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Éducation et morale catholique : L`École des mœurs par M. Blanchard - 1812

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Éducation et morale catholique : L`École des mœurs par M. Blanchard - 1812 Empty Éducation et morale catholique : L`École des mœurs par M. Blanchard - 1812

Message par MichelT Lun 24 Nov 2014 - 14:18

Éducation et morale catholique : L`École des mœurs par M. Blanchard - 1812

L`homme est compose d`un corps et d`une âme, il faut donc instruire les deux parties dans la bonne éducation.

Éducation et morale catholique : L`École des mœurs par M. Blanchard - 1812 Ecole-travail-des-petits-geoffroy-1889

(Extraits du livre)

Les maximes d e la Sagesse

Gardez la crainte filiale de Dieu et de tout ce qui le blesse. C`est le premier pas qui mène vers la sagesse.
Ne pas plaisantez de Dieu ou de ses saints. Ne pas faire comme de nombreuses personnes sans respect et  inconscientes.
Que votre piété soit sincère et solide. Avoir toujours un discours de vérité.
Tenez votre parole toujours, mais ne promettez rien sans y réfléchir sérieusement avant.
Soyez  officieux, complaisant, doux, affable, poli, d`humeur égale, et vous serez aimable.
Du pauvre n`augmentez pas les maux. Payer l`ouvrier du prix de ses travaux.
Soyez bon père, bon époux, bon maitre. Honorez vos parent et surtout dans leur vieillesse.
Du bien qu`on vous fait soyez reconnaissant, montrez-vous généreux, humain et reconnaissant.
Donnez de bonne grâce.
Rappelez rarement un service rendu. Le bienfait qu`on reproche est un bienfait perdu.
Ne publiez jamais les bontés que vous faites. Elles doivent demeurer discrètes.
Prêtez avec plaisir, mais avec jugement. S`il faut récompenser, faite-le dignement.
Au bonheur du prochain ne porte pas envie.  N`allez pas divulguer ce que l`on vous confie.
Sans être familier, ayez un air aisé. Ne décidez de rien avant d`avoir bien réfléchi.
A la religion soyez toujours fidèle. On ne sera jamais honnête homme sans elle.
Ne pas aimer l`impie et ses dogmes trompeur si il refuse de changer. Ils séduisent les esprits et corrompent les mœurs.
Rejetez tout principe hérétique.
Aimez le doux plaisir de faire des heureux.  Et soulager surtout le pauvre vertueux.
Soyez homme d`honneur et ne trompez personne. A tous ses ennemis un cœur noble pardonne.
Aimez a vous venger par beaucoup de bienfaits.  Parlez peu, pensez bien, gardez vos secrets.
Ne vous informez pas des affaires des autres.  Gardez une discrétion sur les vôtres.
Ne vous louer jamais. Soyez humble et  modeste au milieu des succès.
Surmontez les chagrins ou l`esprit s`abandonne. Ne faites rejaillir vos peines sur personne.
Supportez les humeurs et les défauts d`autrui. Soyez des malheureux le plus solide appui.
Reprenez sans aigreur, loué sans flatterie. Ne méprisé personne, ne raillé personne.
Choisissez vos amis parmi les bons et honnêtes gens et ne restez pas avec les mauvais.
Ne parlez pas mal des personnes absentes. Parlez prudemment avec les personnes présentes.
Consulter pour avoir des avis. Évité les procès. Ou règne la discorde, apportez la paix.
Avec les inconnus, soyez prudent.
Pas d`amours fous, d`abus dans l`alcool, drogues ou  le jeu. Ce sont quatre dangers qui mènent quelquefois au désastre.
Sobre au travail, à la table et au sommeil. Vous aurez plus de chance pour une santé durable.
Jouez pour le plaisir et perdez noblement. Sans prodigalité dépensé prudemment.
De perdez pas de temps en choses frivoles.  Le sage est ménagé du temps et des paroles.
Sachez passer vos devoirs avant vos plaisirs. Pour vous rendre heureux, modérer vos désirs.
Ne demandez à Dieu ni grandeur, ni richesse. Mais pour vous gouverner demander la sagesse.

1 - Avoir la crainte de Dieu et de tout ce qui le blesse. C`est le premier pas qui mène vers la sagesse.

De toutes les connaissances nécessaires à l`homme, la première et la plus importante est celle de l`existence de Dieu. La connaissance de la doctrine chrétienne et de la loi divine  est la base fixe et invariable sur laquelle repose les mœurs, la vertu, la probité et toute la société.

Ôtez-la du cœur des hommes et le monde retournera à la barbarie.
Le Seigneur est le protecteur de l`ordre, le vengeur du crime et le rémunérateur de la vertu. Infini dans ses perfections, il cesserait d`être Dieu s`il laissait la vertu sans récompense ou le vice impuni. Il n`exerce pas toujours en cette vie les droits de sa justice, pour des raisons dignes de sa sagesse.  S`il récompensait toutes les bonnes actions sur le champ et s`il punissait le crime aussitôt qu`il est commis, ne gênerait-il pas cette liberté qui est le principe des vertus, des récompenses méritées, en même temps que elle nous fait rendre à Dieu un hommage digne de  lui.  Car si il a plus à Dieu de nous laisser en cette vie, libre de  nos propres décisions, c`est parce que il lui semble plus glorieux d`être servi et adoré par des créatures libres et raisonnables que par des  êtres soumis à la nécessité.

Même si, pour un temps, Dieu souffre l`abus de la liberté, il sait toujours tirer le bien du mal même.  La vertu gémissante se purifie et s`éprouve augmentant ses mérites et récompenses, le méchant qui triomphe et qui prospère a tout le temps du repentir, et ne peut qu`imputer a lui-même les terrible malheur de sa damnation qui l`attend si il s`obstine malgré les remords de sa conscience, à mettre le comble a ses crimes. Il force alors la justice divine à punir ses crimes. Si il est lent à punir, c`est parce que il a l`éternité toute entière pour frapper les coupables et leur faire boire le calice de sa fureur.

Dieu ne nous a pas créés pour nous perdre en enfer  et nous rendre éternellement malheureux; mais il ne nous a pas créé pour l`offenser et l`outrager.  Mais nous le faisons néanmoins, et nous changeons toutes les vues qu`il avait pour nous, faut-il s`étonner qu`il change à notre égard tout l`ordre de sa providence? Si nous abusons de ses bontés et de ses bienfaits  dans le temps de sa clémence ( notre vie) , ne doit-il pas punir les outrages sans nombres fait à sa divine Majesté lorsque le temps est arrivé?
Plus le châtiment est terrible et plus nous devons redouter et craindre un maitre aussi puissant que il est juste.  Beaucoup d`hommes et femmes ne font aucune réflexion profonde sur ce fait et vivent dans une indifférence étonnante.


L`impie désire que Dieu n`existe pas. Beaucoup aiment mieux ne pas y penser ou rester en état d`indécision.  Déchirons le bandeau fatal qui les aveugles et ne les excusent pas devant Dieu. Même si Dieu est invisible a l`œil humain, les merveilles et la beauté de la nature, du ciel, la complexité du corps humain nous montre son œuvre.  La  régularité parfaite de l`ordre de la nature nous montre la perfection et la puissance du Créateur.

La connaissance du bien et du mal s`acquières par l`étude des Écritures et des livres saints ainsi que la sagesse. La crainte du Seigneur, dit l`Esprit-Saint ( Proverbes 1), est le principe de la sagesse. C`est ce principe qui est le plus efficace pour empêcher l`homme de tomber dans le mal pour ensuite aller vers sa perdition. Il permet à l`homme, toujours prêt à s`égarer, de craindre et de se contenir.


2 - Ne pas plaisantez de Dieu ou de ses saints. Ne pas faire comme de nombreuses personnes sans respect et  inconscientes.

On doit parler de Dieu avec le plus profond respect. Dieu voit tout et entend tout et il n’a pas permis que son nom soit employé sans raison pour des sujets vains et légers. Comme il arrive si souvent. « Que le nom de Dieu, dit le Sage,  ne soit pas sans cesse dans votre bouche, parce que vous ne serez pas en cela exempt de faute.»(Eccli 23)
C`est un grave péché de blasphémer son nom, de l`appeler cruel ou injuste, de se rire des Écritures divines qui sont dépositaires de sa parole, de le renier par des imprécations infernales. Les choses saintes, et tout ce qui est spécialement consacré à Dieu méritent aussi grand respect.

Nous devenons en colère quand des gens se moquent de nous, de nos parents, de nos frères ou de nos sœurs et Dieu n`est pas différent à ce sujet.  Se moquer de son nom, de ses instructions, de ceux qui lui sont proche attirera sa colère sur ceux qui sont assez inconscient pour le faire. Respect est du à Dieu comme à toute autorité sur terre et même bien plus.  Il vaut mieux faire sentir à celui qui se moque qu` il n`est pas drôle.  Il ne faut pas se taire à ce sujet  pour défendre la gloire et le nom du Christ tout comme nous voudrions défendre la réputation de notre famille.

Un bon exemple historique :

C`est ce que fit sentir  habilement St-Amphiloque, Évêque d`Icone et grand défenseur de la foi catholique contre la secte des Ariens.  Il voyait avec peine que l`Empereur favorisait  ces ennemis de la divinité de Jésus-Christ. Théodose ayant associé son fils Arcadius  a l`empire, il profita de cette occasion pour venir au palais, le jour que le Prince et son fils recevaient les félicitations de toute la cour. Après avoir salué profondément l`Empereur, il s`approcha du jeune Arcadius, qui était assis près de lui sur son trône; et lui passant familièrement la main au visage lui dit : Dieu te conserve mon fils. Toute l`assemblée rougit ; et Théodose, piqué comme d`une insulte qu`on lui faisait par le manque de respect a son fils, commanda que l`on chasse se vieillard impudent. St-Amphiloque se retourna et dit avec une certaine liberté : On vous offense Seigneur quand on ne rend pas à votre fils le même honneur qu`a vous-même. Croyez-vous que  le Père céleste ne ressente pas la même colère de voir ceux qui refusent de rendre honneur et d`adorer son Fils et qui blasphèmes contre lui en niant sa divinité? Théodose comprit alors la sagesse de l`Évêque et publia plus tard des décrets contre les Ariens.

Quand l`homme arrive près de la mort, il se souvient alors qu`il est mortel et il regrette qu`il s`était vanté de ne pas croire et il redoute une éternité dont les portes commencent à s`ouvrir et lui font entrevoir toutes les profondeurs.

3 - Que votre piété soit sincère et solide.

Il faut avoir une véritable piété et chercher à garder une régularité et un équilibre dans la prière et l`assistance à la  messe le dimanche même si la vie actuelle est très complexe et rapide.

Il est important de former de bonne heure les enfants à la piété pour les accoutumer.

Dans les questions de piété il faut garder un juste équilibre. Trop de sévérité produit peu de Saints. Trop de rigorisme réussi même à rendre la piété et la religion odieuse.  La trop grande sévérité risque aussi de décourager plusieurs.  La piété sage et bien réglée ne cherche pas une rigueur trop grande à rétrécir le chemin du Ciel en le rendant impraticable,  ni de l`autre côté par un trop grand relâchement a l`élargir en le rendant trop facile.

Entre ces deux routes dont l`une mène au découragement et l`autre  qui risque la perdition par une confiance trompeuse, il faut choisir le juste milieu.
Beaucoup de chrétiens ont fait l`erreur de suivre seulement les préceptes de la foi qui font leur affaire en rejetant les autres qui leur déplaisent. Se faisant une religion à la mode.  L`homme véritablement chrétien  soumet au contraire sa raison à sa religion et la captive sous l`obéissance de la foi.  Fidèle observateur  de tous les préceptes, il croit devoir n`en négliger aucun parce que ils émanent de la même autorité qui est celle de Dieu.

La vraie piété ne se borne pas au minimum des devoirs mais elle aime mieux en faire plus que trop peu. Elle sait à qui elle se confie.  Elle connait la bonté généreuse du maitre qu`elle sert, et qui récompense si libéralement tout ce qu`on fait pour lui, tandis que les hommes qu`on sert avec tant de zèle ne récompense presque rien de ce qu`on fait pour eux.

Suivons les excellents conseils que donnaient Madame de Maintenon a  la duchesse de Bourgogne sur la piété : « Que votre piété soit solide, droite, éclairée, en vous instruisant de tout ce que vous devez savoir pour vous sauver.» Vous aimez la joie, le repos, le plaisir, croyez-moi j`ai gouté de tout, il n`y a de joie, de repos, de plaisir qu`à servir Dieu.  Évitez la vanité et l`oisiveté; évitez surtout le péché; on se jette facilement dans le vice et ont en sort difficilement.  Méditez la loi du Seigneur et gravez la dans votre cœur, rentrez souvent en vous-même, et tachez de vous mettre en présence de Dieu.

Aimez l`Église qui est l`assemblée des fidèles; respectez ses Ministres,  protégez les gens de biens et les bonnes œuvres. Déclarez-vous contre les nouveautés dans la Religion. Tenez-vous attachez au St-Siege qui est le centre de la catholicité. Soyez simple dans la piété, docile, humble, unie comme St-Paul  le demande.
Fréquentez les Sacrements avec joie et confiance; choisissez un bon confesseur. Aimez la lecture de bons livres qui instruisent sur Dieu comme l`Imitation de Jésus-Christ ou encore les œuvres de St-François de Sales. Aimez vos enfants et voyez-les souvent. Jetez dans les cœurs les semences de toutes les vertus.

4 -  Et qu’à tous vos discours la Vérité précède.

La vérité est le premier devoir de l`homme en société. La parole a été donnée aux hommes pour communiquer leur pensées : la parole n`a pas été donnée à l`homme pour servir la duplicité et le mensonge.


Quelle confiance les hommes entre pourront-ils avoir entre eux si la vérité est bannie de la société et si la langue qui doit être l`interprète fidèle du cœur n`en est plus que le voile trompeur qui le cache et le déguise? Les gens du peuples controuve, augmente ou charge les faits par grossièreté. La haute société est  empoisonnée par le défaut de sincérité et de droiture, les entretiens  sont souvent des mensonges cachés sous le dehors de l`amitié et de la politesse. Les politiciens font du déguisement et du mensonge leur étude.

Le Sage dit : La vie des menteurs est une vie sans honneur, leur confusion les accompagne sans cesse.  ( Proverbes 12) Le vrai Chrétien méprise le mensonge parce que il sait que le Dieu qu`il adore est la vérité même et que les lèvres menteuses lui sont en abomination. ( Eccli 20)

Ne craignez donc jamais que de ne pas dire la vérité et détestez le mensonge.

Firmus était le St-Évêque de Thagaste en Afrique et dont parle St-Augustin.  Il tenait caché chez  lui un homme innocent qu`un empereur païen voulait faire mourir. Des hommes vinrent lui demander cet homme au nom de l`empereur. Il leur répondit que il ne pouvait ni mentir, ni livrer celui qu`ils cherchaient. On lui fit souffrir de nombreux tourments mais il les affronta avec une constance héroïque. Il fut amené devant l`empereur qui admira ses sentiments et lui accorda la  grâce de l`homme qu`il cachait.
A son exemple estimez la vérité et craignez de vivre avec la réputation d`un homme faux.

On ne gagne à mentir qu`à ne pas être cru lorsque l`on dit vrai.  Un menteur ne ment pas tout le temps mais c`est folie de se fier à sa parole.
Il est bon d`avoir une prudente franchise.  Il peut être quelquefois de sagesse de ne pas dire ce que l`on pense ou tout ce que l`on sait. Cela fait quelquefois partie de la prudence : elle sait, sans le secours du mensonge,  cacher ses sentiments aux curieux qui voudraient les pénétrer; elle tait la vérité qui déplairait lorsque les circonstances  n`exigent pas qu`on la fasse connaitre; elle couvre des voiles du silence lorsque  la justice et la charité le demande, ce qu`elle sait des défauts ou des intérêts du prochain.

Cette belle et estimable retenue est le fait des hommes sages et prudents, des personnes vertueuses et chrétiennes comme celle qui emploie le déguisement et le mensonge pour tromper et en imposer, ou qui retient la vérité captive, lorsque c`est son devoir de la manifester, est la honteuse  ressources des politiques mondains,  des courtisans flatteurs,  des chrétiens faibles et pusillanimes.

«La bouche qui ment, dit l`Esprit-saint en parlant des mensonges pernicieux, donne la mort a l`âme.» « Le faux témoin ne demeurera pas impuni, et celui qui dit des mensonges périra. »( Sap 1 -  Prov 19)


On déteste les fourbes et les cœurs doubles; on estime les hommes droits et sincères; on aime la candeur et la franchise.


5- Tenez votre parole

Celui qui aime sa réputation aime à tenir sa parole, la qualité d`honnête homme impose ce devoir. Il faut bien réfléchir avant de promettre, et ensuite, tenir sa parole même dans les petites choses parce que on sera bientôt infidèle dans les grandes.

On doit encore plus garder les promesses passées sous le sceau du serment, car celui qui est la vérité par essence a quelquefois puni dès cette vie le parjure, d`une manière sensible et éclatante.  

«Celui, dit l`Écrivain sacré de l`Ecclésiastique, qui ne fait pas ce qu`il a promis avec serment, aura son péché sur lui; et s`il jure en vain, sans avoir l`intention d`accomplir ce qu`il promet, ce ne sera pas une excuse qui le justifiera.» ( Eccli 23)

La justice qui nous oblige à tenir notre parole quand nous le pouvons légitimement, nous permet et nous ordonne aussi  quelquefois d`y manquer.  Ainsi, des promesses arrachées par la crainte ou obtenues par des artifices, il n`y a personne, dit Cicéron, qui ne voit qu`on n`est pas obligé à les tenir. Forcé de faire une promesse a un voleur pour sauver votre vie ou sauver votre maison, vous avez le droit de ne pas lui donner ce qu`il n`avait aucun droit d`exiger.

6- Ne donnez pas votre parole sans réfléchir

L`honnêteté et la bonne foi  doivent répondre de votre parole, mais la prudence et la sagesse doit présider à nos engagements.  Ce n`est être ni  prudent, ni sage que d`être trop facile à promettre ; mille circonstances imprévues peuvent vous en faire repentir. Ne promettez jamais sans savoir ce que vous promettez car vous exposeriez à devenir infidèle ou criminel.

Hérode dans l`ivresse de l`admiration promet a la fille de Herodias tout ce qu`elle voulait lui demander.  Elle lui demanda ce qu`il ne pouvait faire sans devenir criminel. Déjà coupable par imprudence, il le devient encore plus par honte qui l`empêche de désavoué sa promesse et il donne, quoique à regret, l`ordre de couper la tête a un St-Prophète.
Donnez ce que vous avez promis, mais ne promettez pas plus que vous ne pouvez  faire.  Il est juste et beau de tenir ses promesses, il est sage et prudent de les régler  sur son pouvoir.

Ne faite pas trop valoir et ne louez pas beaucoup ce que vous promettez.

7- Aimer à rendre service, soyez doux, affable, poli, d`humeur égale et vous serai aimable.

Le meilleur moyen d`être aimé est d`être aimable et voici comment on le devient.
Aimez à rendre service qui est un bon moyen pour gagner les cœurs.

8-Il faut, autant qu`on peut obliger tout le monde. On a souvent besoin d`un plus petit que soi.
LA FONTAINE

Celui qui n`est bon que pour lui seul est très mauvais, il est aussi une personne injuste et un mauvais citoyen car il veut jouir des avantages et plaisir de la société sans rien y mettre du sien. Recevant des services des autres hommes il est  juste de leur rendre la même chose. Le Souverain Législateur en établissant la société nous a fait les uns pour les autres.

Même les Grands Philosophe de l`Antiquité savaient cela. Nous ne sommes pas nés pour nous seuls disaient-ils : la patrie et nos amis ont des droits bien fondés sur nous dès le moment de notre naissance; et comme toutes les autres sont faites pour l`usage de l`homme, les hommes ont été fait les uns pour les autres, afin de se rendre des services mutuels. Il faut donc contribuer le plus possible au bien commun par des services réciproques, en donnant et en recevant, et resserrer de plus en plus les liens de la société par tous les bons offices qui dépendent de nous.

Quoique on doit obliger tout le monde, il est plus beau et plus généreux d`obliger les petits et les pauvres que les gens importants et les riches. Ils ont souvent plus de reconnaissance et trouvent des occasions de le manifester.  On doit aimer à obliger tout le monde autant que possible, mais il faut le faire avec prudence si l`on ne veut pas quelquefois en être la dupe de gens mal intentionnés.

9- Soyez complaisant

L`homme complaisant est celui qui s`applique à étudier le caractère, l`humeur, les inclinations des autres et à y conformer les siennes.  Il entre dans nos vues, dans nos gouts et profite de la moindre occasion de nous faire plaisir. La complaisance est une vertu ou un vice selon l`usage qu`on en fait.

Un ami aime à partager vos plaisirs, mais il ne sert pas vos vices.  Il ne s`ennuie pas en vous désennuyant. Il ne blesse jamais votre amour propre par une image trop vive de vos défauts, et il déploie toute son adresse pour vous les faire connaitre.  Il vous aide de ses conseils avec zèle, mais avec prudence, il ne vous contredit que quand il le doit; il prévient vos désirs dans tout ce qu`il peut; il étudie votre humeur à laquelle il assujettit la sienne; il ne cherche qu`à se rendre utile et agréable; enfin toute sa conduite ne tend qu`à vous plaire, sans vue basse, sans motif vicieux. Voilà le modèle de la plus précieuse et utile complaisance.

Un autre est ami avec une personne débauchée et de mauvaises mœurs. Il se multiplie au gré de tous ses désirs; il épouse et  sert toutes ses passions mauvaises, il emprunte ses manières, ses défauts, il l`imite dans  tous ses mauvais gouts. Il se croit complaisant mais il n`est qu` un flatteur abominable.

Voyez-vous auprès de personnes riches ou puissantes ce petit cercle des courtisans? Quel empressement et quelle assiduité! Quelle étude a épargné tout ce qui pourrait leur déplaire et à voler au-devant de tout ce qui peut leur faire plaisir. Fades louanges pour elle, calomnies atroces contre les autres, offices vils, indignes services, tout est employé pour être bien vu. Sont-ils complaisant? Que sont-ils donc? Des reptiles.

Ce sont des hommes faciles sans caractères à eux, qui comme la cire que l`on pétrit avec les doigts, reçoivent l`empreinte de tout ce qui les environne.  Bons ou mauvais, raisonnable ou frivole, selon le ton de la société ou ils se trouvent, ils sont exactement tout ce qu`on veut qu`ils soient, semblable a des instruments de musique qu` on peut monter sur tous les tons, ou a des automates a qui ont fait jouer toute sorte de personnages.

Ces homme que la complaisance conduit à n`avoir plus de mœurs n` ont qu`un défaut qui est d`avoir les défauts de tous les autres, et d`être capable de tout le bien et de tout le mal qu`on veut leur faire faire. Toute leur vie se passe à déférer aux autres, à s`accommoder à leurs passions, à suivre leurs exemples.
On en voit qui, toujours à la pensée d`autrui et jamais à la leur, semblent n`avoir d`esprit et de jugement que par emprunt; ils ne pensent point, ils ne jugent point; ils ne jugent et ne pensent que d`après  les autres; ils ne louent ou ne blâment, n`admirent ou ne méprisent que d`après les personnes à qui ils veulent plaire.

De toutes les bonnes qualités,  il n`y en pas qui demande plus de discernement que la complaisance.  Faites en trop peu et vous tombez dans la rudesse; faites trop et vous devenez rampant et servile.  Garder le milieu est délicat et ainsi la vraie complaisance est une vertu bien estimable. Il faut avoir le cœur bien fait pour aimer à faire plaisir, il faut beaucoup d`esprit pour se plier décemment à celui des autres; et il faut bien de la patience pour supporter les  humeurs, les défauts, et quelquefois les caprices, sans en être rebuté; il faut bien de la fermeté , pour ne jamais rien accorder de ce que défend le devoir.

C`est ce qui fait que il y a si peu de vrais complaisants.  Au lieu de plier dans tout ce qui est permis, ses gouts et ses idées à celles des autres,  chacun au contraire, veut dominer,  se faire écouter et l`emporter.  D`où vient que si peu d`hommes s`appliquent à être complaisant? Cela vient chez certains d`un défaut d`éducation : on ne les a pas habitué de bonne heure à plier leur humeur; leur caractère; dans les autres, de mollesse et de la peine qu`ils ont à se contraindre; dans plusieurs, dans leur attachement à leurs propres gouts et à leurs fantaisies : ils ont tant de complaisances pour eux-mêmes, qu`il ne leur en reste presque plus pour les autres.

10- Soyez doux

La douceur de caractère est une des plus aimables qualités qu`on puisse recevoir de la nature.  Si elle ne nous l`a pas donnée, nous devons  faire tous nos efforts pour l`acquérir. François de Sales était né avec un caractère vif et violent. Dès qu`il eut reconnu ce défaut, il s`appliqua fortement a le corriger. Il devint un modèle de douceur.
«La parole douce, dit le Sage, acquiert beaucoup d`amis et adoucie les ennemis. Mon fils, ajoute-t-il, monter de la douceur dans tout ce que vous faites; et vous serez plus aimé que si vous fassiez les actions les plus éclatantes. » ( Eccli 3 et 6)

«Heureux les doux, dit Jésus-Christ, parce que se sont eux qui posséderont la terre. »
C`est la douceur qui fait les délices de la société et les  charmes de la conversation.
On aime une personne douce et on la recherche. On évite au contraire celui qui a le caractère dur, violent, impérieux ou inflexible. L`esprit dur reste seul et personne ne veut le fréquenter, l`impérieux tyrannise, le violent irrite, le contredisant fâche, l`inflexible révolte,  le bourru se fait haïr; et l`on se venge du brutal par cruelle vengeance ou par des insultes encore plus piquantes que les siennes. L`homme de colère est encore plus odieux, c`est un défaut bien malheureux celui dont la bile est facile à s`émouvoir et à se répandre. « Qui est-ce qui pourra vivre avec un homme qui se fâche facilement,» dit le Roi Salomon. ( Prov 18)

Il est vrai que chacun a ses misères et ses faiblesses, mais malheureux l`homme qui a la colère en partage.  Puisque nous sommes destiné à vivre avec les hommes et à souffrir d`eux,  on ne saurait trop s`appliquer à acquérir de la douceur et de la patience et à réprimer ses accès de  vivacité et de colère.
La colère est une maitresse impérieuse et  méchante.  Elle récompense toujours mal ceux qui lui obéissent et vend cher les pernicieux conseils qu`elle leur donne.  Dans combien d`excès honteux, indignes et quelquefois irréparables et suivis de cruels remords, ne précipite-t-elle pas!
Un moment de colère cause quelquefois  des regrets qui durent toute la vie. Il est difficile de ne pas s`échapper dans la colère, jusqu`à dire des injures ou faire des outrages et dont  on est quelquefois obligé de faire des excuses.

La colère est peut-être de toutes les passions violentes  celle qui nuit le plus au corps. Rien n`altère plus la santé que les emportements violents : « Les transports et la colère, disent les Écritures, abrègent les jours.» (Eccli 30) Les personnes sujettes à la colère l`appelle vivacité; mais n`importe quel nom qu`on lui donne, si cette vivacité dégénère en brusqueries et en boutades, si elle porte a des excès de folies ou de fureurs et finit par faire de l`homme une bête féroce, un fléau de la société?

La colère est mauvaise pour les femmes, mais aussi pour les personnes en position de pouvoir. «Le feu, dit l`Esprit-Saint, s`embrase dans la foret selon qu`il y a du bois; et la colère de l`homme  s`allumera a proportion de sa puissance.» ( Eccli 28) C`est que la colère nous porte à rejeter avec violence ce qui nous choque, nait ordinairement de l`orgueil, et que l`orgueil augmente, a proportion de ce qu`on s`estime plus grand par son mérite et ses qualités.

Mr de Lauzun ayant un jour parlé de façon très insolente au Roi,  Louis XIV répondit : « Si je n`étais pas Roi, je me mettrais en colère.» Une autre fois un valet avait échappé de la cire très chaude sur le pied du Roi. Il  montra cette fois une grande modération et dit «Prenez garde une autre fois de ne pas être aussi maladroit.»
Il en coute pour être ainsi maitre de soi : mais quand on a soin de réprimer ses passions, leur férocité s`adoucit et elles se tiennent en paix. Ne vous découragé pas de tous les efforts infructueux que vous avez fait jusqu`ici  pour lutter contre votre naturel passionné et violent. Quand on succomberait quelquefois, il est toujours utile  et glorieux d`avoir souvent résisté et vaincu.

Que toutes ses réflexions entrent dans votre âme et vous préparent pour le moment du combat. Si vous voulez assurer votre bonheur et celui de la société des aujourd`hui , travaillez sans cesse  a vous rendre maitre de vos passions, à vaincre la mauvaise humeur, à prévenir les emportements de la colère.
Combattez avec les armes invincibles de la foi, armez-vous de résolutions courageuse et priez Notre –Seigneur  de vous la faire posséder dans la patience.

11- Soyez affable

Cette aimable qualité fait que ceux qui sont en position d`autorité reçoit d`une manière gracieuse ceux qui s`adressent à lui. Plus on est élevé par son rang parmi les hommes et plus on doit avoir de douceur et d`affabilité. Montrez à tous un air simple et noble de bonté qui attire les cœurs. Prévenez par votre accueil le respect qui n`ose vous approcher et soulager le timide embarras qui craint de vous parler.

12- Soyez Poli

L`inclination à obliger et l`honnête complaisance sont les parties principales de la politesse, mais cela seul ne compose pas la politesse. Il faut aussi le don des manières.  On pourrait appeler la politesse la bonté assaisonnée : c`est la bonne grâce ajoutée au bon cœur.

L`homme poli s`étudie à rendre les autres contents de lui et d`eux-mêmes; car la plus forte passion des hommes est d`être estimés et considérés. La vrai politesse consiste à leur  témoigner de la considération et de l`estime, à ménager leur amour-propre.

Il ne faut pas employer la flatterie ou l`adulation. La flatterie est toujours un vice et la véritable politesse et droiture rougirait de s`en servir. Il arrive malheureusement que la politesse soit avilie et corrompue par la basse flatterie ou le vil intérêt.  On ne doit pas être un mauvais qui se couvre sous les faux dehors de  politesse pour avancer ses desseins pervers.  A quoi servirait-il a un tel homme d`avoir été poli toute sa vie sans s`être jamais appliqué à ce qui selon le plus sage des Rois fait toute la gloire et le mérite de l`homme, qui est de chercher à plaire à Dieu, en le craignant comme un bon père et en gardant sa loi. ( le Roi Salomon – Eccle 12)

Il n`y a pas de fausseté à craindre dans une politesse qui est inspirée et soutenue par  de vrais sentiments Chrétiens.  Comme elle part toujours d`un cœur bienfaisant, ami des hommes, incliné à leur faire plaisir, c`est une politesse, sincère,  empressée, généreuse, constante, vraie. Aussi immuable que Dieu même a qui le Chrétien poli, en obligeant les hommes, se propose principalement de plaire.

Ayons autant que possible, la politesse qui s`annonce par les grâces; mais préférablement a tout, ayons celle qui annonce l`honnête-homme et le Chrétien. On peut avoir par le seul  esprit de bienveillance, d`humanité, d`une  charité plus sure encore, avoir cette aménité,  cette affabilité pleine d`attentions, de complaisances et d`égards, qui font la douceur de la société.

Qu`on inspire aux jeunes cette politesse sincère dont nous parlons. Ils apprendront  bientôt ce qu`ils ont à faire et comment ils doivent le faire. Pour être parfaitement poli, il faut une certaine finesse d`esprit, qui fasse discerner promptement ce qui convient eu égard aux circonstances  où l`on se trouve, il faut de la souplesse dans l`humeur et une grande facilité à entrer,  autant que le permet la sagesse, dans toutes les dispositions qu`exige l`occasion présente : il faut, sans le paraitre, aimer a se gêner, afin de ne gêner personne.
Voilà pourquoi, il est si difficile d`être poli, du moins de l`être constamment, non seulement aux personnes en qui l`humeur domine, mais aussi à celles qui ont beaucoup de vivacité.  Les gens extrêmement vifs sont presque toujours impatients,  sujet à parler et agir avec précipitation et sans réflexions et dès- lors emportés tantôt vers un objet et tantôt vers un autre : comment seraient-ils capable de cette attention continue, sans laquelle il est impossible qu`on ne fasse bien des fautes contre la politesse? Ils aiment aussi à dire ce qu`ils pensent à témoigner ce qu`ils sentent. Cette disposition quoi que louable en soi, dès qu`elle n`est plus guidée par la prudence et la modération, est un grand obstacle à la politesse qui prescrit de ne rien dire et ne rien faire qui puissent  choquer les autres.

La politesse, quand elle est bien placée est le plus bel  ornement des paroles et des actions. Il n`y à point de société sans politesse.  En captivant l`amour des hommes, dont la paix, la concorde sont le fruit précieux, elle contribue à entretenir l`heureuse harmonie de la société.  On ne réfléchit pas assez aux avantages et a tout le prix de la politesse, qu`on voit tant d`hommes impolis et grossiers. Ils négligent  les manières comme de petites choses et ils ne savent pas que les manières sont souvent ce qui fait que les hommes décident de nous en bien comme en mal. On ne peut pas pénétrer l`intérieur de la pensée des hommes et on en juge par ce qu`on aperçoit, une légère attention à être affable et  poli préviendrait le mauvais jugement. Il ne faut presque rien pour être cru fier,  incivil, méprisant, désobligeant et il en faut encore moins pour être estimé le contraire.

L`homme poli n`est pas de ces tyrans de la conversation, qui veulent asservir tous les esprits a leurs pensées; il ne prétend l`emporter sur personne.  Aussi, tout le monde l`aime et recherche sa compagnie.  L`homme poli est prévenant dans tout ce qu`il peut, sa politesse n`a rien d`affectée ni d`incommode. Il engage, mais il presse rarement, il ne force jamais. Il est attentif, obligeant. Il mesure ses manières et ses paroles sur les caractères différents avec lesquels il se trouve.  Il étudie les temps, les circonstances pour venir et  pour se retirer à propos; il quitte  au moment qui précède celui où il prévoit qu`il pourrait gêner.  La politesse consistant  principalement à observer les bienséances, qui varient suivent les mœurs et les usages , elle ne doit pas seulement être différente selon les nations et les lieux, mais selon l`état, l’âge et le sexe.

13 - Soyez d`humeur égale

La douceur de l`esprit, la complaisance, l`affabilité, la politesse vous feront rechercher; mais si vous avez l`humeur inégale, on ne tardera pas à vous fuir et à vous éviter.  Les inégalités d`humeur et  les caprices commencent par refroidir, et après éloignent pour toujours  ceux qui nous aimaient.  Rien ne choque plus dans un homme d`esprit, et ne lui fait plus de tort pour la société que l`inégalité d`humeur. L`homme doux et poli devient brusque, l`homme gai devient sombre.

Pliez donc votre humeur dès votre jeunesse et vous épargnerez bien des chagrins aux autres et a vous –même.  A quelque âge que vous soyez, tachez de modérer votre humeur  et de la rendre douce et égale.  Ne dites pas – Je suis trop vieux pour me corriger – au contraire vous devez vous efforcer de le faire. La jeunesse est si aimable, que les hommes sont tout disposés à l`excuser et lui pardonner bien des choses.  Mais en vieillissant, les défauts de l`esprit, comme du visage paraissent plus.

14 - Soyez aimable

Si vous voulez être aimé des hommes, témoignez-leur de l`estime et de l`amitié. Celui à qui personne pour l`ordinaire  ne plait ne plait a personne.  Cherchons dans la société à être bien avec tous car on est toujours bien ou l`on est agréable.  Voulez-vous que tout le monde vous estime? Ayez pour tout le monde beaucoup d`honnêteté, de douceur, de politesse : c`est par là que vous gagnerai tous les cœurs, que vous vous les attacherez. « L`homme, dit le roi Salomon, dont la société est aimable, sera plus aimé que ne l`est un frère.» ( Proverbes 28)


Le bonheur de nous faire aimer dépend surtout de nos discours et de nos entretiens; et c`est la principalement que la sagesse veut que nous cherchions à nous rendre aimables. Les bons offices et les présents gagnent souvent moins les cœurs que les paroles honnêtes et polies.  Il semble donc qu’il serait facile de se faire aimer. C`est néanmoins ce qui est rare parce que au lieu de parler de la manière qui plairait aux autres, nous parlons de ce qui nous plait à nos humeurs. Nous aimons mieux déplaire que de retenir quelques paroles indiscrètes, ou de parler avec bonté et gentillesse.  Il  faudrait aussi souvent sacrifier son amour propre, combattre ses penchants, résister à ses gouts, pour s`accommoder a ceux des autres.  Et cela est très difficile quand on y est pas accoutumé de bonne heure, on que l`on n’est pas animé par l`esprit de la  religion qui veut que nous soyons affables et  complaisants en tout ce qui est bien, pour l`édification, comme  l`Apôtre le recommandait aux premiers fidèles. ( Romains 15)

En rendant par nos bonnes manière la vertu aimable, en lui gagnant les cœurs, nous avons encore l`avantage de les gagner pour nous –mêmes, et d`en recueillir les heureux fruits.  Il serait beau et louable de ne chercher à ce concilier l`amour des hommes pour les porter à aimer la vertu  et leurs devoirs. Mais c`est souvent ce à quoi on pense le moins. La vanité ou l`intérêt est souvent l`unique mobile de ce que l`on fait pour se rendre aimable.

15 - De la personne pauvre n`augmente pas les maux

Si votre débiteur est dans la misère, ou qu`il ne puisse actuellement vous payer, et qu`il vous conjure d`attendre encore, n`ayez pas le cœur assez dur pour le lui refuser et pour le dépouiller du peu qu`il a. Lui accorder quelque délai, ce n`est pas seulement humanité et bienfaisance, c`est intérêt propre et amour de nous-mêmes.

Hommes intéressés et impitoyables, avez-vous  oublié que vous serez traités par Dieu comme vous avez traités vos frères.  Si vous ressemblez a  ce mauvais serviteur, à qui son maitre venait de remettre dix mille talens, et qui eut la dureté de faire mettre en prison un de ses compagnons qui lui devait cent deniers, ne devez-vous pas craindre d`exciter, également contre vous l`indignation des hommes et la colère de Dieu, qui n`est pas moins le père que le maitre de tous, et qui se déclare hautement vengeur du pauvre? (Psaumes 11)

16 - Payer à l`ouvrier le fruit de ses travaux

Lorsqu`un homme aura travaillé pour vous disait le vertueux Tobie ( Tobie 4) a son fils, payez-lui aussitôt ce qui lui est dû, et ne retenez pas un moment, le salaire de l`ouvrier. C`est un grand crime contre la justice et l`humanité que de différer, de diminuer ou de refuser à l`artisan le prix de ses peines.

L`Écriture le compare à l`homicide. «Celui qui répand le sang, et celui qui prive le mercenaire du fruit de son travail sont frères.» (Eccli 34) C`est un de ces péchés qui crient vengeance au ciel et que la justice divine laisse rarement impunis dès cette vie même. Ce que vous devez a cet artisan et ce travailleur servira à nourrir sa famille, à continuer son travail ou à satisfaire un créancier qui le presse; mais vous êtes insensible à son état.  Vous vous rendez invisibles à tous vos créanciers, vous faites des promesses toujours infructueuses. Vous les remettez de mois en mois, d`année en année et vous les renvoyez avec dureté et menaces.

17 - Soyez bon père, bon époux et bon maitre sans faiblesse. – Honorez vos parents surtout dans leur vieillesse.


Les devoirs d`un père, d`un époux, d`un maitre, d`un fils sont immenses.  Nous nous limiterons au plus essentiel et nous parlerons aussi des devoirs de sagesse des femmes qui sont destinées à aider les hommes dans ces importantes fonctions et à les partager avec eux.
Il est aussi important pour l`intérêt des  bonnes mœurs et pour le bonheur de la société d`avoir de bonnes mères, de bonnes épouses que des hommes qui aient ces précieuses et trop rares qualités.

18- Soyez un bon père

Un bon père doit a ses enfants la nourriture, l`instruction et le bon exemple.  Il leur doit aussi de l`établissement quand le temps sera venu. S`il dissipe leur fortune, c`est un  vol, s`il les scandalise (s`il leur montre de mauvaises mœurs destructrices), c`est un parricide, s`il néglige leur éducation, c`est une conduite insensée qui causera son malheur et celui de sa famille. De tous les devoirs des parents le principal est l`éducation, la nourriture et le bon exemple y trouve aussi naturellement leur place.  Nous nous limiterons à donner quelques conseils utiles pour l`établissement de leur famille et pour le reste de leur conduite.

Il est important de choisir un bon métier et une bonne personne dans le mariage car ces décisions auront un impact sur toute une vie. Un bon père doit bien conseiller ses enfants à ce sujet avant qu`ils ne fassent un choix dont ils auront à se repentir. Il faut prendre conseil, considérer les talents naturels des enfants, leurs gouts, leurs vocations et les conseillers sans les forcer.

Dans l`établissement des enfants on ne doit pas seulement penser aux facteurs économiques et à l`argent. Les caractères et les humeurs sont-elles compatibles? Le mari ou la femme ont-ils une humeur bizarre ou chagrin, un caractère emporté ou violent? Le jeune homme sera-t-il capable de remplir ses obligations? Est-il assez responsable?
Si vous avez de la religion et de la tendresse pour vos enfants, gardez-vous de faire leur malheur en leur faisant contracter dans le monde des engagements que leur cœur déteste.
Dieu est le premier auteur de la prospérité des familles.  Voulez-vous attirer sur vous les faveurs du ciel et l`estime des hommes? Ayez toujours pour tous vos enfants un amour égal. S`il est permis de témoigner  quelquefois plus de tendresse au plus  jeune, plus délicat, plus doux, il ne l`est jamais de donner toutes ses affections a l`un au préjudice de l`autre lorsqu`ils ne s`en sont pas rendus absolument indignes. Un bon père doit l`être pour tous ces enfants.  

Soyez bon père mais ne le soyez pas trop;  n`ayez jamais une criminelle faiblesse pour leurs vices et leurs mauvaises conduites qui attirerait sur vous et sur eux les châtiments du Ciel comme elle l`attira sur Héli et sur ses deux fils. Tant qu`ils sont sous l`autorité paternelle utilisez celle-ci pour arrêter  leurs désordres; et si les paroles ne suffisent pas employez d`autres moyens plus sévères et plus efficaces.

Et le dernier conseil que nous donnons est, comme le Sage le recommande,  de ne jamais vous mettre sous la conduite de ceux que vous devez conduire vous-même.  Retenez toujours l`autorité que vous avez en main, et la disposition libre de votre bien,  de peur qu`au lieu du soulagement et du repos que vous espérez, vous ne tombiez dans le mépris, et que vous ne rendiez mauvais et ingrats ceux qui vous pensez que votre libéralité rendras plus soigneux et reconnaissant.
« Tant que vous vivrez, ajoute le Sage, que jamais aucune prière, aucune sollicitation ne vous fasse changer sur ce point; car il vaut mieux que ce soit vos enfants qui vous prient; que de vous voir attendre d`eux ce qui vous est nécessaire. » (Eccli 33)
Qu`ils dépendent toujours de votre bonté, mais ne dépendez jamais de leur justice. Les bienfaits précipités d`un père trop tendre lui ferme le cœur de ses enfants et la fin de ses dons est  ordinairement celle de leur reconnaissance et de leur amour. Quand ses mains sont vides, son visage leur devient odieux.

19 - Soyez bon époux

Rien n`est plus commun que d`entendre les hommes se plaindre du petit nombre de bonnes épouses, et celles-ci du petit nombre de bons maris. Cette plainte est trop générale pour ne pas être fondée.

Si votre femme est sage et vertueuse, respectez sa sagesse et regardez la comme un don du ciel. Ne déployez pas tout votre pouvoir envers votre femme, le despotisme est toujours odieux. Soyez-en le gouverneur et non pas le tyran. C`est une compagne et non pas une esclave que vous avez choisie.  St-Pierre après avoir ordonné aux femmes d`être soumises à leur maris, ajoute : « Et vous maris, vivez sagement avec vos femmes, les regardant comme des vases fragiles, et les traitant avec honneur puisqu`elles sont, autant que vous, les héritières de la grâce et de la vie. » (1 pierre 3 – Éphes 5 – Colos 3)


L`homme sensé parle rarement de sa femme, ne la raille pas et la méprise encore moins.  Le mépris que nous témoignons à nos proches rejaillit sur nous-même. Si nous voulons qu`on les estime, commençons par les estimer en premier. D`ailleurs, le mépris n`est propre qu`à faire naitre l`indifférence et bientôt après la haine.

Il faut chercher à être un modèle d`amitié conjugale, liés par une vénération mutuelle partageant également  la bonne et la mauvaise fortune.  Aimez votre femme sans fadeur ni  faiblesse. Des attentions, de la complaisance, de la bonté et surtout une certaine confiance qui vous engage, dans tous les cas où la prudence le permet,  à ne rien faire sans le lui communiquer, la disposeront à vous donner également la sienne. N`espérez pas un parfait bonheur, il n`en existe pas sur terre.
De la manière de vivre entre  l`homme et la femme dépend le bonheur de leur vie.

20 - Soyez bon maitre

Regardez-vous comme le père de vos domestiques et tenez-leurs en lieu.  Vous leur devez trois choses dit le Sage, la nourriture,  le travail et l`instruction. Vous leur devez aussi leur salaire.  Si vous n`avez pas soin d`instruire et de reprendre vos domestiques, de les occuper, de les payer et nourrir il est à craindre que vous ne trouviez que des impies, des impudiques ou des voleurs dans ceux qui vous servent.  Faites en sortes que ils soient occupés car l`oisiveté rend paresseux et libertins. « Le travail assidu, dit l`Esprit-Saint, rend un serviteur humble et lui donne de l`inclination a son devoir. Procurez-lui toujours quelque occupation, et qu`il ne soit jamais sans rien faire : car l`oisiveté enseigne beaucoup de malice.» (Eccl 33)


21 - Honorez vos parents – surtout dans leur vieillesse

Quoique Dieu ait gravé ce devoir au fond de notre âme, il a voulu nous en faire un commandement exprès, et l`on a remarqué que c`est le seul à l`observation duquel  il ait attaché une récompense dès cette vie même.

Rien n`est aussi n`est plus particulièrement recommandé dans l`Écriture-Sainte et surtout dans un de ses plus beaux livres de morale, l`Ecclésiastique, qui est rempli de préceptes admirables, et des plus sages conseils. « Écoutez, enfant,  les avis de votre père, et suivez-les afin que vous soyez sauvés: car Dieu a rendu le père vénérables aux enfants, et il a affermi sur eux l`autorité de la mère.  Celui qui honore sa mère est comme celui qui amasse un trésor; celui qui honore son père recevra lui-même de la joie de ses enfants, et il sera exaucé au jour de sa prière.  Celui qui craint le Seigneur honore son père et sa mère, et il servira comme ses maitres les auteurs de ses jours.» (Eccl  3)


Nous devons à nos parents, le respect, l`amour, l`obéissance et les services.  Ce serait  manquer de respect que de mépriser ses parents même intérieurement. Que sera-ce donc  si l`on est assez malheureux pour  en venir à leur dire des paroles dures,  injurieuses, outrageantes; jusqu`à ce moquer d`eux, les reprendre avec orgueil, découvrir leurs fautes ou se railler de leurs défauts.  Menacer ses parents, lever la main sur eux même légèrement est un crime des plus exécrables, une espèce d`impiété et de  sacrilège que Dieu punit toujours, et souvent même de la façon la plus terrible et la plus  éclatante. On sait quelle fut la fin tragique et malheureuse du fils rebelle du roi David, Absalon. ( Rois 18)
C`est surtout dans la vieillesse que les parents ont plus besoins du secours de leurs enfants et c`est alors que ils doivent redoubler de zèle et d`affection.

« Mon fils, dit le Sage, prenez soin de votre père dans sa vieillesse et ne l`attristez pas dans sa vie.  Si sa raison s`affaiblit, supportez-le et ne le méprisez pas.  Car la charité que vous aurez eu pour votre père ne sera pas mis en oubli; et Dieu vous récompensera pour avoir supporté les défauts de votre mère : il vous établira dans la justice; il se souviendra de vous au jour  de l`affliction; et vos péchés seront anéantis comme la glace qui se fond en un jour serein.  Que celui qui abandonne son père s`acquiert un mauvais renom et combien est maudit de Dieu celui qui aigrit l`esprit de sa mère.» ( Eccl 3)


22 - Du bien qu`on vous fait soyez reconnaissant


La reconnaissance est un devoir non-seulement à l`égard de nos parents, qui sont nos premiers et plus grands bienfaiteurs après Dieu, mais à l`égard de tous ceux qui nous font du bien. L`ingratitude est un grand vice. Combien ne vois-t-on pas de ces serpents odieux, qui même après avoir reçu le secours et les services les plus signalés, cherchent à percer le sein qui les a réchauffés.

« Le malheur, dit l`Écriture, ne sortira jamais de la maison de celui qui rend le mal pour le bien.» ( Proverbes 17)
Un roi de Mandoa, ville de l`Indostan, étant tombé dans une rivière, il fut sauvé par un esclave qui s`était jeté à la nage et l`avait saisi par les cheveux. Son premier soin, en revenant à lui fut de demander le nom de son bienfaiteur. Mais quand il apprit que cet homme était un esclave, il lui demanda comment il avait osé porter la main sur la tête du Roi et le fit mourir. Une autre fois, ce même prince était assis dans l`ivresse sur son bateau près de une de ses femmes et que il tomba a l`eau. Cette femme pouvait aisément le sauver mais elle le laissa périr. Comme on lui en faisait reproche elle dit : Je me suis souvenue de l`histoire du malheureux esclave.
Dans la plupart des hommes, la reconnaissance n`est souvent que extérieure et passagère.  Ne rougissez jamais  d`être reconnaissant et de la paraitre quand il convient et où il le faut.

23 - Montrez-vous  généreux, humain  et bienfaisant

Le premier devoir des hommes en société est d`avoir de la générosité, de l`humanité et de la bienfaisance.  Ces trois vertus sont sœurs et nous portent à faire du bien à nos semblables.  La douce satisfaction que Dieu a attachée a la pratique de la vertu et qui en est déjà, dès cette vie même la récompense, sans rien diminuer de celle qui est réservée dans l`autre, en rendra l`exercice plus agréable et facile.


24 - Soyez généreux

La générosité élève l`homme au-dessus de lui-même; puisque elle lui fait préférer les intérêts des autres avant a son propre avantage. La libéralité consiste moins à donner beaucoup que de donner qu`à propos. Celle qui a comme objectif de soulager ceux qui sont dans le besoin est sans doute la plus louable même quoi qu`elle ne soit pas toujours la plus éclatante.

Aimer à donner, c`est la marque d`un bon cœur et d`une âme noble. On doit aimer à donner mais on doit le faire avec  prudence en considérant ses moyens financiers.  Quand on a tout donné, il ne reste que la honte d`avoir manqué de sagesse, et d`avoir souvent fait bien des ingrats.  Soyez généreux quand il convient de l`être mais souvenez-vous que ce ne doit jamais être au préjudice de qui que ce soit. La générosité cesse d`être une vertu quand elle n`a pas la justice pour compagne.

Les règles de Cicéron  sur la générosité dans son traité des devoirs sont pleines de sagesse.  Rien n`est plus conforme à la nature de l`homme qu`une inclination bienfaisante et libérale mais elle demande beaucoup de précautions.  Elle ne doit pas être nuisible ni à ceux à qui nous voulons faire du bien,  parce que ce serait plutôt leur faire du mal; ni aux autres parce que elle serait injuste, et qu`il n`y a pas de vrai générosité sans justice.
Elle doit aussi être proportionnée à nos moyens. Ceux qui veulent être plus généreux que leur bien ne le permet, ou sont cruel à eux-mêmes en  s`ôtant ce qui est nécessaire à l`entretien de la vie, ou se rendent coupable d`injustice a l`égard de leur famille en faisant passer a des étrangers ce qui serait plus équitable de laisser a ses proches.

Enfin, notre générosité doit se régler sur le mérite.  Dans les bienfaits, il faut préférer les gens de biens et en exclure les méchants car ceux-ci en sont indignes. ( ceux qui se servirait des largesses pour faire le mal) Pour entretenir la société qui unit les hommes, on doit aussi donner de préférence à ses parents, ses amis, a ses concitoyens et a ses bienfaiteurs car il n`y a pas de devoir plus indispensable que la reconnaissance.


25 - Soyez humain


L`humanité nous porte à regarder tous les hommes comme nos frères, et à leur faire le plus de biens que nous pouvons, quand ils ont besoins de nous.  Cette aimable vertu est basée sur la nature qui nous incline à nous intéresser en faveur de nos semblables. Il suffit qu`une personne paraisse émue et affligée pour nous émouvoir et nous attendrir en sa faveur.  Un cœur humain est  en quelque sorte plus touché du mal d`autrui  que du sien propre.

Ayant destiné les hommes à vivre dans une société où il aurait nécessairement des affligés et des misérables, le Créateur, toujours attentif aux besoins de ses enfants, a imprimé dans nous le sentiment de la pitié, qui nous fait éprouver une vive douleur à la vue du malheur d`autrui et qui nous engage à le soulager pour nous soulager nous-même.  Il faut s`appliquer dans l`éducation, en élevant l`enfant  à ce qu`il s`occupe plus des autres que de lui-même. Si on s`occupe trop de lui, si on l`accoutume à s`occuper plus de lui-même que des autres, il sera dur, il rapportera tout a lui-même; et les premières victimes de sa dureté et de son égoïsme ce seront ceux même qui l`auront si mal élevé.  Attachez-vous donc à développer de bonne heure, a diriger vers le bien, ce caractère de tendresse et de sentiment que nous avons reçu de la nature et a le perfectionner chez votre élève par des leçons proportionnée à son âge.

Il faut s`intéresser au sort de ceux qui souffrent et aller dans les tristes refuges de la misère humaine.  A l`assemblée de l`État de Suède, un sénateur qui était chargé de l`éducation de l`héritier de la couronne disait : Conduisez le Prince dans la cabane de l`indigence laborieuse, faites-lui voir de près les malheureux et apprenez-lui que ce n`est pas pour servir les caprices d`une douzaine de souverains que les peuples de l`Europe sont faits.

L`insensibilité détruit l`homme et en fait un être sauvage et isolé.  A la place de l`amour bienfaisant et équitable de nous-même et des autres hommes, qui nous porte à ne vouloir être heureux qu`en contribuant au bonheur commun.  Il n`a plus qu`un amour propre, injuste et exclusif, qui se faisant le centre de tout  ce qui l`environne et s`arrogeant des droits et des privilèges  cherche son bonheur au dépend des autres.

Celui qui est puissant, riche, élevé au-dessus des autres doit se souvenir que l`Auteur de notre existence nous a rendu tous semblable. C`est un principe établi par la philosophie et par la religion. Nous sommes tous hommes et les riches comme les plus pauvres.  Les hommes sont faits les uns pour les autres et ils doivent tous se traiter avec bonté et se prêter mutuellement les secours dont ils sont capables. Ce n`est pas que dans des circonstances égales, on ne doivent témoigner plus de bienveillance a ceux qui sont plus étroitement unis a nous par les liens de la parenté,  de l`alliance, de l`amitié,  de la patrie, de la religion,  car la loi de la Charité, loin de renverser l`ordre, l`établit au contraire et le perfectionne.  Mais quand il n`y a pas de concurrence et qu`on peut également donner du secours a tous, personne ne doit être exclus.

26 - Soyez bienfaisant

La bienfaisance est un doux penchant  qui nous porte à obliger nos semblables, à leur rendre service, à leur faire du bien.  Le Fils de Dieu, l`auguste fondateur de la religion chrétienne ne s`est signalé sur la terre que par ses bienfaits. Sincère et généreux ami des hommes, il les a aimé autant que on peut s`aimer soi-même : il a fait plus, il s`est sacrifié pour leur faire du bien.  Toujours attendri à la vue de ceux qui souffraient, son attendrissement ne se bornait jamais à une compassion stérile; il ne voyait des malades que pour les soulager, les consoler, les guérir.

La doctrine qu`il est venu annoncer est consignée dans l`Évangile, ce livre divin, qu`on ne saurait lire sans devenir meilleur  est une nouvelle preuve de la bonté de son cœur. Sa morale est si pure, si bienfaisante, si propre à faire le bonheur de la société qu`il n`y a que la haine et le prévention la plus aveugle qui puisse le nier ou en douter.
Les maximes de l`Évangile, fidèlement suivies réuniraient tous les hommes par les devoirs les plus aimables et les plus doux et feraient de toutes les nations un peuple de frères et d`amis. L`illustre abbé Pacôme était né en Égypte de parents païens. Enlevé jeune a sa famille pour servir dans les légions de Constantin il fut fait prisonnier de guerre a 20 ans et conduit dans une ville ou il y avait des chrétiens. Ils s`empressèrent de lui donner a lui et ses compagnons tous les secours dont ils avaient besoin. Charmé de leur charité officieuse, il aima une religion qui inspirait une si tendre humanité et il se convertit.

Ce n`est pas assez d`aimer rendre service et de prêter une main secourable a ceux qui en ont besoins, il faut que la bienfaisance soit éclairée par la prudence et dirigée sur la qualité des personnes qui en sont objets. Un ancien poète dit très bien : « Les bienfaits mal placés ne sont pas des bienfaits.»

« Si vous faite du bien, dit le Sage, sachez a qui vous le faite; et ce que vous ferez de bien plaira beaucoup. Faites du bien au juste, et vous en recevrez une grande récompense, sinon de lui, au moins du Seigneur.» ( Eccl 12)


Voulons-nous que nos bienfaits soient approuvés de Dieu et des hommes, attachons nous a les verser sur les plus honnêtes gens, sur les personnes à qui ils sont le plus nécessaires, sur ces infortunés, que les maladies, une famille nombreuse,  des accidents imprévus ont réduit à la misère, malgré leur travail et leur bonne conduite.
Les hommes se prennent par les bienfaits, qui gagnent les ennemis et attachent les amis.  Aimer quelqu’un c`est lui vouloir du bien. Le temps des vraies libéralités est la vie.

27 - Donnez de bonne grâce

C`est sottise de donner de mauvaise grâce. Il est cependant aussi louable de refuser avec raison que de donner à propos. Si vous ne pouvez accorder ce que l`on désire,  qu`on voit qu`il vous en coute de refuser, et diminuer la honte du refus par des paroles gracieuses.  Celui qui demande et n`obtient pas est doublement humilié et il y a de la cruauté a y ajouter des paroles  méprisantes, des railleries amères,  ou de mauvaises façons,  c`est vouloir se faire des ennemis et s`exposer quelquefois à entendre des vérités désagréables.
Les manières dures et impolies de certaines personnes gâtent tout le bien qu`elles font.

Mon fils, dit le Sage, ne mêlez pas les reproches aux bienfaits et ne joignez jamais à votre présent des paroles tristes et affligeantes. La douceur des paroles vaut mieux que le présent même. (  Eccl 18)


Il vaut mieux refuser nettement que de faire trop attendre.  C`est une espèce de bienfait que de refuser sur le champ.

28 - Soyez homme d`honneur et ne trompez personne - A tous ses ennemis un cœur noble pardonne

Ce que nous entendons par le mot honneur est une vertu morale dont la fonction est de veiller sur toutes les autres et de les conserver dans leur pureté.  L`honneur commande la sainteté aux pontifes, la valeur aux soldats,  la justice aux magistrats,  l`émulation aux talents utiles.  Il prescrit la bonne foi dans le commerce et couvre de honte l`infidélité dans le maniement des deniers publics.

L`honneur, l`estime des hommes est un bien réel comme les richesses et la santé. L`Esprit-Saint lui-même nous le recommande : « Attachez-vous à posséder une bonne réputation, ce sera pour vous un bien plus durable que mille grands trésors.» Vous aurez tout le soin que demande l`Esprit-Saint pour acquérir et conserver une bonne réputation, si vous vous appliquer à édifier tous les hommes par la sagesse de votre conduite et à ne rien faire qui puisse vous rendre vil et méprisable.

Pour mériter cette estime publique, l`homme d`honneur  fait profession d`être inviolablement attaché à son devoir, d`accomplir toute justice, d`avoir une conduite irréprochable à l`égard de tout le monde.  Il a pour maxime de ne pas manquer à sa parole,  d`être fidèle au secret,  de ne tromper personne,  de ne jamais rien faire contre la droiture et la probité.  Incapable de faire tort à qui que ce soit, il rougirait de s`enrichir par des gains sordides, de sacrifier sa conscience à sa fortune.

Nous devons suivre cette maxime de l`Évangile : « ce que nous ne voudriez pas raisonnablement qu`on vous fit, ne le faites pas aux autres.» C`est un des grands principes de l`Équité naturelle. Cette règle est si conforme à la nature, si lumineusement écrit dans notre âme que beaucoup la reconnaissent. Si vous n`aimez pas qu`on vous trompe, qu`on vous nuise, qu`on vous fasse quelque injustice, pourquoi voudriez-vous agir autrement avec les autres?

Il y a plus de noblesse et de grandeur d`âme à pardonner qu`à se venger. Une âme généreuse ne se venge point.  Ce n`est pas une marque de faiblesse ou de lâcheté comme on le croit communément, de ne point tirer vengeance de ceux qui nous ont offensés : c`est au contraire la preuve du plus grand courage.  Se vaincre soi-même, et surmonter  le désir de la vengeance, ce désir qui parait si doux et si naturel de satisfaire, c`est la plus belle de toutes les victoires. Plus on conviendra qu` elle est difficile, plus on sera forcé d`avouer qu`elle est glorieuse.

Ce n`est pas  par grandeur d`âme ou par honneur que l`on se venge : c`est par lâcheté et faiblesse, c`est parce qu` on n’a pas la force de s`élever au-dessus de respect humain, de réprimer les mouvements impétueux qui au-dedans de nous-même nous sollicitent a la vengeance. «Celui, dit le Sage, qui voudra se venger sentira la vengeance du Seigneur et Dieu n`oubliera jamais ses péchés. L`homme garde sa colère contre un homme et il ose demander à Dieu qu`il le guérisse! Il n`a pas compassion d`un homme semblable à lui, et il demande à Dieu miséricorde!» Vous priez qu`on vous pardonne, comme vous pardonnez. Malheureux que faites-vous? En demandant grâce, vous demandez votre perte : votre arrêt sort de votre bouche, et vous vous condamnez vous-même

Mais voulez-vous au contraire  désarmer le bras du Seigneur  levé sur votre tête?  Désarmez le vôtre. Remettez de bon cœur tout ce qu`on vous doit. Ne craignez pas de faire le premier pas vers la réconciliation. Celui qui revient le premier  est, aux yeux de Dieu,  le plus digne de la couronne immortelle destinée au pardon des offenses.  C`est d`après un si beau modèle qu`on a vu tant de chrétiens pardonner à leurs plus cruels ennemis, tant de princes et de guerriers


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MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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Éducation et morale catholique : L`École des mœurs par M. Blanchard - 1812 Empty Re: Éducation et morale catholique : L`École des mœurs par M. Blanchard - 1812

Message par MichelT Mer 14 Jan 2015 - 14:32

Éducation et morale catholique : L`École des mœurs par M. Blanchard - 1812 ( partie 2)

29 - Aimez à vous venger par beaucoup de bienfaits. Parlez peu, pensez bien et gardez vos secrets.

C`est sans contredit, la plus belle et la plus noble  de toute les vengeances que de ne répondre aux offenses que par des bienfaits. Une grande âme ne croit pas que ce soit assez de  souffrir en paix les mauvais traitements de ses ennemis, de fatiguer leur malignité par sa patience, de désarmer leur colère en ne la combattant pas; elle veut en triompher par ses bienfaits.

Quelques ennemis secrets du gouvernement de Suède entreprirent de mettre de leur côté un jeune poète de talent. A leur demande, il composa plusieurs satires très mordantes contre le roi Gustave III. Ce prince en fut instruit et voulu les lires, et fit venir l`auteur.  Le poète parut devant le roi avec l`effroi d`un coupable attendant son châtiment.  « Mon ami, lui dit le monarque, vous écrivez avec  esprit, mais il vous manque une chose essentielle, c`est du pain. Je vous fait mon bibliothécaire pour vous mettre à portée de cultiver vos talents; je vous pardonne ce que vous avez écrit.» Quelques jours après avoir fait lire des vers au poète confus et reconnaissant, il ajouta au titre de bibliothécaire celui de lecteur du roi.

Quoique cette manière très noble d`agir convienne à ceux qui par la grandeur de leur naissance, de leur condition et de leur fortune ont moins à craindre qu`on en abuse,  elle peut aussi avoir lieu dans les états moins élevée et produire de belles réconciliations.

«Si votre ennemi a faim, dit Salomon;  donnez-lui à manger, s`il a soif, donner lui a boire; car vous amasserez ainsi sur sa tête des charbons de feu et le Seigneur vous le rendra.» Ne dites pas : « Je traiterai cet homme comme il m`a traité; je rendrai a chacun selon ce qu` il aura fait.» En rendant le mal pour le mal, vous imitez ce que vous condamnez, et vous vous déshonorez doublement.

La doctrine de l`Évangile ne commande pas le mépris, mais l`amour, elle ordonne à ses sectateurs  d`aimer leurs ennemis, de rendre le bien pour le mal et en cela elle cherche plus notre bonheur que notre gloire.
Lorsque nous faisons du mal à notre ennemi, nous excitons sa fureur, et nous en devenons quelquefois les victimes.  Le moindre ennemi peut nuire beaucoup; aigri et ulcéré, il cherche les moyens de se venger à son tour. Mais en lui faisant du bien, nous jetons le repentir en son âme,  nous répandons la confusion sur son visage, et nous changeons souvent sa haine en  estime et en amour.

Si vous ne pouvez faire du bien à vos ennemis, parce que  l`occasion ou les moyens vous manquent,  confondez les par votre bonne conduite suivant ce proverbe italien:  « Si tu veux te venger de ton ennemi, gouverne-toi bien.»

On devrait le plus souvent répondre aux outrages et aux injures que par le mépris, quand on n’a pas assez de force d`âme pour les souffrir  tranquillement, ou assez de vertu pour les pardonner par religion. Paraitre trop sensible à la peine qu`un ennemi nous fait, c`est lui donner la satisfaction qu`il désire, soit le plaisir de nous chagriner. Ne faisons pas attention à ce qu`il dit, on ne fait qu`en rire, car lui donner trop d`attention ne fera que perpétuer la chose.

30 - Parlez peu


Les jeunes gens surtout doivent faire attention à cette belle maxime si propre à les faire estimer.  « Vous qui êtes plus âgé, dit l`Ecclésiastique,  parlez car la bienséance le demande; mais parlez avec sagesse. Pour vous jeune homme, soyez fort réservé à parler, même dans ce qui vous regarde; conduisez-vous, en beaucoup de chose, comme si vous les ignoriez, écoutez en silence et ne parlez que pour faire des questions.»


L`Esprit-Saint nous apprend aussi que celui qui cache son insuffisance vaut mieux que celui qui cache sa sagesse, et que le fou même, s`il sait se taire, passera pour sage.  Le silence devrait être le partage de ceux à qui les autres qualités manquent.

Celui qui ne doit qu`écouter et qui parle trop et trop haut, fait juger, indépendamment de ce qu`il dit, qu`il est un étourdi et ne dit pas les bonnes choses.  N`ayez donc pas comme bien des personnes, l`envie de parler beaucoup pour montrer votre esprit. Couvrez-le d`une certaine pudeur.  La modestie est un voile délicat qui ne cache que pour donner plus de prix.

Celui qui veut passer pour homme d`esprit ne s`empressera pas trop à le faire paraitre.  On doit employer l`esprit et les paroles comme l`argent, avec économie; car, en recommandant de parler peu,  nous ne voulons pas que l`on soit muet. C`est être bien sage que de parler peu, mais c`est l`être encore plus que de bien songer à ce que l`on doit dire. Combien de gens ne pensent qu`après avoir parlé! Mais la parole est partie, et la réflexion vient trop tard. Ne dite jamais rien si possible que vous n`y ayez pensé auparavant.

« Mettez a votre bouche une porte et des serrures : fondez votre or et votre argent, et faite une balance pour peser vos paroles, et un juste frein pour votre bouche, afin qu`il n`en sorte jamais une parole qui puissent nuire aux autres. Ou à vous-même, qui puisse offenser et être blâmée» suivant le sage conseil de  l`Ecclésiastique.

Combiens de maux et désordres sont partis de paroles inconsidérées.

« Jeune homme, dit le Sage,  gardez-vous d`être présomptueux en la compagnie des grands, et de parler beaucoup ou il y a des vieillards. Les éclats de tonnerre précéderont la grêle; mais la bonne grâce accompagnera la modestie et votre maintien respectueux vous conciliera tous les suffrages.»

Ne vous emparez point de la conversation comme ceux qui parlent toujours et forcent les autres  à les écouter.  Nous devons aimer écouter les autres, si nous voulons qu`on nous écoute volontiers. Laissez donc dire quand vous avez dit.  Donnez aux autres le temps de vous répondre et ayez la force de vous taire lorsqu`ils parlent.  Vous plairez plus en écoutant qu`en parlant vous-même.  

Souvent même, on ne laisse pas le temps  à celui qui parle, d`achever  ce qu`il a commencé, on l`interrompt au milieu de son discours, et l`on répond avant de l`avoir entendu. Ce n`est pas seulement grossièreté et  impolitesse, mais un défaut de sagesse et de jugement. Rien n`est aussi commun que ce défaut chez les grands parleurs, mais aussi chez ceux qui ont beaucoup de vanité et dans les personne qui sont vives.

Éviter un ton décisif et absolu : on se révolte contre celui qui prétend asservir  les autres à sa façon de penser. Gardez-vous d`apporter dans les compagnies l`esprit de contradiction et de dispute.  Disputez rarement. Gardez-vous de le faire surtout avec ceux qui aiment à parler beaucoup. Ce serait dit l`Esprit-Saint mettre encore plus de bois sur leur feu.  La dispute avec qui que ce soit, si elle n`est tempérée par une grande politesse, est presque toujours plus dangereuse qu`utile. De ce choc mutuel des opinions, il devrait sortir une lumière qui servit à découvrir le vrai, et il n`en sort le plus souvent que des étincelles qui allument la colère ou la haine.


Quoiqu’on ne doive pas aimer la dispute, il ne faut pourtant pas, par faiblesse et par une fade adulation, adhérer aux erreurs et aux faux préjugés.  Prenez hardiment le parti de la Vérité. Mais si l`on obstine contre vous malgré votre opposition à l`erreur, prenez le parti du silence ou changer de matière.

N`ayez pas l`imprudence de vouloir sur certaines matières paraitre plus savant que vous ne l`êtes, et de parler devant les personnes instruites des choses que vous ne connaissez pas. Vous vous exposeriez à la confusion et au ridicule.

31 - Pensez bien

Pensez en toute chose avec sagesse et jugement, c`est ce qu`on appelle penser bien et ce qui constitue le bon esprit; une qualité beaucoup plus rare qu`on ne croit.

L`esprit humain doit être réuni  dans une même personne avec un jugement  solide et profond. L`esprit humain, sans le jugement, est plus souvent dangereux qu`utile, parce qu`il ressemble à un coursier fougueux sans frein, qui nous jette avec lui dans un précipice, ou à une fausse lueur, qui au lieu de nous diriger, nous égare et nous fait faire autant de chutes que de pas.

On dit que l`esprit humain gouverné par les passions est un instrument à faire de grandes fautes. Combien d`hommes, n`ont eu que trop d`esprit pour leur malheur et pour le malheur des autres!

Il n`en est pas de même du jugement. C`est un de tous les dons de la nature le plus nécessaire et le plus estimable. On n’abuse jamais du jugement, mais sans lui on abuse de tout. La plupart de nos fautes viennent moins de défaut d`esprit que de défaut de jugement.  Il y a peu de sages mais le nombre de ceux qui manque de jugement est grand.

Celui qui pense bien, règle ses démarches sur les règles de la prudence et ne se conduit que par les maximes de la sagesse ( biblique). Dans les affaires difficiles, dans les circonstances embarrassantes, il examine avec soin, pèse avec réflexion, choisit avec discernement, et ne se détermine que quand il a de solides raisons de le faire.
Aussi équitable que il est juste et judicieux, le bon esprit aime a ne penser mal de personne.  Ce n`est pas qu`il approuve le mal ; il condamne ce qui est mauvais, mais il ne le croit pas aisément.  Les sottises et les folies qu`il voit ne flatte pas son amour propre. Il ne fait pas alors comme tant de personnes des comparaisons  à son avantage.  Il trouve dans la conduite des autres, non de quoi devenir plus méprisant ou plus vain, mais de quoi se corriger et s`instruire, de quoi  signaler sa patience et son zèle, de quoi augmenter son expérience et sa sagesse.

Il met à profit jusqu`au malheur d`autrui. Convaincu que c`est être bien sage que de le devenir au dépens des autres, il profite de leurs fautes même, et il apprend par leur exemple  combien il est avantageux de ne pas leur ressembler. Les réflexions qu`il fait sur ses propres faiblesses lui inspirent pour les autres la même indulgence dont il a besoin et quoique irréconciliable avec le vice, il est à l`égard des personne toujours prêt à pardonner tout ce qui peut l`être.

Les magistrats et les personnes en place doivent surtout se piquer  de penser noblement. Il est de leur gloire de refuser avec courage tout ce qui pourrait les exposer à devenir  injustes et ingrats.


32 - Gardez vos secrets


On ne confit son secret que parce qu’on ne sent pas assez de force pour le garder.  Gardez inviolablement le secret d`autrui, mais ne gardez pas moins soigneusement le vôtre, surtout s`il s`agit d`entreprise et d`affaire.  Le moindre mal qui pourrait arriver de votre indiscrétion, ce serait d`en retarder le succès, et souvent même elle le ferait entièrement échouer.  Richelieu disait souvent que le secret était l`âme du gouvernement et des grandes affaires.  Ceux qui commandent aux autres doivent imiter le maitre du monde, qui gouverne l`univers par des ressorts que lui seul connait.

Ce qu`un homme tient renfermé dans son cœur ne peut être découvert, et ce qu`il confie a un autre ne peut demeurer caché. C`est du moins risquer beaucoup, et il y a toujours de l`imprudence à le faire, quand il n`y a pas de nécessité.  Un secret qui pèse est près d`échapper, et celui qui n`a pas la force de le retenir est encore bien loin de la sagesse. C`est une grande imprudence de découvrir les siens a des gens qui cachent les leurs. « Ne montrez pas, dit le Sage,  votre cœur a toute sorte de personnes, de peur que celui à qui vous vous fiez, ne soit un faux ami, et qu`il ne médise ensuite de vous. »

Souvent, par un excès de confiance, on ouvre son cœur à des indifférents, on répand son âme devant eux.  C`est une faiblesse à laquelle on est entrainé par l`inexpérience et par le chagrin. La peine cherche à se soulager, et le défaut d`expérience nous  dérobe le danger de notre franchise.  Les malheureux et les jeunes gens sont presque toujours indiscrets.
C`est aussi le défaut des grands parleurs.  Ils révèlent souvent ce qu`ils ont le plus d`intérêt à tenir cacher. Doivent-ils se plaindre si on ne garde pas mieux leurs secrets qu`ils ne l`ont gardé eux-mêmes?

On découvre parfois son secret, comme celui des autres, sans le vouloir. Défiez-vous de vous-même et  soyez sur vos gardes.  Il est aussi souvent dangereux de dire une partie de votre secret.  Toute confiance, dit la Bruyère, est dangereuse si il n`est entière : Il y a peu de conjoncture ou il ne faille tout dire ou tout cacher. On a déjà trop dit  de son secret a celui à qui l`on croit devoir en dérober une circonstance.

Ce qu`on dit fait souvent soupçonner et découvrir ce qu`on ne dit pas. Lorsque vous voudrez confier un secret a quelqu`un, ayez toujours, autant qu`il vous sera possible, un gage de fidélité. Que son intérêt même l`oblige à être discret, et qu`il appréhende autant de vous trahir, que vous craigniez de l`être.  Ayez la force de garder vos secrets; mais n`ayez pas la petitesse de faire un secret de ce qui n`en est pas un, ou de ce qui ne mérite pas de l`être.

33- Ne vous informez pas des affaires des autres. Sans mystère apparent dissimulez les vôtres.


Le sage écoute tout, s`explique en peu de mots
Il interroge et répond à propos
Rarement il ouvre la bouche
Devant un plus sage que lui
Il n`est point curieux des affaires d`autrui,
Et ce qu`il doit savoir est tout ce qui le touche.

Les affaires d`autrui ne sont pas les nôtres, et l`homme sage doit se renfermer dans ce qui le concerne. Une trop grande curiosité est une très grande impolitesse, et souvent la marque de beaucoup d`imprudence. Les moins occupés sont souvent ceux qui  s`occupent le plus de ce qui ne les regarde pas.
Ne soyez pas de ces questionneurs perpétuels qui veulent tout savoir, ni de ces furets de maisons qui cherchent à découvrir tout ce qui se passe dans l`intérieur des familles.  On aime à le savoir pour en faire mauvais usage ou pour le divulguer;  l`un et l`autre sont indignes d`un honnête homme.

Ne faites jamais aucune question imprudente ou qui pourrait déplaire. Ne vous mêlez pas non plus trop facilement des affaires des autres, à moins que la charité ou votre devoir ne vous y oblige.  Il est rare qu`on en ait du désagrément. Mais le précepte de ne se mêler que de ses affaires est presque toujours aussi mal suivi qu`il est sage et nécessaire à la tranquillité de la vie.  On se repend souvent d`y avoir manqué.

Le sage Pittacus disait : « Ne divulguez pas vos desseins, afin que, s`ils sont renversés, vous ne soyez pas exposés à la risée. » La plupart des hommes ne jugent que par l`évènement : l`envie et la malignité se moquent de ce que le succès n`a pas justifié.  En étant discret sur vos affaires, vous les déroberez à la censure et à la raillerie.
Celui qui parle de ses affaires a tout le monde, les verra souvent échouer.  Les obstacles naitront de toutes parts, et des personnes dont on se défiait le moins. Le grand secret pour réussir dans ses affaires et ses entreprises est de les tenir discrètes.

34- Ne vous louez jamais – Soyez humble et modeste même au milieu des succès.

Si vous voulez que tout le monde vous aime et vous estime, ayez pour tous beaucoup d`honnêteté et de politesse.  Si, au contraire, par des manières dures et hautaines, vous vous rendez insupportable a ceux qui vous approchent, vos inférieurs vous haïront, vos supérieurs vous mépriseront, et tout le monde se moquera de vous.
« Les insultes et les outrages, dit l`Esprit-saint, sont réservés pour le superbe, et la vengeance se tiendra en embuscade pour fondre sur lui comme le lion sur sa proie.»

Le Très-Haut, qui hait, encore plus que les hommes, l`orgueil et la fierté, ne tardera pas à se joindre aux ennemis des superbes pour les humilier et les détruire.  « La maison la plus riche sera anéantie par l`orgueil, et le bien du superbe sera détruit jusqu`à la racine. »

Ce sont surtout les richesses qui inspire le plus l`orgueil et la fierté.  Cet éclat qui entoure l`homme opulent,  cette magnificence qu`il étale, ces honneurs qu`on lui rend, ces hommages et cette espèce d`adoration qu`on lui prodigue, tout cela l`éblouit de telle sorte qu`il ne se connait plus lui-même, et qu`il s`évanouit dans ses pensées.
Il se fait un prétendu mérite de son abondance, il se persuade que tout lui est dû,  il ne veut dépendre de personne et veut que tout le monde dépende de lui; il se glorifie du grand nombre de ses amis, et il ne sait pas que ces âmes basses que l`intérêt conduit et qui s`attachent à sa fortune, n`ont souvent qu`un fond de mépris et une secrète haine pour sa personne. Mais ce qui me surprend le plus en lui et qui m`étonne, c`est que, flatté comme il parait l`être, de la multitude de ses courtisans, il ne cherche pas a en augmenter le nombre par des manières douces et gracieuses, et qu`il soit le plus souvent fâcheux, de difficile abord, d`humeur inégale, impatient, colère, rebutant les uns, choquant les autres,  insupportable a tous.

Tels sont certains nouveaux favoris de la fortune, qui sont parvenus au comble des honneurs et des richesses.  Cette pompe odieuse qui les environne et qui est assez souvent le fruit honteux des vexations et des rapines, ils la rendent encore plus odieuse par leurs dédains orgueilleux pour les autres hommes. Ils ne parlent que de leurs biens, ils se vantent continuellement de leur grandes richesses,  eux qui devraient peut-être en rougir et se reprocher les bassesses et les crimes auxquels ils en sont redevables.
Car combien de riches ne doivent qu`au larcin, a l`injustice, a l`infidélité de leurs pères,  ou à leur propre crimes, ce qui flatte si fort leur vanité. Il n`y a guère de grande fortune rapide qui soient pures et innocentes; la probité seule conduit rarement a la fortune.

A quelque haute fortune que vous soyez parvenu, n`en faites jamais l`objet de votre vanité.  Les richesses, par leur éclat et par les avantages qu`elles procurent, attirent assez d`elles-mêmes  les yeux de l`envie; ne l`irritez point par votre ostentation : elle se plairait à lancer sur vous les traits de la malignité.
Dans votre prospérité soyez toujours modeste, et n`oubliez jamais votre premier état.

C`est un grand ridicule de se louer soi-même. L`homme sage et judicieux ne donnera  pas dans cette fatuité.  Celui qui a du mérite n`en  parle pas, il laisse aux autre le soin de le publier.  «Qu`un autre vous loue, dit le Roi Salomon,  et non votre bouche; que ce soit un étranger et non vos propres lèvres. »
On perd toujours à se louer et l`on persuade habituellement le contraire de ce que l`on propose. Les personnes qui se vantent cherchent à semer l`estime, et ne recueillent que le mépris. Pour être applaudi de ce que l`on fait, il ne faut pas trop s`en applaudir soi-même.  La vanité rend toujours odieux, et si elle n`est pas jointe au mérite, elle rend de plus ridicule.

Évitez avec soin de parler de vous-même, et si la politesse des autres vous force de répéter quelque évènement dont le détail vous fait honneur, soyez bien court, et parlez-en avec une modestie infinie.

En général, à moins que ce ne soit par le sentiment de l`humilité chrétienne, évitez autant de vous blâmer que de vous louer; observer la sage maxime d`Aristote, qui disait souvent qu`il ne faut parler de soi ni en bien, ni en mal, parce que il y a ordinairement de la vanité a se louer et de la folie à se blâmer.
Dire, sans une juste raison du bien de nous-même, c`est fatuité; en dire du mal, c`est inutilité :  d`autres s`en chargeront et s`en acquitteront mieux que nous.  Il n`y a pas de vices qu`il nous importe plus de tenir caché que l`orgueil, parce que il n`en est point qui nous rende plus odieux. On méprise ceux qui s`enivrent de leur bonheur et qui s`oublient.
La modestie donne un nouvel éclat à la grandeur. Elle force les autres hommes a voir sans jalousie sa gloire et ses avantages.  La hauteur et la fierté ne font au contraire qu`augmenter le nombre des ennemis et des jaloux, qui triomphent avec un mépris insultant quand ce colosse de grandeur vient à tomber, comme il arrive souvent.
C`est ce qui fait dire à un ancien que plus nous sommes élevés au-dessus des autres, plus nous devons être humble et modeste.

35 - Surmontez les chagrins ou l`esprit s`abandonne -  Ne faites rejaillir vos peines sur personne

Les sujets de chagrins sont si fréquents dans le cours de la vie qu`on ne peut guère se flatter de les éviter tous.  Quand on est jeune encore  et sans expérience, on ne marche que sur des fleurs; tout rit, tout est beau. On se persuade que ce bonheur durera toujours; mais une si douce erreur ne séduit pas longtemps. Bientôt on se trouve ne butte à la dureté, a la trahison, aux faux jugements, a l`iniquité ou à la bizarrerie des hommes et a tous les évènements fâcheux dont notre vie a tant de peine à se défendre.

Il est donc à propos de s`y préparer de bonne heure. Amassez dès votre jeunesse assez de bon esprit, assez de vertu pour pouvoir un jour vous familiarisez avec la patience.  Le temps viendra ou vous en aurez besoin.  Si jamais l`injustice renverse vos projets, empoisonne votre conduite, vous préfère d`indignes concurrents; si elle vous enlève une partie de vos biens; si elle attente à votre réputation, vous vous saurez bon gré d`avoir médité d`avance sur l`injustice des hommes; les coups prévus blessent moins.

On est, il est vrai, exposé à des revers si étonnants et si fâcheux, que le philosophe et le sage, en pareil cas, sentent ébranler comme malgré eux, tous les fondements de leur sagesse.  Mais nous avons appris à ne compter sur rien, si nous sommes bien convaincus que la probité et la bonne foi ne sont plus les vertus favorites des hommes, si nous savons nous attendre à tout évènements, si nous nous préparons d`avance à ce qu`on appelle les jeux ordinaires de la fortune ( chance) et aux amertumes de la vie, nous ne serons pas abattus au moindre souffle de l`adversité; dans les plus grands malheurs même nous ne nous croirons pas si malheureux, et dès lors nous le serons moins.  

La calomnie vous attaque-t-elle dans ce que vous avez de plus cher en répandant son venin sur votre réputation et en s`efforçant d`en ternir l`éclat, recourez a la résignation, armez-vous d`une patience courageuse; c`est le remède le plus sur contre la calomnie. Le temps tôt ou tard découvrira la vérité. Quand on parlait mal de Socrate il disait : « Si le mal que l`on dit de moi est vrai, cela servira à me corriger;  s`il ne l`est pas, cela ne me regarde pas, car ce n`est pas de moi qu`on parle.»

La perte des biens est une des plus rudes épreuves.  Peu de personnes savent recevoir des coups de cette nature sans murmurer contre la Providence, sans se livrer au chagrin et quelquefois au désespoir. Sannazar, un grand poète latin eut cette faiblesse : le comte de Nassau, général des troupes de l`empereur en Italie, ayant pillé sa maison de campagne, il en eut un tel chagrin, que il contracta une maladie dont il mourut.  Mr de Valincourt, ayant perdu sa bibliothèque dans l`incendie de sa maison de St-Cloud, répondit a ceux qui cherchaient  à le consoler de son malheur : « J`aurais bien mal  profité de mes livres,  si je n`avais pas appris à savoir m`en passer.»

On sait avec quels sentiments héroïques de la résignation la plus soumise le saint homme Job     (Ancien Testament) apprit la perte de tous ses biens. Tandis que le bras de Dieu s`appesantissait sur lui, il bénissait le bras que le frappait. Plein de reconnaissance pour les biens qu`il avait reçus, il les rendit sans murmure au maitre souverain qui les lui redemandait. On put lui enlever ses trésors; mais il en était un plus cher que tous les autres qu`on ne lui enleva pas; le respect et la soumission qu`il devait a son Dieu.
Ne croyez pas être souverainement malheureux lorsque vous éprouverez comme lui, plusieurs revers. Combien de millions d`hommes sont cent fois plus malheureux et à plaindre que vous. Mais tout ce qui nous regarde, nous le grossissons toujours. Cette idée même de la singularité de nos malheurs nous plait, parce qu’elle autorise nos murmures.

Nous ne devons pas nous attendre en cette vie a une félicité durable et complète.  Ce monde n`est le paradis terrestre que pour un très petit nombre de personnes qui paieront peut-être  bien cher un jour les délices dont ils ont si peu de temps à profiter.

Une prospérité constante corrompt, amollit et rempli d`orgueil.

Avant qu`un malheur arrive, détournez-le s`il est possible, usez de prudence et de précaution, mais quand il est arrivé, il faut s`en faire une raison et l`oublier le plus tôt qu`on peut.   De tous les chagrins auxquels nous sommes en butte, ils n`en est point de plus amers que ceux qui nous viennent des personnes de qui nous devions le moins les attendre. Plus la main qui nous frappe est chère, plus le coup est sensible; et tel est le malheur de la condition humaine, que ce qui devrait nous procurer les plus grandes douceurs de la vie est souvent la source de nos chagrins les plus cuisants. Dans tous les cas si vous avez de la vertu et un bon esprit, opposez l`égalité d`humeur a la bizarrerie, la douceur a la brutalité,  de grands sentiments aux indignes procédés. Songez qu’il vaut mieux souffrir le mal que de le faire.

L`adversité est un des plus surs moyens que Dieu emploi pour nous rappeler de nos égarements. Parlez a presque tous les hommes de renoncer à des passions qu`ils chérissent, ils vous regarderont comme un censeur importun. Les remontrances les plus touchantes, les menaces les plus terribles des jugements de Dieu ne feront qu`une faible impression.  Mais vient-on à être atteint par les traits de l`adversité, le charme disparait, et on voit les choses d`un tout autre œil.

Consumé par une fièvre lente, déchu du rang ou l`on était monté, trahi par d`infidèles amis, dépouillé de ses biens, on reconnait que ce corps est une fleur passagère et que les grandeurs humaines dont  ont avait été si épris n`était que néant, et que tout ce qui avait le plus frappé nos espérances n`était que mensonge et vanité.  L`adversité nous détrompe et nous instruit. Éclairés par le flambeau de la Religion nous découvrons, dans les afflictions qui nous arrive, la peine du péché, l`exécution des arrêts d`une justice infiniment sage,  de salutaire amertumes répandues sur les objets de nos affections, pour en détacher notre cœur et l`attirer vers des biens plus solides.

Aussi l`Évangile qui doit être la règle de nos sentiments et de notre conduite, appelle t`il heureux ceux qui souffrent, ceux qui sont calomniés et persécutés pour la justice.  Que n`a pas souffert Jésus-Christ lui-même, notre législateur et notre Maitre! Dans le but qu`il a eu de nous servir de modèle et de guide pour nous rendre heureux, eut-il choisit les souffrances et  nous eut-il fait un précepte  de porter la croix après lui, si les souffrances n`étaient pas la vraie voie vers le bonheur?

« Parce que vous étiez agréable à Dieu, dit l`ange a Tobie ( Ancien Testament),  il a été nécessaire que vous fussiez éprouvé par la tribulation.»

La Religion seule peut nous consoler véritablement dans tous nos chagrins, quelques grand qu`ils soient.  Quand vous êtes en proie à l`affliction, a la douleur, au chagrin, jetez-vous dans les bras de la religion et en éprouverez quelques consolations. Parlez-en a quelques amis les plus intimes et les plus capable de vous consoler; encore le seront –ils bien moins  que Dieu. Si vous avez assez de force, ne confiez vos peines qu`à lui seul. Les hommes, pour l`ordinaire méprisent les malheureux ou en sont peu touchés; on est guère sensible qu`a ses propres maux.

Certains font souffrir les autres de leur chagrins tandis que souvent ils doivent se les imputer et les attribuer qu`à eux-mêmes. Ils se sont attirés par leur faute les maux qui leur arrivent; ils sont les premiers artisans de leurs peines. Ils se sont livrés sans ménagement a tous les plaisirs, ils ont une cupidité aveugle ou une haine obstinée, ils ne veulent aucun accommodement, ils font des excès capable de ruiner le tempérament le plus fort. Étant malheureux par leur faute n`y a-t-il pas autant de folie que d`injustice a s`en prendre aux autres et à vomir contre eux comme il arrive souvent tous le venin de leur mauvaise humeur?

36 - Supportez les travers et les défauts d`autrui. Soyez des malheureux le plus solide appui.

On est obligé de vivre avec toutes sortes de caractères, et c`en est un fort mauvais que de ne pouvoir supporter celui des autres.

Heureux ceux qui sont nés avec le moins d`imperfections! Car nous en avons tous, et celui qui croit être sans défaut  n`est guère sage.  Puisque chacun de nous a ses faiblesses et ses défauts, pourquoi refuseront nous aux autres la même indulgence que nous attendons d`eux et dont nous avons également besoin? Mais l`amour-propre, qui nous donne tant de complaisance pour nos défauts, nous rend ceux des autres insupportables. « Lynx envers les autres et taupe envers nous – nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes.»

Quand on s`étudie bien et qu`on s`applique à se connaitre, on se trouve si rempli de défauts, qu`on n’a pas de peine à excuser dans autrui ceux qui paraissent les moins excusables, à moins que par devoir on ne soit obligé de les corriger et de les punir. Encore l`homme sage et compatissant aux faiblesses de l`humanité le fait-il avec beaucoup de modération et de douceur, et il pardonne d`autant plus facilement qu`il n`ignore pas que il a souvent lui-même besoin de pardon.

Mais que cette bonté indulgente est rare, et qu`il est difficile a la plupart des hommes d`être contents de quelqu`un! Ils sont si  remplis d`amour-propre, qu`ils ne sont guère satisfaits que d`eux-mêmes; et telle est leur injustice, que ceux qui font le plus souffrir, sont presque toujours ceux qui veulent le moins souffrir les autres.  La sagesse doit nous découvrir nos défauts, et la charité doit couvrir à nos yeux ceux du prochain. Si nous ne pouvons nous empêcher de voir les défauts apparents, parce que ce serait manquer d`esprit, ne les voyons que pour ne pas en avoir de pareils,  et jetons aussitôt les yeux sur nos propres faiblesses, afin d`apprendre à supporter les leurs.  Lorsque vous rencontrez des personnes qui vous déplaisent, cachez soigneusement votre aversion; la faire sentir, ce serait manquer  de bonté et de politesse.  Aimez les sages et les personnes aimables mais souffrez les fâcheux.

Rire de ceux qui ont quelque difformité, c`est une petitesse que l`on ne pardonne pas aux enfants. Ne devrait-il pas en être de même des défauts de caractères?
La douceur, la patience, l`indulgence pour les défauts est aussi nécessaire dans les familles et les couples. Vicentine Lomelin, cette illustre Génoise,  fondatrice des Annonciades-Célestes , était mariée avec Étienne Centurion, gentilhomme de Gênes; elle trouva, dit l`historien de sa vie , au commencement de son mariage, plus d`épines que de roses.  Quoique son mari eut beaucoup d`estime et d`affection pour elle, il ne la fit pas moins souffrir, parce que il était naturellement prompt  a la colère, difficile a contenter, trouvant à redire a tout ce qu`elle disait ou faisait.  Elle lui opposa une patience, une douceur, une complaisance qui le firent enfin rougir de ses  humeurs et de ses brusqueries. Bientôt le calme et la paix succédèrent aux tempêtes et aux querelles.  Chérie est respectée de son époux elle eut même le bonheur de le voir comme elle, se donner tout entier à Dieu et partager ses bonnes œuvres.

Si les époux doivent supporter mutuellement leurs défauts et leurs mauvaises humeurs, a combien plus forte raison les enfants doivent-ils supporter ceux de leurs parents.  C`est le moyen de rendre le commerce de la vie plus agréable et plus doux.  Notre ménagement pour les autres  nous en attirera de leur part. Notre indulgence à supporter les défauts des autres nous rendra nous même  plus supportable, elle rendra nos liaisons plus constantes, et l`accomplissement de nos devoirs  plus gracieux et plus faciles.
La patience, cette vertu  si nécessaire et que nous perdons si souvent pour rien, s`acquerra par l`exercice, et nous procurera les plus doux fruits.  Non seulement elle nous fera aimer des autres, mais aussi elle émoussera le sentiment des peines, au lieu que l`impatience les multiplie, les rend plus sensibles, et fait que l`on ne souffre jamais tant que lorsqu`on ne veut rien souffrir.

Les Grands ( les puissants) doivent aux petits et aux faibles l`appui de leur autorité et de leur puissance; les riches doivent aux pauvres et aux malheureux l`appui de leur crédit et de leurs richesses.

Nous avons déjà parlé de cette obligation que la loi divine et la loi naturelle leur impose; mais on ne saurait trop remettre sous les yeux les devoirs que l`on se plait si souvent à oublier ou à méconnaitre.

Le Dieu souverain et maitre des hommes a voulu qu`il y eut des Grands et des Petits, des hommes qui commandent et des hommes qui obéissent, parce que la subordination est nécessaire au maintien de la société et que une indépendance totale serait une source continuelle d`usurpation et de meurtres. Mais il a tempéré cette inégalité qui se trouve entre les conditions en voulant que l`avantage d` être au-dessus  du commun des hommes ne soit qu`un engagement à être tout entier pour eux.

Si vous êtes puissant et riche, que votre tendresse généreuse et bienfaisante soit l`asile des malheureux. N`imitez pas ces riches toujours fâcheux et chagrins, fiers ou dédaigneux qui pensent que c`est un privilège de la fortune et de la puissance que de pouvoir insulter impunément les petits et les malheureux. « Servez de père aux orphelins, dit le Sage, et d`époux à leur mère et vous serez comme le fils chéri du Très-Haut, qui aura pour vous plus de tendresse qu`une mère n`en a pour son fils.»


La ville de Verdun ayant été ruinée par les guerres, et ses habitants réduits à la pauvreté la plus extrême, Didier, qui en était Évêque, demanda des secours à Théodebert, le roi d`Austrasie sous la domination duquel était cette ville. Ce prince lui envoya sept mille sous, somme considérable pour ce temps-là; elle fut distribuée aux marchands. Le commerce se ranima et les fortunes des particuliers se relevèrent. L`Évêque rapporta plus tard la somme au roi qui refusa de la reprendre et dit à Didier : « Nous sommes heureux tous deux, vous de m`avoir fourni l`occasion d`aider mes pauvres sujets et moi, de ne l`avoir pas manquée.»

37 - Reprenez sans aigreur, louez sans flatterie. Ne méprisez personne, entendez raillerie.

Les paroles dures n`ont jamais corrigée personne; elles ne font qu`indisposer et irriter contre le remède.  Souvent c`est moins la vérité qui blesse que la manière de la dire. Ne reprenez jamais  que vous ne soyez bien assuré qu`on est en faute; dans le doute, il vaut mieux faire semblant d`ignorer. On fait injure et l`on offense lorsque l`on reprend à tort : on s`expose à perdre le fruit des réprimandes les plus justes.  Il faut faire celles-ci avec tous les ménagements que vous voudriez en pareil cas que l`on eut pour vous.

Adoucissez donc le plus qu`il vous est possible les réprimandes que vous êtes obligés de faire.  Les meilleures sont celles qui sont assaisonnées d`éloges ou qui sont données indirectement.  Si vous êtes obligé de reprendre, faite-le, car il ne faut pas donner dans la molle indolence de certaines gens qui ne veulent faire de peine à personne, de peur de se faire la moindre peine à eux-mêmes; mais reprenez toujours, autant qu`il vous sera possible, avec douceur et sans emportement. Que vos remontrances soient moins des leçons que des conseils; qu`elles paraissent dictés par l`amitié et inspirées par l`intérêt a la personne qui en est le sujet.  La raison peut éclairer mais c`est le sentiment qui persuade : et lorsque c`est le cœur qui parle, il est toujours sur de toucher  le cœur qui l`écoute.  Il faut blâmer le vice sans blâmer sans irriter le fautif.

On ne corrige point l`orgueil que l`on humilie.

«Sous le pied qui l`écrase, un serpent se replie.»

Ce fut par sa grande douceur que François de Sales ramena un si grand nombre de Français huguenots au sein de l`Église. Il en aurait converti environ soixante-dix-milles selon  les auteurs de sa vie. Mais il savait animer son zèle  d`une juste indignation lorsqu`il le fallait. Il ne voulait pas que sous le prétexte de la bonté et de la douceur  on laissa le crime impuni, ou qu`on donna occasion de le commettre avec plus de hardiesse.

Nous devons de même,  quand il s`agit des intérêts et de la gloire divine, nous livrer, s`il le faut, a une sainte-colère. Lorsque on aime sincèrement Dieu, on est vivement touché de ce qui l`offense; mais il est à propos souvent de tempérer l`amertume du zèle par la douceur de la charité, qui sait garder des ménagements et  s`arrêter ou il faut.  Ainsi nous voyons Jésus-Christ lui-même, qui fut le plus doux des hommes, s`indigner la vue des profanateurs du Temple, faire un fouet de cordes, et les chasser.

On peut sans doute  user quelquefois  de discipline plus solide lorsqu’on a affaire à des gens ou des enfants grossiers et rebelles qui ne font aucune attention à ce qu’on leur dit par douceur. Mais il ne faut jamais en faire une habitude et y mêler de la dureté ou de l`aigreur.  Un homme sage et modérer sait parler en maitre sans injurié ou dire un mot offensant.  Il reproche les fautes avec fermeté sans manquer au respect qu`il doit à la dignité de l`homme. Il cherche à corriger la coupable et non pas à le mortifier.

Le ton grondeur, les paroles aigres, une dure et inflexible sévérité révoltent, aigrissent et attirent la haine : mais trop de douceur autorise le mal et fait mépriser.  Soyez doux, mais soyez ferme quand il le faut et quand vous le devez.  C`est être vicieux de ne pas réprimer le vice lorsqu`on est obligé de la faire. C`est se rendre complice du mal que de ne pas le reprendre fermement et l`arrêter quand on a le droit et le pouvoir.


C`est le défaut de ces parents qui par trop grande tendresse envers leurs enfants dissimulent et détourne la vue pour ne pas apercevoir leurs fautes et ne rien dire.  Quelquefois ils les reprennent avec une telle faiblesse qui ne remédie a rien et fait grandir le mal en rendant les enfants encore plus rebelles, vicieux et sans respect.
Ce n`est pas que il faille employer sans cesse les réprimandes et corrections. On ne doit pas punir trop souvent car ce qui est trop fréquent ne frappe plus. Il faut de la fermeté et non de la rigueur. Si on accoutumait de bonne heure au respect et à l`obéissance, si l`on corrigeait dans les commencements les petites fautes, sans leur donner le temps de se changer en habitudes, on n’aurait pas si besoins, dans la suite, d`employer les réprimandes dures qui coutent beaucoup à l`amour, ni de prendre la voie quelquefois inutile et toujours fâcheuse des sentiments sévères.

Ce que nous venons de dire convient a beaucoup d`égard aux personnes en place. La sévérité qui maintient le bon ordre est la gardienne des États.
Lorsque la nécessité de réparer le scandale, ou que l`inutilité des réprimandes secrètes ne vous oblige pas à reprendre en public, faites-le toujours en privée.  On est mieux disposer à recevoir des avis humiliants quand la vanité en souffre moins.

Observez la loi que la charité exige et que prescrit l`Évangile. Épargnez au coupable une confusion qu`il ne mérite pas, et qui servirait plus souvent à l`aigrir qu`a le corriger.
 Au reste, si vous n`êtes  pas chargé par votre état de reprendre les autres, ne le faite pas facilement, et n`imitez pas l`indiscrète vivacité de quelque uns qui troublent le repos de tout le monde parce que ils ne sont jamais en repos.

C`est un mauvais métier que celui de censeur, on se fait haïr, et l`on ne corrige personne. Cependant, un des devoirs de l`amitié et un des plus grand s services que l`on peut rendre, c` est d`avertir son ami des fautes qu`il a commises afin qu`il évite d`y retomber, c`est de l`éclairer sur ses défauts qu`il ignore ou qu`il prend pour des vertus par amour-propre.

Mais la sincérité, qui doit être l`âme de l`amitié,  est souvent ce qui la fait périr. La plupart des amis de veulent pas être repris, ou s`ils permettent quelquefois qu`on le fasse, ils exigent tant de ménagements, que l`on prend plutôt le parti de se taire ou de le flatter. Acceptez d`être repris et corrigé. « Celui, dit l`Esprit-Saint, qui aime la correction, aime la science; mais celui qui hait les réprimandes est un insensé.»

La honte d`avoir mal fait devient une vertu quand c`est le repentir qui la cause.  Si nous pouvions nous estimer mutuellement, il n`y aurait que douceur dans la société.  La tendance que nous avons de témoigner du peu de cas que l`on fait des personnes qui ne sont pas vraiment dignes de mépris est la source de presque tous les désordres et des maux qui y règnent.  De la naissent les médisances malignes, les satires mordantes, les manquements injurieux qui produisent à leur tour les haines mortelles, les longues inimités, les  vengeances funestes. Le mépris éloigne les cœurs et l`estime les concilie.

C`est, dit La Bruyère,  une chose monstrueuse  que le gout et la facilité que nous avons de railler, d`improuver de mépriser les autres, et tous ensemble la colère que nous ressentons contre ceux qui nous raillent, nous improuvent et nous méprisent. Il ne convient a personne d`être fier et méprisant : avec ses semblables c`est sottise, avec ses supérieurs c`est  folie et avec ses inférieurs c`est ridicule.

Il n`est que trop ordinaire de mépriser ceux qui sont pauvres et d`estimer les gens a proportion de leurs richesses.  Faut-il s`étonner si plusieurs riches surtout ont tant de mépris pour ceux qui sont dépourvus des biens de la fortune?  Les conditions plus basses ou le commun des hommes se trouvent placés par la Providence, les fonctions laborieuses qu`ils exercent dans la société ne les dégradent pas et au contraire les rendent précieux  et estimables quand ils s`en acquittent bien.

Un préjugé répandu est de faire peu de cas d`une personne a cause de sa taille ou de son visage. « Ne louer pas un homme pour sa bonne mine, dit le Sage, et ne le méprisez point parce que son extérieur n`a rien qui le relève. L`abeille est petite entre les insectes volants, et néanmoins son fruit l`emporte sur ce qu`il y a de plus doux. »
Une autre injuste prévention est de regarder les habillements,  car c`est souvent l`habit qui décide de l`estime ou du mépris, comme si la sottise ne se trouve jamais dans un habillement riche et que le mérite soit incompatible avec un habillement simple et modeste.

Les gens sensés n`accorde de considération a l`habit que jusqu`à ce qu`ils aient connu la personne. Beaucoup se laissent prévenir par l`extérieur et jugent du fond par la surface.
Entendre raillerie est la plus sure marque de bon esprit.  Le moyen le plus efficace d`arrêter la raillerie est de bien la prendre. Il ne faut pas répondre aux railleries par des injures mais essayer de les détourner avec humour.

38 - Choisissez vos amis; tenez-vous avec des gens honnêtes.


Le problème avec  les mauvais est que à force de les fréquenter souvent ont risque de finir par leur ressembler.
Soyez s`il se peut, aimé de tout le monde mais choisissez bien vos amis. L`impie, le libertin, le malhonnête, l`intriguant, l`ami faux, sont des «amis funestes».
L`amitié a pour fondement véritable l`honneur et la vertu.

Faites-vous comme maxime de choisir pour amis des gens de bien. Attachez-vous à l`homme droit et vrai qui n`aime ni les déguisements ni les détours incompatible avec la sincérité que demande l`amitié. Un ami fidèle peut nous présenter le miroir de vérité pour nous avertir de nos défauts.  Une multitude d`amis n`est pas nécessaire au bonheur mais deux à trois bons amis droits et honnêtes sur qui vous pouvez compter. La vraie amitié partage l`infortune comme la félicité. L`amitié devient plus forte en vieillissant, ne changer donc point un vieil ami.

Ne rompez pas aisément avec vos amis, nous avons tous des défauts.  Il n`a que les manquements absolument opposés à l`amitié, qui permettent légitimement de la rompre. Ce qui doit nous faire rompre nos liaisons c`est lorsque elles peuvent nous devenir funestes ou dangereuses, lorsque la religion ou la conscience ne permettent pas de les continuer. On doit être bon ami, mais encore plus un ami de la vertu.

Ne condamnez pas vos amis sans les entendre ou vous être bien assuré qu`ils sont coupables. Quand il s`agit de se brouiller avec une personne qui nous est chère, on ne saurait trop s`éclaircir et être trop sûr. Il ne faut ni facile à écouter ni prompt à croire. Combiens de faux rapports ont brouillé de vrais amis?
Faite pour l`amitié ce que on doit faire pour le mariage, ayez beaucoup de prudence avant et de ménagement après.

Soyez toujours poli avec vos amis, la familiarité ne dispense pas du respect et de la politesse. On acquiert de bonnes mœurs avec ceux qui en ont; on prend des manières polies et gracieuses avec  les gens aimables et bien élevés, on étend ses connaissances avec les hommes sages et savants.


« Celui qui fréquente les Sages, dit Salomon,  deviendra sage lui-même et l`ami des insensés  deviendra semblable à  eux.»
Voyez les honnêtes gens, estimez-les et travailler à vous en faire estimer. Vous sentirez bientôt les fécondes influences qu`ils verseront sur vous. Vous polirez vos manières, augmenterez vos connaissances et perfectionnerez votre esprit et vos gouts.

39 - Jamais ne parlez mal des personnes absentes – Parlez prudemment des personnes présentes.


Dire du mal des absents, c`est une lâcheté : celui qui parle mal de ceux qui ne peuvent se défendre ressemble à celui qui, les armes à la main, attaquerait un homme désarmé. La médisance n`est pas seulement une lâcheté, c`est une indignité et une bassesse. Si l`on y ajoute la calomnie; c`est un crime.

C`est un grand malheur pour les gens de biens d`être exposés aux traits envenimés de la calomnie. Si elle ne peut détruire entièrement l`estime et la réputation, elle les affaiblit et en diminue l`éclat. Elle est comme le feu qui noircit ce qu`il ne peut consumer. Un coup de langue est bien prompt mais souvent  les blessures en sont mortelles.

On en voit d`un air satisfait déchirer la réputation des autres, se plaire à nommer les personnes,  ou a les désigner de manière à ne pas se méprendre; se moquer des absents;  les tourner en ridicule, grossir leurs fautes, et publier partout les secrets vrais ou faux des familles. Sans la médisance combien de personnes n`auraient rien à dire.
Il y en a qui ne parlent  si volontiers des défauts des autres, que pour faire croire qu`ils ne les ont points ou qu`ils n`en ont pas d`aussi grands; mais l`amour-propre est souvent ici sa dupe.

Ce n`est pas assez de ne pas médire, on doit encore fermer l`oreille a la médisance.  Le Sage  nous recommande  de ne pas prêter l`oreille aux langues médisantes. « Faites comme une haie d`épine à l`entrée de vos oreilles, et n`écoutez pas la méchante langue. » Le plus sûr moyen de la faire taire est de ne pas l`écouter.  «Le vent d`aquilon dissipe la pluie, dit Salomon,  et le visage triste fait taire la langue médisante.»


Ceux qui ont autorité sont obligés de fermer la bouche au médisant : «Ne permettez pas disait le Roi St-Louis a son fils, que personne ait la hardiesse de prononcer devant vous aucune parole qui puisse porter qui que ce soit au péché, ni d`attaquer par médisance la réputation des autres, soit qu`ils soient présents ou absents.»
Si vous avez entendu  quelques paroles contre la réputation du prochain, gardez-vous de la répéter, et comme dit l`Esprit-Saint,  faites-la mourir dans vous-même.  Le mal que nous apprenons des autres  doit être enseveli chez-nous, quand il n`y a pas de nécessité pressante à le redire.

On ne doit pas moins respecter la mémoire des morts que la réputation des vivants.

En général, il faut rarement badiner. Il est vrai que le badinage, quand il est juste, léger et finement renvoyé est le sel de la conversation, qui devient insipide et ennuyeuse quand on n`y rit pas. Mais il faut bien de la modération pour  ne pas passer à l`excès : il faut bien du jugement pour ne rien dire de déplacé et beaucoup d`attention sur ses paroles pour ne pas laisser échapper le moindre mot qui puisse blesser.

Celui qui aime la plaisanterie ne sera pas longtemps estimé, s`il y joint la raillerie, il se rendra misérable et odieux. La railleur se fait beaucoup d`ennemis et peu d`amis, souvent il change les meilleurs  amis en ennemis irréconciliables. On pardonne, on rend quelquefois son amitié a ceux qui ont fait quelque injustice ou quelque affront; mais la raillerie est de toutes les injures, celle qui se pardonne le moins, parce que elle le langage le plus certain du mépris. Elle porte a l`amour-propre le coup le plus sensible, parce que elle nous ôte la bonne opinion que nous avons de nous-même, et que elle veut nous rendre ridicule aux yeux des autres et  à nos propre yeux : c`est une injure déguisée; et ce qui la rend encore plus humiliante, c`est qu`en même temps qu`elle nous abaisse, elle semble élever celui qui nous raille au-dessus de nous; elle le rend pour ce moment notre supérieur et notre maitre.

La raillerie est toujours mal reçue de celui à qui elle s`adresse, et ne fait guère honneur à celui qui raille. Il y a des gens qui ne peuvent parler sans railler, ni railler sans offenser.  Leurs mots acres et mordants, leurs railleries mêlées de fiel et d`absinthe les rendent odieux; car si l`on rit quelquefois d`un trait satirique et piquant, on déteste presque toujours ceux qui le disent.

Un sot raillait un homme d`esprit sur la longueur de ses oreilles: « Il est vrai répondit la personne raillée, j`ai des oreilles trop grandes pour un homme; mais convenez aussi  que vous en avez de trop petites pour un âne.»



Dernière édition par MichelT le Sam 13 Nov 2021 - 3:51, édité 3 fois

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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Éducation et morale catholique : L`École des mœurs par M. Blanchard - 1812 Empty Re: Éducation et morale catholique : L`École des mœurs par M. Blanchard - 1812

Message par MichelT Mer 11 Fév 2015 - 18:40

Éducation et morale catholique : L`École des mœurs par M. Blanchard - 1812 ( partie 3)

40 - Consultez volontiers, évitez les procès. Ou règne la discorde apportez y la paix.

Cette maxime renferme un des conseils les plus prudents que puisse donner la sagesse : en le suivant, on évitera bien des sottises. « Ceux qui font tout avec conseil, dit le plus sage des rois, sont conduits par la sagesse.»


A tout âge, en tout état, sur toute matière on peut tenir on peut tirer un grand fruit des conseils des autres.  Aimez  donc  à demander conseil et observez pour règle  de ne jamais prendre une grave décision sans avoir consulté.  Plus les intérêts sont grands et  les suites importantes, plus le conseil est nécessaire.  Un conseil sage empêche souvent de faire de graves fautes.  

Tandis que la passion tient nos yeux  fixés vers notre but, nous ne voyons pas ce qui est autour de nous. Et ce qui nous suit. : un ami fidèle et de bon conseil nous le fait voir.  Lorsque vous demandez conseil faite-le sincèrement, car bien des gens ne consultent que pour avoir des approbateurs. Ils ne demandent un avis que quand ils se promettent de l`avoir tel qu`ils le souhaitent. Pour vous soyez entièrement disposé a bien recevoir les conseils qu`on vous donnera, quelques contraires qu`ils soient à vos vues, quelques peu flatteurs, quelques durs même que vous les trouviez. Laissez une entière liberté de vous dire ce qu`on pense, autrement il est inutile que vous consultiez. Telle semble vous applaudir, qui vous raille et vous joue.

Aimez qu`on vous conseille, et non qu`on vous loue.

Ce ne sont pas seulement les auteurs qui doivent demander volontiers des conseils et  les recevoir avec docilité, ce sont encore, comme nous l`avons déjà dit, tous ceux qui veulent se conduire sagement; mais beaucoup de gens se font une mauvaise honte de se soumettre aux avis des autres, et un faux honneur que de ne se gouverner que par eux-mêmes.  Un prince disait qu’il aimait mieux faire une sottise par lui-même qu`une belle action sur l`avis d`un autre.

En parlant ainsi il faisait moins son portrait que celui de bien des hommes, et surtout celui des jeunes gens qui n`aiment ni à demander des conseils, ni a en recevoir, parce qu`ils croient toujours penser mieux que les plus sages et les plus éclairés. Mais ont fait bien des fautes lorsqu`on est jeune et qu`on ne prend conseil que de soi-même. « Mon fils, dit le Sage, ne faites rien sans conseil, et vous ne vous repentirez pas de ce que vous avez fait.»


Il n`y a que l`insensé qui ne se fie qu`a lui-même. Moins on a d`esprit et de capacité et plus on est d`ordinaire orgueilleux et suffisant. On se persuade qu`on en sait plus que les autres; on croirait s`abaisser et faire l`aveu de son infériorité, si l`on consentait à suivre les conseils qu`un autre aurait donnés.

Ce défaut parait peu de chose dans son principe; cependant les effets en sont terribles. De la naissent la présomption, la bonne opinion de soi-même, l`attachement opiniâtre a son opinion.  De là les faux jugements, les mesures mal prises, les démarches inconsidérées, qui souvent sont suivies de la honte et du ridicule.

Écouter avec joie les conseils et les remontrances de personnes âgées, c`est la marque d`un esprit bien fait qui aspire à la perfection.  Faites-vous donc  un honneur et un devoir de suivre les bons conseils de ceux qui ont plus de sagesse et d`expérience que vous.  L`expérience qu`on acquiert que par ses fautes est un maitre qui coute trop cher.  N`imitez pas ces jeunes gens  qui ne deviennent sage qu`après s`être épuisé à faire des folies, qui, dans tout ce qu`ils ont à faire, ne consultent jamais qu`eux-mêmes ou des jeunes gens comme eux et ne trouvent de bons sens que dans les personnes qui sont de leur avis.

Défiez-vous de vous-même et de votre jugement;
mais ne vous fiez pas à toutes sortes de personnes ni à toutes sortes de conseils. Tous ceux que l`on consultent vantent leur avis, mais tous les avis ne sont pas également bons; les démêler et les bien connaitre est le chef d`œuvre de la prudence, et il n`y a peut-être pas moins d`habilité à savoir discerner un bon conseil qu`a se bien conseiller soi-même.

L`homme sage ne rougit pas de consulter les autres, mais il ne se rend pas esclave de leurs opinions; ils les pèsent, les apprécie, et se détermine d`après ses propres réflexions.  Ne vous croyez donc pas obligé de suivre tous les conseils qu`on vous donne : écoutez-les comme un ami, examinez-les comme juge,  exécutez-les comme maitre.

Rejetez les mauvais, profitez des bons,  et entre les bons préférez les meilleurs. Si  celui qui vous donne un conseil se choque de vous en voir suivre un autre, il vaut mieux qu`un seul homme s`offense injustement que de donner à plusieurs de justes raisons de se plaindre. Il est des gens qu`il est fâcheux d`avoir consulté quand on ne suit pas leur avis : ils s`en choque et en font des reproches.  Cela doit vous rendre attentif a bien connaitre les personnes avant que d`ouvrir votre cœur.

La première qualité que doivent avoir ceux dont on recherche le conseil, c`est d`être instruit et d`avoir des connaissances; c`est la lumière dont on a besoins quand on est dans les ténèbres. Adressez-vous donc à des personnes sages, prudentes, habile dans la matière qui doit faire le sujet du conseil, et par préférence, consultez les vieillards; le conseil leur appartient, et l`exécution a la jeunesse.

Une seconde qualité n`est pas moins nécessaire dans les conseils; c`est le désintéressement
; il est assez rare, et l`on doit sur ce point ce défier quelquefois de ses enfants, de ses domestiques, de ses amis mêmes.  Quelques fidèles que vous paraissent ceux dont vous prenez les avis, en écoutant leurs sentiments attacher vous a épier leur cœur et pénétrer leurs intentions.  Sachez quels sont leurs besoins, leurs inclinations, leur intérêts. Tel parait vous conseiller uniquement pour votre bien qui le fait pour le sien propre.  Combien d`affaires entreprises d`après cette sorte de conseils ont enrichi le conseiller et ruiné l`entrepreneur.

Ne consultez pas ordinairement beaucoup de personnes. La multitude des conseils produit l`incertitude et l`irrésolution : on ne sait plus ce qu`on doit faire, parce que on a trop voulu le savoir. Bornez-vous pour l`ordinaire à prendre conseil de quelques personnes éclairées et d`une probité reconnue, qui vous soient uniquement attachés, qui connaissent vos vrais intérêts et  qui les aiment.

Consultez volontiers et conseillez difficilement. S`il est aisé de donner des conseils, il ne l`est pas également d`en donner de bons. Combien de fois arrive-t-il que ceux qui paraissent les meilleurs ont des suites funestes qu`on aurait pu prévoir!

Ne donnez vos conseils qu`avec beaucoup de discrétion et de prudence. La charité engage, la justice oblige, en certaines rencontres, à prévenir, lorsque nous le pouvons, les folies ou les malheurs du prochain : l`Écriture nous avertit de ne pas retenir la parole qui peut lui être salutaire et de ne point cacher notre sagesse; mais cette sagesse elle-même doit nous conduire et présider aux conseils utiles que nous donnons, mais cette sagesse elle-même doit nous conduire et présider aux conseils utiles que nous donnons, afin de ne les donner qu`à propos quand on nous les demande ou qu`on est disposé à bien les recevoir.

N`ayez donc pas, comme quelque uns, la vanité ou la fureur de donner des conseils a tout le monde et en toute occasion. Les conseils, ainsi que les louanges sont peu estimés quand on les prodigue.  En général, et à moins que vous n`y soyez obligé, si l`on vous ne demande pas votre avis, ne le donnez pas et ne soyez pas fâché que l`on consulte autre que vous. Les plus sages conseils ne réussissent pas toujours, et le blâme, quoique mal à propos, en retombera sur vous seul.

Vous aurez  quelquefois donné trop légèrement des conseils sur  la fortune, l`état de vie, une résolution qui engage la liberté; et toute la vie vous serez tourmenté par vos propres regrets, ou par les reproches des personnes que vous aurez rendu malheureuses.

Ce n`est pas néanmoins lorsqu` on vous demande un conseil et que vous êtes en état de le donner que vous ne puissiez et ne deviez le faire en bien des occasions. On doit se prêter à conseiller et à diriger ceux qui ont besoin de lumières et de secours, comme on doit faire aumône à ceux qui se trouvent dans la nécessité. Mais qui que ce soit qui vous consulte, ne craignez pas de lui faire connaitre son devoir.

Que nulle considération humaine ne vous porte à déguiser vos sentiments. Ayez le courage de dire même aux grands, non ce qui leur plairait, mais ce qu`ils doivent faire, et ne soyez pas assez lâche pour trahir jamais la vérité.

On ne saurait avoir trop horreur des procès; ils sont la ruine des familles, la source de mille inquiétudes, de beaucoup de peines et de péchés. Sous prétexte de défendre son droit, on se permet des reproches déshonorants, des paroles offensantes qui ne font pas la cause meilleure, mais rendent les plaideurs plus envenimés.

On emploi la supercherie et la chicane : si l`artifice réussit, ce succès engage à s`en servir encore dans de nouveaux procès, qu`on entreprend encore plus facilement, et peut-être sans assez consulter le bon droit et la justice. Perd-on quelque uns de ces procès, on en conçoit un dépit, un ressentiment qui dure longtemps, et sème pour toujours entre les proches, une haine scandaleuse qui se propage dans les familles.

On s`expose donc en plaidant, à perdre la charité et l`union, l`honneur et la probité. Nous avons droit, il est vrai, de demander ce qui nous appartient; Dieu a établi pour cela des tribunaux dans la société. Mais la sagesse et la raison permettent-elles de poursuivre ses droits avec tant d`animosité et de rigueur, lorsque on risque de faire tort aux intérêts de son âme?

Les biens de ce monde, si fragiles et périssables sont-ils digne d`être mis en parallèle avec  ceux qui sont promis au détachement et à la modération? Aimez donc la paix. Il n`est pas aussi honorable de vaincre ses ennemis que de ne pas en avoir; et il est moins glorieux de renverser la fortune de ses adversaires que de gagner leur cœur. Prêtez-vous volontiers a toutes les voies honnêtes d`accommodements.  C`est gagner un procès que de ne pas le poursuivre.

Quoique la justice ne se vende pas, il en coute souvent beaucoup pour l`obtenir; et après l`avoir obtenue, on est presque toujours moins riche qu`auparavant. Soyez modéré, mais ne paraissez pas trop les craindre, ce serais le vrai moyen d`en avoir. Faite bonne contenance, mais ne négligez rien de ce qui dépend de vous pour ne pas en avoir; c`est être fou que d`aimer les procès, c`est une sottise quand on peut les éviter que d`en avoir; mais c`est une extravagance d`en avoir avec ses proches, de les ruiner ou de se ruiner soi-même pour enrichir des étrangers.

Évitez d`intenter des procès pour des sujets légers, et qui deviennent considérable par l`entêtement qui les accompagne, et par les frais qui les suivent. Réconcilier des parents ou des amis brouillés ensemble, rapprocher des époux désunis, rétablir la concorde dans les familles, accommoder des procès, c`est une chose aussi belle devant les hommes que elle est agréable à Dieu.

Faites-vous toujours un plaisir à rétablir la paix, la concorde, la bonne union; et si vous avez réussi  croyez que c`est une belle action dans votre vie. Il y a des cœurs si aigris, si envenimés les uns contre les autres, qu`il est quelquefois bien difficile de les apaiser. Il y a des esprits si opiniâtres, qu`on ne peut les rendre dociles a la voix de la raison, Il y a des caractères si discordants, qu`il est comme impossible de mettre entre eux quelque harmonie.

« Évitez, dit l`Ecclésiastique, de passer pour un semeur de rapports, et prenez bien garde que votre langue ne devienne pour vous un piège et un sujet de confusion : car la langue double sera punie par de rigoureux châtiments, et le semeur de rapports s`attirera la haine, l`inimitié et l`infamie.»

«Il y a, dit le Roi Salomon, six choses que le Seigneur hait, et son âme déteste la septième : les yeux altiers, la langue sujette à mentir, les mains qui répandent le sang innocent, le cœur qui médite de noirs desseins,  les pieds légers pour courir au mal, le témoin trompeur qui profère des mensonges, et celui qui sème des divisions entre les frères. »

Quand il n`y aura plus de bois, dit-il encore, le feu s`éteindra et quand il n`y aura plus de semeurs de rapports, les querelles s`apaiseront. Une personne sage se gardera donc de faire de mauvais rapports et de les écouter.  Celui qui en fait trouble le repos des autres, et celui qui les écoute nuit à sa propre tranquillité. En fermant l`oreille aux faiseurs de rapports, on leur ferme bientôt la bouche. L`attention avec lequel on les écoute les encourage. Quand on les écoute avec indifférence ou du mépris pour ce qu`ils disent, on les déconcerte et on leur ôte l`envie de faire de nouveaux rapports; c`est la conduite que tiennent à leur égard les hommes prudents.

41 - Avec les inconnus usez de défiance -  Avec vos amis même ayez de la prudence


On ne saurait trop se défier des personnes que l`on ne connait pas. Combien de fripons se cachent sous le manteau de l`honnête-homme!

Il faut cependant la cacher, il en est ici comme du secret; la vraie prudence est de ne même pas faire soupçonner qu`on se défie.  En laissant trop voir  la crainte qu`on ne nous trompe, nous découvrons souvent la manière dont on peut nous tromper.  Des soupçons trop marqués offensent les honnêtes- gens sur qui ils tombent et engagent ceux qui ne le sont pas à se faire un malin plaisir de nous attraper.

Celui qui se défierait de tout le monde serait aussi injuste que malheureux. On ne doit se méfier que quand on a un motif raisonnable de le faire, fondé sur quelques traits de mauvaise foi et sur le caractère connu de la personne. La qualité d`inconnu est aussi une situation juste et suffisante de se défier. Trop de confiance aux personnes qu`on ne connait pas assez expose souvent à être  dupe.

C`est ce qui arrive surtout à ceux qui ont un grand fond de probité. Plus on est honnête-homme et plus on soupçonne difficilement les autres de ne pas l`être.

Mais comment concilier deux maximes  également sages, qui paraissent si opposées : se défier des hommes, et ne juger  mal de personne?  C`est de ne se permettre, que des jugements fondés et des  défiances légitimes. Nous ferions de la prudence un vice affreux, si elle nous portait à nous défier tellement de tous les hommes, que l`on aurait crainte de trouver en chacun un méchant homme, un traitre, un fripon.  Nous ne saurions nous former une telle idée sans détruire  les principes de la justice et de notre propre bonheur.

Mais néanmoins, attendons-nous à trouver dans le monde peu de bonne foi, peu de probité, peu de désintéressement, peu de vérité, peu de justice. Nous prendrons ainsi dans les occasions importantes toutes les précautions que la justice peut suggérer pour n`être la dupe de personne.

Si la défiance est la mère de la sureté, elle est aussi, quand elle est portée à l`excès,  celle des soupçons cruels, des noires inquiétudes, des peines dévorantes, des chagrins mal fondés. Prenez donc le milieu entre les deux excès, penché même un peu plus du côté de la défiance.  Plusieurs se sont repentis de ne pas s`être assez défiés.  Combien de gens ne cherchent que des dupes.

Si tous les amis étaient tels qu`ils devraient être, la prudence avec eux ne serait pas une vertu nécessaire. Aussi l`auteur de l`Ecclésiastique nous recommande-t-il de prendre un ami après l`avoir éprouvé et de ne pas nous fier sitôt a lui. Car ajoute-t-il «Tel est ami qui se change en ennemi; tel est ami qui prendra querelle avec vous et par haine découvrira des choses qui ne vous feront point honneur.»

Ouvrez vos mains et vos trésors a quantité de personnes; mais n`ouvrez votre cœur qu`a un seul. Encore ne faut-il  le faire, qu`après vous être assuré qu`il en est digne.  Faites pour cela choix d`un ami sur et d`une exacte probité, que venant à cesser de l`être, il ne veuille pas abuser de votre confiance.

Ne confiez néanmoins jamais, si vous êtes sage,  certaines affaires à vos plus intimes amis mêmes, surtout lorsqu`ils peuvent trouver quelques avantages à profiter de votre confiance.  L`intérêt est plus puissant que l`amitié. Il y a souvent des moments critiques pour l`amitié comme pour l`innocence.

42 - Point de folles amours, ni de vins, ni de jeux – ce sont la trois écueils en naufrages fameux

La jeunesse est le plus dangereux de tous les âges. Le temps ou on a le plus besoin de réflexion et ou on en fait le moins. C`est une ivresse continuelle et la fièvre de la raison.

Le jeune homme ( jeune femme) se trouve devant deux écueils bien dangereux pour lui : la corruption du siècle,  et ses propres passions. L`amour est comme du feu, il ne faut pas jouer avec lui, et comme le feu il est plus aisé de le prévenir que de l`arrêter.

La passion du vin ( alcool-drogue) n`est pas moins à fuir que celle de l`amour. « N`excitez pas à boire, dit l`Esprit-Saint,  ceux qui aiment le vin, car le vin en a perdu plusieurs.  Le vin bu avec excès produit la colère et l`emportement et attire de grandes ruines : il est l`amertume de l`âme.»  « Le vin, dit le Sage, a été créé dès le commencement pour réjouir l`homme et non pour l`enivrer.  Le vin pris avec modération est la joie du cœur et de l`âme. La modération dans le boire est la santé  de l`esprit et du cœur.»

Jouer pour l`espoir du gain, c`est jeter son bien dans la mer. S`exposer sans nécessité  aune grande perte. Risquer le nécessaire pour avoir le superflu, abandonner au sort d`une carte ou d`un dé sa fortune, son état, son rang, ceux de sa femme et de ses enfants n`est-ce pas dangereux?

43- Sobre pour le travail, le sommeil ou la table – Vous aurez l`esprit libre et la santé durable.

Cette maxime contient trois règles de conduite bien sages et aussi importantes pour l`âme que pour le corps.

Sobre pour le travail : Trop de fatigue ruine le corps, trop d`étude épuise la tête, et trop d`affaires accablent l`esprit.  « Mon fils, dit le Sage, ne vous engagez pas dans une multiplicité d`actions, car si vous entreprenez beaucoup d`affaires,  vous y ferez bien des fautes; si vous les suivez toutes, vous ne pourrez y suffire; et si vous allez au-devant, vous en serez accablé.»


Ce n`est pas qu`il faille négliger ses affaires ou en abandonner le soin à d`autres, mais il faut en cela comme en tout le reste, de la modération et de la sagesse. Interrompez votre application par quelque délassement, vous retournerez au travail avec plus de plaisir, votre mémoire sera plus prompte, votre esprit plus pénétrant, votre jugement plus net et vous conserverez plus facilement votre santé.

L`homme sage réglant ses études sur la force de son tempérament n`ira pas sacrifier sa santé a des travaux immodérés, ni abréger inutilement ses jours en des efforts dont le but est d`avoir appris en six mois ce qu`un autre aurait appris en deux ans.  Mais si l`excès de travail est souvent pernicieux, l`excès du repos l`est encore davantage.  L`inaction est comme la rouille, qui gâte beaucoup plus que l`usage. Une vie oisive étouffe les germes des vertus et ne produit que des crimes et des vices, comme une terre inculte ne donne que des ronces et des chardons.  Celui qui ne fait rien pense à mal faire et fera bientôt mal.  L`occupation et le travail modéré ont encore un avantage, celui de nous préserver de l`ennui, cet ennemi domestique de notre bonheur, et de faire couler les jours avec une rapidité qui étonne. Celui qui aime le travail se suffit à lui-même.

Le sommeil : Les choses les plus utiles, les plus nécessaires même peuvent devenir pernicieuses, et partout le mal est voisin du bien.  Le sommeil prévient les maladies, il répare les forces, il délasse des travaux, il tempère les peines et les amertumes de la vie. Mais si vous voulez un sommeil de santé, ayez soin de le régler sur les conseils de la sagesse.

La sagesse qui marque le temps du sommeil ( la nuit) en règle aussi la durée.  On sait la maxime de l`école de Salerne – Sept heures de sommeil suffisent à tout âge.
Il est meilleur de dormir la nuit. Dormir le jour est moins réparateur. Se coucher de bonne heure et se lever tôt le matin est très bon. La diligence et le travail  apportent les richesses, mais le sommeil et la paresse sont souvent suivis de l`indigence.

La table :  Ne vivez pas pour manger, mais mangez pour vivre.  Préférez le plus sain au plus friand.  Les excès de bouche ruinent la santé et peuvent même être meurtriers.  Faire de l`exercice est excellent pour la santé.


44 - Ne jouez que pour le plaisir – Dépensez prudemment


Le jeu est pour bien des personnes une agréable distraction. Il corrige l`amertume des peines et délasse de la fatigue des affaires.  Il est donc quelquefois permis de jouer mais  on doit prendre le jeu comme une médecine, pour le besoin seulement. Comme pour s`amuser quelques moment. Mais le jeu doit rester un délassement et pas une excuse pour négliger ses devoirs familiaux, le travail, les enfants. On doit aussi contrôler sagement ses dépenses. L`excès dans le jeu a été cause de bien des chagrins et malheurs.


45 - Ne perdez pas de temps a des choses frivoles -  Le sage est ménager de temps et de paroles.


Dès qu`on passe le premier âge de la vie,  et que la raison commence à se dégager des ténèbres de l`enfance, le temps devient précieux.  Celui de la jeunesse l`est infiniment. Les pères en seront comptable devant Dieu et les hommes encore plus que leurs enfants, parce que c`est à eux de leur en faire faire un digne usage. Jeunes hommes et jeunes femmes, préparez-vous  dignement à remplir les emplois que la Providence vous destine.  Faites des provisions pour l’âge mur et la vieillesse, le temps de la jeunesse est le temps de semer si l`on veut recueillir.  Du bon emploi du temps dépend souvent  le bonheur du reste de la vie.
Appliquez-vous à l`étude dès votre jeunesse. Profitez des leçons de vos maitres. Heureux les jeunes gens qui  connaissent le prix de l`application et du travail.

46 – Sachez à vos devoirs immoler vos plaisirs. Et pour vous rendre heureux modérer vos désirs.

Tout  vrai catholique avouera que la vie d`un chrétien sur la terre doit être une vie de mortification et de pénitence. Il faut porter sa croix, renoncer à soi-même, se faire une guerre continuelle et marcher sans cesse  dans cette voie étroite qui sans cesse doit conduire au ciel.  Mais craignons de donner dans le rigorisme excessif d`une morale outrée, d`être plus sage qu`il ne faut.

Si l`Écriture nous dit qu`il vaut mieux aller dans une maison de deuil et de tristesse que dans une maison de festins et de divertissements parce que dans la première on apprend ce que sera la fin de tous les hommes et ce que nous deviendrons nous-mêmes; elle nous dit que nous pouvons jouer, nous délasser et nous recréer, pourvu que nous le fassions dans l`innocence.

Il est donc certain, et il est admis dans la morale la plus exacte, que les divertissements honnêtes ne sont pas incompatibles avec la véritable sagesse. Mais si nous voulons que nos plaisirs soient dignes d`elle, et qu`elle les approuve, il ne faut pas y placer notre bonheur ni les gouter pour eux-mêmes.  Si quelques plaisirs sont nécessaires, il est en est sans doute des dangereux.  Il y en a de si flatteurs, qu`il est bien difficile de ne pas s`y livrer à l`excès, et de leur ne jamais sacrifier de ce qui est du à la vertu et au devoir.  
Il y en a qui, par des routes semées de fleurs, conduisent aux plus horribles précipices. Il faut donc savoir les choisir avec  sagesse et les gouter avec modération.


Le devoir avant tout et le plaisir après.


On doit aimer remplir nos devoirs et les passer avant les amusements.
Voulez-vous vivre heureux? Reconnaissez le prix des biens que vous possédez et sachez en jouir.  Mettez des limites à vos désirs et à vos besoins.  Contentez-vous du nécessaire, la modération est bonne. C`est un grand bonheur d`avoir ce qu`on désire. C`en est un bien plus grand d`être content de ce qu`on a.  On jouit d`une grande tranquillité, inconnue a ceux qui sont agités d`une foule de désirs. Ceux-ci sont en proie à une ambition aveugle et une cupidité effrénée, désire sans cesse et ne sont jamais satisfait, jouets éternels d`une trompeuse espérance.

Au lieu de chercher le bonheur dans la modération de leurs désirs et dans la jouissance de ce qu`ils ont, ils croient toujours l`apercevoir dans des emplois, des richesses, des plaisirs qu`ils n`ont pas. Il faut savoir se limiter. Un des grands obstacles au bonheur des hommes, c`est le désir trop vif des biens de la terre. Plus on a et plus on veut avoir. On est moins content de ce qu`on possède que jaloux de ce qu`on les autres et désireux d`en avoir davantage.

Ce qui devrait satisfaire l`avarice ne fait que l`irriter, c`est la soif de l`hydropique. L`avare au milieu de ses trésors est toujours malheureux parce que il ne sait ni se limiter ni  jouir de ses biens. « Le sage, au contraire, l`homme modéré avec peu, est toujours riche, disait un ancien philosophe, il ne faut pas ajouter à ses biens, mais seulement retrancher de ses désirs. »


L`homme heureux n`est pas celui qui n`a besoin de rien, mais celui qui peut vivre sans ce qu`il n`a pas, et que la privation de ce qui lui manque n`affecte point. Il est plus facile de réprimer un premier désir que de satisfaire tous ceux qui viennent ensuite. Cette modération des désirs est le seul moyen de nous rendre heureux.  Elle ne peut cependant pas procurer une félicité pleine et inaltérable. Ce bien n`est réservé que pour l`autre vie, et la religion seule est chargée de nous conduire sur la route du bonheur qu`elle nous prépare au-delà du temps.  Cette vie ci est une vie de tentations et de combats, de peines et de traverses, d`afflictions et de chagrins.

La constitution de notre corps, la faiblesse de notre nature, l`activité des éléments, la variété des saisons, les différentes sortes d`esprits, de caractères et d`humeurs des personnes avec lesquelles nous sommes obligés de vivre, le choc des passions et des intérêts, toutes ces choses nous empêcherons toujours d`être ici-bas parfaitement heureux.  Dieu l`a voulu ainsi, afin que nous ne nous attachions pas tant à la terre, et que nous portions nos vœux vers celui qui seul peut les remplir.  Mais il est vrai que si quelque chose est capable de diminuer le nombre et la violence des maux que nous avons à souffrir dans notre exil, c`est cette modération des désirs que nous recommandons.


47 - Ne demandez à Dieu ni grandeur ni richesse; mais pour vous gouverner demandez à Dieu la sagesse.


Peu de biens avec l`innocence et la probité vaut mieux que de tonnes d`or amassées par les mains de l`injustice. Il n`est pas défendu de devenir riche si on le peut, mais honnêtement. Le désir de devenir riche est souvent un grand écueil pour la vertu.

« Celui qui se hâte de s`enrichir, dit l`Esprit-Saint, ne sera pas innocent.» L`or, ajoute-t-il, en a précipité plusieurs dans le malheur, et son éclat a causé leur perte.
Les richesses sont des biens sans doute; mais par l`usage qu`on en fait, elles peuvent devenir nuisible à l`homme.  Au lieu de les employer à secourir les malheureux, a consoler l`affligé, à récompenser le mérite et la vertu, plusieurs l`utilise pour opprimer le pauvre, pour étaler un luxe orgueilleux et insultant, pour nourrir une sensuelle délicatesse et satisfaire toutes leurs passions.

Heureux celui qui sait mépriser l`inutile et se contenter du nécessaire.

La bonne conduite est le plus nécessaire de tous les biens et le plus précieux de tous les trésors; elle procure les autres biens  ou les conserve, et y supplée quand elle ne les a pas.  Mais elle n`est donnée qu`a ceux qui ont reçu en partage la sagesse, et cette sagesse est un don de Dieu, qui ne l`accordent qu`a ceux qui la demandent.
Adressez-vous donc à lui pour l`avoir, dit le Roi Salomon, et faites-lui souvent la même prière.

La sagesse apprend à faire un noble et digne usage des richesses, ou à s`en passer  sans  regret quand on ne les a pas.  Elle éloigne de nous les sources les plus ordinaires de nos peines, le regret du passé, le chagrin du présent, l`inquiétude de l`avenir, en renfermant nos désirs dans l`étendu de ce qui est à notre portée, et en plaçant notre bonheur non dans une possession d`objets mais dans l`accomplissement de nos devoirs. Elle écarte de nous jusqu`aux douleurs, qui le plus souvent ne sont le fruit que de l`intempérance et des excès. Heureux donc mille fois l`homme qui a trouvé la sagesse.

Fin de l`École des Moeurs

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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