Mgr Barbarin : «Il ne faut pas dénaturer le mariage
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Mgr Barbarin : «Il ne faut pas dénaturer le mariage
Par Jean-Marie Guénois Mis à jour le 13/08/2012 à 23:17 | publié le 13/08/2012 à 19:36 Réactions (165)
«La société doit aider chacun à vivre dans les meilleures conditions.»
Mariage gay, euthanasie… Le cardinal Philippe Barbarin décrypte la prière nationale pour l'Assomption.
Mercredi, lors de la fête de l'Assomption, une «proposition nationale pour une prière des fidèles», écrite par le cardinal André Vingt-Trois, président de la Conférence des évêques de France, sera reprise dans la plupart des paroisses du pays. Un message fort que décrypte le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon.
LE FIGARO. - Comme jamais elle ne l'avait encore fait, l'Église catholique lance une prière pour le 15 août qui concerne les dirigeants politiques et économiques, mais qui touche deux thèmes très sensibles que sont le mariage gay et l'euthanasie: cette prière pour la France est-elle politique?
MGR Philippe BARBARIN. - Politique, ce n'est pas un «gros mot»! La prière a aussi une dimension politique. Mais prier est d'abord un acte spirituel: nous nous tournons vers Dieu avec confiance, en lui demandant son aide pour ceux que nous aimons, spécialement ceux qui vivent une passe difficile. Rien de plus naturel que de prier pour sa famille, pour son pays. Jamais notre prière n'a fait abstraction des questions de la vie sociale, encore moins des souffrances des hommes. On peut dire que notre prière est marquée par les conditions de vie de la société dans laquelle nous nous trouvons. L'exemple le plus récent, ce sont les Roms à Lyon, qui ont une place particulière dans notre prière. Un curé de Villeurbanne qui s'est occupé avec ses paroissiens d'une famille de Roms depuis plus d'un an se réjouit de voir qu'elle vient d'obtenir un visa de séjour, et en même temps il exprime sa souffrance devant l'expulsion de tant d'autres ces jours-ci. Tout cela entre dans notre prière, la nourrit et la transforme chaque jour. Par la prière, nous affirmons surtout que la source ultime du bien n'est pas dans l'autorité politique. Nous prions pour celle-ci, car nous croyons que Dieu veut la bénir et peut lui donner lumière et force pour être vraiment au service de tous.
Pourtant, certains qui ne partagent pas la culture ou la foi catholique peuvent considérer que cet acte ecclésial ne respecte pas la laïcité.
La laïcité interdirait la prière? Est-ce cela que vous me demandez? Sommes-nous en tyrannie? Allons-nous soumettre nos rites et nos formulaires au commandement de la «pensée unique»? Dans son discours pour le 70e anniversaire de la rafle du Vél'd'Hiv, le président François Hollande a évoqué la prière que les Juifs font chaque shabbat pour la République, dans les synagogues. Les catholiques le font aussi, en particulier dans la grande prière liturgique du vendredi saint, et cela n'étonne ni ne gêne personne. Oui, nous prions pour les gouvernants et les législateurs, espérant que chacun cherchera d'abord le bien de tout un pays, des générations futures et suivra la voix de sa conscience, plus que la ligne de son parti.
Mais l'heure est-elle si grave pour que l'Église ose ainsi manier publiquement deux sujets aussi délicats que sont prière et politique et le patronage de la France par la Vierge Marie?
Oui, l'heure est grave. C'est une rupture de civilisation de vouloir dénaturer le mariage, qui est depuis toujours une réalité merveilleuse et fragile. Il suffit de voir le nombre de fois où l'on interroge Jésus à ce sujet dans l'Évangile. On a reproché à l'Église son silence en d'autres temps. Mais si sa mission première est la prière, et j'espère qu'elle s'en acquitte fidèlement, elle doit parler quels que soient les courants qui traversent l'opinion publique. C'est la dernière consigne que Jésus nous a laissée avant de nous quitter et de nous promettre la force de l'Esprit saint: «Vous serez mes témoins… jusqu'aux extrémités de la terre!»
Le texte de la prière exprime l'opposition connue de l'Église au mariage homosexuel et à l'adoption d'enfants par ces couples. Est-ce là une étape, «soft», oserait-on dire, d'une opposition morale qui pourrait se durcir, sous d'autres formes, à la rentrée?
Avez-vous lu cette prière? Aucune des expressions que vous utilisez ne s'y trouve. On peut prier pour l'engagement des époux, pour les enfants et les jeunes, afin qu'ils «bénéficient pleinement de l'amour d'un père et d'une mère» sans être taxé d'homophobie, j'espère! Ce sont les intentions qui montent spontanément au cœur des croyants. Il ne faudrait pas se mettre à terroriser le bon sens…
De même pour l'euthanasie, comment l'Église catholique envisage-t-elle d'exprimer son opposition formelle sur le sujet, suggérée dans cette prière?
La société doit aider chacun à vivre dans les meilleures conditions. Une loi qui justifierait l'euthanasie accréditerait l'idée que certaines vies ne méritent pas d'être vécues. Or, notre civilisation reconnaît «la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine» ; c'est la première ligne de la Déclaration des droits de l'homme. L'essentiel, c'est de manifester proximité, fidélité et tendresse à ceux qui passent la mort. La fête du 15 août, c'est justement une grande source d'espérance en ce domaine: Dieu associe la Vierge Marie à la victoire de Jésus ressuscité sur la mort. L'Assomption nous parle de ceux qui sont morts et que nous continuons d'aimer ; elle parle aussi de notre avenir, celui que nous évoquons en disant dans le Credo: «J'attends la résurrection des morts et la vie du monde à venir.» Dans le «Je vous salue, Marie», nous demandons à la Mère de Dieu d'être avec nous, «maintenant et à l'heure de notre mort». Redisons simplement la vérité de la mort, même si elle est rude à entendre. Je bénis les médecins qui m'ont aidé à traverser des soucis de santé… Et je dis à tous: «Souvenez-vous de ce que nous sommes: des serviteurs de la vie, de l'homme tout entier, son corps, son âme, son esprit…»
Avez-vous été surpris par l'ampleur de la polémique provoquée par cet appel à la prière qui aurait très bien pu susciter l'indifférence: qu'est-ce que cela révèle, selon vous?
Petite polémique… L'Église a l'habitude d'être le paillasson sur lequel on s'essuie les pieds. Ce qui donne à penser, dans ces réactions - et paradoxalement à se réjouir -, c'est que certains semblent avoir peur de la prière. Elle est puissante, en effet!
Le texte de la prière englobe la gravité de la crise économique et sociale, quel sens particulier donneriez-vous dans ce contexte à cette fête de l'Assomption?
La tentation dans une crise d'une telle ampleur, qui semble laisser aux gouvernants bien peu de marge de manœuvre, c'est de trouver des dérivatifs sur des sujets dits «sociétaux». Faute de pouvoir résorber le chômage, on changerait le mariage, la famille… et quoi encore, demain? Je ne suis pas sûr que cela relève de l'autorité d'un Parlement. Ceux qui nous gouvernent ont de grandes responsabilités, pour l'équilibre de la vie sociale, l'amélioration de nos conditions de vie. Leur mission est de veiller sur la santé, l'éducation, la répartition des biens, les transports, la sécurité, et d'abord la paix. C'est vraiment beaucoup! Je ne voudrais pas qu'ils se croient la mission de changer le monde. J'espère que le pouvoir politique voit bien, comme chacun de nous, ce qui dépend de lui et ce qui le dépasse!
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