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LE LÉPREUX - L`Enseignement catholique de 1863

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Message par MichelT Ven 23 Avr 2021 - 14:32

LE LÉPREUX

Par M. l'abbé GAUREL.

Source: L`Enseignement catholique de 1863

Jésus étant descendu de la montagne, une grande foule de peuple le suivit, et un lépreux, venant à lui, l'adorait en lui disant : «Seigneur, si vous voulez , vous pouvez me guérir. (Évangile selon St Matthieu 8,2 )

Chrétiens, Chrétiennes, le trait le plus caractéristique de Jésus-Christ , c'est la bonté . On admire, sans doute, son sublime esprit dans chacune de ses paroles; et quant à sa puissance, elle éclate à chacun de ses pas en merveilles de toute sorte ; mais , je le répète, ce qui le caractérise surtout, c'est la bonté. Il ne semble vivre et respirer que pour faire du bien aux hommes : sa main ne se lève que pour bénir, sa voix que pour consoler Lorsqu'il est obligé de se montrer sévère, sa sévérité est encore tendre et gagne les coeurs. Ses disciples lui présentaient un jour un enfant malade qu'ils avaient été impuissants à guérir à cause de leur manque de foi  «Race incrédule, s'écria - t - il, jusques à quand serai-je avec toi ? Amenez -moi cet enfant. »(Luc 9,41) L'apôtre saint Pierre a dit de lui qu'il était passé sur la terre en faisant le bien. Les miracles même, je le remarque après d'autres, semblent bien plus des effets de bonté que de puissance : on dirait qu'ils sortent de son cœur. Tous, ou presque tous, portent un caractère de tendresse : il multiplie le pain pour les pauvres , il guérit les malades.

C'est surtout en faveur de ces derniers qu'il fait le plus grand nombre de ses prodiges ; il semble affectionner la qualité de médecin , et il la prend dans plusieurs endroits de l’Évangile. Ne nous en étonnons pas, les maux de l'homme sont innombrables ; ils affectent, la double nature qui le compose, et appellent par conséquent une double pitié. Aux maux de l'âme, Jésus-Christ oppose ses divins, enseignements . Vous n'avez pas oublié , Chrétiens, Chrétiennes, le discours appelé de la montagne (Matthieu 5,1). Jésus-Christ y fait connaître tous les remèdes de l'âme, non, comme les philosophes, avec hésitation et en tâtonnant, mais d'une manière sûre - et comme ayant autorité. L`âme n'a qu'à boire à cette source e pour y trouver la vigueur et la santé, ce n'est que pour s'en éloigner qu'elle devient faible et malade. Mais, je l'ai déjà dit , l'homme n'est pas seulement atteint dans sa partie spirituelle, il l'est encore dans son corps, et par ce côté, quoique terrestre, il excite aussi la commisération du divin médecin .

L’Évangile nous en offre un exemple mémorable dans la personne du lépreux . Après que Jésus eut prononcé le fameux discours dont je viens de vous parler, étant descendu de la montagne, une grande foule de peuple le suivit, et un lépreux, venant à lui, l'adorait en lui disant : «Seigneur, si vous voulez, vous pouvez me guérir.» Jésus étendant aussitôt la main , le toucha, et lui dit : «Je le veux , soyez guéri»; et sa lèpre fut guérie au même instant. Arrêtons-nous,  vous le voyez , nous n'avons point affaire à un Dieu insensible qui ne puisse compatir à nos misères, ainsi que s'exprimait l'apôtre ; il compatit à toutes, non - seulement à celles de nos âmes, mais même à celles de nos corps, quoique d'une nature si basse. Il aime tout ce qui est de l'homme, s'étant fait en tout semblable à lui, hormis le péché. Et ceci nous montre, pour le remarquer en passant, combien est vain le reproche que les philosophes de nos jours font à la doctrine chrétienne d'abaisser trop le corps; elle l'abaisse, sans doute , mais, en même temps, y a- t - il une doctrine qui le glorifie davantage ? Cette doctrine n'enseigne- t- elle pas que Jésus Christ a touché de sa main le corps même d'un lépreux ? qu'il a élevé le corps humain jusqu'à la gloire d'une union divine ? que le corps enfin, tout humble et tout bas qu'il est , partagera les destinés impérissables de l'âme qui lui est associée ?  Mais revenons au lépreux de l'Évangile. J'ai eu plus d'une fois l'occasion de vous faire remarquer qu'un grand nombre de faits rapportés dans l’Évangile sont figuratifs , sans cesser toutefois d’être vrais selon la lettre. Ce lépreux , c'est le monde, c'est la figure du genre humain tout couvert de la lèpre de son péché, avant que Jésus- Christ, le céleste médecin , ne vînt vers lui. Les saintes Écritures font toujours de la lèpre le symbole du péché, non par une manière de parler arbitraire, mais à cause des rapports singuliers et très-étroits qui existaient entre eux . La lèpre se transmettait par la génération et par la contagion. Il en est de même du péché . Le premier homme a transmis le sien aux générations les plus reculées . Et quant à la vertu contagieuse des péchés de toutes sortes qui se commettent dans le monde, vous la connaissez. Les impressions funestes et profondes que l'on emporte de la société des méchants, l'attrait du mauvais exemple, le penchant si fort qui nous entraîne à le suivre , le vice enfin gagnant chaque jour du terrain et élargissant ses domaines, nous prouvent trop bien que de toutes les contagions celle du péché est la plus forte.

Autres affinités. La lèpre brûlait le corps, le desséchait, l'enflait; toutes choses que le péché produit aussi dans l'âme : celle - ci n'est - elle, pas brûlée par l'envie, desséchée par l'avarice , enflée par l'orgueil? Le lépreux était un objet d'horreur aux yeux des hommes ; il en est de même des pécheurs aux yeux de Dieu et des saints anges. Oui, Chrétiens, Chrétiennes, tel pécheur, recherché, fêté, applaudi, envié de la foule et dont l’amitié paraît précieuse, n'est, dans sa partie morale, qu'horreur: les esprits célestes (Saint-Ange) détournent leur vue de son âme hideuse, et Dieu , indigné, ne reconnaît plus en elle son œuvre.

Continuons ce parallèle ; il est bien fait pour nous pénétrer d'une vive répugnance pour le péché. Le lépreux était repoussé par la loi de Moïse de la société des hommes : le prêtre prononçait contre lui une sentence de séparation qui lui interdisait tout commerce avec ses semblables, et jusques au foyer domestique (Voir le Lévitique 13 et 14 - Ancien Testament -  La Loi du Lépreux). Ces circonstances caractérisent merveilleusement le pécheur, séparé de la société de Dieu , de la communion des saints, et menacé, s'il persiste dans son péché, d'en être retranché éternellement. La correspondance, vous le voyez, est exacte, et rigoureuse. Aussi les saints prophètes, voulant peindre Jésus- Christ aux jours de sa passion , Jésus- Christ couvert de plaies, abandonné de Dieu et des hommes, défiguré, meurtri, le comparent à un lépreux : Il n'a, disaient-ils, ni aspect ni beauté, et nous l'avons pris pour un lépreux. Vous le comprenez maintenant, Chrétiens, Chrétiennes, le lépreux de notre Évangile est la vive image d'une âme à laquelle le péché a inoculé son fatal virus . Cette âme est, comme lui , sans aspect et sans beauté, retranchée du troupeau , indigne des regards de Dieu et de ceux des hommes.

Mais qu'il est à craindre que cette figure, si vraie, si frappante, ne nous touche peu ! Bornés, pour ainsi dire , aux sens, (vue-audition-touché-goût) par une habitude de vivre toute charnelle, nous ne jugeons que d'après eux, et tout ce qui est hors de leur domaine nous paraît un pur songe. Nous redouterions une lèpre matérielle qui flétrirait nos corps et en ferait disparaître toute beauté ; mais quant à cette lèpre spirituelle qui déforme nos âmes, nous la comptons pour peu de chose, ou même pour rien . C'est que nous regardons la beauté du corps comme très réelle, et celle de l'âme comme purement fictive . Mais c'est le contraire qui est vrai. Si la fiction est quelque part, c'est dans le corps, périssable , sans consistance, et non dans l'âme qui a quelque chose de la beauté de Dieu et des anges. J'entends lorsqu'elle joint à ses traits naturels la grâce divine qui les transforme et les divinise . Ah ! qu'elle est belle alors ! Rien , dans la nature , ne pourrait nous en donner une idée, et non pas même l'éclat du soleil et des astres. Il est dit dans l’Évangile, qu'elle plaît au Père céleste, et qu'il vient avec son Fils y faire sa demeure. Répugnance donc au péché qui détruit ce bel ouvrage, ce chef-d’œuvre de la main de Dieu ! Si cependant nous l'avons aimé, ce péché artisan de laideur et de mort, si nous avons laissé cette lèpre s'introduire dans notre âme, ne désespérons pas , mais prions plutôt Jésus de nous guérir. Sa main n'est pas moins puissante, ni son cœur moins bon qu'au temps de sa vie mortelle. (Confession des péchés)

Il est toujours le charitable médecin des âmes malades, n'attendant, pour opérer le miracle de leur guérison , qu'un seul mot qui parte du coeur. Au reste , le meilleur modèle que nous puissions nous proposer dans notre dessein de revenir à Dieu , est celui même que nous offre le lépreux de notre Évangile. Il n'avait pas pu, à cause des prescriptions de la loi mosaïque, se mêler au peuple qui entourait Jésus sur la montagne ; il vient vers lui lorsqu'il en est descendu , le prie , se prosterne, l'adore; puis, tombant à genoux, il prononce ces paroles, pleines de foi et de douce résignation : «Seigneur, si vous voulez, vous pouvez me guérir». (Matthieu 8,2)

Ne vous semble - t-il pas qu'il s'exhale, de toute cette conduite, comme un parfum de foi, de confiance, d'humilité singulières ? Il ne doute pas du pouvoir de Jésus : il est à ses yeux sans bornes ; il ne doute que de lui-même et de son droit à en recevoir un témoignage . Si vous voulez, dit- il, vous pouvez me guérir. C'est comme s'il disait : Je sais que votre pouvoir est sans limites, mais je sais aussi combien je suis indigne qu'il s'exerce en faveur d'un homme tel que moi; je me remets donc à vous de ce qu'il vous plaira d'ordonner; vous êtes le médecin céleste, le médecin miséricordieux, vous savez ce qui convient au malade : Si vous voulez, vous pouvez me guérir. Quel admirable langage ! Jésus en fut touché. Il étendit sa main , nous dit l’Évangile, toucha le lépreux, et lui dit : Je le veux, soyez guéri.  Jésus ne se contente pas de dire une parole , il touche encore le lépreux, quoique cette parole, la même qui a créé le monde, fût bien suffisante; mais il voulait nous donner un enseignement . Il prétendait, par cet exemple, condamner nos délicatesses mondaines, et relever, dans la personne de ce pauvre infirme , la dignité humaine si souvent méconnue.

Jésus - Christ touche un lépreux, qui était pour tous un objet d'horreur ; il n'oublie pas que sous ces plaies hideuses il y a un homme, un de ses frères malheureux. Que de fois, Chrétiens, Chrétiennes au lieu d'imiter cet exemple, n'arrive- t- il pas, surtout aux personnes riches élevées dans une trop grande délicatesse, de détourner leurs yeux du pauvre couvert de haillons, oubliant que sous ces haillons vit une créature humaine rachetée du sang de Jésus- Christ ! Ah ! imitons à l'avenir son exemple ; n'écoutons pas des délicatesses qui seraient criminelles ; soyons accessibles à tous les pauvres , pour si humble que soit leur extérieur : ils sont autant que nous devant Dieu ! ils ont coûté tout autant que nous! La conduite de Jésus contenait encore un autre enseignement. Il voulait, en touchant ce lépreux, montrer que les observances cérémonielles de la loi de Moïse étaient désormais sans valeur; qu'une loi plus parfaite allait lui succéder , loi toute de grâce et d'amour, loi n'excommuniant aucune infirmité , mais les guérissant toutes par la vertu toute- puissante du sang de l'Agneau sans tache.

Continuons la lecture de notre Évangile. Après avoir guéri le lépreux, Jésus le renvoya , et lui dit : «Gardez - vous bien de parler de ceci à personne ; mais allez, montrez - vous aux princes des prêtres , et offrez, en témoignage de votre guérison , ce qui est prescrit par la loi de Moïse» (Matthieu 8,4). Appliquez- vous, ces paroles de Jésus. Lorsqu’un mouvement de la grâce vous ramène vers lui ; lorsque vous sentez dans vos cœurs, avec le regret de votre vie passée, le désir sincère d'une vie plus sainte ; lorsque , aux bas instincts d'autrefois, a succédé l'attrait supérieur des choses d'en haut, renfermez pieusement ce trésor au fond de vos âmes. N'allez pas le perdre en agitations stériles, le dissiper dans des entretiens frivoles. Allez plutôt vers le prêtre, selon le précepte de Jésus lui-même, et par une confession bien faite , enlevez le triste poids de vos péchés. C'est en disant ce que vous êtes , que vous deviendrez ce que vous n'êtes pas, pour me servir de l'admirable langage de saint Augustin . Le péché avait enlaidi votre âme; que dis-je ? il l'avait rendue difforme : elle trouvera, dans ce baptême de la pénitence, un renouvellement presque égal à celui des anges. Quel but à atteindre, Chrétiens, Chrétiennes! Qu'il est digne de nos efforts ! Prenons donc aujourd'hui modèle sur le lépreux de notre Évangile , allons, comme lui , vers Jésus, et, nous en avons pour garant son coeur si doux et si bon , il nous dira, comme à ce pauvre malade : Je le veux, soyez guéri. Amen!

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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