Franc-maçonnerie et Révolution
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Franc-maçonnerie et Révolution
Franc-maçonnerie et Révolution
Paul Hazard écrivait dans la pensée européenne au XVIIIe. De Montesquieu à Lessing « le XVIIIe ne s’est pas contenté d’une réforme, ce qu’il a voulu abattre c’est la Croix, ce qu’il a voulu effacer c’est l’idée d’une communication de Dieu à l’homme, d’une révélation ; ce qu’il a voulu détruire, c’est une conception religieuse de la vie. »
Pour que la violence contre l’Eglise puisse se déchaîner avec férocité sous la Révolution, il fallut que le terrain fût déjà préparé. Au-delà de l’idée d’un complot savamment orchestré par quelques têtes pensantes, il est un fait incontestable : le mouvement culturel d’ensemble de la fin de la société d’ancien régime conduisait de façon inexorable à une offensive totale contre l’Eglise. D’une part les idées nouvelles purent bénéficier des dissensions du monde catholique, notamment la fracture ouverte que provoqua, à la faveur de l’accentuation de l’absolutisme, la montée en puissance du gallicanisme qui fit écran entre Rome et les fidèles, affaiblissant considérablement les jésuites qui étaient en première ligne sur le front de la lutte contre les Lumières, formés à contenir l’assaut ; d’autre part elles se dotèrent d’une charpente organisationnelle soutenue par la puissante dynastie des Hanovre, ennemie de l’Eglise et des Bourbons : la franc-maçonnerie(1).
Et si de nos jours, celle-ci joue encore un rôle trop décisif pour que la science politique officielle s’y attarde, elle est pourtant un des moteurs de l’histoire qui a notablement contribué à faire basculer le XVIIIe siècle. Comme le dit Aymeric Chauprade «l’idée de la maçonnerie est de régénérer l’aristocratie ( ce qui explique son succès auprès de l’aristocratie européenne) en perte de vitesse partout en Europe face à la montée de la bourgeoisie, et de recréer une aristocratie nouvelle faite de savants et de nobles. Il s’agit de créer une aristocratie internationale au-dessus des Etats et des nations. Elle intègre des éléments de la vieille aristocratie européenne. L’aristocratie est d’autant plus en perte de vitesse qu’il y a eu l’absolutisme monarchique. En créant cette aristocratie nouvelle la franc-maçonnerie propose à la noblesse d’en devenir le noyau. C’est le marché tacitement offert et accepté qui va unir étroitement une partie de la noblesse à la maçonnerie. On est loin de l’historiographie officielle des manuels scolaires, la maturation révolutionnaire ne se fait pas hors des sphères de pouvoir mais dans les sphères du pouvoir. (2)»
A la suite de la condamnation de la franc-maçonnerie par les papes Clément XII et Benoît XIV, les Etats réagirent différemment. Les pays protestants allaient choisir l’alliance avec la franc-maçonnerie, les pays latins s’alignaient sur la position des papes. La France, elle, optait pour une voie médiane : ni rejet, ni adhésion. La franc-maçonnerie pouvait alors y continuer sa pénétration dans la noblesse et le haut clergé, alors que le bas clergé la rejetait. Pierre Gaxotte et Auguste Cochin refusent de faire jouer à la franc-maçonnerie le rôle de cause unique de la Révolution comme le faisait un Barruel. Mais la description que fait Cochin du mode de fonctionnement des sociétés secrètes montre que la dynamique qu’il dégage est celle de « cercles intérieurs » pilotant le mouvement révolutionnaire. Au départ, écrit Cochin, la société littéraire est bien inoffensive, mais une fois fonctionnant sur le mode des cercles intérieurs il y a « formation de ce que nos maçons appellent un ordre intérieur, les politiciens anglais des cercles intérieurs, c'est-à-dire d’une petite société agissant au sein de la grande ,et en dirigeant les votes à son insu par les mille moyens « à côté » dont dispose la bande contre les foules : ordres du jour préparés, motions concertées, claques montées d’avance, épuration insensible, votes surpris. (3)»
Pierre Gaxotte(4)invoque d’autres causes, imputant la Révolution, pour partie à des erreurs de Louis XVI ( celle de convoquer les parlements notamment), et à l’influence des clubs. Mais la plupart des présidents des clubs étaient maçons. Pierre Chevalier a aussi mis en avant le rôle des clubs qui ont pour fonction « une extériorisation dont les francs-maçons éprouvent le besoin »(5)
A l’évidence, la franc-maçonnerie a donc joué le rôle d’égout collecteur de toutes les idéologies et de toutes les ambitions hostiles à l’Eglise. Par sa stratégie occulte, permettant, comme les papes l’ont dénoncé, d’obtenir l’obéissance aveugle d’une partie de ses membres, elle a gagné un grand nombre de nobles, de grands bourgeois, de membres du haut-clergé à ses vues. Le projet de régénération de la noblesse dont elle est porteuse fut accueilli avec beaucoup d’espoir dans une France cet ordre étouffait à l’ombre de l’absolutisme. Elle servit de pôle d’animation idéologique et de centre de coordination entre les clubs, en vue, le moment venu, de procéder à la refonte de l’univers social et politique sur des bases métaphysiques totalement opposées à celle du christianisme. La Révolution fut le moment de ce basculement. Lorsque les idées nouvelles eurent suffisamment fermenté dans les esprits, l’assaut put être donné. Il ne se trompa pas de cible prioritaire. C’est sur l’Eglise que les persécutions se concentrèrent, l’Eglise garante de l’ancien ordre métaphysique, l’Eglise au fondement de la nation française et gardienne de son unité. Le déchaînement de violence contre elle trouva son aboutissement dans la Constitution Civile du Clergé. Celle-ci exprime la désarticulation que les révolutionnaires voulurent établir entre la nation française et l’Eglise, la destruction de leur lien organique. L’asservissement de l’Eglise à l’Etat et la décapitation de Louis XVI cristallisent cette déchirure recherchée.
Le XVIIIe ajoute donc une offensive idéologique résolument antichrétienne à une hostilité politique à l’Eglise, le gallicanisme.
[1] Le XVIIIe ajoute donc une offensive idéologique résolument antichrétienne à une hostilité politique à l’Eglise, le gallicanisme.
[2] Conférence d’Aymeric Chauprade du 11 juillet à l'abbaye de Pontlevoy
[3] La révolution et libre pensée
[4] Dans La Révolution française
[5] L’histoire de la franc-maçonnerie française
Julien Gunzinger
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Paul Hazard écrivait dans la pensée européenne au XVIIIe. De Montesquieu à Lessing « le XVIIIe ne s’est pas contenté d’une réforme, ce qu’il a voulu abattre c’est la Croix, ce qu’il a voulu effacer c’est l’idée d’une communication de Dieu à l’homme, d’une révélation ; ce qu’il a voulu détruire, c’est une conception religieuse de la vie. »
Pour que la violence contre l’Eglise puisse se déchaîner avec férocité sous la Révolution, il fallut que le terrain fût déjà préparé. Au-delà de l’idée d’un complot savamment orchestré par quelques têtes pensantes, il est un fait incontestable : le mouvement culturel d’ensemble de la fin de la société d’ancien régime conduisait de façon inexorable à une offensive totale contre l’Eglise. D’une part les idées nouvelles purent bénéficier des dissensions du monde catholique, notamment la fracture ouverte que provoqua, à la faveur de l’accentuation de l’absolutisme, la montée en puissance du gallicanisme qui fit écran entre Rome et les fidèles, affaiblissant considérablement les jésuites qui étaient en première ligne sur le front de la lutte contre les Lumières, formés à contenir l’assaut ; d’autre part elles se dotèrent d’une charpente organisationnelle soutenue par la puissante dynastie des Hanovre, ennemie de l’Eglise et des Bourbons : la franc-maçonnerie(1).
Et si de nos jours, celle-ci joue encore un rôle trop décisif pour que la science politique officielle s’y attarde, elle est pourtant un des moteurs de l’histoire qui a notablement contribué à faire basculer le XVIIIe siècle. Comme le dit Aymeric Chauprade «l’idée de la maçonnerie est de régénérer l’aristocratie ( ce qui explique son succès auprès de l’aristocratie européenne) en perte de vitesse partout en Europe face à la montée de la bourgeoisie, et de recréer une aristocratie nouvelle faite de savants et de nobles. Il s’agit de créer une aristocratie internationale au-dessus des Etats et des nations. Elle intègre des éléments de la vieille aristocratie européenne. L’aristocratie est d’autant plus en perte de vitesse qu’il y a eu l’absolutisme monarchique. En créant cette aristocratie nouvelle la franc-maçonnerie propose à la noblesse d’en devenir le noyau. C’est le marché tacitement offert et accepté qui va unir étroitement une partie de la noblesse à la maçonnerie. On est loin de l’historiographie officielle des manuels scolaires, la maturation révolutionnaire ne se fait pas hors des sphères de pouvoir mais dans les sphères du pouvoir. (2)»
A la suite de la condamnation de la franc-maçonnerie par les papes Clément XII et Benoît XIV, les Etats réagirent différemment. Les pays protestants allaient choisir l’alliance avec la franc-maçonnerie, les pays latins s’alignaient sur la position des papes. La France, elle, optait pour une voie médiane : ni rejet, ni adhésion. La franc-maçonnerie pouvait alors y continuer sa pénétration dans la noblesse et le haut clergé, alors que le bas clergé la rejetait. Pierre Gaxotte et Auguste Cochin refusent de faire jouer à la franc-maçonnerie le rôle de cause unique de la Révolution comme le faisait un Barruel. Mais la description que fait Cochin du mode de fonctionnement des sociétés secrètes montre que la dynamique qu’il dégage est celle de « cercles intérieurs » pilotant le mouvement révolutionnaire. Au départ, écrit Cochin, la société littéraire est bien inoffensive, mais une fois fonctionnant sur le mode des cercles intérieurs il y a « formation de ce que nos maçons appellent un ordre intérieur, les politiciens anglais des cercles intérieurs, c'est-à-dire d’une petite société agissant au sein de la grande ,et en dirigeant les votes à son insu par les mille moyens « à côté » dont dispose la bande contre les foules : ordres du jour préparés, motions concertées, claques montées d’avance, épuration insensible, votes surpris. (3)»
Pierre Gaxotte(4)invoque d’autres causes, imputant la Révolution, pour partie à des erreurs de Louis XVI ( celle de convoquer les parlements notamment), et à l’influence des clubs. Mais la plupart des présidents des clubs étaient maçons. Pierre Chevalier a aussi mis en avant le rôle des clubs qui ont pour fonction « une extériorisation dont les francs-maçons éprouvent le besoin »(5)
A l’évidence, la franc-maçonnerie a donc joué le rôle d’égout collecteur de toutes les idéologies et de toutes les ambitions hostiles à l’Eglise. Par sa stratégie occulte, permettant, comme les papes l’ont dénoncé, d’obtenir l’obéissance aveugle d’une partie de ses membres, elle a gagné un grand nombre de nobles, de grands bourgeois, de membres du haut-clergé à ses vues. Le projet de régénération de la noblesse dont elle est porteuse fut accueilli avec beaucoup d’espoir dans une France cet ordre étouffait à l’ombre de l’absolutisme. Elle servit de pôle d’animation idéologique et de centre de coordination entre les clubs, en vue, le moment venu, de procéder à la refonte de l’univers social et politique sur des bases métaphysiques totalement opposées à celle du christianisme. La Révolution fut le moment de ce basculement. Lorsque les idées nouvelles eurent suffisamment fermenté dans les esprits, l’assaut put être donné. Il ne se trompa pas de cible prioritaire. C’est sur l’Eglise que les persécutions se concentrèrent, l’Eglise garante de l’ancien ordre métaphysique, l’Eglise au fondement de la nation française et gardienne de son unité. Le déchaînement de violence contre elle trouva son aboutissement dans la Constitution Civile du Clergé. Celle-ci exprime la désarticulation que les révolutionnaires voulurent établir entre la nation française et l’Eglise, la destruction de leur lien organique. L’asservissement de l’Eglise à l’Etat et la décapitation de Louis XVI cristallisent cette déchirure recherchée.
Le XVIIIe ajoute donc une offensive idéologique résolument antichrétienne à une hostilité politique à l’Eglise, le gallicanisme.
[1] Le XVIIIe ajoute donc une offensive idéologique résolument antichrétienne à une hostilité politique à l’Eglise, le gallicanisme.
[2] Conférence d’Aymeric Chauprade du 11 juillet à l'abbaye de Pontlevoy
[3] La révolution et libre pensée
[4] Dans La Révolution française
[5] L’histoire de la franc-maçonnerie française
Julien Gunzinger
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MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
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