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Livre: La vie chrétienne au milieu du monde - entretiens pratiques - Princesse Carolyne de Sayn-Wittgenstein

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Livre: La vie chrétienne au milieu du monde - entretiens pratiques - Princesse Carolyne de Sayn-Wittgenstein  Empty Livre: La vie chrétienne au milieu du monde - entretiens pratiques - Princesse Carolyne de Sayn-Wittgenstein

Message par MichelT Ven 4 Jan 2019 - 19:13

Jeanne Élisabeth Carolyne de Sayn-Wittgenstein, née Iwanowska, est une princesse russo-polonaise, née en 1819 et morte en 1871 à Rome.

La vie avec Dieu
La vie avec soi-même
La vie avec le prochain



Livre: La vie chrétienne au milieu du monde - entretiens pratiques - Princesse Carolyne de Sayn-Wittgenstein  260px-Carolyne_von_Sayn-Wittgenstein_1847


TABLE DES MATIÈRES

LA VIE AVEC DIEU

ADHÉSION A LA VOLONTÉ DE DIEU


Pour Dieu ou contre Dieu. - Le choix. - La dette envers Dieu. - La Reconnaissance. - Rien n'est grand, rien n'est petit. - La meilleure place. - Providence de Dieu. - Adhésion . .

Différence entre l'Adhésion et la soumission. - Les dons de Dieu. - Les injustes plaintes. - La vraie balance. - Tristesse et allégresse.

Adhésion joyeuse. - Aimer notre lot. - Les pratiques et la pratique. - Les mécontentements. - Adhésion à Dieu, premier fondement de toute vie chrétienne. . . .

OUBLI DE DIEU

On oublie Dieu dans la joie. - On oublie Dieu, en se croyant créé inutilement et pour sa propre satisfaction. - La Lettre morte et l'Esprit de Vie. - L'amour du Moi.-
La vie partagée. – Grandes pratiques.- Multiples discours. - Petits actes. - Apostolat des femmes. . . .

Fêtes et spectacles. - La représentation des classes riches. - Le domaine de l'Art. - Connaissance et amour du Bien. - Connaissance et amour du Beau. - Le vrai souvenir de Dieu. .. .

Les prodromes d'un mariage.- Oubli de Dieu. - oubli de la raison. - Les mille déterminations de la vie. . .

LA VIE AVEC SOI-MÊME

DE L'ABNÉGATION

Le Devoir envers soi-même. - L'abdication du Moi. - Les trois natures d'âmes. - Vrai et faux renoncement. - L'abdication parfaite. - Les jugements du monde . . .

Différence des vertus de l'homme et des vertus de la femme. - Violence et faiblesse de l'homme. - Servitude et influence de la femme. - L'épouse mondaine. - L'épouse
chrétienne. - La parole de saint Paul et les traditions féminines. - L'éternelle dépendance . .

Les abnégations de bonne grâce. - Les abnégations minuscules .- L'abnégation des pauvres et celle des riches. - Les découragements et la constance . ..


DU MONDE

Qu'est-ce que le Monde ? - Haïr le Monde, formé par les hommes. - Aimer les hommes, formant le Monde. -  Le Monde est partout où Dieu n'est pas. - La solution du problème . . .
Le Monde en nous-même.  - Le Monde hors de nous. - La grande contagion du mal.

Les idolâtres du Monde. - Les indifférences et les atrocités de l'idole. - Les condamnés à la vie du Monde. - Identité du Monde, sous le velours et sous la toile. . .

L'hypocrisie est l'essence du Monde. - Moyen de tirer un bien de ce mal. - Ingratitude du Monde. - Ingratitude humaine. - Les joies chrétiennes de la reconnaissance.

Le Monde est le royaume du mensonge. - De la Charité et de l'Humilité. - L'Humilité des saints. - Trois réflexions de nature à exciter l'humilité. - Connexion intime de l'Humilité et de la Charité.- Être et paraître. - Des antipathies. - Les deux victoires sur le Monde.

VIE AVEC LE PROCHAIN

LA FAMILLE

La Patience

Patience nécessaire à toute affection.- La Patience est le génie des femmes. - Lâcheté n'est point Patience - Patience n'est point lâcheté. - Des fruits de la patience.

Le champ d'action de la Patience. - Patience maternelle. - Patience filiale.- Patience de l'épouse - Patience de la maîtresse de maison. - Patience envers les inférieurs. - Patience envers les visiteurs.

Les œuvres de miséricorde spirituelle. - Supporter. - Pardonner.- La découverte du P. Gratry.- Les écueils de la confidence.  

Patience avec soi-même .- Patience intéressée n'est point patience. - La Patience des malades. - La perfection de la Patience est de ne point laisser soupçonner qu'on
est patient. ..

De l'Ennui

Le mal de l'Ennui est un grave péché dont on ne songe pas à se faire un cas de conscience.- Les effets de l'Ennui directement opposés à ceux de la Patience. -
Défaut féminin. - Causes de l'Ennui. - Incompatible avec l'Adhésion à la volonté de Dieu. - Inévitable pour les âmes qui prennent pour but les joies de la vie  - Caractère dissolvant et résultats affreux de l'Ennui.

C'est l'Oubli de Dieu qui engendre l'Oisiveté, mère de l'Ennui. - La vocation de chacun. - Les labeurs et les devoirs de chacun La tâche des riches. - Les faux remèdes de l'Ennui. - Les formes vides de certaine dévotion. - Les vrais remèdes à l'Ennui du cœur.- Les vertus de Marthe. . .( Marthe et Marie dans l`Évangile)

Ennui de l'esprit. - Grand vice de l'éducation des femmes : ne point les habituer à savoir être seules. - Gardez votre maison et votre maison vous gardera.- Le travail
remplit la vie, que les sociétés vaines dissipent. -Joie d'un mari, joie des enfants, joie de soi-même.- La compagnie de l'Ange gardien. . . . . .

Le travail est le fruit des heures solitaires. - Devoir du travail. - Ses difficultés et ses joies. - Qui travaille prie. - Les écueils. - Les préservatifs de la vanité.-
- La place des femmes dans le domaine de l'esprit. - Effet social du travail de la femme.- Conclusion . .

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Extraits


INTRODUCTION  ( Extraits)

Les médecins conseillent, comme une chose favorable à l'hygiène, des moments de détente, durant lesquels il est bon d'interrompre nos labeurs quotidiens, afin de les reprendre ensuite avec une énergie renouvelée. Combien plus l'hygiène morale et intellectuelle gagnerait-elle à de pareilles suspensions des tâches et des soucis accoutumés ! La sagesse antique qui a dit « Connais-toi toi même », n'avait pas tout à fait ignoré l'utilité et le besoin pour l'homme de ces graves instants d'arrêt dans la marche et de réflexions solitaires. Les Pères de l'Église, les Apôtres et les Saints de tous les temps n'ont cessé d'en donner l'exemple et d'en prêcher la nécessité.

Aussi, trouvons-nous dans les traditions de la vie chrétienne, voire même de certaines écoles philosophiques, un usage très ancien et infiniment efficace. C'est celui de se soustraire, tantôt une heure, une demi-heure, un quart d'heure, chaque matin ou chaque soir, tantôt quelques jours chaque année, au torrent des occupations et inquiétudes profanes, pour examiner où l'on en est de son bilan avec Dieu, pour jeter en soi et autour de soi un sincère coup d'oeil, épuré de tout autre désir que celui de bien faire. On sort de cette loyale et religieuse étude amélioré, fortifié, éclairé. On demandait à Newton comment il avait découvert les lois de la gravitation : – « En y pensant », répondit-il. Si l'on veut pénétrer le grand secret de se former un caractère et une âme de chrétien, il faut y penser aussi.

Le fond même du Christianisme, le point central en lequel viennent se condenser sa théologie, sa philosophie et sa morale n'est autre que cette vérité primordiale que le Catéchisme enseigna à notre enfance : « Dieu nous a créés- pour le « connaître, - pour l'aimer, - pour le servir, - et, par ce moyen, acquérir la Vie éternelle » Tout est renfermé en ces quelques mots.

A l'homme de le comprendre, à lui de mesurer les choses à cet angle, à lui de se rendre compte des devoirs qui en découlent. Dans le but de nous guider et de nous aider dans ces périodes de retraite et de méditation, il a été fait un très grand nombre de livres, s'occupant exclusivement de ce que l'on nomme « la Vie intérieure ». Ils ont pour objet le travail à entreprendre, afin de s'exciter à l'amour de Dieu et, par là, devenir de moins en moins accessibles aux sollicitations du mal, de moins en moins capables de chutes et de faiblesses.

Quelques-uns de ces ouvrages sont parfaits et excellents. Saint Augustin, sainte Thérèse, saint Bernard, saint Bonaventure, Bossuet, en ont écrit d'admirables.  Mais, il faut l'avouer, la grande masse des chrétiens, obligés par état à vivre dans le monde, ne sauraient que rarement, et par exception, apporter à les méditer la contention et le long recueillement que de telles lectures exigent, pour produire leurs fruits.. Elles ne peuvent être que peu nombreuses, les âmes à qui il est permis, comme à Marie, de choisir la contemplation pour leur unique nourriture !

La part de Marthe, ayant également ses mérites, et étant d'ailleurs imposée à la presque universalité du genre humain, il existe, - en dehors de ces ouvrages de haute et sublime mysticité, -- d'autres livres, plus modestes, qui tendent à nous faire discerner clairement, non seulement la fin réelle et définitive pour laquelle nous fûmes créés, mais les moyens propres à l'atteindre, les écueils à éviter, les devoirs à remplir. Nous plaçant en face de ce que Dieu veut de nous, ils nous montrent de quelle manière nous avons à traduire en actes notre amour pour lui et notre zèle à le servir, dans les innombrables circonstances de choses et de personnes, qui constituent ici-bas notre champ d'action et notre chantier.

Ces livres sont aux premiers ce que les traités d'application sont à des traités de science pure. Ils enseignent à mettre en œuvre les notions spéculatives de la foi, - à passer du domaine de la théorie à celui de l'exécution, - à bien user des forces que l'on a pu acquérir, - à ne pas les perdre en d'inintelligents emplois, - à se mouvoir, librement et victorieusement, parmi les difficultés que l'on rencontre en soi-même et celles qui pro viennent de l'extérieur. Alors que les livres de spiritualité et de dévotion proprement dite travaillent à nous faire connaître Dieu et à l'aimer, ceux de méditation pratique nous apprennent à le mieux servir.

Les premiers, comme, par exemple, l'Imitation de Jésus-Christ ont un caractère durable et universel, parce que l'amour divin est, de sa nature, identique à lui-même dans tous les coeurs, quels que soient les individus et les siècles. Les seconds ont besoin d'être sans cesse renouvelés, parce que le service a mille formes diverses et changeantes, suivant les époques, les mœurs générales, les milieux particuliers, au sein desquels il se doit effectuer. Les principes ont l'immutabilité de ce qui est éternel : les conséquences à en tirer varient indéfiniment.

Aimer et servir Dieu sont cependant deux termes inséparables et corrélatifs ; car, si certaines existences sont spécialement vouées à l'amour et certaines autres au service, le contraste- n'est qu'apparent. Celles-là servent Dieu par la prière, par l'intercession; celles-ci lui témoignent leur amour par leurs œuvres. Les unes se concentrent dans un cercle déterminé; les autres offrent une multiplicité et une variété de tâches et d'occupations que les contemplatives ignorent.

Mais il est tout aussi impossible d'aimer Dieu dans le cloître, sans le servir conformément à la règle que l'on s'est prescrite, qu'il serait impossible de le servir dans le monde, sans l'aimer et sans l'adorer, en esprit et en vérité.  L'amour de Dieu et le service de Dieu sauraient si peu se disjoindre et se scinder, qu'on peut dire de l'amour qu'il ne trouve son but que dans le service, son repos que dans la fatigue, sa satisfaction que dans la peine, et, d'autre part, que le service ne trouve son point d'appui et sa force que dans l'amour. Les devoirs auxquels se consacrent les âmes qui ont tout quitté pour suivre la vocation contemplative, constituent sans doute la vie la plus parfaite, et émanent des plus parfaits. Et pourtant, hélas! Ce jardin fermé, où s'épanouissent les fleurs mystiques, n'est pas à l'abri des imperfections, ni même exempt de tous dangers.... Cette voie, d'aspect si sûr, doit être suivie avec crainte, éclairée de conseils et munie de grâces d'état ! A plus forte raison, quand on est dans le siècle, a-t-on à redouter les périls, et est-il nécessaire de demander les célestes secours, de porter la lampe au fond de soi-même, pour y bien voir toutes les façons d'être ou d'agir, par lesquelles on peut servir ou desservir Dieu ! -

Les oraisons ferventes seraient un leurre, le repentir des fautes passées ne serait que superficiel et trompeur, s'ils n'avaient pour effet de nous faire prendre le ferme propos d'employer désormais tous nos soins à nous mieux connaître, à mieux accomplir nos devoirs et notre devoir. - Que les douceurs de la prière, que les larmes même de la componction n'illusionnent pas notre conscience ! Maint arbre a réjoui les sens par la verdeur de ses feuilles, par l'éclat et le parfum de ses fleurs, par la fraîcheur de son ombre, et n'a pas porté de fruits, comme c'était sa mission. Tremblons de lui ressembler !

A ceux qui ont adopté la vie commune, il importe par-dessus tout de savoir servir Dieu dans le monde où ils vivent, dans ce monde plein d'erreurs et de trompe-l'oeil, sur soi comme sur autrui, et où il est si malaisé de mener à bonne fin ses affaires temporelles, et plus encore d'accomplir celles de Dieu! ... Et cependant, c'est de ces dernières que nous sommes réellement chargés; c'est à celles-là que nous sommes obligés de veiller, coûte que coûte, afin de ne pas encourir la terrible sentence qu'entendit, au retour de son Maître, le serviteur inutile.

Résolument déterminées à remplir leur tâche ici-bas, beaucoup d'âmes généreuses et nobles, n'ont souci que de savoir les moyens de le faire. Elles n'ont besoin que de distinguer, plus nettement et dans le détail, la ligne qu'elles doivent suivre et les dangers journaliers dont elles ont à se préserver. Songeant à ces âmes droites, en quête du Chemin de la Vie, nous avons essayé, autant qu'il est en nous, de leur donner quelques fils conducteurs pour les diriger dans ce labyrinthe de rapports sociaux, d'obligations et de nécessités, au sein duquel chacun doit éviter le mal, pratiquer le bien, tendre vers le mieux.

Ayant constamment vécu au milieu le monde, sans cesser, à toute occasion, de scruter avec soin et les autres et nous-même, il nous a semblé opportun d'utiliser pour autrui la longue expérience de nos jours écoulés. Nous voulons, avant de quitter cette terre, et songeant à ceux qui nous succéderont sur la route scabreuse et glissante, les faire profiter de lasomme d'observations et de réflexions, qui s'est lentement amassée en nous, durant le cours de ce voyage, où nos défaites comme nos victoires ont contribué à nous instruire.

En nous livrant à l'étude du coeur humain, tel qu'il fut et qu'il sera en tous les temps, nous avons spécialement mis en saillie les formes propres et les physionomies particulières qu'affectent,- en notre siècle et dans les sociétés contemporaines, les passions diverses, les qualités, les faiblesses, les vices, les défauts inhérents à notre nature. Et, pour cela, nous avons dû peindre les moeurs, les caractères, qui se rencontrent dans le cercle, grand ou petit, où nous nous mouvons. Si par ces analyses, sans amertume mais sans pitié, il nous arrive d'enseigner quelque peu l'art de connaître les hommes, ce n'est certes point pour que ceux qui nous liront goûtent le vain et souvent coupable plaisir de déchirer les masques et de discerner les personnes à travers les personnages ; c'est afin qu'ils apprennent à s'étudier eux-mêmes dans le prochain, à se réformer et à se corriger, en regardant à leur entour.

«Voulez-vous être parfait? dit un saint auteur : efforcez-vous d'éviter chez vous tout ce qui vous déplaît chez les autres. ». Ah! quelle école de perfection serait le commerce de nos semblables, si l'on savait se mettre à ce point de vue ! Répondant au désir de ceux qui se veulent sonder franchement afin de s'améliorer, l'auteur de ce livre s'est surtout appliqué à porter leur regard jusques en ces couches profondes et peu connues du coeur où s'agitent des sentiments vagues, flottants et incertains, qui ne semblent d'abord ni bons . ni mauvais, et desquels cependant surgissent parfois des catastrophes. Ne s'étant pas encore formulés en actes coupables, ils échappent ainsi à l'examen superficiel de soi-même, à la sagesse des conseils prudents, et même aux avertissements de l'expérience. Que de fautes nous nous épargnerions, que d'habitudes et de travers, plus tard irrésistibles, nous empêcherions de naître, si dès l'origine, à la source initiale, à la première heure ou plutôt au premier instant, nous savions mieux veiller sur la pureté de nos intentions, incrustables à tout oeil étranger, sur nos intimes dispositions d'humeur, sur nos fausses manières de concevoir les choses et de les ressentir.

Ce sont là les germes imperceptibles, d'où sort insensiblement cette multiplicité d'obstacles et de défauts enracinés, qui nous empêchent de nous conduire toujours, en tout, partout, selon la lettre et l'Esprit de l'Évangile, selon l'amour de Dieu et du prochain. Grande serait notre joie si les pages qui vont suivre répondaient en quelque degré au programme que nous nous sommes tracé. Nous voudrions que cet ouvrage rendît de moins en moins vraie la parole triste et angoissée d'un penseur chrétien : « Le plus malaisé souvent n'est pas de faire son devoir, mais de le connaître. »

Nous voudrions que ce livre fût tel que tous ceux qui composent avec nous la grande famille chrétienne y pussent trouver profit. Nous voudrions qu'il fût tel que, par-delà les frontières que tracent nos croyances, les âmes de bonne volonté de tous les cultes et de toutes les philosophies y puisassent une ardeur nouvelle pour se diriger, à la clarté des deux rayons divins que le Créateur a mis en nous : la Conscience et la Raison. Nous voudrions qu'il fût tel, en un mot, que chacun fût amené à mieux comprendre ce qu'il comprend et à mieux faire ce qu'il croit devoir accomplir. Que Dieu bénisse nos efforts !


LA VIE AVEC DIEU

DE L’ADHÉSION A LA VOLONTÉ DE DIEU  (Extraits)

Tout ce qui t'est envoyé, reçois-le.
Ecc, 2, 4.


Beaucoup de voies semblent droites
à l'homme ; mais Dieu pèse les coeurs.
Proverbes, 21, 2.


De toutes parts, Dieu nous entoure. De même que, physiquement, quel que soit le point de l'espace et du temps où s'écoule notre existence, nous ne pouvons vivre et respirer que dans l'atmosphère qui enveloppe le globe, et dont nous ne saurions sortir; de même, moralement, quelle que soit la région qu'habite notre âme, quelles que soient nos croyances ou nos incroyances, nos bonnes dispositions ou nos volontés perverses, nous ne pouvons agir et vivre qu'en Dieu.

Que nous le voulions ou non, nous ne saurions être hors de Dieu, ni de près, ni de loin, ni jamais, ni nulle part. Il nous est loisible, pourtant, de nous éloigner ou de nous rapprocher de Dieu, mais non selon le sens matériel que comportent ces mots. Nous nous en rapprochons ou bien nous nous en éloignons, dans la mesure où nos pensées, nos sentiments, nos actes, sont conformes à Lui ou contraires à Lui.  C'est uniquement l'intensité de notre amour qui détermine notre distance de Dieu, foyer de toute vie.

Nos devoirs envers Lui embrassent tout notre être, toutes les manifestations de notre être. Ces devoirs s'appliquent à ce qui émane de nous, et que les autres connaissent, paroles ou actions. Ils ne s'appliquent pas moins à ce qui demeure au dedans de nous, et que nous sommes seuls à connaître : tendances ou désirs, conceptions de l'esprit, affections du coeur. Si la manière dont nous agissons relève toujours, en effet, directement ou indirectement, des devoirs envers Dieu, la manière dont nous ressentons toutes choses est également une conséquence, tantôt claire et évidente, tantôt voilée sous des apparences, - de la perfection ou de l'imperfection de notre amour pour Lui. Suivant que nos volontés et nos impressions concordent avec son esprit, ou lui sont opposées, elles deviennent un fait harmonique ou discordant dans l'oeuvre de sa Création. Il n'y a d'indépendant de Dieu et dépendant de nous que notre libre choix d'être pour Lui ou contre Lui. Ce choix, assurément, ne vous semble pouvoir être douteux, ô vous qui me lisez, l'âme tournée en haut, avec la résolution de vous améliorer...

Laissez-moi toutefois vous faire observer, que si l'on ne peut guère être pour Dieu à son propre insu, il se peut,- et même assez aisément, - que l'on soit contre Lui, sans en avoir conscience. Être pour Dieu, c'est être à chaque instant contre soi-même, je veux dire contre ce moi égoïste que développe en nous la concupiscence, triste suite du péché originel.-

Être pour soi, être pour ses passions profanes, pour ses ardentes inclinations, pour ses satisfactions immédiates, c'est être contre Dieu!

Terrible antagonisme ! car au dehors, tout nous convie, et, au dedans, tout nous emporte à préférer les intérêts présents de la terre aux futurs intérêts du ciel, à être pour nous et contre Dieu. Qu'a fait Dieu cependant pour chacun de nous ? Dieu l'a créé ; Dieu l'a relevé de sa chute ; Dieu le conserve et le bénit. En revanche, afin que nous puissions le posséder dans la vie de l'éternité, il demande que, dans la vie du temps, nous soyons entièrement à Lui ; que l'existence qu'il nous a donnée, nous la lui consacrions ; - que les bienfaits de sa Providence soient employés à son service ; que la grâce dont il nous comble, nous en usions pour sa gloire et pour notre définitif bonheur ;- et que, mortels, nous travaillions nous-mêmes à notre immortalité... En vérité, cela n'est-il pas justice ? Qui pourrait, croyant en ce Père céleste, ne point confesser que, lui étant redevables de tout, nous sommes tenus à lui rendre tout ?

Le premier sentiment que la foi fait naître est donc celui de la reconnaissance envers Dieu, la reconnaissance du bienfait primordial de la vie, et des innombrables bienfaits qui ont suivi celui-là, base et support de tous les autres.  Le second sentiment, découlant naturellement du premier, est le désir de contempler cette Beauté idéale et parfaite, dont tout ce qui est beau ici-bas n'est que le reflet, - de connaître cette Vérité totale et infinie, dont toute vérité perçue par notre intelligence n'est qu'un rayon isolé, de posséder ce souverain Bien, de qui procèdent tous les biens. C'est ainsi que nous sommes conduits, d'un côté, à témoigner à Dieu notre gratitude, et, de l'autre, à entreprendre de le conquérir pour jamais, en nous vouant à son service. Cette gratitude et cet amour ne se manifestent et ne s'expriment que par notre zèle à chercher constamment sa volonté, qu'il prend toujours le soin paternel de marquer lui-même ;- assez confusément, pour que nous ayons le mérite de la découvrir, - et assez clairement, pour que nous ayons celui de nous y soumettre.

Les choses matérielles se différencient des êtres intelligents en ce qu'elles ne peuvent pas dévier de leurs voies, et se révolter contre leur Auteur. Par cela seul qu'elles sont ce qu'elles sont, et là où elles sont, elles exécutent Les lois de Dieu et accomplissent leur destinée véritable.  Les créatures intelligentes ont sur les choses la supériorité, et aussi le danger, d'avoir la liberté d'obéir ou de désobéir, soit à l'esprit, soit à la lettre de cette loi suprême, - la liberté de seconder ou contrarier la céleste volonté, de suivre ou d'abandonner l'orbite qui leur a été assigné ; de correspondre ou de se dérober à la fin pour laquelle Dieu les créa. Cette liberté, qui permet à l'homme d'acquérir le mérite, lui laisse aussi la redoutable faculté d'avoir reçu la vie en vain, et de tomber dans l'éternelle mort.


DE L`OUBLI DE DIEU (extrait)

Ne dis point : le Seigneur ne me voit pas,
et qui donc, là-haut, se souviendra de moi ?
Ecclésiastique 16, 16.


Défère au Seigneur tes oeuvres : et tes pensées
seront dirigées par lui. - Proverbes 16, 3.



La manière la plus répandue d'oublier Dieu, si j'ose m'exprimer ainsi, est de prendre pour point de départ, tacitement sinon explicitement, cette idée que nous sommes ici-bas pour notre satisfaction personnelle.

Certes, on peut voir dans cet indestructible instinct de félicité, les éloquents vestiges de l'état primordial de l'Humanité et du but originaire de sa création. L'homme éprouve une répugnance, royale et rebelle à la fois, devant la pénible obligation de manger son pain à la sueur de son front.... Mais, puisqu'il a forcé Dieu à changer la placide uniformité d'une existence bienheureuse et immortelle, en une lamentable histoire de catastrophes et de cataclysmes, qui ont provoqué une mort divine et une rédemption sublime, l'homme, quand il n'applique pas ses instincts royaux à dominer ses rébellions ingrates, témoigne d'une âme d'esclave. Toutefois, il faut l'avouer, peu se placent à cet angle et jugent ainsi. Envisager, d'un côté, tous les bénéfices du sort comme son patrimoine héréditaire, ou comme ses légitimes conquêtes et, de l'autre, les contrariétés, les charges, les lourds devoirs, comme des impôts uniques, paraît tout naturel.

Que penserions-nous d'un soldat ou d'un officier qui se croirait enrôlé pour vivre à peu près à sa guise et se plier seulement à certains règlements disciplinaires, faisant acte de présence aux appels, aux revues et aux parades, et passant le reste du temps à boire, à jouer, à déconsidérer son glorieux uniforme dans tous les centres d'oisiveté et de vice ? Quelle opinion aurions-nous de sa judiciaire, s'il se persuadait avoir rempli son service,- après s'être contenté de ne pas l'enfreindre ostensiblement,- après s'être uniquement livré, en dehors des heures de caserne ou de bivouac, à tous ses goûts, à tous ses penchants, après avoir mis sa vie ailleurs ? Comment l'accueillerions-nous, si, n'ayant pris souci que de ses propres aises et de ses propres plaisirs, il venait effrontément réclamer une récompense, un haut grade, une croix d'honneur ?

– Qu'avez-vous fait pour votre Roi et pour votre Patrie ? lui crierait-on.

Eh bien ! ce soldat est l'image de la plupart d'entre nous, dont les efforts se bornent à de légers sacrifices, pour observer scrupuleusement la lettre des commandements, la forme réglementaire, et ne point manquer à la discipline extérieure ? Dès lors, leur conscience est en paix. Tranquillisés de la sorte, ils s'imaginent que, en échange de cette tenue de vie en partie double, ils recevront sur leur front l'éternelle couronne de gloire.

Notre Sauveur cependant nous a appelés lui-même « ses serviteurs» et  en le servant, nous l'aidons à reconquérir, sujet par sujet, ce royaume du monde, que, pour notre perte, son ennemi lui a arraché. A tous, il échoit des postes à garder, des assauts à subir, des points importants à gagner, des combats singuliers ou de longues luttes à soutenir. Tous, nous sommes destinés à devenir quelque héros ou quelque sentinelle de la sainte phalange. Combien reconnaissent-ils cette mission spéciale, pour laquelle ils ont été mis au jour ? Combien soupçonnent seulement qu'ils aient une mission ?


Dernière édition par MichelT le Sam 13 Nov 2021 - 4:08, édité 7 fois

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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Livre: La vie chrétienne au milieu du monde - entretiens pratiques - Princesse Carolyne de Sayn-Wittgenstein  Empty Re: Livre: La vie chrétienne au milieu du monde - entretiens pratiques - Princesse Carolyne de Sayn-Wittgenstein

Message par MichelT Mar 13 Aoû 2019 - 16:01

LA VIE AVEC SOI-MÊME (extraits)

DE L'ABNÉGATION

Marche vers les siècles saints, avec
ceux qui vivent et confessent le Seigneur.
Ecc., 17, 25.


Là où ne se trouve point la science
de l'âme, le bien n'est pas,
Proverbes, 19, 2.


Avons-nous des devoirs envers nous-mêmes? Certainement, puisque le Créateur ne nous a donné l'être qu'à des conditions immuables et à certaines fins. Or, cet être,- ce moi, comme disent les philosophes,– quoique simple dans sa substance, est en quelque sorte double dans ses tendances. Il porte en lui une propension pour Dieu et une propension contre Dieu. « Il ne fait pas le bien qu'il veut et il fait le mal qu'il ne veut pas» (saint Paul).

Cet être, créé pour goûter la félicité dans la pratique de tout ce qui est bon, cet être, qui par sa nature est tout à Dieu,- se complaît dans l'ignorance de sa Loi, et se révolte contre elle quand il la connaît. Donc, nous avons envers nous-mêmes le devoir de dompter cette rébellion et de nous gouverner selon Dieu,- non seulement suivant la lettre de sa Loi, mais suivant l'esprit. Nous avons le devoir de veiller à ce que cet être, que nous tenons de lui, remplisse fidèlement son but, lequel est de réunir, en une seule et même chose, la gloire de Dieu avec notre propre et éternelle béatitude. Tous nos devoirs envers nous se résument en cette unique parole : « S'abdiquer soi-même!»  disait le Seigneur. -Nous abdiquer ? Abdiquer notre royauté native, notre instinctive indépendance, nous subordonner à autrui ?C'est beaucoup. - –Oui ! c'est beaucoup ! - mais c'est indispensable.

Il est, je n'en disconviens pas, des âmes si bien nées, des organisations si heureuses, des coeurs si haut placés, des intelligences et des volontés si droites, que cette répudiation de l'égoïsme leur est comme naturelle. Elles semblent avoir vécu et grandi, pour accomplir leurs devoirs envers tous, n'imaginant même pas qu'elles y aient du mérite, oubliant sans nul effort tout ce qui eût flatté leur personnalité, au détriment de celle des autres. Ces âmes se maintiennent dans une sérénité tellement pure et tranquille, qu'elles se figurent difficilement les combats que d'autres ont à livrer. Elles n'en aiment pas le tableau, et se sentent presque troublées et rougissantes en apprenant que certains ont à combattre et à combattre fortement pour remporter certaines victoires... Bénies soient ces âmes, placides et rares !

Peut-être en est-il, parmi celles-là, auxquelles Dieu a voulu épargner les conflits qui eussent mis à une trop rude épreuve cet attachement au moi, dont nulle créature venant en ce monde n'est libérée : c'est alors une grande grâce dont elles doivent remercier le Seigneur. Peut-être aussi quelques-unes se faisant illusion, n'ont-elles pas cru prêter l'oreille aux suggestions d'une satisfaction personnelle, au moment où elles cédaient, inconscientes d'elles-mêmes, à l'attrait de l'une de ces passions subtiles et d'apparence généreuse qui ne hantent que les natures peu vulgaires, en se masquant derrière le renoncement à des passions plus communes. Cela ne serait pas impossible. Dieu seul, qui sonde les coeurs et les reins, Dieu connaît d'où viennent les impulsions et où vont les intentions et sait mieux que l'homme lui-même quelles sont les forces et les faiblesses de l'homme; Dieu seul est juge.


DU MONDE ( Extraits)

Ne fais point le mal, et il ne t'appréhendera pas.
Ecc., 7, 1.


Chaque coeur ne connaît que sa propre affliction,
et l'étranger ne prend point part à ses joies. - Les rires
sont entremêlés de douleurs, et le deuil succède aux  grandes fêtes.
Proverbes 14, 10.


PREMIERE PARTIE

Le Christ a dit : « Je ne suis pas du Monde. » Nous savons qu'entre le Fils de Dieu et ce qu'il appelle « le Monde », un antagonisme fondamental existe. Qui suit le Monde, renie le Christ. Nous savons que « le Monde » est identifié à Satan et à ses pompes, abjurées au baptême par le chrétien.

Nous savons que nous trouvons en lui l'adversaire le plus dangereux et le plus persévérant de notre paix terrestre, l'ennemi le plus flatteur et le plus astucieux de notre salut éternel. Nous savons aussi qu'il est louable de fuir « le Monde », afin de ne pas succomber à ses tentations ; nous savons qu'il ne faut pas l`aimer, car il renferme le mal, car il en forme comme l'expression synthétique. Étant le domaine et le royaume en révolte directe contre Dieu, il est comme « la patrie du mal ».

Donc, entre les esclaves du Monde et les serviteurs de Dieu, il n'y a pas de conciliation ; la guerre est éternelle et n'a point de trève. Nous savons tout cela. Mais qu'est-ce que « le Monde » ?

Quand nous parlons de ce Monde qui est l'ennemi du Christ, voulons-nous désigner la vastité de l'univers, - le formidable ensemble de ce firmament, impénétrable à nos sens, et de cette terre, encore inconnue, quoique livrée a nos investigations curieuses ? Non, certes. Ce monde physique qui nous entoure, et que nous nommons la Nature, n'est point opposé à Dieu, ni rebelle à ses lois. Manifestation écrasante de la matière inanimée et de la série sans nombre des êtres vivants, incommensurable témoignage de la puissance du Créateur, la Nature lui obéit docilement - soit qu'il la maintienne dans les règles qui lui ont été tracées dès le principe,-soit que sa volonté suspende, pour une minute et sur un point, le cours habituel des choses, afin de faire resplendir à nos yeux le rapide éclair du miracle.

Si on envisage le Monde comme synonyme de société, ce n'est pas davantage ce que Dieu a maudit. Dieu ayant destiné l'homme à vivre en société, comment eût-il permis qu'elle fût nécessairement un lieu de perdition ? Il dépend de nous qu'elle soit un lieu de sanctification.

Donc, en déclarant, que le Monde est contraire à Dieu, nous entendons, non la société proprement dite, mais ce qui en forme, hélas ! une trop notable partie : la réunion des hommes groupés en dehors de Lui.- Nous désignons par ce mot l'idée abstraite de leur communauté et de leurs relations, fondées et constituées suivant un système d'idées, de maximes,de coutumes, de conventions, tacites ou formelles, de théories et de pratiques, opposées à l'esprit de Dieu et à ses lois.

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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