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LE COMMERCE DE BOIS DE L'OUTAOUAIS - La Revue Canadienne de 1871

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Message par MichelT Ven 12 Juin 2020 - 15:00

LE COMMERCE DE BOIS DE L'OUTAOUAIS.

Source : La Revue Canadienne de 1871


Jusqu'en 1806, Wright n'avait fait que des dépenses considérables d'exploitation, sans les couvrir par des bénéfices équivalents. Il avait commencé son œuvre difficile de fondation avec le joli capital de $30,000 et déjà il en avait déboursé les deux tiers. Les frais seuls de voyage à Montréal absorbaient le prix de la farine qu'il y transportait sur des chemins extrêmement rudes. Il lui fallait donc s'ingénier pour faire bénéficier le capital qu'il dépensait depuis six années et d'exploiter, outre son domaine, quelque article productif d'exportation. Il se trouvait dans un milieu extrêmement favorable pour tenter une industrie d'un nouveau genre, l'exploitation forestière. Ce commerce du bois, qui a véritablement métamorphosé les vastes solitudes de l'Outaouais, était alors dans son enfance. Car, on a su en tirer bien peu de profit sous la domination française. On voit cependant qu'en 1667, Talon voulant activer le commerce de la colonie, fesait couper des bois de différentes espèces pour en faire l'essai et il expédiait à La Rochelle des mâtures, qu'il espérait voir employées dans les chantiers de la marine royale. En 1735, l'intendant, M. Hocquart, fit charger à bord d'un vaisseau du roi 5000 planches et 260 bordages de pin et d'épinette, pour les chantiers de la marine royale, à Rochefort.

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Camp de bûcherons


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Pauline Julien - Ah! Que L'hiver

Le commerce de bois n'eut guère plus de développement depuis la conquête ( 1759) jusqu'au commencement du siècle. Durant plusieurs années, les trains de bois qui flottaient sur le St. Laurent à destination de Québec provenaient des forêts de l'État du Vermont, Du Lac Champlain, où les radeaux étaient réunis, ils débouchaient dans la rivière Richelieu, puis suivaient le grand fleuve. Arrivés près de Québec, on les amarrait au rivage et ils s'étendaient quelquefois sur un parcours de cinq milles.


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Là les bois étaient achetés, mesurés ou acceptés, puis chargés à bord des vaisseaux qui partaient pour l'Angleterre. La descente de ces trains de bois sur le fleuve présentait un curieux spectacle : on y remarquait plusieurs abris ou cabanes faits avec des planches, où logaient les vigoureux rameurs, dont le nombre s'élevait souvent de cent à cent-cinquante. Ces travailleurs, composés principalement d'américains du Vermont, demeuraient sur la cage tant que le bois n'était pas vendu, puis ils transportaient leurs grossières cabanes sur le rivage, n'abandonnant leur taudis que pour retourner dans leurs foyers, à la fin de la saison. Dans les premières années du siècle, le Haut-Canada, dont la population et la colonisation se développaient rapidement, exportait déjà beaucoup de grain, porc et potasse à Montréal ou Québec. Ses habitants commencèrent également à dépeupler leurs énormes forêts pour exploiter le commerce du bois. Aussi, du 27 avril au 28 novembre 1807, il passa sur le St. Laurent, de Châteauguay à Montréal, 340 trains de bois, comprenant 277,010 pieds de chêne, 4,300 pieds de douves, 72,440 pieds de planches et madriers et 985 pieds de bois pour les matures, à part 6,300 cordes de bois de feu.

De plus, trente-neuf barges transportèrent 19,893 barils de farine, 1460 minots de blé, 127 barils de potasse, 48 de porc, des pelleteries, etc. Wright commença son exploitation forestière dans des conditions fort avantageuses. Les désastreuses conséquences de la révolution française se fesaient alors profondément sentir en Europe. Non seulement le nouvel état de choses avait contribué à désorganiser la France et à ébranler le vieux monde, mais une révolution semblable s'était opérée dans le commerce. Les ports de la Baltique étaient fermés à la marine de l'Angleterre et la plus grande puissance navale du monde éprouvait le besoin de s'ouvrir de nouveaux marchés pour s'approvisionner de bois et de chanvre. Wright dans ses fréquents voyages de Montréal à Québec, dut connaître la demande croissante du bois et du chanvre et il crut faire une excellente spéculation en s'adonnant à cette double exploitation dont la première a donné, par la suite, une si puissante impulsion au développement du pays, et a marqué l'ère de notre progrès commercial.


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Exportation du bois au port de Québec au 19 eme siècle

On a vu ses efforts pour cultiver le chanvre, mais il réussit incontestablement mieux dans l'important commerce de bois dont il se constituait l'intrépide pionnier sur l'Outaouais. Les difficultés de transport étaient cependant considérables, mais elles ne rebutèrent pas Wright. Il fit abattre, durant l'hiver, du bois en grande quantité, et mettre en radeau pour l'expédier à Québec. La navigation était surtout difficile à cause des nombreux rapides qui accidentent la rivière Outaouais. Wright alla les examiner et ne se laissa pas effrayer par les sombres présages des cultivateurs. A les entendre, jamais il ne pourrait se rendre à destination, en passant au nord de l'île de Montréal, cela ne s'étant jamais vu. Il répondit qu'il n'ajouterait foi à toutes ces paroles, qu'après en avoir fait l'essai. Avec une déterminaison aussi inébranlable, il semble qu'il ne pouvait manquer de réussir. L'avenir est aux hommes de cette trempe.

Le 11 juin 1806, fut un grand événement pour les habitants de Hull. On y remarquait une excitation peu ordinaire, tandis que tout était immobilité sur la rive opposée où devait surgir plus tard la capitale alors enfouie sous des massifs de verdure. Le premier train de bois qui ait jamais flotté sur l'Outaouais déboucha de la Gatineau pour entrer dans la Grande-Rivière. Son apparition donna lieu à ce mouvement inusité parmi les paisibles villageois, qui n'ignoraient pas l'entreprise aventureuse que l'on allait tenter. Les radeaux de bois descendirent de Hull, passèrent les rapides tourbillonnants du Long Sault, et arrivèrent à l'Ile de Montréal. Ce ne fut pas sans encombre et sans de fortes dépenses.

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Flottage du bois sur les rivières

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Flottage du bois sur les rivières

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Comme les hommes, au service de Wright, ne savaient comment naviguer à travers les rapides ; il ne fallut pas moins de trente-cinq jours pour les descendre. Souvent les radeaux s'échouaient et il fallait une longue manœuvre pour les remettre à flot, mais l'expérience apprit aux voyageurs à connaître le chenal et plus d'une fois ensuite les radeaux opérèrent la descente en vingt-quatre heures. On comprend mieux les difficultés d'un pareil voyage, lorsqu'on sait combien le mode de construire ces trains de bois était alors imparfait. On était bien loin d'avoir l'appareil actuel des ancres, qui est aussi compliqué que dans un vaisseau marchand de plusieurs cents tonnes. On n'avait que des ancres en bois et des attaches faites au moyen d'osier ou de bouleau. Ces ancres étaient de chêne et avaient la forme de crocs en fer ; de gros câbles passaient à travers les différentes fourches qui enserraient une roche d'une pesanteur considérable. On enroulait autour des crocs d'autres câbles afin de pouvoir mieux soutenir le poids énorme de la roche.

Il appert cependant que ces ancres répondaient fort bien à leur objet. Il n'y avait alors aucun vaisseau pour remorquer ces énormes pièces flottantes, car le premier vapeur qui sillonna l'Outaouais fut l'Union of Ottawa, en 1819, et il n'y avait en 1829 que deux vapeurs voyageant de Hull à Grenville, c'est-à-dire, sur un parcours de soixante milles. Les vents, le courant et les bras nerveux des infatigables rameurs pouvaient seuls les faire avancer. Cela explique leur lenteur et le fait que de longs mois s'écoulaient avant d'atteindre le port de Québec, tandis qu'il n'est pas rare aujourd'hui de voir des radeaux laisser le Lac Témiscaming à la fin d'avril, franchir une distance de 600 milles et arriver à destination au commencement de juillet.


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Trains de bois flottants

Ce fut donc après bien des fatigues et des dépenses que Wright atteignit Québec en 1807, montrant avec orgueil le premier bois que le township de Hull ait jamais envoyé à la vieille capitale. Suivant Bouchette, il avait exporté, l'année précédente, du bois à Montréal. Wright écrivait en 1823 que cette année, plus de trois cents cargaisons de bois ordinaires s'étaient rendues à Québec par la route qu'il avait suivie et pas une seule à Montréal. Seize ans auparavant, ajoute-t-il, pas un seul radeau de bois ne descendait de la Grande Rivière, et celui qui vivra encore dix-sept ou dix-huit ans en verra quatre fois la quantité, non seulement de bois, mais de potasse, de farine, de bœuf, de porc et d'une foule d'autres articles qui seront expédiés à Québec.

S'il est une prédiction qui se soit réalisée, c'est bien celle-là. Car, dès 1817 le commerce du bois était un fait régulièrement accompli et donnait de l'emploi à des centaines de travailleurs. Son existence officielle fut reconnue en 1823 sous l'administration de Lord Dalhousie et le premier droit sur le bois fut imposé à la demande de M. Alexander McDonnell, qui, depuis 1817, s'occupait activement de ce commerce. On n'a pas de rapport officiel de son revenu avant 1826, mais le droit sur le bois de l'Outaouais produisit alors $10,212, montant équivalent aux recettes totales de la province, trente ans auparavant. Et vers l'époque annoncée par Wright, en 1842, il avait pris assez de développement pour donner à la province unie un revenu de $137,588.

Ce mouvement ascendant avait été surtout communiqué par le droit jusque là protecteur du bois colonial en Angleterre, joint à l'établissement, en 1835, de remorqueurs sur le St. Laurent et à la construction de glissoires et autres améliorations sur l'Outaouais. Mais le fisc anglais, sujet à beaucoup de fluctuations et de remaniements, protégea, durant les années suivantes, le bois provenant principalement de la Baltique, au détriment du nôtre, et nos exportations en Angleterre, bien que considérables, ne le furent pas proportionnellement autant que celles de l'étranger.

Nous n'avions pas à cette époque nos marchés d'aujourd'hui où notre bois est de plus en plus en demande. Nous en écoulions comparativement peu chez nos voisins, dont les États de l'Est, aujourd'hui presque complètement déboisés, n'en font pas moins des bénéfices considérables en expédiant nos bois à Cuba, dans les diverses parties de l'Amérique du Sud et ailleurs, où ils atteignent des prix étonnants. C'est là la véritable destination de la plus grande partie du bois que les importateurs américains achètent surtout sur l'Outaouais et, on peut le constater en voyant les millions de pieds de bois, qui partent annuellement de New-York, Boston, Portland et autres villes américaines pour Cuba, les Indes Occidentales, le Brésil, la République Argentine, la République Cisalpine, l'Australie, Haïti, le Pérou et l'Afrique.  Aussi, il est regrettable que nos capitalistes n'aient pas exploité depuis plus longtemps et dans une plus grande mesure cette véritable mine de richesse. Car, qui pourrait nous empêcher d'avoir la part du lion dans ce commerce important?

Les États de l'Ouest, surtout le Michigan, le Wisconsin et le Minnesota produisent sans doute des quantités énormes de pin et on calcule que les forêts pinifères des deux derniers états ont produit en 1869, 812,400,000 pieds de bois scié et de billots. Mais il est certain que cette production ne suffit qu'à la demande de plus en plus considérable des États de l'Ouest et on assure que les boisés du Michigan seront ruinés avant quinze ans, quand bien même on n'augmenterait pas l'exploitation actuelle. Dans le cas problématique où l'on pourrait en écouler dans les États de l'Est, les frais. de transport seraient toujours en notre faveur. Il est certain, cependant, que nos marchands de bois commencent à mieux comprendre les avantages d'exporter directement noire bois aux pays en question, au lieu de laisser à nos voisins le rôle lucratif d'entremetteur. Ainsi, en 1865, il n'y avait qu'un seul vaisseau chargé de bois pour l'Amérique du Sud, en 1868, il y en avait treize et en 1869, 52 vaisseaux, dont 41 partis de Montréal et trois des Trois Rivières, y ont exporté près de dix-neuf millions de pieds de bois. En 1870, le nombre des vaisseaux s'est élevé à 71 de 37,297 tonnes, tandis que le tonnage pour l'année précédente a. été de 24,891. Presque tout ce commerce est aux mains des américains établis dans le pays et peu de canadiens semblent vouloir l'entreprendre.

L'importance de ce marché, une fois suffisamment connue, notre bois saura bien, suivant la loi invariable du commerce, s'écouler là où on le paie le mieux. Ce résultat satisfaisant est en grande partie, le fruit de la visite des habiles commissaires que le gouvernement du Canada envoya dans quelques uns de ces pays en 1865 et 1866, afin de nouer des relations commerciales et ouvrir de nouveaux débouchés à notre industrie, qui prend des proportions vraiment encourageantes.

Joseph Tassé.

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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