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Nouvelles révélations sur Pie XII et la Shoah

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Message par Lumen Lun 7 Fév 2022 - 22:34

Nouvelles révélations sur Pie XII et la Shoah

Le Pape Pie XII a personnellement sauvé au moins 15 000 juifs et a su très tôt ce qui se passait au cœur de l'Europe, selon les premiers éléments tirés des archives de son pontificat. De nouveaux éléments qui confirment que la légende noire qui entoure son pontificat est tout sauf historique. Analyse d’une désinformation.

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Le pape Pie XII en 1950 recevant un groupe de pèlerins à Rome.


« Le pape Pie XII (1939-1958) a personnellement sauvé au moins 15 000 juifs et a su très tôt ce qu’était la Shoah », a affirmé l’historien allemand Michael Feldkamp le 1er février 2022 dans un entretien à Radio Vatican. Une affirmation prouvée grâce aux découvertes faites dans les archives du Vatican. Selon l'historien, « ce qui est nouveau maintenant, et ce que nous avons toujours su jusqu’à présent, c’est qu’Eugenio Pacelli, c’est-à-dire Pie XII, était au courant de l’Holocauste très tôt. En ce qui concerne l’extermination systématique des juifs d’Europe, Pie XII a envoyé un message au président américain Roosevelt en mars 1942 – deux mois après la conférence de Wannsee. Il l’a averti que quelque chose se passait en Europe dans les zones de guerre. Ces messages n’ont pas été considérés comme crédibles par les Américains. Nous savons aujourd’hui (…) que Pie XII était confronté à la persécution des juifs presque quotidiennement », a ajouté le chercheur.

Ces nouvelles révélations viennent tordre un peu plus le cou aux idées reçues et aux affirmations simplistes sur les agissements de Pie XII pendant la Seconde Guerre mondiale. L’accusation de « passivité » de Pie XII face aux persécutions nazies repose-t-elle sur une vérité historique ? Germanophone et germanophile, le futur pape, Eugenio Pacelli (1876-1958), était féru de culture, de littérature et de philosophie. L’Allemagne qu’il aimait n’était ni impérialiste ni militariste. Nonce apostolique à Munich puis à Berlin de 1914 à 1929, il n’avait pas caché les espoirs qu’il plaçait, avec l’avènement de la ­République de Weimar, dans la renaissance d’une Allemagne démocratique, pacifique et humaniste.

Lorsqu’Hitler arrive au pouvoir, le cardinal Pacelli est au Vatican depuis trois ans. Secrétaire d’État, il est l’un des plus proches collaborateurs du pape Pie XI qui condamne le nazisme dès son avènement et déclare que, « spirituellement, nous sommes tous des sémites ». La presse nazie voit dans ces propos l’inspiration de l’ancien nonce Pacelli, en qui elle fustige « l’ami des juifs ».


Sa répugnance affichée devant les agissements d'Hitler

Grâce à son ami Guido Mendes, il avait été ­introduit très jeune dans les milieux juifs, assistant régulièrement aux fêtes et cérémonies religieuses de la communauté. Dans son livre Pie XII et les juifs, le rabbin David Dalin a d’ailleurs salué « le premier pape qui, dans sa jeunesse, a participé à des repas de sabbat chez les juifs ».

Face à la montée des dictatures et alors que les persécutions s’annoncent, Pie XI veut donner aux catholiques d’Allemagne comme d’Union soviétique un statut protecteur. C’est le sens du concordat signé en 1933 avec l’Allemagne, au terme d’une négociation conduite par le cardinal Pacelli. Ce texte n’est pas plus un quitus idéologique donné au régime ­hitlérien que ne l’aurait été un accord un moment recherché avec l’URSS, alors que Pie XI qualifiait le communisme d’« intrinsèquement pervers ». Pourtant auteur du livre à charge Hitler’s Pope, John Cornwell reconnaît que, pendant cette négociation, le cardinal Pacelli « ne fait aucun effort pour cacher la répugnance que lui inspirent les agissements de Herr Hitler […]. Il déplore la persécution des juifs […], le règne de la terreur auquel la nation est soumise ».

Quant à l’encyclique Mit brennender Sorge, ­promulguée en allemand en 1937, elle « continue aujourd’hui encore à être un des manifestes ­antinazis les plus fermes et les plus éloquents », selon les termes de l’écrivain Bernard-Henri Lévy. Le prin­cipal rédacteur en est là encore le cardinal Pacelli qui, grâce à ses contacts en Allemagne, ira jusqu’à en organiser la diffusion clandestine dans le Reich. La même année, inaugurant la basilique de Lisieux, il qualifie l’Allemagne de « grande et noble nation que de mauvais bergers égarent sur les chemins dévoyés de l’idéologie et de la race ». Lorsqu’en 1938 il devient pape, il est violemment attaqué par toute la presse allemande comme « s’étant toujours opposé au nazisme ». Et lors de son intronisation, le Führer est le seul chef d’État européen à n’envoyer au ­Vatican aucun représentant…


Repères historiques

1876 Naissance d’Eugenio Pacelli à Rome
1899  Ordination sacerdotale
1920 Nonce apostolique en Allemagne (République de Weimar)
1929 Nommé cardinal
1930  Nommé Secrétaire d’État du Vatican
1937  Encyclique Mit brennender Sorge de Pie XI. Préparée par Eugenio Pacelli et les évêques allemands, elle condamne très ­vigoureusement le nazisme
2 mars 1939  Eugenio Pacelli devient pape et prend le nom de Pie XII. Il le sera pendant dix-neuf ans, jusqu’à sa mort en 1958.

Certains ont évoqué une obsession anticom­muniste qui aurait poussé Pie XII à voir dans le nazisme un utile rempart contre le bolchevisme. Cette affirmation est clairement contredite par les faits. En janvier 1940, le Vatican dénonce la « ­barbarie » nazie en Pologne et affirme que « les Allemands usent des mêmes moyens, et peut-être encore pires, que les Soviétiques eux-mêmes ». Alerté par des amis allemands antinazis, Pie XII fait prévenir le 6 mai 1940 les Alliés de l’imminence de l’attaque ­allemande. Quelques jours après, il confiera à l’ambassadeur de France Léon Bérard, nommé par Vichy : « Je redoute Hitler plus que Staline ». Et de récentes recherches confirment l’existence du projet formé en 1943 par le Führer de faire assassiner le pape.

Castel Gandolfo, refuge pour 3 000 juifs

Dans son action concrète, Pie XII a tout fait pour protéger les juifs de l’Holocauste. En 1938, dès les premières mesures antisémites en Italie, il procure aux intellectuels juifs chassés de l’Université des postes à la Bibliothèque vaticane et à Radio Vatican où, pour la première fois, un juif est invité à tenir une chronique régulière. Quand les déportations commencent à Rome, il ouvre grand ses portes aux juifs : certains trouvent refuge au Vatican, d’autres à la résidence de Castel Gandolfo, qui accueille jusqu’à 3 000 personnes.

D’innombrables témoignages confirment la fermeté de ses instructions, demandant que l’Église se mobilise pour sauver le maximum de juifs en les cachant ou en leur fournissant de faux papiers, passeports et certificats de baptême notamment. Selon l'historien Raul Hilberg, plus de 20 000 titres de cette nature auraient été délivrés en Hongrie. L’historien israélien Pinchas Lapide écrit d’ailleurs que le rôle de Pie XII « a été déterminant pour ­sauver au minimum 700 000, si ce n’est jusqu’à 860 000 juifs, d’une mort certaine ». Au lendemain de la guerre, si à Rome le grand rabbin Zolli se convertit au catholicisme et choisit le prénom d’Eugenio, ce n’est sans doute pas par hasard (voir encadré)…


Des éloges du monde entier, et notamment de l'État hébreu

Dans le même temps, du monde entier et en particulier du nouvel État d’Israël, les témoignages fusent, exprimant une reconnaissance à laquelle s’associent le dirigeant israélien David Ben Gourion et Albert Einstein. Le 9 octobre 1958, lorsque Pie XII meurt, Golda Meir, alors ministre des Affaires étrangères de l’État hébreu, déclare : « Pendant les dix années de la terreur nazie, quand notre peuple a souffert un martyre effroyable, la voix du pape s’est élevée pour condamner les bourreaux et exprimer sa compassion envers les victimes ». Quelques années plus tard, l’historien et avocat Serge ­Klarsfeld affirmait qu’« il n’y [avait] aucune raison pour que Pie XII ne devienne pas saint ». Il n’y a donc aucun mystère dans l’attitude de Pie XII pendant la guerre. Le vrai mystère est dans la lecture qui en est faite un demi-siècle après. Comment ce pape, qui fut de son vivant couvert d’éloges, en particulier par les juifs, peut-il être aujourd’hui à ce point vilipendé ?

C’est au début des années 1960 que le thème du « silence » commence à émerger, à l’initiative non pas d’historiens mais d’hommes du spectacle. En 1963, une pièce de théâtre de l’Allemand Rolf Hochhuth, Le Vicaire, met en scène un prélat distingué et hautain qui, face à l’horreur du crime, se prend à jouer les Ponce Pilate. Le motif était suffisamment sulfureux pour que la sphère médiatico-culturelle s’empare du sujet, les critiques s’érigeant en juges non pas de l’œuvre théâtrale, mais de ­l’Histoire elle-même. En quelques mois, la gratitude des survivants de la Shoah envers Pie XII et les témoignages unanimes des historiens ne pèseront plus rien face au déchaînement des publicistes en quête de scandale.

Leurs accusations font appel à des procédés bien connus. Dans son livre déjà cité, Hitler’s Pope, Cornwell publie une photo montrant Eugenio Pacelli sortant d’un palais officiel allemand, salué par deux soldats casqués qui lui présentent les armes. La photo est présentée comme prise en 1939 à l’issue d’un entretien avec les dirigeants nazis. Or cet entretien n’a jamais eu lieu. La photo a été prise en 1927 à la sortie d’une entrevue du nonce apostolique avec Hindenburg, le décorum étant celui de la République de Weimar, comme l’atteste entre autres l’uniforme des soldats.


L'Histoire réécrite par le théâtre et le cinéma

En 2001, la pièce d’Hochhuth est adaptée au cinéma par le réalisateur Costa-Gavras sous le titre Amen. Pourfendeur des juges staliniens, des ­colonels grecs et des criminels nazis, un tel homme ne peut qu’épouser une cause juste ! Le scénario du film comporte le message adressé pour la Noël 1942 par le pape. Tout y est… sauf l’essentiel, à savoir le passage où Pie XII évoque « les centaines de ­milliers de personnes qui, sans avoir commis aucune faute, mais uniquement pour des questions de nationalité ou de race, sont destinées à la mort ou à un ­progressif dépérissement ». Pour démontrer le silence du pape, il suffisait de censurer ses propos ! Après avoir ­fustigé les dictateurs de tout poil, on peut sans doute avoir recours aux mêmes méthodes qu’eux… si c’est pour la « bonne » cause.

Ce qui est extraordinaire, c’est qu’aucune des voix les plus autorisées, qui s’étaient élevées avec tant de force pour saluer l’action du pape pendant la guerre, n’ait été assez convaincante pour ­endiguer le flot de mensonges et de calomnies qui quelques années plus tard s’est déversé sur lui. Car en ­réalité, qu’y a-t-il de vrai dans ces accusations ?

Ce qui est vrai, c’est que Pie XII a toujours fait preuve de beaucoup de discrétion. Ce n’était pas un « communicant ». Pragmatique, il savait qu’il ne ­pourrait mobiliser tout le réseau des institutions chrétiennes d’Europe qu’en protégeant ceux qui ­risquaient leur vie pour le servir. Il savait aussi que les prises de position les plus spectaculaires pouvaient se retourner contre ceux qu’elles voulaient défendre. La protestation médiatique des évêques des Pays-Bas contre les violences antisémites en août 1942 n’avait-elle pas eu pour effet d’étendre les persécutions, notamment aux juifs convertis, dont la carmélite Édith Stein, déportée et morte à Auschwitz ?


Le choix non du silence, mais d'une communication ciblée

Le pape n’a pas été le seul à faire cette analyse. En Pologne, l’archevêque de Cracovie l’avait supplié d’éviter les protestations publiques, qui ne faisaient qu’aggraver les choses. Et puis, la discrétion du pape n’était-elle pas conforme au message du Christ selon lequel les actions de courage, de générosité et de partage doivent éviter toute forme d’ostentation ?

Peu soucieux de son image aux yeux du monde et de la postérité, Pie XII a fait le choix non pas du silence, mais d’une communication très ciblée, dont l’efficacité a du reste été plus d’une fois constatée. Sa menace d’une intervention publique a suffi à arrêter la rafle de Rome et à sauver les juifs romains. En Hongrie, un message public au régent Horthy a fait cesser les déportations… jusqu’à l’arrestation de Horthy lui-même par les Allemands, pour sa ­politique trop « timide » vis-à-vis des juifs. Ainsi, la légende noire de Pie XII conduit à nous interroger moins sur les actions de l’Église d’hier, que sur l’esprit de notre société actuelle.


« Le judaïsme a une grande dette de reconnaissance envers Sa Sainteté Pie XII »

Le 10 septembre 1943, les Allemands contrôlent la moitié du territoire italien et la ville de Rome. Herbert Kappler, chef des SS à Rome, ordonne qu’on lui livre dans les vingt-quatre heures 50 kg d’or, sous peine de déportation immédiate des juifs de la ville. Alors qu’il manque encore 15 kg, Israël Zolli, grand rabbin de Rome depuis 1940, se rend au Vatican : « Le Nouveau Testament ne peut pas abandonner l’Ancien ; s’il vous plaît, aidez-moi ! » Quelques heures plus tard, les kilos d’or manquants seront réunis.

« Le judaïsme a une grande dette de reconnaissance envers Sa Sainteté Pie XII pour ses appels pressants et répétés, formulés en sa faveur », écrira-t-il plus tard. « Au cours de l’Histoire, aucun héros n’a commandé une telle armée, aucune force militaire n’a été plus combattante ainsi que combattue, aucune n’a été plus héroïque que celle menée par Pie XII au nom de la charité chrétienne ».

Durant la guerre, le pape fait ouvrir églises, monastères et couvents pour abriter des familles juives entières, menacées par les rafles, tout en demandant à ses cardinaux de « peser » et « mesurer toutes les paroles adressées à l’autorité compétente à ce sujet […] dans l’intérêt même des victimes afin de ne pas rendre, contrairement à nos intentions, plus lourde et insupportable leur situation » (audience du 2 juin 1943). « Une protestation officielle, déclarera aussi le pape, m’aurait sans doute fait gagner les louanges et le respect du monde civilisé, mais elle aurait fait subir aux pauvres juifs une persécution encore pire qu’avant. » À la fin de la guerre, le grand rabbin a une apparition du Christ et entend une voix qui lui dit : « Désormais tu me suivras ». En février 1945, il reçoit le baptême, prenant pour prénom chrétien « Eugenio », en reconnaissance envers le pape Pie XII.



Michel Dienfenbacher
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