La Salette (Vidéos)

CORTEVILLE, MICHEL ; LAURENTIN, RENÉ. Un an après la révélation du troisième secret de Fatima,
découverte du secret de la Salette. Au-delà des polémiques, la vérité sur l’apparition et ses voyants,
Fayard, 2002.

D’après des indications figurant en tête du livre, R. Laurentin a identifié les questions clefs traitées dans le présent livre.
A-t-il vérifié les réponses données ? La question se pose, pour commencer, à propos de ce qui nous est présenté comme
une, scoop: la publication des deux lettres rédigées par les voyants de la Salette et remises à Pie IX en juillet 1851. Elles
étaient censées lui livrer le secret que la Vierge avait donné à chacun des enfants de la Salette, le 19 septembre 1846.
Ces lettres ont été découvertes aux archives de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, accessibles aux chercheurs
depuis 1997. À en croire le livre, le « secret » qu’elles contiennent aurait été « assumé dans son intégralité, secondairement,
mais non accessoirement, par l’évêque de Grenoble et par Rome (été 1851) pour la reconnaissance de l’apparition
» (p. 147). - Si par assumer on entend « tenir compte », cela est vrai, mais jusqu’à un certain point seulement,
car l’évêque de Grenoble s’était abstenu de porter lui-même un jugement sur le secret. Si l’on veut dire par là que tant
l’évêque que le Saint-Siège reconnurent son origine céleste, c’est complètement faux.
Nous savons désormais, grâce à des documents accessibles depuis plusieurs dizaines d’années, qu’en réalité les trop
fameuses lettres produisirent sur le Souverain Pontife une impression défavorable. Quant à Mgr de Brouillard, évêque
de Grenoble, il se garda bien de porter lui-même un jugement sur leur contenu. Dans les considérants du jugement par
lequel, dans son Mandement de l’automne 1851, il reconnut l’apparition du 19 septembre comme authentique, il n’en
fut pas question. Il est vrai que dans le corps du Mandement l’évêque, se basant sur ce qu’il croyait être la position de
Pie IX, en parle de manière positive. Nous savons désormais quelle était la véritable position de celui-ci. Et nous savons
également que Pie IX n’avait jamais obligé les voyants de la Salette à lui communiquer quoi que ce soit. La rédaction
des lettres ayant été le fruit de procédés obliques, il n’y a pas lieu de s’attendre à ce qu’elles livrent des paroles que la
« belle Dame » de l’apparition avait expressément demandé aux enfants de ne pas livrer. Or de tout cela, le présent livre
ne souffle mot. De plus il égare franchement le lecteur en ce qui concerne la position actuelle du Saint-Siège en ce
domaine, qui continue à être négative (cf. Marianum 59 (1997), p. 221 avec la note 38).
René Laurentin a fait oeuvre de pionnier en ce qui regarde l’histoire de Lourdes. Il a rassemblé systématiquement l’ensemble
de la documentation, et a tenu compte de cet ensemble. Dans les trois volumes de « La Salette, Documents
authentiques », je me suis efforcé de suivre sa méthode. Dans le présent livre, c’est malheureusement la méthode exactement
inverse qui est appliquée : faits et documents sont cités ou ignorés en fonction d’une thèse à démontrer, à savoir
l’origine céleste du secret et, plus en général, de ce que Mélanie a, au cours de sa vie, présenté comme venant du ciel.
On nous dit ainsi que les partisans du pseudo-Louis XVII n’auraient guère eu d’influence sur l’origine du premier secret
de Mélanie, puisqu’à la différence de Maximin elle ne les avait pas suivis à Ars (p. 146). - Mais de ces partisans, elle en
avait rencontré plus d’un dans son pays natal, à commencer par l’abbé Faure qui, à en croire Michel Corteville, a même
été son confesseur! Plus tard elle a correspondu avec un autre de ces partisans, l’avocat marseillais Nicolas, et elle l’a
fréquenté. En 1858 Nicolas crut pouvoir annoncer que, dans ses calculs à partir des prophéties bibliques, il était arrivé
à la même date pour la naissance de l’antéchrist que Mélanie dans son secret (!). Ou encore on cite le P. Semenko, cofondateur
des Résurrectionnistes, mais on omet de signaler qu’il avait formulé sur la Règle religieuse présentée par
Mélanie un avis très négatif. Parmi ceux qui ont adhéré au secret, sont mentionnés les écrivains Huysmans et Paul
Claudel (cf. p. 29). Il aurait été bon de signaler au lecteur que le premier refusa de publier le récit dans lequel il avait
inséré le secret, qu’il connaissait par le prêtre perverti qu’était Boullan ; et que le second formula sur le secret des
réserves expresses dans une lettre de décembre 1911, pourtant connue des auteurs.
Mgr Ginoulhiac, l’évêque de Grenoble qui sur invitation de Pie IX réexamina l’affaire de la Salette, aboutit sur les
voyants à une position diamétralement opposée à la thèse soutenue dans le livre. Il attirait en effet l’attention sur l’évolution
de la personnalité de Mélanie. Le livre cherchera donc à discréditer cet évêque, sur le compte duquel l’évêque de
Marseille, saint Eugène de Mazenod, s’était pour sa part exprimé en termes très élogieux dans une lettre au nonce de
Paris.
Parmi les questions qui auraient mérité d’être traitées à propos des secrets, il y a celle du courant joachimite avec ses
deux composantes. La première consiste en prédictions de toutes sortes, comme il en circule en chrétienté depuis des
siècles, entre autres au sujet du grand roi ou grand monarque. L’autre composante du joachimisme est le mythe du troisième
âge ou âge de l’Esprit, âge où les charismatiques prendraient en quelque sorte la place de la hiérarchie ecclésiastique.
Le lecteur peut se demander si l’inspiration de ce livre ne procéderait pas de cette perspective, puisqu’il attribue
la dernière parole à la personne censée être charismatique.
Il a parfois été soutenu que l’autorité ecclésiastique ferait mieux de ne pas intervenir dans ce genre d’affaires et de laisser
faire. Mais comment n’interviendrait-elle pas pour empêcher la formation de courants douteux, qui risquent d’égarer
les simples et de jeter le discrédit sur la religion et, pour commencer sur ce qu’il y a d’authentique dans les phénomènes
charismatiques ? Rappelons aussi que, selon Vatican II, il faut éviter la « vaine crédulité » (Lumen Gentium 67)
et que, selon Paul VI, il y a lieu d’« éliminer tout ce qui est manifestement faux ou légendaire » (Marialis cultus 38).
JEAN STERN, MS. Revue Marianum, 2002, 1-2, 161-162, pp. 648-650.

À propos de La Salette…
"Un ouvrage qui vient de paraître reprend la question des secrets de La Salette. Cette parution n'est
pas sans causer un certain trouble auprès de plusieurs fidèles, pèlerins du sanctuaire. Pourtant la
question a été étudiée de manière approfondie à maintes reprises et elle a été suivie de près par le
Saint Siège. La note que voici reprend de manière succincte l'essentiel de l'affaire et rappelle les
documents officiels. Le message de Marie sur la montagne renvoie au Christ Sauveur en invitant de
manière pressante à la conversion et à la réconciliation."
+ Louis Dufaux
Évêque de Grenoble

L'affaire des "secrets" de la Salette
Éléments de discernement

On vient de nouveau faire de la publicité en faveur du soi-disant "secret de la Salette". L'affaire du
"secret" a débuté il y a plus de cent ans, depuis qu'une brochure a répandu dans le public le "secret"
que la Dame de l'apparition aurait révélé à Mélanie le 19 septembre 1846, en plus du message
public. Ce texte remonte effectivement à la voyante Mélanie. Il a semé le trouble parmi les fidèles.
Le Saint-Siège a toujours observé une attitude négative à son égard. Il existe plusieurs rédactions
de ce "secret". Jusqu'à ce jour, aucune, pas même la rédaction faite en 1851 par les deux voyants
Maximin et Mélanie à l'intention de Pie IX, n'a reçu l'approbation de l'autorité ecclésiastique responsable
de la Salette, à savoir le Saint-Siège et l'évêque de Grenoble.
Pour discerner la portée des témoignages donnés par Maximin et Mélanie au fil des années, un élément
fondamental est à prendre en considération. Le pape Pie IX lui-même l'a indiqué en 1853,
donc peu après avoir reçu les "secrets" envoyés de Grenoble. Il l'a énoncé sous forme d'avertissement,
à l'intention d'un évêque qui, comme celui de Grenoble, devait lui aussi examiner un phénomène
d'ordre charismatique dont des jeunes avaient été les bénéficiaires: "Pensez, vénérable Frère,
à ceux qui tiennent en main l'éducation des adolescents, et auxquels vous confiez leurs fragiles
esprits".
Dès les premières années qui suivirent l'apparition, les jeunes Maximin et Mélanie eurent malheureusement
des contacts répétés avec l'un ou l'autre personnage qui leur parla de prophéties extraordinaires.
Ils eurent également des contacts avec des victimes d'un escroc qui se présentait comme
étant le fils de Louis XVI en personne. Autre élément perturbateur: pour amener les deux enfants
à révéler leurs secrets, on chercha à leur faire croire que le Souverain Pontife en avait demandé
communication. C'était purement et simplement faux.
C'est dans ces circonstances que Maximin et Mélanie écrivirent des lettres, censées contenir leur
secret respectif. On ne sera pas surpris si le bienheureux Pie IX garda de leur lecture une impression
négative; cela contrairement à ce qu'en toute bonne foi s'imaginèrent les deux prêtres de
Grenoble qui lui avaient remis les lettres le 18 juillet 1851.
La véritable position du pape fut connue à Grenoble au printemps de 1854. La nouvelle provoqua
la parution d'un pamphlet qui niait la réalité de l'apparition, et était propre à troubler les fidèles
dans leur dévotion mariale. Par lettre du 30 août 1854, Pie IX demanda formellement à Mgr
Ginoulhiac, nouvel évêque de Grenoble, de veiller sur la dévotion mariale dans son diocèse. De plus
il lui suggéra de soumettre le fait de l'apparition à un nouvel examen.
Mgr Ginoulhiac aurait pu se contenter d'insister sur la dévotion à Notre-Dame de la Salette, en laissant
l'apparition entre parenthèses. La dévotion mariale, après tout, n'est pas liée à la réalité d'un
fait qui, de toute façon, n'est pas un dogme de foi. L'évêque écarta cette solution de facilité. Il prouva
la réalité de l'apparition, en étudiant à fond la documentation primitive. Il étudia également
l'évolution de la personnalité des voyants. De l'examen mené avec rigueur, il résultait que le message
donné par eux en 1846 puis répété depuis, correspondait chez eux à une expérience authentique
et objective. Malheureusement, devenue entre-temps l'objet de prévenances qui ressemblaient
à une espèce de culte, Mélanie avait fini par s'attacher à son sens propre, à trop se prendre
pour quelqu'un. Il lui arrivait de laisser échapper des expressions d'allure prophétique, mais qui ne
venaient pas du ciel. Maximin, de son côté, était victime de sa légèreté, disant des paroles dont le
moins qu'on puisse dire, est qu'elles manquaient de prudence.
…/…
On a insinué que la sévérité des appréciations portées par Mgr Ginoulhiac sur le comportement des
voyants, étaient le fruit d'une complaisance envers Napoléon III et son gouvernement. C'est là une
calomnie d'autant plus injuste que l'évêque avait défendu la Salette en des circonstances extrêmement
éprouvantes.
Restent les véritables secrets confiés à Maximin et à Mélanie par la Vierge, le 19 septembre 1846.
Selon le curé de la Salette et d'autres prêtres qui virent les enfants en automne de cette année-là, il
s'agissait de conseils de sagesse, destinés à leur usage personnel. C'est là l'hypothèse la plus vraisemblable,
mais ce n'est qu'une hypothèse. Les véritables secrets sont demeurés secrets.
Jean Stern, m.s.
ancien archiviste des Missionnaires de
Notre-Dame de la Salette à Rome
site internet du diocèse de Grenoble,
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