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Le Sacré Coeur et la France

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Le Sacré Coeur et la France Empty Le Sacré Coeur et la France

Message par Francesco Ven 1 Jan 2010 - 2:17

2. Le Sacré-Coeur et la France
Le culte du Sacré-Coeur a pour origine les révélations faites par le Christ à Marguerite-
Marie Alacoque, une humble visitandine de la fin du XVIIe siècle. Marguerite-Marie est une
mystique comme il y en eut tant au XVIIe siècle. Influencée par la pensée du sacrifice mise en
forme au cours des décennies précédentes par "l'Ecole française de spiritualité", elle développa
une pensée et une pratique de la réparation qui culminèrent dans des apparitions de Jésus en
1675. Le culte du Sacré-Coeur de Jésus qui en résulta n'était pas vraiment nouveau : saint Jean
Eudes en avait déjà posé les bases. Mais il prit avec Marguerite-Marie sa pleine dimension,
une dimension politique. Selon ses "révélations", le nouveau culte visait en effet à réparer les
outrages subis par l'eucharistie du fait des prêtres indignes et des péchés des peuples. Cette
thématique ne présente sur le fond aucune originalité. Son succès tient aux lectures
rétrospectives auxquelles elle se prêta dans le contexte de déchristianisation du XVIIIe siècle
et, surtout, après la Révolution. Ces lectures furent facilitées par un événement assez
énigmatique : en 1689, Marguerite-Marie adressa une lettre à Louis XIV, lui demandant
d'apposer une image du Sacré-Coeur sur l'étendard royal. Les historiens pensent aujourd'hui
que le roi n'eut jamais connaissance de ce message. Quant aux motivations de son envoi, il
faut sans doute y lire le désir de voir s'affirmer une "conversion" du roi devenue patente en ces
années.
La réalité de ce message est indéniable. Tout autant l'est le contre-sens auquel il donna
lieu à partir de la Révolution. Une interprétation providentialiste de l'histoire permit de voir
dans le triste destin de la monarchie française la punition du refus de Louis XIV d'honorer le
Sacré-Coeur. Ainsi se mit en place un schéma interprétatif extrêmement fécond : le culte du
Sacré-Coeur devenait en France déploration publique des crimes collectifs de la nation - de
l'apostasie française ; son admission sur le drapeau national signifierait seule le retour de la
France à sa véritable identité religieuse.
Le culte de Marguerite-Marie à Paray-le Monial, lieu des apparitions de 1675, et celui du
Sacré-Coeur devinrent ainsi l'expression centrale d'une idée de la nation inséparable d'un projet
de restauration catholique et monarchiste qui, à défaut d'aboutir à ses fins, obtint quelques
succès. Le plus spectaculaire fut, en 1873, le vote de l'Assemblée nationale déclarant la
construction de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre d'utilité publique, en expiation des
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crimes de la Commune. Le dossier de canonisation de Marguerite-Marie, qui rencontrait
depuis un siècle et demi des difficultés, fut repris dans les années 1850 à la demande de Pie IX
et la béatification proclamée en 1864 (année, soit dit en passant, du Syllabus...). Le Message à
Louis XIV ne fut massivement connu en France qu'après 1867, année de la première
publication des écrits de la sainte. Il venait à son heure dans les premières années de la
Troisième République : grâce à lui, l'exigence de réparation se trouvait précisément associée
au destin de la France. La défaite de 1870 face à l'Allemagne et la Commune étaient
interprétées comme des châtiments de son infidélité - en attendant les bouleversements
apocalyptiques au terme desquels seraient rétablis sur terre les pouvoirs de Dieu et du roi.
On voit donc que Marguerite-Marie et le culte du Sacré-Coeur, en harmonie avec la vaste
campagne anti-moderne orchestrée par Pie IX, étaient les symboles d'un projet politique
contre-révolutionnaire et anti-républicain. Très précisément, ils permettaient une mobilisation
contre la République laïque au nom d'une vision de la France "fille aînée de l'Église"
incompatible avec un État laïque. Une lecture providentialiste de l'histoire de France lui
donnait sa caution pour le passé et l'avenir: la Guerre de Cent ans était la punition des
manoeuvres de Philippe de Bel contre la papauté, la Révolution de 1789 punissait, à un siècle
de distance exactement, le rejet par Louis XIV des exigences du Sacré-Coeur. En contrepoint
étaient exaltés tous les signes de la bonne volonté respective des rois de France et de Dieu, par
exemple la consécration de la France à la Vierge par Louis XIII en 1638 dont l'effet aurait été
la naissance inespérée de Louis XIV. Tout espoir de voir la France réconciliée avec Dieu et
avec elle-même n'était donc pas perdu. Et c'est bien pourquoi une large frange de l'opinion
catholique s'enferma durablement dans un projet politique résolument antimoderne, avec pour
horizon une restauration religieuse et monarchique. Le rôle des prophéties est précisément
d'inscrire cette échéance dans un plan divin de type apocalyptique.
Comme on le voit, le message politique et religieux associé au culte du Sacré-Coeur est
équivalent à celui des apparitions et prophéties du type "La Salette". Il semble toutefois plus
exclusivement centré sur le destin de la France. En fait, on trouve la même idée dans un bon
nombre de prophéties de l'époque. Par exemple, au début des années 1840, Marie Lataste, de
la Congrégation des Religieuses du Sacré-Coeur, reçoit ce message du Christ : "Mon fils [Jésus
s'adresse par l'intermédiaire de la voyante à son directeur], priez pour la France ; je l'ai déjà dit
et je me plais à vous le répéter, si les coups de la justice de mon Père ne sont pas tombés sur
elle, c'est Marie, la Reine du ciel, qui les a arrêtés. [...] Chaque fois que vous célèbrerez la
sainte Messe, priez pour le bien et la conservation de la France. Recevez avec patience et
soumission toutes les épreuves qu'il me plaira de vous envoyer". Au même moment, la Mère
du Bourg, fondatrice de la Congrégation des Soeurs du Sauveur, entend le Seigneur dire au roi
Louis-Philippe : "Vous m'avez méprisé ; vous avez fait apostasier mon peuple, en le faisant
travailler le dimanche. La jeunesse a été livrée aux impies". Elle précise : "Je compris surtout
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que c'était la profanation du saint jour du dimanche qui attirait sur la France les plus terribles
fléaux".
D'autres visions, on l'a dit, développent le schéma apocalyptique des persécutions
précédant le triomphe de l'Église. Par exemple, en 1843, une servante vertueuse, Madeleine
Porsat, reçoit du Ciel ce message : "Lève-toi, mon enfant ; va annoncer à mon peuple que
voici la fin des temps". En 1866, le message s'est précisé, à la lumière sans doute des
prophéties de La Salette. C'est la Vierge Marie qui parle par sa bouche : "Je vous ai annoncé il
y a vingt-six ans les sept crises, les sept plaies et douleurs de Marie qui doivent précéder son
triomphe et notre guérison: Intempéries, Inondations, Maladies sur les plantes et sur les
animaux, Choléra sur les hommes, Révolutions, Guerres, Banqueroute universelle, Confusion.
Les plaies précédentes ont été adoucies, grâce à Marie qui a retenu le bras de son Fils. Voici la
sixième plaie, la crise du commerce. [...] Entre la sixième crise et la septième, pas de repos : le
progrès sera rapide. 89 n'a renversé que la France : ce qui vient va être le renversement du
monde. La septième crise aboutira à l'enfantement". Viendra ensuite le "Règne de Marie",
correspondant au triomphe de l'Église.
Dans bon nombre des prophéties de l'époque, c'est donc le triomphe final (et terrestre) de
l'Église qui, après le temps troublé des "douleurs messianiques", vient occuper la place du
millenium. Cette façon de voir n'est pas seulement celle de prophètes marginaux, elle est
partagée par le pape lui-même. Pie IX écrit ainsi, dans la Bulle définissant l'Immaculée
Conception : "Nous attendons avec la plus ferme espérance et la confiance la plus entière que
par la puissance de la bienheureuse Vierge Marie, l'Église, notre sainte Mère, délivrée de
toutes les difficultés et victorieuse de toutes les erreurs, fleurira dans l'univers entier, ramènera
à la voie de la vérité toutes les âmes qui s'égarent, de sorte qu'il n'y aura plus qu'un seul
troupeau, sous la conduite d'un unique pasteur". Il s'agit bien là d'un triomphe temporel de
l'Église, analogue au "règne de Marie" de Madeleine Porsat et dont on trouve de nombreuses
attestations dans les écrits des fanatiques de La Salette de la fin du siècle.


Dieu seul suffit,l'aimer,le suivre et faire sa volonté.
Francesco
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Masculin Date d'inscription : 11/01/2008

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