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PENSÉES DE BOSSUET - Esprit de ses meilleurs écrits

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PENSÉES DE BOSSUET - Esprit de ses meilleurs écrits Empty PENSÉES DE BOSSUET - Esprit de ses meilleurs écrits

Message par MichelT Mer 2 Nov 2016 - 10:48

PENSÉES DE BOSSUET.

Jacques-Bénigne Bossuet (surnommé parfois l'« Aigle de Meaux »), né le 27 septembre 1627 à Dijon (France) et décédé le 12 avril 1704 à Paris.


PENSÉES DE BOSSUET - Esprit de ses meilleurs écrits Meaux-france-1
La ville de Meaux en France


Esprit de ses meilleurs écrits


Du chrétien.

Caractères du chrétien qui enferment un abrégé de la philosophie chrétienne: la pauvreté , la douceur, les larmes ou le dégoût de la vie présente , la miséricorde ,
l`amour de la justice, la pureté du cœur, l’amour de la paix, la souffrance pour la justice. Les caractères opposés sont l’esprit de propriété ou de richesses, l’aigreur, l’amour du plaisir, l’injustice, la dureté, la corruption du cœur, l`esprit de querelle et de brouillerie, l’impatience dans les afflictions, et la crainte qui fait abandonner les règles de la vérité et de la justice.

Le chrétien est le sel de la terre. (Matthieu 5, 13.) Le sel assaisonne les viandes, il en relève le goût, il en empêche la fadeur, il en prévient la corruption. Ainsi la conversation du vrai chrétien doit ranimer dans les autres le goût de la piété. C’est ce qui fait dire à saint Paul: Que votre discours soit plein de grâces et assaisonné de sel (Colossiens 4, 6); et c’est en quoi sont bien éloignés ceux qui n'ont que de la langueur et de la mollesse dans toute leur conduite. Il faut, dans les paroles du chrétien, une sainte vivacité; il faut reprendre avec force, et quelquefois piquer jusqu’au vif comme fait un grain de sel. Mais ne mettons point trop de sel ensemble, au lieu de piquer la langue, pour éveiller l’appétit, vous mettriez le feu à toute la bouche.

La plus aimable de toutes les vertus est la sincérité, le chrétien ne ment jamais; il dit: Cela est; cela n’est pas (Matthieu 5, 37); cette parole tient lieu de tout serment; car,
au lieu de jurer par le ciel, ou par la terre, ou par la sainte cité, ou par sa tête, ou en quelque autre manière que ce soit, on lui ordonne pour toute réponse , «Cela est; cela
n’est pas: oui et non.»
Le mensonge ne trouve pas de place dans une expression simple; il ne souffre pas non plus le déguisement, car, sans détour ni embarras, on répond : Cela est; cela n'est pas; et la sincérité d’un chrétien doit être si parfaite et si connue qu’on s’en tienne à ses simples paroles, comme s‘il avait fait mille serments de toutes les sortes.

Quittant le mensonge qui ne convient qu’au mauvais qui veut se cacher. Dites vous la vérité les uns aux autres, parce que vous êtes membres d'un même corps. (Éphésiens 4, 25.) La main ne veut pas tromper la tête, lorsqu’elle la prend pour guide parmi les ténèbres; l’œil ne veut pas tromper les pieds, ni les pieds cacher leur marche aux yeux et à la tête. Si ces membres se pouvaient parler et interroger l’un l’autre, ils se diraient simplement la vérité en toutes choses : Oui et non; cela est; cela n’est pas.

Vivez ainsi, chrétien, ne faites pas le mystérieux ni l’important; taisez-vous par modération et par prudence, et non pas en faisant l’homme sage et l'homme grave.  N’ayez pas de dissimulation ; surtout ne faites rien de mal, de douteux, ni de suspect, afin que vous n’ayez rien à déguiser. La vie chrétienne demande une extrême exactitude. Il faut prendre garde aux moindres préceptes, et n'en mépriser aucun. Le relâchement commence par les petites choses, et de là on tombe dans les plus grands maux. Il ne faut pas oublier les moindres préceptes; car si tout ce que Dieu dit pour son Fils doit être accompli jusqu’au moindre trait, et qu'il n’en doive échapper aucun, il faut aussi accomplir tout ce qu‘il a dit pour nous.

Et voyez jusqu’à quel point : Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point. (Matthieu 24, 3) Si le soleil tout d’un coup, allait disparaître, et que ce flambeau du monde s’éteignit au milieu du jour; la terre manquait sous nos pieds, et qu’un fondement si solide fût tout d'un coup réduit en poudre; quel malheur! tout serait perdu pour nous. Le malheur est bien plus grand, et tout est perdu bien davantage, si le moindre des commandements de Jésus Christ n’est pas observé.

De la foi.

Une foi vive est le fondement de la stabilité. D’où viennent nos inconstances, si ce n'est de notre foi chancelante? Parce que le fondement est mal affermi, nous craignons de bâtir dessus, et nous marchons d‘un pas douteux dans le chemin de la vertu. La foi seule a de quoi fixer l’esprit vacillant; car écoutez les qualités que saint Paul lui donne : «La Foi est une ferme assurance des choses qu`on espère.» (Hébreux,11, 1.) La foi, dit-il, est une substance, un solide fondement, un ferme soutien, mais de quoi? de ce qui se voit dans le monde? Comment donner une consistance, ou, pour parler avec saint Paul, une substance et un corps à cette ombre fugitive ?

La foi est donc un soutien, mais des choses qu’on doit espérer. Et quoi encore?  C’est une pleine conviction de ce qui ne parait pas. La foi doit avoir en elle la conviction. Vous ne l‘avez pas, direz-vous, j’en sais la cause: c’est que vous craignez de l’avoir au lieu de la demander a Dieu qui la donne. C‘est pourquoi tout tombe en ruine dans vos mœurs, et vos sens trop décisifs, emportent si facilement votre raison incertaine et irrésolue. La foi est toute-puissante, et revêt l'homme de la toute-puissance de Dieu. Si vous pouvez croire, dit le Sauveur, tout est possible à celui qui croit.(Marc. 9, 22) si vous aviez de la foi; comme un grain de sénevé (le plus petit de tous les grains), vous diriez à ce mûrier : Déracine-toi, et te plante dans la mer, et il vous obéirait (Matthieu 17, 19); et il trouverait un fond sur les flots pour y étendre ses racines. Ainsi, le grand miracle de Jésus—Christ n’est pas de nous faire des hommes tout-puissants, c’est de nous faire de courageux et de fidèles croyants, qui osent tout espérer de Dieu.

Nous savons très-clairement que Dieu veut que nous lui demandions notre salut et notre conversion. Demandez-les donc sans hésiter, assurés, si nous le faisons avec la
persévérance qu'il faut, que tout sera possible. Quand nos mauvaises habitudes avaient jeté dans nos âmes de plus profondes racines que les arbres ne font sur la terre, nous leur pouvons dire : Déracinez-vous.

Quand nous serions plus mobiles et plus inconstants que les flots, nous dirons à un arbre : Va te planter là; et à notre esprit : Fixe-toi là, il y trouvera du fond. Quand notre orgueil s'élèverait à l’égal des plus hautes montagnes, nous leur pourrions or donner de se jeter dans la mer et de s'y abîmer, tellement qu‘on ne vit plus aucune marque de leur première hauteur. Osons donc tout pour de tels miracles, puisque ce sont ceux que nous savons très-certainement que Dieu veut que nous entreprenions. Osons tout, et, pour petite que soit notre foi, ne craignons rien; car il n` en faut qu'un petit grain, gros comme du sénevé, pour tout entreprendre. La grandeur n’y fait rien dit le Sauveur : je ne demande que la vérité et la sincérité; car il faut que le petit grain croisse : Dieu, qui l’a donné le fera croître. Agissez donc avec peu, et il vous sera donné beaucoup; et le grain de sénevé, cette foi naissante, deviendra une grande plante, et les oiseaux du ciel se reposeront dessus; les plus sublimes vertus ne viendront pas seulement, mais y feront leur demeure. (Matthieu 13, 31.)

De l‘espérance.

L‘espérance, dit saint Paul, sert à notre âme et à notre foi comme d’une ancre ferme et assurée (Hébreux 6, 19), de même qu'au milieu des eaux et dans la navigation, l‘ancre soutient un vaisseau, et lui fait trouver une espèce de sûreté et de port. Ainsi, parmi les agitations de cette vie, assurés sur la promesse de Dieu, confirmée par son inviolable serment, nous goûtons le vrai repos de nos âmes. Soutenons donc avec foi et avec courage les troubles de cette vie; jouissons en espérance du sacré repos qui nous attend; reposons-nous cependant en la sainte volonté de Dieu, et, attachés à ce rocher immuable, disons hardiment avec saint Paul : Qui pourra nous séparer de l’amour de Jésus-Christ? (Romains 8, 35.)

De la charité.

Pourquoi vois-je parmi vous des haines bizarres, des oppositions d’humeur à humeur et de personne à personne; des inimitiés, des jalousies, de l’aigreur, de l'emportement, des répugnances cachées? Est-ce en cette sorte que Jésus-Christ nous a aimés ? Mais pourquoi vois-je, d'un autre côté, des flatteries, des complaisances ou excessives
ou fausses? Est-ce ainsi que Jésus-Christ nous a aimés? Et pourquoi vois-je parmi vous des liaisons particulières, des partis et des cabales les uns contre les autres? Est—ce ainsi que Jésus-Christ nous a aimés? Mais pourquoi avancer ou reculer les personnes, selon l’inclination que vous avez pour elles? Est-ce ainsi ne Jésus-Christ nous a aimés?

Voyez l’Église naissante : Un cœur et une âme, tout était commun (Actes 4, 32); et ils étaient tous unanimement assemblés dans la galerie de Salomon (Actes 5, 12); rendant le bien pour le mal; et tout le peuple les admirait; et on disait : Voilà les disciples de Jésus. C’était là leur caractère particulier. L‘envie, l’intérêt, la haine régnaient dans
tout le reste des hommes : l'innocent troupeau de Jésus ne connaissait pas ces mœurs. oh Sauveur! où sont vos disciples maintenant? où est la charité? où est l'amour fraternel? Qu’il est rare!

L’amour fraternel est un sacrifice continuel, non-seulement de son ressentiment, lorsqu'on se croit offensé, mais même sans aucun sujet de plainte, de son humeur, de
son intérêt, de son amour-propre, et c'est à quoi nous oblige l’amour fraternel. Si nous devons sacrifier ce qui nous touche le plus au dedans de nous ; combien plus les
biens intérieurs, et comme les appelle saint Jean : la substance et les richesses du monde? (1 Jean. 3, 17.)  Celui qui s'épargne sur cela, quoiqu’il dise n’est pas chrétien; et s‘il dit qu’il aime son frère, c’est un menteur, il ferme ses entrailles sur son frère, et l‘amour de Dieu n’est pas en lui. (1 Jean. 4, 20.) Loin de cet amour, la chair et le sang; loin de cet amour l'esprit d'intérêt et toute corruption.

Il faut aimer tous les hommes, parce que tous sont chers à Dieu; ils sont ses amis et ses enfants. Comme vous-mêmes, en leur souhaitant le même bien, la même félicité, le
même Dieu qu'il soi-même. Nulle envie, nulle inimitié ne doit troubler cette union, ni la joie qu‘on doit avoir de tous les progrès de son frère. Lorsque la possession ou la recherche de quelque bien particulier vous divise, comme celui d‘une charge, d'une dignité, d'une terre, il se faut bien arder d'en aimer moins son frère. Ce qu‘il faut moins aimer, c'est le bien qui nous fait perdre notre frère, qui nous doit être cher, comme nous-mêmes à nous-mêmes.

Aimer comme vous-mêmes, c'est un amour de société et d'égalité ; c'est ainsi qu‘on aime son prochain. L’amour de Dieu est un amour de sujétion et de dépendance, mais de dépendance douce, puisque c’est dépendre du bien et s'unir à lui. L'amour est un consentement et une union à ce qui est juste et à ce qui est meilleur. Que Dieu soit avec nous, qui n'aime pas Dieu n‘aime que soi. Pour aimer son prochain comme soi-même, il faut être auparavant sorti de soi-même , et aimer Dieu plus que soi-même. L'amour uni une fois à cette source, se répand avec égalité sur le prochain : nous l‘aimons en société comme notre frère, et non pas par domination comme notre inférieur. L‘amitié est la perfection de la charité. C'est une liaison particulière pour s’aider à jouir de Dieu. Toute autre amitié est vaine. Autre est l'amitié de besoin, autre l'amitié de société: celle-là vient de l'intérêt; celle-ci de la charité.

Les hommes doivent s'aimer les uns les autres, comme les parties d'un tout, et comme feraient les membres de notre corps, si chacun avait sa vie particulière. Ils s’aimeraient l'un et l'autre en société, comme soi-même. Les deux yeux, les deux mains auraient toutefois une liaison particulière à cause de la ressemblance. C'est le symbole
de l'amitié chrétienne.

De la douceur.

Bienheureux ceux qui sont doux. (Matthieu 5, 4.) Apprenez de moi que je suis doux (Matthieu 11, 29), sans aigreur, sans dédain , sans prendre avantage sur personne, sans insulter aux malheureux, sans même choquer le superbe ; mais tâchent de le gagner par douceur; doux même à ceux qui sont aigres ; n'opposant point l`humeur a l'humeur, la violence a la violence; mais corrigeant les excès d’autrui par des paroles vraiment douces.

Il y a des douceurs feintes, des douceurs dédaigneuses, pleines d'une fierté cachée; ostentation ou affectation de douceur, plus désobligeante, plus insultante que l'aigreur déclarée. Considérons Jésus-Christ: il est doux envers les plus faibles : quoiqu’un roseau déjà faible soit rendu encore plus faible en a brisant, loin de prendre aucun avantage sur cette faiblesse, il se détournera pour ne pas appuyer le pied dessus. Faites-en autant à votre prochain infirme; loin de chercher l’occasion de lui nuire, prenez garde que, par mégarde, ou comme en passant, vous ne marchiez sur lui et n'acheviez de le rompre.

Mais quel est le prochain infirme si ce n‘est le prochain en colère et le prochain qui s'emporte? Il est brisé par sa propre colère, et le faible roseau s'est cassé en frappant : n'achevez pas de le rompre en le foulant encore aux pieds. C'est ce que veut dire la mèche fumante: elle brûle, c'est la colère dans le cœur; elle fume, c‘est quelque injure que le prochain irrité profère contre vous , gardez-vous bien de l'éteindre avec violence; laissez-là fumer un peu et s'éteindre comme toute seule. Si elle fume, c’est qu’elle s’éteint; ne l’éteignez pas avec force, mais laissez cette fumée s’exhaler et se perdre inutilement au milieu de l'air, sans vous blesser ni vous atteindre.

Ce qui rend l’esprit aigre, c’est qu'on répand sur les autres le venin et l`amertume qu‘on a en soi-même. Lorsqu’on a l'esprit tranquille par la jouissance du Vrai bien, et par la joie d'une bonne conscience, comme on n’a rien d‘amer en soi, on a de la douceur pour les autres. La vraie marque de l'innocence, ou conservée ou recouvrée, c'est la douceur.  L'homme est si porté à l’aigreur qu'il s’aigrit très-souvent contre ceux qui lui font du bien. Un malade, combien s’aigrit il contre ceux qui le soulagent? Presque tout le
monde est malade de cette maladie-la; c’est pourquoi on s‘aigrit contre ceux qui nous conseillent pour notre bien; et encore plus contre ceux qui le font avec autorité que contre les autres. Le fond d’orgueil qu`on porte en soi en est la cause.

De la patience.

La patience est le seul moyen de surmonter les vices et d‘épurer les vertus. La patience chrétienne apprend non-seulement à supporter sans murmure, mais encore à  se
réjouir dans les souffrances que Dieu envoi. Se fonder sur la patience, et s’unir à la Croix de Jésus-Christ, c'est le moyen de prier en son nom, et c’est par là qu’on obtient tout.

Chrétien, ne perds pas courage, lorsque le crime et les injustices abondent : Dieu ne permettrait jamais le mal, s'il n’était puissant pour en tirer le bien, et un plus grand bien;
et lorsque l’iniquité abonde le plus, c`est alors qu'il trouve moyen d'accroître sa gloire. Ne perds pas courage non plus, quand tu es livré à tes ennemis et aux plus terribles angoisses; c’est encore de cette source que doit naître ta grande gloire et la grande gloire de Dieu, à laquelle tu dois être plus sensible qu’à la tienne. Chrétiens, membres de Jésus-Christ, apprenez d’où vient la gloire à votre chef; c’est ainsi qu’elle doit aussi se répandre sur ses membres. Quand je suis faible, dit saint Paul, c’est alors que je suis puissant. (2 Corinthiens 12, 10.) Quand je suis méprisé, c’est alors que je dois être glorifié, et glorifié en Dieu; non pas dans les hommes, ni dans le monde qui n‘est rien; mais en Dieu où est la gloire, parce qu’en lui est la vérité.

Du bonheur de l’homme.

Tout le but de l’homme est d‘être heureux : Jésus-Christ n’est venu que pour nous en donner le moyen. Mettre le bonheur où il faut, c'est la source de tout le bien; et la source de tout le mal, est de le mettre où il ne faut pas. Disons donc: Je veux être heureux. A ce mot bienheureux , le cœur se dilate et se remplit de joie. La vie bienheureuse est d’être avec Jésus-Christ dans la gloire de Dieu son Père ; la vie bienheureuse est de voir la gloire qu’il a dans le sein du Père dès l’origine du monde; la vie bienheureuse est que Jésus-Christ soit en nous comme dans ses membres, et que l'amour éternel que le Père a pour son Fils, s'étendant sur nous, il nous comble des mêmes dons; la vie bienheureuse, en un mot, est de connaître le seul vrai Dieu, et Jésus-Christ qu'il a envoyé; mais le connaître de cette manière qui s’appelle la claire vue, la vue face à face (1 Corinthiens 13, 12.) et à découvert, la vue qui réforme en nous et y achève l'image de Dieu, selon ce que dit saint Jean : que nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est. (Jean. 3, 2.) Cette vue sera suivie d‘un amour immense, d’une joie inexplicable et d‘un triomphe sans fin. Un alléluia éternel et un amen éternel dont on entend retentir la céleste Jérusalem font voir toutes les misères bannies et tous les désirs satisfaits; il n’y a plus qu’à louer la bonté divine.

Bienheureux ceux qui désirent la justice avec le même empressement qu‘on désire manger et boire, lorsqu'on est travaillé de la faim et de la soif; car alors on sera rassasié. De quoi sera-t-on rassasié, si ce n’est de la justice? On le sera dès cette vie; car le juste se rendra plus juste, et le saint se rendra plus saint pour contenter son avidité.  Mais le parfait rassasiement sera dans le ciel, où la justice éternelle nous sera donnée avec la plénitude de l’amour de Dieu. Je serai rassasié, disait le Psalmiste, lorsque
votre gloire m’apparaitra. (Psaume 16, 15.) 0 moment heureux où nous sortirons des ombres pour voir la vérité! courons-y avec ardeur; Hâtons-nous de purifier notre cœur,
afin de voir Dieu (Matthieu 8), selon la promesse de l'Évangile. Là est le terme du voyage; la finissent les gémissements; là s’achève le travail de la foi, quand elle va,
pour ainsi dire, enfanter la vie. Heureux moment, encore une fois! qui ne te désire pas, n’est pas chrétien.

La vraie terre promise, c’est le royaume céleste. C‘est après cette bienheureuse patrie que soupiraient Abraham, lsaac et Jacob. La Palestine ne méritait pas de terminer tous leurs vœux, ni d'être le seul objet d’une si longue attente de nos pères. L‘Égypte d’où il faut sortir, le désert où il faut passer, la Babylone dont il faut rompre les prisons pour entrer ou pour retourner en notre patrie, c’est le monde avec ses plaisirs et ses vanités; c’est là que nous sommes vraiment captifs et errants, séduits par le , péché et les convoitises; il nous faut secouer ce joug pour trouver dans Jérusalem et dans ; la cité de notre Dieu la liberté véritable et un sanctuaire non fait de main d'homme, où la gloire du Dieu d'Israël nous apparaisse. (Psaume. 16, 15.)

Nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers. Ce n'est pas tout, concevons le comble de notre bonheur : Héritiers de Dieu et cohéritiers de Jésus-Christ. (Romains 8,
17.) Nous aurons le même héritage, le même royaume; nous serons aussi dans son trône; nous aurons part à sa gloire; nous serons heureux en lui, par lui et avec lui;
et c’est pourquoi nous crions : Notre Père qui êtes dans les cieux (Matthieu 6, 9), afin de bien concevoir où il nous appelle. Aimons celui qui nous fait ses héritiers et les cohéritiers de son cher Fils Jésus-Christ. Qui pourrait ne l'aimer pas? Qui pourrait ne pas désirer ce bel héritage? Il n'est donné qu’à ceux qui l'aiment notre héritage, c'est Dieu même : il est notre bien, il est lui seul notre récompense. Je suis, dit-il, ton protecteur et la trop grande récompense. Trop grande pour tes mérites, mais proportionnée à l’immense bonté de ton Dieu.

Du pécheur.

Dans les malheurs de Jérusalem que Jésus-Christ prédit, nous voyons ceux des âmes qui périssent. Il viendra, dit Jésus, un temps malheureux pour toi, où les ennemis t’environneront de tranchées : ils t’enfermeront et te serreront de toutes parts. (Luc 19, 43.) Ainsi arriva-t-il-à Jérusalem de point en point. On sait les effroyables travaux que firent les Romains, et cette muraille qu’ils élevèrent auteur de cette ville malheureuse qui la serrait tous les jours de plus en plus, ce qui causa l'horrible famine que tout le monde attendait, où les mères mangeaient leurs enfants. Ainsi en arrivera t-il à l‘âme pécheresse, serrée de tous côtés par ses mauvaises habitudes.

La grâce ni le pain de vie n'y pourront plus trouver d'entrée; elle périra de faim, elle sera accablée de ses péchés, et il ne restera plus pierre sur pierre. Étrange état de cette Âme,: renversement universel de tout l'édifice intérieur. Plus de raison ni de partie haute, tout est abruti; tout est corps; tout est sens; tout est abattu entièrement à terre. Qu’est devenu cette belle architecture qui marquait la main de Dieu? Il n’y a plus rien: il n'y a plus pierre sur pierre, un suite, ni liaison dans cette âme; nulle pièce ne tient a une autre, et le désordre y est universel.

Pourquoi? Le principe en est ôté : Dieu, sa conscience, les premières impressions qui font sentir à la créature raisonnable qu’elle a un souverain. Ce fondement renversé, que
peut-il rester en son entier? C’est pour Dieu que nous étions faits : nous devions porter son empreinte. Le baptême la devait avoir réparée, et c'était là son effet et son caractère. Mais que sont devenus les divins traits que nous devions porter? L’image de Dieu devait être dans la raison : 0 âme chrétienne! Toi tu l’as noyée dans le vin. Toi tu as trouvé cette ivresse indigne et grossière; mais tu t'es enivrée d'une autre sorte encore plus dangereuse et plus longue, lorsque tu tes plongée dans l'amour des plaisirs. Toi tu l’as livrée à l’ambition. Toi tu l'as rendue captive de l’or, ce qui est une idolâtrie. Toi tu l‘as sacrifiée à ton ventre, dont tu as fait ton dieu. Parlons avec confiance quand nous parlons avec l‘Écriture.

Toi tu lui as fait une idole de la vaine gloire: au lieu de louer et de bénir Dieu nuit et jour, nuit et jour elle s’est louée et admirée elle-même. En vérité, en vérité, dira le Sauveur, je ne vous connais pas: vous n'êtes pas mon ouvrage, et je ne vois plus en vous ce que j’y ai mis; vous avez voulu vous faire vous-mêmes à votre mode; vous êtes l’ouvrage des plaisirs et de l'ambition; vous êtes l'ouvrage du diable ( l`ange déchu) dont vous avez fait les œuvres; que vous avouez votre père en l'imitant. Allez avec celui qui vous connait, et dont vous avez suivi les suggestions. Allez au feu éternel qui lui a été préparé. (Matthieu 25,41)

Des hypocrites.

La plus mauvaise hypocrisie, c’est de condamner tout le monde. On fait par là le vertueux, On prétend faire admirer la régularité de ses mœurs, la sévérité de sa doctrine. C'est un homme incorruptible qui ne flatte et qui n’épargne personne; mais hypocrite qu'il est, il ne songe pas seulement se corriger. IL épilogue sans cesse sur les défauts les plus légers des autres, et il ne songe pas seulement aux vices énormes qui l'accablent. Il n'y a point d’hommes plus indulgents pour eux-mêmes que les impitoyables censeurs de la vie des autres. Guides aveugles, qui coulez; le moucheron, et qui avalez: un chameau (Matthieu 23, 24), que le monde est plein de ces fausses piétés.

Ils ne voudraient pas qu’il manquât un Ave Maria à leur chapelet; mais ses rapines, mais les médisances, mais les jalousies, ils les avalent comme de l'eau.  Scrupuleux dans les petites obligations, large sans mesure dans les autres. Il était commandé aux Israélites, pour se distinguer des autres peuples, d’avoir des franges au bout de leurs robes qu'ils noueraient avec des rubans violets, ce qui leur était un signal qu’ils devaient être attentifs à la loi de Dieu, et ne laisser pas errer leurs yeux et leurs pensées dans les choses qu‘elle défendait. Les pharisiens se faisaient de grandes franges, où ils dilataient les bords de leurs robes, comme gens bien attentifs à la loi de Dieu, qui entendaient ce
qui était destiné à en rappeler la mémoire.

C'est tout ce que Dieu en aura : une vaine parade, une ostentation, une exactitude apparente aux petits préceptes aisés; d‘ailleurs un mépris manifeste des grands, et un
cœur livré aux rapines et à l'avarice. Prenez garde dans les religions: un voile, l'habit de l’ordre, les jeûnes de règle. Mais que veut dire ce voile ? pourquoi est-il mis sur la tête? Comme l‘enseigne de la pudeur et de la retraite. C’est à quoi il fallait penser et ne pas mépriser les petites choses, qui sont en effet la couverture et la défense des grandes; mais aussi ne se pas imaginer que Dieu se paye de cette écorce et de ces grimaces.

Aveugle pharisien qui nettoyez les dehors d’une coupe et laissez dans la saleté le dedans où l'on boit : nettoyez le dedans, afin que le dehors soit pur; car la pureté vient du dedans et se doit répandre de là sur le dehors. Autrement, malgré ton hypocrisie, l’infection du dedans se produira par quelque endroit. Ta vie se démentira; ton ambition cachée sera découverte; et avec l'infamie de ton ambition, celle de ton hypocrisie attirera la haine du genre humain.

Quelle affreuse idée d’un hypocrite! c’est un vieux sépulcre, tout s'y démentait; on l’a reblanchi et il paraît beau au dehors: il peut même paraître magnifique. Mais qu’y a-t-il
au dedans? infection, pourriture, des ossements de mort , dont l'attouchement était une impureté selon la loi. Tel est un hypocrite : il a la mort dans le sein; que sera-ce, où se cachera-t-il lorsque Dieu révélera le secret des cœurs, et qu’on verra les choses honteuse: qui se passaient dans le secret, et qu'on a honte de prononcer? (Éphésiens 5, 12, 13.)

Des impies.

Combien les hommes sont charnels! Ils ne peuvent comprendre une vie ni une félicité, sans les objets qui flattent les sens et sans les choses corporelles auxquelles ils sont
accoutumés. Ainsi ils n'entendent pas comment les saints sont heureux. Toute cette vie incorporelle leur parait un songe, une vision des spéculatifs, une oisiveté impossible à soutenir. Si on ne va, si on ne vient comme en cette vie; si on n'y contente les sens à l’ordinaire, ils ne savent ce qu'on peut faire, et ne croient pas qu'on puisse vivre. C‘est pourquoi une telle vie ne les touche pas; et la croyant impossible, ils croient que tout meurt avec le corps.  Tels étaient parmi les païens les disciples d’Épicure. Tels étaient les saducéens dans le peuple de Dieu. Tels sont encore parmi nous les impies et les libertins, qui ne connaissent que la vie des sens. Ils sont pire que les sadducéens, car ceux-ci se piquaient d’être zélateurs de la loi, et nos impies n’ont aucun principe.

Vous vous trompez. C est ainsi qu`il faut parler à ces gens qui  mesurent tout à leurs sens charnels et grossiers : Vous vous trompez. Quelle erreur plus grande que de suivre toujours les sens, sans songer qu’il y a en nous un homme intérieur et une âme que Dieu a faite à son image! Vous vous trompez, faute d'entendre les Écritures et la puissance de Dieu. (Matthieu 22, 29.) C'est la source de toutes les erreurs. On ne veut point entendre que Dieu puisse faire des choses au-dessus des sens et du raisonnement humain, autre chose que ce qu'on voit. C'est pourquoi on n'entend pas les Écritures, parce que pour ne vouloir étendre ses vues sur l'immensité de la puissance de Dieu, on abaisse les Écritures a des sens proportionnés a notre faiblesse. On ne veut croire ni incarnation, ni eucharistie, ni résurrection , ni rien de ce que Dieu peut et veut bien faire pour l'amour de ses serviteurs.


Des incrédules.

Jésus est la lumière à ceux qui ouvrent les yeux pour le voir; mais à ceux qui les ferment il est une pierre où l'on se heurte et on se brise. Faute d’avoir voulu apprendre de lui le mystère de ses infirmités, ils se sont heurtés et brisés, et ne le connaissent pas; et ils demandent: Qui est ce Fils de l’homme, qui doit être crucifié, et par là tirer toutes choses? Est-ce vous que nous voyons si faible? Comment tirerez-vous à vous-même tout le monde dont vous allez être le rebut par votre croix? Aveugles, ne voyez-vous pas, à la majesté de son entrée, qu’il ne tiendrait qu'à lui d’avoir de la gloire; qu'il ne la perd donc pas par faiblesse, mais qu‘il en diffère par sa sagesse le grand éclat? Il vous dirait cette vérité, si vous la lui demandiez humblement; mais vous laissez échapper la lumière, et celui qui était venu pour vous éclairer, vous sera à scandale.

Il ne faut pas s'étonner, comme on fait ordinairement, de ce que Dieu nous propose à croire tant de choses si dignes de lui, et tout ensemble si impénétrables à l'esprit humain. Mais il faut s'étonner de ce qu’ayant établi la foi sur une autorité si ferme et si manifeste, il reste encore dans le monde des aveugles et des incrédules. Nos passions désordonnées, notre attachement à nos sens et notre orgueil indomptable en sont la cause. Nous aimons mieux croupir dans notre ignorance que de l’avouer; nous aimons mieux satisfaire une vaine curiosité, nourrir dans notre esprit indocile la liberté indocile et penser tout ce qu‘il nous plaît, que de ployer sous le joug de l‘autorité divine. De la vient qu'il y a tant d'incrédules, et Dieu le permet ainsi pour l'instruction de ses enfants. Sans les aveugles, sans les sauvages, sans les infidèles qui restent, et dans le sein même du christianisme, nous ne connaitrions pas assez la corruption profonde de notre nature, ni l’abîme d’où Jésus-Christ nous a tirés.

Si sa sainte vérité n'était contredite, nous ne verrions pas la merveille qui l'a fait durer parmi tant de contradictions, et nous oublierions à la fin que nous sommes sauvés par la grâce. Maintenant l’incrédulité des uns humilie les autres; et les rebelles qui s'opposent aux desseins de Dieu, font éclater a puissance par laquelle, indépendamment de toute autre chose, il accomplit les promesses qu’il a faites à son Église.

Qu’attendons-nous donc à nous soumettre ? Attendons-nous que Dieu fasse de nouveaux miracles , qu'il les rende inutiles en les continuant; qu’il y accoutume nos yeux, comme ils le sont au cours du soleil et a toutes les autres merveilles de la nature ; ou bien attendons-nous que les impies et les opiniâtres se taisent, et que les gens de bien et les libertins rendent un égal témoignage à la vérité: que tout le monde, d'un commun accord, la préfère à sa passion , et que la fausse science que la nouveauté fait admirer, cesse de surprendre les hommes? N‘est ce pas assez que nous voyons qu’on ne peut combattre la religion sans montrer, par de prodigieux égarements, qu’on a le sens renversé, et qu` on ne se défend plus que par présomption ou par ignorance ?

L’Église, victorieuse des Siècles et des erreurs, ne pourra-t-elle pas vaincre dans nos esprits les pitoyables raisonnements qu’on lui oppose; et les promesses divines que nous voyons tous les jours s’y accomplir, ne pourront-elles nous élever au-dessus des sens? Et qu’on ne dise pas que les promesses demeurent encore en suspens, et que comme elles s’étendent jusqu'à la fin du monde, ce ne sera qu’à la fin du monde que nous pourrons nous vanter d’en avoir vu l’accomplissement. Car, au contraire, ce qui s‘est passé nous assure de l’avenir, tant d’anciennes prédictions si visiblement accomplies, nous ont voir qu’il n’y aura rien qui ne s‘accomplisse, et que l’Église contre qui l’enfer, selon on la promesse du Fils de Dieu, ne peut jamais prévaloir, sera toujours subsistante jusqu’à a consommation des siècles, puisque Jésus-Christ, véritable en tout, n’a point donné d’autres bornes à sa durée.

Croyons-en l’amour d’un Dieu : la foi nous paraîtra douce en la prenant par un endroit si tendre. Mais n’y croyons pas à demi, à la manière des hérétiques, dont l’un retranche une chose et l‘autre une autre; l'un le mystère de l’Incarnation et l’autre celui de l’Eucharistie; chacun ce qui lui plaît. Faibles esprits, ou plutôt cœurs étroits et entrailles resserrées, que la foi et la charité n'ont pas assez dilatés pour comprendre toute l’étendue de l’amour d'un Dieu! Pour nous, croyons sans réserve et prenons le remède entier, quoi qu’il en coûte à notre raison. Pourquoi veut-on que les prodiges coûtent tant à Dieu ? Il n’y a plus qu'un Seul prodige que j'annonce aujourd'hui au monde. O ciel, 0 terre, étonnez-vous à ce prodige nouveau l c’est que parmi tant de témoignages de l‘amour divin, il y ait tant d’incrédules et tant d’insensibles. N'en augmentez pas le nombre qui va croissant tous les jours. N’alléguez plus votre malheureuse incrédulité, et ne faites pas une excuse de votre crime.

Dieu a des remèdes pour vous guérir, et Il ne reste qu’à les obtenir par des vœux continuels. Ouvrez les yeux, incrédules! n'est-il pas vrai que la rémission des péchés vous a été prêchée au nom de Jésus-Christ crucifié? S‘était-on jamais avisé d'un tel mystère? quelque autre que Jésus-Christ, ou devant lui, ou après, s` est-il glorifié de laver les péchés par son sang? Se sera-t-il fait crucifier exprès pour acquérir un vain honneur, et accomplir en lui-même une si funeste prophétie? Il faut se taire, et adorer dans l’Évangile une doctrine qui ne pourrait pas même venir dans la pensée d‘aucun homme, si elle n‘était Véritable.


Du monde

Que trouverez-vous dans le monde, si ce n'est la concupiscence de la chair et l’amour des plaisirs des sens, où le cœur s’aveugle, s'épaissit, se corrompt, se perd; et la concupiscence des yeux (1 Jean. 2, 16), tableaux, meubles, l‘or, l'argent, les pierreries, tout ce qui contente les yeux. Quoique après tout, ne leur en revient-il? Possèdent-ils véritablement tout ce qu’ils voient?

Ils ne font que l'effleurer par leurs regards; tout est hors d'eux , et aussi tout leur échappe. Fuyez donc aussi la concupiscence des yeux, la vanité, la curiosité, les vaines
sciences; car, encore que tout cela semble être en vous et vous repaître pour un moment, dans le fond, tout est hors de vous, et se peut tellement effacer dans votre esprit, qu’il ne vous restera pas même le souvenir de les avoir eus. Voilà pourtant ce qu’il y a de plus beau dans le monde. Mais il y a encore l’orgueil de la vie, l’ambition, les charges, les grands commandements, qui semblent rendre la vie, pour ainsi dire, plus vivante, parce qu'on devient un homme public; on vit dans l’esprit de tout le monde qui vous recherche, qui s’empresse autour de vous; et vous croyez plus vivre que les autres , et vous vous trompez; car tout cela n’est qu'orgueil , c'est-à-dire une vaine enflure: on croit être plein , on n’est qu'enflé, il n'y a que du vent au dedans, et tout ce dont vous vous repaissez n’est qu’une fumée.

Ces désirs, ces concupiscences ne sont pas de Dieu, et par conséquent n’ont rien de solide; car le monde passe et ses convoitises passent. Ce sont comme des torrents qui
passent avec grand bruit, mais qui passent; qui se jettent les uns sur les autres, mais qui passent; et autant celui qui reçoit que celui qui vient de s'y perdre. Le monde passe
et ses convoitises, et il n‘y a rien qui demeure, que celui qui ait la volonté du Seigneur. (1 Jean. 11, 1 .)


Qui pourra dire de bonne foi, avec Jésus-Christ : Je ne suis pas du monde? (Jean. 8,23.) Nous nous retirons dans nos cabinets : le monde nous suit. Nous fermons cent portes sur nous, nous mettons sur nous cent serrures, cent grilles, si vous voulez, cent murailles closes, la clôture est impénétrable, le monde nous suit. Nous nous recueillons en nous-mêmes, le monde nous suit, et nous nous trouvons en nous-mêmes tout l‘honneur que nous voulons, même celui que le monde nous refuse.


Des esprits forts.

Que je méprise ces philosophes qui, mesurant les conseils de Dieu à leurs pensées, ne le font auteur que d’un certain ordre général d’où le reste se développe comme il peut! comme s’il avait à notre manière des vues générales et confuses, et comme si sa souveraine intelligence pouvait ne pas comprendre dans ses desseins les choses particulières, qui seules subsistent véritablement.

Dieu a fait un ouvrage au milieu de nous, qui, détaché de tout autre cause et ne tenant qu’à lui seul, remplit tous les temps et tous les lieux, et porte par toute la terre, avec
l’impression de sa main, le caractère de son autorité : c’est Jésus-Christ et son Église. Il a mis dans cette Église une autorité seule capable d'abaisser l’orgueil et de relever la
simplicité; et qui, également propre aux savants et aux ignorants, imprime aux uns et aux autres un même respect. C’est contre cette autorité que les libertins se révoltent
avec un air de mépris. Mais qu’ont-ils vu ces rares génies, qu’ont-ils vu plus que les autres? quelle ignorance est la leur! Et qu'il serait aisé de les confondre, si, faibles et présomptueux, ils ne craignaient d'être instruits! Car pensent-ils avoir mieux vu les difficultés, à cause qu'ils y succombent, et que les autres qui les ont vues les ont méprisées? Ils n‘ont rien vu; ils n’entendent rien; ils n'ont pas même de quoi établir le néant auquel ils aspirent après cette vie; et ce misérable partage ne leur est pas assuré.

Ils ne savent s’ils trouveront un Dieu propice ou un Dieu contraire. S‘ils le font égal au vice et à la vertu : quelle idole! que s’il ne dédaigne pas de juger ce qu‘il a créé, et encore ce qu’il a créé capable d’un bon et d'un mauvais choix, qui leur dira, ou ce qui l'offense, ou ce qui l`apaise? Par où ont-ils deviné que tout ce qu’on pense de ce premier être soit indifférent, et que tentes les religions qu’on voit sur la terre lui soient également bonnes? Parce qu'il y en a de fausses, s‘ensuit-il qu'il n'y en ait pas de véritable, ou qu’on ne puisse plus connaître l’ami sincère, parce qu`on est environné de trompeurs? Est-ce peut-être que tous ceux qui errent sont de bonne foi? L’homme ne peut-il pas selon sa coutume, s’en imposer a lui-même ? Mais quel supplice ne méritent pas les obstacles qu'il aura mis par ses préventions à des lumières plus pures?

Où a-t-on pris que la peine et la récompense ne soient que pour les jugements humains; et qu`il n’y ait pas en Dieu une justice dont celle qui reluit en nous ne soit qu’une étincelle? que s’il est une telle justice, souveraine, et par conséquent inévitable, divine, et par conséquent infinie, qui nous dira qu'elle n‘agisse jamais selon sa nature, et qu'une justice infinie ne s’exerce pas à la fin par un supplice infini et éternel. Où en sont donc les impies et quelle assurance ont-ils contre la vengeance éternelle dont on les menace?

Au défaut d’un meilleur refuge, iront-ils enfin se plonger dans l’abîme de l'athéisme, et mettront-ils leur repos dans une fureur qui ne trouve presque pas de place dans les esprits? Qui leur résoudra ces doutes, puisqu'ils veulent les appeler de ce nom? Leur raison, qu'ils prennent pour guide, ne présente à leur esprit que des conjectures et des embarras. Les absurdités où ils tombent, en niant la religion, deviennent plus insupportables que les vérités dont la hauteur les étonne; et pour ne vouloir pas croire des mystères incompréhensibles, ils suivent, l'une après l‘autre, d’incompréhensibles erreurs.

Qu‘est-ce donc, après tout, qu'est-ce que leur malheureuse incrédulité, sinon une erreur sans fin, une témérité qui hasarde tout, un étourdissement volontaire, et, en un mot, un orgueil qui ne peut Souffrir de remède, c'est-a-dire qui ne peut souffrir une autorité légitime? Ne croyez pas que l’homme ne soit emporté que par l’intempérance des sens. L’intempérance de l'esprit n’est pas moins flatteuse. Comme l‘autre, elle se fait des plaisirs cachés, et s‘irrite par la défense. Ce superbe croit s’élever au-dessus de tout et au-dessus de lui-même , quand il s'élève; celui-ci semble au-dessus de la religion qu'il a si longtemps révérée; il se met au rang des gens désabusés; il insulte en son cœur aux faibles esprits qui ne font que suivre les autres sans rien trouver par eux-mêmes, et devenu le seul objet de ses complaisances, il se fait lui-même son dieu.

Un dieu qu’on fait à sa mode, aussi patient, aussi insensible que nos passions le demandent, n’incommode pas la liberté qu‘on se donne de penser tout ce qu’on veut, fait qu'on croit respirer un air nouveau. On s’imagine jouir e soi-même et de ses désirs: et dans le droit qu‘on pense acquérir de ne se rien refuser, on croit tenir tous les biens, et on les goûte par avance.


De l‘avarice.

Donnez-vous de garde de toute avarice. (Luc. 12, 15.) Déracinez un si grand mal, tout, et  jusqu’à la moindre fibre : n’en souffrez pas en vous le moindre sentiment.
Quelque riche que vous soyez, il vous manque toujours quelque chose, ou dans les biens ou dans la santé et dans la grandeur. Réjouissez-vous de ce manquement; acceptez avec joie et consolation cette partie de la pauvreté qui vous est échue. Aimez-là comme un caractère du christianisme, comme une imitation de Jésus-Christ. Aimez votre pauvreté, votre dépouillement. Renoncez a tout esprit de propriété , si vous êtes religieux : Réjouissez-vous en Notre Seigneur de ce que non-seulement vous ne possédez aucun bien, mais encore de ce que vous êtes, par choix et par état, incapable d’en posséder.

Donnez-vous de garde de toute avarice. Il y a plusieurs sortes d’avarice : il y en a une triste et sordide, qui ramasse sans fin et sans jouir, qui n’ose toucher à ses richesses,
et qui semble, comme dit le Sage. ne s’être réservé sur elles aucun droit que celui de les regarder et de dire : Je les ai. (Ecclésiastique. 5, 10.) Mais il y a une autre avarice plus gaie et plus libérale qui veut ramasser sans fin comme l’autre; mais pour jouir et pour se satisfaire. Un tel avare a beaucoup de dédain pour cette sorte d’avarice où l'on se plaint tout à soi-même au milieu de l'abondance. Il s’imagine être bien plus sage par ce qu’il jouit; mais cependant Dieu l’appelle insensé.

L’un est fou par trop d’épargne et parce qu’il s'imagine pouvoir être heureux par un bien dont il ne fait aucun usage; mais l'autre est fou pour trop jouir, et parce qu’il s’imagine un repos solide dans un bien qu'il va perdre la nuit suivante. Donnez-vous donc de garde de toute avarice; et autant de celle qui jouit que de celle qui se refuse tout. Soyez riche en Dieu (Luc. 12, 21); faites de Dieu et de sa bonté tout votre trésor. C’est ce trésor là dont on ne peut trop jouir; c’est ce trésor là où il n’y a rien à épargner, parce que plus on l’emploie plus il s’augmente.

Du luxe.

Le Seigneur Dieu fit à Adam et à sa femme des habits de peaux et les en revêtit. (Genèse  3, 21 .) L'homme, par son péché, ne devient pas seulement mortel, mais exposé par sa mortalité à toutes les injures de l’air, d’où naissent mille sortes de maladies. Voilà la source des habits que le luxe rend si superbes. La honte et la nudité les a commencés; l’infirmité les a étendus sur tout le corps: le luxe veut les enrichir et y mêle la mollesse et l’orgueil. 0 homme, reviens à ton originel.

Pourquoi t’enorgueillir de tes habits ? Dieu ne te donne d'abord que des peaux pour te vêtir, plus pauvre que les animaux dont les fourrures leur sont naturelles; infirme et
nu que tu es, tu te trouves d'abord à l’emprunt; ta disette est infinie, tu empruntera de tous côtés pour te parer. Mais allons à l'origine et voyons le principe du luxe:
après tout, il est fondé sur le besoin; on tâche en vain de déguiser cette faiblesse en accumulant le superflu sur le nécessaire.

L’homme en a usé de même dans tout le reste de ses besoins, qu’il a lâché d’oublier et de couvrir en les ornant. Les maisons qu’on décore par l’architecture , dans leur
fond, ne sont qu’un abri contre la neige et les orages, et les autres injures de l‘air; les meubles ne sont dans leur fond, qu'une couverture contre le froid; ces lits qu’on
rend si superbes ne sont, après tout, qu’une retraite pour soutenir la faiblesse et soulager le travail par le sommeil; il y faut tous les jours aller mourir et passer dans ce
néant une si grande partie de notre vie.


De la vanité.

Tout est vanité sous le soleil (Ecclésiastique 1, 2), c’est-à-dire tout ce qui est mesuré par les années, tout ce qui est emporté par la rapidité du temps. Sortez du temps et du changement, aspirez, à l’éternité, la vanité ne vous tiendra plus asservis.  Ne vous étonnez pas si le même Ecclésiaste méprise tout en nous, jusqu’à la sagesse, et ne trouve rien de meilleur que de goûter en repos le fruit de son travail. La sagesse dont il parle en ce lieu est cette sagesse insensée, ingénieuse à se tourmenter, habile à se tromper elle-même, qui se corrompt dans le présent, qui s'égare dans l’avenir ; qui, par beaucoup de raisonnements et de grands efforts, ne fait que consumer inutilement en amassant des choses que le vent emporte.

Hé! s'écrie le sage roi, ( le Roi Salomon – roi d`Israël vers 900 av J.C.) y a-t-il rien de si vain ? (Ecclésiaste. 3, 19.) Et n'a-t-il pas raison de préférer la simplicité d une vie particulière, qui goûte doucement et innocemment ce peu de biens que la nature nous donne, aux soucis et aux chagrins des avares, aux songes inquiets des ambitieux?
Mais cela même, dit-il, ce repos, cette douceur de la vie est encore une vanité, parce que la mort trouble et emporte tout. Laissons-lui donc mépriser tous les états de
cette vie. Puisqu’ enfin , de quelque côté qu’on s'y tourne, en y voit toujours la mort en face, qui couvre de ténèbres tous nos plus beaux jours. Laissons-lui garder le fou
et le sage, et même je ne craindrai pas de le dire hautement, laissons-lui confondre l'homme avec la bête. En effet, jusqu’à ce que nous ayons trouvé la véritable sagesse ,
tant que nous regarderons l’homme par les yeux du corps, sans y démêler par l’intelligence ce secret principe de toutes nos actions, qui, étant capable de s’unir à Dieu. doit nécessairement y retourner; que verrons-nous autre chose dans notre v1e, que de folles inquiétudes? et que verrons-nous donc dans notre mort, qu` une vapeur qui s'exhale, que des esprits qui s'épuisent, que des ressorts qui se démontent et se déconcertent; enfin qu’une machine qui se dissout et qui se met en pièces?

La santé n`est qu’un nom, la vie n’est qu'un songe, la gloire n’est qu'une apparence, les grâces et les plaisirs ne sont qu`un dangereux amusement: tout est vain en nous, excepté le sincère aveu que nous faisons devant Dieu de nos vanités, et le jugement arrêté qui nous fait mépriser tout ce que nous sommes. Nous mourrons tous, disait cette femme dont l’Écriture a loué la prudence, au deuxième livre des Rois , 114, 14, nous allons sans cesse au tombeau, ainsi que des eaux qui se perdent sans retour. En effet, nous ressemblons tous à des eaux courantes. De quelque superbe distinction que se flattent les hommes, ils ont tous une même origine, et cette origine est petite. Leurs années se poussent successivement comme des flots; ils ne cessent de s’écouler, tant qu'enfin après avoir fait un peu plus de bruit et traversé un peu plus de pays les uns que les autres, ils vont tous ensemble se confondre dans un abîme où l'on ne reconnaît plus ni princes, ni rois, ni toutes ces autres qualités superbes qui distinguent les hommes, de même que ces fleuves tant vantés , demeurent sans nom et sans gloire, mêlés dans l‘Océan avec les rivières les plus inconnues.

De l‘ambition.

Dans les fortunes médiocres, l‘ambition encore tremblante se tient si cachée, qu’à peine se connaît-elle elle-même. Lorsqu'on se voit tout d’un coup élevé aux places les plus importantes, et que je ne sais quoi nous dit dans le cœur, qu'on mérite d’autant plus de si grands honneurs qu’ils sont venus à nous comme d'eux-mêmes, on ne se possède plus, et si vous me permettez de vous dire une pensée de saint Chrysostome, c’est aux hommes vulgaires un trop grand effort, que celui de se refuser à cette éclatante beauté qui se donne à eux.

Ne sois point ambitieux, ô chrétien, et ne désire point le commandement, ni aucun avantage parmi les hommes , puisque tu es le disciple de celui qui, étant le Seigneur de
tout, s'est rendu le serviteur et a mis sa gloire à racheter ses élus par la perte de sa vie. Chrétien racheté par l‘humilité et par la Croix de ton Sauveur, ne songe point à t’élever, n’enfle point ton cœur. Considère combien les passions nous aveuglent, et sur
tout l’ambition.

De l‘envie.

Contemplons les effets de l‘envie: c'est une des plus grandes plaies de notre nature. L’envie, c’est le noir et le plus secret effet d’un orgueil faible, qui se sent ou diminuer ou effacer par l’éclat des autres, et qui ne peut soutenir la moindre lumière. C’est le plus dangereux venin de l’amour propre, qui commence par consumer celui qui le vomit sur les autres , et le porte aux attentats les plus noirs; car l’orgueil naturellement est entreprenant et veut éclater; mais l’envie se cache sous toute sorte de prétextes, et se plaît aux plus secrètes et aux plus noires menées. Les médisances déguisées, les calomnies, les trahisons, tous les mauvais artifices en sont l‘ouvrage et le partage.

Quand, par ces tristes et sombres artifices, elle a gagné le dessus, elle éclate et joint ensemble contre le juste, dont da gloire la confond, l'insulte et la moquerie, avec toute l‘amertume de la haine et les derniers excès de la cruauté. Déracinons l’envie, et dans le moindre de ses effets que nous ressentirons dans notre cœur, concevons toute la malignité et toute l'horreur d’un tel poison.

Des riches.

Quand je considère attentivement dans l’Évangile, la parabole, ou plutôt l'histoire du mauvais riche, et que je vois de quelle sorte Jésus-Christ y parle des fortunés de
la terre, il me semble d’abord qu’il ne leur laisse aucune espérance du siècle futur. Lazare pauvre et couvert d'ulcères, est porté par les anges au sein d‘Abraham pendant que le riche, toujours heureux dans cette vie, est enseveli dans les enfers. (Luc. 16, 22.) Voilà un traitement bien différent que Dieu fait à l’un et à l’autre. Mais comment est-ce
que le Fils de Dieu nous en explique la cause? Le riche, dit-il, a reçu ses biens et le pauvre ses maux dans cette vie.  Et de la quelle conséquence! Écoutez, riches , et tremblez : Et maintenant, poursuit-il, l'un reçoit sa consolation, et l'autre son juste supplice. Terrible distinction! funeste partage pour les grands du monde! Et toutefois ouvrez les yeux : c’est le riche Abraham qui reçoit le pauvre Lazare dans son sein; et il vous montre, ô riches, du siècle, à quelle gloire vous pouvez aspirer, si, pauvres en esprit et détachés de vos biens , vous vous tenez aussi prêts à les quitter, qu’un voyageur empressé à déloger de la tente où il passe une courte nuit.

La mort révèle les secrets des cœurs. Vous, riches, vous qui vivez dans les joies du monde, si vous saviez avec quelle facilité vous vous laissez prendre aux richesses que
vous croyez posséder; si vous saviez par combien d’imperceptibles liens elles s’attachent, et pour ainsi dire, elles s‘incorporent à votre cœur, et combien sont forts et pernicieux ces liens que vous ne sentez pas, vous entendriez la vérité de cette parole du Sauveur : Malheur à vous, riches (Luc. 6,24), et vous pousseriez, comme dit saint Jacques, des cris lamentables et des hurlements à la vue de vos misères! (Jacques 5, 1)

Mais vous ne sentez pas un attachement si déréglé. Le désir se fait mieux sentir, parce qu’il y a de l’agitation et du mouvement. Mais dans la possession on trouve, comme dans un lit, un repos funeste, et on s'endort dans l'amour des biens de la terre, sans s`apercevoir de ce malheureux engagement. C est où tombe celui qui met sa confiance dans les richesses, je dis même dans les richesses mal acquises. Mais l’excès de l’attachement que nous ne sentons pas dans la possession, se fait, dit saint Augustin, sentir dans la perte. C’est là qu’on entend le cri d’un roi malheureux, d'un Agag outré contre la mort qui lui vient ravir tout à coup, avec la vie, sa grandeur et ses plaisirs:
« Est-ce ainsi que la mort amère vient rompre tout à coup de si, doux liens! » (1 Rois. 15, 32.)

Le cœur saigne! Dans la douleur de la plaie, on sent combien ces richesses y tenaient; et le péché que l’on commettait par un attachement si excessif, se découvre tout entier.
Par une raison contraire un homme dont la fortune, protégée du ciel, ne connaît pas les disgrâces; qui, élevé sans envie aux plus grands honneurs, heureux dans sa personne et dans sa famille, pendant qu'il voit disparaître une vie si fortunée, bénit la mort et aspire aux biens éternels, ne fait-il pas voir qu’il n'avait pas mis son cœur dans ce trésor que les voleurs peuvent enlever (Matthieu 6,19,20), et que, comme un autre Abraham, il ne connaît de repos que dans la cité permanente? (Hébreux. 13,14.)

( Source : dictionnaire de la Sagesse populaire – abbé Migne année 1855)

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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