, sinon nos familles resteront des « foyers clos » aux « portes refermées », comme le disait Gide dans Les Nourritures terrestres. Enfin, la famille respire avec la grande Église et sa paroisse. Le sens du dimanche est aussi d’accueillir à table le prêtre seul. Les chrétiens ont une responsabilité envers leurs prêtres ; ils doivent être leurs sentinelles vigilantes, dans la reconnaissance qu’ils ont donné leur vie pour eux.


Du Sabbat au dimanche

« Pour Israël […], le samedi est le septième jour de la semaine. Après six jours, où l’homme participe, en un certain sens, au travail de la création de Dieu, le samedi est le jour du repos. Mais dans l’Église naissante, quelque chose d’inouï s’est produit : à la place du samedi, du septième jour, vient le premier jour. Comme jour de l’assemblée liturgique, il est le jour de la rencontre avec Dieu par Jésus-Christ qui, le premier jour, le dimanche, a rencontré les siens en tant que Ressuscité, après que ceux-ci eurent trouvé le tombeau vide. La structure de la semaine est maintenant renversée. Elle n’est plus dirigée vers le septième jour, pour y participer au repos de Dieu. Elle commence par le premier jour comme jour de la rencontre avec le Ressuscité. » Homélie du pape Benoît XVI, 23 avril 2011

Comment prolonger la messe du dimanche ?

Chacun peut recueillir une parole entendue pendant la messe, peut-être l’écrire, et se demander : « Qu’est-ce que ce que le Seigneur a voulu me dire ? » Une parole m’est toujours adressée pour nourrir ma mémoire spirituelle. Le chrétien au cœur ouvert doit façonner l’histoire de son âme, recueillir les enseignements donnés plutôt que critiquer l’homélie du prêtre. Le repas du dimanche peut être l’occasion d’en discuter en famille, de voir ce que les enfants en ont compris.

Faut-il s’interdire de faire des courses ou d’acheter sur Amazon le dimanche ?

Quittons le moralisme étroit pour le bon sens. C’est un jour propice pour savourer le sens de la vie et passer des moments de gratuité avec sa famille. Je privilégierais les activités plus incarnées : se promener plutôt qu’aller au cinéma, par exemple. Les parents sont en principe présents et montrent à l’enfant que travail et rendement ne sont pas leurs seules obsessions. Passer sa journée au téléphone et travailler pour son entreprise un dimanche signifie soit qu’on se noie dans un verre d’eau, soit que notre patron est un despote, soit que notre travail est devenu une idole.

Peut-on vraiment « décrocher » le dimanche si on est obsédé par le rendement durant la semaine ?

Notre agitation est intérieure. Comment faire taire le bruit des paroles vaines, se rendre disponible à sa famille ? C’est une ascèse dont le seul remède est le développement de sa vie intérieure. Avez-vous remarqué ? Les êtres qui ont le moins de vie intérieure sont les plus débordés. Si vous voulez gagner du temps, priez. Gardez un temps de gratuité par jour, surtout le dimanche. Il donne la sagesse. Les hommes de prière sont plus efficaces. L’homme contemporain overbooké passe pour quelqu’un d’important. Il n’est en fait qu’un agité noyé dans la petitesse des choses et terminera en burn-out. Plus l’être est vide, plus il remplit son temps de paraître. Saint Augustin l’exprime dans Les Confessions : « Trop vide encore de Toi, je pèse sur moi. » Plus on est vide de Dieu, plus on pèse sur soi. Le dimanche est le temps du recueillement. C’est le temps de la lecture, de la prière, où l’on ne compte plus son temps. Il reste à le mettre en pratique…

Faut-il savoir lâcher nos emplois du temps pour retrouver le temps ?

Goûter les choses intérieures participe de la beauté de la vie humaine, sinon on peut tomber dans l’idolâtrie du travail pour lui-même. Combien de divorces, car l’autre n’est jamais disponible ? Combien d’enfants souffrants, car ils ne voient pas leur père ou leur mère ? Il y a un devoir de se reposer, pas de ne rien faire mais de faire autre chose. C’est exigeant d’aimer, il faut y passer du temps, c’est un acte à poser. Aimer Dieu, c’est recevoir sa parole et son corps. Aimer sert à bâtir la communion des cœurs. Un enfant a besoin de cette gratuité, sinon il lui manque toujours l’essentiel. Il y puisera la force de travailler.

Comment retrouver le sens de la messe ?

Il y a une gravité particulière à retrouver la pratique de la foi. Elle n’est pas d’abord une observance morale, mais une relation à Dieu, une réponse à son appel. Lui consacrer du temps est nécessaire pour orienter sa vie vers le Ciel. Chaque messe devient une trouée de lumière quand le Christ descend parmi nous dans le mystère de son corps et, à travers son sacrifice, touche notre corps mortel. Le dimanche nourrit la promesse de notre résurrection, là où le monde voudrait nous cantonner dans l’obsession exclusive de la consommation. On n’ouvre pas un grand bourgogne pour contenter un ventre promis à la terre, mais pour goûter dès ici-bas le vin des noces éternelles, la promesse de notre gloire à venir. L’esprit du monde exalte le changement, la jouissance charnelle pour elle-même, une jeunesse idéalisée. Il veut « être heureux avant d’être vieux », comme le chante Balavoine. Les chrétiens savent que la promesse de leur vie bienheureuse est déjà là, et que même la grande vieillesse peut devenir le noviciat du Ciel.




Olivia de Fournas
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