Liban : « Nous espérons recevoir le soutien nécessaire pour rester des témoins de l’Église catholique en Orient »

par Lumen Lun 7 Oct 2024 - 22:09

Liban : « Nous espérons recevoir le soutien nécessaire pour rester
des témoins de l’Église catholique en Orient »

Entre pragmatisme et espérance, l’archevêque maronite de Baalbek-Deir El-Ahmar, Mgr Hanna Rahmé, évoque le quotidien et les enjeux de la guerre dans la plaine de la Bekaa et pour l’ensemble du pays

Liban : « Nous espérons recevoir le soutien nécessaire pour rester des témoins de l’Église catholique en Orient » Mgr_hanna_rahme_recadree

Liban : « Nous espérons recevoir le soutien nécessaire pour rester des témoins de l’Église catholique en Orient » Mgr_hanna_rahme_recadree

Mgr Rahmé entouré des Sœurs maronites de la Sainte Famille et des élèves de l’école
Notre-Dame de la Tour, à Deir El-Ahmar - DR

« La région est bombardée tous les jours », déplore Mgr Hanna Rahmé, archevêque de l’éparchie maronite de Baalbek-Deir El-Ahmar, dans la plaine de la Bekaa, joint par Famille Chrétienne. Depuis les explosions d’appareils de transmission du Hezbollah attribuées à Israël les 17 et 18 septembre derniers, cette partie orientale du pays du Cèdre, au même titre que le Sud-Liban et la banlieue sud de Beyrouth, vit au rythme des bombardements. « Les fenêtres de l’École nationale maronite à Baalbek ont volé en éclats », rapporte l’archevêque de Baalbek-Deir El-Ahmar, également Président de la Commission épiscopale des écoles catholiques au Liban.

Dans ce contexte d’embrasement, le maintien de l’activité scolaire est en péril. « Nous craignons, comme trop souvent, de ne pas pouvoir finir l’année scolaire », indique Mgr Rahmé. On recense plus de 320 écoles catholiques à travers le Liban, accueillant environ 200 000 élèves. Comme à chaque période de crise, ces établissements s’efforcent de répondre à l’urgence en se mettant au service de toutes les communautés, sans distinction confessionnelle. « Nous nous préparons à accueillir dans nos écoles du nord de la Bekaa des élèves déplacés. L’enseignement privé catholique est prêt à s’organiser pour garantir le bon déroulement de l’année scolaire dans les différentes écoles de la région et du pays », assure l’archevêque. Illustration supplémentaire de solidarité interconfessionnelle, de nombreux foyers chrétiens de la région ont ouvert leurs portes aux familles musulmanes déplacées. Étendue sur 27 % du territoire libanais, la Bekaa voit coexister musulmans chiites, chrétiens principalement maronites, présents dans une quinzaine de villages, et Syriens.

Vendredi, un premier avion d’aide humanitaire affrété par l’OMS et contenant du matériel chirurgical a atterri à Beyrouth. Localement, le centre médical de Deir El-Ahmar, au nord de la Bekaa, ouvert grâce au bureau de développement fondé par Mgr Rahmé, propose des soins élémentaires gratuits à la population. « Nous voudrions ouvrir un autre centre et des laboratoires à l’abri des bombardements. Pour le moment, nous essayons d’acquérir des médicaments », détaille l’archevêque tout en formulant l’espoir que la guerre prenne fin avant l’hiver. « Si non, nous aurons des besoins considérables en gasoil pour chauffer les maisons, les écoles et les centres d’accueil ». Les civils de la Bekaa reçoivent aussi le soutien notable d’ONG, de l’Église d’Allemagne, de L’Œuvre d’Orient et de l’Aide à l’Église en détresse. « L’AED est très présente à nos côtés pour répondre à nos besoins chrétiens et humains », salue Mgr Rahmé. Les promesses d’aide ne manquent pas mais certaines se font toujours attendre, note l’archevêque non sans inquiétude.

Un vrai retour à la prière

A la différence de la guerre israélo-libanaise de 2006 qui opposait déjà, entre autres belligérants, le Hezbollah à Israël, l’offensive déclenchée mi-septembre est localisée. « Ce sont surtout les villages chiites, les propriétés du Hezbollah et dans une moindre mesure, du Amal (NDLR : parti politique d’obédience chiite fondé en 1974) qui sont visés. Des maisons chrétiennes ont pu être touchées lorsqu’elles se trouvaient à proximité de ces zones », explique Mgr Rahmé. Si l’issue du conflit de 2006 demeurait relativement indécise, l’archevêque de Baalbek-Deir El-Ahmar, émet de « sérieux doutes » quant à la capacité de la milice chiite à « anéantir Israël ». « Le Hezbollah ne peut pas prétendre faire la guerre au nom du Liban », s’insurge-t-il, rejoignant la position de bon nombre de Libanais chrétiens qui reprochent au Hezbollah de les avoir entraînés dans un conflit ouvert avec Israël.

Malgré les frappes éparses et non moins destructrices, la vie de la communauté catholique maronite suit son cours. « Il y a un vrai retour à la prière. Ici, les gens sont profondément croyants. Des musulmans viennent même prier aux côtés des chrétiens à l’église ». Les prêtres de l’archevêché de Baalbek-Deir El-Ahmar assurent leur mission quotidienne auprès des fidèles. Rappelant les mots de saint Jean-Paul II qui avait déclaré que le Liban, « plus qu’un pays », était « un message », Mgr Rahmé se veut porteur d’espérance. « J’ai une pleine foi en Dieu et dans nos saints maronites qui nous sauveront comme ils ont sauvé nos ancêtres. Nous sommes des témoins de l’Église catholique sur les frontières de l’Orient et nous espérons recevoir le soutien nécessaire pour continuer notre mission ». Le pape François a invité tous les catholiques à vivre une journée de prière et de jeûne pour la paix dans le monde ce lundi 7 octobre, date anniversaire des attentats perpétrés par le Hamas qui ont ravivé les tensions à travers le Proche-Orient.

Clémence Nava