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L’entretien secret et historique entre de Gaulle et Bernanos

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L’entretien secret et historique entre de Gaulle et Bernanos Empty L’entretien secret et historique entre de Gaulle et Bernanos

Message par Lumen Mar 13 Fév 2024 - 20:14

L’entretien secret et historique entre de Gaulle et Bernanos

De la rencontre entre de Gaulle et Bernanos, à Colombey-les-Deux-Églises, en 1946, rien n’a filtré. L’écrivain Christophe Gaillard a imaginé ce qu’ils se dirent. Entretien.

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L’entretien secret et historique entre de Gaulle et Bernanos Bernanos


Roman : Rencontre à La Boisserie, par Christophe Gaillard, Éditions de l’Aire, 232 p., 20 €.

Écrivain et ancien professeur de français au collège de l’Abbaye de Saint-Maurice, Christophe Gaillard habite dans le Valais suisse. Fin connaisseur de l’histoire et de la littérature françaises, il a également enseigné la littérature anglaise, tout en témoignant d’un « amour irrésolu pour l’Espagne », patrie de son épouse. « Comme disait Jules Michelet, je suis Français de langue et de cœur », nous confie ce Suisse. Auteur de plusieurs romans, il vient de publier Rencontre à La Boisserie, qui relate l’entrevue secrète entre l’écrivain Georges Bernanos et le général de Gaulle, le 5 décembre 1946, dans la propriété de ce dernier, en Haute-Marne. Un récit inspiré de faits réels, s’inscrivant dans la tradition antique du « dialogue des morts » ; ou, plus récent, du « débat théâtral », très en vogue actuellement. Ce récit captivant, écrit dans une prose somptueuse, compose une ode magnifique à ce cher pays de France, qui donna tant de fil à retordre à ces deux géants. Un bonheur de lecture.

Que sait-on de la rencontre entre Bernanos et de Gaulle à Colombey-les-Deux-Églises, fin 1946 ?

Bernanos et de Gaulle se sont rencontrés trois fois. D’abord, à Paris, en juillet et en octobre 1945, dans un contexte officiel. De Gaulle désirait associer Bernanos au relèvement de la France. Mais ce dernier a décliné les honneurs et refusé les propositions de responsabilités politiques, estimant que là n’était pas son rôle. Puis madame de Gaulle a invité l’écrivain à déjeuner le 5 décembre 1946, dans un cadre strictement privé. Étaient présents à cette réunion, Claude Guy, l’aide de camp du Général ; son frère, Pierre de Gaulle ; et André Malraux. Dans mon récit, j’ai transformé un peu l’histoire en la ramenant aux deux personnages principaux, Bernanos et de Gaulle, et en y ajoutant d’autres, dont celui d’Anne, la fille trisomique du Général. Que disent les historiens ? Certains, comme Jacques Julliard et Philippe Barthelet, prétendent que la réunion fut relativement insipide. Selon le témoignage de Malraux, l’ambiance était même un peu languissante. Difficile, pourtant, d’imaginer que ces deux immenses personnalités n’aient rien eu à se dire. Je suis parti dans cette direction. D’autant qu’en 1948, Bernanos – résidant en Tunisie, alors que de Gaulle était interdit d’antenne – prit la parole en son nom (voir encadré). N’oublions pas non plus que Bernanos fut un soutien de la première heure du Général. Et qu’il quitta le Brésil pour revenir en France, à sa demande, muni d’une lettre signée de lui, valant passeport.

Dans quel contexte politique cette rencontre s’inscrit-elle ?

En 1946, le climat de la France était électrique et pesant. Après sa démission du gouvernement, en janvier de cette même année, de Gaulle devait être plus qu’amer. Déçu comme lui par la lâcheté des « élites », Bernanos s’exila peu après en Tunisie. Le spectacle d’une Europe encrassée dans la politique et totalement déspiritualisée, dont il pressentait les pires dérives, lui était probablement insoutenable. Les deux hommes étaient accablés de constater que leurs compatriotes ne savaient que faire de leur liberté retrouvée.

Comment décrire Bernanos et de Gaulle ?

J’ai imaginé un Bernanos flamboyant et éruptif, capable d’humour et de colères retentissantes; en proie, aussi, à de brusques accès de dépression. On sait qu’il était souvent abattu, désespéré, mais avec la grâce de pouvoir toujours surmonter ce désespoir. On voit moins le général de Gaulle en potache. Ce qu’il savait être, surtout avec sa fille Anne. Tout en gardant toujours une certaine prestance, et une conscience aiguë de son rôle historique. Tous deux appartiennent à la même génération (ils ont deux ans d’écart), sont d’anciens élèves du collège jésuite de la rue de Vaugirard, à Paris, où le père de De Gaulle enseigna. S’ils sont différents par leur tempérament et leur parcours, leur éducation est assez analogue. Et ils se rejoignent sur les valeurs essentielles : le courage, le sens de l’honneur, l’amour de la culture et de la langue françaises, faisant de la France une nation singulière, avec une vocation spirituelle à défendre. L’expérience fondamentale des tranchées, de l’abnégation et d’une certaine solidarité humaine les réunit également.

Quelle était leur vision du peuple français ?

Bernanos et de Gaulle avaient un amour incarné de la France et des Français, des gens les plus simples, de ce vieux peuple si fier et si digne, qu’il leur fallait rétablir dans son honneur. Pensons aux petits mots que de Gaulle recevait à Londres, d’où il tirait son courage. Pensons aux paysans et aux braconniers que Bernanos rencontra dans sa jeunesse, et qui lui semblaient incarner cette France qu’il aimait, bien davantage que certains professeurs « humanistes ».

Vous rendez aussi hommage à leurs épouses respectives…

En effet, j’ai voulu montrer qu’à côté de ces grands hommes, il y avait des femmes extraordinaires. Jeanne Bernanos suivit son intrépide et parfois imprudent époux de déménagement en déménagement, jusqu’à l’aventure un peu picaresque du Brésil, où, en 1945, ils laissèrent derrière eux enfants et petits-enfants. François Angelier, son biographe, et Jean-Loup Bernanos, le dernier fils de l’écrivain, évoquent cette figure admirable et discrète, que j’ai toutefois imaginée présente lors de l’ultime rencontre, au Brésil, avec Stefan Zweig, peu de temps avant son suicide. Le 18 juin 1940, Yvonne de Gaulle, quant à elle, embarqua à Brest pour rejoindre la Grande-Bretagne avec ses trois enfants. Le navire qui les précédait se fit torpiller !

Pourquoi accorder une place centrale à Anne, la fille trisomique de De Gaulle ?

De Gaulle a toujours affirmé qu’Anne avait été sa joie profonde, et sans doute le ressort secret de son engagement au service de la France. C’est pourquoi j’en ai fait le point d’orgue du roman. Je voulais donner une place aux personnes handicapées. Souvenons-nous de l’eugénisme des nazis. Anne est le symbole des victimes de cette Seconde Guerre mondiale, de ces êtres dits « inférieurs » ne répondant pas aux critères de perfection des idéologues de l’époque.



Une profonde amitié

« Des historiens mettent encore en doute la profondeur de l’amitié qui réunissait de Gaulle et Bernanos. D’autres affirment au contraire que “le plus gaullien” des écrivains français devait ressentir davantage qu’une bonne intelligence de circonstances pour s’exprimer au nom de celui qu’il respectait et qu’il voulait soutenir comme nul autre. Le 16 mars 1948, Georges Bernanos commence en effet une extraordinaire rubrique de six articles qu’il intitule “Le Général vous parle”, où il prend la voix de De Gaulle qui depuis tant d’années est surveillé comme un dangereux factieux et interdit d’antenne. […] Leurs timbres se mêlent dans un même désert de solitude, souvent se confondent, mais parfois se distinguent… »

Extrait de Rencontre à La Boisserie.



Propos recueillis par Diane Gautret

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Lumen
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