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« Il faudra des années pour guérir des traumatismes » : à Jérusalem, un an après les attaques du 7 octobre

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Message par Lumen Dim 6 Oct 2024 - 20:49

« Il faudra des années pour guérir des traumatismes » : à Jérusalem, un an après les attaques du 7 octobre

Depuis l’attaque meurtrière du 7 octobre 2023 par le Hamas, le conflit israélo-palestinien continue à s’enliser dans une guerre sans précédent. Si Jérusalem, la ville trois fois sainte, n’est pas au cœur du conflit, elle en cristallise les tensions, alors que de tous côtés des voix s’élèvent pour appeler à la paix.

« Il faudra des années pour guérir des traumatismes » : à Jérusalem, un an après les attaques du 7 octobre Jerusalem_1
Un juif et un musulman se croisent dans la Vieille ville de Jérusalem, sous tension. / Photos : Victorine ALISSE


Plus de 43 000 morts, Palestiniens et Israéliens confondus, sur l’ensemble des territoires palestiniens, auxquels s’ajoutent près de 108 000 blessés (1), une centaine d’otages israéliens encore détenus par le Hamas, et plus de 2,4 millions de personnes qui survivent dans des conditions humanitaires désastreuses dans la bande de Gaza… Un an après le choc de l’attaque meurtrière du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023, les chiffres affligent. Et pourtant, aucun signe n’annonce un cessez-le-feu prochain. Au contraire, depuis le 17 septembre, Israël s’est lancé dans « une nouvelle phase de la guerre », selon les mots de son ministre de la Défense Yoav Gallant. Une série d’explosions d’appareils de transmission provoquées par Israël ont entraîné la mort de trentesept membres du Hezbollah libanais, engagé dans le conflit aux côtés du Hamas, et ont fait près de de 3 000 blessés. Les envois répétés de roquettes meurtrières dans les deux sens, entre le nord d’Israël et le sud du Liban, font craindre un embrasement de la région. Œil de ce cyclone, située à une centaine de kilomètres de Gaza, et à environ deux cents kilomètres de la frontière libanaise, Jérusalem, objet de toutes les convoitises, mais épargnée par tous, ressent fortement les tensions du cataclysme en cours. Un an après le début de la guerre, la ville où le Christ est ressuscité demeure dans l’attente de la résolution d’un conflit apparemment sans issue. Un samedi saint qui dure.

« Il faudra des années pour guérir des traumatismes » : à Jérusalem, un an après les attaques du 7 octobre Jerusalem_2
Au mur des Lamentations, les juifs préparent la fête de Roch Hachanah, le Nouvel An.

« Ici, on ne parle pas de politique »

Devant le mur des Lamentations, alors que le Soleil vient de se coucher, prémices du repos du shabbat, les prières s’élèvent. Hommes revêtus de leur talit à franges d’un côté, et femmes en jupe longue de l’autre, préparent Roch Hachanah, Nouvel An juif plein de promesses, fêté le 30 septembre. Un peu en dehors de la Vieille ville, à proximité du quartier juif orthodoxe de Meashaa’rim, le rabbin Machlis, avec ses quinze enfants, accueille chez lui ceux qui le désirent, comme tous les vendredis soir depuis quarante ans. Juifs de passage, voisins et amis sont réunis dans la salle à manger aux murs recouverts des livres sacrés, pour partager le kiddouch, vin rituel servi en début de repas de shabbat, chanter les psaumes et écouter les exhortations à la miséricorde. Seule ombre au tableau: une photo des otages israéliens, accrochée au mur devant les yeux des convives. «Ici, on ne parle pas de politique, car cela nous divise», précise le rabbin.

Pourtant, en dépit des apparences, le conflit en cours est sur toutes les lèvres. En entraînant une montée des extrémismes politiques, la guerre a non seulement creusé le gouffre qui sépare Israéliens et Palestiniens, mais a aussi accentué les divisions au sein des deux camps, abreuvés d’informations contradictoires. «On a tous un ami au front en ce moment, et on regarde les annonces de morts en permanence. Le cousin de mon cousin est un otage. On est tous liés les uns aux autres», explique Mir, Juive israélo-américaine de 33 ans, dans une rue de Jérusalem-Ouest. Du côté israélien de la ville, les «Shabbat Shalom!», salutation qui appelle à la paix, lancés joyeusement, contrastent avec les Kalachnikov que les soldats en permission portent en bandoulière. «Nous vivons sans cesse dans la peur», poursuit la jeune femme, qui n’ose pas traverser l’artère qui sépare son quartier de Jérusalem-Est, où vivent les Palestiniens. L’application Red Alert l’informe en continu des alertes à la bombe au sud du pays, où vivent des membres de sa famille. «Il faudra des années pour guérir des traumatismes psychologiques engendrés par cette guerre», continue Mir.

Du côté de la place de Paris et de la résidence officielle à Jérusalem du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, des manifestations ont lieu chaque soir pour réclamer la libération des otages. Nilly, une activiste, raconte avec émotion l’histoire de ces Israéliens dont les visages sont affichés dans toutes les rues. «Hersch Goldberg-Polin était fan de l’équipe de football de Jérusalem. Il a été pris en otage alors qu’il participait au festival de musique Nova, le 7 octobre, et assassiné il y a deux semaines. Il avait 23 ans.» Dans ce quartier cossu de Jérusalem qui contraste avec la Vieille ville, la mort de six otages, annoncée par le Hamas début septembre, a fait monter les oppositions à la politique de Netanyahou, accusé de négligence voire de compromission dans l’attaque du 7 octobre. Cependant, ici comme ailleurs dans la Jérusalem juive, les discours qui mentionnent les milliers de morts palestiniens sont quasiment inaudibles. Seules quelques centaines d’activistes israéliens pro-Palestine, comme ceux de l’organisation Rabbis for Human Rights, s’évertuent à défendre les droits des Palestiniens à Jérusalem-Est et en Cisjordanie.


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Du côté de la place de Paris, des manifestations ont lieu chaque soir pour demander la libération des otages.

Les rues désertes du souk

Sur l’esplanade des Mosquées, au cœur de la Vieille ville et au sommet du mont du Temple, le calme apparent et le silence recueilli deviennent tendus au passage des groupes de militaires israéliens. La parole des musulmans venus prier à la mosquée Al-Aqsa, la plus grande de Jérusalem, est muselée. «La situation en Palestine est terrible, il y a des gens qui meurent tous les jours, mais on ne peut en pas parler ici. Un de nos collègues n’a pas pu venir travailler pendant six mois, car il a eu un mot de trop», glisse Youssef, employé sur l’esplanade. Dans les rues désertes du souk, les langues se délient. «Ils ne veulent simplement pas de nous ici!», déplore Ibrahim, qui habite dans le quartier depuis son enfance.

Deux jours plus tôt, une attaque au couteau, qui a grièvement blessé un militaire israélien à la porte de Damas – la plus grande des huit portes de la Vieille ville – a provoqué la mort de l’assaillant, tué par la police des frontières israéliennes, la perquisition de son domicile et l’arrestation de toute sa famille. «Ma fille a vu la scène, elle était terrifiée», décrit Abeer Zayyad, Palestinienne musulmane qui a grandi dans la Vieille ville. «Depuis le 7 octobre, la vie des Palestiniens à Jérusalem est devenue plus compliquée que jamais. La violence est partout. On peut nous arrêter à tout moment. Je me suis fait battre par un policier simplement parce que j’avais le symbole des réfugiés palestiniens sur mon porte-clés», raconte la mère de famille, qui dirige une association d’aide aux  femmes de sa communauté dans le village d’Abu Tor, à l’est de Jérusalem, où elle habite aujourd’hui. Nissan, Palestinien chrétien qui tient une boutique dans le souk, déplore les problèmes économiques engendrés par la guerre, et pleure pour ses amis qui ont perdu des proches à Gaza. Comme beaucoup de chrétiens, il vit du tourisme, qui peine à subsister. Mais, à deux pas du Saint-Sépulcre, il fonde son espérance sur Celui qui seul peut sauver : «Je crois que le Seigneur est présent et agit à sa manière. Ce qui n’est pas juste ne peut pas durer éternellement.» Une voie que les quelque 16000 chrétiens qui habitent Jérusalem – moins de 2 % de la population – essaient de suivre tant bien que mal, sur une ligne de crête.


« De tous côtés, on est torturés »

«En tant que chrétiens, cette guerre ne nous appartient pas vraiment. On essaie de consoler, mais on ne peut donner raison ni aux uns ni aux autres. De tous côtés, on est torturés», explique en effet Claire, Française mariée à un Palestinien de l’Église syriaque catholique. Ses enfants l’aident à ne pas désespérer. «Tous les soirs à la prière, on se demande ce que le Bon Dieu nous a donné dans la journée, et eux trouvent toujours quelque chose.» Sur la colline voisine du mont des Oliviers, la Maison d’Abraham, lieu d’accueil de pèlerins en précarité de toutes religions, tenu par le Secours catholique, fêtait cette année ses 60 ans, le jour de la fête de la Croix Glorieuse.

Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, venu pour l’occasion en soutien aux chrétiens de Terre sainte, exhortait alors les nombreuses personnes présentes à « chercher le chemin de la Croix », et à voir que «même dans l’incompréhension la plus terrible, il existe dans cette ville des maisons d’Abraham, c’est-à-dire des personnes prêtes à en accueillir d’autres». Un appel à l’espérance repris par Mgr William Shomali, vicaire patriarcal et évêque auxiliaire pour Jérusalem et la Palestine. «Depuis un an, la situation va de mal en pis, mais nous n’avons pas d’autre choix que d’espérer contre toute espérance. Le jour du Seigneur n’est pas le nôtre, mais il va venir.» Marie-Armelle Beaulieu, rédactrice en chef de Terre sainte Magazine, abonde en ce sens : «Tout le monde veut la paix, mais les Israéliens à condition qu’il n’y ait plus d’Arabes, et réciproquement. Le tsunami de la guerre n’a pas encore reflué, donc on est acculés à l’espérance, surtout à Jérusalem où le Tombeau vide dit que le monde est déjà sauvé.» Et la journaliste, qui vit à Jérusalem depuis plus de trente ans, de poursuivre : «Sur un kilomètre carré de cette ville se trouvent les premiers lieux saints du christianisme et du judaïsme, ainsi que le premier lieu saint bâti de l’islam, et on n’a pas encore compris qu’il faut qu’on arrive à se partager Dieu, c’est-à-dire, l’Amour à répandre!»


« Il faudra des années pour guérir des traumatismes » : à Jérusalem, un an après les attaques du 7 octobre Jerusalem_3
Un prêtre allume une bougie devant le tombeau du Christ au Saint-Sépulcre. À Jérusalem, les chrétiens sont pris en étau au milieu des tensions communautaires, mais cherchent à incarner une espérance.

Jérusalem a besoin des chrétiens

Au carmel du Pater, non loin du lieu où le Christ a prié et pleuré sur Jérusalem, Sœur Agathe rappelle combien le combat pour que cette ville devienne celle «où tout ensemble ne fait qu’un» (Ps 121), se joue dans le cœur de chaque homme, qui doit chercher l’unité en lui-même et avec les autres. À la sortie de la messe catholique melkite, dans une rue de la Vieille ville encore pleine des odeurs d’encens, Angela, Française mariée à un Arabe israélien remarque:  «Jérusalem n’appartient pas qu’à ceux qui y habitent, le monde entier y est relié émotionnellement et ce qui s’y passe a des répercussions partout.» Elle aime comparer la ville à de la mosaïque, comme celle qu’elle travaille dans son atelier en face de cette paroisse : «Les pièces sont toutes différentes, mais on peut faire quelque chose de beau en les mettant chacune à leur juste place.»

Dans ce lieu où le Christ est mort sur la Croix, les chrétiens ne sont pas épargnés par les difficultés et la montée des extrémismes. Yisca Harani et Hana Bendcowsky, juives qui travaillent, chacune de leur côté, à faire connaître la religion et la culture chrétiennes dans leurs communautés, le constatent : «La plupart des gens ici ne connaissent rien au christianisme. Le dialogue interreligieux est devenu défense des chrétiens contre les agressions et intimidations en tout genre.» Beaucoup sont tentés de partir ou de se replier sur eux-mêmes. Pourtant, «l’Église ne doit pas être une arche de Noé pour quelques rescapés dans ce monde et ce pays, mais un cœur qui bat pour tous», remarque le Père Benny, curé de la Qehila. Anomalie prophétique, cette paroisse catholique hébréophone rassemble des juifs convertis, des migrants catholiques et des orthodoxes russes ayant fui la guerre en Ukraine.

Le Père Jean-Paul Khouri, curé de la paroisse catholique melkite, rappelle également combien Jérusalem a besoin des chrétiens, habitants comme pèlerins. «Ils ont toujours été là et prient et travaillent à rendre cette ville meilleure.» Dans les écoles du Patriarcat et de la Custodie franciscaine, au sein des hôpitaux, ils créent des ponts entre les différentes communautés, rompent la polarisation de la société et contribuent ainsi à bâtir la paix future. À l’Institut Magnificat, dans le couvent franciscain de Saint-Sauveur, à côté de la porte Neuve, élèves et professeurs chrétiens, musulmans et juifs, apprennent la musique ensemble. Un signe qui donne le ton, pour qu’un jour, si Dieu le veut, le muézin d’Al-Aqsa, les cloches du Saint-Sépulcre et le shofar de Yom Kippour résonnent à l’unisson surles paroles du psaume: «Appelez la paix sur Jérusalem!»


(1) Chiffres rapportés par Statista.


Envoyée spéciale à Jérusalem Anne-Françoise de Taillandier
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