Toussaint : les saints, ces amis du Ciel qui guident notre route

par Lumen Ven 1 Nov 2024 - 20:00

Toussaint : les saints, ces amis du Ciel qui guident notre route

Passés avant nous sur les routes du monde, les saints marchent avec nous sur celles du Ciel. Un compagnonnage donné par la Providence, que nous pouvons recevoir comme tel.

Toussaint : les saints, ces amis du Ciel qui guident notre route Saints-choix

Une amitié peut exister dans la communion des saints Ici, Madeleine Riveron, illustratrice, avec
saint Édouard Le Confesseur. - C.CHIGOT-DIVERGENCE POUR FC

Bérénice, désemparée par une année d’études mal partie, tombe un jour sur le Journal de l’âme dans lequel Jean XXIII confie ses réflexions spirituelles quotidiennes, du séminaire au siège pontifical. Nous sommes le 11 octobre, jour de la fête du saint, comme un «clin Dieu». Elle en fera son « accompagnateur spirituel » du Ciel pour l’année, ouvrant régulièrement le Journal à la date du jour, pour y recevoir les conseils du bon pape. Madeleine, elle, a vu, enfant, une statue de saint Jean-Marie Vianney esquisser un sourire. Elle l’a reçu comme un appel à prier pour les prêtres et est restée proche du Curé d’Ars. « Je l’aime beaucoup, même quand il fait la tête ! », déclare la trentenaire devenue mère de famille, qui transmet l’amour pour leurs saints patrons à ses trois enfants. Léopold, enfin, du haut de ses 10 ans, a demandé une maison et un chat à sainte Thérèse de Lisieux. Sa prière exaucée a fait grandir encore l’amour que sa mère éprouvait déjà pour la Petite Thérèse. Une profusion de témoignages qui nourrit l’idée que les saints, qui accompagnent notre vie spirituelle, nous choisissent sur la Terre autant que nous les élisons dans le grand cortège céleste. Et qui exprime bien cette relation particulière que nous pouvons tisser avec tel saint plutôt qu’un autre, et la sollicitude de la Providence divine pour mettre sur notre route ces amis du Ciel.

« Le grand nuancier de la sainteté »

« Les saints ne se répartissent pas les hommes sur la Terre pour s’en occuper – ce serait une manière très humaine de hiérarchiser les choses. En revanche, qu’une amitié puisse exister dans la communion des saints semble tout à fait possible», remarque Clémence Pasquier, co-autrice de deux ouvrages sur les saints à destination des jeunes (1). Atteinte d’un cancer depuis huit ans, la trentenaire a noué, dès l’annonce de sa maladie, une relation singulière avec Claire de Castelbajac, dont le procès en béatification est en cours. « En dépit de mes déménagements successifs, j’avais gardé un vieux livre sur sa vie. Je suis retombée dessus et j’ai découvert son cheminement intérieur. Cette jeune fille, qui semble toujours rayonnante, a en fait vécu un vrai combat pour faire pleinement le choix de la joie dans les difficultés, sans chercher à tout comprendre. Je me suis rendu compte qu’elle partageait les mêmes questionnements que moi. Aujourd’hui, je dirais que Claire est une de mes bonnes amies du Ciel », poursuit Clémence. Elle lui écrit de temps à autre des lettres, comme dans un carnet spirituel, et aime la faire connaître : « J’apprécie que mes amis adoptent une autre de mes amies », sourit-elle. Une relation d’amitié, qu’elle soit de la Terre ou du Ciel, suppose alors une implication et une élection réciproque. « Nous nous sentons rejoints par tel saint, car nous portons en nous la couleur qu’il exprime dans le grand nuancier de la sainteté », aime à dire le Frère Sylvain Detoc, enseignant en théologie et auteur de plusieurs ouvrages (2).

Il invite à l’émerveillement devant la diversité des saints qui rejoignent chacun par leurs questionnements, caractères ou histoires singulières. « Dans la polyphonie de la sainteté, il y a des notes qu’on préfère à d’autres en fonction de notre sensibilité, et c’est bien ainsi. Les saints sont incarnés, ils ont vécu sur Terre et nous rendent attentifs à la réalité sensible de nos vies. Nous nous construisons alors notre garde rapprochée de saints, en garnissant nos coins prière de figures qui nous parlent, mais nous pouvons aussi être attentifs à ces amis célestes que la bonté divine met sur notre route à la faveur d’une lecture, d’une rencontre ou d’une concordance de calendrier, pour nous aider dans ce que nous vivons ici et maintenant. » Le dominicain raconte comment la prise de conscience de la concordance entre la date de son anniversaire et celle de la mort de saint Dominique l’a aidé dans le discernement de sa vocation au sein de l’ordre des Prêcheurs. « J’y ai vu l’évidence que saint Dominique me faisait signe, et me suis tout de suite senti en famille chez les Dominicains, un sentiment qui ne m’a pas quitté depuis dix-sept ans. » Cependant, si les saints peuvent être amis des hommes, ils le sont d’abord du Christ vers lequel ils les tournent.

« J'avais beaucoup à apprendre de cette illettrée »

« Ainsi l’amitié avec un saint, en nous rapprochant du Christ, nous ouvre à la singularité de notre personne », poursuit le Frère Sylvain. Être pris d’affection pour un saint ne signifie pas l’imiter en toutes choses, mais apprendre de lui à aimer Jésus. Lorsque le poète Jean-Pierre Lemaire a découvert la figure de sainte Bernadette, il a été touché par son effacement devant la Vierge. Une rencontre qu’il raconte dans un livre récemment réédité (3). « J’allais à Lourdes depuis longtemps sans la connaître, mais elle m’a bouleversé quand je l’ai découverte en entrant dans une salle de cinéma, un jour de pluie. C’était comme si la Sainte Vierge me disait que j’avais beaucoup à apprendre de cette illettrée, se souvient l’ancien professeur en classes préparatoires littéraires. Elle me frappe surtout par sa justesse, dans les mots qu’elle emploie pour répondre à ceux qui l’interrogent, et pour accomplir sa mission avec discrétion sans jamais outrepasser ce que la Sainte Vierge lui demande.» Une amitié bien trouvée pour un poète attaché à saisir le mot juste. Quinze ans plus tard, la voyante de Lourdes occupe une place de choix dans les rayonnages de sa bibliothèque comme dans le cœur du poète. Il la surnomme affectueusement «Berni», garde sa photo dans son portefeuille, et pense à elle chaque fois qu’il voit passer un train pour Nevers. Un choix réciproque donc, et une amitié au long cours.

(1) Jeunes et saints ! etRebelles et saints !, par Clémence Pasquier et Charlotte Bricout, illus. Thomas Gaudin, CRER-Bayard, 80 p. et 12,50 € chacun.
(2) La Gloire des bons à rienetDéjà brillent les lumières de la fête, par Sylvain Detoc, Le Cerf, 160 p. et 176 p., 16 € chacun.
(3) Bernadette Soubirous. La plus secrète des saintes par Jean-Pierre Lemaire, Salvator, 92 p., 14,90 €.

Un choix réciproque : « Ce n’est pas vous qui choisissez le saint, c’est lui qui vous choisit », peut-on lire sur la page « Piochez un sain t! » (1), de la Fraternité Notre Dame Mère de la Lumière, qui encourage à adopter le compagnonnage d’un saint pour une année. Le tirage au sort laisse croire en un hasard providentiel quant au saint pioché, mais la démarche implique en retour de chercher à mieux connaître le saint et de le prier.

(1) ndml.fr/un-saint-pour-la-toussaint

Anne-Françoise de Taillandier

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