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Les devoirs des Grands – par le prince de Conti – 17 eme siècle

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Les devoirs des Grands – par le prince de Conti – 17 eme siècle Empty Les devoirs des Grands – par le prince de Conti – 17 eme siècle

Message par MichelT Sam 13 Nov 2021 - 3:43

Les devoirs des Grands – par le prince de Conti – 17 eme siècle

Approbation des Docteurs

A providence divine qui met les hommes dans l’élévation, permet ordinairement qu’ils manquent au milieu de leur abondance de conseillers fidèles dont ils puissent apprendre sans déguisement leurs obligations. On n’en vit jamais un plus puissant , ni qui flattât moins eue l’Auteur Illustre du Livre intitulé, Les Devoirs des Grands. Il est difficile de rencontrer ensemble de plus grandes qualités que celles qui ont éclaté en sa personne; et c’est assez pour être convaincu du mérite de cet ouvrage , de savoir que Monseigneur le Prince de Conti l’a composé. La grâce de Jésus-Christ avait joint à son auguste naissance une très solide piété , et cette piété était véritablement selon la science, puisqu’elle était éclairée des lumières divines qu’il avait puisées dans les sources de l‘Écriture sainte , des Conciles , et des saints Peres de l’Église. L’exemple de sa vie et le souvenir de ses vertus doivent porter non seulement tous les Grands du monde, mais encore ceux qui sont au-dessous de leur condition, à suivre les mêmes Maximes que ce Prince s’était prescrites pour sa conduite. Ainsi notre sentiment est, que ce Traité n’est pas seulement conforme aux Règles de la Religion Catholique, Apostolique et Romaine; mais que la lecture en sera d’autant plus utile, qu’elle enseigne une Morale très pure et très sainte qui servira à l’instruction de toute sorte de personnes. Fait en Sorbonne. 17 eme siècle

DE. BREDA. BOILEAU: RIBEYRAN. MALET.DE
- GRAVILLE DRUBEC.



1 - La Grandeur est une grâce extérieure, que Dieu fait à quelques hommes qu’il élève au-dessus des autres pour les gouverner. Cette Grandeur n’est point donnée pour la personne qui en est revêtue, mais elle est toute pour les autres: et ce n’est qu'un moyen dont Dieu se sert pour attirer les peuples au respect nécessaire, afin que les Grands exécutent avec plus de facilité et d’autorité , les fonctions de leur Ministère , qui est de gouverner ceux qui leur sont soumis avec piété et justice; et Dieu leur demandera un compte sévère de l’usage qu’ils en auront fait.

2 - Dans l’état d’innocence, s’il y eu de l’inégalité entre les hommes; cette grandeur eût été un moyen très facile pour acquérir la sainteté parce que l’homme ayant un Empire absolu sur lui-même en eût fait aisément un bon usage , en l’employant uniquement à la fin pour laquelle elle lui était donnée, comme il eût employé la santé; les richesses , la beauté, et les autres avantages naturels.

3 - Mais depuis le péché du premier homme, quoi que cette grandeur ne soit pas devenue mauvaise, elle est devenue toutefois un piège presque inévitable, parce qu’elle porte à l’orgueil, contre lequel Jésus-Christ est principalement venu combattre.

4 - Un véritable Chrétien doit s’affliger sincèrement et s’humilier profondément, de se voir dans la grandeur et dans les dignités , parce que la grâce de Jésus-Christ réparateur , cherche , pour l’ordinaire , les personnes les plus viles et les plus méprisables selon le monde, et qu’il faut craindre qu’on ne soit Prince et Grand, par les arrêts sévères de sa justice. «Vous voyez mes frères ( dit Saint Paul) que de tous ceux que Dieu a appelé à la Foi, il y en a peu de Puissants et peu de Nobles.  Mais Dieu a choisi les faibles selon le monde pour confondre les Puissants et pour détruire par ce qui n`était rien, ce qui était de plus grand; afin que nul homme n`est sujet de se glorifier devant Lui.» (Première Épitre aux Corinthiens)

5- Les obstacles à la pratique de l’Évangile, pour les puissants, sont presque infinis. Mais il y en a quatre principaux.

L’Évangile ne recommande rien tant que l’humilité. Cet état porte à l’orgueil.

L’Évangile ne prêche que la pénitence. Cet état est rempli de mollesse, de
délicatesse et de luxe.

L`Évangile ne nous montre rien de plus rien de si nécessaire, que l’amour du prochain, la compassion a ses peines, et l`application à son soulagement. Cet état ne donne ordinairement pour le prochain que du mépris, de l`indifférence, de l’insensibilité.

L’Évangile et toute l`Écriture sainte, nous représente l`homme pécheur, condamné à la peine et au travail. Cet état favorise les délices, la paresse et l`oisiveté.

6- Il faut donc qu’un Grand, se voyant environné de tant d’obstacles à son salut, au lieu qu’on lui persuade qu'il est plus heureux que tous les autres; croit fermement qu’il est plus misérable lorsqu’il conjure la miséricorde de Dieu , de lui donner part à cette grâce, qui purge le venin des grandeurs , et qui est capable de vaincre toute leur malignité.

Qu’il reconnaisse la rareté de cette grâce, voyant qu’il y a une infinité de Saints, et que néanmoins il y a si peu de Grands et de Princes qui soient du nombre. Qu’il aime toute sa vie , ceux qui lui diront les vérités, dont nous venons de parler , et qu’il craigne et fuit comme la mort, ceux qui fortifieront ses défauts , par des flatteries. Qu’il fasse servir sa grandeur , à faire honorer la grandeur de Dieu partout. Premièrement, en lui-même; secondement , dans sa famille, troisièmement, dans ses terres ; et enfin dans ses Gouvernements; et quelque pieux qu’il soit d’ailleurs , qu’il soit certain, que s’il omet quelqu’un de ces Devoirs, il manque à sa vocation.

Il ne suffit donc pas; pour son salut qu’il fasse les choses communes et ordonnées aux personnes particulières , et il est très possible, qu’ayant été un très bon et très dévot particulier , il soit damné pour n’être pas entré dans la pratique des Obligations de sa naissance, de ses charges et de ses emplois de sorte que sa condition n’est pas seulement difficile pour le salut, par les obstacles qu’elle traine avec elle; mais aussi par la multitude des obligations dont il doit s’acquitter , et par la nature des choses qu’il doit entreprendre , qui sont presque toutes fortes et grandes, comme de s’opposer partout aux injustices , aux oppressions, aux violences. De là vient qu’un particulier pour se sauver avec une vertu commune, et qu’un Grand ne le peut qu’avec une vertu héroïque.

7 - L’Écriture marque cette différence dans la condamnation qu’elle porte contre les Grands, qui ne se sont pas servis de leur grandeur , pour protéger la justice. «Écoutez donc, Rois de la Terre, apprenez Juges du monde, tenez vos oreilles attentives à ma voix, vous autres qui vous assujettissez les nations et qui vous plaisez dans la foule des peuples. Sachez que le pouvoir que vous avez, vous a été donné de Dieu, et que le Très-Haut qui vous a mis cette autorité en main, examinera toutes vos actions, pénétrera toutes vos pensées; parce que vous ayant établis les Ministres de ce Royaume vous n`avez point jugé selon l`équité, vous n`avez point gardé les règles de la Justice et vous ne vous êtes pas conduit selon la volonté de Dieu. Il se montrera a vous dans peu de temps et d`une manière terrible; parce que ceux qui commandent seront jugés rigoureusement : car la Miséricorde de Dieu est pour les faibles; mais les Grands souffriront de grands supplices. Dieu n`aura aucun égard à la qualité des personnes et il ne craindra point la grandeur de qui que ce soit; parce que il a fait les petits comme les grands et que sa Providence s`étend également sur les uns et les autres; mais les plus forts seront ceux qui endureront de plus grands tourments.» ( Sagesses 6,2)

8 - Toutes les vertus sont donc nécessaires à un Puissant pour se sauver et il est même nécessaire qu`il les ait dans un haut degré; mais principalement , il les doit avoir par rapport à son état; c`est-a-dire pour les opposer aux dérèglements que son état pourrait porter dans son entendement et dans sa volonté.

9- Premièrement , Il doit avoir une grande foi , pour croire fermement , que les grandeurs , qu’il ne voit point , sont préférables à celles qu’il voit; que ce qui parait grand aux yeux des hommes , est souvent une abomination devant Dieu: que l’on doit être dans une sincère préparation de, cœur , d’abandonner les biens de la vie présente lorsque les occasions s'en offriront, pour ne pas hasarder ceux de la vie future qu’il ne sert de rien à l'homme d’être maitre de tout le monde, s'il perd son âme; Et ainsi de toutes les autres maximes de l’Évangile desquels les s’il n’est convaincu d’une manière qui soit efficace et: qui le fasse agir conformément à sa persuasion établie sur ces principes invariables; il pourra bien faire quelques bonnes œuvres, ou par quelque ferveur de dévotion sensible , ou par quelque tendresse de conscience au moins lors que ces bonnes œuvres ne seront point contraires à ses inclinations naturelles,  mais lors qu’il sera question de surmonter sa nature en quelque chose de difficile, d’obéir à la Loi de Dieu au préjudice de quelque grand intérêt, de préférer sa conscience à son crédit, à sa réputation , à ses amis, à la Cour, à ses parents les plus proches, il sera trop faible pour cela, quelque dévotion sensible qu’il ait parce qu’il n’y a que les principes invariables de la Foi et de l’Évangile, quand ils sont profondément gravez dans  le cœur de l’homme, qui puissent opérer en lui une conduite Chrétienne , pour se vaincre soi-même et le monde si toutefois il est du nombre de ceux : « Qui demeurent fondé et affermis dans la Foi et inébranlable dans l`espérance que leur donne l`Évangile.» (Colossiens 1,23)

«Cette victoire par laquelle le monde est vaincu, est l`effet de notre foi.» (Premier épitre de St- Jean 5,4)

Quelques-uns des Princes de la Synagogue crurent en Jésus-Christ; mais ils n`osèrent le confesser publiquement parce que ils n`avaient pas la fermeté  de cette foi selon ces paroles de l’Évangile. « Quelques-uns néanmoins, des Principaux même, crurent en Lui; mais à cause des Pharisiens ils n`osèrent pas le reconnaitre publiquement pour n`être point chassé de la Synagogue; car ils ont plus aimés la gloire des hommes, que la gloire de Dieu.» ( St-Jean 12,42)

10 - Il doit avoir une grande espérance, pour se soutenir au milieu de toutes les difficultés presqu’insurmontables de son état : sachant que rien n’est impossible à Dieu, qu’il est fidèle , et qu’il ne l’a exposé à des combats si grands et si rudes, que pour lui donner la victoire et non pour le laisser accabler sous la puissance des ennemis qui l’environnent: selon cette parole du Sage : «Dieu l’engagea dans un rude combat, afin de le rendre victorieux.» ( Sagesse 10,12) Il ne doit point murmurer, comme les Israélites firent dans le désert , disant que Dieu les y avait conduits pour les faire mourir, mais attendre dans ses plus grands besoins la céleste manne de la grâce, qui lui fera vouloir et faire; qui le fera commencer et finir; qui le fera combattre et vaincre.

11 - Mais surtout sa charité doit être ardente, et toutes ses pensées, toutes ses actions , toutes ses paroles, tous ses mouvements, ne doivent rendre, qu’à l’accomplissement de ce grand et divin commandement, d’aimer Dieu sur toutes choses, ce qui ne se peut faire, qu`en travaillant continuellement, par des sacrifices intérieurs, à l’entière destruction de tous les amours du monde, et de toutes les choses qui sont dans le monde, et prévenant tous les jours dans son cœur cette destruction générale que Dieu en fera à la fin des siècles. Il ne doit tenir qu’à Dieu seul, et être toujours jours près dès qu’il s’agit de l’observation de ses Commandements , à lui sacrifier les choses qui lui sont les plus chères , comme sa Fortune, ses biens, ses établissements, sa famille; son honneur , et sa vie même,  écoutant le Seigneur et lui obéissant quand il lui dit comme a Abraham:  «Prends ton fils unique qui est l’objet de ton affection.»  ( Genèse 22,2). Son amour Pour Dieu, ne doit pas seulement consumer les choses grandes, mais même les plus petites, c’est le propre du feu  de tout consumer : « Car notre Dieu ( qui est la charité essentielle) est comme un feu dévorant.» (Hébreux 12,29)

Un Grand ne peut avoir un amour pour Dieu , proportionné à ce que demande  son état et sa vocation, si cet amour n’égale presque celui des Martyrs; parce que ses occupations ordinaires , ses affaires et ses emplois , lui fournissent tous les jours des occasions de se trouver entre ses plus grands intérêts, et l’observation de la Loi de Dieu et qu’il est vrai qu’il ne peut se sauver en ces rencontres , qu`en donnant, pour ainsi dire, avec profusion à Dieu ce qu’il a de plus cher, et qu’on lui peut appliquer ces paroles , que l’Église chante à la Messe du grand St-Laurent : « Sa sainteté et sa magnificence reluisent dans les actions qui le sanctifient.» ( Psaume 95,6)

12 - Son amour pour le prochain, ne doit pas être moindre , il doit être aussi grand que sa foi;  il doit être Catholique aussi bien qu’elle ;  il n’est pas véritablement Chrétien, si l’un n’est aussi universel que l’autre. La Foi doit embrasser tous les dogmes, sans en excepter un seul et l’amour du prochain, doit embrasser toutes les personnes, sans en excepter une seule : l’hérésie  n’étant pas plus opposée à l’Église, en attaquant la Vérité, que le schisme, la division et la haine , en attaquant son unité.

Un Grand doit se croire, encore plus obligé à cet amour , qu’un autre ;Chrétien, puisque par sa vocation, il est principalement l’homme du prochain , n’étant fait que pour lui , pour le soulager dans ses besoins, le consoler dans ses afflictions , le corriger dans ses manquements , lui rendre justice , le tirer de l’oppression le garantir et le protéger de la Violence. Si la Grandeur n’était pas toute pour le prochain, et que celui qui la possède pût la garder , comme ,une chose qui lui appartient , elle serait le plus grand de tous les maux; puisqu’elle n’aurait plus d’autre usage, ni d’autre emploi, que d’être la pâture de l’orgueil, et de l’amour propre.

Un Grand doit donc être pleinement ,persuadé qu’il renverse l’ ordre que Dieu a établi dans le monde, et surtout dans le monde Chrétien, quand  il croit que ses inférieurs soient faits pour lui, au sens, duquel nous parlons présentement en sorte qu’il puisse disposer d’eux comme il lui plait fins un sujet raisonnable qui ait un véritable rapport a l’avantage de ces mêmes inferieurs, mais c’est plutôt lui qui leur appartient , et qui doit être tout à tous. Jésus-Christ marque cette vérité , et montre ce renversement dans l’exemple des Gentils, et le véritable ordre de ces choses dans son propre exemple.

C’est au Chapitre 22 de Saint Luc; en ces termes. «Les Rois des nations du monde les dominent, et on donne le nom de bienfaiteurs a ceux qui les gouvernent souverainement. Qu`il n`en soit pas de même parmi vous, mais que celui qui est le plus grand devienne comme le moindre et celui qui gouverne, comme celui qui sert, car qui est le plus grande de celui qui est à table ou de celui qui sert?» ( Luc 22,25)

Il doit savoir que tout son superflu est le patrimoine de son prochain, lors qu`il est dans l`indigence; et qu`il lui doit même de son nécessaire lorsque son indigence est extrême. Que ce nécessaire ne doit pas être mesuré par la cupidité, ni par l’avarice , qui n’a point de bornes, ni par l’exemple de ses semblables , qui pour l’ordinaire comptent leurs plaisirs, et le luxe de leur tables , de leurs meubles, de leur équipage, de leurs bâtiments au nombre des choses les plus nécessaires mais par la raison, guidée par une modestie vraiment Chrétienne , qui sait trouver ce juste tempérament , qui bien loin de le ravaler au-dessous de sa condition , le rend beaucoup plus digne de vénération et de respect, et lui donne le moyen de soulager son prochain comme il y est obligé.

13 - Il a besoin d’une grande Prudence , pour se conduire dans les conjonctures difficiles; mais il doit éviter cette prudence de la chair, qui est ennemie de Dieu considérant que les hommes sont des aveugles, que leurs desseins des mieux concertés, en apparence , manquent pour l’ordinaire , nonobstant toute leur application , par les endroits les moins prévus , ou même par les moyens qu’ils avaient choisis pour les faire réussir et qu’enfin Dieu s’est toujours plût à confondre la sagesse du siècle et à renverser les projets que sont les plus grands Politiques , ou pour leur propre conservation, ou pour l`établissement de leurs successeurs; ou même pour les plus grandes conquêtes.

Sa Prudence doit être réglée par des maximes plus certaines : il doit croire les règles de l’Évangile et de l’Église plus sures que toute la politique des hommes, et lors qu’il suit ces règles, il doit marcher dans l’espérance contre l’espérance  il n’en doit jamais plus avoir que lorsque les moyens humains lui manquent,  et alors que tout lui parait désespéré; puisqu’il préfère dans sa conduite les règles que Dieu lui a prescrites à celles que le monde propose, il doit attendre les effets  de ces promesses divines , lors même qu’il voit les causes secondes le moins disposées à les produire, sachant que Sara, toute stérile qu’elle était, ne laissa pas de concevoir Isaac; qu’Abraham ne douta point que l’obéissance par laquelle il voulait immoler son fils , ne fût le moyen le plus propre et le plus certain pour le rendre père des Nations , et que Dieu s’est principalement servi du Martyre et de la mort; qui est la chose la plus contraire à la multiplication; pour multiplier les Chrétiens et qu’enfin la mort même de Jésus-Christ souverain Législateur de la loi de grâce , qui dans l’intention des Juifs devait abolir, et éteindre l’Église Chrétienne , a établi sa durée jusqu’à la fin du monde, sans que les portes de l’Enfer puissent jamais prévaloir contre elle.

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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