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L'Etat-Providence et la dissolution de la famille.

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Message par MichelT Lun 30 Mai 2011 - 13:51

L'Etat-Providence et la dissolution de la famille.

24 mai 2011, 18:29 -

L’intervention sourcilleuse de travailleurs sociaux dans les familles, avec la multiplication des mesures administratives ou judiciaires concernant les enfants, constitue à proprement parler un phénomène sociologique inquiétant.

Les parents d’aujourd’hui sont-ils pire que ceux d’hier ou bien est-ce l’évolution de la société française qui a mené à cette mise en cause des capacités éducatives des parents ?

A priori il est possible d’écarter la simple cause parentale. Les pères et mères ne sont globalement pas plus maltraitants qu’ils ne l’étaient autrefois, on parle au contraire d’un retour aux valeurs familiales à la suite de la calamiteuse génération soixante-huitarde, une moindre permissivité en matière éducative est de retour après les interprétations douteuses des enseignements Françoise Dolto.

Mais alors c’est la société qui a changé ? Oui bien sûr. La société française n’est plus la même. Progressivement elle est devenue une société d’irresponsables, donc une société fliquée.

L’analyse tocquevillienne

Cette évolution a été décrite il y a plus d’un siècle et demi par Alexis de Tocqueville qui mettait alors en garde contre les dérives en germe à l’intérieur des sociétés démocratiques. Relire ce passage avec notre compréhension d’aujourd’hui nous permet de mieux saisir la tragédie à l’œuvre :

« Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde ; je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils remplissent leur âme. Chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres : ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine … »

La situation est encore pire que Tocqueville ne s’y attendait, nos propres enfants sont devenus étrangers à nous-mêmes, l’Etat se chargeant de les retirer à nos soins sans trop de résistance de la part des familles.

«Quant aux restant de ses concitoyens, il est à côté d’eux, mais il ne les voit pas ; il les touche mais ne les sent point ; il n’existe qu’en lui-même et pour lui seul, et, s’il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu’il n’a plus de patrie. »

Nous payons effectivement l’impôt, et c’est là notre façon de nous désengager de la solidarité vis-à-vis de notre prochain. Ce racket là s’appelle "solidarité" dans le langage commun. Il n’en est pourtant que la caricature déshumanisante.

Nous payons comme un devoir à l’État et recevons comme un dû !

« Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leurs jouissances et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance ; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur ; mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leur plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages ; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ? C’est ainsi que tous les jours, il rend moins utile et plus rare l’usage du libre-arbitre. ...

Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses mains chaque individu ; et l’avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière ; il en couvre la surface d’un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour pour dépasser la foule ; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige ; il force rarement d’agir, mais il s’oppose sans cesse à ce qu’on agisse ; il ne détruit point, il empêche de naître ; il ne tyranise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. J’ai toujours cru que cette sorte de servitude, réglée, douce et paisible, dont je viens de faire le tableau, pourrait se combiner mieux qu’on l’imagine avec quelques-unes des formes extérieures de la liberté, et qu’il ne lui serait pas impossible de s’établir à l’ombre même de la souveraineté du peuple ».

En fait ce que Tocqueville décrit là n’est pas une démocratie populaire communiste, mais une sorte de démocratie d’État-Providence dans laquelle les partis qui se disputent partagent les mêmes choix idéologiques. Le peuple croit encore exercer son pouvoir en votant tantôt pour l’un de ces partis, puis pour l’autre :

« Ils se consolent d’être en tutelle, en songeant qu’ils ont eux-mêmes choisi leurs tuteurs. ... Dans ce système, les citoyens sortent un moment de la dépendance pour indiquer leur maître, et y rentrent ».

Puis, s’habituant à cette tutelle, le peuple devient totalement idiot et apathique :

« En vain chargerez-vous ces mêmes citoyens, que vous avez rendus si dépendants du pouvoir central, de choisir de temps en temps les représentants de ce pouvoir ; cet usage si important mais si court et si rare, de leur libre-arbitre, n’empêchera pas qu’ils perdent peu à peu la faculté de penser, de sentir et d’agir par eux-mêmes, et qu’ils ne tombent ainsi graduellement au-dessous du niveau de l’humanité. J’ajoute qu’ils deviendront bientôt incapables d’exercer le grand et unique privilège qui leur reste. ... Faut-il mener les petites affaires où le simple bon sens peut suffire, ils les hommes de l'Etat estiment que les citoyens en sont incapables ; s’agit-il du gouvernement de tout l’Etat, ils confient à ces citoyens d’immenses prérogatives ; ils en font alternativement les jouets du souverain et ses maîtres, plus que des rois et moins que des hommes ».

They who can give up essential liberty to obtain a little temporary safety, deserve neither liberty nor safety. (Benjamin Franklin)
Voila donc où nous en sommes. De nombreuses études et témoignages contemporains en attestent. Le constat est rude, mais cette lecture est terriblement instructive de ce que nous vivons avec l’augmentation continue des prérogatives des sévices sociaux.

Comme l’énonce Tocqueville, cette dérive de la société française – mais qui touche aussi d’autres sociétés dans une moindre mesure – est , plus particulièrement commune à celles de l’État providence vers lequel chacun est prié d’exposer ses difficultés et de s’en remettre à l’Etat plutôt que de trouver la ressource de les résoudre par lui-même.

L’État providence a défini un certain nombre de droits créances dont la société tout entière doit assurer la prise en charge contre l’assurance d’un contrôle social.

Mais laissez moi vous donner un exemple de ce fonctionnement : si votre situation matérielle est dégradée, vous aurez le droit à percevoir des aides et des allocations diverses, réglées par des cotisations d’assurés sociaux et/ou de contribuables; en contre-partie, l’État pourra demander des comptes de l’utilisation de ces prestations, comme c’est le cas pour les allocations-chômage, le RSA, les bons alimentaires. Rien d’anormal me direz-vous; il faut éviter qu’un dispositif généreux ne profite à des fraudeurs.

Mais, justement, un tel dispositif en mettant à la charge de la société un certain nombre de désagréments individuels déresponsabilise pour partie celui qui est pris en charge, car il s’en remet alors, non à ses propres capacités, mais à une forme d’assistanat considérée comme un dû. En effet, le discours ambiant tend à désigner des boucs-émissaires des malheurs individuels, et à faire jouer à l’Etat le rôle du sauveur. On connaît la chanson : c’est la faute à la mondialisation, au culte de la performance, au trou dans la couche d’ozone, …

Ce dispositif fait aussi appel au sens « citoyen », qui n’a strictement rien à voir avec la responsabilité, mais qui relève d’un auto-flicage dans lequel chacun est appelé à se surveiller dans ses comportements, et surveiller celui des autres.

La société que nous nous sommes construit se bâtit donc sur une conception particulière du ''principe de subsidiarité''; Ce principe qui veut que nous ne considérions légitime l’intervention d’une institution étatique que lorsque nous ne sommes pas capables de résoudre nous même le problème.

En matière familiale, ce principe avait longtemps admis que les services de l’État n’étaient fondées à intervenir dans le fonctionnement des familles qu’en cas de maltraitance grave et avérée.

Aujourd’hui la famille, déresponsabilisée à outrance par l’intervention de l’institution scolaire, les services sociaux, voire même le planning familial, est niée dans sa fonction institutionnelle de base auprès de l’enfant; elle ne saurait même imposer des choix contraires à ceux des institutions publiques. Il est même devenu indiqué de faire des enfants les éducateurs de leurs propres parents, quitte à les dénoncer au cas où leurs « droits de l’enfant » ne seraient pas respectés.

Au nom des "mal-calibrés"

La famille n’a pas échappé à l’État providence. A dire vrai bien des parents ont subi la dérive décrite par Tocqueville, et ne se portent pas plus mal de ce que leur vie familiale soit devenue un domaine à part entière d’orientation de la société à travers des institutions telles que la caisse d’allocations familiales, le secrétariat d’état à la famille, l’éducation nationale (comme si l’éducation ne relevait plus des parents) et même à travers l’institution toute particulière du juge des enfants, croque-mitaine des parents mal calibrés.

Qui dit flicage, dit normalisation, et si des parents véritablement maltraitants sont à juste titre séparés de leur progéniture en détresse par des juges des enfants, ces parents là ne sont pas plus nombreux qu’autrefois. La multiplications des AEMO et placements résulte uniquement de deux catégories de parents : ceux qui ont été déresponsabilisés au-delà du simple petit rôle qui leur restait à jouer, et ceux qui sont mal calibrés.

Il faudra justement que nous en parlions de ces parents mal calibrés, car ils refusent de se déresponsabiliser et n’admettent pas d’abdiquer leur rôle de parents.

Ils n’entendent pas le discours ambiant qui est servi habituellement par les services sociaux, et qui tend à leur faire admettre qu’ils devraient douter d’eux dans le cadre d’une société où l’on exige de plus en plus la performance, y compris dans leur fonction parentale. Discours fallacieux qui doit leur faire admettre qu’ils ne sont pas les meilleurs éducateurs de leurs enfants, discours à partir duquel il serait question de leur inculquer la parentalité.

Discours dissolvant l’institution familiale, et méritant pour celui qui le tient le châtiment salvateur de la baffe du parent "mal calibré".

L'original de ce texte a été publié sur le site [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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