Comment le Pape est devenu "Jésus"
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Comment le Pape est devenu "Jésus"
Le pape François est vraiment un chic type. Le genre de gars qui se balade la serviette sous le bras, en simples grolles noires, qui a été videur de boîte de nuit dans sa jeunesse, se fade sans ronchonner un gamin bien décidé à squatter son siège papal en pleine messe, prêche comme un curé de campagne, estime qu’il n’est personne pour « juger », et – dernière image en date – invite même ses vieux potes à « kiffer la vibe » dans sa papamobile...
Le pape invite un ami prêtre dans sa papamobile
Le 8 janvier, place Saint-Pierre
On pourrait continuer longtemps la liste des gestes symboliques posés par le pape François et que les fidèles, les médias et les réseaux sociaux ne cessent d’accumuler, construisant peu à peu la légende du Saint-Père qui tient plus du nouveau Jésus que d’un pape lambda.
Tweet céleste
Encore un peu et son hagiographie sera plus florissante que celle de son modèle, Saint François d’Assise. Car la papolâtrie a déjà frappé, et les « signes du ciel » ont débarqué.
Ça a commencé tranquillement, par un tweet céleste, celui qu’aurait rédigé une madrilène le jour de la démission de Benoît XVI, rapportant que son fiancé avait rêvé la veille d’un nouveau pape s’appelant François. Tout comme ce miracle eucharistique, comprenez une hostie devenue par l’opération du saint-esprit dégoulinante de sang, que les esprits bien informés ont déjà analysé de groupe AB (comme le sang retrouvé sur le saint-suaire), qui serait survenu en 1996 dans le diocèse de Bergoglio... Un signe...
Bien sûr, comme pour chaque successeur de saint Pierre, on peut invoquer le phénomène devenu plutôt banal de « dévotion papale », né au XIXe siècle sous Pie IX. Et relativiser en rappelant qu’aux obsèques de Jean-Paul II, une foule survoltée criait « santo subito » et que les miracles fleurissaient partout dans le monde.
Sauf qu’ici, de symboles forts en légendes urbaines, il faut bien se rendre à l’évidence : le pape François, en fait, est en passe de devenir... Jésus.
« Le pape s’est fait homme »
« Il est sans cesse en mode Jésus », par ci, « le pape parle comme Jésus », par là, ou plus subliminalement « Ainsi fait-il » (Ed. Plon), le titre du livre dédié au pape... Les parallèles entre François et son mentor sont légion et pas si anecdotiques que ça.
Christine Pedotti, écrivain et journaliste catholique, est l’auteur de « Jésus, cet homme inconnu » (XO éditions, 2013). Quand on l’interroge sur ces rapprochements, elle nous explique qu’ils éclairent parfaitement le nouveau style papal :
« Je repense à cette phrase d’Enzo Bianchi, le prieur de Bosé, à propos du pape François, “et le pape s’est fait homme”, dont la référence à Jésus est évidente. Elle résume bien les choses. Car la clé de compréhension du nouveau pape se situe bien là : François met en avant son humanité, c’est un engagement physique de toute sa personne, un retour dans le monde.
François ne changera rien aux dogmes, qui sont intouchables, sa seule arme, c’est son “ style ”. Par son attitude, ses gestes, ses paroles, il redonne sa place à la fraternité, terme que je n’ai vu qu’à deux reprises dans les encycliques de Benoît XVI.
Il remet en lumière des paroles oubliées de l’Evangile comme “ ne jugez pas ” ; qu’on avait mises de côté, de peur d’entraîner un ramollissement moral. Sa simplicité, sa proximité, son naturel, sont d’ailleurs très bien compris par tous, dans notre société médiatique du XXIe siècle. »
« Mettez toute la viande sur le barbecue »
Cette parenté avec Jésus, Christine Pedotti la retrouve concrètement dans ses paroles et dans ses gestes.
« Le pape a une grande parenté avec Jésus dans sa façon de s’exprimer. Dans l’Evangile, Jésus ne fait pas de théologie, il parle de moutons, de pain, de poissons. De même, François s’exprime de façon concrète, voire triviale.
“Un bon pasteur est celui qui connaît le nom du chien de ses paroissiens”, dit-il dans une homélie. De même, dans sa lettre envoyée aux jeunes prêtres de Buenos Aires lors de leur ordination, il leur écrit : “Mettez toute la viande sur le barbecue”, utilisant une image très parlante dans la culture sud américaine.
"François a trouvé le moyen d’être pape en refusant de l’être. Il désacralise la parole."
Des propos qui font écho au tout premier « acte » de son pontificat, le soir de son élection. Lorsque le nouveau pape apparaît au balcon, il lance un très simple « Bonsoir ».
Dans ses gestes, aussi, Bergoglio se rapproche de la figure de Jésus, aux yeux de l’opinion.
Le baiser au lépreux : image choc
Le 6 novembre, en pleine séance générale, alors que le pape descend de l’autel pour bénir les malades comme à son habitude, un homme défiguré s’approche de lui. François l’étreint et embrasse son visage totalement boursouflé. Image simple, image choc, qui fait rapidement le tour du monde.
De même, lors de son voyage à Rio, le pape passera un moment parmi les jeunes malades de l’hôpital Saint François d’Assise, toxicomanes ou malades du sida.
L’opinion rapproche un peu rapidement ces gestes avec l’attitude de Jésus dans l’Evangile, auprès des lépreux. Pourtant, dans les Evangiles, Jésus n’embrasse pas les lépreux.
Celui qui prodigue le fameux baiser au lépreux est une autre référence de Bergoglio : François d’Assise.
Christine Pedotti :
« Au XIIe siècle, François d’Assise est celui qui endosse l’attitude du Christ, il est un autre Christ, reprenant ce que dit saint Paul : “Ce n’est plus moi qui vit, c’est le christ qui vit en moi.”
François d’Assise vit tellement à la manière du Christ, qu’il est le premier saint à recevoir les stigmates. Lorsque le pape prend le nom de François, il s’inscrit dans cette même logique, d’incarnation de la figure de Jésus. Avec l’image du baiser au lépreux, c’est la filiation Jésus – François d’Assise – François Bergoglio qui apparaît. »
(Chloé Andries, Le Nouvel Observateur, Rue 89)
Le pape invite un ami prêtre dans sa papamobile
Le 8 janvier, place Saint-Pierre
On pourrait continuer longtemps la liste des gestes symboliques posés par le pape François et que les fidèles, les médias et les réseaux sociaux ne cessent d’accumuler, construisant peu à peu la légende du Saint-Père qui tient plus du nouveau Jésus que d’un pape lambda.
Tweet céleste
Encore un peu et son hagiographie sera plus florissante que celle de son modèle, Saint François d’Assise. Car la papolâtrie a déjà frappé, et les « signes du ciel » ont débarqué.
Ça a commencé tranquillement, par un tweet céleste, celui qu’aurait rédigé une madrilène le jour de la démission de Benoît XVI, rapportant que son fiancé avait rêvé la veille d’un nouveau pape s’appelant François. Tout comme ce miracle eucharistique, comprenez une hostie devenue par l’opération du saint-esprit dégoulinante de sang, que les esprits bien informés ont déjà analysé de groupe AB (comme le sang retrouvé sur le saint-suaire), qui serait survenu en 1996 dans le diocèse de Bergoglio... Un signe...
Bien sûr, comme pour chaque successeur de saint Pierre, on peut invoquer le phénomène devenu plutôt banal de « dévotion papale », né au XIXe siècle sous Pie IX. Et relativiser en rappelant qu’aux obsèques de Jean-Paul II, une foule survoltée criait « santo subito » et que les miracles fleurissaient partout dans le monde.
Sauf qu’ici, de symboles forts en légendes urbaines, il faut bien se rendre à l’évidence : le pape François, en fait, est en passe de devenir... Jésus.
« Le pape s’est fait homme »
« Il est sans cesse en mode Jésus », par ci, « le pape parle comme Jésus », par là, ou plus subliminalement « Ainsi fait-il » (Ed. Plon), le titre du livre dédié au pape... Les parallèles entre François et son mentor sont légion et pas si anecdotiques que ça.
Christine Pedotti, écrivain et journaliste catholique, est l’auteur de « Jésus, cet homme inconnu » (XO éditions, 2013). Quand on l’interroge sur ces rapprochements, elle nous explique qu’ils éclairent parfaitement le nouveau style papal :
« Je repense à cette phrase d’Enzo Bianchi, le prieur de Bosé, à propos du pape François, “et le pape s’est fait homme”, dont la référence à Jésus est évidente. Elle résume bien les choses. Car la clé de compréhension du nouveau pape se situe bien là : François met en avant son humanité, c’est un engagement physique de toute sa personne, un retour dans le monde.
François ne changera rien aux dogmes, qui sont intouchables, sa seule arme, c’est son “ style ”. Par son attitude, ses gestes, ses paroles, il redonne sa place à la fraternité, terme que je n’ai vu qu’à deux reprises dans les encycliques de Benoît XVI.
Il remet en lumière des paroles oubliées de l’Evangile comme “ ne jugez pas ” ; qu’on avait mises de côté, de peur d’entraîner un ramollissement moral. Sa simplicité, sa proximité, son naturel, sont d’ailleurs très bien compris par tous, dans notre société médiatique du XXIe siècle. »
« Mettez toute la viande sur le barbecue »
Cette parenté avec Jésus, Christine Pedotti la retrouve concrètement dans ses paroles et dans ses gestes.
« Le pape a une grande parenté avec Jésus dans sa façon de s’exprimer. Dans l’Evangile, Jésus ne fait pas de théologie, il parle de moutons, de pain, de poissons. De même, François s’exprime de façon concrète, voire triviale.
“Un bon pasteur est celui qui connaît le nom du chien de ses paroissiens”, dit-il dans une homélie. De même, dans sa lettre envoyée aux jeunes prêtres de Buenos Aires lors de leur ordination, il leur écrit : “Mettez toute la viande sur le barbecue”, utilisant une image très parlante dans la culture sud américaine.
"François a trouvé le moyen d’être pape en refusant de l’être. Il désacralise la parole."
Des propos qui font écho au tout premier « acte » de son pontificat, le soir de son élection. Lorsque le nouveau pape apparaît au balcon, il lance un très simple « Bonsoir ».
Dans ses gestes, aussi, Bergoglio se rapproche de la figure de Jésus, aux yeux de l’opinion.
Le baiser au lépreux : image choc
Le 6 novembre, en pleine séance générale, alors que le pape descend de l’autel pour bénir les malades comme à son habitude, un homme défiguré s’approche de lui. François l’étreint et embrasse son visage totalement boursouflé. Image simple, image choc, qui fait rapidement le tour du monde.
De même, lors de son voyage à Rio, le pape passera un moment parmi les jeunes malades de l’hôpital Saint François d’Assise, toxicomanes ou malades du sida.
L’opinion rapproche un peu rapidement ces gestes avec l’attitude de Jésus dans l’Evangile, auprès des lépreux. Pourtant, dans les Evangiles, Jésus n’embrasse pas les lépreux.
Celui qui prodigue le fameux baiser au lépreux est une autre référence de Bergoglio : François d’Assise.
Christine Pedotti :
« Au XIIe siècle, François d’Assise est celui qui endosse l’attitude du Christ, il est un autre Christ, reprenant ce que dit saint Paul : “Ce n’est plus moi qui vit, c’est le christ qui vit en moi.”
François d’Assise vit tellement à la manière du Christ, qu’il est le premier saint à recevoir les stigmates. Lorsque le pape prend le nom de François, il s’inscrit dans cette même logique, d’incarnation de la figure de Jésus. Avec l’image du baiser au lépreux, c’est la filiation Jésus – François d’Assise – François Bergoglio qui apparaît. »
(Chloé Andries, Le Nouvel Observateur, Rue 89)
jaimedieu- Date d'inscription : 02/03/2011
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Localisation : Montréal, Québec Canada
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