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Pourquoi la foi peut aider à vivre l'épreuve de la dépression

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Message par Lumen Mar 11 Jan 2022 - 21:37

Pourquoi la foi peut aider à vivre l'épreuve de la dépression

Comment traverser de manière chrétienne une phase de dépression, alors que le trouble dépressif s'accompagne souvent d'une nuit de la foi ? Les réflexions du Père Jean-François Catalan, psychologue, jésuite.

Pourquoi la foi peut aider à vivre l'épreuve de la dépression Depression
La dépression n'est pas un péché mais bien une maladie.
Les chrétiens ne sont pas épargnés par les troubles dépressifs. - Adobe photos

Publié le 10/01/2022 à 15:17


Un chrétien a-t-il le droit d'être déprimé ?

La dépression est une maladie, et le chrétien n'est pas exempté de la maladie ! La Foi sauve, elle ne guérit pas, ou pas toujours en tout cas. Elle n'est pas un traitement, encore moins une panacée ou un antidote magique contre les symptômes. En revanche, elle offre à celui qui accepte de s'y ouvrir, la possibilité de vivre autrement cette épreuve et un chemin d'espérance, ce qui est énorme, puisque la dépression mine l'espérance.

Plusieurs saints ont eux-mêmes vécu des épisodes dépressifs, ou de grande tristesse…

Oui, les grands saints furent nombreux à traverser d'épaisses ténèbres, ces « nuits obscures » pour reprendre la fameuse expression de saint Jean de la Croix. Ils ont éprouvé, quelquefois jusqu'au désespoir, le découragement, la tristesse, l'angoisse, le dégoût de vivre... Autant de symptômes typiques de la dépression. Saint Alphonse de Ligori a passé sa vie dans l'obscurité tout en réconfortant les âmes (« Je souffre un enfer », disait-il parfois), comme le curé d'Ars. Pour sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, à la fin de sa vie, « un mur la séparait du Ciel ». Elle ne savait plus si Dieu, si le Ciel existaient. Or, elle a vécu cette épreuve dans l'amour. Cette « dépression » n'a pas empêché ces saints de tenir dans la nuit grâce à un acte de Foi. Et ils ont été sanctifiés par cette Foi elle-même, dans la nuit.


« Si les troubles dépressifs ont des causes physiques, ils peuvent aussi avoir des causes spirituelles »

Pascal demandait à Dieu de pouvoir « faire bon usage » de sa maladie. Est-ce possible dans le cas de la dépression ?

Je crois qu'on peut vivre la dépression dans une attitude d'abandon à Dieu – c'est héroïque, il faut le souligner. A ce moment-là, le sens de la maladie est changé ; s'ouvre une brèche dans le mur, même si la souffrance et la solitude ne sont pas supprimées. C'est le fruit d'un combat constant ; c'est aussi une grâce reçue. Il y a deux mouvements. D'un côté, je fais ce que je peux, même si c'est minime et apparemment inefficace, mais je le fais, en acceptant de prendre des traitements, de suivre une psychothérapie s'il le faut, en essayant de renouer des contacts amicaux – c'est parfois très difficile, car les amis s'en sont allés, les proches sont souvent découragés. De l'autre côté, je compte sur cette grâce de Dieu, qui me retient de désespérer.

Vous évoquez les saints, mais pour les gens ordinaires comme nous...?

C'est vrai que l'exemple des saints nous paraît parfois lointain. Nous vivons souvent davantage dans la grisaille que dans la nuit... Mais nous expérimentons, comme les saints, que toute vie chrétienne est, d'une manière ou d'une autre, un combat : un combat contre le découragement, contre les formes de repli sur soi, d'égoïsme, de désespérance... Ce combat est de tous les jours et il concerne tout le monde.

Chacun doit se battre en lui-même contre des forces de destruction, qu'elles soient de nature physique, psychique ou spirituelle. Il faut d’ailleurs rappeler que si les troubles dépressifs peuvent avoir des causes physiques ou psychologiques, ils peuvent aussi avoir des causes spirituelles. Il y a dans l'âme humaine de la tentation, de la résistance, du péché. On ne peut passer sous silence l'action de l'Adversaire, le Satan, qui cherche à nous « mettre des bâtons dans les roues » – traduction libre du mot grec « diabolos » –, pour nous empêcher de progresser vers Dieu. Il peut jouer et profiter de l'état de déréliction, de désolation, de dépression. Son but est de décourager et de désespérer.


L'acédie « peut provoquer un état dépressif »

La dépression peut-elle être un péché ?

Certainement pas, c'est une maladie ! Mais une certaine forme de laisser-aller dans la dépression peut ne pas être sans rapport avec une démission, un manque de Foi, une désespérance, qui peuvent être de l'ordre du péché. Les Pères du désert dénommaient cette démission « acédie ». Ce fléchissement spirituel dont on est complice, cette tiédeur consentie, conduisent à une tristesse profonde qui peut provoquer un état dépressif.

La dépression nécessite certes une prise en charge médicale avec généralement des traitements antidépresseurs… Mais plus qu’une maladie, peut-elle aussi être un chemin de sainteté ?

Certainement. Nous avons évoqué quelques exemples de saints. Il y a aussi tous ces malades, cachés, qui ne seront jamais canonisés mais qui ont vécu leur maladie dans la sainteté. Je trouve très justes ces phrases du Père Louis Beirnaert, un religieux psychanalyste : « Dans une vie cahotée et misérable, la respiration secrète des vertus théologales (Foi, Espérance, Charité) se manifestera. Quant aux névrosés, sans jugement et parfois obsédés, nous en connaissons dont la simple fidélité à tenir dans la nuit la main divine qu'ils ne sentent pas est d'un éclat aussi insoutenable que la magnanimité d'un Vincent de Paul ! ». Ce qu'il dit ici des névrosés peut, bien sûr, s'appliquer à tous les déprimés.

C'est ce qu'a vécu le Christ à Gethsémani ?

Oui, d'une certaine façon. Il a vécu intensément le découragement, l'angoisse, l'abandon, la tristesse de tout l'être : « Mon âme est triste à en mourir ». Des symptômes que connaît la personne dépressive. Il en a même été écrasé jusqu'à suer du sang ! Et à supplier son Père d'éloigner la coupe – quel combat, quelle agonie ! Jusqu'à cette “conversion”, ce retournement de l'acceptation : « Père, non pas ce que je veux, mais ce que Tu veux ». Cette souffrance culmine dans son « Mon Dieu, pourquoi m'as-Tu abandonné ? » Mais le Fils dit cependant « Mon Dieu... » C'est l'ultime paradoxe de la Passion : Jésus a foi en son Père au moment même où son Père semble L'abandonner. L'acte de Foi pure, lancé dans la nuit ! C'est ainsi que nous devons vivre, parfois. Avec sa grâce. En suppliant : « Seigneur, viens à mon aide ! »




Luc Adrian
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Lumen
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