Liturgie : « Le pape s’inscrit dans la continuité de Jean-Paul II et Benoît XVI »
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Liturgie : « Le pape s’inscrit dans la continuité de Jean-Paul II et Benoît XVI »
Liturgie : « Le pape s’inscrit dans la continuité de Jean-Paul II et Benoît XVI »
Le père abbé émérite de l’abbaye bénédictine de Kergonan, Dom Philippe Piron, replace la lettre apostolique du pape François sur la liturgie dans son contexte. Il y voit une continuité entre l’œuvre du pontife et ses prédécesseurs, et invite à une plus grande « intériorisation spirituelle » du Concile Vatican II.
Dom Philippe Piron mesure particulièrement les enjeux liturgiques
liés au Motu proprio Traditionis Custodes. - D.R.
Le père abbé émérite de l’abbaye bénédictine de Kergonan, Dom Philippe Piron, replace la lettre apostolique du pape François sur la liturgie dans son contexte. Il y voit une continuité entre l’œuvre du pontife et ses prédécesseurs, et invite à une plus grande « intériorisation spirituelle » du Concile Vatican II.
Dom Philippe Piron mesure particulièrement les enjeux liturgiques
liés au Motu proprio Traditionis Custodes. - D.R.
Dom Philippe Piron est actuellement prieur du monastère bénédictin Sainte Thérèse, dédié à l’accueil de personnes fragiles ou en situation de handicap pour leur offrir une expérience de la vie contemplative, près de Rennes. Il mesure particulièrement les enjeux liturgiques liés au Motu proprio Traditionis Custodes en tant que père abbé émérite de Kergonan, au sein de la congrégation de Solesmes dans laquelle certains moines célèbrent la messe en forme extraordinaire (dont l’abbaye de Fontgombault ou celle de Randol). A l’abbaye de Kergonan, la messe est célébrée en latin et en chant grégorien, mais selon la forme ordinaire du rite romain.
Avec cette nouvelle Lettre apostolique, le Pape François nous adresse, à tous les fidèles, un magnifique message qui nous invite à nous émerveiller de la puissante beauté de la liturgie.
Ce texte très fort est d’une grande profondeur spirituelle. Il s’inscrit dans la ligne de la grande réflexion théologique du Concile Vatican II qui privilégie toujours et met en valeur la primauté de l’initiative divine. Si la liturgie est bien la célébration de l’Alliance entre Dieu et les hommes, c’est toujours Dieu qui en a l’initiative.
La liturgie nous conduit ainsi à l’émerveillement devant l’amour de Dieu pour sa créature qui se réalise aujourd’hui encore dans la concrétude du mystère pascal. Notre participation consciente et active à la liturgie est ainsi notre manière de répondre en nous laissant attirer par ce désir de Dieu pour nous.
Aussi le Pape commence-t-il sa Lettre par ces mots de Jésus à ses disciples : « Desiderio desideravi hoc Pascha manducare vobiscum antequam patiar : j’ai ardemment désiré manger cette Pâque avec vous avant de souffrir (Lc 22, 15). Ces paroles de Jésus par lesquelles s’ouvre le récit de la Dernière Cène sont, dit le saint Père, la fissure par laquelle nous est donnée la surprenante possibilité de percevoir la profondeur de l’amour des Personnes de la Sainte Trinité pour nous » (n. 2).
Ainsi, la liturgie nous replonge-t-elle dans l’aujourd’hui de l’histoire du salut, nous permettant de retrouver le Christ, jusque dans le caractère concret du Verbe incarné, tout de Lui étant passé dans la célébration des sacrements. La liturgie n’est pas le lieu du souvenir, mais le lieu de la réalité. « Un vague souvenir de la Dernière Cène ne nous servirait à rien. Nous avons besoin d’être présents à ce repas, de pouvoir entendre sa voix, de manger son Corps et de boire son Sang. Nous avons besoin de lui. Dans l’Eucharistie et dans les Sacrements, nous avons la garantie de pouvoir rencontrer le Seigneur Jésus et d’être atteints par la puissance de son Mystère Pascal » (n. 11).
Et le pape nous invite à redécouvrir chaque jour la beauté non pas de la célébration chrétienne, qui serait simplement une beauté esthétique -ce qui ne serait déjà pas si mal- mais la beauté de la vérité de la célébration chrétienne qui nous pousse à un émerveillement toujours plus grand dans la contemplation même du mystère pascal.
Cela ne va pas sans une formation liturgique, et le pape met fortement l’accent sur l’importance primordiale de la formation des fidèles et des clercs pour toujours mieux percevoir le sens des signes et des symboles, afin de toujours mieux s’associer au cœur du mystère du salut qui se réalise concrètement sous nos yeux.
Plusieurs paragraphes sont réservés ensuite à l’art de célébrer, l’ars celebrandi qui ne peut être réduit à la simple observation d’un système de rubriques et encore moins à considérer comme une créativité imaginative – parfois sauvage – sans règles. Il s’agit toujours de retrouver la réalité de la présence du Christ parmi nous. Les acteurs de la liturgie sont ainsi formés en profondeur par l’action liturgique elle-même.
Unité de nos papes
Avec ce texte magnifique par sa beauté, sa profondeur et sa justesse, le pape s’inscrit dans la continuité de ses prédécesseurs directs avec lesquels certains le voudraient pourtant en rupture.
En effet, avec le Motu proprio Ecclesia Dei adflicta du 2 juillet 1988, saint Jean-Paul II avait ouvert une porte « pour permettre aux fidèles attachés à certaines formes liturgiques et disciplinaires antérieures de la tradition latine de rester en pleine communion avec l’Eglise» et d’éviter ainsi la séparation, la division, le schisme.
Le pape Benoît XVI avait élargi les possibilités en ce domaine avec le Motu proprio ‘Summorum pontificum’, du 7 juillet 2007. Mais il ne faut pas oublier que dans l’avion qui l’amenait en France le 12 septembre 2008, le pape Benoît XVI avait lui-même précisé que « ce Motu proprio était simplement un acte de tolérance, dans un but pastoral pour des personnes qui ont été formées dans cette liturgie, l’aiment, la connaissent, et veulent vivre avec cette liturgie. C’est un petit groupe parce que cela suppose une formation en latin, une formation dans une culture certaine. Mais pour ces personnes avoir l’amour et la tolérance de permettre de vivre avec cette liturgie, cela me semble une exigence normale de la foi et de la pastorale d’un évêque de notre Église. Il n’y a aucune opposition entre la liturgie renouvelée par le Concile Vatican II et cette liturgie… Et, c’est clair que la liturgie renouvelée est la liturgie ordinaire de notre temps. »
Et dans le même sens, le pape François qui ne veut pas que cette tolérance puisse permettre à certains d’imaginer que l’on pourrait envisager un retour à la forme ancienne de la célébration de la messe dit qu’on « ne peut pas revenir à cette forme rituelle que les Pères du Concile, cum Petro et sub Petro, ont senti la nécessité de réformer, approuvant, sous la conduite de l’Esprit Saint et suivant leur conscience de pasteurs, les principes d’où est née la réforme. Les saints Pontifes Paul VI et Jean-Paul II, en approuvant les livres liturgiques réformés ex decreto Sacrosancti Œcumenici Concilii Vaticani II, ont garanti la fidélité de la réforme du Concile » (n. 61).
Réception du Concile
A ce Concile Vatican II qui rassembla quelque 2500 évêques, saint Jean Paul II participa lui-même. Il y a perçu le souffle de l’Esprit et souvent il qualifia le Concile Vatican II comme « la plus grande grâce du XXe siècle ». Il engagea tout son pontificat pour sa mise en œuvre et son application, pour sa « réception » dans l’Église.
Benoît XVI y participa aussi comme expert du cardinal Joseph Frings, alors archevêque de Cologne, et œuvra dans le même sens.
L’histoire de l’Eglise nous apprend qu’un concile, parce qu’il est un acte qui engage durablement l’Église tout entière, demande toujours à être « reçu », c’est à dire connu, compris et mis en œuvre à la fois dans son inspiration fondamentale, dans son contenu théologique et dans ses orientations pastorales. Ce travail de réception passe par l’épreuve du temps. Il a fallu plus d’un siècle pour que le premier Concile œcuménique, celui de Nicée (325), soit reçu en Orient et en Occident, avec ses affirmations relatives à la divinité de Jésus, vraiment engendré par le Père et de même substance que lui, contrairement à ce que pensait l’hérésie d’Arius.
Si le Concile Vatican II est effectivement « la plus grande grâce du XXe siècle », il faut le recevoir pour ce qu’il est, dans son intégrité, et ne pas en profiter pour faire semblant de croire qu’il permet de faire ce que l’on veut, ou de le rejeter en tout ou partie, sous le fallacieux prétexte qu’il n’est pas dogmatique, qu’il coupe avec la tradition, qu’il est progressiste, alors qu’en réalité, il est seulement mal appliqué.
Le Concile Vatican II s’est achevé le 8 décembre 1965 et a donc un peu plus de cinquante ans. Il n’est donc pas étonnant que l’Église d’aujourd’hui ait encore la mission exigeante de le recevoir. Il nous faut donc avancer sur le chemin que nous trace le Concile pour en tirer les fruits par une meilleure intériorisation spirituelle et une plus grande application pratique.
C’est à cette œuvre de réception que s’emploient nos Pontifes et tout particulièrement cette magnifique Lettre apostolique de notre Pape François : Desiderio desideravi.
Qu’il en soit vivement remercié ! Et bénissons-en le Seigneur !
Dom Philippe Piron
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Lumen- Date d'inscription : 09/11/2021
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