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Les émotions : comment les accueillir, sans se laisser submerger

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Les émotions : comment les accueillir, sans se laisser submerger Empty Les émotions : comment les accueillir, sans se laisser submerger

Message par Lumen Dim 19 Déc 2021 - 20:32

Les émotions : comment les accueillir, sans se laisser submerger

On les ignore volontiers, même si parfois elles nous submergent... Comment retrouver la saveur de nos émotions, en apprenant à mieux les identifier, les accueillir, les convertir ? Un temps pour cultiver sa vie intérieure.

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Les écrans qui colonisent nos vies ont fini par faire écran entre nous et la vie. Dans les transports en commun, jusqu’au TGV des vacances, on compte sur les doigts de la main ceux qui jettent un œil par la fenêtre en se laissant cueillir par la beauté d’un paysage ou celle d’un visage avoisinant. Même les colères des enfants sont aspirées par le mauvais génie de la théière numérique. C’est comme si nous vivions par procuration, insensibles aux surprises de l’instant. On a beau multiplier les « émoticônes » pour redonner un peu de corps et d’intensité à nos mots tapés entre deux portes sur des claviers, le cœur n’y est pas. Et quand les sociologues dénoncent la « dictature des émotions », ils parlent en réalité des émotions artificielles que fabrique la société du spectacle : ses engouements prévisibles, ses peurs manipulées, ses indignations calibrées, ses colères convenues, ses joies fabriquées...

Où sont passées nos émotions ? Qui ose reconnaître qu’il est touché, traversé par la peur, la colère, la tristesse ? Et qui parle bien de sa joie ? Quelle place donner à ces élans parfois si encombrants, mais qui sont le signe de notre présence au monde ? C’est ce que cette série se propose de découvrir cet été en s’arrêtant sur la peur, la colère, la tristesse et la joie.

Longtemps, les émotions n’ont pas eu bonne presse : elles dénotaient un manque de maîtrise de soi. On s’en méfiait comme de tout ce qui venait du corps, jugé inférieur à l’esprit. Si les stoïciens parlaient en mal des « maladies de l’âme », ce sont les chrétiens qui les ont assumées en premier. Pour eux, les « passions de l’âme » se distingueront plutôt par leur objet, suivant qu’il est bon ou mauvais : le bien auquel l’homme est appelé, le mal qu’il déteste en ses tréfonds. Saint Thomas d’Aquin répertorie onze passions fondamentales : amour et haine, désir et aversion, plaisir et douleur (joie et tristesse dans l’ordre spirituel), espoir et désespoir, crainte et audace, colère. Le mot « passion » renvoie au verbe « pâtir », car celle-ci est causée par un agent extérieur. En parlant aujourd’hui d’émotion, du verbe « s’émouvoir », « être mu », on insiste aussi sur sa puissance dynamique. C’est elle qui nous fait sortir de l’apathie existentielle, de la vie machinale.

« Les émotions ne sont ni bonnes ni mauvaises, elles s’imposent à nous, ici et maintenant, sans que l’on puisse contrôler leur survenue », rappelle le Père Jean-Marie Gueullette, professeur de théologie morale à l’université catholique de Lyon. « Quand on ne maîtrise pas quelque chose, la facilité consiste à dire que cette chose est mauvaise, c’est plus confortable. Même dans les nouvelles spiritualités du bien-être, on vous parle de lâcher-prise, mais, en réalité, on ne cesse de vous parler de la maîtrise qu’il faut absolument garder. Dès que l’on est confronté au corps, nous nous heurtons à la limite. Nous sommes créés corps et âme, donc limités dans notre contrôle. Renier le corps, c’est vouloir fuir notre condition de créature. » Les émotions « nous trahissent », car elles échappent à notre inaltérable besoin de tout maîtriser.

« Nous avons du mal avec l’émotion, car nous avons du mal avec l’incarnation », ajoute le Père Jean-Paul Lamy, jésuite, qui dirige la Formation des formateurs religieux (FFR) au Centre Sèvres, la faculté de théologie jésuite de Paris. « Nous n’accueillons pas notre humanité. La relation à Dieu passe par le sensible, la beauté, la musique, la liturgie. On peut être pris par un visage, un paysage. Devant cette création sensible, sa création, “Dieu vit que cela était bon”. Nous sommes certes blessés par le péché, mais dans le baptême, nous sommes sauvés, rendus à la capacité d’accueillir ce qui est bon à la manière du Christ. »



Jésus vit pleinement les émotions humaines

On se plaint beaucoup de la dictature des émotions dans la société, mais dans la vie spirituelle, elles suscitent des défenses. « C’est plus rassurant de rester uniquement au niveau intellectuel pour ne pas se laisser remuer dans sa sensibilité », constate le Père Lamy, longtemps accompagnateur des novices. « Dans l’Évangile, Jésus vit pleinement les émotions humaines, pleurs, angoisse, colère... Il ne s’y réduit pas, mais les dépasse dans un don de soi conscient. Nous avons encore une vraie difficulté à accueillir l’humanité du Christ : pleinement homme autant qu’Il est pleinement Dieu. Un Dieu qui rejoint profondément notre humanité et la transforme. » Il faut lire l’essai du dominicain Emmanuel Durand sur Les Émotions de Dieu (Le Cerf) pour mesurer à quel point Dieu s’est investi dans le champ de l’affection, ne cessant d’espérer et d’attendre son peuple, comme un père aimant, un véritable interlocuteur et pas une entité abstraite.

Dans son livre sur la chasteté des prêtres et des religieux (La Vie en abondance, Le Cerf), le Père Gueullette rappelle que même dans la vie religieuse, « il n’y a pas d’engagement à ne pas ressentir le trouble, car ce ne serait pas humain. Et ce serait une contrefaçon de la chasteté. Le fait d’enfouir certaines émotions parce qu’on veut les sublimer est le pire des réflexes. Il faut au contraire les présenter à Dieu avec humilité. Ce n’est qu’ainsi qu’Il pourra travailler en nous, car Il n’agit jamais en violant notre intimité. Le trouble nous alerte sur la présence de l’autre. Il est la condition de la rencontre. Si nous ne sommes pas altérés par l’autre, il n’y a pas d’altérité et donc pas de rencontre véritable ».

Reste à ne pas se laisser submerger. C’est là qu’intervient la tempérance : l’art de trouver un juste équilibre. « Ce qui ne veut pas dire diviser tout par deux ou se réfugier dans la médiocrité, précise le théologien, mais ajuster nos émotions aux circonstances. Gouverner ses émotions ne signifie pas les opprimer, mais les réguler. Quelqu’un qui est très amoureux sera capable de contenir cette émotion quand il est au bureau et qu’il doit faire un travail, parce que son intelligence lui dira que ce n’est pas le moment. Notre intelligence est là pour mettre nos émotions en relation avec d’autres éléments en nous qui nous aident à savoir s’il faut agir ou non. Par exemple, la mémoire qui nous dit : “Attention, la dernière fois que j’ai réagi comme ça...” »


Notre intelligence est là pour mettre nos émotions en relation avec d’autres éléments en nous qui nous aident à savoir s’il faut agir ou non.  Le Père Jean-Paul Lamy

Nos émotions sont un peu comme la charnière entre nos sens et notre intelligence. « Dans le discernement ignacien, explique le Père Lamy, on prend une bonne décision avec son affectivité et son intelligence. Ce n’est pas tout l’un ou tout l’autre, mais l’articulation des deux : ma conviction intérieure et ma capacité d’analyse de la situation. Les fruits en sont toujours la paix et la joie. De même, pour se garder de la manipulation qui guette nos émotions, il faut bien distinguer les plans : l’émotion dans la vie spirituelle et dans la société. Il y a une question à se poser : quelle intention l’émotion sert-elle ? Les photos d’enfants migrants morts noyés sur les plages peuvent me plonger dans la culpabilité ou me conduire à me demander ce que je peux faire immédiatement en guise d’hospitalité dans mon entourage. »

D’où l’importance d’être attentifs à nos mouvements intérieurs, qui nous renseignent a posteriori sur ce qui est vraiment source de joie pour nous, comme autant d’indices de la présence de Dieu, ou de tristesse, quand on s’éloigne. En s’interrogeant : pourquoi suis-je si énervé ce matin ? D’où vient cette joie profonde lorsque je vois telle personne ? Pourquoi cette tristesse quand je vais dans ce lieu ? Mais pour cela, il faut plonger en soi-même dans le silence, un face-à-face que l’homo numericus redoute par-dessus tout.



« La vie traverse la mort »

« Dieu nous parle à travers nos émotions, mais Il n’est pas nos émotions, précise le Père Lamy. Les grands saints comme Mère Teresa[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ont vécu des émotions très fortes qui les ont propulsés dans leur vocation. Ils ont aussi traversé de grandes périodes de sécheresse, qui ne les ont pas empêchés de persévérer, de progresser dans la foi. Par-delà l’alternance de consolations sensibles, de désolations quand celles-ci nous sont retirées, ou de sécheresse, on entend que Dieu continue d’exister en nous par une paix profonde, une joie sans exubérance. » Comme dans un couple, c’est le temps d’après la passion amoureuse qui révèle l’amour profond.

Que répondre encore à la douloureuse litanie des « Je ne sens rien quand je prie », « J’ai l’impression que Dieu ne m’entend pas quand je Lui parle », « Je me sens vide à la messe »  ? « Il faut se demander comment le Seigneur vient nous rejoindre. À travers les autres, les événements, la parole de Dieu. On en fait l’expérience quand, dans une homélie, dans l’Évangile, une parole résonne, qu’elle devient soudain vraie en nous et produit un effet profond. »

Nous aurons toujours du mal à accepter les émotions que nous jugeons négatives, parce que, comme le souligne le Père jésuite, « nous avons beaucoup de mal à entendre que la vie traverse la mort. Comment se fait-il que le lieu de la croix soit le lieu de la vie ? Nous n’avons pas fini de nous poser la question ».



Qu'as-tu, mon âme, à défaillir ?

Juge-moi, Dieu, défends ma cause contre les gens sans fidélité ; De l’homme perfide et pervers, délivre-moi. C’est Toi le Dieu de ma force : pourquoi me rejeter ?Pourquoi m’en aller en deuil accablé par l’ennemi ?Envoie ta lumière et ta vérité : elles me guideront, Me mèneront à ta montagne sainte, jusqu’en tes demeures. Et j’irai vers l’autel de Dieu, jusqu’au Dieu de ma joie. J’exulterai, je Te rendrai grâce sur la harpe, Dieu, mon Dieu. Qu’as-tu, mon âme, à défaillir et à gémir sur moi ? Espère en Dieu : à nouveau je Lui rendrai grâce. Le salut de ma face et mon Dieu !



Clotilde Hamon
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Date d'inscription : 09/11/2021
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