Dans la Bible : la jalousie fraternelle promesse d'une fraternité réconciliée
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Dans la Bible : la jalousie fraternelle promesse d'une fraternité réconciliée
Dans la Bible : la jalousie fraternelle promesse
d'une fraternité réconciliée
L’Écriture sainte raconte plusieurs histoires familiales où l’aîné est jaloux à en tuer le cadet. Mais d’histoire en histoire, les frères parviennent à réaliser une vraie fraternité.
d'une fraternité réconciliée
L’Écriture sainte raconte plusieurs histoires familiales où l’aîné est jaloux à en tuer le cadet. Mais d’histoire en histoire, les frères parviennent à réaliser une vraie fraternité.
• Esaü conçut de la haine contre Jacob , à cause de la bénédiction dont son père l’avait béni ; et Esaü disait en son cœur : « Les jours du deuil de mon père vont approcher, et je tuerai Jacob, mon frère. »
« Ah, qu’il est doux pour des frères de demeurer ensemble ! », s’exclame l’auteur des psaumes (Ps 133). Et pourtant, les histoires de fratrie que rapporte la Bible sont tout sauf idylliques. Les patriarches ne s’en sortent pas mieux que nous… si ce n’est bien plus mal. Entre frères et sœurs, ce ne sont souvent que disputes, vols, brutalités, jalousies, voire meurtres et incestes.
La première mort dont la Bible fait état n’est pas un parricide, meurtre fondateur selon Freud, mais un fratricide. De Caïn à Abel en passant par Esaü et Jacob pour aboutir à Joseph et ses frères, c’est toujours à l’œuvre le même poison d’une rivalité qui se pervertit en jalousie et en haine. Mais si la Bible ne livre pas clé en main les recettes d’une fratrie heureuse, elle montre néanmoins que la violence n’est pas le dernier mot de la relation fraternelle. Depuis le meurtre d’Abel jusqu’au pardon de Joseph à ses frères, elle dessine un chemin de fraternité.
L’exégèse juive a souligné la responsabilité d’Adam et Ève dans la rivalité meurtrière entre Caïn et Abel. Adam, en effet, est un père absent, et Ève entretient une relation de toute-puissance avec son fils aîné. Au moment de la naissance de Caïn, elle dit : « J’ai acquis un homme avec l’aide du Seigneur » (Gn 4,1). Et le nom de Caïn signifie « possession » en hébreu. Abel, au contraire, est seulement présenté comme le frère de Caïn. Absolument silencieux dans le récit, il n’est l’objet d’aucun discours de la part de sa mère et l’étymologie de son nom – Abel signifie « buée » – insiste sur son invisibilité.
De façon surprenante, Dieu agrée le sacrifice d’Abel, mais « vers Caïn et son offrande, Il ne tourna pas son regard ». Et la jalousie entre dans le monde. « Quand vous lisez le texte, vous êtes du côté de Caïn », réagit le Père Olivier Bonnewijn, enseignant à la faculté jésuite de Bruxelles et auteur de La Famille dans la Bible. Le lecteur, frappé par l’injustice apparente de cette préférence, est invité à dépasser sa propre colère en observant là où elle conduit.
Dieu met Caïn en garde : « Une bête est tapie à ta porte, mais tu dois la dominer. » Nous connaissons l’issue de l’histoire. Mais nous connaissons moins ce passage : « Caïn dit à Abel. » Dit quoi ? La traduction de l’AELF comble le blanc avec « Sortons dans les champs ». En fait, dans le texte hébreu, Caïn ne dit rien à Abel, et c’est sans doute là, pour le Père Bonnewijn, la raison de l’escalade de la violence. L’histoire, cependant, ne se termine pas là. Caïn vivra et portera toute sa vie sur son front le signe de son fratricide, qui agira comme une protection. La fraternité reste à construire.
La parole parentale apaise ou exacerbe la jalousie fraternelle
L’injustice parentale n’est pas la cause première de la jalousie. La rivalité est inhérente à la fraternité elle-même. Les jumeaux Esaü et Jacob, en effet, se heurtent dès le sein de leur mère. Mais les parents pervertissent cette rivalité en se montrant injustes. Isaac préfère son fils aîné Esaü. Pour André Wénin, bibliste et doyen de l’Université catholique de Louvain, cette préférence vient d’une blessure familiale non résolue, puisque Esaü ressemble beaucoup au frère aîné d’Isaac, Ismaël, dont il a été séparé sur la demande de sa mère Sara. Est-ce pour contrebalancer cette préférence que Rébecca choisit de préférer à son tour le second, Jacob, en tout dissemblable ?
Sur les recommandations de sa mère, Jacob vole la bénédiction de son père à son frère. Esaü est furieux et veut tuer Jacob. Mais contrairement à Caïn, il diffère son projet jusqu’à ce que son père meure. Vingt ans plus tard, c’est Esaü qui viendra spontanément au-devant de son frère qui craint encore sa vengeance. Il le nomme « frère », quand Jacob le nomme « seigneur ». Les deux frères s’installent sagement loin l’un de l’autre. La fraternité est encore à mi-chemin…
Mais, avec l’histoire de Joseph, la fraternité a enfin lieu. Joseph, le petit dernier de onze garçons, est le préféré de son père Jacob. Tous deux sont en cause : Jacob valorise exclusivement Joseph, fils de son épouse préférée. Quant à Joseph, il rapporte à son père de méchantes rumeurs et raconte à ses frères des songes qui les blessent. Jacob, de son côté, envoie Joseph auprès de ses frères pour faire la paix dans la famille. Que n’y allait-il lui-même ? Pour le Père Bonnewijn, la parole des parents apaise ou exacerbe la jalousie. Ici, son absence laisse proliférer le mal.
Les frères projettent alors de le tuer, puis de le vendre à des marchands. Mais la vente de Joseph n’efface pas plus leur frère que le crime de Caïn n’a effacé Abel. Jacob s’enferme dans son deuil et les frères dans la culpabilité… La situation se dénoue vingt ans plus tard quand, Joseph devenu le bras droit du pharaon, ses frères viennent lui demander de les sauver de la famine. Au terme de dix-sept années de rebondissements, et pour la première fois dans la Bible, les frères parviennent à la fois à se pardonner et à vivre ensemble sans se craindre. Il aura fallu à la fois que chacun trouve son identité propre, et que tous acceptent de se poser en vérité face à l’autre.
Apaiser la jalousie comme le père du Fils prodigue
La parabole du Fils prodigue nous montre deux fils. Là encore, l’aîné est jaloux du cadet. Le père, apprenant que son aîné refuse d’entrer dans la salle où il fête le retour de son dernier, va au-devant de son fils qui exprime sa colère et son sentiment d’injustice. Mais le langage du fils révèle qu’il n’est pas bien positionné dans sa relation à son jeune frère (ni même dans sa relation à son père !). Il ne se vit pas lui-même comme frère de cet homme qu’il nomme « ton fils que voilà ». Le père répond en le nommant « ton frère » et en lui rappelant que la différence de traitement entre les deux enfants n’est pas une injustice. « Tout ce qui est à moi est à toi », lui dit-il.
« Cette parabole montre que l’exigence d’égalité entre les enfants n’implique pas une similarité de traitement. Il s’agit plutôt d’être là où chacun a besoin de nous », analyse Anne-Laure Swilling, universitaire et auteur de Frères et sœurs dans la Bible (Cerf). Accepter que le père se réjouisse pour le retour de son frère lui permet d’entrer à son tour dans la réjouissance de la fraternité, de devenir un frère, analyse-t-elle. La parabole nous invite ainsi « à sortir de la logique de la rétribution pour entrer dans une autre perspective, celle de la joie » de la fraternité partagée. Le retour du cadet est ce qui permet la fête. Mais, pour se réjouir, il faut que l’aîné accepte d’entrer dans la salle de fête, de renoncer à la comparaison et, pour cela, il faut que le père l’assure de son amour et l’invite à la fête.
Pauline Quillon
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Lumen- Date d'inscription : 09/11/2021
Localisation : France
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