Le Sénat appelle à redoubler de soins envers le patrimoine religieux

par Lumen Lun 1 Aoû 2022 - 21:02

Le Sénat appelle à redoubler de soins envers le patrimoine religieux

Sa spectaculaire beauté et son analogie avec les instruments de la Passion figurent le mystère à la fois douloureux et glorieux du Sacrifice pascal.

Le Sénat appelle à redoubler de soins envers le patrimoine religieux Petit_patrimoine_urgences_patrimoine_1

La démolition de la chapelle Saint-Joseph avait provoqué un tollé début 2021, après le refus de la ministre de la culture Roselyne Bachelot de la classer aux monuments historiques malgré la lutte acharnée de défenseurs du patrimoine. Elle a été remplacée par un campus universitaire. - petit patrimoine Urgences patrimoine

« Héritage commun à préserver », « véritable bien commun », « extrême attachement des Français au patrimoine religieux »… dans son rapport rendu public mi-juillet, la Mission d’information relative au patrimoine religieux du Sénat ne ménage pas ses mots pour évoquer l’urgence d’entretenir au mieux les milliers d’édifices religieux couvrant le territoire français.

S’inquiétant des menaces qui pèsent sur eux – en particulier sur le patrimoine non protégé dans les zones rurales –, elle appelle à un sursaut face au risque d’une « dégradation accélérée » d’un certain nombre d’églises. « Au-delà de leur fonction cultuelle, ces édifices sont des témoins du passé de notre pays. (…) Si [ce patrimoine] venait à disparaître, avertit-elle, ce ne serait pas seulement quelques vieilles pierres qui seraient détruites, c’est un pan entier de la culture qui serait effacé. »

Le patrimoine religieux d’avant 1905 non protégé

Le rapport se concentre sur les églises catholiques construites avant 1905 car c’est le patrimoine religieux « le plus important en nombre et celui en proie aujourd’hui aux principales difficultés ». Et il lance l’alerte sur la proportion importante de ces édifices qui ne jouissent pas d’une protection au titre des monuments historiques -- sur les plus de 75.000 que compte le territoire français, seuls 15.000 édifices religieux français en bénéficient. Sans être catastrophiste, notant que la propriété publique de bon nombre d’églises favorise leur entretien et que le patrimoine français est l’un des mieux conservés en Europe, le Sénat remarque surtout une grande disparité d’entretien en fonction des communes et de leurs capacités financières. Le patrimoine religieux est également plus dégradé en zone rurale qu’en milieu urbain.

Quelles solutions ?

Pour le Sénat, les solutions sont déjà en place (un changement législatif n’est donc pas nécessaire) mais il reste à favoriser leur mise en œuvre. Les financements existent, mais il faut aider les maires, notamment des petites communes, à les mettre en place, car il s’agit d’opérations souvent complexes qu’ils n’ont pas forcément les moyens de mettre en œuvre.

« On nous confié la mission d’établir ce patrimoine religieux suite à de nombreuses sollicitations des maires, souvent très démunis face à sa dégradation », confie Anne Ventalon, sénatrice LR et rapporteur pour cette mission. « Il y a un très fort attachement des élus et de la population à leur patrimoine religieux, qu’ils soient croyants ou pas, note Pierre Ouzoulias, sénateur communiste et co-rapporteur. L’église fait partie du patrimoine de la commune et de son identité. On n’a pas senti du tout la volonté des mairies de s’en séparer mais au contraire une demande d’aide de leur part pour mieux s’en occuper. »

L’accompagnement des maires est ainsi l’un des trois axes que propose le Sénat dans une liste d’une dizaine de recommandations. Un autre axe consiste à développer une politique spécifique envers le patrimoine religieux le plus menacé : réalisation d’un inventaire de ce patrimoine et mise en place d’un plan national pour la préservation du patrimoine en péril (notamment édifices du XIXe siècle).

Edifices vivants, édifices préservés

Dernière recommandation mise en exergue par le Sénat : la réappropriation des édifices par les habitants et leur mise en valeur au niveau touristique. Si le culte ne peut pas toujours être célébré, du fait de la raréfaction des prêtres et de la diminution des fidèles, l’élément décisif pour l’entretien des édifices est leur ouverture. Celle-ci permet « de prévenir, par une ventilation suffisance, un certain nombre de dégradations ». Cela implique de trouver des solutions nouvelles pour la sécurisation, notamment face au vandalisme, dont les rapporteurs notent que « c’est une inquiétude » et que « parfois les églises restent fermées pour se protéger du vol ».

Pour la mise en valeur des lieux, plusieurs idées sont avancées, comme le développement de visites. Le rapport cite comme exemple les « jeunes ambassadeurs du patrimoine » lancés dans la Meuse, permettant à des jeunes de faire visiter les églises. Plus généralement, les rapporteurs soulignent le fait que les églises constituent une des sources de l’attractivité de la France. « Si la France est la première destination touristique du monde, note ainsi Pierre Ouzoulias, c’est notamment parce que partout où vous allez vous avez la possibilité d’entrer dans une église ». De cette « richesse absolue », le Sénat invite à prendre le plus grand soin.

Scandales et initiatives

Cette sollicitude du Sénat est particulièrement remarquable dans un contexte où plusieurs scandales ont surgi ces derniers mois au sujet du patrimoine religieux français. Outre la destruction de la chapelle Saint-Joseph à Lille qui avait provoqué un tollé, après le refus de la ministre de la Culture Roselyne Bachelot de la classer aux monuments historiques fin 2020, d’autres églises ont récemment été menacées de démolition comme à la Ferrière-de-Flée, suscitant l’ire des défenseurs du patrimoine. « Détruire nos églises est un acte criminel », avait alors déclaré Stéphane Bern dans un entretien à Famille Chrétienne, regrettant la généralisation du phénomène par une gestion inadaptée du budget des communes.

Plusieurs initiatives, menées entre-autres par des catholiques, fleurissent en France pour venir au secours des églises, chapelles, et abbayes. Des fidèles se retroussent les manches en famille ou en couple pour restaurer une chapelle proche de chez eux. L’association Arcade envoie tous les étés depuis 2019 des jeunes volontaires sur des chantiers du patrimoine, dont 50 % d’édifices religieux, pour participer à leur restauration et si possible, faire rejaillir leur vocation spirituelle. Sans intégrer spécifiquement de dimension chrétienne, l’association Urgences patrimoine a lancé l’opération mille-et-une chapelles pour venir au secours des édifices catholiques en campagne menacés de ruine.

Jean-Marie Dumont

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