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Dimanche 17 Septembre 2023 : Fête de l’IMPRESSION DES STIGMATES DE SAINT FRANCOIS + Considérations sur LES STIGMATES

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Message par Lumen Dim 17 Sep 2023 - 14:05

L’impression des Stigmates de Saint François d’Assise. Fête le 17 Septembre.

Fête propre dans l'Ordre des Franciscains et Clarisses.
Depuis Vatican II, la Fête est "réservée" au calendrier liturgique propre aux Franciscains.


Textes Liturgiques de la Messe, propre aux Franciscains et Clarisses.
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Office des Lectures et Office des Laudes, propre aux Franciscains et Clarisses.
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17 Septembre : Fête de l'impression des Stigmates de Saint François d’Assise

Deux ans avant sa mort, Saint François s'était retiré dans la Toscane avec cinq de ses Frères, sur le mont Alverne, afin d'y célébrer l'Assomption de la Très Sainte Vierge et préparer la fête de l'Archange Saint Michel par quarante jours de jeûne.

Aux environs de la Fête de l'Exaltation de la Sainte Croix, François priait les bras étendus dans l'attente de l'aube, agenouillé devant sa cellule :
« O Seigneur Jésus-Christ, disait-il, accorde-moi deux grâces avant que je meure. Autant que cela est possible, que dans mon âme et aussi dans mon corps, je puisse éprouver les souffrances que Toi, Tu as dû subir dans Ta cruelle Passion, et ressentir cet amour démesuré qui T'a conduit, Toi, le Fils de Dieu, à souffrir tant de peines pour nous, misérables pécheurs ! ».

Tandis qu'il contemplait avec grand recueillement les souffrances du Sauveur, voici qu'il vit descendre du Ciel un Séraphin sous la forme d'un homme Crucifié, attaché à une Croix.
Cet esprit Céleste portait six ailes de feu dont deux s'élevaient au-dessus de sa tête, deux s'étendaient horizontalement, tandis que deux autres se déployaient pour voler et les deux dernières recouvraient tout le corps.

Devant cet étrange spectacle, l'âme de François éprouva une joie mêlée de douleur. Le Séraphin s'approcha de lui et cinq rayons de lumière et de feu jaillirent des cinq plaies de l'ange crucifié pour venir frapper le côté, les deux mains et les deux pieds du Saint, y imprimant pour toujours la trace des sacrés stigmates de Notre-Seigneur.

La mystérieuse apparition disparut aussitôt, laissant le pauvre d'Assise en proie à d'inexprimables souffrances.
Son côté droit laissait paraître une large plaie pourpre dont le sang sortait avec une telle abondance que ses habits en étaient tout imprégnés.
Les têtes des clous apparaissaient au-dessus des mains ainsi qu'au-dessus des pieds; leurs pointes étaient repliées de l'autre côté et enfoncées dans la chair.

Attentif à tenir ses stigmates cachés, Saint François couvrait ses mains et marchait chaussé. Il ne put cependant les dissimuler longtemps, car il lui devint trop douloureux de poser la plante des pieds par terre, aussi devait-il recourir malgré lui à la continuelle assistance de ses Frères.

Dieu qui pour la première fois, décorait un homme des stigmates de Son Fils unique, voulut manifester leur origine Céleste en accordant quantités de miracles par leur vertu surnaturelle et Divine.

Le Pape Benoît XI voulut honorer par un anniversaire solennel et un office public, cette grâce qui n'avait jamais été accordée auparavant à la Sainte Église.

Le Souverain Pontife Sixte V ordonna d'insérer, dans le martyrologe romain, la mémoire des Stigmates de Saint François, au 17 Septembre.
Le Pape Paul V étendit cette Fête à l'Église universelle dans le but d'éveiller l'Amour de Jésus Crucifié dans tous les cœurs.
Depuis Vatican II, la Fête est "réservée" au calendrier liturgique propre aux Franciscains.



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Cette Fête trouve son origine dans la tradition Franciscaine et aujourd’hui partout Célébrée dans le rite extraordinaire de la liturgie romaine.
Saint François reçut les stigmates de Notre Seigneur Jésus en 1224.
Saint François deux ans avant son départ pour le Ciel, se retira sur le mont Alverne et commença par un jeûne de quarante jours pour honorer Saint Michel.

Lors d’une contemplation le jour de l’Exaltation de la Sainte Croix, alors qu’il méditait sur la Passion de Jésus, il fit cette prière : «O Seigneur Jésus-Christ, accorde-moi deux grâces avant que je meure.
Autant que cela est possible, que dans mon âme et aussi dans mon corps, je puisse éprouver les souffrances que Toi, Tu as dû subir dans Ta cruelle Passion, et ressentir cet amour démesuré qui T’a conduit, Toi, Le Fils de Dieu, à souffrir tant de peines pour nous, misérables pécheurs!»

Il vit alors descendre du Ciel un Séraphin sous la forme d’un homme crucifié.
Cette vision le transporta d’une immense joie teintée de douleurs.

Le Séraphin s’approcha, c’est alors que cinq rayons de lumière et de feu jaillirent des plaies de l’ange crucifié et vinrent frapper le côté, les deux mains et les deux pieds de François, et imprimèrent sur son corps pour toujours la trace des stigmates de Notre-Seigneur Jésus-Christ.



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CONSIDÉRATIONS
SUR LES STIGMATES


Ces 5 considérations
sont tirées du livre de 1600 pages :
" Saint François d'Assise "
Éditions Franciscaines - Paris 1968

Écrits et premières biographies par les
PP. Théophiles Desbonnets
et Damien Vorreux o.f.m.



Introduction aux
Considérations sur les Stigmates


par Nikos Kazantzaki : Vie de saint François, pp342 - 345


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Les lunes se succédaient. Le printemps passa, puis l’été. Nous regardions d’en haut se transformer le visage de la terre. Les blés verdissaient dans la plaine, puis jaunissaient et se couchaient finalement sous la faux. Les souches noires des vignes bourgeonnaient, fleurissaient et se chargeaient de grappes qu’emportaient les vendangeurs. Mais notre montagne ne changeait jamais; elle était toujours désolée et sans la moindre fleur. Vint l’automne et le mois de septembre.
La fête de la Croix approchait. François ne prenait plus qu’une bouchée de pain et une gorgée d’eau par jour, il jeûnait pour l’amour de la sainte Croix. Sur la Règle de l’Ordre, il avait écrit de sa propre main: «Nous t’adorons, ô Seigneur, et nous te louons, car au moyen de ta sainte Croix, tu as daigné racheter les péchés du monde.»

Donc à mesure qu’approchait la fête de l’Exaltation qui a lieu le 14 septembre, François fondait comme un cierge allumé. Il ne pouvait plus dormir et gardait jour et nuit les yeux levés, comme s’il attendait que lui apparût un signe au milieu d’éclairs et de bruissements d’ailes.

Un jour, il me prit par la main et me montra le Ciel:
-Regarde toi aussi, tu Le verras peut-être. Il est dit dans les Ecritures que la Croix se dressera dans le Ciel au moment où le Seigneur viendra pour juger. Frère Léon, je sens que le Seigneur viendra pour juger!

Il regarda ses pieds et ses mains.

- Le corps de l’homme est une croix, poursuivit-il - étends les bras et tu verras - et Dieu est cloué sur elle.

Il leva les mains au Ciel:
-O Christ, mon bien-aimé Seigneur, murmura-t-il, je te demanderai de m’accorder une grâce avant que je meure! C’est que dans mon corps et dans mon âme, autant que cela sera possible, je puisse ressentir Ta douleur et Ta passion.....
....Une nuit, je m’embusquai derrière mon rocher et regardai: François priait, agenouillé devant sa hutte. Un halo de lumière frémissante entourait son visage et, à la lueur des éclairs, je voyais distinctement briller ses mains et ses pieds. Non pas briller, mais brûler.

Je l’observai ainsi longuement, immobile. Le vent était tombé, pas une feuille ne bougeait. Le ciel commença de blanchir du côté de l’orient. Au loin, perché sur quelque branche, chantait un oiseau matinal. La nuit rassemblait ses étoiles et ses ombres et se préparait à partir. Soudain, une clarté intense, bleue et verte, illumina le ciel. Je levai les yeux: un séraphin avec six ailes de feu descendait et sur son sein, enveloppé dans les plumes, était Jésus crucifié. Une paire d’ailes enlaçait la tête, une autre le corps et la troisième, à droite et à gauche, recouvrait les bras étendus du Christ. L’Alverne était au milieu des flammes dont les reflets éclairaient la plaine. Le Christ ailé fondit du Ciel en sifflant et un éclair atteignit François qui poussa un cri déchirant comme si on le perçait de clous. Il ouvrit les bras et s’immobilisa, crucifié, en l’air. Puis il murmura quelques mots inintelligibles suivis d’un nouveau cri.....

Alors, au-dessus de lui, se fit entendre la Voix Divine:
“C’est à la Crucifixion que prend fin l’ascension de l’homme.” Et, de nouveau le cri désespéré de François:
“Je veux aller plus loin, jusqu’à la Résurrection!” et la voix du Christ, à travers les plumes du Séraphin:
“Mon cher François, ouvre les yeux et regarde: Crucifixion et Résurrection ne font qu’un!”
“Et le Paradis?” clama François.
“Crucifixion, Résurrection et Paradis, ne font qu’un! ” dit encore la voix.
A ces mots, un coup de tonnerre ébranla le ciel, telle une voix ordonnant au miracle de retourner à Dieu et le séraphin aux six ailes de feu, pareil à un éclair rouge et vert, remonta au Ciel.François

François s’effondra, le corps agité de convulsions. Je me précipitai vers lui et le relevai. Ses mains et ses pieds saignaient. Ecartant son froc, je vis sur son flanc une large plaie, comme ouverte par un coup de lance.

-“Père François, Père François, murmurai-je.... en l’aspergeant d’eau pour qu’il reprenne connaissance. Je ne pouvais l’appeler frère. Je n’osais plus. Il s’était élevé au-dessus de ses frères et au-dessus des hommes.......

....Je l’aidai à s’étendre, déchirai mon froc et bandai ses plaies, puis je me prosternai devant ses mains et ses pieds en pleurant. Quand je le quittai pour regagner ma hutte, le jour se levait.

“Le voyage a pris fin, murmurais-je, le voyage a pris fin. François a atteint le sommet; l’homme ne peut pas aller plus loin que la Crucifixion...”



Dans les parties à venir, nous considérerons avec piété les Stigmates de notre bienheureux père Messire saint François, qu'il reçut du Christ sur le saint mont Alverne ; et parce que les dits Stigmates furent cinq, conformément aux cinq plaies du Christ, ce traité aura pour cette raison cinq considérations.

La première sera la considération de la manière dont saint François parvint au saint mont Alverne.
La seconde sera celle de la vie qu'il mena et du séjour qu'il fit avec ses compagnons sur ledit mont.
La troisième sera celle de l'apparition du Séraphin et de l'impression des Stigmates.
La quatrième sera celle de la manière dont saint François, après qu'il eut reçu les Stigmates, descendit du mont Alverne et retourna à Sainte-Marie des Anges.
La cinquième sera celle de certaines apparitions et révélations divines desdits Stigmates glorieux, faites après la mort de saint François à de saints frères et autres personnes dévotes.



( A SUIVRE)


Dernière édition par Lumen le Lun 18 Sep 2023 - 14:49, édité 1 fois
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Message par Lumen Lun 18 Sep 2023 - 14:40

CONSIDÉRATIONS
SUR LES STIGMATES


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PREMIÈRE CONSIDÉRATION

COMMENT MESSIRE ROLAND DE CHIUSI
DONNA LE MONT AL VERNE A SAINT FRANÇOIS.


Quant à la première considération, il faut savoir que saint François, à l'âge de quarante-trois ans, en 1224(1), partit, inspiré par Dieu, du Val de Spolète pour aller en Romagne avec frère Léon, son compagnon; et sur sa route il passa au pied du château de Montefeltro (2), où il se faisait alors un grand banquet et une assemblée parce que l'un de ces comtes de Montefeltro était armé chevalier. Apprenant cette solennité qui se faisait là et que beaucoup de gentilshommes de diverses régions s'y trouvaient réunis, saint François dit à frère Léon: « Allons là-haut, à cette fête, car, avec l'aide de Dieu, nous y ferons quelque bien spirituel. »

Parmi les autres gentilshommes qui étaient venus à cette assemblée, il y avait là un riche et considérable gentilhomme de Toscane, nommé Messire Roland de Chiusi en Casentino (3), qui, en raison des choses merveilleuses qu'il avait entendues sur la sainteté et les miracles de saint François, lui portait grande dévotion et avait très grand désir de le voir et de l'entendre prêcher .

Saint François arriva à ce château, y entra et s'en alla sur la place, où était réunie toute la foule de ces gentilshommes; en ferveur d'esprit, il monta sur un petit mur et commença à prêcher, en prenant comme thème de sa prédication ces paroles en langue vulgaire (4) :

Tanto è quel bene ch 'io aspetto, che ogni pena m'è diletto (5).

Et sur ce thème, sous la dictée de l'Esprit-Saint, il prêcha, avec une telle dévotion et une telle profondeur, en le prouvant par diverses peines et martyres des saints Apôtres et des saints Martyrs, et par les dures pénitences des saints Confesseurs, et par les nombreuses tribulations et tentations des Vierges saintes et des autres Saints, que tous ces gens y demeuraient les yeux et l'esprit fixés sur lui, et écoutaient comme si c'était un Ange de Dieu qui parlât. Parmi eux, ledit Messire Roland, touché de Dieu en son coeur par la merveilleuse prédication de saint François prit la résolution d'aller, après la prédication, s'entretenir avec lui des choses de son âme.

Aussi, la prédication terminée, il prit à part saint François et il lui dit: « Père, je voudrais m'entretenir avec toi du salut de mon âme. Saint François (6) répondit: « Cela me plaît beaucoup, mais, ce matin, va et fais honneur à tes amis qui t'ont invité à cette fête, dîne avec eux, et après le dîner nous parlerons ensemble tant qu'il te plaira. Messire Roland s'en alla donc dîner et, après le dîner, il retourna à saint François et il lui exposa et régla entièrement avec lui les choses de son âme. Et, à la fin, ce Messire Roland dit à saint François: « Je possède en Toscane un mont très favorable à la piété, qui s'appelle le mont Alverne (7) ; il est très solitaire, couvert de bois, et fort bien disposé pour qui voudrait faire pénitence en un lieu écarté du monde, ou pour qui a le désir de la vie solitaire. S'il te plaisait, je te le donnerais volontiers, à toi et à tes compagnons, pour le salut de mon âme. Saint François, à une offre aussi généreuse de ce qu'il désirait beaucoup, éprouva une très vive allégresse, et, louant et remerciant Dieu d'abord, puis Messire Roland, il lui parla en ces termes: « Messire, quand vous serez retourné chez vous, je vous enverrai de mes compagnons, et vous leur montrerez ce mont; et s'il leur paraît propre à la prière et à faire pénitence, j'accepte dès maintenant votre offre charitable. Cela dit, saint François s'en alla; après avoir achevé son voyage, il s'en retourna à Sainte-Marie des Anges; et de même Messire Roland, cette assemblée solennelle terminée, s'en retourna à son château qui s'appelait Chiusi et qui est près de l'Alverne, à un mille.

S'en étant donc retourné à Sainte-Marie des Anges, saint François envoya deux de ses compagnons audit Messire Roland qui, à leur arrivée chez lui, les reçut avec une très grande allégresse et charité, et, voulant leur montrer le mont Alverne, il envoya avec eux une bonne cinquantaine d'hommes armés, pour les défendre au besoin contre les bêtes sauvages, Ainsi accompagnés, ces frères gravirent le mont et l'explorèrent avec soin; et à la fin ils arrivèrent à une partie du mont très favorable à la piété et très propre à la contemplation; il y avait dans cette partie un plateau, et c'est ce lieu qu'ils choisirent pour y habiter, eux et saint François; et, avec l'aide de ces hommes armés qui les accompagnaient, ils firent une hutte de branches d'arbres (8) ; et ainsi ils acceptèrent et prirent, au nom de Dieu, le mont de l'Alverne et le couvent des frères sur ce mont; puis ils partirent et s'en retournèrent vers saint François, Arrivés près de lui, ils lui racontèrent comment et de quelle manière ils avaient pris possession sur le mont Alverne, d'un endroit très propre à la prière et à la contemplation. Lorsqu'il entendit cette nouvelle, saint François se réjouit beaucoup, et, louant et remerciant Dieu, il parla à ces frères, d'un air joyeux, et il leur dit: « Mes fils bien-aimés, nous approchons de notre carême de saint Michel Archange (9), et je crois fermement que c'est la volonté de Dieu que nous fassions ce carême sur le mont Alverne, qui, par la divine sollicitude, nous a été préparé pour que, à l'honneur et gloire de Dieu et de sa glorieuse Vierge Marie et des saints Anges, nous méritions du Christ, par la pénitence, de lui consacrer ce mont béni, »

Et cela dit, saint François prit avec lui frère Massée de Marignan d'Assise, qui était homme de grande sagesse et de grande éloquence, frère Ange Tancrède de Rieti, qui était un noble gentilhomme et avait été chevalier dans le siècle, et frère Léon, qui était homme de parfaite simplicité et pureté, ce pourquoi saint François l'aimait beaucoup et lui révélait presque tous ses secrets, Avec ces trois frères, saint François se mit en prière, puis la prière finie, il se recommanda, lui et ses susdits compagnons, aux prières des frères qui restaient, et il se mit en route avec ces trois-Ià, au nom de Jésus-Christ crucifié, pour aller au mont Alverne.

En partant, saint François appela un de ces trois compagnons, c'est-à-dire frère Massée, et lui parla ainsi: « Toi, frère Massée, tu seras notre gardien et notre maître en ce voyage, pendant que nous irons et resterons ensemble, et que nous observerons notre coutume, soit de dire l'Office, soit de parler de Dieu, soit de garder le silence; et nous ne nous soucierons d'avance ni de manger ni de dormir; mais quand il sera l'heure de prendre logis, nous mendierons un peu de pain, nous nous arrêterons et reposerons en ce lieu que Dieu nous préparera, » Alors ces trois compagnons inclinèrent la tête, et, en faisant le signe de la croix, ils se mirent en route, Le premier soir ils arrivèrent à un couvent des frères et ils y logèrent (10) ; le second soir, parce que le temps était mauvais et qu'ils étaient fatigués, comme ils ne pouvaient atteindre ni aucun couvent de frères, ni un château, ni quelque village, et que la nuit survenait à l'improviste à cause du mauvais temps, ils se réfugièrent pour y gîter dans une église abandonnée et sans offices, et ils s'y reposèrent (11).

Et, pendant que ses compagnons dormaient, saint François se jeta en prière; et comme il continuait à prier, voici venir, à la première veille de la nuit, une grande multitude de démons très féroces, avec très grand fracas et tumulte; et ils commencèrent à lui livrer forte bataille et à le molester rudement; l'un l'empoignait par ici, l'autre par là; l'un le tirait en bas, l'autre en haut; l'un le menaçait de ceci, l'autre lui reprochait cela; ainsi, de diverses façons, ils s'ingéniaient à l'arracher à sa prière, mais sans succès, car Dieu était avec lui. Aussi, quand saint François eut longtemps soutenu ces batailles démoniaques, il commença à crier à haute voix: « Esprits damnés, vous ne pouvez rien, si ce n'est quand la main de Dieu vous le permet; et c'est pourquoi, de la part de Dieu tout-puissant, je vous dis de faire de mon corps ce qui vous est permis par Dieu; je le supporterai volontiers, car je n'ai pas pire ennemi que mon corps; aussi, si vous tirez à ma place vengeance de mon ennemi, vous me rendez un très grand service. » Alors les démons, avec très grande violence et furie, le saisirent et commencèrent à le traîner par l'église, et à lui faire subir de bien plus grandes vexations et tourments qu'auparavant.

Et saint François commença alors à crier et à dire: « Mon Seigneur Jésus-Christ, je te remercie de me témoigner tant d'amour et charité; car c'est là un signe de grand amour, que le Seigneur punisse bien en ce monde son serviteur de tous ses défauts, pour qu'il n'en soit pas puni en l'autre. Et je suis prêt à supporter allègrement toute peine et toute adversité que toi, mon Dieu, tu veux m'envoyer pour mes péchés » :

Alors les démons, confondus et vaincus par sa constance et sa patience, s'en allèrent (12) ; et saint François, en ferveur d'esprit, sortit de l'église et entra dans un bois qui était près de là; il s'y jeta en prière, et avec des prières, et avec des larmes, et en se frappant la poitrine, il s'efforça de trouver Jésus, l'époux et le bien-aimé de son âme. Et le trouvant finalement au fond de son âme, tantôt il lui parlait avec respect comme à son seigneur, tantôt il lui répondait Comme à son juge, tantôt il le priait comme un père, tantôt il s'entretenait avec lui comme un ami. Pendant cette nuit et dans ce bois, ses compagnons, qui s'étaient éveillés et qui restaient écouter et considérer ce qu'il faisait, le virent et l'entendirent prier dévotement, par des larmes et des paroles, la divine miséricorde pour les pécheurs. Ils le virent et l'entendirent encore gémir à haute voix sur la passion du Christ, comme s'il la voyait des yeux du corps. En cette même nuit, ils le virent prier, les bras réunis en forme de croix, suspendu et soulevé de terre pendant un long temps, et enveloppé d'une nuée resplendissante. Et ainsi en ces saints exercices, il passa toute la nuit sans dormir.

Puis le matin, sachant qu'à cause de la fatigue de cette nuit et du manque de sommeil, saint François était trop faible de corps et aurait difficilement pu faire route à pied, ses compagnons s'en allèrent trouver un pauvre paysan des environs, et lui demandèrent de prêter, pour l'amour de Dieu, son petit âne à frère François leur père, qui ne pouvait aller à pied. Entendant nommer frère François, cet homme leur demanda: « Etes-vous des frères de ce frère François d'Assise, dont on dit tant de bien ? » Les frères répondirent que oui et que c'était bien pour lui qu'ils demandaient la bête de somme. Alors ce brave homme apprêta le petit âne avec grande dévotion et sollicitude, et le mena à saint François, qu'il fit avec grand respect monter dessus. Et ils poursuivirent leur route, cet homme avec eux, derrière son petit âne.

Après qu'ils eurent fait un peu de chemin, le paysan dit à saint François: « Dis-moi, es-tu frère François d'Assise ? » Saint François répondit que oui: « Tâche donc alors, dit le paysan, d'être aussi bon que tout le monde le pense, parce que beaucoup de gens ont grande confiance en toi aussi je te donne le conseil de n'avoir rien en toi qui diffère de ce que l'on espère de toi.» Saint François, entendant ces paroles, ne se fâcha point d'être admonesté par un paysan et ne se dit pas en lui-même :

Quelle bête est cet homme qui m'admoneste ainsi ? ce que diraient aujourd'hui beaucoup d'orgueilleux qui portent la cape; mais il se jeta sur-Ie-champ de l'âne à terre, s'agenouilla devant cet homme, lui baisa les pieds et le remercia humblement de ce qu'il avait bien voulu l'admonester avec tant de charité. Alors le paysan et les compagnons de saint François le relevèrent de terre avec grande dévotion et le remirent sur l'âne, puis ils continuèrent leur chemin (13). Quand ils furent arrivés à moitié peut-être de l'ascension de la montagne, comme la chaleur était très grande et l'ascension pénible, une très grande soif assaillit ce paysan, au point qu'il se mit à crier derrière saint François : « Hélas! je me meurs de soif; et, si je n'ai pas quelque chose à boire, je vais sur-le-champ rendre l'âme. » Ce pourquoi saint François descendit de l'âne et se jeta en prière ; et il resta à genoux, les mains levées vers le ciel, jusqu'à ce qu'il sût par révélation que Dieu l'avait exaucé. Et il dit alors au paysan: « Cours au plus vite à cette pierre, et tu y trouveras l'eau vive que le Christ, dans sa miséricorde, vient d'en faire jaillir ». L 'homme courut à l'endroit que saint François lui avait indiqué et trouva une très belle source, que la vertu de la prière de saint François avait fait sortir du très dur rocher; il but copieusement et se trouva réconforté. Et il apparaît bien que cette source fut miraculeusement produite par Dieu à la prière de saint François, car, ni auparavant, ni depuis, on ne vit jamais en ce lieu source d'eau, ni même aucune eau dans un grand espace aux alentours. Cela fait, saint François, ses compagnons et le paysan remercièrent Dieu du miracle qui leur avait été manifesté puis ils continuèrent leur chemin (14).

Comme ils approchaient du pied même du rocher de l'Alverne, il plut à saint François de se reposer un peu sous un chêne qui était sur le chemin et qui s'y trouve encore (15) ; et pendant qu'il était dessous, saint François commença à contempler le paysage et la disposition du lieu. Et comme il le faisait, voici venir une grande multitude d'oiseaux divers, qui, par leurs chants et leurs battements d'ailes, montraient tous très grande joie et allégresse; et ils entourèrent saint François de telle sorte que les uns se posèrent sur sa tête, les autres Sur ses épaules, d'autres sur ses bras, d'autres dans son sein et d'autres autour de ses pieds. A cette vue, ses compagnons et le paysan furent émerveillés, et saint François, au comble de la joie, parla ainsi: « Je crois, mes très chers frères, qu'il plaît à Notre Seigneur Jésus-Christ que nous habitions Sur cette montagne solitaire, puisque nos sœurs et nos frères les oiseaux (16) témoignent tant d'allégresse de notre venue ». Après avoir dit ces paroles il se leva et ils se mirent en marche; et finalement ils parvinrent à l'endroit qu'avaient d'abord choisi ses compagnons.

A la louange de Dieu et de son très saint Nom. Amen.

Et voilà quant à la première considération, c'est-à-dire à la manière dont saint François parvint au saint mont de I'Alverne.



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NOTES

1. Date erronée. L'auteur des Considérations réunit dans ce chapitre des événements qui ont eu lieu à diverses époques, et il les situe en 1224, année de la stigmatisation. C'est en 1213 que saint François alla à Mon- tefeltro, et la donation verbale de l'Alverne aurait été faite le 8 mai, d'après l'acte de confirmation de cette donation par les fils de Roland, passé le 9 juillet 1274; cf. P. S. Mencherini, O.F.M., Codice diplomatico della Verna e delle 55. 5timate di 5. Francesca d'Assisi, Florence, 1924, p. 38 et 9. Le texte des Actus beati Francisci et saciorum ejus, 9, 4, dit seulement : « ...quodam tempare antequam haberet stigmata Salvatoris, ... un certain temps avant qu'il n'eût les Stigmates du Sauveur. »

2. Aujourd'hui San Leo, à trois lieues environ au sud-ouest de Saint. Marin; cf. Dante, Enfer, XXVII, 29-30.

3. Le château de Chiusi se trouve à deux kilomètres environ au sud de l'Alverne ; le Casentino est la haute vallée de l'Arno; cf. Dante, Enfer, xxx, 65, Purgatoire, v, 94, 115-117.

4. En italien. - Le petit mur aurait disparu au XVII' siècle.

5. Si grand est le bien que j'attends, que toute peine m'est un plaisir.

6. Les Actus, 9 12. donnent ce commentaire, qui n'a pas passé dans la version italienne. " Saint François, tout assaisonné du sel de la discrétion... »

7. L'Alverne, « le dur rocher entre le Tibre et l'Arno », Dante, Paradis, XI, 106, se trouve dans le diocèse et la province d'Arezzo, à onze kilomètres environ au nord-est de Bibbiena. Hauteur. 1 128 mètres. Aujourd'hui, on s'y rend simplement en automobile. Quand j'y allai, pour la première fois, il y a un peu plus d'un quart de siècle, c'était une autre affaire ! Un petit chemin de fer vous conduisait d'Arezzo à Bibbiena, où il fallait fréter une voiture, préhistorique, pour continuer vers l'Alverne; les dernières centaines de mètres se faisaient à pied.

8. A l'endroit où s'élève la petite église Sainte-Marie des Anges, construite du temps même de saint François, agrandie et transformée plus tard. On ne saurait trop conseiller au pèlerin de l' Alverne qui sait l'italien de se procurer l'excellent petit livre du P. Saturnino Mencherini, O,F.M., Guida illustra ta della Verna, Quaracchi, 3' éd., 1921.

9. Cette indication qui nous reporte au mois d'août, ne concerne que le dernier voyage de saint François à l' Alverne, celui de la stigmatisation, en 1224.

10. D'après une tradition, ce couvent serait celui de Buonriposo, à une lieue environ de Città di Castello, vers le Sud-Ouest ; cf P. Nicola Cavanna, O.F.M., L'Umbria francescana ilJustrata, Pérouse, 1910, p. 385 et s. ; trad. franç. de Teodor de Wyzewa, Paris, 1926, p. 268 et s.

11. Ce serait l'église San Pierino, près de Caprese; cf. P. S. Mencherini, O.F.M., Guida..., p. 288 et s.

12. L'origine du récit se trouve dans Thomas de Celano (2 C 122), etd. LP 23 ; Thomas de Celano ne donne aucune indication de lieu, mais.cc Legenda ancjqua situe la scène à l'église, San Pietro de Bovara, Trevl; cf. P.N. Cavanna, O.F.M., L’Umbna..., p.344 et s. ;1 franç., p. 241 et s.

13. Cet épisode provient aussi de Thomas de Celano (2 C 142) ; il est probable que la scène se passa lors du dernier voyage de saint François à l' Alverne.

14. Voir ici encore Thomas de Celano (2 C 46) ; saint Bonaventure. (LM7 12) ; ni Celano, ni saint Bonaventure, ne disent que « l'ermitage " auquel se rendait saint François fût l' Alverne. On sait que cette scène est le sujet d'une des plus célèbres fresques de Giotto, XIV. dans la basilique majeure d'Assise.

15. A cet endroit, entre le hameau de la Beccia. où il fallait jadis mettre pied à terre quand on venait en voiture de Bibbiena, et le couvent de l'Alverne, s'élève la chapelle des oiseaux, cappella degli uccellini, construite en 1602, ainsi que le rappelle une inscription qui commence ainsi: Hic ubi quercus erat... ; cf. P.S. Mencherini, O.F.M., Guida..., p. 29 et s. L'auteur des Considérations Sur les Stigmates reprend ici le texte des Actus, 9, 24-27. Il est très probable que cet épisode se rattache au premier voyage de saint François à l' Alverne ; cependant il y a lieu de remarquer que saint Bonaventure qui le rapporte (LM 8 10) dit expressément : « Comme François se rendait à l'ermitage de l'Alverne pour y faire un carême en l'honneur de l'Archange Michel...",ce qui ne peut concerner que son dernier voyage; (cf. LM 13 1).

16. Saint Bonaventure et l'auteur des Actus n'emploient que le féminin . Sorores aviculae ; l'auteur des Considérations dit : Le nostre sirocchie e fratelli uccelli. Voir la note 12 au chap. 16 des Fioretti.

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