Quelques observations de Joseph de Maistre
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Quelques observations de Joseph de Maistre
Quelques observations de Joseph de Maistre
(Sur la nature de l`homme)
Parceque l`homme agit, il croit agir seul, et parceque il a conscience de sa liberté, il oubli sa dépendance. Dans l`ordre physique, il entend raison; et quoiqu`il puisse, par exemple, planter un gland, l`arroser, ect, cependant il est capable de convenir qu`il ne fait pas des chênes, parceque il voit l`arbre croitre, et se perfectionner sans que le pouvoir humain s`en mêle, et que d`ailleurs, il n`a pas fait le gland; mais dans l`ordre social ou il est présent et agent, il se met a croire qu`il est réellement l`auteur direct de tout ce qui se fait par lui : c`est dans un sens la truelle qui se croit architecte.
(Sur les différences des siècles et des générations humaines)
On entend assez dire communément que tous les siècles se ressemblent et que tous les hommes ont toujours été les mêmes; mais il faut se garder de croire a ces maximes générales que la paresse ou la légèreté inventent pour se dispenser de réfléchir. Tous le siècles, au contraire, toute les nations manifestent un caractère particulier et distinctif qu`il faut considérer sérieusement. Sans doute il y a toujours eu des vices dans le monde, mais ces vices peuvent différer en quantité, en nature, en qualité dominante et en intensité.
Or, quoique il y eu toujours des impies, jamais il n`y avait eu avant le 18 eme siècle, une insurrection contre Dieu; jamais on avait vu une conjuration sacrilège de tous les talents contre leur auteur; or, c`est ce que nous voyons de nos jours. Le vaudeville a blasphémé comme la tragédie; et le roman comme l`histoire et la physique. Les hommes de ce siècle ont prostitué le génie a l`irréligion et, suivant l`expression admirable de saint Louis mourant, Ils ont guerroyé Dieu de Ses dons.
Lorsque la Bonne Nouvelle fut publiée dans l`univers, l`attaque devint plus violente : cependant ses ennemis gardèrent une certaine mesure. Ce ne fut donc que dans la première moitié du 18 eme siècle que l`impiété devint réellement une puissance.
Ce n`est plus le ton froid de l`ìndifférence, ou tout au plus l`ironie maligne du scepticisme; c`est une haine mortelle; c`est le ton de la colere et souvent de la rage. Les écrivains de cette époque, du moins les plus marquants, ne traitent plus le christianisme comme une erreur humaine sans conséquence, il le poursuivent comme un ennemi capital; ils le combattent a outrance; c`est une guerre a mort et ce qui est incroyable, c`est que ces hommes qui s`appelaient philosophes s`éleverent de la haine du christianisme jusqu`a la haine personnelle contre son divin Auteur. Ils le haissent réellement comme on peut hair un ennemi vivant.
Cependant, l`Europe entiere a été civilisée par le christianisme, et les ministres de cette religion ayant obtenu de tout les pays une grande existence politique, les institutions politiques et religieuses s`étaient mélées et comme amalgamées d`une maniere suprenante au point de dire comme Gibbon a dit de la France - que ce Royaume avait été fait par des éveques.
( Sur la durée des institutions)
Il y a deux règles infaillibles pour juger des constructions humaines, de quelques genres qu`elles soient, la base et le nom. Si la base est purement humaine, l`édifice ne peut tenir; et plus il y a aura d`homme qui s`en seront mêlés , plus ils y auront mis de délibération, de science et d`écriture surtout, enfin de moyens humains de tous les genres et plus l`institution sera fragile. C`est principalement par cette règle que il faut juger tout ce qui a été entrepris par des souverains ou des assemblées d`hommes, pour la civilisation, l`institution ou la régénération des peuples. Plus l`institution est divine dans ses bases et plus elle est durable. Le principe religieux étant par essence créateur et conservateur.
Aucune institution humaine ne peut durer si elle n`est supportée par la main qui supporte tout; c`est a dire si elle ne lui est spécialement consacrée dans son origine. Plus elle sera pénétrée par le principe divin et plus elle sera durable.. Étrange aveuglement des hommes de notre siècle. Ils se vantent de leur lumières et ils ignorent tout puisque ils s`ignorent eux-mêmes. Ils ne savent ni ce qu`ils sont, ni ce qu`ils peuvent. Un orgueil indomptable les portent a renverser tout ce qu`ils n`ont pas fait; et pour opérer de nouvelles créations ils se séparent du principe de toute existence.
( ex : L`URSS – royaume sans Dieu – 70 ans de malheurs et il s`écroule)
(Une leçon pour notre époque…)
L`homme en rapport avec son Créateur est sublime et son action est créatrice : au contraire, des que il se sépare de Dieu et qu`il agit seul, il ne cesse pas d`être puissant, car c`est un privilège de sa nature; mais son action est négative et n`aboutit qu`a détruire.
(Sur la Création)
Non-seulement la création n`appartient point a l`homme, mais il ne parait pas que notre puissance non-assistée, s`étende jusqu`a changer en mieux les institutions déjà établies. Si il y a quelque chose d`évident pour l`homme, c`est l`existence de deux forces opposées qui se combattent sans relâche dans l`univers. Il n`y a rien de bon que la mal ne souille et n`altère; il n`y a rien de mal que le bon comprime et n`attaque, en poussant sans cesse ce qui existe vers un état plus parfait.
(Religion et science – science sans morale chrétienne)
Si l`éducation n`est pas rendue au prêtres; et si la science n`est pas partout mise a la seconde place, les maux qui nous attendent sont incalculables : nous serons abrutis par la science, et c`est le dernier degré de l`abrutissement. ( exemple : le nazisme et le communisme – la science sans Dieu ni morale en Occident la dérive actuelle.)
(Religion et éducation des peuples)
Une éducation purement scientifique est une erreur et une manière terrible de se tromper car tout système d`éducation qui ne se repose pas sur la religion, tombera en un clin d`œil ou ne versera que des poisons dans l`État. La religion étant comme le dit Bacon, l`aromate qui empêche la science de se corrompre. Pourquoi une école de théologie dans une Université – c`est afin que l`enseignement ne se corrompe pas. Primitivement n`existaient que les écoles de théologie et les autres facultés vinrent se réunir autour comme des sujettes autour d`une reine.
( Sans religion l`éducation verse des poisons dans l`État – la preuve – le marxisme, la rectitude politique, le déconstructivisme, ect, ect - notre époque en est le témoin.)
(Sur la civilisation)
Jamais les nations n`ont été civilisées que par la religion. (exemple – les échecs du nation building par les Nations-Unies)
Source: Essai sur le principe générateur des constitutions politiques - Joseph de Maistre - 1808
(Sur la nature de l`homme)
Parceque l`homme agit, il croit agir seul, et parceque il a conscience de sa liberté, il oubli sa dépendance. Dans l`ordre physique, il entend raison; et quoiqu`il puisse, par exemple, planter un gland, l`arroser, ect, cependant il est capable de convenir qu`il ne fait pas des chênes, parceque il voit l`arbre croitre, et se perfectionner sans que le pouvoir humain s`en mêle, et que d`ailleurs, il n`a pas fait le gland; mais dans l`ordre social ou il est présent et agent, il se met a croire qu`il est réellement l`auteur direct de tout ce qui se fait par lui : c`est dans un sens la truelle qui se croit architecte.
(Sur les différences des siècles et des générations humaines)
On entend assez dire communément que tous les siècles se ressemblent et que tous les hommes ont toujours été les mêmes; mais il faut se garder de croire a ces maximes générales que la paresse ou la légèreté inventent pour se dispenser de réfléchir. Tous le siècles, au contraire, toute les nations manifestent un caractère particulier et distinctif qu`il faut considérer sérieusement. Sans doute il y a toujours eu des vices dans le monde, mais ces vices peuvent différer en quantité, en nature, en qualité dominante et en intensité.
Or, quoique il y eu toujours des impies, jamais il n`y avait eu avant le 18 eme siècle, une insurrection contre Dieu; jamais on avait vu une conjuration sacrilège de tous les talents contre leur auteur; or, c`est ce que nous voyons de nos jours. Le vaudeville a blasphémé comme la tragédie; et le roman comme l`histoire et la physique. Les hommes de ce siècle ont prostitué le génie a l`irréligion et, suivant l`expression admirable de saint Louis mourant, Ils ont guerroyé Dieu de Ses dons.
Lorsque la Bonne Nouvelle fut publiée dans l`univers, l`attaque devint plus violente : cependant ses ennemis gardèrent une certaine mesure. Ce ne fut donc que dans la première moitié du 18 eme siècle que l`impiété devint réellement une puissance.
Ce n`est plus le ton froid de l`ìndifférence, ou tout au plus l`ironie maligne du scepticisme; c`est une haine mortelle; c`est le ton de la colere et souvent de la rage. Les écrivains de cette époque, du moins les plus marquants, ne traitent plus le christianisme comme une erreur humaine sans conséquence, il le poursuivent comme un ennemi capital; ils le combattent a outrance; c`est une guerre a mort et ce qui est incroyable, c`est que ces hommes qui s`appelaient philosophes s`éleverent de la haine du christianisme jusqu`a la haine personnelle contre son divin Auteur. Ils le haissent réellement comme on peut hair un ennemi vivant.
Cependant, l`Europe entiere a été civilisée par le christianisme, et les ministres de cette religion ayant obtenu de tout les pays une grande existence politique, les institutions politiques et religieuses s`étaient mélées et comme amalgamées d`une maniere suprenante au point de dire comme Gibbon a dit de la France - que ce Royaume avait été fait par des éveques.
( Sur la durée des institutions)
Il y a deux règles infaillibles pour juger des constructions humaines, de quelques genres qu`elles soient, la base et le nom. Si la base est purement humaine, l`édifice ne peut tenir; et plus il y a aura d`homme qui s`en seront mêlés , plus ils y auront mis de délibération, de science et d`écriture surtout, enfin de moyens humains de tous les genres et plus l`institution sera fragile. C`est principalement par cette règle que il faut juger tout ce qui a été entrepris par des souverains ou des assemblées d`hommes, pour la civilisation, l`institution ou la régénération des peuples. Plus l`institution est divine dans ses bases et plus elle est durable. Le principe religieux étant par essence créateur et conservateur.
Aucune institution humaine ne peut durer si elle n`est supportée par la main qui supporte tout; c`est a dire si elle ne lui est spécialement consacrée dans son origine. Plus elle sera pénétrée par le principe divin et plus elle sera durable.. Étrange aveuglement des hommes de notre siècle. Ils se vantent de leur lumières et ils ignorent tout puisque ils s`ignorent eux-mêmes. Ils ne savent ni ce qu`ils sont, ni ce qu`ils peuvent. Un orgueil indomptable les portent a renverser tout ce qu`ils n`ont pas fait; et pour opérer de nouvelles créations ils se séparent du principe de toute existence.
( ex : L`URSS – royaume sans Dieu – 70 ans de malheurs et il s`écroule)
(Une leçon pour notre époque…)
L`homme en rapport avec son Créateur est sublime et son action est créatrice : au contraire, des que il se sépare de Dieu et qu`il agit seul, il ne cesse pas d`être puissant, car c`est un privilège de sa nature; mais son action est négative et n`aboutit qu`a détruire.
(Sur la Création)
Non-seulement la création n`appartient point a l`homme, mais il ne parait pas que notre puissance non-assistée, s`étende jusqu`a changer en mieux les institutions déjà établies. Si il y a quelque chose d`évident pour l`homme, c`est l`existence de deux forces opposées qui se combattent sans relâche dans l`univers. Il n`y a rien de bon que la mal ne souille et n`altère; il n`y a rien de mal que le bon comprime et n`attaque, en poussant sans cesse ce qui existe vers un état plus parfait.
(Religion et science – science sans morale chrétienne)
Si l`éducation n`est pas rendue au prêtres; et si la science n`est pas partout mise a la seconde place, les maux qui nous attendent sont incalculables : nous serons abrutis par la science, et c`est le dernier degré de l`abrutissement. ( exemple : le nazisme et le communisme – la science sans Dieu ni morale en Occident la dérive actuelle.)
(Religion et éducation des peuples)
Une éducation purement scientifique est une erreur et une manière terrible de se tromper car tout système d`éducation qui ne se repose pas sur la religion, tombera en un clin d`œil ou ne versera que des poisons dans l`État. La religion étant comme le dit Bacon, l`aromate qui empêche la science de se corrompre. Pourquoi une école de théologie dans une Université – c`est afin que l`enseignement ne se corrompe pas. Primitivement n`existaient que les écoles de théologie et les autres facultés vinrent se réunir autour comme des sujettes autour d`une reine.
( Sans religion l`éducation verse des poisons dans l`État – la preuve – le marxisme, la rectitude politique, le déconstructivisme, ect, ect - notre époque en est le témoin.)
(Sur la civilisation)
Jamais les nations n`ont été civilisées que par la religion. (exemple – les échecs du nation building par les Nations-Unies)
Source: Essai sur le principe générateur des constitutions politiques - Joseph de Maistre - 1808
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: Quelques observations de Joseph de Maistre
Préface du livre - Soirées de St-Pétersbourg - De Maistre
La vérité et l'erreur se partagent cette terre où l'homme ne fait que passer; où le crime, les souffrances et la mort lui sont des signes certains qu'il est une créature déchue; où la conscience, le repentir et mille autres secours lui ont été donnés par la bonté du Créateur pour le relever de sa chute; où il ne cesse de marcher vers le terme qui doit décider de sa destinée éternelle, toujours soumis à la volonté de Dieu, qui le conduit selon la profondeur de ses desseins; toujours libre, par sa volonté propre, de mériter la récompense ou le châtiment. Deux voies lui sont donc ouvertes, l'une pour la perte, l'autre pour le salut; voies invisibles et mystérieuses dans lesquelles se précipitent les enfants d'Adam, en apparence confondus ensemble, divisés cependant en deux sociétés qui s'éloignent de plus en plus l'une de l'autre, jusqu'au moment qui doit les séparer à jamais. C'est ainsi que saint Augustin nous montre admirablement les deux Cités que le genre humain doit former à la fin des temps, prenant naissance dès le commencement des temps: la Cité du monde et la Cité de Dieu.
Dieu et la Vérité sont une même chose; d'où il faut conclure que toute vérité que l'intelligence humaine est capable de recevoir lui vient de Dieu; que sans lui elle ne connaîtrait aucune vérité, et qu'il a accordé aux hommes, suivant les temps et les circonstances, toutes les vérités qui leur étaient nécessaires. De cette impuissance de l'homme et de cette bonté de
Dieu découle encore la nécessité d'une tradition universelle dont on retrouve en effet les vestiges plus ou moins effacés chez tous les peuples du monde, selon que l'orgueil de leur esprit et la corruption de leur coeur les ont plus ou moins écartés de la source de toute lumière: car l'erreur vient de l'homme comme la vérité vient de Dieu; et s'il ne crie vers Dieu, l'homme demeure à jamais assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort (1). --
(1) Sedentes in tenebris et umbra mortis. Ps. CVI. 10.
L'erreur a mille formes et deux principaux caractères: la superstition et l'incrédulité. Ou l'homme altère en lui l'image de Dieu pour l'accommoder à ses passions, ou, par une passion plus détestable encore, il pousse la fureur jusqu'à l'en effacer entièrement. Le premier de ces deux crimes fut, dans les anciens temps, celui de tous les peuples du monde, un seul excepté; ils eurent toujours pour le second une invincible horreur, et les malheureux qui s'en rendaient coupables furent longtemps eux-mêmes une exception au milieu de toutes les sociétés. C'est que cette dernière impiété attaquait à la fois Dieu et l'existence même des sociétés; le bon sens des peuples l'avait pressenti; et, en effet, lorsque la secte infâme d'Épicure eut étendu ses ravages au milieu de l'empire romain, on put croire un moment que tout allait rentrer dans le chaos. Tout était perdu sans doute, si la Vérité elle-même n'eût choisi ce moment pour descendre sur la terre et pour y converser avec les hommes (1). Les anciennes traditions se ranimèrent aussitôt, purifiées et sanctifiées par des vérités nouvelles; la société, qui déjà n'était plus qu'un cadavre prêt à se dissoudre, reprit le mouvement et la vie, et ce principe de vie, que lui avaient rendu les traditions religieuses, ne put être éteint ni par les révolutions des empires, ni par une longue suite de ces siècles illettrés qu'il est convenu d'appeler barbares. Les symptômes de mort ne reparurent qu'au quinzième siècle, qui est appelé le siècle de la renaissance: c'est alors que la raison humaine, reprenant son antique orgueil qu'on avait cru pour jamais terrassé par la foi, osa de nouveau scruter et attaquer les traditions. Les superstitions du Paganisme n'étant plus possibles, ce fut l'incrédulité seule qui tenta ce funeste combat: elle démolit peu à peu l'antique et merveilleux édifice élevé par la Vérité même, et ne cessant de nier, les unes après les autres, toutes les croyances religieuses, c'est-à-dire tous les rapports de l'homme avec Dieu, elle continua de marcher ainsi, au milieu d'une corruption toujours croissante de la société, jusqu'à la révolution française, où Dieu lui-même fut nié par la société, ce qui ne s'était jamais vu; où le monde a éprouvé des maux plus grands, a été menacé d'une catastrophe plus terrible même que dans les derniers temps de l'empire romain, parce que la Vérité éternelle, ayant opéré pour lui le dernier miracle de la grâce, ne lui doit plus maintenant que la justice, et ne reparaîtra plus au milieu des hommes que pour le jugement.
--
(1) Et cum hominibus conversatus est. (Baruch, III, 38.)
Et véritablement c'en était fait du monde si, selon la promesse, cette grâce qui éclaire et vivifie n'eût trouvé un refuge dans un petit nombre de coeurs humbles, fidèles et généreux. Ils combattirent donc pour la vérité; ils furent ses martyrs; ils sont encore ses apôtres. Autour de la lumière qui leur a été donnée d'en haut, ils ont su réunir, ils rassemblent encore tous les jours, ceux qui savent ouvrir les yeux pour voir, les oreilles pour entendre. L'erreur étant arrivée à son dernier excès et s'étant montrée dans sa dernière expression, la vérité a fait entendre par leur bouche ses arrêts les plus formidables, a dévoilé à la fois tous ses principes à jamais immuables et leurs conséquences non moins absolues: toutes les nuances ont disparu, tous les ménagements de timidité ou de prudence ont cessé; d'une main ferme, ces courageux athlètes ont tracé la digue de séparation; et, ce qui est encore nouveau sous le soleil, les deux Cités, celle du monde et celle de Dieu, se sont séparées pour n'être plus désormais confondues jusqu'à la fin; et, dès cette vie, elles sont devenues manifestes à tous les yeux.
La vérité et l'erreur se partagent cette terre où l'homme ne fait que passer; où le crime, les souffrances et la mort lui sont des signes certains qu'il est une créature déchue; où la conscience, le repentir et mille autres secours lui ont été donnés par la bonté du Créateur pour le relever de sa chute; où il ne cesse de marcher vers le terme qui doit décider de sa destinée éternelle, toujours soumis à la volonté de Dieu, qui le conduit selon la profondeur de ses desseins; toujours libre, par sa volonté propre, de mériter la récompense ou le châtiment. Deux voies lui sont donc ouvertes, l'une pour la perte, l'autre pour le salut; voies invisibles et mystérieuses dans lesquelles se précipitent les enfants d'Adam, en apparence confondus ensemble, divisés cependant en deux sociétés qui s'éloignent de plus en plus l'une de l'autre, jusqu'au moment qui doit les séparer à jamais. C'est ainsi que saint Augustin nous montre admirablement les deux Cités que le genre humain doit former à la fin des temps, prenant naissance dès le commencement des temps: la Cité du monde et la Cité de Dieu.
Dieu et la Vérité sont une même chose; d'où il faut conclure que toute vérité que l'intelligence humaine est capable de recevoir lui vient de Dieu; que sans lui elle ne connaîtrait aucune vérité, et qu'il a accordé aux hommes, suivant les temps et les circonstances, toutes les vérités qui leur étaient nécessaires. De cette impuissance de l'homme et de cette bonté de
Dieu découle encore la nécessité d'une tradition universelle dont on retrouve en effet les vestiges plus ou moins effacés chez tous les peuples du monde, selon que l'orgueil de leur esprit et la corruption de leur coeur les ont plus ou moins écartés de la source de toute lumière: car l'erreur vient de l'homme comme la vérité vient de Dieu; et s'il ne crie vers Dieu, l'homme demeure à jamais assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort (1). --
(1) Sedentes in tenebris et umbra mortis. Ps. CVI. 10.
L'erreur a mille formes et deux principaux caractères: la superstition et l'incrédulité. Ou l'homme altère en lui l'image de Dieu pour l'accommoder à ses passions, ou, par une passion plus détestable encore, il pousse la fureur jusqu'à l'en effacer entièrement. Le premier de ces deux crimes fut, dans les anciens temps, celui de tous les peuples du monde, un seul excepté; ils eurent toujours pour le second une invincible horreur, et les malheureux qui s'en rendaient coupables furent longtemps eux-mêmes une exception au milieu de toutes les sociétés. C'est que cette dernière impiété attaquait à la fois Dieu et l'existence même des sociétés; le bon sens des peuples l'avait pressenti; et, en effet, lorsque la secte infâme d'Épicure eut étendu ses ravages au milieu de l'empire romain, on put croire un moment que tout allait rentrer dans le chaos. Tout était perdu sans doute, si la Vérité elle-même n'eût choisi ce moment pour descendre sur la terre et pour y converser avec les hommes (1). Les anciennes traditions se ranimèrent aussitôt, purifiées et sanctifiées par des vérités nouvelles; la société, qui déjà n'était plus qu'un cadavre prêt à se dissoudre, reprit le mouvement et la vie, et ce principe de vie, que lui avaient rendu les traditions religieuses, ne put être éteint ni par les révolutions des empires, ni par une longue suite de ces siècles illettrés qu'il est convenu d'appeler barbares. Les symptômes de mort ne reparurent qu'au quinzième siècle, qui est appelé le siècle de la renaissance: c'est alors que la raison humaine, reprenant son antique orgueil qu'on avait cru pour jamais terrassé par la foi, osa de nouveau scruter et attaquer les traditions. Les superstitions du Paganisme n'étant plus possibles, ce fut l'incrédulité seule qui tenta ce funeste combat: elle démolit peu à peu l'antique et merveilleux édifice élevé par la Vérité même, et ne cessant de nier, les unes après les autres, toutes les croyances religieuses, c'est-à-dire tous les rapports de l'homme avec Dieu, elle continua de marcher ainsi, au milieu d'une corruption toujours croissante de la société, jusqu'à la révolution française, où Dieu lui-même fut nié par la société, ce qui ne s'était jamais vu; où le monde a éprouvé des maux plus grands, a été menacé d'une catastrophe plus terrible même que dans les derniers temps de l'empire romain, parce que la Vérité éternelle, ayant opéré pour lui le dernier miracle de la grâce, ne lui doit plus maintenant que la justice, et ne reparaîtra plus au milieu des hommes que pour le jugement.
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(1) Et cum hominibus conversatus est. (Baruch, III, 38.)
Et véritablement c'en était fait du monde si, selon la promesse, cette grâce qui éclaire et vivifie n'eût trouvé un refuge dans un petit nombre de coeurs humbles, fidèles et généreux. Ils combattirent donc pour la vérité; ils furent ses martyrs; ils sont encore ses apôtres. Autour de la lumière qui leur a été donnée d'en haut, ils ont su réunir, ils rassemblent encore tous les jours, ceux qui savent ouvrir les yeux pour voir, les oreilles pour entendre. L'erreur étant arrivée à son dernier excès et s'étant montrée dans sa dernière expression, la vérité a fait entendre par leur bouche ses arrêts les plus formidables, a dévoilé à la fois tous ses principes à jamais immuables et leurs conséquences non moins absolues: toutes les nuances ont disparu, tous les ménagements de timidité ou de prudence ont cessé; d'une main ferme, ces courageux athlètes ont tracé la digue de séparation; et, ce qui est encore nouveau sous le soleil, les deux Cités, celle du monde et celle de Dieu, se sont séparées pour n'être plus désormais confondues jusqu'à la fin; et, dès cette vie, elles sont devenues manifestes à tous les yeux.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
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