Tugdual Derville : « Les jeunes de la Marche pour la vie sont fougueux, radicaux, entiers »

par Lumen Jeu 20 Jan 2022 - 20:11

Tugdual Derville : « Les jeunes de la Marche pour la vie sont
fougueux, radicaux, entiers »

Le porte-parole d’Alliance Vita admire la ferveur des jeunes manifestants de la Marche pour la vie. Et les exhorte à passer à la vitesse supérieure.

Tugdual Derville : « Les jeunes de la Marche pour la vie sont fougueux, radicaux, entiers » Mplv

Publié le 19/01/2022 à 15:52

Quel regard portez-vous sur cette jeunesse pleine d’allant, sans trop de tabous intellectuels, que l’on a encore vue à l’œuvre dimanche lors de la 15e Marche pour la vie ?

Je me réjouis énormément qu’il y ait tant de jeunes, avec leur fougue et leur générosité. Ils sont magnifiques d’enthousiasme, de force d’âme et de liberté, à contre-courant de la pensée dominante. Ils donnent de plus en plus à cette marche une tonalité de fête de la vie. Ils se savent bâtisseurs du monde qui vient, plutôt que conservateurs de biens matériels. Sur le sujet ultra-sensible de la vie, la jeunesse peut, certes, sembler être un temps de naïveté, parfois teintée de virulence. Tout cela sera affiné et adouci, au fil des ans, par la miséricorde. Quand le pape François dit aux jeunes de cultiver leurs rêves et de les vivre, je réalise que les adultes d’âge mûr ne doivent pas non plus oublier leurs rêves.

Marcher avec d’autres fait tomber la peur et « le témoignage édifie le témoin » ; à l’inverse, nous finissons par ne plus concevoir ce dont nous ne témoignons pas. Ce que je n’ose plus dire, je finis par ne plus être capable de le penser ! La manifestation est ainsi un précieux lieu de libération de la parole, notamment pour les plus jeunes ; c’est souvent une étape essentielle pour un engagement concret, entier, durable, un engagement « pour la vie » au sens plein du terme. Certes le passage de l’un à l’autre n’est pas garanti. Une chose est de manifester pour la vie, une autre est de vivre cet engagement dans ses « entrailles ».

Comment expliquer leur forte présence à cette manifestation ?

En France, plus que dans d’autres pays, les convictions montent par les pieds. Pour un jeune français, manifester publiquement ses convictions, avec son corps, ses jambes, ses bras et sa voix, permet de les ancrer solidement, de s’enraciner. Nous constatons de plus en plus que l’idéologie de mai 68, encore au pouvoir, est incapable de répondre à la soif d’amour et de vérité inhérente à la jeunesse. Ce vide intellectuel et culturel est abyssal. Affranchie des présupposés idéologiques qui étouffaient les générations précédentes, la nouvelle génération a besoin de combler ce vide. Léger bémol : c’est un petit troupeau. Comme une soupe qu’on aurait longtemps fait bouillir : elle a certes plus de goût (elle est plus forte), mais elle a réduit… Heureusement, ces jeunes sont très motivés ; ils sont fougueux, radicaux, entiers. Leur flamme est intacte. Or, l’histoire montre, qu’il suffit parfois d’une flammèche pour tout embraser.

Cette énergie dont vous parlez, que faut-il en faire ? Y a-t-il des lieux pour accueillir les jeunes ?

Oui, il y en a beaucoup qui leur offrent d’agir dans le monde. Je pense bien sûr aux associations dans lesquelles je suis impliqué, mais il y en a d’autres. Ces jeunes ont un besoin de formation et d’action. C’est ce que nous proposons à nos « VITA jeunes ». Ils désirent se former avec une plus grande intensité que certains adultes, qui n’en ont ni le temps ni l’énergie. Et puis il y a l’action auprès des plus fragiles, des plus pauvres : personnes âgées, porteuses d’un handicap, vivant dans la rue… Un engagement pour la vie qui n’est pas vécu concrètement, au service des personnes, risque d’être un feu de paille artificiel. Après les slogans, la joie de marcher pour ses convictions, vient le temps de les incarner au jour le jour.

Et la politique ? Nous sommes en campagne électorale, de nombreux jeunes s’y engagent.

L’engagement politique, y compris partisan, est noble. Mais toute personne est d’abord appelée à être un « acteur politique » là où il vit, étudie, travaille, en faisant la promotion de la justice. Avant de s’engager dans un parti, il est bon de vérifier que, là où je suis, auprès des gens que je connais, je suis capable de témoigner des idéaux qui sont les miens, quitte à en payer le prix. La « grande politique » est bien sûr utile, indispensable au service du bien commun. Mais elle ne peut pas tout. Elle n’apportera pas de solution magique aux problèmes du monde. Il faut toujours partir de la réalité, notamment locale, et se méfier des idées politiques « hors sol ». Je conseille aux jeunes qui s’engagent dans un parti, de le doubler d’un engagement humanitaire de terrain, et de se garder de la tentation – qui touche notamment les milieux conservateurs – de chercher fiévreusement « l’homme providentiel ». Soutenir une personnalité politique est une chose, la prendre pour le Sauveur en est une autre.

Charles-Henri d'Andigné

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