LE BESTIAIRE DIVIN DE GUILLAUME – CLERC DE NORMANDIE ET TROUVÈRE AU 13 EME SIÈCLE

LE BESTIAIRE DIVIN DE GUILLAUME – CLERC DE NORMANDIE ET TROUVÈRE AU 13 EME SIÈCLE (Extraits)

Table des Matières

1 – Le Lion
2 – L`Antilope (Aptalos dans les anciens bestiaires)
3 – De Deux Pierres
4 – La Serre
5 – La Caladre (Calandre ou Caladrius)
6 – Le Pélican
7 – Le Nycticorax - (Hibou)
8 – L`aigle
9 – Le Phénix
10 – La Huppe
11 – La Fourmi
12 – La Sirène
13 – Le Hérisson
14 - L`Ibis
15 – Le Renard
16 – L`Unicorne   (un animal mythique du Moyen-Âge)
17 – Le Castor
18 – L`Hyène
19 – De l`Hydre et du Coquatrix (Légende du Moyen-Âge)
20 – La Chèvre
21 – L`Âne Sauvage (Onagre)
22 – La Foulque
23- La Panthère
24 – Le Dragon
25 – La Baleine
26 – La Perdrix
27 – La Belette
28 – L`Aspic
29 – L`Autruche
30 – La Tourterelle
31 – Le Cerf
32 – La Salamandre
33 – La Colombe
34 - Le Diamant

Le bestiaire se sert des objets de la nature qui, dans l'Ancien et le Nouveau Testament, servent le plus souvent de texte aux considérations religieuses , ou à l'enseignement des vérités morales

1 – Le Lion



Le lion a trois propriétés : il habite les hautes montagnes; quand il se voit poursuivi par le chasseur, il efface avec sa queue la trace de ses pas; quand il dort, il a les yeux ouverts, la femelle du lion met bas des petits qui tombent à terre sans vie pendant trois jours; ils sont abandonnés par elle, mais le lion arrive et soufflant sur eux il les rappelle à la vie. C`est un animal généreux qui n`attaque l`homme que lorsqu`il est pressé par la faim. C`est ainsi que Jésus-Christ cacha si bien sa venue sur la terre, que le démon lui-même (l`ange déchu) ne s`en aperçut pas. Trois jours aussi, comme le petit du lion, il fut privé de vie; mais Dieu le Père le fit sortir du tombeau et ressusciter glorieusement. Remarquez bien que ce n`est point la Divinité qui a souffert et qui a succombé à la mort dans Notre-Seigneur Jésus-Christ. Tout cela ne concerne que l`humanité. Frappez de la hache un arbre éclairé par les rayons du soleil; chaque coup entaillera profondément le bois sans que la lumière puisse être le moins du monde atteinte et tranchée.  Le lion est un des quatre animaux qui, tout en figurant le Christ, servent aussi de symbole aux quatre évangélistes. D`après les écrivains mystiques la double-nature de Jésus-Christ trouve son emblème dans le lion : la partie antérieure de son corps est forte et puissante; tandis que la partie postérieure est faible et grèle.




2 – L`Antilope (Aptalos dans les anciens bestiaires)



L`antilope a deux cornes tranchantes comme une lame de couteau, avec lesquelles il peut couper les plus gros arbres. Il habite les bords de l`Euphrate. Lorsqu`il a étanché sa soif dans les ondes de ce fleuve, il court joyeux au milieu de la plaine, et rencontrant sur son passage une forêt d`arbustes aux branches souples et déliées, il se met à y jouer avec tant d`ardeur que ses cornes s`y embarrassent et qu`il est pris par les chasseurs. Les chrétiens aussi ont les deux Testaments, qui, bien que divers, s`accordent cependant entre eux. Ils doivent en faire l`objet d`une étude assidue; mais ceux qui se laissent entraîner au milieu des joies et des plaisirs du monde, deviennent la proie du démon ( des anges déchus – et peuvent tomber en péchés mortels) contre lequel ils sont dans l`impossibilité de se défendre.


3 – De Deux Pierres



En Orient sont deux pierres, l`une mâle et l`autre femelle, qui prennent feu lorsqu`on les place l`une auprès de l`autre et la chaleur qu`elles produisent est alors si grande qu`elle embrâse toute la montagne. Ce qui nous apprend que l`homme et la femme doivent être prudent en société pour éviter les occasions de tomber en péché mortel. L`Ange félon qui le sait bien, et est toujours aux aguets pour faire succomber l`homme aux tentations : Joseph sut y résister; Samson a été vaincu. Ces pierres sont un peu comme les funestes conséquences qu`entraîne les plaisirs sensuels.

Note : Joseph résiste aux propositions de la femme du Putiphar (Genèse 39,9) - Samson le fort et le champion des Hébreux oubli toute prudence et est trahi et livré à ses ennemis par la belle Dalila femme du peuple des Philistins et ennemis des Hébreux. (Livre des Juges 16,18 – Ancien Testament)


Le film - Fallen Angel - sortie en français sous le titre Crime passionnel


4 – La Serre (un animal mythique du Moyen-Âge)



La Serre est un monstre ailé, qui habite les mers. Quand elle voit un vaisseau cingler à pleine voiles, elle étend ses ailes pour y recueillir tout le vent, et court de toutes ses forces en avant du vaisseau. Mais quand elle est fatiguée de ce travail inutile, elle replie ses ailes comme si elle s`avouait vaincue, et se laisse engloutir par les flots. Le monde est une mer, que les hommes de bien traversent sans crainte; et la Serre est l`image d`hommes, qui après avoir bien commencé, se décourage et se laissent vaincre par la paresse. Ils succombent alors aux tempêtes; c`est-à-dire aux vices et aux péchés. Cette image fait aussi penser à caractériser le manque de persévérance que les prédicateurs se plaignent si souvent de rencontrer parmi les chrétiens. La vertu doit se mesurer non par l`intensité, mais par la continuité des efforts.


5 – La Caladre (Calandre ou Caladrius)



C`est un oiseau blanc comme la neige que l`on trouve au pays de Jérusalem. On l`apporte devant les malades : ceux vers lesquels il se tourne doivent guérir car il attire à lui tout le mal; ceux au contraire dont il s`écarte mourront certainement. Jésus-Christ notre Sauveur, blanc comme la Caladre et dans lequel le démon (l`ange déchu) ne put découvrir aucun péché, vint trouver ainsi les hommes qu`il avait toujours aimés et il emporta avec lui toutes leurs infirmités, de même qu`autrefois la vue du serpent de Moise avait purifié les juifs au désert.  (Nombres 21,8) Le Caladre a souvent été employé comme le symbole de la Justice et de la Clémence divine. La damnation éternelle ou la vie éternelle.


6 – Le Pélican




Le Pélican est un oiseau merveilleux qui habite les bords du Nil. Il est en deux espèce, l`une ne vit que de poisson, et l`autre mange des vers. Quand les petits du Pélican sont devenus grands, ils frappent leur père a coup de becs. Trois jours après, il revient vers eux, se déchire le flanc avec son bec et leur donne son sang. Nous sommes les enfants de Dieu qui nous a nourris et nous fait croître, et nous l`avons frappé au visage; nous l`avons renié; et il nous a abandonné aux mains du félon perfide (l`ange déchu). Mais malgré nos crimes, Jésus-Christ nous a soustrait au pouvoir de Satan (l`ange déchu) et a la mort en versant pour nous son sang précieux. La méchanceté des petits fait ressortir la tendresse du Père qui rend le bien pour le mal.

Hughes de St-Victor dit : Nous avions frappé notre Dieu au visage; nous avions abandonné ses Commandements; nous l`avions renié lui-même. Et cependant il a livré son Fils au supplice; la lance d`un soldat a percé le flanc d`ou sont sortis l`eau et le sang qui ont servi à notre Rédemption. L`eau est la grâce du baptême, et le sang, le calice qu`il nous a donné à boire pour la rémission de nos péchés.

Vincent de Beauvais dit : Épuisé par la perte de sang pour ceux a qui il s`est dévoué, les uns, trop paresseux pour sortir du nid se laisse mourir de faim, les autres pourvoient à leur nourriture et à celle de leur père, d`autres ne songent qu`à eux-mêmes et ne payent ses bienfaits que par une noire ingratitude. Mais il traitera chacun d`eux avec une justice rétributive et chacun selon ses œuvres. L`Église a choisi le Pélican comme le symbole du sacrifice.




7 – Le Nycticorax - (Hibou)



Le Nycticorax aussi nommé effraie vit dans les ténèbres et a tout l`air d`être un suppôt du diable (suppôt des anges déchus). C`est la figure de ceux qui ne veulent pas croire en Jésus-Christ. Les impies vivent dans les ténèbres et les vrais croyants dans la lumière.  Le hibou ne pouvait guère être considéré comme un oiseau de bonne augure. C`est le corbeau de la nuit. Pline dit que cet oiseau se dérobe à la lumière.


Symbole des illuminati de Bavière au 18 eme siècle


Bohemian Grove en Californie - Lieu de rencontre de l`Élite mondialiste

8 – L`aigle



C`est le roi des oiseaux, quand il vieillit, que ses yeux s`obscurcissent et que ses ailles ne peuvent plus le porter, il se laisse tomber dans une fontaine, s`y plonge trois foi et en sort rajeuni. Ses yeux sont tellement perçant que si haut qu`il soit, il aperçoit dans la mer les poissons, il fond sur eux et en fait sa proie. Il ne reconnait pour ses enfants que ceux qui peuvent regarder le soleil.  L`aigle qui se renouvelle est comme le chrétien plongé dans la fontaine spirituelle qui peut ainsi voir le vrai soleil qui est Jésus-Christ. L`aigle est la figure de Dieu, des anges, des fidèles, de Jean l`Évangéliste. Le prophète montre le Seigneur si affectueux et si tendre pour le peuple qu`il s`est choisi, semblable a l`aigle qui porte son petit sur ses ailes par sa tendresse pour ses petits.


L`aigle de l`apôtre St-Jean – Évangéliste.


9 – Le Phénix (un animal mythique du Moyen-Âge)



Quand il a vécu 500 ans, il vole vers la cité de Héliopolis (Égypte ancienne) ou il se brûle sur un autel chargé de parfum. Un prêtre qui connaissait d`avance l`instant de son arrivée, arrive alors, écarte la cendre, y trouve un petit ver, d`une odeur merveilleuse, qui se change en un phénix nouveau. Celui-ci après avoir salué de la tête le chapelain, prends son envol pour revenir au même lieu dans 500 ans.  Notre Seigneur Jésus-Christ est ressuscité.  Comment les incrédules pourraient-ils niés ce miracle? Ce qu’ils affirment du phénix, un Dieu ne peut-il pas avec bien plus de raison le faire.

10 – La Huppe



Le nid de la huppe est fait de boue et d`ordure; mais ses petits nourrissent les parents affaiblis par l`âge, les débarrassent de leurs vieilles plumes, les réchauffent, les couvent comme ils ont été couvés eux-mêmes autrefois. N`y a t`il pas lieu de s`étonner que l`homme qui a la raison en partage, pratique moins bien que cet oiseau le précepte qui recommande d`honorer son père et sa mère? « Tu honoreras ton père et ta mère » (Exode 20,12)

11 – La Fourmi




Les fourmis marchent en ordres. Elles distinguent à l`odeur la nature du blé; elles amassent des provisions pour l`hiver; toutes, sans exception, travaillent, elles fendent en deux les grains pour les empêcher de germer. Le devoir des chrétiens est de diviser le bon grain que leur offre l`Évangile. Qu`ils ne s`attachent pas à la lettre qui tue, mais a l`esprit qui vivifie. Pensons aux Vierges folles et aux Vierges sages (Matthieu 25,1). Il faut que le chrétien distingue les bonnes doctrines des mauvaises à l`exemple de la fourmi qui ne confond point le froment et l`orge.

12 – La Sirène  (Mythe antique)



Lorsque nous nous laissons enchanter par le monde et que nous nous endormons au milieu des plaisirs qu`il nous offre, la sirène, c`est-à-dire le démon (l`ange déchu) tombe sur nous et nous sommes en danger. Les marins pour échapper à la voix trompeuse des sirènes bouche leurs oreilles pour ne rien entendre. L`homme qui veut conserver sa chasteté au milieu du monde doit pareillement fermer ses yeux et ses oreilles.

13 – Le Hérisson



Le hérisson est très adroit. Quand le raisin est mûr, il se dirige à petits pas vers la vigne, monte sur la pampre, le secoue et en fait tomber les graines; puis se roulant sur ces graines, il les percent de ses aiguillons et retourne a sa demeure tout chargé de butin. Si le diable (l`ange déchu) voit que tu te montres disposé à te laisser aller aux préoccupations mondaines, il se hâte de courir sur toi, il secoue ta vigne spirituelle et enlève tous les fruits spirituels que tu aurais pu en recueillir.  L`idée du hérisson doit rappeler celle de l`ennemi du genre humain toujours vigilant, qui enlève au chrétien le fruit de ses bonnes œuvres.

14 – L`Ibis



L`Ibis se nourrit de poisson pourri et de charognes. Paresseux et lâche, il n`ose aller chercher sa proie dans les eaux. Debout sur le rivage, il attend que les flots aient jeté à ses pieds quelques débris. Ainsi le pécheur néglige les viandes spirituelles pour les nourritures charnelles. Les bons chrétiens vont puiser dans les ondes limpides, c`est-à-dire dans les monastères, les viandes salutaires ou les vertus qui sont la rançon de l`âme.  L`Ibis rendait de nombreux service comme de briser les œufs des serpents.

15 – Le Renard – (Le Goupil)



Le renard ne vit que de vol et de tricherie. Quand la faim le presse il se roule sur la terre rouge et il semble être tout ensanglanté, alors il s`étend dans un lieu découvert, retenant son souffle et tirant la langue, les yeux fermés et rechignant les dents, comme s’il était mort. Les oiseaux viennent près de lui sans défiance, et il les dévore. Ainsi le démon (l`ange déchu) frappe l`imprudent qui ne se défie pas de ses ruses. Mais les hommes sages qui savent apprécier les moyens qu`il emploie, c`est-à-dire les beuveries, ivresses, les débauches pour surprendre ceux qui ne sont pas sur leur garde et qui tombent dans ses pièges. Le renard au moyen-âge est souvent l`emblème de la ruse, de la perfidie, de la trahison, de la tromperie et de l`hypocrisie. Dans les Romans du renart on lui prête les travers et les vices des hommes. L`Évangile qualifie le cruel roi Hérode de renard.

16 – L`Unicorne   (un animal mythique du Moyen-Âge)



Cet animal n`a qu`une corne au milieu du front; il est le seul qui ose attaquer l`éléphant. De son éperon, tranchant comme une lame, il lui perce le ventre et l`occit. Les chasseurs pour prendre cette bête formidable, font avancer une jeune vierge dans la forêt ou elle a son repaire. Aussitôt que l`unicorne l`a aperçue, il se radoucit, accourt vers elle, se couche sur ses genoux, et se laisse prendre par les chasseurs. C`est ainsi que Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui avait voulu revêtir notre humanité dans le sein de la Vierge Marie fut trahi par Judas et livré à Pilate.

17 – Le Castor  



Le castor lorsqu`il se voit poursuivi se hâte de se débarrasser de l`objet qu`on cherche à lui enlever et de le jeter aux chasseurs, a ce prix, il sauve sa vie. Le chrétien poursuivi par le félon, doit lui jeter à la face ce qui est à lui : la fornication, l`adultère, l`ivrognerie, ect. L`ange déchu voyant qu`il n`a plus rien à prétendre abandonne sa proie. L`ennemi de notre salut éprouve le désappointement lorsque le pécheur qu`il avait rempli de ses inspirations funestes brise ses chaînes et refuse le péché.

18 – L`Hyène



L’Hyène se nourrit de charogne. Elle est l`image des gens doubles, faux et changeants qui servent deux-maîtres malgré la parole de Notre-Seigneur : « Nul ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l'un, et aimera l'autre; ou il s'attachera à l'un, et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mamon. (L`argent) (Matthieu 6,24)

19 – De l`Hydre et du Coquatrix (Légende du Moyen-Âge)


Hydre – basilic – (serpent)

L’hydre est un animal moult (très) sage et qui sait bien faire dommage au coquatrix. Le coquatrix est cette fière bête qui vit dans le Nil. Il a vingt coudées de long, quatre pieds armés d’ongles, les dents aiguës et tranchantes. S’il rencontre l’homme, il le tue ; mais il en demeure inconsolable pendant le reste de sa vie. Lorsque l’hydre, qui est plus habile que son ennemi, le voit plongé dans le sommeil, elle va se rouler dans la fange, et quand elle en est toute souillée , elle s’élance dans la gueule du coquatrix, pénètre dans son Ventre et lui déchire les entrailles. » De même que le serpent tue le coquatrix , de même Notre-Seigneur Jésus-Christ, en enveloppant sa divinité dans un corps humain, a pu tuer et l’enfer et la mort ; « O mort, avait-il dit, je serai ta mort !»


20 – La Chèvre



Du haut des montagnes ou elles aiment vivre, les chèvres savent distinguer le chasseur du simple voyageur. Ainsi, Dieu qui habite le Ciel voit tout ce qui se passe sur la terre, et lit dans nos plus secrètes pensées. Au Jour du Jugement, il saura bien distinguer ceux qui l`ont servi et ceux qui auront méprisé ses Commandements. Secourez donc les malheureux, nourrissez ceux qui ont faim, soignez les malades, et Dieu vous en récompensera. Qui donne au pauvres, prête à Dieu.

21 – L`Âne Sauvage (Onagre)



C'est en Afrique que l'on trouve l'âne sauvage, ou onagre. L'onagre, dit Job, ne crie que lorsqu'il a faim. Ainsi le démon, (l`ange déchu) voyant les peuples convertis à la nouvelle loi, (l`Évangile) en fut si irrité qu'il cria. Il criera bien plus fort encore, lorsqu'il verra les impies se soumettre à l'Évangile. Il pourra ouvrir la gueule alors , car il aura faim et soif. L'âne sauvage brait pendant vingt-quatre heures ; le démon pourra de même braire sans fin.

22 – La Foulque



C'est un oiseau bel et courtois, qui vit au milieu des rochers de la mer, y séjourne paisiblement, pressent les tempêtes et ne mange que du bon poisson. Jamais il ne touche à la chair pourrie. Sa chair a le goût de celle du lièvre de bruyère.  C'est l'image du bon prud'homme qui demeure en la sainte église, mange son pain quotidien comme le doit faire un véritable chrétien. Cet oiseau a un genre de vie et un caractère pacifique comme doit l`avoir le bon chrétien.

23 – La Panthère



Quand elle a bien bu et bien mangé, elle fait entendre un mugissement qui s'entend de tout le pays à l'entour ; et il sort de sa bouche une si bonne odeur, qu'il n'est dans le voisinage aucune bête qui puisse s'empêcher de venir à elle et de se mettre à sa suite. Le dragon seul n'a pas plus tôt senti cette odeur, qu'il s'enfonce dans la terre et s'y cache, sans oser en sortir. Le mauvais homme qui, ne voulant pas entendre la parole divine ni en souffrir l'ineffable douceur, se tient éloigné de l'Église, par qui peut-il être figuré, sinon par le dragon qui s'enfuit devant la panthère? Mais ce dragon n'est-il pas plus expressément encore l'image de Satan, qui, à la venue du Sauveur, s'est enfui au plus profond de l'enfer où Notre-Seigneur est allé le chercher et le punir ?

24 – La Dragon (animal de légende du Moyen-âge)



C'est le plus grand des animaux rampants. Il naît en Éthiopie; il a la gueule petite, le corps long et reluisant comme or fin. C'est l'ennemi de l'éléphant; c'est avec sa queue qu'il triomphe de lui ; là est, en effet, le principe de sa force ; sa gueule ne porte point Venin de mort. Ce dragon que nous venons de voir fuir au cri de la panthère , qui s'attaque à l'éléphant, que nous retrouverons plus loin rôdant autour de l'arbre sur lequel se pose la colombe; c'est le serpent, l'antique serpent (l`ange déchu), que l'Apocalypse nous montre terrassé par l'archange saint Michel ; celui qui s'appelle Diable et Satan, l'éternel séducteur du monde «Et de dragon, l`ancien serpent, appelé le démon et Satan qui séduit tout l`univers, fut précipité sur la terre, et ses anges avec lui.» (Apocalypse 12,9). Lorsqu'il s'agira de représenter aux yeux son image, il sera difficile que la main de l'artiste n'emprunte pas, pour les réunir sur lui seul, les détails propres aux nombreuses espèces que décrivent les auteurs. L'air, la terre, la mer ont chacun leur serpent-dragon. Il vole, il marche, il nage, dit saint Grégoire. Ici il est peint avec des ailes, là avec des pattes ; celui-ci est d'une longueur médiocre, celui-là dépasse trente coudées. Le dragon dont parle Barthélemy de Glanvil répandra un venin dont l'air est infecté ; il aura une crête sur la tête, comme celui que Pline décrit; un autre enflammera les airs de sa brûlante haleine. Le démon (l`ange déchu) ne s'adresse-t-il pas de préférence aux riches et aux puissants de la terre? La crête dont Isidore orne sa tête ne conviendra pas mal à ce roi de l'orgueil ; et si, sorti de ses cavernes, il s'élance dans l'air qui reluit de la flamme qu'il allume, rien ne paraîtra plus propre à caractériser l'ange des ténèbres qui fut autrefois un ange de lumière.

25 – La Baleine



C'est la grande merveille de la mer. Sa couleur la fait ressembler à un vaste banc de sable. Les marins, passant dans son voisinage, la prennent pour une île, y descendent, y allument du feu et y font leur cuisine, enfonçant de grands pieux dans ce qu'ils prennent pour du sable. Aussitôt que le monstre sent la chaleur, il se plonge dans l'abîme et entraîne avec lui la nef avec ses matelots. Ainsi sont trompés les mous et chétifs mécréants qui ont confiance dans le diable (l`ange déchu). Au moment où ils y pensent le moins, il plonge dans l'enfer et les y entraîne avec lui.

26 – La Perdrix



La perdrix que nous connaissons et que nous mangeons volontiers est un oiseau très-rusé. Cette voleuse couve les œufs d'autrui, ce qui ne lui profite guère; car les petits éclos savent reconnaître les auteurs de leurs jours, et ils abandonnent la fausse mère pour la véritable. La fausse mère reste seule. Lorsque l`ange déchu a ravi comme un voleur les enfants de Dieu , et qu'il les a nourris en  choses mauvaises et en débauche, il croit avoir fait d'eux ses fils. Mais quand ceux-ci entendent la voix de Dieu, « en l'église, leur droite mère, » ils reviennent à lui pleins de repentir, et ils sont bien accueillis; car il est toujours temps de rentrer dans le sein de l'Église, qui a plus de joie d'un pécheur repentant que de quatre-vingt-dix justes.

27 – La Belette



La belette porte ses petits d'un lieu dans un autre, symbole de l`inconstance; elle fait aux serpents une guerre impitoyable.  A la belette qui change souvent de place sont assimilés ceux qui, après avoir cru à la parole de Dieu et promis de le servir , le renient et cessent d'obéir à ses commandements.

28 – L`Aspic



Ce serpent (je ne l'ai jamais vu, dit Guillaume, mais rien n'est plus vrai) craint la voix des enchanteurs, et, pour empêcher qu'elle ne parvienne jusqu'à lui, il bouche l'une de ses oreilles avec sa queue, et l'autre en l'appliquant fortement à la terre. Ainsi les hommes riches de ce monde, assourdis par le péché et la convoitise, ne peuvent entendre la parole de Dieu. Quatre moyens employés par l'antique serpent (l`ange déchu) pour perdre l'homme. Il faut résister de toutes ses forces à cette soif de l'or, qu'il fait naître en nous ; à cette paresse somnolente dans laquelle il plonge notre âme engourdie; à la colère , qui nous pousse à verser le sang ; à l'ambition, enfin, qui nous enfle d'un fatal orgueil.

29 – L`Autruche



Le nom hébreu de l'autruche est assida et elle s'appelle en grec camélon. Elle a deux pieds, ses ailes sont grandes, mais elle ne vole jamais. Elle pond au mois de juin, lorsqu'elle a aperçu dans le ciel une étoile qui a nom Virgile. Elle dépose alors ses œufs sur le sable et les oublie, ne songeant plus qu'à contempler son étoile. Les œufs sont échauffés la motte sablonnière, et les petits en sortent sans le secours maternel. C'est l'image du prud'homme de bonne vie qui ne s'occupe que des choses célestes. Pourquoi l'homme que Dieu fit raisonnable, connaissant et entendable, ne préfère-t-il pas toujours ainsi les joies du ciel aux plaisirs terrestres ?  Aussi, lorsque l'on suspendait des œufs d'autruche dans les églises du moyen-âge, ceux qui connaissaient le sens de ce symbole exposaient-ils, en s'appuyant sur le récit rapporté par nos Bestiaires, que l'homme peut bien, ainsi que l'œuf de l'autruche, être délaissé par Dieu, mais que, si le repentir pénètre dans son cœur éclairé par une lumière surnaturelle, il pourra rentrer en grâce et reprendre son rang parmi les fidèles. C'est ainsi que l'apôtre St-Pierre qui avait renié le divin Sauveur put obtenir son pardon. D'autres interprétant d'une manière un peu différente le récit relatif à l'autruche et à son étoile, enseignaient que l'homme, après avoir péché, peut encore revenir à Dieu, lorsque le Saint-Esprit a fait pénétrer dans son cœur la lumière et la foi.

30 – La Tourterelle



C'est un oiseau qui aime beaucoup et qui est beaucoup aimé. Il séjourne sur les branches des arbres. Quand il perd sa compagne, il est plongé dans la douleur et il lui demeure toujours fidèle.  Quand je vois la tourterelle, je m'étonne que l'homme et la femme qui ont fait vœu de s'aimer toujours tiennent si mal leur serment.   La tourterelle, c'est la sainte Église, qui, ayant vu son loyal époux Jésus-Christ battu, souffrir et crucifier, en eut le cœur angoisseux , lui garda sa foi et toujours attend sa venue. Adoptée de tout temps comme un emblème de la fidélité conjugale, la tourterelle figure aussi l'Église, cette chaste épouse de Jésus-Christ, dont rien ne doit altérer l'amour ni lasser la constance. C'était la plus sévère leçon qu'ils pussent donner aux chrétiens qui, ainsi que le dit saint Basile, devraient rougir de rencontrer dans un faible oiseau un exemple qu'ils suivent si peu. Guillaume condamne en termes énergiques ceux qui ont la mémoire du cœur si courte, ou qui ne se souviennent pas des exigences du devoir.

31 – Le Cerf



Le cerf devenu vieux va dans les lieux où vit la couleuvre, qui le craint beaucoup et le hait à mort. Il répand à l'entrée de son trou l'eau dont il avait empli sa bouche, et la force de son haleine attire la couleuvre malgré elle ; alors il la foule à ses pieds et la mange. Ainsi Jésus-Christ fit sortir le diable de l'enfer: il est la claire fontaine que celui-ci ne peut souffrir.  Le cerf habite volontiers les montagnes. Par montagnes, nous devons entendre les prophètes et les apôtres, qui connurent Dieu et annoncèrent sa venue sur la terre. L'antipathie que le cerf éprouve pour le serpent est un fait si souvent exposé par les naturalistes anciens et mentionné par les poètes. Lorsqu'il a dévoré son ennemi, il est pris d'une soif ardente qu'il étanche en allant s'abreuver aux sources les plus pures, après avoir d'abord rejeté le venin du serpent.

32 – La Salamandre



Elle ressemble à une grande lézarde par la queue et par la tête. Elle ne craint point que le feu la brûle; si elle vient à passer au milieu du feu le plus ardent, elle l'éteint. Elle porte un venin. Monte-t-elle sur un pommier, elle en corrompt les fruits. C'est encore une image du prud'homme de bonne vie, qui éteint tout autour de lui le feu et l'ardeur de la luxure. Ceux qui servent bien Notre-Seigneur n'ont rien à craindre des flammes qui tourmentent les âmes.



33 – La Colombe



C'est sous la forme de cet oiseau, le plus beau de tous , que le Saint-Esprit descendit au baptême de Jésus-Christ. Jadis on ne manquait pas de voir venir chaque année en la cité de Jérusalem, la veille de Pâques, une colombe blanche qui apportait le feu nouveau. Dans le colombier est un chef à qui tout le monde obéit. Quand il se meut, tous se meuvent. Si, sur son chemin, il rencontre des colombes sauvages, il les apprivoise et leur fait quitter leurs bois pour le suivre dans son colombier. Ce colombier, c'est l'Église dans laquelle la bonne prédication a fait entrer les Sarrazins et païens. Les ailes de Dieu sont assez vastes pour mettre le monde entier à couvert. Dieu est venu comme une colombe pour prêcher en terre; maint prophète et maint messager, inspirés par le Saint-Esprit, avaient annoncé sa venue et le salut du genre humain.  Il y a dans l'Inde un arbre beau, feuillu et verdoyant. Il s'appelle en grec Paradision  sur sa dextre partie habitent les colombes et elles se gardent bien de s'écarter de l'ombre qu'il répand autour de lui ; car il y a dans les environs un dragon ennemi des colombes, qui les dévorerait si elles s'en écartaient. Il ne peut atteindre celles qui demeurent sur l'arbre. Si l'ombre s'étend vers le côté droit, le dragon se tient aux aguets en la sénestre partie et vice versa; car lui-même craint l'ombre du paradision qui le ferait mourir.  L'arbre de vie, c'est Dieu le père omnipotent ; le fruit, c'est Jésus-Christ; l'ombre, c'est le Saint-Esprit qui dans le corps de Marie s'aombra. Le fruit qu'Adam avait goûté nous avait déshérités de la joie du ciel ; le fils de Dieu qui but le fiel nous a rachetés; et le mal dragon qui nous guette, nous met à mort sitôt qu'il nous trouve hors de l'ombre qui nous protège.  Celui qui ne croit pas un Dieu en trois personnes est de la gent de l'Antéchrist. Soyez simples comme la colombe et sages comme le serpent, dit l'Évangile. Il y a des colombes de toutes couleurs, blanches, grises, azurées, stéphanines, noires, fauves, rousses, vermeilles, cendrées; quelques unes ont toutes ces couleurs réunies. Les douze principales couleurs dont elles sont ornées représentent les douze prophètes qui annoncèrent de manières différentes l'avènement de Notre-Seigneur. Ils s'accordent tous néanmoins quand on sait les interpréter. La colombe cendrée est Jonas, qui alla vers les habitants de Ninive avec la haire et la cendre ; celle qui ressemble à l'air , c'est Hélie ; la blanche est saint Jean-Baptiste; la rouge signifie la passion ; la stéphanine saint Étienne, le premier martyr. Vous avez entendu parler des colombes dans ce chapitre qui est très long; de bons exemples que vous pouvez prendre.

Les anciens avaient vanté, d'après Aristote, la chasteté de la colombe, et les Égyptiens avaient fait d'elle le symbole de la veuve qui ne prend pas un second mari. Après que les Pères eurent choisi de préférence la tourterelle pour cet emblème spécial, la colombe a dû, conformément aux textes sacrés qui faisaient loi en cette matière, devenir l'image et le symbole du Saint-Esprit. Puis, par extension, l'âme des saints, cette âme faite à l'image de Dieu, fut représentée sous la forme d'une colombe. C'est l'emblème qui se trouve le plus souvent sur les sarcophages primitifs. Là, on la voit emporter dans son bec une palme, une branche d'olivier, ou des raisins, figurant l'âme des confesseurs qui montent au ciel. Que peut être, en vertu de ces touchants souvenirs, un temple chrétien, sinon, comme l'appelle Tertullien, la maison de la colombe? Le dais ou pavillon qui surmontait l'autel recevait le nom de la colombe qui y était attachée ; on l'appelait Peristerarium. Toutes ces circonstances s'accordent avec le récit de Guillaume. Quant au dragon que notre poète place autour de cet arbre figuratif dont les colombes, images des âmes fidèles, ne peuvent s'écarter sans danger, rien de plus transparent que le voile allégorique imaginé pour caractériser en lui le démon (l`ange déchu).

34 – Le Diamant



Là-haut, en Orient, on trouve une pierre dure. Elle brille pendant la nuit , le soleil lui rebouche la clarté. Le fer ne peut la broyer. Le mont sur lequel se trouve le diamant, figure Dieu le père ; et la pierre qui par nuit est claire, signifie Jésus-Christ , qui prit pour nous l'humanité et en ténèbres nous visita. En ces pierres que ni les coups ni les heurtures ne peuvent ébrécher, vous devez entendre les apôtres bienheureux, les saints et les prophètes, qui dans les tourments ne fléchirent jamais. L'homme trouve cette pierre cachée dans la montagne ; ainsi Jésus-Christ cacha sa venue ; et quand la céleste compagnie sut ce qui s'était passé, elle s'écria sans envie : « Il est donc venu celui qui est le véritable roi de gloire (Psaume 28,8) !

Fin