Les tueurs de chrétiens
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Les tueurs de chrétiens
Christianophobie
Denis Tillinac le jeudi, 28/04/2011
Pourquoi on tue des chrétiens dans le monde d’aujourd’hui. Tel est le titre d’une étude circonstanciée d’Alexandre Del Valle sur les persécutions recensées quasiment aux quatre coins du monde. Sous-titre : « La nouvelle christianophobie ». Il est souvent question d’islamophobie et d’antisémitisme – deux faces d’une même médaille peu reluisante. Nos politiques, nos intellectuels, nos médias en dénoncent les effets à juste titre.
Ils sont nettement moins enclins à l’indignation lorsque des chrétiens sont assassinés (en Irak, en Inde, en Égypte, en Indonésie, au Soudan, au Nigeria, en Algérie) ou terrorisés au jour le jour (dans le Golfe, en Iran, en Palestine, en Turquie, au Pakistan, au Sri Lanka, en Malaisie, en Chine, en Corée du Nord, au Viêtnam, à Cuba). Aucune autre confession n’est à ce point victime de la haine fanatique dans des pays où ses fidèles, minoritaires, sont totalement pacifiques.
Pourquoi cette haine ? Et pourquoi le mutisme des institutions internationales, celui des consciences brevetées, celui des dirigeants occidentaux, voire celui des hiérarchies catholique, protestante, copte, orthodoxe ? Les chrétiens martyrisés, explique l’auteur, paient au prix fort une complicité imaginaire avec l’ancien colonisateur : ils sont perçus comme les collabos de l’Occident, et les gouvernants des pays concernés entretiennent cyniquement ces fantasmes avec le concours actif de religieux et de pédagogues. Ils seraient moins nocifs si les puissances occidentales, Europe ou États-Unis, émettaient des protestations plus franches. Or, elles ne s’y résolvent pas, tant elles ont intériorisé la culpabilité inoculée par les théoriciens des persécutions.
D’une certaine façon, un chrétien est coupable par essence, en tant qu’héritier présumé des croisés et des inquisiteurs. En France, ce sentiment absurde est relayé par un fond de sauce anticlérical : l’Église décriée par les intégristes de la laïcité reste au mieux celle de Pie IX et de Louis Veuillot. En vérité, c’est de l’islam que les laïcistes ont peur, mais ils n’osent se l’avouer ; alors ils dissimulent leur hantise en établissant une fausse symétrie entre les disciples de Ben Laden et les fidèles de Benoît XVI. Moyennant quoi les tueurs de chrétiens jouissent de l’impunité morale dans leur fausse conscience. C’est un déni de réalité et une abdication morale scandaleuse. J’ai lu ce livre avec tristesse en cette période pascale où l’espérance devrait être de mise. Que peuvent espérer les chrétiens d’Orient acculés à l’exil dans nos banlieues si un Occident frappé d’amnésie feint d’ignorer leur sort ? Que peut espérer un Occidental s’il renie les sources chrétiennes de sa morale ? De sa raison d’être, qu’il soit croyant ou pas ?
Grâce au ciel, un autre livre paru récemment m’a réconforté. C’est le dialogue live d’un jeune éditeur, Charles Wright, avec un moine bénédictin, dom Michel Pascal, abbé honoraire du monastère de Ganagobie. Le titre, À quoi servent les moines ?, pose une question de fond. La réponse circule entre des pages d’une étonnante tonicité : les moines servent à nous sauver du désarroi où nous pataugeons, par l’exemple et la prière. Ces faux reclus qui psalmodient à longueur de temps pour anticiper en quelque sorte l’éternité sont un antidote aux maux dont nous souffrons en enlisant nos âmes dans les marécages de l’éphémère.
Ce moine n’est qu’un homme avec ses doutes et ses failles ; son interlocuteur n’est qu’un jeune intellectuel en quête d’un sens à sa vie ; leur duo permet de comprendre les accointances d’un simple mortel avec l’invisible, au prix d’une mise à distance du monde contemporain. Pas un dédain, pas un refus, juste un écart inhérent à la vie monacale – et ça fait une sacrée différence. Des jeunes ici ou là me demandent s’ils doivent s’“engager”, et le plus souvent ils pensent à la politique ou bien à l’humanitaire. Qu’ils lisent ce livre. Ils ne revêtiront pas la bure pour autant, il faut la foi, la vocation et une capacité d’oubli de soi dont tout le monde n’est pas capable. Mais le mot “engagement”, démonétisé par tant de causes douteuses, retrouvera à leurs yeux sa fraîcheur et ils se sentiront de mèche avec le coauteur. Car ses questions pointent clairement ce qui manque aux Occidentaux et qui explique leur désar roi. La “crise” dont ils sont les premières victimes étant spirituelle et morale autant qu’économique et sociale, ils seront mieux armés pour l’affronter avec les préceptes d’un bénédictin qu’avec le pathos des experts ou des idéologues. Même s’ils ne croient pas en Dieu. Ils apprendront au moins à ne pas dilapider leur espérance en menue monnaie de fantasmes ou d’utopies. Denis Tillinac
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Denis Tillinac le jeudi, 28/04/2011
Pourquoi on tue des chrétiens dans le monde d’aujourd’hui. Tel est le titre d’une étude circonstanciée d’Alexandre Del Valle sur les persécutions recensées quasiment aux quatre coins du monde. Sous-titre : « La nouvelle christianophobie ». Il est souvent question d’islamophobie et d’antisémitisme – deux faces d’une même médaille peu reluisante. Nos politiques, nos intellectuels, nos médias en dénoncent les effets à juste titre.
Ils sont nettement moins enclins à l’indignation lorsque des chrétiens sont assassinés (en Irak, en Inde, en Égypte, en Indonésie, au Soudan, au Nigeria, en Algérie) ou terrorisés au jour le jour (dans le Golfe, en Iran, en Palestine, en Turquie, au Pakistan, au Sri Lanka, en Malaisie, en Chine, en Corée du Nord, au Viêtnam, à Cuba). Aucune autre confession n’est à ce point victime de la haine fanatique dans des pays où ses fidèles, minoritaires, sont totalement pacifiques.
Pourquoi cette haine ? Et pourquoi le mutisme des institutions internationales, celui des consciences brevetées, celui des dirigeants occidentaux, voire celui des hiérarchies catholique, protestante, copte, orthodoxe ? Les chrétiens martyrisés, explique l’auteur, paient au prix fort une complicité imaginaire avec l’ancien colonisateur : ils sont perçus comme les collabos de l’Occident, et les gouvernants des pays concernés entretiennent cyniquement ces fantasmes avec le concours actif de religieux et de pédagogues. Ils seraient moins nocifs si les puissances occidentales, Europe ou États-Unis, émettaient des protestations plus franches. Or, elles ne s’y résolvent pas, tant elles ont intériorisé la culpabilité inoculée par les théoriciens des persécutions.
D’une certaine façon, un chrétien est coupable par essence, en tant qu’héritier présumé des croisés et des inquisiteurs. En France, ce sentiment absurde est relayé par un fond de sauce anticlérical : l’Église décriée par les intégristes de la laïcité reste au mieux celle de Pie IX et de Louis Veuillot. En vérité, c’est de l’islam que les laïcistes ont peur, mais ils n’osent se l’avouer ; alors ils dissimulent leur hantise en établissant une fausse symétrie entre les disciples de Ben Laden et les fidèles de Benoît XVI. Moyennant quoi les tueurs de chrétiens jouissent de l’impunité morale dans leur fausse conscience. C’est un déni de réalité et une abdication morale scandaleuse. J’ai lu ce livre avec tristesse en cette période pascale où l’espérance devrait être de mise. Que peuvent espérer les chrétiens d’Orient acculés à l’exil dans nos banlieues si un Occident frappé d’amnésie feint d’ignorer leur sort ? Que peut espérer un Occidental s’il renie les sources chrétiennes de sa morale ? De sa raison d’être, qu’il soit croyant ou pas ?
Grâce au ciel, un autre livre paru récemment m’a réconforté. C’est le dialogue live d’un jeune éditeur, Charles Wright, avec un moine bénédictin, dom Michel Pascal, abbé honoraire du monastère de Ganagobie. Le titre, À quoi servent les moines ?, pose une question de fond. La réponse circule entre des pages d’une étonnante tonicité : les moines servent à nous sauver du désarroi où nous pataugeons, par l’exemple et la prière. Ces faux reclus qui psalmodient à longueur de temps pour anticiper en quelque sorte l’éternité sont un antidote aux maux dont nous souffrons en enlisant nos âmes dans les marécages de l’éphémère.
Ce moine n’est qu’un homme avec ses doutes et ses failles ; son interlocuteur n’est qu’un jeune intellectuel en quête d’un sens à sa vie ; leur duo permet de comprendre les accointances d’un simple mortel avec l’invisible, au prix d’une mise à distance du monde contemporain. Pas un dédain, pas un refus, juste un écart inhérent à la vie monacale – et ça fait une sacrée différence. Des jeunes ici ou là me demandent s’ils doivent s’“engager”, et le plus souvent ils pensent à la politique ou bien à l’humanitaire. Qu’ils lisent ce livre. Ils ne revêtiront pas la bure pour autant, il faut la foi, la vocation et une capacité d’oubli de soi dont tout le monde n’est pas capable. Mais le mot “engagement”, démonétisé par tant de causes douteuses, retrouvera à leurs yeux sa fraîcheur et ils se sentiront de mèche avec le coauteur. Car ses questions pointent clairement ce qui manque aux Occidentaux et qui explique leur désar roi. La “crise” dont ils sont les premières victimes étant spirituelle et morale autant qu’économique et sociale, ils seront mieux armés pour l’affronter avec les préceptes d’un bénédictin qu’avec le pathos des experts ou des idéologues. Même s’ils ne croient pas en Dieu. Ils apprendront au moins à ne pas dilapider leur espérance en menue monnaie de fantasmes ou d’utopies. Denis Tillinac
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MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
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