Jeux olympiques et paralympiques : « L’Église a un coup à jouer »
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Jeux olympiques et paralympiques : « L’Église a un coup à jouer »
Jeux olympiques et paralympiques : « L’Église a un coup à jouer »
Participante inattendue des JO de Paris, l’Église catholique, grâce à son organisation Holy Games, mouillera le maillot cet été pour accompagner spirituellement et humainement athlètes et spectateurs. Un rendez-vous immanquable pour son jeune capitaine, le Père Jason Nioka, ancien judoka de haut niveau.
Ancien judoka de haut niveau, le Père Jason Nioka, ordonné
prêtre le 23 juin, pilote l’aumônerie catholique de Paris 2024.
Ici, son kimono en main, à l’église de la Madeleine, centre des
Holy Games. / Joseph Melin pour FC
Participante inattendue des JO de Paris, l’Église catholique, grâce à son organisation Holy Games, mouillera le maillot cet été pour accompagner spirituellement et humainement athlètes et spectateurs. Un rendez-vous immanquable pour son jeune capitaine, le Père Jason Nioka, ancien judoka de haut niveau.
Ancien judoka de haut niveau, le Père Jason Nioka, ordonné
prêtre le 23 juin, pilote l’aumônerie catholique de Paris 2024.
Ici, son kimono en main, à l’église de la Madeleine, centre des
Holy Games. / Joseph Melin pour FC
Remettre l’Église au milieu du village… olympique. Dans une période électorale pour le moins confuse, la lumière de la flamme olympique apporte une promesse de festivités auxquelles l’Église souhaite prendre part. Mobilisés depuis bientôt deux ans autour de cette célébration du sport, dans la fraternité, les acteurs de cette Église sportive se sont réunis derrière la bannière des Holy Games (« Jeux saints »). Accueil des sportifs et des visiteurs, présence aux Jeux paralympiques, visites d’églises parisiennes, offices… Le témoignage promet d’être grandiose. L’occasion était trop belle pour la laisser filer.
À la tête d’une petite délégation d’aumôniers, le Père Jason Nioka, fraîchement ordonné et ancien judoka professionnel, aura la lourde tâche d’accompagner spirituellement les athlètes en quête d’énergie et de soutien. Ceinture noire nouée autour de son épaisse veste blanche de kimono, le prêtre positionne ses mains devant lui, comme s’il s’apprêtait à parer une prise. Son large sourire rassure les quelques badauds qui défilent devant la petite « chapelle des sportifs », nichée dans ce colosse qu’est l’église de la Madeleine (Paris 8e). « C’est un peu déstabilisant, concède l’homme aux larges épaules. Je n’ai pas l’habitude d’enfiler cette tenue ailleurs que sur un tatami. »
Et pourtant, l’ancien athlète professionnel prend ce nouveau double costume de judoka et d’aumônier des Jeux olympiques très au sérieux. « Pendant les Jeux, les gens auront l’occasion de voir le visage d’une Église en kimono, lâche-t-il dans un rire. C’est un signe très fort. L’Église peut venir à eux, elle se fait plus proche. » Nommé responsable de la quarantaine d’aumôniers catholiques des Jeux olympiques, le Père Nioka ne cache pas sa joie. « Rendez-vous compte: la dernière fois que les Jeux se sont tenus à Paris, c’était il y a cent ans ! L’Église a un gros coup à jouer, spécialement dans l’accompagnement spirituel des athlètes. »
Cinq salles de prière : Au village olympique, situé entre Saint-Denis, Saint-Ouen et L’Île-Saint-Denis, les athlètes auront accès à un centre multiconfessionnel regroupant le christianisme, le judaïsme, l’islam, le bouddhisme et l’hindouisme. Sous la forme d’une grande tente, il comprendra un espace d’accueil et cinq salles de prière. Les catholiques partageront une salle avec les protestants et les orthodoxes.
Rien ne prédestinait ce natif de Bailly-Romainvilliers, en Seine-et-Marne, à assumer un tel statut. Son histoire a la même teinte que celle des enfants emportés par la fièvre du sport. Pour canaliser son énergie, ses parents décident de l’inscrire au judo, alors qu’il a à peine 3 ans ! « Je m’y suis fait rapidement des amis, qui partageaient cette même foi chrétienne », se rappelle ce fils d’une famille originaire du Congo, très enracinée dans sa foi catholique. Les compétitions ont lieu le dimanche, les médailles s’accumulent et lui laissent peu de répit.
Une vocation plus forte que le judo
Il n’y a guère que le mercredi soir, en se rendant à la messe, que l’adolescent retire son kimono. L’année de ses 12 ans, lors d’un pèlerinage en famille à Lourdes, le jeune athlète ressent « une paix intérieure très forte ». « Ce jour-là, j’ai eu la certitude que ce que j’avais vécu devant la grotte des apparitions, je ne le ressentirais jamais avec la même puissance sur un podium au judo.» Les premiers signes d’un cheminement vers la vocation sacerdotale. Un an après, Jason reçoit le baptême. L’appel du Christ, encore lointain chez l’adolescent, ne l’empêche pas d’intégrer les pôles «Espoirs » puis France judo, raflant de nombreux titres jusqu’en 2016. Toutefois, « la vie de sportif millimétrée » ne lui permet pas de s’accomplir pleinement. « Le plus dur, c’est de garder cette place pour Dieu, lorsque tout est quantifié », concède-t-il. Il y a six ans, il rompt avec le sport de haut niveau pour entrer au séminaire et suivre une vocation plus forte que le judo, qu’il n’oublie pas pour autant. Mais les compétitions sont à présent derrière lui.
En préparation des JO, les Holy Games ont organisé une course de 10 km et une marche de 5 km
entre les églises de Paris, le 28 avril. / Photo : Corinne Simon/Hans Lucas.
Dès septembre 2022, la perspective des Jeux olympiques de Paris lance l’Église dans cette grande aventure sportive, avec les Holy Games. Isabelle de Chatellus, patronne de ces «Jeux saints», appuyée par Mgr Philippe Marsset, évêque auxiliaire de Paris, fait appel au séminariste pour en être le référent spirituel. « C’était quelque chose d’inattendu, inspiré par la Providence. Mon année de diaconat allait en être bouleversée, s’anime le Père Nioka. Un an après, on me confiait la charge de piloter cette équipe d’aumôniers au plus près des athlètes, et dans le même temps, il me fallait préparer l’après-JO. »
Un soutien auprès des athlètes
Dès lors, une course contre la montre démarre pour ce séminariste qui doute, dans un premier temps, de sa légitimité. Il s’agit de former une quarantaine de prêtres, religieux et laïcs au milieu si singulier du sport de haut niveau. « C’est un environnement que je connais parfaitement. L’athlète vit dans une bulle. Sa vie est déséquilibrée, il doit prendre en compte de nombreux paramètres pour être au meilleur de sa forme. Il vit constamment sous la pression et est aussi surexposé. Ce sont des indicateurs importants à prendre en compte si l’on veut être un soutien auprès de lui. » Rares sont les sportifs pratiquants à s’autoriser à prendre ce temps « nécessaire » avec le Christ. Pourtant, « des athlètes m’ont assuré que c’est essentiel dans leur développement, glisse le Père Nioka. Comme un sportif doit voir un kiné tous les jours, il y a ce besoin, chez certains, d’avoir ces quelques minutes dans un face-à-face avec Dieu. » Comment être attentif alors à ces athlètes, confinés dans leur bulle, motivés par la seule perspective d’un podium ? « La première vocation de notre centre, au milieu de l’effervescence du village olympique, sera d’être un lieu d’écoute. Des amis qui participent aux Jeux m’ont dit qu’ils passeraient me voir, sourit le judoka, en remontant ses lunettes. Même s’ils ne sont pas croyants, ils savent qu’ils se rendront dans un lieu d’échange, de bienveillance. Ce sera un petit moment gratuit pour eux, qui leur permettra de sortir de leur bulle. » Le sacrement de réconciliation y sera délivré et des messes seront célébrées.
Surtout, le Père Nioka a préparé ses troupes à la notion d’échec, redoutée par ces athlètes qui se préparent depuis de longues années, « parfois pour une seule épreuve, sur une petite journée », pour obtenir une médaille. Beaucoup vivent la défaite comme une forme de fin du monde. « Le sport est cruel. À l’arrivée, il n’y a qu’un seul vainqueur. En cas d’échec, l’aumônier doit pouvoir écouter le sportif et l’aider à le faire revenir dans le réel. À nous d’avoir les paroles justes. »
« La défaite n'est pas un drame »
Pour certains sportifs chrétiens, « la défaite n’est pas autant un drame, parce qu’ils ne sont pas fatalistes, observe le Père Nioka. Si je sais que mon but ultime, c’est d’aller un jour à la rencontre du Christ ressuscité, je me relève plus facilement d’un échec ». Au contact de ces athlètes de haut niveau, c’est de cette spécificité chrétienne que pourront témoigner les aumôniers. Les Écritures sont une source d’inspiration pour l’ancien judoka, dont il tirait même sa motivation durant les compétitions. « J’aime beaucoup ce passage de la Deuxième Lettre de saint Paul à Timothée : “J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi.” Au fond, qu’est-ce que mener le bon combat ? C’est d’avoir gardé la foi, d’être allé jusqu’au bout. La foi nous aide à nous dépasser. » Avec de telles paroles, ses adversaires n’avaient qu’à bien se tenir.
« Le sport est une vraie vocation »
Ordonné prêtre le 23 juin pour le diocèse de Meaux, le Père Nioka s’est longtemps interrogé sur l’équilibre nécessaire à trouver entre compétition et vie de foi. « Dès mon entrée au séminaire, la question ne se posait plus, j’avais fait une croix sur la compétition. Si tu veux donner ta vie au Christ, tu dois prendre de la distance avec ce pour quoi tu t’es engagé jusque-là. » Aujourd’hui, son quotidien se calque sur sa charge de paroisse. « Une vie d’athlète serait incompatible avec un ministère, tranche-t-il net. Le sport est une vraie vocation. » Il invite d’ailleurs croyants ou non-croyants, professionnels ou amateurs, à toujours considérer le sport « comme un jeu », pour une pratique plus saine. Ses conseils, il les prodigue encore sur le tatami, entre deux cours de théologie, ou après un office. Se replacer après un mouvement, mieux tirer la manche de l’adversaire pour le désarmer… « Je suis toujours dans le partage », confie-t-il. Son passé de professionnel fait des heureux. « J’ai retrouvé le côté ludique du sport, celui dans lequel je peux être en contact avec le monde et qui m’offre un certain équilibre personnel. C’est très précieux, quand on veut devenir prêtre, d’avoir les pieds dans le monde et de témoigner d’une Église qui se fait proche. »
Routes d'été, messes, veillées : les rendez-vous des Holy Games
- Trois routes d’été seront ouvertes par les Holy Games en juillet et en août, à destination des jeunes de plus de 18 ans, pour accompagner et suivre les Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Contrairement à ce que leur nom indique, il n’est pas question ici de partir marcher aux quatre coins de France mais de vivre les Jeux sous un angle spirituel, fraternel et dans un esprit de service. Topos, louange, accueil des supporters, tournois sportifs, activités solidaires, festival de musique… En lien avec leurs paroisses, aumôneries ou mouvements, des groupes de jeunes se rassembleront du 25 juillet au 2 août ou du 3 au 11 août dans l’une des paroisses «olympiques » de Paris et d’Île-de-France.
- Une route extraordinaire : ouverte par une messe, se tiendra du 28 août au 8 septembre pendant les Jeux paralympiques. Chaque jour, des associations solidaires feront découvrir un sport paralympique, dans un cadre de prière.
- Une messe d’ouverture de la trêve olympique sera célébrée le 19 juillet, à 10 heures, en l’église de la Madeleine à Paris (8e ). La trêve olympique est une période de paix qui invite à l’arrêt des conflits (cessez-le-feu) des nations du monde durant les Jeux. Elle s’étend d’une semaine avant le début des olympiades à une semaine après la fin des Jeux paralympiques.
- Une veillée de prière pour les athlètes devrait se dérouler la veille de l’ouverture des JO, le 25 juillet, et une rencontre
interreligieuse est prévue sur le parvis de Notre-Dame de Paris le 4 août.
Louis de La Houplière
Lumen- Date d'inscription : 09/11/2021
Localisation : France
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