La position du pape François sur l’islam a-t-elle changé ?
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La position du pape François sur l’islam a-t-elle changé ?
La position du pape François sur l’islam a-t-elle changé ?
Lors de son récent voyage au Bahreïn, le Pape François a fait une importante déclaration sur la nécessité de respecter la liberté de religion. Elle marque une évolution dans son dialogue avec les musulmans, estime Annie Laurent, spécialiste des chrétiens en terre d'islam.
Le pape François saluant le cheikh Ahmed Mohamed el-Tayeb, imam de la mosquée al-Azhar, lors d'une rencontre à Abu Dhabi (Emirats arabes unis) en 2019. - Vatican Media-Foto/CPP/CIRIC
Lors de son récent voyage au Bahreïn, le Pape François a fait une importante déclaration sur la nécessité de respecter la liberté de religion. Elle marque une évolution dans son dialogue avec les musulmans, estime Annie Laurent, spécialiste des chrétiens en terre d'islam.
Le pape François saluant le cheikh Ahmed Mohamed el-Tayeb, imam de la mosquée al-Azhar, lors d'une rencontre à Abu Dhabi (Emirats arabes unis) en 2019. - Vatican Media-Foto/CPP/CIRIC
Pourquoi le pape s’est-il rendu à Bahreïn ?
Il y était invité à l’initiative d’Ahmed El Tayeb, le grand-imam de l’institution sunnite d’El Azhar (Le Caire), avec lequel il a noué des liens d’amitié. Après avoir signé ensemble à Abou Dhabi une déclaration sur la fraternité humaine (2019), ils s’étaient retrouvés au Kazakhstan en septembre dernier. La réunion de Bahreïn, qui prolonge celle d’Abou Dhabi, avait ceci de particulier qu’elle concernait aussi la discorde entre sunnites et chiites (à Bahreïn, la majorité de la population est chiite, mais elle est soumise à des mesures discriminatoires par le régime de l’émir Hamed Ben Issa El-Khalifa, qui est sunnite).
A Bahreïn règne une certaine tolérance vis à vis du christianisme…
Les chrétiens y ont le droit d’exister, ils ont deux églises et dirigent des associations sociales dont certaines bénéficient à des musulmans, mais ils ne peuvent évangéliser ces derniers. La Constitution de Bahreïn reconnaît la liberté de conscience mais, dans les faits, la conversion des musulmans au christianisme est interdite. Il y a d’ailleurs un signe qui ne trompe pas : tous les chrétiens de Bahreïn sont des étrangers, provenant d’Asie et d’Inde, mais aussi du Soudan, du Proche-Orient, notamment de Syrie et du Liban. Est-ce que des conversions se produisent malgré tout ? Nous l’ignorons.
C’est ce qui a poussé le pape à faire cette déclaration sur la liberté religieuse, « indispensable prémisse » car « toute contrainte est indigne du Tout-puissant » ?
En recommandant pour tous « la vraie liberté de religion », qui ne se limite donc pas à la liberté de culte, laquelle est reconnue à Bahreïn comme je viens de le dire, François a en effet été plus audacieux, plus exigeant sur ce point que dans ses précédentes rencontres officielles avec des musulmans. Mais l’hommage qu’il a rendu à la société « multi-religieuse » de l’émirat revêt une ambiguïté : ce propos semble idéaliser la situation de Bahreïn. Est-ce qu’il n’atténue pas le sens que nous donnons au principe de la liberté religieuse, qui implique la liberté pour l’Eglise d’annoncer l’Evangile, lequel doit cependant tenir compte du respect de « l’ordre public juste », comme l’enseigne le Concile Vatican II (cf. Dignitatis humanae) ?
Que signifie la notion de liberté religieuse pour un musulman ?
Pour un musulman la liberté religieuse n’a pas de sens. L’islam enseigne en effet que tout être humain naît musulman. Telle est, selon le Coran, la religion que Dieu a inscrite dans la nature de l’homme en le créant et qu’Adam a acceptée (cf. Coran 7, 172). L’être humain ne bénéficie donc d’aucune liberté, en ce domaine comme en bien d’autres. La Déclaration islamique des droits de l’homme, publiée le 31 juillet 1990, par l’Organisation islamique des droits de l’homme (57 Etats membres) est parfaitement claire à ce sujet : « Dieu ne donne à l’homme que ce qu’Il juge bon pour lui. Il n’est pas bon qu’un musulman abandonne sa religion ». En vertu de ces principes, il ne peut y avoir aucune égalité entre musulmans et non-musulmans.
Le pape se demande aussi si la religion « oblige de l’extérieur ou bien libère de l’intérieur » N'est-ce pas une critique indirecte de l’islam ?
Oui, je l’ai reçue comme cela. Il n’y a pas de vie intérieure dans l’islam en ce sens que l’homme n’est pas appelé à entrer dans une relation intime avec Dieu, ce Dieu que le Coran qualifie d’« inconnaissable » et « inaccessible ». Le musulman est soumis à Dieu et à sa loi. Il n’y a pas de relation d’amour entre Dieu et l’homme. Le mot « aimer » est certes présent dans le Coran : Dieu aime des catégories de gens, et pas d’autres catégories. Dieu pardonne à qui il veut, il châtie qui il veut, dit le Coran. C’est l’arbitraire absolu. On est loin du Christ…
Le pape parle également de « reconnaissance des droits des femmes et de l’enfant »…
En effet, ce point est important pour lui. Mais il se heurte au regard de l’islam sur la femme. Le Coran pose en effet le principe de l’infériorité de la femme par rapport à l’homme. « Les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-ci au-dessus de celles-là » (4, 38). De cette réalité découlent toutes sortes d’inégalités imposées à la femme, que ce soit dans le cadre du mariage (cf. la polygamie, la répudiation), de l’héritage, du témoignage en justice, etc. En fait, la formule du pape est très occidentale ; elle renvoie à l’idéologie des droits de l’homme, qui engendre des lois contraires à la loi naturelle, et occulte les devoirs de l’homme. François aurait pu parler du respect de la dignité de la femme en tant que personne. L’être humain a été créé à l’image de Dieu, un Dieu qui est Amour. Telle la dignité inviolable et inaliénable de l’homme et bien sûr de la femme. Toute l’anthropologie chrétienne en découle. J’ai défendu cette réalité lors du Synode spécial des Evêques pour le Moyen Orient (2010) auquel j’ai participé en tant qu’experte nommée par le pape Benoît XVI. Elle a été adoptée par le vote en assemblée plénière et reprise dans l’exhortation apostolique Ecclesia in Medio Oriente (2012). Cela a été mon (modeste) apport à ce Synode !
Pourquoi le pape insiste-t-il sur la citoyenneté fondée sur l’égalité des droits et des devoirs ?
Parce qu’encore une fois il n’y a pas d’égalité dans l’islam. « Vous être la meilleure des communautés suscitées parmi les hommes », dit le Coran (3, 110). Il s’agit de l’« Oumma » - la communauté mondiale des musulmans. L’étymologie de ce mot est intéressante : sa racine est « oum », qui veut dire mère, ou matrice. Donc, on est frère à l’intérieur de l’Oumma ; on n’est pas frère en humanité. Le concept de « prochain », si important dans l’Evangile, n’existe d’ailleurs pas en islam.
Quelles ont été les réactions aux déclarations du pape à Bahreïn ?
La question principale consiste à se demander si elles ont été diffusées dans le monde musulman. Le document sur la fraternité, signé par François et El-Tayeb à Abou Dhabi (2019) était censé être enseigné partout, chez les catholiques comme chez les musulmans. J’ai eu l’occasion d’interroger sur ce point un jeune musulman égyptien diplômé d’El-Azhar, que je connais bien. Il n’avait jamais entendu parler de ce document ! Les Eglises orientales, pour leur part, le font étudier par leurs fidèles.
Ces déclarations du pape marquent-elles un tournant, une évolution de ses positions sur l’islam ?
Je crois que l’on peut parler d’évolution. Il y a dans les discours qu’il a prononcés à Bahreïn plus d’exigences que d’habitude. Ses nombreuses rencontres avec les chrétiens d’Orient ont pu l’amener à réfléchir sur la question et à infléchir ses positions.
Charles-Henri d'Andigné
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Lumen- Date d'inscription : 09/11/2021
Localisation : France
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