Éducation religieuse des enfants
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Éducation religieuse des enfants
Éducation religieuse des enfants
Un exemple de comment la noblesse française voyait l`éducation religieuse des enfants.
La formation de la noblesse : quelques aspects
Extrait de : La maison de Bourbon, « escolle de vertu et de perfection ». Anne de France, Suzanne de Bourbon et Pierre Martin
Élodie Lequain
Pour définir les règles de vie nécessaires à une noblesse vertueuse digne de la maison de Bourbon, Anne de France et Pierre Martin puisent dans des sources qui réservent peu de surprises. Anne de France se sert de son expérience personnelle et cite les Pères et Docteurs de l'Église, Boèce et le « docteur Lyénard » très souvent, Socrate, Ovide et Aristote ponctuellement48. Docteur en théologie, Pierre Martin compile les citations des Écritures. Chaque chapitre de l'Érudition ou presque commence par les Psaumes de David qui sont une référence récurrente dans le traité. Il a recours également à de nombreux auteurs antiques dont Aristote, Cicéron, Sénèque, Salluste, Plutarque ou encore Végèce49. Enfin il est ouvert aux auteurs plus récents comme Jean Gerson, Robert Holcot ou Antonin de Florence50.
L'éducation religieuse est essentielle. Anne de France résume les principaux points auxquels Suzanne devra être attentive avec ses enfants. « Par quoy n'y devez plaindre vostre peine, à les bien enseigner et aprendre, selon vostre pouvoir, et leur petit entendement, premièrement les articles de la foy, les commandements de la loy, et en quelle manière on y peult pécher ; aussi des sept péchez mortelz, et comment on se doit confesser, leurs contenances à l'église et aux prédications, et comment en grant révérence et humilité de cueur, doivent recevoir leur créateur ». Il faut surveiller particulièrement les filles car « c'est charge bien dangereuse »51. Sur le modèle de sainte Anne, la mère est une enseignante avisée grâce aux livres d'heures qui servent aussi de premiers livres de lecture aux enfants52. Anne de France préconise de prier souvent et de suivre la messe « en grant dévotion et tous jours à genoulx, si possible est, en aïant les yeulx ententiz envers le prestre à l'autel, ou en vostre livre ». Pierre Martin développe le programme proposé par Anne de France sans innover. Le noble vertueux est d'abord un bon chrétien. Le frère y consacre l'essentiel du chapitre cinq. Dès l'enfance, les parents doivent inculquer les bases de la foi, la façon de se tenir à l'église, la nécessité de se confesser et d'écouter avec attention la parole divine53. Outre les gestes de dévotion à accomplir, il faut quotidiennement rechercher les vertus et fuir les vices. Orgueil, luxure, gloutonnerie et ivresse sont des écueils à éviter. Ils sont souvent favorisés par l'oisiveté qui encourage à mal agir. Pierre Martin consacre de longs chapitres du traité à ces thèmes54.
Plongé dans le monde, le noble doit être vigilant envers son entourage. De sa mère, Suzanne apprend la bonne façon de se comporter avec les autres et à demeurer toujours méfiante car « dient les saiges que on doit avoir yeulx pour toutes choses regarder, et rien veoir, oreilles pour tout ouyr et rien sçavoir, langue pour respondre à chascun, sans dire mot qui à nully puisse estre en rien préjudiciable ». Pierre Martin insiste sur le danger que représentent les flatteurs et les moqueurs55. Mais la vigilance doit aussi s'exercer envers soi-même. Le contrôle des gestes est généreusement et classiquement traité par Anne de France car le regard des hommes sur le comportement féminin est inquisiteur, particulièrement envers les nobles dames qui doivent représenter un idéal de perfection. Aussi Anne met-elle en garde : « ne faictes de vos mains, comme font aucunes jeunes filles, qui, par folle acoustumance, ont tousjours sans cause la main au nez, ou à la bouche, aux yeulx, ou aux oreilles, qui est très mal séant, mesmement à nobles femmes, qui, voluntiers, sont plus regardées que les autres [...] car, en toutes choses, elles sont, et doivent estre, le mirœr patron et exemple des autres ». Pierre Martin s'intéresse aussi à la discipline de l'apparence car « veoir un gentilhomme bigarré et dechiqueté n'est pas signe de prudence ou gravité, mais de follie et ligereté, et peult on juger qu'ilz sont autant descoupez, dechiquetés et variez par dedans en leur esprit comme par dehors »56. Une apparence désordonnée trahit une disposition intérieure incontrôlée et vicieuse. En s'appuyant sur saint Paul, Pierre Martin souligne l'importance pour les femmes nobles d'avoir un habillement honnête. Là encore Suzanne savait déjà, grâce à sa mère, qu'il lui faudrait tenir ses filles « raisonnablement habillées »57.
La formation intellectuelle est envisagée également dans les deux textes. Anne de France conseille rapidement à Suzanne quelques lectures édifiantes comme le « livret du preudhomme de sainct Lis, celui de sainct Pierre de Luxembourg, les sommes le roy, l'orologe de Sapience, ou aultres livres de vie des Saincts, aussi les dictz des philosophes et anciens saiges » qui permettent de passer le temps de façon honnête ainsi que la fréquentation des sages « pour apprendre et retenir quelques bons enseignemens et doctrines »58. Pensant à la naissance prochaine d'un héritier mâle, Pierre Martin proclame que « c'est chose vituperable et deshonneste d'estre noble homme imprudent, ignorant et mal instruit ». Il recommande le choix d'un précepteur compétent car « si les princes et nobles mectent doncques grande diligence de chercher et trouver bonne norrice aiant bon laict pour bien norrir le corps de leurs enfans, par plus forte et meilleure raison doibvent labourer et mectre peine de pourveoir d'ung bon et scientificque pere norricier, c'est a dire d'ung bon maistre et precepteur aiant bon laict de bonnes meurs et de science pour norrir et endoctriner l'ame de leur lignee ». Sur le modèle de Plutarque pour Trajan, Sénèque pour Néron, Aristote pour Alexandre, Alcuin pour Charlemagne, le précepteur saura ouvrir l'esprit de son élève et, « selon l'eage », lui faire étudier les arts libéraux, les sciences humaines et les histoires « bonnes, honnestes, pudicques et catholicques »59. Pierre Martin n'oublie pas de signaler que les frères mendiants sont de très bons maîtres. Louis VIII et Blanche de Castille ne s'y sont pas trompés puisque « les parentz du roy sainct Loys, pour le faire bon et scientificque, luy donnerent pour maistres et precepteurs deux bons docteurs en theologie, l'ung de l'ordre des freres prescheurs et l'autre de l'ordre des freres mineurs »60. Remarque intéressante car on ignore qui a pris en charge la formation du saint roi61. Mais Pierre Martin est certain que Louis IX a reçu un enseignement de grande qualité évidemment dispensé par les ordres mendiants. Peut-être plaide-t-il indirectement pour qu'on lui confie ce rôle auprès du futur héritier ?
Pierre Martin partage bien des points communs avec ses prédécesseurs qui ont écrit pour les rois et les princes. Il suit les traces d'autres prêcheurs comme Guillaume Peyraut ou Vincent de Beauvais qui adressa son traité à la reine Marguerite de Provence pour aider à l'éducation des enfants royaux. Originaire de Bourges, Pierre Martin a pu aussi apprécier le traité composé par Gilles de Rome, archevêque de cette ville à partir de 1295. Les prescriptions de Pierre Martin recoupent en partie celles dispensées par Anne de France et par ces textes bien connus62. Au début du XVIe siècle, l'intérêt que l'on porte aux anciens miroirs des princes est notable. La traduction en français du Liber de informatione principum faite par Jean Golein pour le roi Charles V est éditée à Paris en 1517. Le Speculum dominarum écrit par Durand de Champagne pour la reine Jeanne de Navarre († 1305) est traduit et remanié par Ysambert de Saint-Léger pour la sœur de François Ier, Marguerite de Navarre, vers 1528. À défaut d'être originale dans ses préceptes, l'Érudition de Pierre Martin se veut bourbonnaise dans ses exemples.
Un exemple de comment la noblesse française voyait l`éducation religieuse des enfants.
La formation de la noblesse : quelques aspects
Extrait de : La maison de Bourbon, « escolle de vertu et de perfection ». Anne de France, Suzanne de Bourbon et Pierre Martin
Élodie Lequain
Pour définir les règles de vie nécessaires à une noblesse vertueuse digne de la maison de Bourbon, Anne de France et Pierre Martin puisent dans des sources qui réservent peu de surprises. Anne de France se sert de son expérience personnelle et cite les Pères et Docteurs de l'Église, Boèce et le « docteur Lyénard » très souvent, Socrate, Ovide et Aristote ponctuellement48. Docteur en théologie, Pierre Martin compile les citations des Écritures. Chaque chapitre de l'Érudition ou presque commence par les Psaumes de David qui sont une référence récurrente dans le traité. Il a recours également à de nombreux auteurs antiques dont Aristote, Cicéron, Sénèque, Salluste, Plutarque ou encore Végèce49. Enfin il est ouvert aux auteurs plus récents comme Jean Gerson, Robert Holcot ou Antonin de Florence50.
L'éducation religieuse est essentielle. Anne de France résume les principaux points auxquels Suzanne devra être attentive avec ses enfants. « Par quoy n'y devez plaindre vostre peine, à les bien enseigner et aprendre, selon vostre pouvoir, et leur petit entendement, premièrement les articles de la foy, les commandements de la loy, et en quelle manière on y peult pécher ; aussi des sept péchez mortelz, et comment on se doit confesser, leurs contenances à l'église et aux prédications, et comment en grant révérence et humilité de cueur, doivent recevoir leur créateur ». Il faut surveiller particulièrement les filles car « c'est charge bien dangereuse »51. Sur le modèle de sainte Anne, la mère est une enseignante avisée grâce aux livres d'heures qui servent aussi de premiers livres de lecture aux enfants52. Anne de France préconise de prier souvent et de suivre la messe « en grant dévotion et tous jours à genoulx, si possible est, en aïant les yeulx ententiz envers le prestre à l'autel, ou en vostre livre ». Pierre Martin développe le programme proposé par Anne de France sans innover. Le noble vertueux est d'abord un bon chrétien. Le frère y consacre l'essentiel du chapitre cinq. Dès l'enfance, les parents doivent inculquer les bases de la foi, la façon de se tenir à l'église, la nécessité de se confesser et d'écouter avec attention la parole divine53. Outre les gestes de dévotion à accomplir, il faut quotidiennement rechercher les vertus et fuir les vices. Orgueil, luxure, gloutonnerie et ivresse sont des écueils à éviter. Ils sont souvent favorisés par l'oisiveté qui encourage à mal agir. Pierre Martin consacre de longs chapitres du traité à ces thèmes54.
Plongé dans le monde, le noble doit être vigilant envers son entourage. De sa mère, Suzanne apprend la bonne façon de se comporter avec les autres et à demeurer toujours méfiante car « dient les saiges que on doit avoir yeulx pour toutes choses regarder, et rien veoir, oreilles pour tout ouyr et rien sçavoir, langue pour respondre à chascun, sans dire mot qui à nully puisse estre en rien préjudiciable ». Pierre Martin insiste sur le danger que représentent les flatteurs et les moqueurs55. Mais la vigilance doit aussi s'exercer envers soi-même. Le contrôle des gestes est généreusement et classiquement traité par Anne de France car le regard des hommes sur le comportement féminin est inquisiteur, particulièrement envers les nobles dames qui doivent représenter un idéal de perfection. Aussi Anne met-elle en garde : « ne faictes de vos mains, comme font aucunes jeunes filles, qui, par folle acoustumance, ont tousjours sans cause la main au nez, ou à la bouche, aux yeulx, ou aux oreilles, qui est très mal séant, mesmement à nobles femmes, qui, voluntiers, sont plus regardées que les autres [...] car, en toutes choses, elles sont, et doivent estre, le mirœr patron et exemple des autres ». Pierre Martin s'intéresse aussi à la discipline de l'apparence car « veoir un gentilhomme bigarré et dechiqueté n'est pas signe de prudence ou gravité, mais de follie et ligereté, et peult on juger qu'ilz sont autant descoupez, dechiquetés et variez par dedans en leur esprit comme par dehors »56. Une apparence désordonnée trahit une disposition intérieure incontrôlée et vicieuse. En s'appuyant sur saint Paul, Pierre Martin souligne l'importance pour les femmes nobles d'avoir un habillement honnête. Là encore Suzanne savait déjà, grâce à sa mère, qu'il lui faudrait tenir ses filles « raisonnablement habillées »57.
La formation intellectuelle est envisagée également dans les deux textes. Anne de France conseille rapidement à Suzanne quelques lectures édifiantes comme le « livret du preudhomme de sainct Lis, celui de sainct Pierre de Luxembourg, les sommes le roy, l'orologe de Sapience, ou aultres livres de vie des Saincts, aussi les dictz des philosophes et anciens saiges » qui permettent de passer le temps de façon honnête ainsi que la fréquentation des sages « pour apprendre et retenir quelques bons enseignemens et doctrines »58. Pensant à la naissance prochaine d'un héritier mâle, Pierre Martin proclame que « c'est chose vituperable et deshonneste d'estre noble homme imprudent, ignorant et mal instruit ». Il recommande le choix d'un précepteur compétent car « si les princes et nobles mectent doncques grande diligence de chercher et trouver bonne norrice aiant bon laict pour bien norrir le corps de leurs enfans, par plus forte et meilleure raison doibvent labourer et mectre peine de pourveoir d'ung bon et scientificque pere norricier, c'est a dire d'ung bon maistre et precepteur aiant bon laict de bonnes meurs et de science pour norrir et endoctriner l'ame de leur lignee ». Sur le modèle de Plutarque pour Trajan, Sénèque pour Néron, Aristote pour Alexandre, Alcuin pour Charlemagne, le précepteur saura ouvrir l'esprit de son élève et, « selon l'eage », lui faire étudier les arts libéraux, les sciences humaines et les histoires « bonnes, honnestes, pudicques et catholicques »59. Pierre Martin n'oublie pas de signaler que les frères mendiants sont de très bons maîtres. Louis VIII et Blanche de Castille ne s'y sont pas trompés puisque « les parentz du roy sainct Loys, pour le faire bon et scientificque, luy donnerent pour maistres et precepteurs deux bons docteurs en theologie, l'ung de l'ordre des freres prescheurs et l'autre de l'ordre des freres mineurs »60. Remarque intéressante car on ignore qui a pris en charge la formation du saint roi61. Mais Pierre Martin est certain que Louis IX a reçu un enseignement de grande qualité évidemment dispensé par les ordres mendiants. Peut-être plaide-t-il indirectement pour qu'on lui confie ce rôle auprès du futur héritier ?
Pierre Martin partage bien des points communs avec ses prédécesseurs qui ont écrit pour les rois et les princes. Il suit les traces d'autres prêcheurs comme Guillaume Peyraut ou Vincent de Beauvais qui adressa son traité à la reine Marguerite de Provence pour aider à l'éducation des enfants royaux. Originaire de Bourges, Pierre Martin a pu aussi apprécier le traité composé par Gilles de Rome, archevêque de cette ville à partir de 1295. Les prescriptions de Pierre Martin recoupent en partie celles dispensées par Anne de France et par ces textes bien connus62. Au début du XVIe siècle, l'intérêt que l'on porte aux anciens miroirs des princes est notable. La traduction en français du Liber de informatione principum faite par Jean Golein pour le roi Charles V est éditée à Paris en 1517. Le Speculum dominarum écrit par Durand de Champagne pour la reine Jeanne de Navarre († 1305) est traduit et remanié par Ysambert de Saint-Léger pour la sœur de François Ier, Marguerite de Navarre, vers 1528. À défaut d'être originale dans ses préceptes, l'Érudition de Pierre Martin se veut bourbonnaise dans ses exemples.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
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