Covid: les manifestations en Chine nous interpellent aussi
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Covid: les manifestations en Chine nous interpellent aussi
Covid: les manifestations en Chine nous interpellent aussi
29 Nov 2022 | Actualités
Benoît et Moi
Face aux émeutes qui s’étendent en Chine contre les confinements à répétition, aussi impitoyables qu’arbitraires, au nom d’une prétendue politique Zéro Covid, notre classe médiatico-politique joue les vierges effarouchées: comment, enfermer les gens, faire intervenir la police, réprimer les émeutes??? Ce n’est pas chez nous que ça arriverait… Il faut croire qu’ils ont la mémoire courte. Ou alors, ce qui était bien chez nous serait mal chez les Chinois? C’est ce que met en évidence cet article de Stefano Magni (La NBQ), saluant au passage l’incroyable courage des manifestants chinois, jeunes pour la plupart, aux antipodes de nos « antifas » en peau de lapin, et qui manifestent non pas contre l’ « inaction climatique » ou un inexistant péril fasciste, mais pour leur liberté, et même leur vie. Eux, ils risquent leur tête, et pas que métaphoriquement: certes, Stefano Magni interpelle les Italiens, mais cela vaut pratiquement tel quel pour nous Français. Ne serait-ce pas le moment de nous livrer à un sérieux examen de conscience?
Chine: de la révolte contre le confinement à la rébellion contre Xi Jinping
En Chine, la révolte contre les confinements s’étend à tout le pays, après qu’un incendie à Urumqi a fait dix morts, un massacre aggravé par les mesures Zéro Covid qui ont empêché les opérations de secours. Désormais, les manifestants ne s’en prennent plus seulement aux autorités locales, mais au régime lui-même. La manifestation interroge aussi nos consciences.
Gros ennuis en Chine pour le parti communiste, au lendemain du congrès qui a consacré Xi Jinping comme président pour un troisième mandat sans précédent. Au cours du week-end, une révolte a éclaté contre le maintien du confinement. Et cette fois, elle n’est pas seulement locale, mais nationale. Non seulement elle se répand dans les grandes villes, y compris la capitale, mais elle s’organise derrière des slogans et des revendications à l’égard du gouvernement et non plus seulement à l’égard des autorités locales (qui ont jusqu’ici toujours été sacrifiées en échange de l’ordre).
Les causes de ce soulèvement sont multiples. A la mi-octobre, un quartier pauvre de Canton s’était soulevé. Fin octobre, c’était le tour des ouvriers de Foxconn [l’usine chinoise d’iPhone, ndt] à Zhengzhou, qui avaient fui leur usine transformée en prison pendant un mois de quarantaine. Enfin, la fuite s’est transformée en révolte quand les ouvriers nouvellement recrutés se sont également rebellés. La Coupe du monde au Qatar a probablement contribué au mécontentement. La Chine joue avec l’équipe nationale, les Chinois sont de plus en plus fans de football et suivent les retransmissions en direct à la télévision. La télévision d’État, CCTV, adoptant la technique du retard d’une minute dans la diffusion, comme lors des Jeux olympiques, a soigneusement censuré toutes les scènes de supporters rassemblés et démasqués, ne retenant que les scènes des équipes sur le terrain et sur les bancs. Malgré tout, des scènes de célébrations et de gens heureux sans masque ont néanmoins filtré depuis le jour de l’ouverture, poussant de nombreux Chinois à se demander sur les réseaux sociaux si le Qatar se trouvait sur une autre planète.
La protestation s’est de toute façon étendue et est devenue nationale après un incendie à Urumqi, capitale de la région autonome du Xinjiang. Habitée par la minorité ouïgoure, la plus persécutée de Chine, la région fait déjà l’objet d’un régime de surveillance spécial et le confinement est plus dur qu’ailleurs. Depuis le mois d’août, Urumqi est fermée. Un incendie qui s’est déclaré dans les étages supérieurs d’un immeuble a tué dix personnes. Deux causes possibles ont empêché les victimes d’être secourues : le bâtiment aurait pu être scellé de l’extérieur, comme cela se produit pendant les périodes de confinement (mais les autorités locales le nient) et les pompiers sont intervenus très tard, en raison des points de contrôle mis en place précisément pour appliquer la politique « Zéro Covid ». Ce massacre, qui aurait pu être évité, a été la proverbiale goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Partant de l’incendie d’Urumqi, la protestation s’est propagée comme un incendie d’été à une cinquantaine de campus universitaires et à une douzaine de villes dont Pékin, Wuhan, Chengdu, Nanjing, Zhengzhou et Canton. C’est à Shanghai qu’ont eu lieu les manifestations les plus fortes sur le plan symbolique. La foule a exigé la démission de Xi Jinping. En Chine, il s’agit d’un crime qui entraîne de lourdes peines de prison. Le journaliste de la BBC Edward Lawrence a été arrêté alors qu’il couvrait la manifestation. Il a été frappé à coups de pied et de poing par la police anti-émeute avant d’être arrêté. Il est maintenant libéré de prison, mais certainement averti.
À Pékin, dans la nuit de dimanche à lundi, la police a arrêté des centaines de personnes qui défilaient sur la place Tiananmen en scandant les slogans « Nous voulons les droits universels, la liberté, la démocratie, à bas la dictature et le culte de la personnalité ! ». Pendant une nuit au moins, on a cru revivre le moment du seul soulèvement démocratique, celui de 1989. À Hong Kong, quelques dizaines de jeunes gens se sont rassemblés dans le centre-ville, ont scandé « Pas de peur, pas d’oubli, pas de pardon » et ont brandi des feuilles de papier blanc.
Les feuilles de papier blanc sont devenues le symbole de la nouvelle protestation. Tous les slogans sont interdits, la censure est généralisée, si bien que les gens protestent sans rien écrire, pour éviter (au moins formellement) d’être arrêtés pour quelque chose d’écrit. Mais les gens parlent, crient des slogans et sont filmés par des millions de caméras, sur lesquelles sont installés des logiciels de reconnaissance faciale. Nous pouvons être sûrs qu’au moment où cet article est mis en ligne, de nombreux manifestants ont déjà été identifiés et arrêtés. Beaucoup d’entre eux vont tout simplement disparaître dans la nature.
Hier, les autorités chinoises ont répondu par un déploiement massif de forces de police dans toutes les villes concernées par les manifestations. À Pékin, la police s’est concentrée sur le pont Sitong, où, en octobre, un manifestant avait déployé deux affiches avec des slogans contre le harcèlement de la politique Zéro Covid, le Parti communiste et Xi lui-même. Ces slogans, bien que censurés avec grand soin par les médias chinois et sur les médias sociaux, se sont néanmoins répandus : ce sont les mêmes que ceux des manifestants de Shanghai. Dans la mégapole portuaire, en revanche, la police a fermé lundi la rue Wulumuqi, théâtre des manifestations. La police agit principalement de manière préventive, avec des contrôles généralisés des citoyens susceptibles de participer à de nouveaux événements. Les suspects ont été arrêtés entre dimanche et lundi. Toute personne se trouvant à proximité d’éventuels sites de protestation voit son téléphone portable vérifié pour savoir si elle a installé des applications de messagerie occidentales (non contrôlées par le régime) et si elle possède des photos des manifestations du week-end.
Les citoyens chinois qui protestent sont essentiellement des jeunes, principalement des étudiants, exactement comme c’était le cas sur la place Tiananmen il y a plus de trente ans. Ils font preuve d’un courage hors du commun : l’arrestation est certaine, leur vie même est en danger. La cause est différente, mais l’objectif de la manifestation est le même qu’en 1989 : exiger plus de respect de la part du régime, voire sa démocratisation. L’issue semble désormais acquise, mais des surprises sont possibles après trois ans de dictature réelle (pas métaphorique, mais réelle).
Les protestations chinoises interpellent aussi nos consciences : la période de confinement (plus courte et plus douce que les mesures de Pékin) que nous avons connue ces deux dernières années était en tout cas copiée sur le modèle chinois. La majorité des Italiens l’ont accepté avec obéissance et zèle, allant jusqu’à la dénonciation, le contrôle des voisins, les rapports de presse sur les fêtes dans les arrière-cours et les coureurs solitaires violant le lockdown. La police poursuivait avec des drones les personnes qui se promenaient seules ou qui prenaient un bain de soleil sur la plage, afin que personne ne donne le « mauvais exemple ». La Chine n’a fait qu’appliquer ce modèle jusqu’à ses extrêmes conséquences et pendant un an de plus que l’Italie. Mais la substance est identique. Combien de ces journalistes qui écrivent ces jours-ci sur la liberté réprimée en Chine prêchaient la répression en Italie il y a deux ans ? Combien, face aux protestations contre les lockdowns en Occident, notamment aux USA, en Australie et au Canada, appelaient à l’usage de la force contre les manifestants qui étaient des « ennemis de la science » ? Et combien, face aux images de Chinois se révoltant avec une feuille de papier vierge dans les mains, se seront rendu compte du type de répression qu’ils invoquaient alors?
29 Nov 2022 | Actualités
Benoît et Moi
Face aux émeutes qui s’étendent en Chine contre les confinements à répétition, aussi impitoyables qu’arbitraires, au nom d’une prétendue politique Zéro Covid, notre classe médiatico-politique joue les vierges effarouchées: comment, enfermer les gens, faire intervenir la police, réprimer les émeutes??? Ce n’est pas chez nous que ça arriverait… Il faut croire qu’ils ont la mémoire courte. Ou alors, ce qui était bien chez nous serait mal chez les Chinois? C’est ce que met en évidence cet article de Stefano Magni (La NBQ), saluant au passage l’incroyable courage des manifestants chinois, jeunes pour la plupart, aux antipodes de nos « antifas » en peau de lapin, et qui manifestent non pas contre l’ « inaction climatique » ou un inexistant péril fasciste, mais pour leur liberté, et même leur vie. Eux, ils risquent leur tête, et pas que métaphoriquement: certes, Stefano Magni interpelle les Italiens, mais cela vaut pratiquement tel quel pour nous Français. Ne serait-ce pas le moment de nous livrer à un sérieux examen de conscience?
Chine: de la révolte contre le confinement à la rébellion contre Xi Jinping
En Chine, la révolte contre les confinements s’étend à tout le pays, après qu’un incendie à Urumqi a fait dix morts, un massacre aggravé par les mesures Zéro Covid qui ont empêché les opérations de secours. Désormais, les manifestants ne s’en prennent plus seulement aux autorités locales, mais au régime lui-même. La manifestation interroge aussi nos consciences.
Gros ennuis en Chine pour le parti communiste, au lendemain du congrès qui a consacré Xi Jinping comme président pour un troisième mandat sans précédent. Au cours du week-end, une révolte a éclaté contre le maintien du confinement. Et cette fois, elle n’est pas seulement locale, mais nationale. Non seulement elle se répand dans les grandes villes, y compris la capitale, mais elle s’organise derrière des slogans et des revendications à l’égard du gouvernement et non plus seulement à l’égard des autorités locales (qui ont jusqu’ici toujours été sacrifiées en échange de l’ordre).
Les causes de ce soulèvement sont multiples. A la mi-octobre, un quartier pauvre de Canton s’était soulevé. Fin octobre, c’était le tour des ouvriers de Foxconn [l’usine chinoise d’iPhone, ndt] à Zhengzhou, qui avaient fui leur usine transformée en prison pendant un mois de quarantaine. Enfin, la fuite s’est transformée en révolte quand les ouvriers nouvellement recrutés se sont également rebellés. La Coupe du monde au Qatar a probablement contribué au mécontentement. La Chine joue avec l’équipe nationale, les Chinois sont de plus en plus fans de football et suivent les retransmissions en direct à la télévision. La télévision d’État, CCTV, adoptant la technique du retard d’une minute dans la diffusion, comme lors des Jeux olympiques, a soigneusement censuré toutes les scènes de supporters rassemblés et démasqués, ne retenant que les scènes des équipes sur le terrain et sur les bancs. Malgré tout, des scènes de célébrations et de gens heureux sans masque ont néanmoins filtré depuis le jour de l’ouverture, poussant de nombreux Chinois à se demander sur les réseaux sociaux si le Qatar se trouvait sur une autre planète.
La protestation s’est de toute façon étendue et est devenue nationale après un incendie à Urumqi, capitale de la région autonome du Xinjiang. Habitée par la minorité ouïgoure, la plus persécutée de Chine, la région fait déjà l’objet d’un régime de surveillance spécial et le confinement est plus dur qu’ailleurs. Depuis le mois d’août, Urumqi est fermée. Un incendie qui s’est déclaré dans les étages supérieurs d’un immeuble a tué dix personnes. Deux causes possibles ont empêché les victimes d’être secourues : le bâtiment aurait pu être scellé de l’extérieur, comme cela se produit pendant les périodes de confinement (mais les autorités locales le nient) et les pompiers sont intervenus très tard, en raison des points de contrôle mis en place précisément pour appliquer la politique « Zéro Covid ». Ce massacre, qui aurait pu être évité, a été la proverbiale goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Partant de l’incendie d’Urumqi, la protestation s’est propagée comme un incendie d’été à une cinquantaine de campus universitaires et à une douzaine de villes dont Pékin, Wuhan, Chengdu, Nanjing, Zhengzhou et Canton. C’est à Shanghai qu’ont eu lieu les manifestations les plus fortes sur le plan symbolique. La foule a exigé la démission de Xi Jinping. En Chine, il s’agit d’un crime qui entraîne de lourdes peines de prison. Le journaliste de la BBC Edward Lawrence a été arrêté alors qu’il couvrait la manifestation. Il a été frappé à coups de pied et de poing par la police anti-émeute avant d’être arrêté. Il est maintenant libéré de prison, mais certainement averti.
À Pékin, dans la nuit de dimanche à lundi, la police a arrêté des centaines de personnes qui défilaient sur la place Tiananmen en scandant les slogans « Nous voulons les droits universels, la liberté, la démocratie, à bas la dictature et le culte de la personnalité ! ». Pendant une nuit au moins, on a cru revivre le moment du seul soulèvement démocratique, celui de 1989. À Hong Kong, quelques dizaines de jeunes gens se sont rassemblés dans le centre-ville, ont scandé « Pas de peur, pas d’oubli, pas de pardon » et ont brandi des feuilles de papier blanc.
Les feuilles de papier blanc sont devenues le symbole de la nouvelle protestation. Tous les slogans sont interdits, la censure est généralisée, si bien que les gens protestent sans rien écrire, pour éviter (au moins formellement) d’être arrêtés pour quelque chose d’écrit. Mais les gens parlent, crient des slogans et sont filmés par des millions de caméras, sur lesquelles sont installés des logiciels de reconnaissance faciale. Nous pouvons être sûrs qu’au moment où cet article est mis en ligne, de nombreux manifestants ont déjà été identifiés et arrêtés. Beaucoup d’entre eux vont tout simplement disparaître dans la nature.
Hier, les autorités chinoises ont répondu par un déploiement massif de forces de police dans toutes les villes concernées par les manifestations. À Pékin, la police s’est concentrée sur le pont Sitong, où, en octobre, un manifestant avait déployé deux affiches avec des slogans contre le harcèlement de la politique Zéro Covid, le Parti communiste et Xi lui-même. Ces slogans, bien que censurés avec grand soin par les médias chinois et sur les médias sociaux, se sont néanmoins répandus : ce sont les mêmes que ceux des manifestants de Shanghai. Dans la mégapole portuaire, en revanche, la police a fermé lundi la rue Wulumuqi, théâtre des manifestations. La police agit principalement de manière préventive, avec des contrôles généralisés des citoyens susceptibles de participer à de nouveaux événements. Les suspects ont été arrêtés entre dimanche et lundi. Toute personne se trouvant à proximité d’éventuels sites de protestation voit son téléphone portable vérifié pour savoir si elle a installé des applications de messagerie occidentales (non contrôlées par le régime) et si elle possède des photos des manifestations du week-end.
Les citoyens chinois qui protestent sont essentiellement des jeunes, principalement des étudiants, exactement comme c’était le cas sur la place Tiananmen il y a plus de trente ans. Ils font preuve d’un courage hors du commun : l’arrestation est certaine, leur vie même est en danger. La cause est différente, mais l’objectif de la manifestation est le même qu’en 1989 : exiger plus de respect de la part du régime, voire sa démocratisation. L’issue semble désormais acquise, mais des surprises sont possibles après trois ans de dictature réelle (pas métaphorique, mais réelle).
Les protestations chinoises interpellent aussi nos consciences : la période de confinement (plus courte et plus douce que les mesures de Pékin) que nous avons connue ces deux dernières années était en tout cas copiée sur le modèle chinois. La majorité des Italiens l’ont accepté avec obéissance et zèle, allant jusqu’à la dénonciation, le contrôle des voisins, les rapports de presse sur les fêtes dans les arrière-cours et les coureurs solitaires violant le lockdown. La police poursuivait avec des drones les personnes qui se promenaient seules ou qui prenaient un bain de soleil sur la plage, afin que personne ne donne le « mauvais exemple ». La Chine n’a fait qu’appliquer ce modèle jusqu’à ses extrêmes conséquences et pendant un an de plus que l’Italie. Mais la substance est identique. Combien de ces journalistes qui écrivent ces jours-ci sur la liberté réprimée en Chine prêchaient la répression en Italie il y a deux ans ? Combien, face aux protestations contre les lockdowns en Occident, notamment aux USA, en Australie et au Canada, appelaient à l’usage de la force contre les manifestants qui étaient des « ennemis de la science » ? Et combien, face aux images de Chinois se révoltant avec une feuille de papier vierge dans les mains, se seront rendu compte du type de répression qu’ils invoquaient alors?
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
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