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« Quelques années suffiront pour que toutes traces arméniennes soient nettoyées du Haut-Karabakh »

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« Quelques années suffiront pour que toutes traces arméniennes soient nettoyées du Haut-Karabakh » Empty « Quelques années suffiront pour que toutes traces arméniennes soient nettoyées du Haut-Karabakh »

Message par Lumen Sam 28 Oct 2023 - 21:54

« Quelques années suffiront pour que toutes traces arméniennes soient nettoyées du Haut-Karabakh »

Représentant en France de la république autodéterminée du Haut-Karabakh, annexée par l’Azerbaïdjan le 20 septembre 2023, Hovhannès Guevorkian dénonce un nettoyage ethnique du territoire. Le patrimoine religieux arménien pourrait y disparaitre à jamais. Entretien.

« Quelques années suffiront pour que toutes traces arméniennes soient nettoyées du Haut-Karabakh » Tzitzerrnavanq_vue_gen._sud-est_de_la_basilique
Vue générale de la basilique de Tzitzerrnavanq, située dans l'Artsakh. - DR


Un mois après l’attaque du Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan, que sont devenus les Arméniens qui ont été contraints de fuir ?

Depuis l’attaque éclair lancée par l’Azerbaïdjan le 19 septembre 2023, 105 000 personnes sont arrivées en Arménie et en une semaine, les réfugiés ont été répartis dans tout le pays et accueillis comme des frères et sœurs, chez des amis, des connaissances, des proches, des gens généreux. Le tissu associatif s’est déployé aussi pour installer les exilés dans des appartements vides.

Aujourd’hui, il n’y a plus que huit Arméniens sur le territoire du Haut-Karabakh. Des prisonniers de guerre sont aussi retenus à Bakou (capitale de l’Azerbaïdjan, ndlr), dont trois anciens présidents de la république du Haut-Karabagh, le président en exercice de l’Assemblée nationale, trois anciens ministres et un ancien général d’armée. Le dernier président de la République en exercice, Samuel Shahramanian, investi deux semaines plus tôt, a pu trouver refuge à Erevan.

Quelles actions auraient pu être mises en place, notamment au niveau international, pour tenter d’éviter un tel drame ?

Plusieurs voix se sont élevées pour prédire cette catastrophe et dénoncer l’immobilisme sur le plan international. En février 2023, la Cour internationale de justice ordonnait à l’Azerbaïdjan la fin du blocus imposé au Haut-Karabakh depuis décembre 2022, et la libre-circulation sur le couloir de Latchine, qui relie ce territoire à l’Arménie. Mais les états membres de l’ONU n’ont rien fait pour faire respecter ces ordonnances. Il y a eu beaucoup de déclarations, de regrets et d’appels, mais le blocus a duré dix mois, sans que rien ne se passe. Il aurait fallu des sanctions contre l’Azerbaïdjan, comme cela a été le cas contre la Russie au moment où elle a envahi l’Ukraine. Une aide humanitaire aurait dû être organisée pour venir en aide aux civils, comme à Gaza. Mais au Haut-Karabakh, rien n’a été mis en place. L’Azerbaïdjan est une dictature qui ignore tout du droit international. Le racisme anti-arménien est une façon pour le pouvoir azéri de contenir le mécontentement dans son propre pays, en cristallisant les oppositions à l’extérieur. Pourtant, l’Union européenne continue à signer des contrats gaziers avec ce pays dont les valeurs sont contraires à toutes celles qu’elle proclame.

Peut-on parler de génocide ?

Un génocide se définit comme une action intentionnelle visant à détruire totalement ou partiellement, un groupe de personnes. Or la destruction d’un groupe n’est pas uniquement physique. La déportation est aussi un outil. Le peuple ainsi dispersé ne peut plus préserver ni sa langue, ni ses traditions.  Sans nécessairement tuer les individus, les faire disparaître en tant que groupe, constitue un processus génocidaire.

Le patrimoine religieux arménien au Haut-Karabakh risque-t-il d’être rayé de la carte ?

Le patrimoine culturel arménien se résume essentiellement à ses sites religieux, monastères et églises. Du fait des dominations successives que l’Arménie a subi, il n’y a pas beaucoup de constructions civiles préservées. L’Eglise arménienne, autocéphale et indépendante, ainsi que la langue arménienne, avec son alphabet créé au Vème siècle, sont deux éléments marqueurs de l’identité arménienne, partagés avec aucun autre peuple. Mais pour les 10 000 sites chrétiens multiséculaires du Haut-Karabakh, il n’y a aucun espoir. L’Azerbaïdjan fera tout pour supprimer toutes traces de l’existence des Arméniens sur ce territoire, comme elle l’a déjà fait dans d’autres régions offertes par les bolchéviks contre la volonté de la population arménienne, tel que le Nakhitchevan. Dans ces régions qui n’ont pas menées de lutte politique, il n’y a plus ni Arméniens, ni aucun signe d’un quelconque édifice chrétien. Même les cimetières ont été rasés. Les Azéris créent délibérément des environnements dénaturés, pour que les Arméniens ne souhaitent même plus revenir car ils ne retrouveront plus rien. Soit ils rasent les édifices, soit ils se les approprient en supprimant les marqueurs arméniens, soit ils les transforment en mosquées ou autre chose. Quelques années suffiront pour que toutes traces arméniennes soient nettoyées du Haut-Karabakh.

Que faites-vous aujourd’hui pour assister les exilés du Haut-Karabakh en Arménie ?

J’essaie de coordonner l’aide qui passe par des moyens financiers, humains et juridiques. L’Azerbaïdjan a eu beau déclarer que les Arméniens du Haut-Karabakh sont des citoyens azéris, elle n'a pas hésité à les affamer pendant un blocus de dix mois, à leur faire subir une terreur verbale par la bouche même de son président Ilham Aliyev, qui menaçait de les expulser comme des chiens, et à les tuer, de manière si violente qu’ils ont quitté tout ce qu’ils avaient de plus cher en une semaine. Pourtant, les Arméniens du Haut-Karabakh ont des droits collectifs : à l’autodétermination et à la préservation de leur patrimoine culturel, églises et monastères notamment, et aussi des droits individuels sur les maisons, champs et appartements qu’ils ont laissés. Ils ont un droit de retour qui doit pouvoir se passer dans de bonnes conditions. Mon rôle aujourd’hui est de m’occuper de ces êtres humains dépossédés, déracinés et privés de tout, en défendant ces droits.

Comment garder espoir pour l’Arménie ?

Comment vivre sans espoir ? Je veux croire en l’avenir du Haut-Karabakh arménien, mais c’est difficile. Cependant, j’appartiens à un peuple qui a survécu à un génocide de plus d’un million et demi de personnes. On a tenté de nous déshumaniser pour nous exterminer plus facilement, mais nous nous sommes reconstruits, et avons résisté à cette volonté d’éradiquer notre civilisation. J’ai souvent entendu mes parents, mes grands-parents dire : il ne faut pas mentir car nous sommes arméniens. La vertu est devenue une part de notre identité tant nous avons voulu exister en tant qu’êtres humains. Les personnes déplacées en Arménie avec lesquelles je suis en lien, ont tout perdu. Elles racontent leur souffrance de manière très émotionnelle, mais quand je leur demande comment elles vont, elles répondent : « nous sommes vivants ! »




Anne-Françoise de Taillandier

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Date d'inscription : 09/11/2021
Localisation : France

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