Communauté du Verbe de Vie : les raisons d’une dissolution

par Lumen Mar 28 Juin 2022 - 19:00

Communauté du Verbe de Vie : les raisons d’une dissolution

De graves dysfonctionnements ont motivé la décision de dissoudre la Communauté du Verbe de Vie, annoncée le 24 juin au terme d’une nouvelle visite canonique.

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Membre de la Communauté du Verbe de Vie priant dans la chapelle de l'abbaye d'Andecy. - Florence BROCHOIRE / SIGNATURES

C’est une lente agonie qui s’achève, par un coup de grâce, au sens le plus fort du terme. Des larmes de deuil ont certes coulé lorsque le cardinal Joseph de Kesel, archevêque de Malines-Bruxelles, a annoncé le 24 juin la dissolution de la communauté du Verbe de Vie, dont il était le garant. Elle sera effective au 1er juillet 2023. Mais « si cette décision est douloureuse, elle était aussi profondément nécessaire et est source d’apaisement », reconnaît sœur Marie-Laure, membre du gouvernement provisoire de cette association privée de fidèles nommé en août 2021 après la démission du nouveau modérateur général qui avait tenté de sauver l’édifice menacé d’écroulement. « Nous n'avons pas été mis à l'écart dans ce processus qui a conduit à notre dissolution. Toute la communauté a pu être consultée lors de la visite canonique, chacun a pu s'exprimer, avec des témoignages quasi-unanimes. »

Rapports d'autorité malsains, abus spirituels et sexuels...

En réalité, le drame couvait depuis les origines en 1986. C’est ce qu’a confirmé la dernière enquête canonique menée de janvier à avril 2022, conduisant le cardinal de Kesel à prendre une décision aussi radicale. Que se passait-il vraiment pour que personne ne parvienne à redresser le cap et sauver le navire ? « La communauté était en proie à des dysfonctionnements systémiques, qui ont rendu toute tentative de sauvetage impossible », résume Mgr François Touvet, évêque du diocèse de Châlons-en-Champagne, chargé d’administrer la communauté jusqu’à sa dissolution. Il avoue : « Moi-même je n’avais rien vu venir dans le diocèse, à l’abbaye d’Andecy où la communauté était présente. C’était une oasis où beaucoup aimaient puiser des forces, j’y ai vu des membres animés par une grande générosité de cœur et un zèle missionnaire… » Comme lui, sœur Marie-Laure et le père Philippe-Jacques - également membre du gouvernement provisoire - soulignent le « contraste qui existait entre l’image que pouvait renvoyer la communauté et ce qui se vivait à l’intérieur ». Car en coulisses, de véritables drames personnels se sont joués, sans que les changements de responsables ni la première visite canonique menée en 2003 ne parviennent à mettre un terme à la spirale mortifère. « Il y a eu un refus de regarder la réalité en face, d'écouter ce que signalaient les anciens ayant quitté la communauté », insiste Mgr Touvet.

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Le père Philippe-Jacques, soeur Marie-Laure - tous deux membres du gouvernement provisoire de la communauté - et Mgr François Touvet, évêque de Châlons-en-Champagne, lors d'une conférence de presse aux Missions Etrangères de Paris le 27 juin.

Ces drames ont principalement été causés par des chantages, abus sexuels, spirituels, d’autorité et mensonges. A commencer par ce « mensonge originel », révélé par la visite canonique de 2022 : il se trouve que le procès-verbal de création de l’association a été falsifié. « Sur les sept signataires, des noms ont été effacés pour ne laisser que les deux du couple de Marie-Josette et Georges Bonneval », rapporte Mgr Touvet. Se sont rapidement installés des rapports d’autorité malsains, une « violation du secret de confession par l'ancien accompagnateur du Verbe de Vie décédé en 2019, le père Jacques Marin, et l'instrumentalisation de confidences pour transmettre des informations à des membres en situation de responsabilité », un « mélange entre le fort interne et le fort externe » qui a conduit à un manque de liberté. Les rapporteurs pointent aussi du doigt l’absence de règle de vie et de charisme clairement défini.

Manque criant de formation

Le père Philippe-Jacques souligne l’absence de clôture dans les lieux de vie de la communauté, et une « spiritualisation excessive » de tous les problèmes et aspects de la vie. Sœur Marie-Laure évoque enfin le manque cruel de formation, particulièrement chez les sœurs. « Mes pensées vont particulièrement à elles pour la suite », confie la religieuse, demeurant néanmoins dans la confiance. Elle raconte que lors de son entrée en 2000 dans la Communauté, sa prise d'habit n'a été précédée que de quatre jours de retraite en guise de préparation. « Quatre ans plus tard, j'étais envoyée au Brésil, comme responsable de la maison en pleine situation de crise, sans aucune formation. Il y a plusieurs cas similaires de personnes à qui l'on a confié des responsabilités alors qu'elles avaient très peu d'expérience. » Le père Philippe-jacques abonde : « Pendant ''l'année pour Dieu'' proposée par le Verbe de Vie avant de rentrer, j'ai vécu une expérience de foi très forte avec des enseignements pour redécouvrir la Parole de Dieu. Mais une fois au sein de la Communauté, il n'y avait plus rien, tout était centré sur le service pour l'extérieur mais rien n'était proposé pour faire croître les membres. »

Un accompagnement dans le temps

S’ajoutent à ces problèmes d'anciens cas d’agressions sexuelles notamment pendant la confession, imputés également au père Jacques Marin, prêtre ouvrier décédé en 2019. « Une ligne d’écoute a été mise en place et des sanctions seront prises si d’autres cas d’abus étaient établis », promet Mgr Touvet. En attendant, il met du cœur à l’ouvrage pour préparer l’avenir, et garantir qu’« aucun des membres de la communauté ne se sente abandonné à son sort dans les prochains mois. » Le défi est immense. L’espérance aussi.

Le Verbe de Vie a connu une grande hémorragie, avec 230 départs de « résidentiels » (membres à temps plein) en 36 ans. Elle compte aujourd’hui 139 membres, dont 39 résidentiels (27 sœurs, 8 frères, 2 couples, 2 célibataires). Mgr Touvet a déployé pour chacun un accompagnement psychologique et un spirituel. « Ils sont invités à se disperser cet été pour mieux discerner, des communautés sont prêtes à les accueillir ».

Camille Lecuit

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