Les antiennes « O », chants du désir
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Les antiennes « O », chants du désir
Les antiennes « O », chants du désir
Chantées lors des vêpres des sept derniers jours de l’Avent, ces prières sont un trésor à redécouvrir dans l’attente de la Nativité.
Chantées lors des vêpres des sept derniers jours de l’Avent, ces prières sont un trésor à redécouvrir dans l’attente de la Nativité.
Jadis, elles étaient bien connues de la piété populaire. Quand arrivait l’heure d’entonner les antiennes « O », sonnaient les cloches des monastères et cathédrales. Accouraient alors les fidèles aux vêpres, où l’on chantait – et où l’on chante encore aujourd’hui – ces prières propres aux derniers jours de l’Avent. Lumineuse solennité de Noël, désir ardent de la Nativité !
Du 17 au 23 décembre, lors de l’office des vêpres, la liturgie égrène ainsi sept antiennes, courtes prières précédant un psaume ou un hymne. Commençant toutes par l’invocation au Christ, elles sont appelées « O », ou encore « antiennes de Magnificat », puisqu’on les chante avant et après ce cantique. « L’instant choisi pour faire entendre ce sublime appel à la charité du Fils de Dieu est l’heure des vêpres, parce que c’est le soir du monde, vergente mundi vespere, que le Messie est venu », écrivait le bénédictin Dom Prosper Guéranger (1805-1875), alors abbé de Solesmes, dans son Année liturgique. « On les chante à Magnificat, pour marquer que le Sauveur que nous attendons nous viendra par Marie. On les chante deux fois, avant et après le cantique en signe de plus grande solennité. »
Il n’y eut pas toujours sept antiennes. On en chanta qui sollicitaient également l’intercession de la Vierge Marie, de l’archange Gabriel, de saint Thomas, fêté le 21 décembre, ou encore de Jérusalem. Mais ne furent finalement conservées que les sept apostrophes principales, adressées à Jésus, Messie et Verbe fait chair.
Une tradition immémoriale
Toutes ont la même structure : le « Ô » est suivi d’un des titres messianiques que les Écritures attribuent à Jésus (Sagesse, Chef, Rameau de Jessé, Clef de David, Soleil levant, Roi de l’univers et Emmanuel). Ce titre est ensuite développé, avant que ne survienne cette ardente demande : « Viens Seigneur, viens nous sauver ! » Ou plutôt « Veni ad salvandum nos ! ». Car la langue d’origine de ces antiennes est le latin. Au fil des siècles, on les chanta en grégorien, à une seule voix, comme tout chant liturgique. Certains monastères, célébrant ou non la liturgie en latin, les récitent encore ainsi. D’autres communautés leur préfèrent les traductions françaises.
« Les antiennes “O” sont de très haute antiquité, elles font partie du trésor de l’Avent et de la très belle histoire de la tradition liturgique de l’Église », explique le Père assomptionniste Sylvain Gasser, auteur d’articles sur le sujet. La mémoire commune a attribué leur composition à saint Grégoire Ier, dit le Grand, pape du VI-VIIe siècle. « À tort, précise le Père Gasser. On a retenu son nom pour les antiennes et on lui a aussi attribué le chant grégorien, car il a été le pape d’une réforme liturgique. Il n’a pourtant rien composé, rien écrit. » Ces prières dateraient en réalité des IV ou Ve siècles, époque de saint Ambroise de Milan. Leur origine milanaise, attestée par un manuscrit du XIe siècle, est très probable.
Ces antiennes ont des racines juives, « comme souvent la liturgie chrétienne », note le Père François-Xavier Ledoux, dominicain liturgiste et musicien. Il cite Mgr Sarnelli, évêque italien du XIXe siècle, qui les comparait aux dix-huit bénédictions que tout juif pratiquant récite quotidiennement. Elles commencent également par l’exclamation « Ô ». « On s’y adresse aussi à Dieu selon différents vocables, on Le bénit pour tout ce qu’Il a fait pour son peuple, rappelle le Père Ledoux. Par cette continuité avec la prière juive, la liturgie chrétienne souligne l’accomplissement de l’Ancien Testament en Christ. »
Le cri impatient de l’homme attendant le Messie
La Bible entière est en effet traversée par un cri, pressant le Messie de venir sur terre. Les sept antiennes « O » s’y unissent. « “Ô” est la marque d’un souhait et d’un ardent désir, pour marquer les souhaits et les vœux que les patriarches, prophètes et les âmes saintes de l’Ancien Testament avoient de la venue du Messie, après laquelle ils soupiroient et qu’ils demandoient par ces aspirations », est-il écrit dans le Dictionnaire de Trévoux, rédigé par les Jésuites français au XVIIIe siècle. Ces prières s’enracinent sur de très précises citations de l’Ancien Testament (Ecclésiastique, Sagesse, Proverbes, Exode, etc.), rejointes par des bribes du Nouveau. Jour après jour, les titres messianiques de Jésus sont dévoilés, sans que son Nom soit nommé. Il faut attendre la fête de Noël pour le voir apparaître : Il est l’« Emmanuel », « Dieu avec nous ».
« Ce travail de composition est remarquable, s’enthousiasme le Père Gasser. Le texte, très court, est poétique, il dit l’impatience de la venue messianique. Les premiers liturgistes étaient des poètes et des hommes de lettres : chaque antienne est bâtie sur la même mélodie et nous introduit au mystère célébré. Ces prières pétries de références de l’Écriture sont de petits condensés théologiques à l’approche de Noël. » Près de deux siècles plus tôt, Dom Guéranger estimait déjà qu’elles renferment « toute la moelle de la liturgie de l’Avent ».
En 2011, lors de son message de Noël, Benoît XVI avait offert aux fidèles une méditation sur la dernière antienne, « Ô Emmanuel, notre Législateur et notre Roi, espérance et salut des nations, viens, Seigneur, viens nous sauver ! » Elle est pour lui « le cri de l’homme de tous les temps, qui se sent incapable de surmonter tout seul difficultés et périls ». « Il a besoin de mettre sa main dans une main plus grande et plus forte, une main qui de là-haut se tende vers lui, avait alors médité le pape. Chers frères et sœurs, cette main c’est le Christ, né à Bethléem de la Vierge Marie. Il est la main que Dieu a tendue à l’humanité, pour la faire sortir des sables mouvants du péché et la faire reprendre pied sur le roc, le roc solide de sa Vérité et de son Amour. »
Fruits du génie de leur auteur, ces antiennes ont été composées de manière à contenir la réponse de Dieu au cri de l’homme. Si l’on part du dernier titre latin donné au Christ, en prenant la première lettre et en remontant jusqu’au premier (Emmanuel, Rex Gentium, Oriens, Clavis David, Radix Jesse, Adonaï, Sapientia), les initiales forment un acrostiche : « Ero cras », c’est-à-dire « Je serai là demain ». Un mode de composition littéraire typique de l’époque de saint Augustin (IVe siècle), détail qui viendrait prouver, une fois encore, la haute ancienneté de ces antiennes. « À chaque lettre, interprète le Père François-Xavier Ledoux, on se tourne de plus en plus vers le Sauveur ».
Vers sa naissance, mais aussi vers son retour dans la gloire : chaque année, en célébrant la liturgie de l’Avent, l’Église actualise l’attente de la première venue du Messie et celle de son second avènement. Chantées à vêpres et reprises dans l’acclamation de l’Évangile de la messe, ces antiennes nous invitent, à la suite de Dom Guéranger, à « nous unir à la sainte Église, lorsqu’elle fait entendre à son Époux ces dernières et tendres invitations, auxquelles Il se rend enfin ».
Noémie Bertin
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Lumen- Date d'inscription : 09/11/2021
Localisation : France
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