MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
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MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE ET LES PRINCIPALES FÊTES
Sur la Vie et la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ et sur les Mystères de la St Vierge , et les Fêtes des Saints ;
sur les Bienfaits de Dieu, sur les péchés, sur les quatre fins de l'homme et sur plusieurs autres sujets de piété.
Composées en Latin par le R.P. Buse'e de la Compagnie de Jésus et traduite en français en l`année 1708.
Jean Buse`s est né à Nimègue en Hollande en 1547. Il a étudié la théologie à Rome et l`enseigna ensuite à Mayence en Allemagne pendant plusieurs années. Il est décédé en 1611.
Ce que c'est que la Méditation.
LA Méditation , que d'autres appellent Oraison mentale , est une dévote et affectueuse convention des choses divines, et de tout ce qui peut exciter l'homme à aimer ou à louer Dieu, et à imiter Jésus-Christ et les Saints , en nous portant au bien, et en nous éloignant du mal. Elle est dévote et affectueuse , parce qu'elle consiste moins dans l'action de l'entendement , que dans l'affection de la volonté , puisqu’elle doit faire naître en nos cœurs l'amour de Dieu, le dégout du péché , et le mépris des choses humaines : ce qui fait dire au Roi David, dans la pratique continuelle qu'il faisait de cet exercice: , la méditation fera naître dans mon cœur une sainte et prompte ardeur , qui me fera fuir les choses qui me font nuisibles , embrasser les utiles , négliger les temporelles ,et rechercher les éternelles. Aussi voyons nous que Jésus-Christ et ses Disciples passaient les jours et les nuits à méditer dans les déserts et sur les montagnes. St Luc rapporte , que la Vierge méditait sans cesse dans son cœur tout ce qu'elle avait vu et entendu de son Fils. Saint Jean-Baptiste passa toute sa vie dans le désert à cet exercice : plusieurs Anachorètes y ont employé leurs jours. Tous les Saints s'y sont toujours attachés avec beaucoup d'exactitude. St Basile, St Jérôme, St Benoît, St Bernard, St François, St Dominique, St Ignace, St Xavier , et tout ce qu'il y a eu dans le Christianisme de grands Personnages pour la sainteté et pour la Doctrine, en ont fait leur principale étude.
TABLE DES MATIÈRES
1 - DE L'ANNONCIATION DE LA ST VIERGE MARIE
2 - LA VISITATION A SAINTE ÉLISABETH
3 - DE LA NAISSANCE DE JESUS-CHRIST
4 -LA REVELATION DE L'ANGE AUX PASTEURS.
5- LA CIRCONCISION ET L'IMPOSITION DU SACRÉ NOM DE JÉSUS
6 - DES TROIS ROIS MAGES
7 - LA PURIFICATION DE LA SAINTE VIERGE
8- FUITE DE JESUS EN EGYPTE
9- MEURTRE DES SAINTS INNOCENTS
10- JESUS-CHRIST AGÉ DE DOUZE ANS SE RENDIT DANS LE TEMPLE
11 - VIE DE JESUS DEPUIS L'AGE DE DOUZE ANS JUSQU'A L'AGE DE TRENTE
12 - LA PRÉDICATION DE ST JEAN BAPTISTE ET LE BAPTÊME DE JESUS
13 - JÉSUS AU DÉSERT
14- VOCATION DES APÔTRES
15 - LES NOCES DE CANA
16 - ENTRETIEN DE JESUS AVEC NICODÈME
17 - LA SAMARITAINE
18 - DE LA GUÉRISON DU FILS D'UN SEIGNEUR
19 - DE LA BELLE MÈRE DE SIMON PIERRE, QUI FUT GUÉRIE DE LA FIÈVRE
20 – DU PARALYTIQUE QUI FUT GUÉRI PAR JÉSUS
21- VOCATION DE ST MATTHIEU
22 - DE LA FILLE DU PRINCE DE LA SYNAGOGUE, ET DE L'HÉMOROÏSSE
23 - DU PARALYTIQUE AUPRÈS DE LA PISCINE
24 - SERMON DE JESUS-CHRIST SUR LA MONTAGNE.
25 - DE LA LAMPE ALLUMÉE ET MISE SUR LE CHANDELIER.
26 - DE L'AFFECTION POUR SES ENNEMIS
27 - DU LÉPREUX
28 - DU SERVITEUR DU CENTURION.
29 - DU FILS DE LA VEUVE DE NAIM
30 - AMBASSADE A ST JEAN LE BAPTISTE
31 - DE LA TEMPÊTE APAISÉE SUR MER
32- LE DÉMONIAQUE
33 - LA CONVERSION DE MARIE MAGDELEINE
34 - ENVOI DES APÔTRES
35 - DU DOCTEUR DE LA LOI ET DU SAMARITAIN
36 – JESUS ENSEIGNE DANS LA BARQUE DE St PIERRE
37 - DE LA BONNE SEMENCE ET DE LA ZIZANIE
38 - DU DÉMON MUET ET AVEUGLE
39 - DES CINQ PAINS MULTIPLIÉS PAR JÉSUS
40 - MARCHE DE JÉSUS SUR LES EAUX
41 - LA CANANÉENNE
42 - L'HOMME SOURD ET MUET
43 - ACCUEIL A JESUS EN LA MAISON DE MARTHE
44 - DE l`HYDROPIQUE QUI FUT GUÉRI ET DE L'HUMILITÉ
45 - DE LA FEMME SURPRISE EN ADULTÈRE
46 - L'AVEUGLE NÉ
47 – DU BON PASTEUR
48 - LA TRANSFIGURATION DE JÉSUS
49 - DU LUNATIQUE
50 - DE L'ENFANT PRODIGUE
51 - QU'IL FAUT IMITER LES ENFANTS
52 - DU MAUVAIS RICHE ET DU PAUVRE LAZARE
53 - DU RECEVEUR QUI AVAIT MAL SERVI SON MAITRE
54 - DE LA PRIERE, DU MAUVAIS JUGE, ET DU PHARISIEN ET PUBLICAIN
55 - D'UN JEUNE HOMME QUI ÉTAIT RICHE
56 - LES ENFANTS DE ZEBEDÉE
57 - LA RÉSURRECTION DE LAZARE
58 - DE DIX LÉPREUX
59 - AVEUGLES PRÈS DE JÉRICHO
60 - SOUPER DE JÉSUS EN BÉTHANIE
61 – DE ZACHÉE
62 - ENTRÉE DE JÉSUS DANS JÉRUSALEM
63 - LES VENDEURS CHASSÉS HORS DU TEMPLE
64- DU FIGUIER MAUDIT ET SÈCHE.
65 - DU TRIBUT DÛ A CÉSAR
66 - DE LA ROBE NUPTIALE
67 - DU PÈRE DE FAMILLE
68 - DE L'ABOMINATION DE DÉSOLATION
69 - DU DERNIER JUGEMENT
70 - DES DIX VIERGES
71 - DU LAVEMENT DES PIEDS.
72 - INSTITUTION DU TRÈS SAINT SACREMENT
73 - MARCHE DE JÉSUS AU JARDIN DE GETHSÉMANI
74 - DE LA TRAHISON DE JUDAS
75 - DE LA PRISE DE JÉSUS
76 - JÉSUS EST MENÉ DEVANT ANNE LE PONTIFE
77 - RENIEMENTS DE ST PIERRE
78 - JÉSUS EST MENÉ DE CHEZ ANNE, CHEZ CAÏPHE
79 - DU DÉSESPOIR DE JUDAS
80 - JÉSUS EST RENVOYÉ DEVANT PILATE
81 – INTERROGATOIRE DE PILATE
82 - DU RENVOI DE JESUS A HÉRODE
83 - DE BARRABAS PRÉFERÉ A JÉSUS
84 - DU SONGE DE LA FEMME DE PILATE
85 - DE LA FLAGELLATION DE JÉSUS
86 - DU COURONNEMENT DOULOUREUX DE JÉSUS
87 - LA CONDAMNATION DE JÉSUS NOTRE SEIGNEUR
88 - LA CROIX MISE SUR LES ÉPAULES DE L'AIMABLE JÉSUS
89 - DU CRUCIFIEMENT DE JÉSUS
90 - DES MYSTÈRES ARRIVÉES A JÉSUS ÉTANT SUR LA CROIX
91 - DES SEPT PAROLES DE JÉSUS ÉTANT SUR LA CROIX
92 - DES PRODIGES QUI SUIVIRENT LA MORT DE JÉSUS
93 - CONVERSION DU CENTURION
94 - L'OUVERTURE DU CÔTÉ
95- DE LA DESCENTE DU CORPS DE JÉSUS DE DESSUS LA CROIX
96 - DE LA SÉPULTURE DE JÉSUS
97 - DE LA GARDE DU SÉPULCRE DE JÉSUS
98 - DE LA DESCENTE DE JÉSUS DANS LE LYMBE - partie supérieure des Enfers
99 - APPARITION DE JÉSUS AUX FEMMES DÉVOTES
100 - APPARITION DE JÉSUS A MARIE MAGDELEINE
101 - APPARITION DE JÉSUS A DEUX DE SES DISCIPLES
102 - APPARITION DE JÉSUS A SES DISCIPLES
103 - APPARITION A LA ST VIERGE
104 - APPARITION A ST THOMAS
105 - APPARITION DE JÉSUS PRÈS DE LA MER TIBÉRIADE
106 - APPARITION DE JÉSUS SUR LA MONTAGNE
107 - DE LA MISSION DU SAINT ESPRIT
108 - DE LA MORT GLORIEUSE, ET DE L'ASSOMPTION DE LA SACRÉE VIERGE.
Suite des Méditations sur les Évangiles
109 - DES PRODIGES AVANT-COUREURS DU DERNIER JUGEMENT.
110 - DE ST JEAN-BAPTISTE DÉTENU EN PRISON.
111 - PREMIÈRE PRÉDICATION DE ST JEAN-BAPTISTE.
112 - JOSEPH ET MARIE ÉTAIENT DANS L'ADMIRATION.
113- DU GRAIN DE MOUTARDE.
114 - DES OUVRIERS ENVOYÉS A LA VIGNE.
115 - DE LA SEMENCE JETTÉE DANS LA TERRE.
116 - DU JEÛNE ET DU TRESOR QUE L'ON DOIT AMASSER DANS LE CIEL.
117 - LES SCRIBES ET LES PHARISIENS.
118 - JE M'EN VAIS; ET VOUS ME CHERCHEREZ.
119 - LES SCRIBES ET LES PHARISIENS.
120 - MÉDECIN GUÉRISSEZ-VOUS VOUS – MÊME
121 - DE LA CORRECTION FRATERNELLE
122- POURQUOI VOS DISCIPLES NE LAVENT-ILS LEURS MAINS
123 - DES VENDEURS CHASSÉS HORS DU TEMPLE.
124 - DE LA DOCTRINE DE JÉSUS NOTRE MAITRE.
125 - QUE JÉSUS ÉTAIT IMPECCABLE
126 - JE SUIS LA LUMIÈRE DU MONDE.
127 - VOUS ME CHERCHEREZ, ET SI QUELQU'UN A SOIF
128 - JÉSUS ALLAIT EN GALILÉE.
129 - L'ON CÉLÉBRAIT DANS JÉRUSALEM LA FÊTE DE LA DÉDICACE.
130 - DU CONSEIL QUI FUT TENU POUR CONDAMNER JÉSUS.
131 - DU DESSEIN DE FAIRE MOURIR LAZARE
132 - DANS PEU DE TEMPS VOUS NE ME VERREZ PAS.
133 - JE M`EN VAIS VERS CELUI QUI M`A ENVOYÉ
134 - QUE L'ON DOIT PRIER LE PÈRE ÉTERNEL
135 - POUR LA FÊTE DE L'ASCENSION DE JÉSUS.
136 - QUAND LE CONSOLATEUR SERA VENU. POUR LE DIMANCHE après l'Ascension.
137 - SI QUELQU'UN M' AIME, IL GARDERA MA PAROLE
138 - DIEU A TELLEMENT AIMÉ LE MONDE.
139 - JE SUIS LA PORTE.
140 - DU POUVOIR QUI A ÉTÉ DONNÉ A JÉSUS.
141 - SECONDE MEDITATION SUR LE MYSTÈRE INEFFABLE DE LA TRÈS-SAINTE TRINITÉ.
142 - SOYEZ BONS.
143- DU GRAND SOUPER.
144 - DE LA BREBIS ÉGARÉE ET DU DRAGME PERDUE.
145 - DE LA JUSTICE DES PHARISIENS.
146 - DU MIRACLE DES SEPT PAINS
147 - LES FAUX PROPHÈTES.
MEDITATIONS TRES DÉVOTES SUR LA VIE ET PASSION DE NOTRE SEIGNEUR JESUS- CHRIST.
1 - DE L'ANNONCIATION DE LA ST VIERGE MARIE.
L 'Ange Gabriel saluant la sacrée Vierge dans Nazareth , et lui apportant la nouvelle de la conception du Verbe divin dans son humble sein, lui dit : Je vous salue pleine de grâce, ect. Vous concevrez, en votre sein, et vous enfanterez un Fils.
Considérez que l'Ange ne rencontra pas la Sainte Vierge dans quelque lieu beaucoup fréquenté, mais dans sa maison et dans sa chambre, étant attentive à la considération de choses divines: pour vous apprendre que vous devez vous y arrêter chez vous, et vous y appliquer à la prière, si vous voulez jouir de la visite et de la consolation des Anges.
Pensez de quelle clarté cette chambre virginale fut remplie à l'arrivée de l'Ange , et avec quel respect et quelle vénération, il lui fit la révérence, et lui dit : Je vous salue pleine de grâce. Ce qui n'est pourtant pas si étonnant qu'il y ait lieu d'en être surpris : parce que si Dieu a fait quelques grâces particulières aux autres Saints, MARIE en a été si comblée et si remplie , qu'elle en a reçue toute l'abondance : Que si elle en a été remplie avant la conception de Jésus , quel accroissement n'en a t'elle point eu après que ce mystère a été accompli ? Faites réflexion qu'elle est appelée pleine de grâce devant Dieu ; afin que nous fussions instruits de recourir à elle dans nos besoins, comme à notre Patronne , notre Avocate , et notre Médiatrice ; et que nous sachions que de même que nous avons obtenu Jésus par son moyen, nous pouvons aussi impétrer toutes sortes de faveurs par son entremise.
Marie fût surprise de ce discours ; pensait en elle-même ce que se pouvait être que ce salut: et dit enfin à l'Ange : Comment ce que vous dites se pourra-t-il faire , car je ne connais point d'homme?
Considérez que la sacrée Vierge est surprise à l'abord et au discours de l'Ange, et ne vous en étonnez pas ; parce que c'est le propre des chastes et honnêtes Vierges, de trembler à l'approche ou même à la vue d'un homme. Outre qu'elle se réputait indigne d'être louée de cette manière: car les humbles et les Saints conçoivent d'autant plus de confusion que plus on les loue. Elle fut donc surprise, mais elle n'en perdit pas le jugement. Car comme elle était bien prudente et bien avisée, elle commença à penser en elle-même , quel était ce salut, avant que d'y répondre.
Voyez quel était son zèle pour conserver sa chasteté ; car quoi qu'elle ne doutât point que tout ce que Dieu lui promettait par la voix de l'Ange, serait infailliblement accompli, n'en sachant pas néanmoins la manière , elle se met en peine et: lui demande comment il se pourra faire qu'elle devienne mère sans préjudice de la Virginité qu'elle avait vouée : Jusque-là qu'elle ne donna point son consentement d'être élevée à la dignité de Mère de Dieu, qu'elle ne fut assurée qu'elle demeurerait Vierge, et que cette sublime qualité serait jointe à celle de la divine maternité.
L'Ange lui répondit: Le Saint Esprit surviendra en vous et Marie lui dit alors: Voici la servante du Seigneur ; qu'il me soit fait selon votre volonté.
Considérez la très-sainte Trinité comme présente à l'entretien de l'Ange avec la sacrée Vierge ; attendant la réponse de sa fille bien aimée, observant avec attention les paroles d'humilité qu'elle devait prononcer. En effet aussitôt après que l'Ange l'eut assurée de la conservation de sa Virginité , fléchissant les genoux et levant les mains et les yeux vers le Ciel , avec une soumission profonde et la larme à l'œil ; Voici , dit-elle , la servante du Seigneur , qu'il me soit fait selon votre parole : Pour vous apprendre à ne pas différer quand vous êtes appelé de Dieu , et quand après en avoir murement délibéré , vous reconnaissez que c'est une vocation Divine.
Considérez que la St Vierge nous propose ici quatre grandes vertus à imiter : 1 . Une prompte obéissance dans une chose qui a de la difficulté. 2. Une humilité profonde étant élue pour être la Mère de Dieu. 3. Une charité ardente et un zèle embrasé pour le salut du prochain. 4. Et une foi inébranlable, car elle croyait indubitablement que la promesse de l'Ange serait accomplie. En effet aussitôt après avoir dit : Qu'il me soit fait selon votre parole, elle conçoit un Dieu-homme dans son sein.
2 - LA VISITATION A SAINTE ÉLISABETH
Peu de temps après Marie s'en alla promptement au Pays des montagnes de Judée, entra dans la maison de Zacharie , et salua Élisabeth.
Considérez l'ardente charité de Marie , qui aussitôt qu'elle a conçu Jésus dans son sein, quoi qu'elle eut coutume de demeurer seule dans sa maison et n'est point détournée ni par la tendresse de son âge , ni par sa pudeur virginale, ni par la difficulté du chemin des montagnes, de rendre visite à la Cousine Élisabeth.
Remarquez sa profonde humilité , en ce qu'étant devenue la Mère de Dieu , et par conséquent la plus digne de toutes les pures créatures , à qui l'on témoignait les respects et sa vénération par des visites , elle se résout volontiers d'aller en rendre et offrir son service à sa cousine Élisabeth qui lui était beaucoup inférieure. Voyez sa diligence et son ardeur à faire ce chemin , car elle franchit les montagnes avec un saint empressement , car comme dit saint Ambroise, la grâce du St Esprit ne sait ce que c`est que d'agir lentement.
Aussitôt qu`Élizabeth eut entendu ce que lui dit Marie en la saluant l'enfant qu'elle portait tressaillait dans son ventre, et étant remplie du St Esprit elle s'écria : Vous êtes bénie entre toutes les femmes : Et d'où me vient cet honneur , que la Mère de mon Dieu me vienne trouver ?
Considérez combien ceux à qui Marie fait la grâce de les visiter, sont heureux; puisque saint Jean étant encore dans les flancs de sa mère , et sainte Elizabeth sa mère furent remplis du saint Esprit par sa présence ; de sorte que ce saint Enfant avantagé par avance et par privilège de l'usage de la raison , fit ses efforts pour sortir du lieu où il était enfermé , afin de voir le petit Jésus , et sa sainte Mère.
Pensez avec quelle tendresse et avec quelle joie sainte Élisabeth se porta à embrasser la sacrée Vierge ; et avec quel sentiment elle lui dit : Béni soit l'arbre , et béni soit le fruit qui en est provenu. Comment ai-je pu mériter que vous qui êtes la Mère de Dieu , me fissiez l'honneur de me venir voir , étant bien plus obligée comme votre servante et votre esclave , de vous rendre ce devoir ? Mais votre profonde humilité a voulu me prévenir, comme celle de votre divin Fils préviendra le mien quand il lui demandera le baptême.
Considérez ce que nous devons dire, nous qui sommes remplis de péchés , lorsque le Fils de Dieu entre tant de fois dans la maison de notre âme en la sainte Eucharistie , si sainte Elizabeth s'écria à l'arrivée de la sacrée Vierge: D’où me vient cet honneur?
Marie lui dit alors : Mon âme magnifie le Seigneur, ect. Elle demeura avec elle près de trois mois, et s'en retourna après en sa maison.
Considérez quelle pudeur couvrit le visage de la sacrée Vierge lors qu'elle entendit de tels éloges de sa grandeur et de sa dignité, comme elle s'humilia d'autant plus, et comme enfin ne pouvant retenir son sentiment intérieur , elle en rapporta toute la gloire à Dieu , lors qu'elle dit: Mon âme magnifie le Seigneur , de qui proviennent toutes les faveurs et toutes les grâces, dont il m'a comblée. Ma présence a fait à la vérité tressaillir l'enfant qui est dans vos entrailles, mais mon esprit a conçu une joie ineffable en Dieu qui est mon Sauveur.
Pensez quelle fut l`allégresse de ces deux bienheureuses et saintes Mères ; quelles furent les louanges et les remerciements qu'elles rendirent à Dieu de leurs conceptions si extraordinaires et si miraculeuses : avec quelle affection et quel zèle la sacrée Vierge s'employa pendant ces trois mois au ministère même des servantes , comme elles se mettaient en peine de se prévenir l'une l'autre par amour et par humilité.
O mon âme ! Si tu avais peu accompagner Marie sur ces montagnes si élevées , s'il t'avait été permis d'être présente aux doux embrassements de ces deux saintes Mères , et d'entendre les premières civilités de leur entrevue ! Sans doute que conjointement avec la sacrée Vierge tu te fusse écriée : Je magnifie le Seigneur. Mais maintenant qu'avec ton corps tu ne peux pas jouir de ce bonheur inconcevable, prosterne-toi par la pensée aux pieds tantôt de l'une et tantôt de l'autre ; et adore l'Époux dans le sein de la sacrée Vierge.
3 - DE LA NAISSANCE DE JESUS-CHRIST.
La bienheureuse et sacrée Marie part de Nazareth pour aller à Bethléem avec Joseph son Époux. Joseph aussi d'autre part descendit de Galilée, et alla à Bethléem pour se faire enregistrer avec Marie , qui était sa femme épousée, grosse sur le point de faire ses couches.
Considérez l’obéissance et l'humilité de Joseph et de Marie : car Marie étant Mère du Roi des Rois, ne dédaigne pas d'obéir à un Roi de la terre, et Gentil (un non juif) , quoi qu'avec un danger si manifeste , sachant bien qu'elle était prés de faire ses couches. Admirez ensuite leur peine à souffrir les fatigues d'un long voyage, et pensez combien leurs entretiens étaient remplis de piété.
Considérez qu'ils partent de Galilée qui veut dire vicissitude , pour aller à Bethléem , qui signifie maison de pain , pour se faire enregistrer dans le livre de la famille de David ( descendance du Roi David, roi d`Israël vers 950 av J.C) et de là vous apprendrez qu'après avoir abandonné les plaisirs passagers et changeants de ce monde , vous devez souvent aller à la Table du Pain de vie , qui est descendu du Ciel , afin que votre nom soit enregistré dans le livre où sont écrits les noms de tous les Saints.
Ou il arriva qu` étant en ce pays elle fut au terme de son accouchement, et qu'elle ne pouvait trouver de place dans aucune hôtellerie.
Considérez de quelle façon saint Joseph étant entré sur le soir dans Bethléem , cherche partout un lieu pour se retirer et prendre du repos : et de quelle angoisse il est saisi quand il n'en trouve point , et qu'il se voit rebuté des uns et des autres. Jetez les yeux sur la sacrée Vierge, qui va tantôt deçà, tantôt delà, et s'égare pendant l'obscurité de la nuit; contrainte de se reposer sur quelque pierre , et d'attendre avec douleur si quelqu'un ne fera point ému de compassion , la voyant en un état si pitoyable.
Contemplez comme après avoir parcouru toutes les rues et les coins les plus écartés , ils se trouvent enfin obligés de se retirer dans une étable demi ruinée , ou plutôt dans une caverne obscure , où les pauvres gens avaient coutume de loger leur bétail pendant la nuit. Pensez enfin que la sacrée Vierge y étant entrée , connut bien que ce lieu était le Paradis préparé au second Adam ; que c'était le Palais Royal bâti pour la Naissance de Jésus Christ, et le Trône d'où le véritable Salomon devait enseigner la véritable sagesse fondée sur l'humilité et la pauvreté.
Et elle enfanta son Fils premier né , elle l'enveloppa de langes , et le coucha dans la Crèche .
Considérez que la sacrée Vierge après avoir passé une bonne partie de la nuit en prières et en ardents soupirs lancés vers le Ciel , étant enfin absorbée dans l'admiration de la sagesse de Dieu , et comme extasiée dans une joie inconcevable, mit au monde l'Enfant Jésus, sortie de ses très-pures et très-chastes entrailles, sans aucune douleur , et sans lésion de sa virginité.
Considérez de quelle lumière brilla cette Étable , sitôt que ce divin Enfant parut sur la terre , quelle harmonie des Anges y ravit les oreilles ; quelle joie en conçurent la sacrée
Vierge et saint Joseph ; comme en quelque façon à l'envi l'un de l'autre , ils s'empressaient à lui donner des baisers ; de quelles œillades ce divin Enfant récompensa leurs caresses et les empressements amoureux de la sacrée Vierge à lui rendre les devoirs d'une bonne Mère , l'enveloppant de pauvres langes, le pressant sur son sein, et le nourrissant de son lait très pur.
Considérez que ce divin Enfant est couché, non pas sur un oreiller bien mollet , ni sur aucune chose précieuse , mais dans une Crèche vile , dure et froide : et que Dieu ne permet toutes ces choses si surprenantes , que pour confondre la sagesse du monde , et pour faire voir que tout ce qui est admirable aux yeux des hommes , n'est pas un bien véritable.
4 - LA REVELATION DE L'ANGE AUX PASTEURS.
La Naissance de Jésus est révélée aux bergers par un Ange, Je vous apporte, leur dit-il , la nouvelle d'une grande joie, qui est qu'un Sauveur vous est né aujourd`hui.
Considérez que l'Ange du Seigneur après en avoir obtenu la permission de l'Enfant Jésus, ne s'adresse pas aux Rois ni aux Savants ,mais à de simples gens, à des Pasteurs qui gardaient soigneusement leurs troupeaux , et qui avaient mérité cette grâce par leur humilité et par leur vigilance. Car comme dit le Sage : Dieu se plait à converser avec les personnes simples. Et Dieu dit lui-même : Celui qui m'aura invoqué dès le matin, me trouvera.
Remarquez que Jésus-Christ qui est le Souverain Pasteur , éclaire de la lumière les Supérieurs et les Pasteurs des autres, avant ceux qui leur sont sujets , afin que ceux-ci se laissent plus volontiers conduire , principalement dans la nuit ; c'est à dire quand il est question de grandes difficultés de la foi et des mœurs.
Observez que l'Ange dit à ces Pasteurs: Un Sauveur vous est né; car un Enfant est né pour nous, dit le prophète Isaïe, et un Fils nous a été donné. De quel don plus précieux pouvions nous être enrichis et honorés ?
Et voici l'assurance que vous pouvez, en avoir. Vous trouverez, un Enfant enveloppé de langes, et couché dans une Crèche.
Considérez quelle marque donne l`Ange pour savoir si Jésus-Christ est dans notre cœur; il faut savoir : 1. Si comme des enfants, nous sommes exempts de péché et de tromperie. 2. Si nous nous contentons de ce qui suffit pour nous vêtir, et pour vivre sans superfluité. 3. Si nous ne fuyons point les austérités.
Considérez la grandeur de la joie dont ces Pasteurs furent remplis à cette nouvelle, et avec quel empressement ils allèrent à Bethléem après avoir abandonné leurs Brebis : combien humblement ils adorèrent Jésus-Christ ; avec quelle piété ils baisèrent ses mains et ses pieds et les présents qu'ils lui offrirent selon leur état , et avec quel agrément et quel sourire dont son bas âge pouvait être capable, ce divin Enfant témoigna qu'il avait agréable la visite de ces bonnes gens , et qu'il se plaisait en leur conversation. O heureux Pasteurs à qui il a été permis de voir ce que tant de Rois , et tant de Prophètes ont désiré de voir , et n'ont point vu?
Aussitôt l'Ange fut accompagné d'armées célestes qui louaient Dieu et disaient ; Gloire à Dieu dans les lieux élevés; et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté.
Considérez qu'il ne pouvait y avoir rien de plus glorieux dans un lieu si méprisable, que des Anges qui chantaient le triomphe de Jésus-Christ , et y faisaient résonner l'air de leur harmonie. Que si vous pensez à la qualité de la personne de cet Enfant , qui parait si pauvre , et qui est pourtant le Fils du Très-haut, vous connaitrez facilement qu'il mérite la vénération de toutes les créatures : mais si vous considérez la cause de cet abaissement qui n'est autre que nos péchés , vous ne vous en étonnerez plus; car c'est par son moyen, et par celui d'une humiliation encore plus profonde , et qui a duré jusques à la mort de la Croix, que nous avons été réconcilié avec Dieu , et que la paix éternelle a été accordée aux hommes de bonne volonté , c'est à dire à ceux qui sont tout prêts de conformer leurs sentiments aux ordres de Dieu (10 commandements – Lois divines),et de les exécuter avec obéissance.
Considérez avec quelle allégresse les Anges retournèrent dans le Ciel , comme ils remplirent toute la céleste Jérusalem d'une nouvelle si agréablement surprenante: et enfin comme l'âme de la sacrée Vierge , ayant remarqué et entendu toutes ces choses , fut absorbée dans une joie inconcevable.
Sur la Vie et la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ et sur les Mystères de la St Vierge , et les Fêtes des Saints ;
sur les Bienfaits de Dieu, sur les péchés, sur les quatre fins de l'homme et sur plusieurs autres sujets de piété.
Composées en Latin par le R.P. Buse'e de la Compagnie de Jésus et traduite en français en l`année 1708.
Jean Buse`s est né à Nimègue en Hollande en 1547. Il a étudié la théologie à Rome et l`enseigna ensuite à Mayence en Allemagne pendant plusieurs années. Il est décédé en 1611.
Ce que c'est que la Méditation.
LA Méditation , que d'autres appellent Oraison mentale , est une dévote et affectueuse convention des choses divines, et de tout ce qui peut exciter l'homme à aimer ou à louer Dieu, et à imiter Jésus-Christ et les Saints , en nous portant au bien, et en nous éloignant du mal. Elle est dévote et affectueuse , parce qu'elle consiste moins dans l'action de l'entendement , que dans l'affection de la volonté , puisqu’elle doit faire naître en nos cœurs l'amour de Dieu, le dégout du péché , et le mépris des choses humaines : ce qui fait dire au Roi David, dans la pratique continuelle qu'il faisait de cet exercice: , la méditation fera naître dans mon cœur une sainte et prompte ardeur , qui me fera fuir les choses qui me font nuisibles , embrasser les utiles , négliger les temporelles ,et rechercher les éternelles. Aussi voyons nous que Jésus-Christ et ses Disciples passaient les jours et les nuits à méditer dans les déserts et sur les montagnes. St Luc rapporte , que la Vierge méditait sans cesse dans son cœur tout ce qu'elle avait vu et entendu de son Fils. Saint Jean-Baptiste passa toute sa vie dans le désert à cet exercice : plusieurs Anachorètes y ont employé leurs jours. Tous les Saints s'y sont toujours attachés avec beaucoup d'exactitude. St Basile, St Jérôme, St Benoît, St Bernard, St François, St Dominique, St Ignace, St Xavier , et tout ce qu'il y a eu dans le Christianisme de grands Personnages pour la sainteté et pour la Doctrine, en ont fait leur principale étude.
TABLE DES MATIÈRES
1 - DE L'ANNONCIATION DE LA ST VIERGE MARIE
2 - LA VISITATION A SAINTE ÉLISABETH
3 - DE LA NAISSANCE DE JESUS-CHRIST
4 -LA REVELATION DE L'ANGE AUX PASTEURS.
5- LA CIRCONCISION ET L'IMPOSITION DU SACRÉ NOM DE JÉSUS
6 - DES TROIS ROIS MAGES
7 - LA PURIFICATION DE LA SAINTE VIERGE
8- FUITE DE JESUS EN EGYPTE
9- MEURTRE DES SAINTS INNOCENTS
10- JESUS-CHRIST AGÉ DE DOUZE ANS SE RENDIT DANS LE TEMPLE
11 - VIE DE JESUS DEPUIS L'AGE DE DOUZE ANS JUSQU'A L'AGE DE TRENTE
12 - LA PRÉDICATION DE ST JEAN BAPTISTE ET LE BAPTÊME DE JESUS
13 - JÉSUS AU DÉSERT
14- VOCATION DES APÔTRES
15 - LES NOCES DE CANA
16 - ENTRETIEN DE JESUS AVEC NICODÈME
17 - LA SAMARITAINE
18 - DE LA GUÉRISON DU FILS D'UN SEIGNEUR
19 - DE LA BELLE MÈRE DE SIMON PIERRE, QUI FUT GUÉRIE DE LA FIÈVRE
20 – DU PARALYTIQUE QUI FUT GUÉRI PAR JÉSUS
21- VOCATION DE ST MATTHIEU
22 - DE LA FILLE DU PRINCE DE LA SYNAGOGUE, ET DE L'HÉMOROÏSSE
23 - DU PARALYTIQUE AUPRÈS DE LA PISCINE
24 - SERMON DE JESUS-CHRIST SUR LA MONTAGNE.
25 - DE LA LAMPE ALLUMÉE ET MISE SUR LE CHANDELIER.
26 - DE L'AFFECTION POUR SES ENNEMIS
27 - DU LÉPREUX
28 - DU SERVITEUR DU CENTURION.
29 - DU FILS DE LA VEUVE DE NAIM
30 - AMBASSADE A ST JEAN LE BAPTISTE
31 - DE LA TEMPÊTE APAISÉE SUR MER
32- LE DÉMONIAQUE
33 - LA CONVERSION DE MARIE MAGDELEINE
34 - ENVOI DES APÔTRES
35 - DU DOCTEUR DE LA LOI ET DU SAMARITAIN
36 – JESUS ENSEIGNE DANS LA BARQUE DE St PIERRE
37 - DE LA BONNE SEMENCE ET DE LA ZIZANIE
38 - DU DÉMON MUET ET AVEUGLE
39 - DES CINQ PAINS MULTIPLIÉS PAR JÉSUS
40 - MARCHE DE JÉSUS SUR LES EAUX
41 - LA CANANÉENNE
42 - L'HOMME SOURD ET MUET
43 - ACCUEIL A JESUS EN LA MAISON DE MARTHE
44 - DE l`HYDROPIQUE QUI FUT GUÉRI ET DE L'HUMILITÉ
45 - DE LA FEMME SURPRISE EN ADULTÈRE
46 - L'AVEUGLE NÉ
47 – DU BON PASTEUR
48 - LA TRANSFIGURATION DE JÉSUS
49 - DU LUNATIQUE
50 - DE L'ENFANT PRODIGUE
51 - QU'IL FAUT IMITER LES ENFANTS
52 - DU MAUVAIS RICHE ET DU PAUVRE LAZARE
53 - DU RECEVEUR QUI AVAIT MAL SERVI SON MAITRE
54 - DE LA PRIERE, DU MAUVAIS JUGE, ET DU PHARISIEN ET PUBLICAIN
55 - D'UN JEUNE HOMME QUI ÉTAIT RICHE
56 - LES ENFANTS DE ZEBEDÉE
57 - LA RÉSURRECTION DE LAZARE
58 - DE DIX LÉPREUX
59 - AVEUGLES PRÈS DE JÉRICHO
60 - SOUPER DE JÉSUS EN BÉTHANIE
61 – DE ZACHÉE
62 - ENTRÉE DE JÉSUS DANS JÉRUSALEM
63 - LES VENDEURS CHASSÉS HORS DU TEMPLE
64- DU FIGUIER MAUDIT ET SÈCHE.
65 - DU TRIBUT DÛ A CÉSAR
66 - DE LA ROBE NUPTIALE
67 - DU PÈRE DE FAMILLE
68 - DE L'ABOMINATION DE DÉSOLATION
69 - DU DERNIER JUGEMENT
70 - DES DIX VIERGES
71 - DU LAVEMENT DES PIEDS.
72 - INSTITUTION DU TRÈS SAINT SACREMENT
73 - MARCHE DE JÉSUS AU JARDIN DE GETHSÉMANI
74 - DE LA TRAHISON DE JUDAS
75 - DE LA PRISE DE JÉSUS
76 - JÉSUS EST MENÉ DEVANT ANNE LE PONTIFE
77 - RENIEMENTS DE ST PIERRE
78 - JÉSUS EST MENÉ DE CHEZ ANNE, CHEZ CAÏPHE
79 - DU DÉSESPOIR DE JUDAS
80 - JÉSUS EST RENVOYÉ DEVANT PILATE
81 – INTERROGATOIRE DE PILATE
82 - DU RENVOI DE JESUS A HÉRODE
83 - DE BARRABAS PRÉFERÉ A JÉSUS
84 - DU SONGE DE LA FEMME DE PILATE
85 - DE LA FLAGELLATION DE JÉSUS
86 - DU COURONNEMENT DOULOUREUX DE JÉSUS
87 - LA CONDAMNATION DE JÉSUS NOTRE SEIGNEUR
88 - LA CROIX MISE SUR LES ÉPAULES DE L'AIMABLE JÉSUS
89 - DU CRUCIFIEMENT DE JÉSUS
90 - DES MYSTÈRES ARRIVÉES A JÉSUS ÉTANT SUR LA CROIX
91 - DES SEPT PAROLES DE JÉSUS ÉTANT SUR LA CROIX
92 - DES PRODIGES QUI SUIVIRENT LA MORT DE JÉSUS
93 - CONVERSION DU CENTURION
94 - L'OUVERTURE DU CÔTÉ
95- DE LA DESCENTE DU CORPS DE JÉSUS DE DESSUS LA CROIX
96 - DE LA SÉPULTURE DE JÉSUS
97 - DE LA GARDE DU SÉPULCRE DE JÉSUS
98 - DE LA DESCENTE DE JÉSUS DANS LE LYMBE - partie supérieure des Enfers
99 - APPARITION DE JÉSUS AUX FEMMES DÉVOTES
100 - APPARITION DE JÉSUS A MARIE MAGDELEINE
101 - APPARITION DE JÉSUS A DEUX DE SES DISCIPLES
102 - APPARITION DE JÉSUS A SES DISCIPLES
103 - APPARITION A LA ST VIERGE
104 - APPARITION A ST THOMAS
105 - APPARITION DE JÉSUS PRÈS DE LA MER TIBÉRIADE
106 - APPARITION DE JÉSUS SUR LA MONTAGNE
107 - DE LA MISSION DU SAINT ESPRIT
108 - DE LA MORT GLORIEUSE, ET DE L'ASSOMPTION DE LA SACRÉE VIERGE.
Suite des Méditations sur les Évangiles
109 - DES PRODIGES AVANT-COUREURS DU DERNIER JUGEMENT.
110 - DE ST JEAN-BAPTISTE DÉTENU EN PRISON.
111 - PREMIÈRE PRÉDICATION DE ST JEAN-BAPTISTE.
112 - JOSEPH ET MARIE ÉTAIENT DANS L'ADMIRATION.
113- DU GRAIN DE MOUTARDE.
114 - DES OUVRIERS ENVOYÉS A LA VIGNE.
115 - DE LA SEMENCE JETTÉE DANS LA TERRE.
116 - DU JEÛNE ET DU TRESOR QUE L'ON DOIT AMASSER DANS LE CIEL.
117 - LES SCRIBES ET LES PHARISIENS.
118 - JE M'EN VAIS; ET VOUS ME CHERCHEREZ.
119 - LES SCRIBES ET LES PHARISIENS.
120 - MÉDECIN GUÉRISSEZ-VOUS VOUS – MÊME
121 - DE LA CORRECTION FRATERNELLE
122- POURQUOI VOS DISCIPLES NE LAVENT-ILS LEURS MAINS
123 - DES VENDEURS CHASSÉS HORS DU TEMPLE.
124 - DE LA DOCTRINE DE JÉSUS NOTRE MAITRE.
125 - QUE JÉSUS ÉTAIT IMPECCABLE
126 - JE SUIS LA LUMIÈRE DU MONDE.
127 - VOUS ME CHERCHEREZ, ET SI QUELQU'UN A SOIF
128 - JÉSUS ALLAIT EN GALILÉE.
129 - L'ON CÉLÉBRAIT DANS JÉRUSALEM LA FÊTE DE LA DÉDICACE.
130 - DU CONSEIL QUI FUT TENU POUR CONDAMNER JÉSUS.
131 - DU DESSEIN DE FAIRE MOURIR LAZARE
132 - DANS PEU DE TEMPS VOUS NE ME VERREZ PAS.
133 - JE M`EN VAIS VERS CELUI QUI M`A ENVOYÉ
134 - QUE L'ON DOIT PRIER LE PÈRE ÉTERNEL
135 - POUR LA FÊTE DE L'ASCENSION DE JÉSUS.
136 - QUAND LE CONSOLATEUR SERA VENU. POUR LE DIMANCHE après l'Ascension.
137 - SI QUELQU'UN M' AIME, IL GARDERA MA PAROLE
138 - DIEU A TELLEMENT AIMÉ LE MONDE.
139 - JE SUIS LA PORTE.
140 - DU POUVOIR QUI A ÉTÉ DONNÉ A JÉSUS.
141 - SECONDE MEDITATION SUR LE MYSTÈRE INEFFABLE DE LA TRÈS-SAINTE TRINITÉ.
142 - SOYEZ BONS.
143- DU GRAND SOUPER.
144 - DE LA BREBIS ÉGARÉE ET DU DRAGME PERDUE.
145 - DE LA JUSTICE DES PHARISIENS.
146 - DU MIRACLE DES SEPT PAINS
147 - LES FAUX PROPHÈTES.
MEDITATIONS TRES DÉVOTES SUR LA VIE ET PASSION DE NOTRE SEIGNEUR JESUS- CHRIST.
1 - DE L'ANNONCIATION DE LA ST VIERGE MARIE.
L 'Ange Gabriel saluant la sacrée Vierge dans Nazareth , et lui apportant la nouvelle de la conception du Verbe divin dans son humble sein, lui dit : Je vous salue pleine de grâce, ect. Vous concevrez, en votre sein, et vous enfanterez un Fils.
Considérez que l'Ange ne rencontra pas la Sainte Vierge dans quelque lieu beaucoup fréquenté, mais dans sa maison et dans sa chambre, étant attentive à la considération de choses divines: pour vous apprendre que vous devez vous y arrêter chez vous, et vous y appliquer à la prière, si vous voulez jouir de la visite et de la consolation des Anges.
Pensez de quelle clarté cette chambre virginale fut remplie à l'arrivée de l'Ange , et avec quel respect et quelle vénération, il lui fit la révérence, et lui dit : Je vous salue pleine de grâce. Ce qui n'est pourtant pas si étonnant qu'il y ait lieu d'en être surpris : parce que si Dieu a fait quelques grâces particulières aux autres Saints, MARIE en a été si comblée et si remplie , qu'elle en a reçue toute l'abondance : Que si elle en a été remplie avant la conception de Jésus , quel accroissement n'en a t'elle point eu après que ce mystère a été accompli ? Faites réflexion qu'elle est appelée pleine de grâce devant Dieu ; afin que nous fussions instruits de recourir à elle dans nos besoins, comme à notre Patronne , notre Avocate , et notre Médiatrice ; et que nous sachions que de même que nous avons obtenu Jésus par son moyen, nous pouvons aussi impétrer toutes sortes de faveurs par son entremise.
Marie fût surprise de ce discours ; pensait en elle-même ce que se pouvait être que ce salut: et dit enfin à l'Ange : Comment ce que vous dites se pourra-t-il faire , car je ne connais point d'homme?
Considérez que la sacrée Vierge est surprise à l'abord et au discours de l'Ange, et ne vous en étonnez pas ; parce que c'est le propre des chastes et honnêtes Vierges, de trembler à l'approche ou même à la vue d'un homme. Outre qu'elle se réputait indigne d'être louée de cette manière: car les humbles et les Saints conçoivent d'autant plus de confusion que plus on les loue. Elle fut donc surprise, mais elle n'en perdit pas le jugement. Car comme elle était bien prudente et bien avisée, elle commença à penser en elle-même , quel était ce salut, avant que d'y répondre.
Voyez quel était son zèle pour conserver sa chasteté ; car quoi qu'elle ne doutât point que tout ce que Dieu lui promettait par la voix de l'Ange, serait infailliblement accompli, n'en sachant pas néanmoins la manière , elle se met en peine et: lui demande comment il se pourra faire qu'elle devienne mère sans préjudice de la Virginité qu'elle avait vouée : Jusque-là qu'elle ne donna point son consentement d'être élevée à la dignité de Mère de Dieu, qu'elle ne fut assurée qu'elle demeurerait Vierge, et que cette sublime qualité serait jointe à celle de la divine maternité.
L'Ange lui répondit: Le Saint Esprit surviendra en vous et Marie lui dit alors: Voici la servante du Seigneur ; qu'il me soit fait selon votre volonté.
Considérez la très-sainte Trinité comme présente à l'entretien de l'Ange avec la sacrée Vierge ; attendant la réponse de sa fille bien aimée, observant avec attention les paroles d'humilité qu'elle devait prononcer. En effet aussitôt après que l'Ange l'eut assurée de la conservation de sa Virginité , fléchissant les genoux et levant les mains et les yeux vers le Ciel , avec une soumission profonde et la larme à l'œil ; Voici , dit-elle , la servante du Seigneur , qu'il me soit fait selon votre parole : Pour vous apprendre à ne pas différer quand vous êtes appelé de Dieu , et quand après en avoir murement délibéré , vous reconnaissez que c'est une vocation Divine.
Considérez que la St Vierge nous propose ici quatre grandes vertus à imiter : 1 . Une prompte obéissance dans une chose qui a de la difficulté. 2. Une humilité profonde étant élue pour être la Mère de Dieu. 3. Une charité ardente et un zèle embrasé pour le salut du prochain. 4. Et une foi inébranlable, car elle croyait indubitablement que la promesse de l'Ange serait accomplie. En effet aussitôt après avoir dit : Qu'il me soit fait selon votre parole, elle conçoit un Dieu-homme dans son sein.
2 - LA VISITATION A SAINTE ÉLISABETH
Peu de temps après Marie s'en alla promptement au Pays des montagnes de Judée, entra dans la maison de Zacharie , et salua Élisabeth.
Considérez l'ardente charité de Marie , qui aussitôt qu'elle a conçu Jésus dans son sein, quoi qu'elle eut coutume de demeurer seule dans sa maison et n'est point détournée ni par la tendresse de son âge , ni par sa pudeur virginale, ni par la difficulté du chemin des montagnes, de rendre visite à la Cousine Élisabeth.
Remarquez sa profonde humilité , en ce qu'étant devenue la Mère de Dieu , et par conséquent la plus digne de toutes les pures créatures , à qui l'on témoignait les respects et sa vénération par des visites , elle se résout volontiers d'aller en rendre et offrir son service à sa cousine Élisabeth qui lui était beaucoup inférieure. Voyez sa diligence et son ardeur à faire ce chemin , car elle franchit les montagnes avec un saint empressement , car comme dit saint Ambroise, la grâce du St Esprit ne sait ce que c`est que d'agir lentement.
Aussitôt qu`Élizabeth eut entendu ce que lui dit Marie en la saluant l'enfant qu'elle portait tressaillait dans son ventre, et étant remplie du St Esprit elle s'écria : Vous êtes bénie entre toutes les femmes : Et d'où me vient cet honneur , que la Mère de mon Dieu me vienne trouver ?
Considérez combien ceux à qui Marie fait la grâce de les visiter, sont heureux; puisque saint Jean étant encore dans les flancs de sa mère , et sainte Elizabeth sa mère furent remplis du saint Esprit par sa présence ; de sorte que ce saint Enfant avantagé par avance et par privilège de l'usage de la raison , fit ses efforts pour sortir du lieu où il était enfermé , afin de voir le petit Jésus , et sa sainte Mère.
Pensez avec quelle tendresse et avec quelle joie sainte Élisabeth se porta à embrasser la sacrée Vierge ; et avec quel sentiment elle lui dit : Béni soit l'arbre , et béni soit le fruit qui en est provenu. Comment ai-je pu mériter que vous qui êtes la Mère de Dieu , me fissiez l'honneur de me venir voir , étant bien plus obligée comme votre servante et votre esclave , de vous rendre ce devoir ? Mais votre profonde humilité a voulu me prévenir, comme celle de votre divin Fils préviendra le mien quand il lui demandera le baptême.
Considérez ce que nous devons dire, nous qui sommes remplis de péchés , lorsque le Fils de Dieu entre tant de fois dans la maison de notre âme en la sainte Eucharistie , si sainte Elizabeth s'écria à l'arrivée de la sacrée Vierge: D’où me vient cet honneur?
Marie lui dit alors : Mon âme magnifie le Seigneur, ect. Elle demeura avec elle près de trois mois, et s'en retourna après en sa maison.
Considérez quelle pudeur couvrit le visage de la sacrée Vierge lors qu'elle entendit de tels éloges de sa grandeur et de sa dignité, comme elle s'humilia d'autant plus, et comme enfin ne pouvant retenir son sentiment intérieur , elle en rapporta toute la gloire à Dieu , lors qu'elle dit: Mon âme magnifie le Seigneur , de qui proviennent toutes les faveurs et toutes les grâces, dont il m'a comblée. Ma présence a fait à la vérité tressaillir l'enfant qui est dans vos entrailles, mais mon esprit a conçu une joie ineffable en Dieu qui est mon Sauveur.
Pensez quelle fut l`allégresse de ces deux bienheureuses et saintes Mères ; quelles furent les louanges et les remerciements qu'elles rendirent à Dieu de leurs conceptions si extraordinaires et si miraculeuses : avec quelle affection et quel zèle la sacrée Vierge s'employa pendant ces trois mois au ministère même des servantes , comme elles se mettaient en peine de se prévenir l'une l'autre par amour et par humilité.
O mon âme ! Si tu avais peu accompagner Marie sur ces montagnes si élevées , s'il t'avait été permis d'être présente aux doux embrassements de ces deux saintes Mères , et d'entendre les premières civilités de leur entrevue ! Sans doute que conjointement avec la sacrée Vierge tu te fusse écriée : Je magnifie le Seigneur. Mais maintenant qu'avec ton corps tu ne peux pas jouir de ce bonheur inconcevable, prosterne-toi par la pensée aux pieds tantôt de l'une et tantôt de l'autre ; et adore l'Époux dans le sein de la sacrée Vierge.
3 - DE LA NAISSANCE DE JESUS-CHRIST.
La bienheureuse et sacrée Marie part de Nazareth pour aller à Bethléem avec Joseph son Époux. Joseph aussi d'autre part descendit de Galilée, et alla à Bethléem pour se faire enregistrer avec Marie , qui était sa femme épousée, grosse sur le point de faire ses couches.
Considérez l’obéissance et l'humilité de Joseph et de Marie : car Marie étant Mère du Roi des Rois, ne dédaigne pas d'obéir à un Roi de la terre, et Gentil (un non juif) , quoi qu'avec un danger si manifeste , sachant bien qu'elle était prés de faire ses couches. Admirez ensuite leur peine à souffrir les fatigues d'un long voyage, et pensez combien leurs entretiens étaient remplis de piété.
Considérez qu'ils partent de Galilée qui veut dire vicissitude , pour aller à Bethléem , qui signifie maison de pain , pour se faire enregistrer dans le livre de la famille de David ( descendance du Roi David, roi d`Israël vers 950 av J.C) et de là vous apprendrez qu'après avoir abandonné les plaisirs passagers et changeants de ce monde , vous devez souvent aller à la Table du Pain de vie , qui est descendu du Ciel , afin que votre nom soit enregistré dans le livre où sont écrits les noms de tous les Saints.
Ou il arriva qu` étant en ce pays elle fut au terme de son accouchement, et qu'elle ne pouvait trouver de place dans aucune hôtellerie.
Considérez de quelle façon saint Joseph étant entré sur le soir dans Bethléem , cherche partout un lieu pour se retirer et prendre du repos : et de quelle angoisse il est saisi quand il n'en trouve point , et qu'il se voit rebuté des uns et des autres. Jetez les yeux sur la sacrée Vierge, qui va tantôt deçà, tantôt delà, et s'égare pendant l'obscurité de la nuit; contrainte de se reposer sur quelque pierre , et d'attendre avec douleur si quelqu'un ne fera point ému de compassion , la voyant en un état si pitoyable.
Contemplez comme après avoir parcouru toutes les rues et les coins les plus écartés , ils se trouvent enfin obligés de se retirer dans une étable demi ruinée , ou plutôt dans une caverne obscure , où les pauvres gens avaient coutume de loger leur bétail pendant la nuit. Pensez enfin que la sacrée Vierge y étant entrée , connut bien que ce lieu était le Paradis préparé au second Adam ; que c'était le Palais Royal bâti pour la Naissance de Jésus Christ, et le Trône d'où le véritable Salomon devait enseigner la véritable sagesse fondée sur l'humilité et la pauvreté.
Et elle enfanta son Fils premier né , elle l'enveloppa de langes , et le coucha dans la Crèche .
Considérez que la sacrée Vierge après avoir passé une bonne partie de la nuit en prières et en ardents soupirs lancés vers le Ciel , étant enfin absorbée dans l'admiration de la sagesse de Dieu , et comme extasiée dans une joie inconcevable, mit au monde l'Enfant Jésus, sortie de ses très-pures et très-chastes entrailles, sans aucune douleur , et sans lésion de sa virginité.
Considérez de quelle lumière brilla cette Étable , sitôt que ce divin Enfant parut sur la terre , quelle harmonie des Anges y ravit les oreilles ; quelle joie en conçurent la sacrée
Vierge et saint Joseph ; comme en quelque façon à l'envi l'un de l'autre , ils s'empressaient à lui donner des baisers ; de quelles œillades ce divin Enfant récompensa leurs caresses et les empressements amoureux de la sacrée Vierge à lui rendre les devoirs d'une bonne Mère , l'enveloppant de pauvres langes, le pressant sur son sein, et le nourrissant de son lait très pur.
Considérez que ce divin Enfant est couché, non pas sur un oreiller bien mollet , ni sur aucune chose précieuse , mais dans une Crèche vile , dure et froide : et que Dieu ne permet toutes ces choses si surprenantes , que pour confondre la sagesse du monde , et pour faire voir que tout ce qui est admirable aux yeux des hommes , n'est pas un bien véritable.
4 - LA REVELATION DE L'ANGE AUX PASTEURS.
La Naissance de Jésus est révélée aux bergers par un Ange, Je vous apporte, leur dit-il , la nouvelle d'une grande joie, qui est qu'un Sauveur vous est né aujourd`hui.
Considérez que l'Ange du Seigneur après en avoir obtenu la permission de l'Enfant Jésus, ne s'adresse pas aux Rois ni aux Savants ,mais à de simples gens, à des Pasteurs qui gardaient soigneusement leurs troupeaux , et qui avaient mérité cette grâce par leur humilité et par leur vigilance. Car comme dit le Sage : Dieu se plait à converser avec les personnes simples. Et Dieu dit lui-même : Celui qui m'aura invoqué dès le matin, me trouvera.
Remarquez que Jésus-Christ qui est le Souverain Pasteur , éclaire de la lumière les Supérieurs et les Pasteurs des autres, avant ceux qui leur sont sujets , afin que ceux-ci se laissent plus volontiers conduire , principalement dans la nuit ; c'est à dire quand il est question de grandes difficultés de la foi et des mœurs.
Observez que l'Ange dit à ces Pasteurs: Un Sauveur vous est né; car un Enfant est né pour nous, dit le prophète Isaïe, et un Fils nous a été donné. De quel don plus précieux pouvions nous être enrichis et honorés ?
Et voici l'assurance que vous pouvez, en avoir. Vous trouverez, un Enfant enveloppé de langes, et couché dans une Crèche.
Considérez quelle marque donne l`Ange pour savoir si Jésus-Christ est dans notre cœur; il faut savoir : 1. Si comme des enfants, nous sommes exempts de péché et de tromperie. 2. Si nous nous contentons de ce qui suffit pour nous vêtir, et pour vivre sans superfluité. 3. Si nous ne fuyons point les austérités.
Considérez la grandeur de la joie dont ces Pasteurs furent remplis à cette nouvelle, et avec quel empressement ils allèrent à Bethléem après avoir abandonné leurs Brebis : combien humblement ils adorèrent Jésus-Christ ; avec quelle piété ils baisèrent ses mains et ses pieds et les présents qu'ils lui offrirent selon leur état , et avec quel agrément et quel sourire dont son bas âge pouvait être capable, ce divin Enfant témoigna qu'il avait agréable la visite de ces bonnes gens , et qu'il se plaisait en leur conversation. O heureux Pasteurs à qui il a été permis de voir ce que tant de Rois , et tant de Prophètes ont désiré de voir , et n'ont point vu?
Aussitôt l'Ange fut accompagné d'armées célestes qui louaient Dieu et disaient ; Gloire à Dieu dans les lieux élevés; et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté.
Considérez qu'il ne pouvait y avoir rien de plus glorieux dans un lieu si méprisable, que des Anges qui chantaient le triomphe de Jésus-Christ , et y faisaient résonner l'air de leur harmonie. Que si vous pensez à la qualité de la personne de cet Enfant , qui parait si pauvre , et qui est pourtant le Fils du Très-haut, vous connaitrez facilement qu'il mérite la vénération de toutes les créatures : mais si vous considérez la cause de cet abaissement qui n'est autre que nos péchés , vous ne vous en étonnerez plus; car c'est par son moyen, et par celui d'une humiliation encore plus profonde , et qui a duré jusques à la mort de la Croix, que nous avons été réconcilié avec Dieu , et que la paix éternelle a été accordée aux hommes de bonne volonté , c'est à dire à ceux qui sont tout prêts de conformer leurs sentiments aux ordres de Dieu (10 commandements – Lois divines),et de les exécuter avec obéissance.
Considérez avec quelle allégresse les Anges retournèrent dans le Ciel , comme ils remplirent toute la céleste Jérusalem d'une nouvelle si agréablement surprenante: et enfin comme l'âme de la sacrée Vierge , ayant remarqué et entendu toutes ces choses , fut absorbée dans une joie inconcevable.
Dernière édition par MichelT le Lun 17 Déc 2018 - 18:13, édité 141 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
5- LA CIRCONCISION ET L'IMPOSITION DU SACRÉ NOM DE JÉSUS
L 'Enfant Jésus fut circoncis. (Luc 2.)
Considérez la profonde humilité de Jésus Christ, en ce qu'il a bien voulu passer pour pécheur , quoi qu'il ne le fut point , et ne peut l`être (car la circoncision était établie pour effacer le péché originel ) et que nous ne voulons pas être tenus pour tels , quoi que nous ne le soyons que trop véritablement.
Considérez son obéissance à subir une Loi qui ne l'obligeait point : car il était le Seigneur de tout le monde , et était venu pour abolir cette même Loi.
Considérez sa charité , qui parait en ce qu'il a sitôt commencé à répandre son sang. En quoi il nous a donné l'exemple , pour nous obliger à circoncire nos passions déréglées, principalement celles qui sont contraires à la chasteté, et à éviter les moindres occasions du péché , quoi que cela ne se puisse faire sans travail , et sans douleur.
Il fut nommé Jésus , qui est le nom qui avait été prononcé par l' Ange avant sa Conception dans les entrailles sacrées de Marie.
Considérez pourquoi il est nommé Jésus, qui veut dire Sauveur, vu qu'il souffre d'être circoncis , comme s'il avait besoin de faire son salut. C'est sans doute sa charité embrasée pour les hommes qui l'a obligé à nous procurer un si grand avantage par son incommodité, et à nous délivrer de douleur, et procurer notre salut par l'effusion de son Sang. Il n`a pas aussi voulu porter ce nom sans sujet, quoi que Dieu en fut l`Auteur , et que l'Ange en eut été le Héraut, mais il l'a voulu mériter par son travail et par sa Passion. C'est ce qui fait dire à l'Apôtre : Pour cela Dieu l`a élevé, et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout autre nom.
Pensez donc combien ce nom est adorable, car le Ciel (Purgatoire, Anges, Paradis), la Terre, et les Enfers lui rendent leurs respect en fléchissant le genou; aussi est-ce le nom du Fils de Dieu en tant qu'il est homme. Pensez encore combien il est aimable et utile au salut : car quiconque invoquera le nom du Seigneur, dit le Prophète Joël, sera sauvé.
Considérez et concluez que vous n'êtes pas des domestiques de Jésus, si vous ne vous efforcez de devenir le sauveur des autres, par votre travail et par vos souffrances.
L'enfant Jésus fut rendu à sa Mère qui était touchée de compassion après lui avoir vu répandre son sang.
Considérez premièrement que l'Enfant Jésus jeta des larmes en sa Circoncision , non pas tant à cause de ce qu'il souffrait , qu'à cause du sujet qui le faisait souffrir ; c'est à dire , à cause de vos péchés , et qu'il jeta ses petits yeux sur sa sainte Mère, pour tirer quelque consolation de ses regards au milieu de ses douleurs.
Pensez de quelle angoisse fut saisie le cœur de Marie, lors qu'elle vit les larmes qui tombaient des yeux de son cher Enfant , et le sang qui coulait de sa plaie ; combien elle jeta de soupirs , et comme elle s'écria plutôt de cœur que de vive voix : O mon doux Jésus , qu'est-ce que cela ? je vous ai vu il n'y a pas huit jours pleurant et tremblant dans une Crèche, et aujourd'hui je vous voit répandre votre sang pour mon salut ! O combien votre amour prend-il d'accroissement de jour en jour !
6 - DES TROIS ROIS MAGES.
Les Rois Mages vinrent adorer l'Enfant Jésus et y furent conduits par une Étoile, dont ils rendirent témoignage en ces termes : Nous avons vu son étoile en l'Orient , et nous sommes venus l'adorer.
Considérez le grand amour de l'Enfant Jésus, qui invite tous les hommes à faire leur salut : les bergers des lieux voisins , gens pauvres , par un Ange : les riches et les nobles par une Etoile. Les premiers tirés de la nation des Juifs ; les autres du parti des Gentils ( les non Juifs) ; et les uns et les autres appelés par des moyens qui avaient du rapport à leur état , comme les Mages qui étaient versés dans l'Astrologie par l'apparition d'une Étoile.
Considérez l'obéissance des Mages , qui se laissent persuader par un indice si faible et si peu convaincant, et qui osent hardiment s'enquérir jusques dans Jérusalem , au vu et au su du roi Hérode : Ou est né le Roi des Juifs ? Voyez avec quelle allégresse il font leur voyage , et quelles actions de grâces ils rendent à sa divine Majesté. Pesez enfin si à votre égard vous seriez aussi prêt d'obéir à une inspiration divine.
S'étant prosterné à terre, ils l'adorèrent, et ayant ouvert leurs trésors, il lui présentèrent de l'Or , de l'Encens et de la Myrrhe.
Considérez, que les Mages prosternés par terre ,et en posture de suppliants , adorent Jésus-Christ avant que de lui faire aucun présent; qu'ils lui font d'abord l'offrande de leurs corps et de leurs âmes , qui était bien la plus agréable qu'ils lui pussent faire , et que l`on puisse concevoir. En effet, ce fut ainsi que Dieu jeta premièrement les yeux sur Abel , et après sur les présents. Faites-en de même, et commencez par offrir à Dieu votre cœur et votre volonté, et puis vous lui présenterez le fruit de vos bonnes œuvres.
Considérez que les Mages offrirent à Jésus-Christ de l'Or comme à un Roi; de l'Encens comme à un Dieu ; et de la Myrrhe , comme à un homme sujet à la mort. Ainsi de votre
part offrez-lui l'or de la Charité , en l'aimant plus que toutes choses ; l'encens de la dévotion , rapportant toutes vos actions à son honneur et à sa gloire ; et enfin la myrrhe de la mortification, en donnant un frein à vos appétits déréglés.
Que si vous êtes Religieux, offrez à l'Enfant Jésus l'or de votre vœu de pauvreté , renonçant à toute propriété ; l'encens de celui de chasteté , en lui consacrant votre corps ; et la myrrhe de l'obéissance , en soumettant votre volonté à celle de votre Supérieur. Considérez de quelle consolation cet aimable Enfant, combla le cœur de ces Rois , en leur donnant la bénédiction , leur présentant ses petites mains et ses pieds pour les baiser et enfin quelle était la joie et le sentiment de la sacrée Vierge et de saint Joseph en ce rencontre.
Leur ayant été révélé en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils s' en allèrent en leur pays par un autre chemin.
Considérez que les Mages après avoir été une d'une telle libéralité envers Jésus , et lui avoir offert leurs propres personnes et leurs trésors , sans rien diminuer de leur foi, quoi qu'ils virent tant de pauvreté, dans ses parents ; sont récompensés d'une nouvelle grâce accompagnée de miracle, car ils sont avertis de ne point retourner vers Hérode , c'est à dire de se donner de garde d'encourir quelque dommage de la conversation avec des méchants. D'où vous devez inférer que quand vous vous serez offert à Dieu , et que vous lui aurez fait présent de tout ce qui dépend de vous , il ne vous abandonnera jamais , et ne souffrira pas que vous vous engagiez dans le monde , qui est tout rempli de corruption , mais qu'il fera plutôt que vous retourniez dans votre pays, qui est le Ciel.
7 - LA PURIFICATION DE LA SAINTE VIERGE.
St-Joseph et la sainte Vierge menèrent l'enfant Jésus au Temple pour l'offrir à Dieu, comme un premier né ; en faisant aussi l'offrande de deux Tourterelles ou de deux Pigeonneaux.
Considérez que l'enfant Jésus croissant en âge croit aussi en humilité: car il était né pauvre , il avait été circoncis comme un pécheur; et aujourd'hui il est présenté comme un pauvre, qui devait être racheté pour cinq sicles. Voyez quelle était la pauvreté de ses parents, qui n'ayant pas le moyen d'acheter ou d'offrir un Agneau, présentèrent seulement un couple de Pigeons. Mais ne vous persuadez pas que cela ait été sans mystère : car la vérité a dû être préférée à l'ombre et à la figure. En effet ce divin enfant était l'Agneau qui porte les péchés du monde, et qui dès lors s'offrait à Dieu pour notre salut , étant tout disposé à souffrir quand le temps en serait arrivé.
Pensez à ce que représentent ces deux Pigeonneaux. Ils figurent sans doute que ceux qui se présentent à Dieu doivent être simples , exempts de tromperie , embrasés de charité car l'une des principales propriétés de ces animaux est d'être sociables et fertiles en bonnes œuvres , de même que les Colombes sont naturellement fécondes.
Siméon venant à l'heure même dans le Temple, prit Jésus entre ses bras : il bénit Dieu, et dit: Maintenant Seigneur, vous laissez votre serviteur en paix , conformément à votre parole.
Considérez avec quel respect ce saint vieillard reçut l'enfant Jésus d'entre les bras de sa sainte Mère au milieu du Temple : avec quelle dévotion il le baisa et le serra contre lui ,
combien il versa de larmes de joie tenant entre ses mains ce précieux trésor qu'il espérait et attendait depuis si longtemps , quels éloges il lui donna; et qu'enfin après l'avoir vu il était tout disposé à mourir. En effet quiconque aime Jésus , méprise facilement cette vie, et tout ce qui est temporel.
Considérez par le moyen de quelles vertus saint Siméon a mérité de voir et de recevoir Jésus entre ses bras. 1. Sans doute parce qu'il avait le St Esprit ; et que par son mouvement il était venu dans le Temple. 2. Parce qu'il était juste ; c'est à dire affranchi de tout péché, et orné de toutes sortes de vertus. 3. Parce qu'il craignait Dieu d'une crainte filiale, qui l'empêchait de pécher, à cause qu'il le croyait et le considérait présent à toutes ses actions : 4. Parce qu'il attendait la consolation d'Israël , c'est à dire la venue de Jésus : car Dieu ne peut être éloigné de ceux qui l'attendent avec un grand zèle et un grand désir. Faites donc aussi vos efforts pour acquérir ces vertus, si vous voulez recevoir Jésus, non pas entre vos bras, mais dans votre bouche et dans votre cœur au Sacrement de la sainte Eucharistie , avec l'avantage et l'utilité que vous en pouvez espérer.
Anne la Prophétesse étant survenue, louait Dieu et parlait de lui à tous ceux qui attendaient la rédemption d'Israël.
Considérez que Dieu n'a point d'égard ni à la qualité, ni au sexe, ni à l'âge , ni à la condition des personnes , mais seulement à leur vertu et à leur piété.
Considérez que l'exemple de deux personnes qui avaient atteint l'âge de la vieillesse est ici proposé , pour vous apprendre que pour être digne de recevoir Jésus et de se le conserver à jamais , il faut persévérer dans la piété jusques à la mort. Voyez quelles vertus ont été pratiquées par cette sainte femme pour mériter de voir Jésus. 1. Elle avait conservé sa chasteté pendant près de vingt ans. 2. Elle ne bougeait du Temple : 3. Elle y priait jour et nuit : 4. Elle affligeait son corps par des jeûnes et par d'autres austérités. 5. Enfin elle publiait les louanges de Jésus à tous venants.
8- FUITE DE JESUS EN ÉGYPTE
Un Ange dit en songe à Joseph : Levez-vous, prenez l'Enfant et sa Mère, et fuyez en Égypte.
Considérez que Jésus dès le commencement de sa vie a souffert des déplaisirs et des persécutions: pour vous apprendre que si vous voulez être son Disciple , vous devez être préparé à la tentation et que vous l’êtes véritablement lors que vous la souffrez en effet, comme disait saint Ignace de Loyola. Outre que l'Apôtre nous enseigne que tous ceux qui veulent vivre avec piété en Jésus-Christ, souffriront de la persécution.
Qui se levant prit l'Enfant et la Mère pendant la nuit, et se retira en Égypte.
Considérez la prompte obéissance de Joseph qui aussitôt , quoi qu'il fût nuit , se leva , et fit part à la sainte Vierge de la révélation qu'il avait eue. Pensez quelle fut la surprise et l'émotion de cette sainte Mère, comme elle se mit en état de partir, tant elle était obéissante; et figurez-vous comme elle éveilla l'enfant Jésus, comme elle eut compassion de ses larmes , et prit cette nouvelle et ce voyage pour le commencement des douleurs que saint Siméon lui avait prédites.
Considérez avec quelle confiance en Dieu ces deux saintes personnes entreprirent d'aller en cet exil ; car elles s'étaient entièrement dévouées à son bon plaisir; et comme ayant chargé leur âne de quelques pains , de pauvres langes elles se mirent en chemin.
Voyez si vous n'êtes point touché du désir de leur faire compagnie , et de prier la sainte. Vierge qu'elle vous oblige tant que de vous permettre de prendre son Fils entre vos bras et de la soulager en le portant ; et pensez , vous qui avez tant d'aversion pour le travail , et qui aimez tant le repos , avec quelle fatigue elle a fait un si long et si pénible voyage , étant toujours chargée ; quoi que du trésor le plus précieux que l'on puisse concevoir.
Et il séjourna en ce pays jusqu`à la mort d'Hérode, afin que la Prophétie qui dit: J'ai rappelé mon fils de l`Égypte, fût accomplie.
Considérez que la sainte Vierge étant arrivée en Égypte, n'y trouva pas ou un Palais Royal digne de la grandeur et de la Majesté du Fils de Dieu, ou même ce qui était nécessaire pour prendre du repos et le remettre de tant de fatigues et de tant de lassitudes. Car si dans Bethléem entre ses concitoyens elle ne pût rencontrer qu'une vieille étable et une crèche, pour, coucher son Jésus, qu'aurait-elle trouvé de plus commode chez des barbares et des infidèles ?
Comme donc elle était pauvre et étrangère, il est à croire qu'elle fut obligée de le retirer dans quelque pauvre lieu , et que là ils furent contraints elle et St Joseph de gagner leur vie du travail de leurs mains. Pensez avec quel soin elle éleva son Fils pendant les sept années de son exil , avec quel respect et quelle circonspection elle le touchait, sachant qu'il était son Seigneur , et son Dieu avec quelles tendresse d'amour , de piété et de dévotion , les genoux en terre elle le levait et le couchait dans son berceau. Pensez enfin quelle fut sa joie et son contentement , de même que celui de saint Joseph , quand ils le virent un peu avancé en âge , faisant sa premières démarches dans la maison qu'ils l'entendirent discourir de choses saintes et divines.
L 'Enfant Jésus fut circoncis. (Luc 2.)
Considérez la profonde humilité de Jésus Christ, en ce qu'il a bien voulu passer pour pécheur , quoi qu'il ne le fut point , et ne peut l`être (car la circoncision était établie pour effacer le péché originel ) et que nous ne voulons pas être tenus pour tels , quoi que nous ne le soyons que trop véritablement.
Considérez son obéissance à subir une Loi qui ne l'obligeait point : car il était le Seigneur de tout le monde , et était venu pour abolir cette même Loi.
Considérez sa charité , qui parait en ce qu'il a sitôt commencé à répandre son sang. En quoi il nous a donné l'exemple , pour nous obliger à circoncire nos passions déréglées, principalement celles qui sont contraires à la chasteté, et à éviter les moindres occasions du péché , quoi que cela ne se puisse faire sans travail , et sans douleur.
Il fut nommé Jésus , qui est le nom qui avait été prononcé par l' Ange avant sa Conception dans les entrailles sacrées de Marie.
Considérez pourquoi il est nommé Jésus, qui veut dire Sauveur, vu qu'il souffre d'être circoncis , comme s'il avait besoin de faire son salut. C'est sans doute sa charité embrasée pour les hommes qui l'a obligé à nous procurer un si grand avantage par son incommodité, et à nous délivrer de douleur, et procurer notre salut par l'effusion de son Sang. Il n`a pas aussi voulu porter ce nom sans sujet, quoi que Dieu en fut l`Auteur , et que l'Ange en eut été le Héraut, mais il l'a voulu mériter par son travail et par sa Passion. C'est ce qui fait dire à l'Apôtre : Pour cela Dieu l`a élevé, et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout autre nom.
Pensez donc combien ce nom est adorable, car le Ciel (Purgatoire, Anges, Paradis), la Terre, et les Enfers lui rendent leurs respect en fléchissant le genou; aussi est-ce le nom du Fils de Dieu en tant qu'il est homme. Pensez encore combien il est aimable et utile au salut : car quiconque invoquera le nom du Seigneur, dit le Prophète Joël, sera sauvé.
Considérez et concluez que vous n'êtes pas des domestiques de Jésus, si vous ne vous efforcez de devenir le sauveur des autres, par votre travail et par vos souffrances.
L'enfant Jésus fut rendu à sa Mère qui était touchée de compassion après lui avoir vu répandre son sang.
Considérez premièrement que l'Enfant Jésus jeta des larmes en sa Circoncision , non pas tant à cause de ce qu'il souffrait , qu'à cause du sujet qui le faisait souffrir ; c'est à dire , à cause de vos péchés , et qu'il jeta ses petits yeux sur sa sainte Mère, pour tirer quelque consolation de ses regards au milieu de ses douleurs.
Pensez de quelle angoisse fut saisie le cœur de Marie, lors qu'elle vit les larmes qui tombaient des yeux de son cher Enfant , et le sang qui coulait de sa plaie ; combien elle jeta de soupirs , et comme elle s'écria plutôt de cœur que de vive voix : O mon doux Jésus , qu'est-ce que cela ? je vous ai vu il n'y a pas huit jours pleurant et tremblant dans une Crèche, et aujourd'hui je vous voit répandre votre sang pour mon salut ! O combien votre amour prend-il d'accroissement de jour en jour !
6 - DES TROIS ROIS MAGES.
Les Rois Mages vinrent adorer l'Enfant Jésus et y furent conduits par une Étoile, dont ils rendirent témoignage en ces termes : Nous avons vu son étoile en l'Orient , et nous sommes venus l'adorer.
Considérez le grand amour de l'Enfant Jésus, qui invite tous les hommes à faire leur salut : les bergers des lieux voisins , gens pauvres , par un Ange : les riches et les nobles par une Etoile. Les premiers tirés de la nation des Juifs ; les autres du parti des Gentils ( les non Juifs) ; et les uns et les autres appelés par des moyens qui avaient du rapport à leur état , comme les Mages qui étaient versés dans l'Astrologie par l'apparition d'une Étoile.
Considérez l'obéissance des Mages , qui se laissent persuader par un indice si faible et si peu convaincant, et qui osent hardiment s'enquérir jusques dans Jérusalem , au vu et au su du roi Hérode : Ou est né le Roi des Juifs ? Voyez avec quelle allégresse il font leur voyage , et quelles actions de grâces ils rendent à sa divine Majesté. Pesez enfin si à votre égard vous seriez aussi prêt d'obéir à une inspiration divine.
S'étant prosterné à terre, ils l'adorèrent, et ayant ouvert leurs trésors, il lui présentèrent de l'Or , de l'Encens et de la Myrrhe.
Considérez, que les Mages prosternés par terre ,et en posture de suppliants , adorent Jésus-Christ avant que de lui faire aucun présent; qu'ils lui font d'abord l'offrande de leurs corps et de leurs âmes , qui était bien la plus agréable qu'ils lui pussent faire , et que l`on puisse concevoir. En effet, ce fut ainsi que Dieu jeta premièrement les yeux sur Abel , et après sur les présents. Faites-en de même, et commencez par offrir à Dieu votre cœur et votre volonté, et puis vous lui présenterez le fruit de vos bonnes œuvres.
Considérez que les Mages offrirent à Jésus-Christ de l'Or comme à un Roi; de l'Encens comme à un Dieu ; et de la Myrrhe , comme à un homme sujet à la mort. Ainsi de votre
part offrez-lui l'or de la Charité , en l'aimant plus que toutes choses ; l'encens de la dévotion , rapportant toutes vos actions à son honneur et à sa gloire ; et enfin la myrrhe de la mortification, en donnant un frein à vos appétits déréglés.
Que si vous êtes Religieux, offrez à l'Enfant Jésus l'or de votre vœu de pauvreté , renonçant à toute propriété ; l'encens de celui de chasteté , en lui consacrant votre corps ; et la myrrhe de l'obéissance , en soumettant votre volonté à celle de votre Supérieur. Considérez de quelle consolation cet aimable Enfant, combla le cœur de ces Rois , en leur donnant la bénédiction , leur présentant ses petites mains et ses pieds pour les baiser et enfin quelle était la joie et le sentiment de la sacrée Vierge et de saint Joseph en ce rencontre.
Leur ayant été révélé en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils s' en allèrent en leur pays par un autre chemin.
Considérez que les Mages après avoir été une d'une telle libéralité envers Jésus , et lui avoir offert leurs propres personnes et leurs trésors , sans rien diminuer de leur foi, quoi qu'ils virent tant de pauvreté, dans ses parents ; sont récompensés d'une nouvelle grâce accompagnée de miracle, car ils sont avertis de ne point retourner vers Hérode , c'est à dire de se donner de garde d'encourir quelque dommage de la conversation avec des méchants. D'où vous devez inférer que quand vous vous serez offert à Dieu , et que vous lui aurez fait présent de tout ce qui dépend de vous , il ne vous abandonnera jamais , et ne souffrira pas que vous vous engagiez dans le monde , qui est tout rempli de corruption , mais qu'il fera plutôt que vous retourniez dans votre pays, qui est le Ciel.
7 - LA PURIFICATION DE LA SAINTE VIERGE.
St-Joseph et la sainte Vierge menèrent l'enfant Jésus au Temple pour l'offrir à Dieu, comme un premier né ; en faisant aussi l'offrande de deux Tourterelles ou de deux Pigeonneaux.
Considérez que l'enfant Jésus croissant en âge croit aussi en humilité: car il était né pauvre , il avait été circoncis comme un pécheur; et aujourd'hui il est présenté comme un pauvre, qui devait être racheté pour cinq sicles. Voyez quelle était la pauvreté de ses parents, qui n'ayant pas le moyen d'acheter ou d'offrir un Agneau, présentèrent seulement un couple de Pigeons. Mais ne vous persuadez pas que cela ait été sans mystère : car la vérité a dû être préférée à l'ombre et à la figure. En effet ce divin enfant était l'Agneau qui porte les péchés du monde, et qui dès lors s'offrait à Dieu pour notre salut , étant tout disposé à souffrir quand le temps en serait arrivé.
Pensez à ce que représentent ces deux Pigeonneaux. Ils figurent sans doute que ceux qui se présentent à Dieu doivent être simples , exempts de tromperie , embrasés de charité car l'une des principales propriétés de ces animaux est d'être sociables et fertiles en bonnes œuvres , de même que les Colombes sont naturellement fécondes.
Siméon venant à l'heure même dans le Temple, prit Jésus entre ses bras : il bénit Dieu, et dit: Maintenant Seigneur, vous laissez votre serviteur en paix , conformément à votre parole.
Considérez avec quel respect ce saint vieillard reçut l'enfant Jésus d'entre les bras de sa sainte Mère au milieu du Temple : avec quelle dévotion il le baisa et le serra contre lui ,
combien il versa de larmes de joie tenant entre ses mains ce précieux trésor qu'il espérait et attendait depuis si longtemps , quels éloges il lui donna; et qu'enfin après l'avoir vu il était tout disposé à mourir. En effet quiconque aime Jésus , méprise facilement cette vie, et tout ce qui est temporel.
Considérez par le moyen de quelles vertus saint Siméon a mérité de voir et de recevoir Jésus entre ses bras. 1. Sans doute parce qu'il avait le St Esprit ; et que par son mouvement il était venu dans le Temple. 2. Parce qu'il était juste ; c'est à dire affranchi de tout péché, et orné de toutes sortes de vertus. 3. Parce qu'il craignait Dieu d'une crainte filiale, qui l'empêchait de pécher, à cause qu'il le croyait et le considérait présent à toutes ses actions : 4. Parce qu'il attendait la consolation d'Israël , c'est à dire la venue de Jésus : car Dieu ne peut être éloigné de ceux qui l'attendent avec un grand zèle et un grand désir. Faites donc aussi vos efforts pour acquérir ces vertus, si vous voulez recevoir Jésus, non pas entre vos bras, mais dans votre bouche et dans votre cœur au Sacrement de la sainte Eucharistie , avec l'avantage et l'utilité que vous en pouvez espérer.
Anne la Prophétesse étant survenue, louait Dieu et parlait de lui à tous ceux qui attendaient la rédemption d'Israël.
Considérez que Dieu n'a point d'égard ni à la qualité, ni au sexe, ni à l'âge , ni à la condition des personnes , mais seulement à leur vertu et à leur piété.
Considérez que l'exemple de deux personnes qui avaient atteint l'âge de la vieillesse est ici proposé , pour vous apprendre que pour être digne de recevoir Jésus et de se le conserver à jamais , il faut persévérer dans la piété jusques à la mort. Voyez quelles vertus ont été pratiquées par cette sainte femme pour mériter de voir Jésus. 1. Elle avait conservé sa chasteté pendant près de vingt ans. 2. Elle ne bougeait du Temple : 3. Elle y priait jour et nuit : 4. Elle affligeait son corps par des jeûnes et par d'autres austérités. 5. Enfin elle publiait les louanges de Jésus à tous venants.
8- FUITE DE JESUS EN ÉGYPTE
Un Ange dit en songe à Joseph : Levez-vous, prenez l'Enfant et sa Mère, et fuyez en Égypte.
Considérez que Jésus dès le commencement de sa vie a souffert des déplaisirs et des persécutions: pour vous apprendre que si vous voulez être son Disciple , vous devez être préparé à la tentation et que vous l’êtes véritablement lors que vous la souffrez en effet, comme disait saint Ignace de Loyola. Outre que l'Apôtre nous enseigne que tous ceux qui veulent vivre avec piété en Jésus-Christ, souffriront de la persécution.
Qui se levant prit l'Enfant et la Mère pendant la nuit, et se retira en Égypte.
Considérez la prompte obéissance de Joseph qui aussitôt , quoi qu'il fût nuit , se leva , et fit part à la sainte Vierge de la révélation qu'il avait eue. Pensez quelle fut la surprise et l'émotion de cette sainte Mère, comme elle se mit en état de partir, tant elle était obéissante; et figurez-vous comme elle éveilla l'enfant Jésus, comme elle eut compassion de ses larmes , et prit cette nouvelle et ce voyage pour le commencement des douleurs que saint Siméon lui avait prédites.
Considérez avec quelle confiance en Dieu ces deux saintes personnes entreprirent d'aller en cet exil ; car elles s'étaient entièrement dévouées à son bon plaisir; et comme ayant chargé leur âne de quelques pains , de pauvres langes elles se mirent en chemin.
Voyez si vous n'êtes point touché du désir de leur faire compagnie , et de prier la sainte. Vierge qu'elle vous oblige tant que de vous permettre de prendre son Fils entre vos bras et de la soulager en le portant ; et pensez , vous qui avez tant d'aversion pour le travail , et qui aimez tant le repos , avec quelle fatigue elle a fait un si long et si pénible voyage , étant toujours chargée ; quoi que du trésor le plus précieux que l'on puisse concevoir.
Et il séjourna en ce pays jusqu`à la mort d'Hérode, afin que la Prophétie qui dit: J'ai rappelé mon fils de l`Égypte, fût accomplie.
Considérez que la sainte Vierge étant arrivée en Égypte, n'y trouva pas ou un Palais Royal digne de la grandeur et de la Majesté du Fils de Dieu, ou même ce qui était nécessaire pour prendre du repos et le remettre de tant de fatigues et de tant de lassitudes. Car si dans Bethléem entre ses concitoyens elle ne pût rencontrer qu'une vieille étable et une crèche, pour, coucher son Jésus, qu'aurait-elle trouvé de plus commode chez des barbares et des infidèles ?
Comme donc elle était pauvre et étrangère, il est à croire qu'elle fut obligée de le retirer dans quelque pauvre lieu , et que là ils furent contraints elle et St Joseph de gagner leur vie du travail de leurs mains. Pensez avec quel soin elle éleva son Fils pendant les sept années de son exil , avec quel respect et quelle circonspection elle le touchait, sachant qu'il était son Seigneur , et son Dieu avec quelles tendresse d'amour , de piété et de dévotion , les genoux en terre elle le levait et le couchait dans son berceau. Pensez enfin quelle fut sa joie et son contentement , de même que celui de saint Joseph , quand ils le virent un peu avancé en âge , faisant sa premières démarches dans la maison qu'ils l'entendirent discourir de choses saintes et divines.
Dernière édition par MichelT le Mer 7 Juin 2017 - 17:49, édité 2 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
9- MEURTRE DES SAINTS INNOCENTS.
Le roi Hérode voyant que les Mages l'avaient trompé, en fut si piqué et si fort en colère, qu'il fit tuer dans Bethléem tous les enfants de deux ans et au-dessous.
Considérez que ce Roi impie n'a rien omis , et qu'il n'y a rien qu'il n'ait osé pour se conserver la dignité de Roi; car quelle tyrannie peut être plus cruelle que de répandre tant de sang , d'égorger tant d'innocents , et de massacrer tant de mères qui s'opposaient à la recherche des bourreaux , et qui cachaient leurs enfants; enfin de priver tant de pères de l’espérance d'avoir des successeurs et des héritiers ? O impiété aveugle d'une jalousie insensée , s'écrie saint Léon, qui te persuade de pouvoir renverser les desseins du Tout-Puissant par ta fureur ! Le Souverain du monde ne cherche pas un Royaume qui ne dure que peu de temps , lui qui en donne un autre qui n'aura jamais de fin. Apprenez de là jusqu’où s'emporte un désir déréglé, et soyez fortement persuadé que vous échouerez au même écueil; si vous ne vous appliquez à mortifier vos passions.
Considérez quelle est la bonté de Dieu, et combien la gloire de ces saints Enfants la fait visiblement paraitre; car il a donné à leur mort non seulement la récompense du sacrifice mais aussi celle du Martyre , quoi qu'il n'y ait point eu d'intention de souffrir , ni même de connaissance de la cause pourquoi il souffrait, de la part de celui qui a été massacré , mais seulement de la nécessité: point de désir de mourir , mais de la cruauté de la part du meurtrier ; point enfin de mérite , mais de l'infortune.
Pour vous apprendre à ne jamais désespérer à cause du grand nombre de vos faiblesses, et du peu de courage que vous avez à vous en corriger; car Dieu est prêt de suppléer à vos défauts; pourvu que seulement vous ayez la volonté de vous en délivrer.
Hérode étant mort, un Ange commanda a Joseph de retourner en la terre d`Israël ; et ayant appris qu`Archelaus y régnait, il se retira en la Galilée et établit sa demeure dans Nazareth.
Considérez le grand et amoureux soin que Dieu prend de ses élus , comme il en conserve le souvenir dans le fort des persécutions qu'ils souffrent , et comme il leur prête son secours dans l'occasion la plus pressante. Pensez aussi combien cette nouvelle donna de joie à la sacrée Vierge et à saint Joseph ; avec quelle gaieté ils se mirent en chemin , et quelle tristesse sans doute accompagnée de larmes et de soupirs, saisit les Égyptiens , quand ils virent le départ de ces augustes personnes, dont ils connaissaient la sainteté. Représentez-vous l'Enfant Jésus déjà un peu avancé en âge qui marche un bâton en la main pour soulager sa lassitude. Voyez les tous ensemble qui se reposent dans des lieux déserts et sans aucun' ombrage qui soit capable de les garantir de la chaleur du jour qui les incommode. Remarquez qu'ils n'ont pas même ce qui leur est nécessaire au boire et au manger ; et que la nuit ils se retirent dans quelque caverne, où ils n'ont point d'autre lit que la terre nue.
Considérez que saint Joseph étant arrivé en la terre d’Israël, ne voulut point retourner en Judée , quoi qu'il fut certain que la divine protection ne lui manquerait pas : pour vous apprendre que les gens de bien , quoi qu'assurés en quelque façon de leur salut ; ne doivent pas s'exposer aux périls , ce qui serait tenter Dieu , mais les éviter autant qu'ils peuvent , de même que saint Joseph pour fuir la rage d'Hérode, se retira dans l'Égypte.
10- JESUS-CHRIST AGÉ DE DOUZE ANS SE RENDIT DANS LE TEMPLE.
Jésus ayant atteint l'âge de douze ans, alla de Nazareth à Jérusalem.
Considérez avec combien de piété la sacrée Vierge allait tous les ans à Jérusalem avec Jésus et St Joseph, pour y célébrer la Pâque, quoi que les femmes n'y fussent point obligées, et beaucoup moins l'enfant Jésus. Et de cet exemple apprenez à faire beaucoup de choses qui ne vous obligent point, et à visiter volontiers les lieux saints, quoi qu'éloignez , pour y répandre vos vœux, et y faire vos prières. Persuadez-vous de voir l'Enfant Jésus les mains jointes, et auprès de lui la sainte Vierge et saint Joseph , qui prient avec ferveur pendant un longtemps. Plut à Dieu que la moindre étincelle du feu de ces prières si ardentes et si embrasées , pût tomber sur la glace de nos oraisons.
Jésus demeura dans le Temple à l`insu de ses parents.
Considérez quelle fut la douleur de la sainte Vierge , lors que retournant le soir en sa maison, elle ne vit point son Jésus , qu'elle croyait être avec saint Joseph, combien ils jetèrent l'un et l'autre de soupirs , de sanglots et de larmes, ne sachant de quel côté aller pendant les ténèbres, et persuadez-vous qu'ils ne prirent ni repas, ni repos pendant toute la nuit.
Pensez que quand vous voudrez vous dévouer au service de Dieu, ou obéir à l`inspiration divine, vous pouvez abandonner vos parents, et ne pas suivre leurs conseils s`ils résistent à un si louable dessein; car il faut sans difficulté obéir à Dieu plutôt qu'aux Hommes. Remarquez encore que Jésus-Christ se retire quelquefois et retire même ses consolations des personnes les plus pieuses; pour faire voir que vous devez soigneusement le conserver et appréhender de perdre sa grâce. Voyez enfin le Fils de Dieu dans un coin au Temple, qui prie pendant toute la nuit, et qui durant le jour continue ce saint exercice, ou s'entretient avec des enfants de choses de piété , ou demande son pain de porte en porte.
Trois jours s'étant écoulés, ils le rencontrèrent dans le Temple, assis au milieu des Docteurs religieux, et sur ce qu'ils lui demandèrent pourquoi il avait tant tardé, il leur répondit: Ne saviez-vous pas que je suis obligé de me trouver ou il s'agit de l'intérêt de mon Père ?
Pensez comme la sainte Vierge retournant à Jérusalem, s'enquérait partout , demandant à tous venants des nouvelles de son cher Enfant; et de quelle joie accompagnée de larmes elle fut comblée quand elle l'aperçut, comme elle se jeta aussitôt à son cou , comme elle le baisa; et représentez-vous ses caresses et celles de saint Joseph. Figurez-vous encore les plaintes amoureuses qu'ils lui firent, la consolation qu`il leur donna ; et enfin l'éloge qu'en firent les Docteurs en leur présence.
Apprenez de là que l'on trouve le Sauveur dans le Temple, et non pas en la compagnie des parents et des personnes qui sont attachées à leur chair, et à leur sang. Apprenez aussi à vous humilier, afin que vous ne soyez pas honteux d'écouter les autres, et de vous faire instruire de ce que vous ne savez pas.
11 - VIE DE JESUS DEPUIS L'AGE DE DOUZE ANS JUSQU'A L'AGE DE TRENTE.
Jésus a l'âge de douze ans étant retourné de Jérusalem à Nazareth avec son père et mère, il leur était soumis.
Considérez que Jésus , comme dit saint Luc , a commencé par les actions , et a continué par les enseignements : car pendant les trente premières années de sa vie il a pratiqué l'humilité , la patience , l'obéissance et la prière; et pendant les trois dernières il a prêché et enseigné les autres : pour vous apprendre que si vous voulez être utile au prochain , vous devez d'abord vous attacher à la pratique de la piété et des bonnes œuvres , parce que vous n'instruirez pas facilement de parole , si premièrement vous ne pratiquez vos instructions , et n'en donnez l'exemple.
Pensez qu'encore qu'il n`y ait rien d'écrit dans l'Évangile, des actions de Jésus depuis son âge de douze jusques à trente ans , il ne faut pas se persuader qu'il ait passé ce nombre d'années sans rien faire. Il fuyait la conversation des hommes; il était assidu dans le Temple et à la prière : il aidait sa sainte Mère dans les emplois les plus humbles, et travaillait à la charpenterie avec saint Joseph. En effet, il est dit dans saint Marc, chapitre 6, que l'on disait de lui : N'est-ce pas là un Charpentier? Mais pourquoi en a t'il été de la sorte, sinon pour nous donner l'exemple d'aimer la retraite pour un temps , de fuir la vaine gloire , et pour nous apprendre à nous faire instruire soigneusement si nous voulons enseigner les autres?
Considérez d'une part le bon Joseph qui travaille de tout son pouvoir pour nourrir le Créateur de tout l'Univers, et sa très chère et très sainte Épouse: d'autre part la sacrée Vierge qui s'emploie à filer, à coudre, ou à d'autres menus ouvrages, pour contribuer à la nourriture et à l'entretien de celui qui nourrit les Anges dans le Ciel et toutes les créatures dessus la terre. Compatissez avec Jésus qui travaille à la sueur de son visage, non pas tant pour son utilité particulière, que pour nous donner sujet d'imiter son humilité, son obéissance et sa charité.
Figurez-vous quelle était la consolation de la sacrée Vierge, de voir si longtemps son Fils auprès d'elle, car elle savait qu'il était le Créateur de l'Univers, et avec quel respect elle et saint Joseph lui parlaient, combien il était prompt à leur obéir, quoi qu'ils fussent bien éloignez d'entreprendre de lui commander aucune chose. Voyez le bon Jésus avec un tablier devant lui qui va et vient par la maison, pour soulager tantôt sa sainte Mère et tantôt saint Joseph soit à tirer de l'eau, soit à balayer la maison, soit à allumer le feu. Car il est vraisemblable qu'ils n'avaient ni serviteurs, ni servantes, quoique les Anges y fussent présents, et qu'admirant une si profonde humilité, ils lui prestassent leur ministère avec grande joie.
Considérez qu'outre ces œuvres corporelles et publiques , il s'est aussi employé dans le particulier à beaucoup d'autres spirituelles et plus relevées. En effet combien de fois étant las de son travail s 'est-il retiré dans sa chambre, et a-t-il passé les nuits en prière pour notre salut? Combien d'heures a t'il employées à donner l'intelligence des choses divines à Marie et à Joseph : combien de fois a-t-il interrompu son travail pour vaquer à l'oraison, en ayant obtenu la permission de ses parents ? Combien le souvenir de la désobéissance de nos premiers parents, de l'ingratitude des hommes et de la perte de tant d’âmes , lui a t'il causé de tourments d'esprit et de larmes, afin d'apaiser la colère de son Père, et d'impétrer notre salut ?
Considérez ce qu'ajoute saint Luc, que Jésus croissait avec l'âge en sagesse et en grâce devant Dieu, et devant les hommes ; pour vous apprendre que si vous le voulez parfaitement imiter , vous devez faire vos efforts , qu'aucun moment de votre vie ne se passe sans quelque progrès , en avançant de vertu en vertu , devant Dieu par l'entière et sincère observance de ses Divins commandements , et devant les hommes par les exemples des bonnes œuvres.
12 - LA PRÉDICATION DE ST JEAN BAPTISTE ET LE BAPTÊME DE JESUS.
St-Jean Baptiste avait un habit de poils de chameau, une ceinture de cuir autour de ses reins, et il ne mangeât dans le désert que des sauterelles et du miel sauvage.
Considérez que St Jean s'est retiré dans le désert étant encore jeune et qu'il y a vécu jusques à l'âge de trente ans avec une merveilleuse austérité, pour vous apprendre à persévérer dans la manière de vivre saintement, que vous aurez entreprise, quoi qu`il s'y rencontre des difficultés. Pensez à ce que nous devons faire, nous qui sommes remplis de péchés et d'imperfections, si St Jean qui avait été sanctifié dans le ventre de sa mère, et qui était le plus grand de tous les enfants des hommes , au dire de Jésus dans St-Matthieu, chapitre 14, a traité son corps avec tant de rigueur.
Étant sorti du désert il prêcha le Baptême sur les rives du Jourdain, en disant: Faites pénitence , car le Royaume des Cieux est proche.
Considérez que Dieu retira St Jean du désert et l'employa au ministère de la Prédication, tant pour nous faire voir que la perfection de la vie Chrétienne ne consiste pas seulement en la contemplation, et à faire notre salut particulier, mais aussi dans l'action, et à procurer celui des autres: que pour nous faire entendre que ceux qui sont obligés d'enseigner les autres, doivent embrasser la pénitence , s'attacher à l'Oraison et mépriser le monde, afin de vérifier par leur exemple ce qu'ils enseignent de paroles.
Pensez quel doit être le dessein d'un Prédicateur. Sans doute de porter les hommes; à la contrition , à la confession, et à la satisfaction de leurs péchés. Mais parce que cela pouvait sembler rude et difficile, St-Jean a adouci ce commencement de sa prédication, en proposant la merveilleuse récompense du Royaume des Cieux qui était proche; pour vous apprendre à la représenter souvent aux hommes, pour leur pouvoir persuader de faire pénitence.
Alors les peuples de toute la Judée allaient vers lui, et en confessant leurs péchés il les baptisait, et leur disait : A la vérité je vous baptise avec de l'eau, mais un plus puissant que moi viendra après moi, duquel je ne suis pas digne de délier les souliers, et il vous baptisera par le St-Esprit et par le feu.
Considérez quelle autorité Saint Jean s'était acquise par la sainteté de sa vie et sa profonde humilité, non seulement auprès du peuple, mais aussi auprès des Princes , des Scribes et des Pharisiens, qui accouraient par troupes, pour l'entendre, et doutaient même s'il n'était point le Messie, qui leur avait été promis dans la Loi. Ce qui fit qu'ils se portèrent facilement à confesser publiquement leurs péchés, et à recevoir le nouveau Baptême qu'il leur présentait.
Jésus vint de Nazareth qui est en Galilée, trouver Jean sur les rives du Jourdain pour être baptisé par lui.
Considérez que Jésus ayant dit adieu à ses parents et au monde, se mit seul en chemin, lui qui pouvait avoir plusieurs milliers d'Anges en sa compagnie, se mêla parmi une troupe de Publicains et de pécheurs , comme s'il leur eut été semblable, et se soumit à la discipline de St Jean, pour recevoir de lui le Baptême de la Pénitence et la rémission des péchés, quoi qu'il fut impeccable et qu'il n'eut pas besoin par conséquent de pénitence : quoi, dis-je , qu'il fut le Souverain de toutes choses, et que seul il peut baptiser au Saint Esprit : Et après cela nous voulons paraitre dignes d'honneur et de gloire, et commander aux autres, nous qui sommes remplis de défauts et de péchés?
Considérez que Jésus en toutes ses actions si merveilleuses et si éclatantes, n'a point voulu qu'on le tint pour un homme rare, et au-dessus du commun, mais qu'il a toujours paru semblable aux autres. En effet il a été circoncis comme eux, présenté au Temple, et aujourd’hui baptisé par saint Jean : pour vous apprendre à vous accommoder en toutes choses, même en fait de spiritualité, au reste des hommes, et à ne prétendre aucune prérogative, quelque doctrine, quelque sagesse , quelque esprit et quelque industrie que vous ayez.
Jean s'en empêchait en disant : C`est moi qui a besoin de recevoir le Baptême de votre main, et vous venez à moi ? Jésus lui répondit : Laissez-moi faire pour cette heure, car c'est ainsi qu'il faut que nous accomplissions toute Justice.
Considérez quelle fut la surprise de l'humble St Jean, quand il vit le Sauveur du monde qui venait vers lui pour recevoir le Baptême. Pensez qu'il alla au-devant s de lui avec grand courage, qu'il se prosterna à ses pieds et qu'il lui dit : C'est moi qui ait besoin de recevoir le Baptême de votre main, et vous venez à moi? A Dieu ne plaise que j'ose vous baptiser, moi qui ne suis qu'une vile créature, vous qui êtes mon Créateur; moi qui ne suis qu'un homme, vous qui êtes mon Dieu. Admirez comme Jésus s'humilie même devant St Jean, et comme ils contestent saintement, non de l'avantage, de l'honneur, de de la gloire, comme nous pourrions faire, mais de celui de l'abaissement et de l'humiliation.
Pensez que Jésus appelle l'accomplissement de toute Justice, de se soumettre à St Jean, c'est à dire le Créateur à la créature. Quelle sera donc notre justice, lorsque non seulement nous méprisons nos inférieurs, mais nous avons même de la peine à nous soumettre à nos égaux, ou à ceux qui ont pouvoir de nous commander.
Jésus ayant été baptisé par St-Jean, il sortit aussitôt hors de l'eau, et comme il était en prière, le Ciel s`ouvrit, le St Esprit descendit sur lui sous la forme visible d'une colombe, et l'on entendit une voix du Ciel qui disait; Vous êtes mon Fils bien aimé ; c'est en vous que j`ai mis toute ma complaisance.
Considérez comment le Roi des Anges ne craint point de se dépouiller de ses habits et d'entrer dans l'eau à la vue des hommes, au grand étonnement de ces esprits bienheureux. Pensez aussi avec quel tremblement et quel respect St Jean le suit et verse de l'eau dessus sa tête. Persuadez-vous qu'en considération de cet abaissement inconcevable de Jésus, le Ciel s'ouvrit, et les Anges en descendirent. Mais parce que les hommes ne sont pas capables de comprendre une humilité si prodigieuse, le Père Éternel voulut publier par une voix venue du Ciel que cette vertu était l'un des principaux motifs de ses complaisances en Jésus.
Considérez que la descente du St Esprit en forme de colombe, fait voir qu'il descend volontiers sur les âmes qui ont les propriétés de cet oiseau. Car comme il n'a point d'autre chant que le gémissement, comme il ne frappe point de son bec, comme il n'a point de fiel ni d'ongles crochus, et comme il nourrit les petits des autres oiseaux de même que les siens propres, ainsi un parfait Chrétien conçoit de la douleur pour les péchés d'autrui , n'offense personne, n'a point d'inclination ni à la colère ni à la vengeance, ne prétend point au bien d'autrui , et pourvoit aux besoins de son prochain comme aux siens propres.
Le roi Hérode voyant que les Mages l'avaient trompé, en fut si piqué et si fort en colère, qu'il fit tuer dans Bethléem tous les enfants de deux ans et au-dessous.
Considérez que ce Roi impie n'a rien omis , et qu'il n'y a rien qu'il n'ait osé pour se conserver la dignité de Roi; car quelle tyrannie peut être plus cruelle que de répandre tant de sang , d'égorger tant d'innocents , et de massacrer tant de mères qui s'opposaient à la recherche des bourreaux , et qui cachaient leurs enfants; enfin de priver tant de pères de l’espérance d'avoir des successeurs et des héritiers ? O impiété aveugle d'une jalousie insensée , s'écrie saint Léon, qui te persuade de pouvoir renverser les desseins du Tout-Puissant par ta fureur ! Le Souverain du monde ne cherche pas un Royaume qui ne dure que peu de temps , lui qui en donne un autre qui n'aura jamais de fin. Apprenez de là jusqu’où s'emporte un désir déréglé, et soyez fortement persuadé que vous échouerez au même écueil; si vous ne vous appliquez à mortifier vos passions.
Considérez quelle est la bonté de Dieu, et combien la gloire de ces saints Enfants la fait visiblement paraitre; car il a donné à leur mort non seulement la récompense du sacrifice mais aussi celle du Martyre , quoi qu'il n'y ait point eu d'intention de souffrir , ni même de connaissance de la cause pourquoi il souffrait, de la part de celui qui a été massacré , mais seulement de la nécessité: point de désir de mourir , mais de la cruauté de la part du meurtrier ; point enfin de mérite , mais de l'infortune.
Pour vous apprendre à ne jamais désespérer à cause du grand nombre de vos faiblesses, et du peu de courage que vous avez à vous en corriger; car Dieu est prêt de suppléer à vos défauts; pourvu que seulement vous ayez la volonté de vous en délivrer.
Hérode étant mort, un Ange commanda a Joseph de retourner en la terre d`Israël ; et ayant appris qu`Archelaus y régnait, il se retira en la Galilée et établit sa demeure dans Nazareth.
Considérez le grand et amoureux soin que Dieu prend de ses élus , comme il en conserve le souvenir dans le fort des persécutions qu'ils souffrent , et comme il leur prête son secours dans l'occasion la plus pressante. Pensez aussi combien cette nouvelle donna de joie à la sacrée Vierge et à saint Joseph ; avec quelle gaieté ils se mirent en chemin , et quelle tristesse sans doute accompagnée de larmes et de soupirs, saisit les Égyptiens , quand ils virent le départ de ces augustes personnes, dont ils connaissaient la sainteté. Représentez-vous l'Enfant Jésus déjà un peu avancé en âge qui marche un bâton en la main pour soulager sa lassitude. Voyez les tous ensemble qui se reposent dans des lieux déserts et sans aucun' ombrage qui soit capable de les garantir de la chaleur du jour qui les incommode. Remarquez qu'ils n'ont pas même ce qui leur est nécessaire au boire et au manger ; et que la nuit ils se retirent dans quelque caverne, où ils n'ont point d'autre lit que la terre nue.
Considérez que saint Joseph étant arrivé en la terre d’Israël, ne voulut point retourner en Judée , quoi qu'il fut certain que la divine protection ne lui manquerait pas : pour vous apprendre que les gens de bien , quoi qu'assurés en quelque façon de leur salut ; ne doivent pas s'exposer aux périls , ce qui serait tenter Dieu , mais les éviter autant qu'ils peuvent , de même que saint Joseph pour fuir la rage d'Hérode, se retira dans l'Égypte.
10- JESUS-CHRIST AGÉ DE DOUZE ANS SE RENDIT DANS LE TEMPLE.
Jésus ayant atteint l'âge de douze ans, alla de Nazareth à Jérusalem.
Considérez avec combien de piété la sacrée Vierge allait tous les ans à Jérusalem avec Jésus et St Joseph, pour y célébrer la Pâque, quoi que les femmes n'y fussent point obligées, et beaucoup moins l'enfant Jésus. Et de cet exemple apprenez à faire beaucoup de choses qui ne vous obligent point, et à visiter volontiers les lieux saints, quoi qu'éloignez , pour y répandre vos vœux, et y faire vos prières. Persuadez-vous de voir l'Enfant Jésus les mains jointes, et auprès de lui la sainte Vierge et saint Joseph , qui prient avec ferveur pendant un longtemps. Plut à Dieu que la moindre étincelle du feu de ces prières si ardentes et si embrasées , pût tomber sur la glace de nos oraisons.
Jésus demeura dans le Temple à l`insu de ses parents.
Considérez quelle fut la douleur de la sainte Vierge , lors que retournant le soir en sa maison, elle ne vit point son Jésus , qu'elle croyait être avec saint Joseph, combien ils jetèrent l'un et l'autre de soupirs , de sanglots et de larmes, ne sachant de quel côté aller pendant les ténèbres, et persuadez-vous qu'ils ne prirent ni repas, ni repos pendant toute la nuit.
Pensez que quand vous voudrez vous dévouer au service de Dieu, ou obéir à l`inspiration divine, vous pouvez abandonner vos parents, et ne pas suivre leurs conseils s`ils résistent à un si louable dessein; car il faut sans difficulté obéir à Dieu plutôt qu'aux Hommes. Remarquez encore que Jésus-Christ se retire quelquefois et retire même ses consolations des personnes les plus pieuses; pour faire voir que vous devez soigneusement le conserver et appréhender de perdre sa grâce. Voyez enfin le Fils de Dieu dans un coin au Temple, qui prie pendant toute la nuit, et qui durant le jour continue ce saint exercice, ou s'entretient avec des enfants de choses de piété , ou demande son pain de porte en porte.
Trois jours s'étant écoulés, ils le rencontrèrent dans le Temple, assis au milieu des Docteurs religieux, et sur ce qu'ils lui demandèrent pourquoi il avait tant tardé, il leur répondit: Ne saviez-vous pas que je suis obligé de me trouver ou il s'agit de l'intérêt de mon Père ?
Pensez comme la sainte Vierge retournant à Jérusalem, s'enquérait partout , demandant à tous venants des nouvelles de son cher Enfant; et de quelle joie accompagnée de larmes elle fut comblée quand elle l'aperçut, comme elle se jeta aussitôt à son cou , comme elle le baisa; et représentez-vous ses caresses et celles de saint Joseph. Figurez-vous encore les plaintes amoureuses qu'ils lui firent, la consolation qu`il leur donna ; et enfin l'éloge qu'en firent les Docteurs en leur présence.
Apprenez de là que l'on trouve le Sauveur dans le Temple, et non pas en la compagnie des parents et des personnes qui sont attachées à leur chair, et à leur sang. Apprenez aussi à vous humilier, afin que vous ne soyez pas honteux d'écouter les autres, et de vous faire instruire de ce que vous ne savez pas.
11 - VIE DE JESUS DEPUIS L'AGE DE DOUZE ANS JUSQU'A L'AGE DE TRENTE.
Jésus a l'âge de douze ans étant retourné de Jérusalem à Nazareth avec son père et mère, il leur était soumis.
Considérez que Jésus , comme dit saint Luc , a commencé par les actions , et a continué par les enseignements : car pendant les trente premières années de sa vie il a pratiqué l'humilité , la patience , l'obéissance et la prière; et pendant les trois dernières il a prêché et enseigné les autres : pour vous apprendre que si vous voulez être utile au prochain , vous devez d'abord vous attacher à la pratique de la piété et des bonnes œuvres , parce que vous n'instruirez pas facilement de parole , si premièrement vous ne pratiquez vos instructions , et n'en donnez l'exemple.
Pensez qu'encore qu'il n`y ait rien d'écrit dans l'Évangile, des actions de Jésus depuis son âge de douze jusques à trente ans , il ne faut pas se persuader qu'il ait passé ce nombre d'années sans rien faire. Il fuyait la conversation des hommes; il était assidu dans le Temple et à la prière : il aidait sa sainte Mère dans les emplois les plus humbles, et travaillait à la charpenterie avec saint Joseph. En effet, il est dit dans saint Marc, chapitre 6, que l'on disait de lui : N'est-ce pas là un Charpentier? Mais pourquoi en a t'il été de la sorte, sinon pour nous donner l'exemple d'aimer la retraite pour un temps , de fuir la vaine gloire , et pour nous apprendre à nous faire instruire soigneusement si nous voulons enseigner les autres?
Considérez d'une part le bon Joseph qui travaille de tout son pouvoir pour nourrir le Créateur de tout l'Univers, et sa très chère et très sainte Épouse: d'autre part la sacrée Vierge qui s'emploie à filer, à coudre, ou à d'autres menus ouvrages, pour contribuer à la nourriture et à l'entretien de celui qui nourrit les Anges dans le Ciel et toutes les créatures dessus la terre. Compatissez avec Jésus qui travaille à la sueur de son visage, non pas tant pour son utilité particulière, que pour nous donner sujet d'imiter son humilité, son obéissance et sa charité.
Figurez-vous quelle était la consolation de la sacrée Vierge, de voir si longtemps son Fils auprès d'elle, car elle savait qu'il était le Créateur de l'Univers, et avec quel respect elle et saint Joseph lui parlaient, combien il était prompt à leur obéir, quoi qu'ils fussent bien éloignez d'entreprendre de lui commander aucune chose. Voyez le bon Jésus avec un tablier devant lui qui va et vient par la maison, pour soulager tantôt sa sainte Mère et tantôt saint Joseph soit à tirer de l'eau, soit à balayer la maison, soit à allumer le feu. Car il est vraisemblable qu'ils n'avaient ni serviteurs, ni servantes, quoique les Anges y fussent présents, et qu'admirant une si profonde humilité, ils lui prestassent leur ministère avec grande joie.
Considérez qu'outre ces œuvres corporelles et publiques , il s'est aussi employé dans le particulier à beaucoup d'autres spirituelles et plus relevées. En effet combien de fois étant las de son travail s 'est-il retiré dans sa chambre, et a-t-il passé les nuits en prière pour notre salut? Combien d'heures a t'il employées à donner l'intelligence des choses divines à Marie et à Joseph : combien de fois a-t-il interrompu son travail pour vaquer à l'oraison, en ayant obtenu la permission de ses parents ? Combien le souvenir de la désobéissance de nos premiers parents, de l'ingratitude des hommes et de la perte de tant d’âmes , lui a t'il causé de tourments d'esprit et de larmes, afin d'apaiser la colère de son Père, et d'impétrer notre salut ?
Considérez ce qu'ajoute saint Luc, que Jésus croissait avec l'âge en sagesse et en grâce devant Dieu, et devant les hommes ; pour vous apprendre que si vous le voulez parfaitement imiter , vous devez faire vos efforts , qu'aucun moment de votre vie ne se passe sans quelque progrès , en avançant de vertu en vertu , devant Dieu par l'entière et sincère observance de ses Divins commandements , et devant les hommes par les exemples des bonnes œuvres.
12 - LA PRÉDICATION DE ST JEAN BAPTISTE ET LE BAPTÊME DE JESUS.
St-Jean Baptiste avait un habit de poils de chameau, une ceinture de cuir autour de ses reins, et il ne mangeât dans le désert que des sauterelles et du miel sauvage.
Considérez que St Jean s'est retiré dans le désert étant encore jeune et qu'il y a vécu jusques à l'âge de trente ans avec une merveilleuse austérité, pour vous apprendre à persévérer dans la manière de vivre saintement, que vous aurez entreprise, quoi qu`il s'y rencontre des difficultés. Pensez à ce que nous devons faire, nous qui sommes remplis de péchés et d'imperfections, si St Jean qui avait été sanctifié dans le ventre de sa mère, et qui était le plus grand de tous les enfants des hommes , au dire de Jésus dans St-Matthieu, chapitre 14, a traité son corps avec tant de rigueur.
Étant sorti du désert il prêcha le Baptême sur les rives du Jourdain, en disant: Faites pénitence , car le Royaume des Cieux est proche.
Considérez que Dieu retira St Jean du désert et l'employa au ministère de la Prédication, tant pour nous faire voir que la perfection de la vie Chrétienne ne consiste pas seulement en la contemplation, et à faire notre salut particulier, mais aussi dans l'action, et à procurer celui des autres: que pour nous faire entendre que ceux qui sont obligés d'enseigner les autres, doivent embrasser la pénitence , s'attacher à l'Oraison et mépriser le monde, afin de vérifier par leur exemple ce qu'ils enseignent de paroles.
Pensez quel doit être le dessein d'un Prédicateur. Sans doute de porter les hommes; à la contrition , à la confession, et à la satisfaction de leurs péchés. Mais parce que cela pouvait sembler rude et difficile, St-Jean a adouci ce commencement de sa prédication, en proposant la merveilleuse récompense du Royaume des Cieux qui était proche; pour vous apprendre à la représenter souvent aux hommes, pour leur pouvoir persuader de faire pénitence.
Alors les peuples de toute la Judée allaient vers lui, et en confessant leurs péchés il les baptisait, et leur disait : A la vérité je vous baptise avec de l'eau, mais un plus puissant que moi viendra après moi, duquel je ne suis pas digne de délier les souliers, et il vous baptisera par le St-Esprit et par le feu.
Considérez quelle autorité Saint Jean s'était acquise par la sainteté de sa vie et sa profonde humilité, non seulement auprès du peuple, mais aussi auprès des Princes , des Scribes et des Pharisiens, qui accouraient par troupes, pour l'entendre, et doutaient même s'il n'était point le Messie, qui leur avait été promis dans la Loi. Ce qui fit qu'ils se portèrent facilement à confesser publiquement leurs péchés, et à recevoir le nouveau Baptême qu'il leur présentait.
Jésus vint de Nazareth qui est en Galilée, trouver Jean sur les rives du Jourdain pour être baptisé par lui.
Considérez que Jésus ayant dit adieu à ses parents et au monde, se mit seul en chemin, lui qui pouvait avoir plusieurs milliers d'Anges en sa compagnie, se mêla parmi une troupe de Publicains et de pécheurs , comme s'il leur eut été semblable, et se soumit à la discipline de St Jean, pour recevoir de lui le Baptême de la Pénitence et la rémission des péchés, quoi qu'il fut impeccable et qu'il n'eut pas besoin par conséquent de pénitence : quoi, dis-je , qu'il fut le Souverain de toutes choses, et que seul il peut baptiser au Saint Esprit : Et après cela nous voulons paraitre dignes d'honneur et de gloire, et commander aux autres, nous qui sommes remplis de défauts et de péchés?
Considérez que Jésus en toutes ses actions si merveilleuses et si éclatantes, n'a point voulu qu'on le tint pour un homme rare, et au-dessus du commun, mais qu'il a toujours paru semblable aux autres. En effet il a été circoncis comme eux, présenté au Temple, et aujourd’hui baptisé par saint Jean : pour vous apprendre à vous accommoder en toutes choses, même en fait de spiritualité, au reste des hommes, et à ne prétendre aucune prérogative, quelque doctrine, quelque sagesse , quelque esprit et quelque industrie que vous ayez.
Jean s'en empêchait en disant : C`est moi qui a besoin de recevoir le Baptême de votre main, et vous venez à moi ? Jésus lui répondit : Laissez-moi faire pour cette heure, car c'est ainsi qu'il faut que nous accomplissions toute Justice.
Considérez quelle fut la surprise de l'humble St Jean, quand il vit le Sauveur du monde qui venait vers lui pour recevoir le Baptême. Pensez qu'il alla au-devant s de lui avec grand courage, qu'il se prosterna à ses pieds et qu'il lui dit : C'est moi qui ait besoin de recevoir le Baptême de votre main, et vous venez à moi? A Dieu ne plaise que j'ose vous baptiser, moi qui ne suis qu'une vile créature, vous qui êtes mon Créateur; moi qui ne suis qu'un homme, vous qui êtes mon Dieu. Admirez comme Jésus s'humilie même devant St Jean, et comme ils contestent saintement, non de l'avantage, de l'honneur, de de la gloire, comme nous pourrions faire, mais de celui de l'abaissement et de l'humiliation.
Pensez que Jésus appelle l'accomplissement de toute Justice, de se soumettre à St Jean, c'est à dire le Créateur à la créature. Quelle sera donc notre justice, lorsque non seulement nous méprisons nos inférieurs, mais nous avons même de la peine à nous soumettre à nos égaux, ou à ceux qui ont pouvoir de nous commander.
Jésus ayant été baptisé par St-Jean, il sortit aussitôt hors de l'eau, et comme il était en prière, le Ciel s`ouvrit, le St Esprit descendit sur lui sous la forme visible d'une colombe, et l'on entendit une voix du Ciel qui disait; Vous êtes mon Fils bien aimé ; c'est en vous que j`ai mis toute ma complaisance.
Considérez comment le Roi des Anges ne craint point de se dépouiller de ses habits et d'entrer dans l'eau à la vue des hommes, au grand étonnement de ces esprits bienheureux. Pensez aussi avec quel tremblement et quel respect St Jean le suit et verse de l'eau dessus sa tête. Persuadez-vous qu'en considération de cet abaissement inconcevable de Jésus, le Ciel s'ouvrit, et les Anges en descendirent. Mais parce que les hommes ne sont pas capables de comprendre une humilité si prodigieuse, le Père Éternel voulut publier par une voix venue du Ciel que cette vertu était l'un des principaux motifs de ses complaisances en Jésus.
Considérez que la descente du St Esprit en forme de colombe, fait voir qu'il descend volontiers sur les âmes qui ont les propriétés de cet oiseau. Car comme il n'a point d'autre chant que le gémissement, comme il ne frappe point de son bec, comme il n'a point de fiel ni d'ongles crochus, et comme il nourrit les petits des autres oiseaux de même que les siens propres, ainsi un parfait Chrétien conçoit de la douleur pour les péchés d'autrui , n'offense personne, n'a point d'inclination ni à la colère ni à la vengeance, ne prétend point au bien d'autrui , et pourvoit aux besoins de son prochain comme aux siens propres.
Dernière édition par MichelT le Ven 2 Oct 2020 - 5:25, édité 1 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
13 - JÉSUS AU DÉSERT
Jésus incontinent après son Baptême, se retira dans le désert, et il y jeûna pendant quarante jours et quarante nuits.
Considérez qu'après que le Ciel eut rendu témoignage que Jésus était le Fils de Dieu, il se retira dans le désert, comme s'il y eut voulu faire pénitence : où sans nourriture, il pratiqua la mortification et le silence en la compagnie des bêtes sans autre destin que de travailler à votre salut, et de vous apprendre que qui commence à servir Dieu, doit mortifier sa chair et ses concupiscences. O mon âme, reconnaissez que vous êtes l'une de ces bêtes du désert; pensez combien de fois vous avez offensez la patience de Jésus par l'emportement de vos passions indomptées; Jetez-vous aux pieds de votre adorable Maitre dans la solitude, déplorez vos crimes et vos abominations, jetez la vue sur son visage plein de douceur et de mansuétude, peut-être qu'il vous fera l'honneur et la grâce de jeter quelques-uns de ses regards sur vous.
Il fut tenté trois fois par l'ennemi; et le Tentateur s'étant approché, lui dit: Commandez, que ces pierres deviennent du pain.
Considérez la grande humilité de Jésus en ce que non seulement il a permis au démon ( l`ange déchu) de le tenter plusieurs fois, pour vous apprendre que quoique vous soyez saint , vous ne serez pas exempt de tentation.
Je vous donnerai tout ce que vous voyez, si en vous prosternant vous voulez m`adorer.
C'est un des artifices plus ordinaires du démon (de l`ange déchu), de nous flatter par des visions. Ce fourbe, qui sait que tout ce qui a plus de force et plus de charme dans le monde pour séduire les hommes, est, comme le dit Saint Jean, la concupiscence de la chair, la concupiscence des yeux , ou l'orgueil de la vie, se sert de toute sorte de moyens pour nous flatter par la sensualité, ou par la vanité , ou par la passion ordinaire que nous avons de nous élever au-dessus des autres, et de nous rendre souverains et indépendants.
C'est aussi la coutume ordinaire de ce trompeur, de nous prendre par notre faiblesse. Il étudie nos plus petites inclinations; il s'accommode à notre naturel; il est toujours à nos côtés, dans les compagnies et dans la solitude, dans le travail et dans l'oisiveté pendant le jour et pendant la nuit, soit que l'on étudie, que l'on joue, ou que l'on se promène ; il est comme il lui plait , selon la différence des humeurs, sérieux ou enjoué, gai ou mélancolique, dédaigneux ou flatteur , sévère ou complaisant, avare ou prodigue; et bien qu'il soit toujours superbe de sa nature , il s'humilie en apparence, et il n'y a aucune sorte de personnage qu'il ne fasse pour nous tromper. Mais il est bien trompé lui-même, quand il voit que nous nous défendons avec les mêmes armes qu'il emploi pour nous perdre. Il nous attaque par la gourmandise, il faut nous défendre par l'abstinence: il nous attaque par la curiosité, il faut nous défendre par la retenue de nos sens : il nous attaque par l'ambition , il faut nous défendre par le mépris de toutes choses, et comme il n'y a rien au monde qu'il n'emploi , pour nous presser et pour nous vaincre , nous nous devons servir de toutes sortes d'artifices , pour triompher glorieusement de lui.
Les Démons ( anges déchus) ne se lassent jamais. Ils se mettent en embuscade pendant le jour; ils se cachent dans les ténèbres ; ils ont toujours les yeux ouverts pour nous surprendre : ils nous épient en cachette : ils nous présentent des pierres pour nourriture: ils nous font voir des Royaumes imaginaires, et puis ils nous élèvent sur le haut des montagnes , qui s'écroulent en un instant, et qui ne servent qu'à notre ruine.
Mais Jésus-Christ, qui se met aujourd’hui à la tête de tous ceux qui combattent à son exemple, nous apprend que la seule connaissance des tentations, est leur défaite; que pour les vaincre, il faut leur résister, et que souvent le seul mépris que nous en faisons , est notre triomphe. Courage donc, Chrétiens, il nous suffit d'avoir un Dieu pour chef, pour protecteur, et pour vengeur, quand nous combattons pour sa gloire; car c'est lui-même qui prend notre défense: c'est lui qui fait pleuvoir des pièges sur nos ennemis, et qui leur donne le feu, le souffre et la tempête pour leur partage.
14- VOCATION DES APÔTRES
Jésus étant sur le rivage de la mer de Galilée, vit deux frères, Pierre et André, qui jetaient leurs filets dans la mer.
Considérez que Jésus ne vit pas ces deux frères seulement des yeux du corps, mais d'une œillade toute divine, par laquelle il les avait élus, et appelés dès l'éternité à l'Apostolat. Œillade véritablement heureuse, qui de pécheurs qu'ils étaient les rendit justes, d'hommes de la dernière condition les éleva à la qualité de Princes du monde, et de pêcheurs en fit des Apôtres.
Considérez qu'ils étaient frères; car il n'a pas voulu que les chefs de son Église fussent autres que des personnes parfaitement unies par une affection mutuelle. Aussi dit-il ailleurs : L'on reconnaitra que vous êtes mes Disciples, si vous vous aimez les uns les autres. Voulez-vous donc que Dieu vous regarde favorablement? Ayez soin d'entretenir la concorde et l'union fraternelle. Considérez qu'ils furent appelés lorsqu'ils étaient sur la mer, afin qu'à l'exemple de Jésus ils apprissent à retirer les âmes des écueils, des tempêtes et des naufrages de ce siècle ( de la vie humaine). En effet ils n'abandonnèrent pas le métier de pêcheurs, mais ils l’exercèrent d'une façon beaucoup plus noble et plus relevée.
Il leur dit: Suivez-moi, je vous ferai devenir des pêcheurs d'hommes. Aussitôt ils laissèrent leurs filets et le suivirent.
Considérez qu'ils se mirent à sa suite aussitôt, comme dit le texte de l'Évangile, après sa parole, sans même achever ce qu'ils avaient commencé; pour vous faire voir quelle sorte d'obéissance Dieu exige du Religieux, qui veut imiter la perfection Apostolique, sans doute elle doit être telle que sans aucun délai il obéisse au commandement de son Supérieur.
Considérez qu'à l'exemple de ces deux Apôtres que celui qui veut suivre Jésus, doit abandonner trois choses : 1. les filets; c'est-à-dire les œuvres criminelles qui tiennent les hommes arrêtés et attachés, comme s'ils l'étaient par des cordes et par des chaines; 2. la nacelle qui figure les possessions du monde et les biens temporels; 3. l'amour déréglé pour ses parents et pour ceux de sa famille, ce qui est ici marqué en ce que Jacques et Jean abandonnèrent leur père Zébédé.
Il vit encore deux autres frères qui travaillaient dans leur navire à refaire leurs filets, et qui le suivirent de même que les deux autres.
Considérez que par cet exemple les Prédicateurs qui sont des pêcheurs d'hommes, sont avertis de faire cesser quelquefois la pêche des âmes, pour refaire leurs filets, c'est à dire pour se recueillir en eux-mêmes , et pour corriger leurs défauts, afin qu'ensuite ils puissent retourner à leur emploi avec plus de ferveur, et en retirer un plus grand avantage. Remarquez que saint Pierre, qui figure la ferveur de l'action, fut appelé avant saint Jean, qui signifie la contemplation, pour vous faire voir qu'avant que de vous appliquer à ce dernier exercice, vous devez pratiquer les vertus Chrétiennes qui consistent à agir.
15 - LES NOCES DE CANA
Jésus fut invité à des Noces avec ses Disciples.
Considérez premièrement l'humilité de Jésus-Christ, qui ne dédaigne pas d'aller à des Noces de pauvres gens; mais effectivement pauvres , puisqu'ils manquèrent de vin. Concevez ici un grand mystère ; car le mariage est le symbole de l'alliance de Jésus-Christ avec l'Église, de qui vous êtes l'un des membres, et apprenez que de même que l'Épouse ne peut se séparer de son Époux après la célébration de ses noces, ainsi vous ne pouvez vous séparer de Jésus-Christ après votre baptême, et notamment si vous l'avez choisi pour votre Époux par le vœu de chasteté. Pensez pourquoi Jésus-Christ voulut bien aller à ces noces; et vous connaitrez que ce fut pour gratifier les Épousés et les conviés, tant à l'égard de ce qui concernait le temporel, que de ce qui regardait le spirituel.
La sainte Mère de Jésus l'avertit que le vin manquait. Il n`y a plus de vin, lui dit-elle, et elle donna avis a ceux qui servaient, d'obéir ponctuellement à tout ce qu'il leur dirait.
Considérez que de même qu'autrefois la sacrée Vierge, par sa profonde humilité, en disant : Je suis la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole ( Luc. 1.) donna lieu à l'adorable miracle de l'Incarnation, et à ce qu'un Dieu fut fait homme : ainsi en ce rencontre, elle a donné lieu par son ardente charité au premier miracle de Jésus-Christ, et à ce que de l'eau fut changée en vin. Pensez que si elle a eu soin de pourvoir non seulement à la nécessité générale du genre humain par la venue du Messie; mais même au besoin particulier des conviés à ces noces, elle aura la même bonté pour tout ce qui vous manquera tant au corps qu'en l'esprit, si vous avez soin de l'invoquer.
Soyez persuadé qu'elle prend à la vérité nos intérêts; mais en sorte qu'elle veut que nous coopérions; car elle dit à ceux qui servaient, Faites tout, ect. Or nous coopérons, si
nous faisons volontiers tout ce que Jésus-Christ nous inspire, et si nous conformons en toutes rencontres notre volonté à celle de Dieu.
Notre Seigneur changea l'eau en vin, fit paraitre sa gloire, et ses Disciples crurent en lui.
Considérez que ce premier miracle de Jésus est comme le modèle, et le prototype du dernier qu'il fit un peu devant sa Passion, lorsqu'il institua le Sacrement de la sainte Eucharistie, et qu'il changea le pain en son Corps, et le vin en son Sang; afin que vous appreniez a vous trouver plutôt en ce banquet divin, qu'à des noces profanes.
Considérez que vous imiterez parfaitement le Sauveur, si vous conversez avec les hommes, de telle sorte que premièrement vous changiez l'eau en vin: c'est à dire si vous faites vos efforts à ce que les pécheurs deviennent gens de bien, et que les gens de bien fassent du progrès dans la vertu; si vous rapportez toutes vos actions à la gloire de Dieu, et non pas à la vôtre; et si en cas que vous ayez quelque supériorité, ou quelque commandement , vous avez soin d'instruire vos Disciples, et de réglée ceux qui vous sont soumis, de sorte que par vos enseignements et par l'exemple de votre vie , ils deviennent plus fermes en la foi, et plus fervents en l'amour de Dieu.
16 - ENTRETIEN DE JESUS AVEC NICODÈME
Nicodème l'un des principaux d'entre les Juifs, ayant entendu parler des miracles de Jésus, vint le trouver pendant la nuit, à dessein d'en recevoir et écouter les instructions.
Considérez que les biens de fortune ne sont pas beaucoup à estimer, puisque Nicodème n`a point été détourné ni par la considération de la noblesse, ni par l'excellence de sa doctrine, (car il était Pharisien) de suivre publiquement Jésus.
Considérez encore que ceux qui ont de la confusion à confesser leurs péchés, à s'approcher de la sainte Eucharistie, à prier à genoux, et à tenir des discours de piété en la présence des hommes, sont ceux qui vont trouver Jésus pendant la nuit. Ils doivent beaucoup appréhender ces paroles : Qui aura de la honte pour moi devant les hommes, j'en aurai pour lui devant mon Père. C'est pour cela que Jésus a institué le très-auguste Sacrement de l`Eucharistie et le Sacrifice de la Messe, et ce qui est figuré par l'élévation de la sainte Hostie, et du sacré Calice. C'est pour cela aussi que l'on emploi le signe de la Croix en tous les Sacrements et cérémonies de l'Église. Et c'est encore pour cela que la figure de la Croix est mise au-dessus des Églises, et qu'elle y est au dedans en tant d'endroits , que l'on en voit même tant d'images dans les grands chemins et dans les lieux publics, et que les Chrétiens s'en munissent à tous moments.
C'est pour cela en un mot que cette fête de son Exaltation et beaucoup d'autres ont été instituées, outre les deux dernières semaines de Carêmes et tous les Vendredis de l'année , qui sont des jours auxquels on lui rend un culte et une vénération particulière.
Remarquez la sagesse de Jésus, qui ne taxe point d'abord le peu d'esprit de Nicodème, qui n'inférait point autre chose des miracles du Sauveur, sinon qu'il était un Prophète; et qui ne reprend point non plus sa timidité, qu'après qu'il eut fait voir lui-même sa plus grossière ignorance et alors il lui dit : Quoi vous êtes maitre en Israël, et vous ignorez, ces choses ?
Jésus lui dit: Si quelqu'un n'est régénéré par l'eau et par le saint Esprit, il ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’esprit, est esprit.
Considérez que Jésus instruit ici Nicodème des principaux mystères de la Foi, comme du Baptême, ( car il nomme le Père, le Fils et le saint Esprit) de la Pénitence , de l'Incarnation, du signe de la Croix, de sa Passion, de son Ascension dans le Ciel, et de la vie éternelle.
Considérez encore, que comme quand vous étiez enfant, vous ne pouviez être sauvé si vous ne renaissiez par le Baptême, par l'ablution d'une eau élémentaire et par la grâce
du saint Esprit; ainsi à présent que vous êtes retombé, peut-être même en un seul péché mortel, tel, vous ne pouvez parvenir au Royaume de Dieu , si vous ne renaissez , et si vous n'êtes renouvelé par la pénitence, par l'eau de vos larmes, c'est à dire par la contrition et par l'absolution du Prêtre, qui confère la grâce du saint Esprit et si vous ne réglez votre vie conformément aux lois de l'esprit, et non pas à celles de la chair. Car ce qui est provenu de l'esprit, est esprit, dit l'Évangile, Si nous vivons de l'esprit, dit l'Apôtre (Galates 5) suivons les traces et les enseignements de l'esprit.
Comme Moise a élevé un serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l'homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ne périsse point.
Considérez que Jésus parle ici de son crucifiement à venir, car il n'y a rien qui ait été figuré ni prédit si clairement par les Prophètes que sa Passion. Ce qui fit que l'Eunuque de la Reine Candace ayant compris le sens d'un passage d'Isaïe qui en fait mention, se convertit aussitôt et fut baptisé par saint Philippe Diacre.
Pensez pourquoi Jésus voulut en sa dernière Cène que la sainte Eucharistie fut consacrée en mémoire de sa Passion; et persuadez-vous qu'il l'a ainsi pratiqué, afin que vous sachiez que rien ne contribue tant à la conversion d'un pécheur, et que rien n'est si puissant pour régler sa vie, pour faire pénitence et pour rendre à Dieu de continuelles actions de grâces, que la méditation du crucifiement de Jésus.
Jésus incontinent après son Baptême, se retira dans le désert, et il y jeûna pendant quarante jours et quarante nuits.
Considérez qu'après que le Ciel eut rendu témoignage que Jésus était le Fils de Dieu, il se retira dans le désert, comme s'il y eut voulu faire pénitence : où sans nourriture, il pratiqua la mortification et le silence en la compagnie des bêtes sans autre destin que de travailler à votre salut, et de vous apprendre que qui commence à servir Dieu, doit mortifier sa chair et ses concupiscences. O mon âme, reconnaissez que vous êtes l'une de ces bêtes du désert; pensez combien de fois vous avez offensez la patience de Jésus par l'emportement de vos passions indomptées; Jetez-vous aux pieds de votre adorable Maitre dans la solitude, déplorez vos crimes et vos abominations, jetez la vue sur son visage plein de douceur et de mansuétude, peut-être qu'il vous fera l'honneur et la grâce de jeter quelques-uns de ses regards sur vous.
Il fut tenté trois fois par l'ennemi; et le Tentateur s'étant approché, lui dit: Commandez, que ces pierres deviennent du pain.
Considérez la grande humilité de Jésus en ce que non seulement il a permis au démon ( l`ange déchu) de le tenter plusieurs fois, pour vous apprendre que quoique vous soyez saint , vous ne serez pas exempt de tentation.
Je vous donnerai tout ce que vous voyez, si en vous prosternant vous voulez m`adorer.
C'est un des artifices plus ordinaires du démon (de l`ange déchu), de nous flatter par des visions. Ce fourbe, qui sait que tout ce qui a plus de force et plus de charme dans le monde pour séduire les hommes, est, comme le dit Saint Jean, la concupiscence de la chair, la concupiscence des yeux , ou l'orgueil de la vie, se sert de toute sorte de moyens pour nous flatter par la sensualité, ou par la vanité , ou par la passion ordinaire que nous avons de nous élever au-dessus des autres, et de nous rendre souverains et indépendants.
C'est aussi la coutume ordinaire de ce trompeur, de nous prendre par notre faiblesse. Il étudie nos plus petites inclinations; il s'accommode à notre naturel; il est toujours à nos côtés, dans les compagnies et dans la solitude, dans le travail et dans l'oisiveté pendant le jour et pendant la nuit, soit que l'on étudie, que l'on joue, ou que l'on se promène ; il est comme il lui plait , selon la différence des humeurs, sérieux ou enjoué, gai ou mélancolique, dédaigneux ou flatteur , sévère ou complaisant, avare ou prodigue; et bien qu'il soit toujours superbe de sa nature , il s'humilie en apparence, et il n'y a aucune sorte de personnage qu'il ne fasse pour nous tromper. Mais il est bien trompé lui-même, quand il voit que nous nous défendons avec les mêmes armes qu'il emploi pour nous perdre. Il nous attaque par la gourmandise, il faut nous défendre par l'abstinence: il nous attaque par la curiosité, il faut nous défendre par la retenue de nos sens : il nous attaque par l'ambition , il faut nous défendre par le mépris de toutes choses, et comme il n'y a rien au monde qu'il n'emploi , pour nous presser et pour nous vaincre , nous nous devons servir de toutes sortes d'artifices , pour triompher glorieusement de lui.
Les Démons ( anges déchus) ne se lassent jamais. Ils se mettent en embuscade pendant le jour; ils se cachent dans les ténèbres ; ils ont toujours les yeux ouverts pour nous surprendre : ils nous épient en cachette : ils nous présentent des pierres pour nourriture: ils nous font voir des Royaumes imaginaires, et puis ils nous élèvent sur le haut des montagnes , qui s'écroulent en un instant, et qui ne servent qu'à notre ruine.
Mais Jésus-Christ, qui se met aujourd’hui à la tête de tous ceux qui combattent à son exemple, nous apprend que la seule connaissance des tentations, est leur défaite; que pour les vaincre, il faut leur résister, et que souvent le seul mépris que nous en faisons , est notre triomphe. Courage donc, Chrétiens, il nous suffit d'avoir un Dieu pour chef, pour protecteur, et pour vengeur, quand nous combattons pour sa gloire; car c'est lui-même qui prend notre défense: c'est lui qui fait pleuvoir des pièges sur nos ennemis, et qui leur donne le feu, le souffre et la tempête pour leur partage.
14- VOCATION DES APÔTRES
Jésus étant sur le rivage de la mer de Galilée, vit deux frères, Pierre et André, qui jetaient leurs filets dans la mer.
Considérez que Jésus ne vit pas ces deux frères seulement des yeux du corps, mais d'une œillade toute divine, par laquelle il les avait élus, et appelés dès l'éternité à l'Apostolat. Œillade véritablement heureuse, qui de pécheurs qu'ils étaient les rendit justes, d'hommes de la dernière condition les éleva à la qualité de Princes du monde, et de pêcheurs en fit des Apôtres.
Considérez qu'ils étaient frères; car il n'a pas voulu que les chefs de son Église fussent autres que des personnes parfaitement unies par une affection mutuelle. Aussi dit-il ailleurs : L'on reconnaitra que vous êtes mes Disciples, si vous vous aimez les uns les autres. Voulez-vous donc que Dieu vous regarde favorablement? Ayez soin d'entretenir la concorde et l'union fraternelle. Considérez qu'ils furent appelés lorsqu'ils étaient sur la mer, afin qu'à l'exemple de Jésus ils apprissent à retirer les âmes des écueils, des tempêtes et des naufrages de ce siècle ( de la vie humaine). En effet ils n'abandonnèrent pas le métier de pêcheurs, mais ils l’exercèrent d'une façon beaucoup plus noble et plus relevée.
Il leur dit: Suivez-moi, je vous ferai devenir des pêcheurs d'hommes. Aussitôt ils laissèrent leurs filets et le suivirent.
Considérez qu'ils se mirent à sa suite aussitôt, comme dit le texte de l'Évangile, après sa parole, sans même achever ce qu'ils avaient commencé; pour vous faire voir quelle sorte d'obéissance Dieu exige du Religieux, qui veut imiter la perfection Apostolique, sans doute elle doit être telle que sans aucun délai il obéisse au commandement de son Supérieur.
Considérez qu'à l'exemple de ces deux Apôtres que celui qui veut suivre Jésus, doit abandonner trois choses : 1. les filets; c'est-à-dire les œuvres criminelles qui tiennent les hommes arrêtés et attachés, comme s'ils l'étaient par des cordes et par des chaines; 2. la nacelle qui figure les possessions du monde et les biens temporels; 3. l'amour déréglé pour ses parents et pour ceux de sa famille, ce qui est ici marqué en ce que Jacques et Jean abandonnèrent leur père Zébédé.
Il vit encore deux autres frères qui travaillaient dans leur navire à refaire leurs filets, et qui le suivirent de même que les deux autres.
Considérez que par cet exemple les Prédicateurs qui sont des pêcheurs d'hommes, sont avertis de faire cesser quelquefois la pêche des âmes, pour refaire leurs filets, c'est à dire pour se recueillir en eux-mêmes , et pour corriger leurs défauts, afin qu'ensuite ils puissent retourner à leur emploi avec plus de ferveur, et en retirer un plus grand avantage. Remarquez que saint Pierre, qui figure la ferveur de l'action, fut appelé avant saint Jean, qui signifie la contemplation, pour vous faire voir qu'avant que de vous appliquer à ce dernier exercice, vous devez pratiquer les vertus Chrétiennes qui consistent à agir.
15 - LES NOCES DE CANA
Jésus fut invité à des Noces avec ses Disciples.
Considérez premièrement l'humilité de Jésus-Christ, qui ne dédaigne pas d'aller à des Noces de pauvres gens; mais effectivement pauvres , puisqu'ils manquèrent de vin. Concevez ici un grand mystère ; car le mariage est le symbole de l'alliance de Jésus-Christ avec l'Église, de qui vous êtes l'un des membres, et apprenez que de même que l'Épouse ne peut se séparer de son Époux après la célébration de ses noces, ainsi vous ne pouvez vous séparer de Jésus-Christ après votre baptême, et notamment si vous l'avez choisi pour votre Époux par le vœu de chasteté. Pensez pourquoi Jésus-Christ voulut bien aller à ces noces; et vous connaitrez que ce fut pour gratifier les Épousés et les conviés, tant à l'égard de ce qui concernait le temporel, que de ce qui regardait le spirituel.
La sainte Mère de Jésus l'avertit que le vin manquait. Il n`y a plus de vin, lui dit-elle, et elle donna avis a ceux qui servaient, d'obéir ponctuellement à tout ce qu'il leur dirait.
Considérez que de même qu'autrefois la sacrée Vierge, par sa profonde humilité, en disant : Je suis la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole ( Luc. 1.) donna lieu à l'adorable miracle de l'Incarnation, et à ce qu'un Dieu fut fait homme : ainsi en ce rencontre, elle a donné lieu par son ardente charité au premier miracle de Jésus-Christ, et à ce que de l'eau fut changée en vin. Pensez que si elle a eu soin de pourvoir non seulement à la nécessité générale du genre humain par la venue du Messie; mais même au besoin particulier des conviés à ces noces, elle aura la même bonté pour tout ce qui vous manquera tant au corps qu'en l'esprit, si vous avez soin de l'invoquer.
Soyez persuadé qu'elle prend à la vérité nos intérêts; mais en sorte qu'elle veut que nous coopérions; car elle dit à ceux qui servaient, Faites tout, ect. Or nous coopérons, si
nous faisons volontiers tout ce que Jésus-Christ nous inspire, et si nous conformons en toutes rencontres notre volonté à celle de Dieu.
Notre Seigneur changea l'eau en vin, fit paraitre sa gloire, et ses Disciples crurent en lui.
Considérez que ce premier miracle de Jésus est comme le modèle, et le prototype du dernier qu'il fit un peu devant sa Passion, lorsqu'il institua le Sacrement de la sainte Eucharistie, et qu'il changea le pain en son Corps, et le vin en son Sang; afin que vous appreniez a vous trouver plutôt en ce banquet divin, qu'à des noces profanes.
Considérez que vous imiterez parfaitement le Sauveur, si vous conversez avec les hommes, de telle sorte que premièrement vous changiez l'eau en vin: c'est à dire si vous faites vos efforts à ce que les pécheurs deviennent gens de bien, et que les gens de bien fassent du progrès dans la vertu; si vous rapportez toutes vos actions à la gloire de Dieu, et non pas à la vôtre; et si en cas que vous ayez quelque supériorité, ou quelque commandement , vous avez soin d'instruire vos Disciples, et de réglée ceux qui vous sont soumis, de sorte que par vos enseignements et par l'exemple de votre vie , ils deviennent plus fermes en la foi, et plus fervents en l'amour de Dieu.
16 - ENTRETIEN DE JESUS AVEC NICODÈME
Nicodème l'un des principaux d'entre les Juifs, ayant entendu parler des miracles de Jésus, vint le trouver pendant la nuit, à dessein d'en recevoir et écouter les instructions.
Considérez que les biens de fortune ne sont pas beaucoup à estimer, puisque Nicodème n`a point été détourné ni par la considération de la noblesse, ni par l'excellence de sa doctrine, (car il était Pharisien) de suivre publiquement Jésus.
Considérez encore que ceux qui ont de la confusion à confesser leurs péchés, à s'approcher de la sainte Eucharistie, à prier à genoux, et à tenir des discours de piété en la présence des hommes, sont ceux qui vont trouver Jésus pendant la nuit. Ils doivent beaucoup appréhender ces paroles : Qui aura de la honte pour moi devant les hommes, j'en aurai pour lui devant mon Père. C'est pour cela que Jésus a institué le très-auguste Sacrement de l`Eucharistie et le Sacrifice de la Messe, et ce qui est figuré par l'élévation de la sainte Hostie, et du sacré Calice. C'est pour cela aussi que l'on emploi le signe de la Croix en tous les Sacrements et cérémonies de l'Église. Et c'est encore pour cela que la figure de la Croix est mise au-dessus des Églises, et qu'elle y est au dedans en tant d'endroits , que l'on en voit même tant d'images dans les grands chemins et dans les lieux publics, et que les Chrétiens s'en munissent à tous moments.
C'est pour cela en un mot que cette fête de son Exaltation et beaucoup d'autres ont été instituées, outre les deux dernières semaines de Carêmes et tous les Vendredis de l'année , qui sont des jours auxquels on lui rend un culte et une vénération particulière.
Remarquez la sagesse de Jésus, qui ne taxe point d'abord le peu d'esprit de Nicodème, qui n'inférait point autre chose des miracles du Sauveur, sinon qu'il était un Prophète; et qui ne reprend point non plus sa timidité, qu'après qu'il eut fait voir lui-même sa plus grossière ignorance et alors il lui dit : Quoi vous êtes maitre en Israël, et vous ignorez, ces choses ?
Jésus lui dit: Si quelqu'un n'est régénéré par l'eau et par le saint Esprit, il ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’esprit, est esprit.
Considérez que Jésus instruit ici Nicodème des principaux mystères de la Foi, comme du Baptême, ( car il nomme le Père, le Fils et le saint Esprit) de la Pénitence , de l'Incarnation, du signe de la Croix, de sa Passion, de son Ascension dans le Ciel, et de la vie éternelle.
Considérez encore, que comme quand vous étiez enfant, vous ne pouviez être sauvé si vous ne renaissiez par le Baptême, par l'ablution d'une eau élémentaire et par la grâce
du saint Esprit; ainsi à présent que vous êtes retombé, peut-être même en un seul péché mortel, tel, vous ne pouvez parvenir au Royaume de Dieu , si vous ne renaissez , et si vous n'êtes renouvelé par la pénitence, par l'eau de vos larmes, c'est à dire par la contrition et par l'absolution du Prêtre, qui confère la grâce du saint Esprit et si vous ne réglez votre vie conformément aux lois de l'esprit, et non pas à celles de la chair. Car ce qui est provenu de l'esprit, est esprit, dit l'Évangile, Si nous vivons de l'esprit, dit l'Apôtre (Galates 5) suivons les traces et les enseignements de l'esprit.
Comme Moise a élevé un serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l'homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ne périsse point.
Considérez que Jésus parle ici de son crucifiement à venir, car il n'y a rien qui ait été figuré ni prédit si clairement par les Prophètes que sa Passion. Ce qui fit que l'Eunuque de la Reine Candace ayant compris le sens d'un passage d'Isaïe qui en fait mention, se convertit aussitôt et fut baptisé par saint Philippe Diacre.
Pensez pourquoi Jésus voulut en sa dernière Cène que la sainte Eucharistie fut consacrée en mémoire de sa Passion; et persuadez-vous qu'il l'a ainsi pratiqué, afin que vous sachiez que rien ne contribue tant à la conversion d'un pécheur, et que rien n'est si puissant pour régler sa vie, pour faire pénitence et pour rendre à Dieu de continuelles actions de grâces, que la méditation du crucifiement de Jésus.
Dernière édition par MichelT le Ven 2 Oct 2020 - 5:25, édité 1 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
17 - LA SAMARITAINE
Jésus étant lassé du chemin reposait sur le bord d'une fontaine, environ vers les six heures: c'est à dire vers le midi. Une femme de Samarie y survint pour puiser de l'eau. Jésus lui dit : Donnez-moi à boire.
Considérez que Jésus cherche depuis le matin par les montagnes et par les vallées, sans boire ni manger, une brebis égarée, pour la ramener au troupeau, et combien les jugements de Dieu sont admirables; et avec combien de raison l'Apôtre a dit : (Romains 9) que le salut ne dépend pas ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu, quand il veut faire miséricorde. Car cette femme ne cherchait point Jésus, et ne courait point à son salut; encore moins le désirait-elle; et néanmoins la bonté divine en a eu pitié; elle lui a pardonné tous ces crimes, et elle l'a faite semblable aux Apôtres, en ce que ce fut elle qui alla publier dans la ville de Samarie, l'arrivée et la présence de Jésus.
Considérez que celui qui était venu pour donner la véritable boisson; demande lui-même à boire. En effet il était embrasé du désir d'éteindre la soif, non pas de son corps, mais de son cœur : c'est à dire de convertir cette âme; car l'on ne lit point qu'ensuite il ait bu de l'eau de ce puits. Considérez que Jésus nous demande à boire, lorsqu'il nous presse par un mouvement intérieur, à quitter nos péchés et à nous convertir à lui, qui est une fontaine d'eau vive , qui rejaillit jusques à la vie éternelle.
Comment se peut-il faire, lui dit cette femme, que Vous qui êtes Juif, me demandiez, à boire, à moi qui suis Samaritaine? Jésus dit alors : Si vous saviez, qui est celui qui vous a demandé à boire; peut-être lui auriez-vous demandé d'une eau vive que lui seul peut donner.
Considérez que cette femme reconnut aux habits de Jésus, qu'il était Juif; pour nous apprendre que si nous voulons l'imiter, nous devons donner à connaitre par les nôtres que nous sommes Chrétiens: car il serait honteux que les Turcs et les Juifs l'emportassent au-dessus de nous, en la modestie et en l'honnêteté des habits.
Considérez l'adresse de Jésus; qui de l'eau matérielle passe à la spirituelle; pour nous enseigner que quand nous avons dessein de nous employer à la conversion d'un pécheur, il faut prendre l'occasion favorable de parler de telle ou telle matière; et quand nous l'aurons entretenu de ce qui dépend de son état ou de sa profession, couler enfin petit à petit, et insinuer le discours du salut de son âme.
Seigneur, dit-elle encore, ce puits est bien profond et vous n'avez point de cruche, ou pouvez-vous donc pendre de l'eau vive ? Jésus lui dit : Quiconque boira de l'eau dont je vous parle, n'aura jamais de soif. Elle lui dit enfin : Donnez-moi donc de cette eau.
Considérez avec quelle adresse Jésus amollit peu à peu le cœur endurci de la Samaritaine: 1. Il lui fait voir qu'il est un homme extraordinaire. 2. Il lui promet de l'eau vive. 3. Il lui enseigne les vertus de cette eau, comme qu'elle étanche la soif pour jamais, et qu'elle rejaillit jusques à la vie éternelle, c'est à dire qu'elle met une âme en état de vivre éternellement.
O la grande libéralité de Jésus, qui découvre les eaux vives de sa grâce à des gens du peuple et qui même les présente à ceux qui ne les demandent pas ! Toutefois il n'y a pas sujet de s'en étonner; car la fontaine de la bonté divine s'épanche d'elle-même; c'est pourquoi elle cherche des jardins, qui ne sont point autres que nos âmes , où elle puisse répandre les ruisseaux de ses libéralités.
Considérez que l'eau de ce monde figure les richesses, les honneurs et les plaisirs, qui ne sont point capables d'étancher la soif, quand l'on en est altéré; mais qui l'allument de l'embrasent davantage; au contraire de celle que donne Jésus, qui figure la grâce de Dieu et les biens du Ciel, qui seuls ont la vertu de satisfaire et d'éteindre notre soif.
Allez lui dit Jésus, appelez votre mari. Elle lui répondit: Je n`ai point de mari. Jésus lui répliqua : Vous en avez eu cinq, et celui que vous avez, n`est pas votre. Je vois bien, lui dit-elle alors, que vous êtes un Prophète.
Considérez que Jésus ne voulut point faire savoir à cette femme qui il était, jusques à ce qu'elle eut ingénument confessé que l'homme avec qui elle demeurait n'était pas son mari, et par conséquent qu'elle se fut avouée pécheresse; car il n`a pas coutume de faire part de sa grâce, qu'à ceux qui s'humilient et qui confessent leurs péchés.
Considérez que cette femme ayant sans doute rougi en faisant cet aveu, ce sage et céleste Médecin lui prêta son secours et la guérit parfaitement : car il assura que sa confession était véritable, et pour la consoler et empêcher que sa confusion ne durât plus longtemps, il la loua deux diverses fois de ce qu'elle avait dit la vérité : car l'on rend honneur à Dieu quand l'on confesse ingénument son péché, et l'on mérite plutôt des louanges que du blâme.
Considérez comme après avoir expié ses crimes par l'humble confession qu'elle en avait faite, cette eau vive qui lui avait été présentée par Jésus, rejaillit de son âme, et monta jusques vers le Ciel; de même qu'une fontaine qui remonte vers sa source : car elle ne considère plus Jésus comme Juif, mais comme un Prophète; et elle ne parle que de l'adoration qui est du à Dieu, et de la venue du Messie.
Cette femme ayant dit ensuite: Je sais qu’un Messie doit venir; Jésus lui répondit: C`est moi-même qui parle à vous. Aussitôt elle abandonna sa cruche; et s'en alla publier dans la ville qu'elle avait vu le Messie. Les Apôtres survenant à ces entrefaites, s'étonnèrent de son entretien avec une femme.
Considérez comme cette brebis sauvage, peu à peu apprivoisée ce laisse toucher et prendre par son Pasteur: car quoi qu'elle ne soit pas encore bien informée qui il est, elle commence néanmoins à croire en lui et à l'aimer; c'est pourquoi elle dit qu'elle sait fort bien que le Messie doit venir.
Considérez qu'aussitôt après cette réponse de Jésus, elle fut tellement embrasée de l'amour divin, qu'ayant peine à en supporter l'ardeur, sans ce souvenir de sa cruche, ni du sujet qui l'avait fait venir à ce puits, elle courut à la ville avec empressement pour embraser les concitoyens du beau feu qui la consumait; en quoi elle réussit à leur grand avantage. Mais il ne faut pas s'étonner qu'elle laissa sa cruche; parce qu'elle avait bu de l'eau vive qui avait, entièrement étanché sa soif : afin que quiconque se veut mêler d'instruire les autres dans les enseignements du salut, apprenne à abandonner aussi la cruche des convoitises déréglées et des désirs criminels.
Considérez que les Apôtres s'étonnèrent de voir Jésus s'entretenir avec une femme; ce qui peut apprendre , notamment aux Religieux et aux Ecclésiastiques , qu'ils ne doivent que rarement converser avec les femmes; et en cas de besoin, en peu de mots, et jamais sans compagnie.
18 - DE LA GUERISON DU FILS D'UN SEIGNEUR.
Un seigneur prie Jésus de pendre la peine de venir en sa maison et de guérir son fils qui était sur le point de mourir.
Considérez quelle est la vanité des choses qui sont dans le monde; car de quoi pouvaient servir à ce seigneur son rang social, et ses grands biens pour retirer son fils du danger de mort où il était? Considérez encore quelle est la sagesse de Dieu, qui attire les hommes à faire leur salut par tant de divers et de si admirables moyens : car cette maladie mortelle a été la cause que ce Seigneur a recherché Jésus, et que toute sa famille s'est convertie.
Jésus lui dit: Si vous ne voyez des signes extraordinaires et des prodiges, vous ne croyez, point.
Considérez qu'il semble que Jésus parle un peu rudement à ce seigneur, tant à cause que sa foi n'était pas encore établie; (ce qui parait en ce qu'il croyait à la vérité que Jésus pouvait guérir son fils; c'est pourquoi il le prie une seconde fois de venir en sa maison ) qu'à cause que les riches de ce monde ont ici leur consolations, et quelquefois si grandes, qu'il faut des foudres et des tonnerres de parole pour leur donner la pensée de leur salut.
Faites réflexion s'il ne manque rien à votre foi; car si vous croyez véritablement ce que Dieu a promis de la vie éternelle, les menaces qu'il a faites du Jugement à venir, du purgatoire et de l'enfer, vous auriez beaucoup plus d`ardeur pour les exercices de piété, et pour toutes sortes de bonnes œuvres.
Jésus continuant de parler à ce seigneur lui dit enfin : Allez, votre fils est vivant et en pleine santé. Il ajouta foi a la parole de Jésus, et ayant rencontré de ses gens qui venaient au-devant de lui, et qui l'assurèrent que son fils se portait bien, il crût en lui, et toute sa famille.
Considérez et figurez-vous que vous êtes ce seigneur, puisque vous avez à gouverner les puissances de votre âme, tant intérieures qu'extérieures, et les membres de votre corps, pour les assujettir à Dieu et à la raison. Persuadez-vous que votre âme est votre fils; et que quand elle est tombée en péché mortel, ou quand elle est sur le point d'y tomber, vous devez implorer la grâce de Dieu. Que si vous croyez fortement qu'il peut vous aider par sa seule volonté, non seulement elle sera délivrée ou de la tentation, ou du péché, mais même vous acquererez la grâce de pouvoir convertir les autres.
Enfin, c'est une grande folie de ne pas croire aux paroles de l'Évangile; mais c'est une folie encore bien plus grande, que de croire aux vérités de l'Évangile, et de vivre néanmoins comme si toutes les paroles étaient autant de faussetés et de mensonges. Que tous les puissants et les riches ne se contentent pas de croire à Jésus-Christ; mais qu'ils enseignent à leur peuple cette même Foi. J'espère aussi que les personnes particulières feront de même dans leur famille, et que toute la terre sera bientôt croyante sous un même Roi, qui est le Souverain de tous les Princes de ce monde.
19 - DE LA BELLE MÈRE DE SIMON PIERRE, QUI FUT GUERIE DE LA FIÈVRE.
Étant sortis de la Synagogue, ils vinrent en la maison de Simon; de qui la belle Mère était affligées d'une fièvre violente; et ils prièrent Jésus en sa faveur.
Considérez que ce ne fut pas sans mystère que Jésus passa de la Synagogue dans la maison de Pierre. L'on ne lit point dans l`Écriture qu'après le travail du chemin ou de la Prédication, il se soit jamais retiré dans quelque Palais, pour y prendre son repas, ou son repos; mais bien dans quelque chétive maison de pêcheur, ou d'autres pauvres gens , telle qu'était celle de Pierre. Or que figurait cette maison du Prince des Apôtres, sinon l'Église, dont il fut établi le gardien, le chef visible et le pasteur, par Jésus quand il lui dit en saint Jean chapitre 21 : Si vous m'aimez, paissez mes brebis; et que cet adorable Sauveur a choisie pour son épouse, après avoir répudié la Synagogue, qui tant de fois par ses révoltes et ses rebellions avait donné occasion à ce divorce ?
Considérez que les Apôtres ne rendirent pas seulement visite à cette malade, mais qu'ils prièrent Jésus pour elle; et cela vous apprend que lorsque vous ne pouvez pas agir et secourir, l'infirmité de votre prochain par vous-même, vous devez au moins vous employer par vos prières et par vos entremises auprès de Dieu et auprès des hommes riches, pour suppléer à ce défaut; invoquer même l'assistance et l'intercession des Saints auprès du Père des miséricordes, afin qu'ils obtiennent sa grâce, et pour vous et pour ceux qui ont besoin de votre secours.
Jésus s'approcha de cette malade, fit commandement a la fièvre de la quitter, et lui ayant pris la main, elle se leva et les servit à table.
Considérez pourquoi Jésus sachant très bien que cette femme était malade, attendit pour la guérir, que les disciples l'en priassent. Sans doute parce que la maison de Pierre devant être une maison de foi, de charité et d'oraison, il voulut que l'exercice de ces vertus y fut pratiqué. Il pouvait à la vérité la guérir, quoi qu'il ne fut pas auprès d'elle, et qu'il en fut éloigné; mais pour donner une marque plus signalée de son amour, il l'alla trouver en personne, il lui prit la main, et fit commandement à la fièvre de la laisser , afin qu'en la touchant il fit voir qu'il était homme, et que faisant un commandement si absolu et si efficace , il fit paraitre qu'il était Dieu.
Considérez que cette femme ne fut pas seulement délivrée de sa fièvre, mais qu'elle reprit aussitôt des forces, de telle manière que d'abord elle sortit gaiement de son lit, et pour témoignage de sa gratitude, elle se mit en devoir de servir à table Jésus et ses Apôtres, avec un zèle et une affection toute particulière. Et delà vous devez apprendre à ne pas demeurer dans l'oisiveté quand vous aurez obtenu le pardon de vos péchés , mais à faire tous vos efforts pour recouvrer le temps dont l'infirmité ou corporelle
ou spirituelle vous aura causer la perte.
Le soir étant venu, on lui amenait diverses sortes de malades, et même des énergumènes (possédés), qu'il guérissait tous en les touchant de sa main; et il imposait silence aux démons ( anges déchus) qui s`écriaient: Vous êtes le Fils de Dieu.
Considérez que la seule maison de Pierre, c'est à dire l'Église Romaine, est l'asile où l'on peut trouver la guérison de toutes sortes de maladies spirituelles qui sont les péchés; et même des corporelles, quand il plait à Dieu que l'on y voit des miracles.
Que les guérisons sont plus ordinaires dans l'obscurité, ou pendant la nuit des infortunes, que dans l'éclat de la prospérité; car il est indubitable que l'on pense plutôt à se convertir quand l'on est dans la disgrâce, que quand la fortune est favorable; et d'autant plus que comme dit le prophète Isaïe chapitre 28 : L`affliction donne de l`esprit.
Que Jésus imposa silence aux démons ( anges déchus), pour nous apprendre que nous devons toujours nous défier de ces Anges de ténèbres, comme de nos ennemis mortels; n'avoir jamais aucune communication avec eux, soit pour le bien ou pour le mal; car celui d'entre eux qui semble avoir plus de soin de nos commodités, est celui qui dresse des pièges plus dangereux à notre salut.
20 – DU PARALYTIQUE QUI FUT GUÉRI PAR JÉSUS
Jésus dit à un Paralytique couché dans son lit, en considération de la foi de ceux qui le portaient et le lui présentèrent: Mon fils ayez, confiance; vos péchés, vous sont pardonnés.
Considérez que Jésus commence la guérison de ce Paralytique par le pardon de ses péchés qu'il lui accorde, quoique ni lui ni personne ne lui en eut fait la demande : pour vous apprendre qu'il faut procurer la santé de l'âme devant celle du corps; et que les péchés peuvent être la cause de maladies.
Pensez qu'il vous sera bien avantageux d'être toujours en la compagnie de gens de bien; afin que si votre foi et vos bonnes œuvres ne sont point capables de vous faire impétrer la santé de votre âme, principalement si vous êtes paralytique, ( au sens figuré) c'est à dire sujet à beaucoup de faiblesses, vous la puissiez au moins obtenir par leur piété et par leurs prières.
Jésus voyant les pensées de blasphème que les Pharisiens avaient dans le cœur, il leur dit: Lequel des deux vous semble plus aisé à dire: ou, vos péchés vous sont pardonnés ou bien : Levez-vous et marchez?
Considérez que l'exemple de Jésus, nous apprend à repousser une mauvaise pensée sitôt qu'elle nous vient en l'esprit; et que dans le moment que nous nous en apercevons, il faut que nous nous disions en nous-mêmes : Pourquoi penses-tu du mal en ton cœur?
Que le véritable serviteur de Dieu ne se sert point d'autres armes contre les médisants et les détracteurs, que de l'exemple des bonnes œuvres: comme fait ici Jésus en rendant la santé au paralytique; pour faire voir qu'il avait l'autorité et la puissance de pardonner les péchés; ce que les Pharisiens prenaient pour un blasphème.
Jésus dit alors au Paralytique: Levez-vous, emportez, votre lit, et vous en allez en votre maison.
Considérez que le pécheur qui est destitué d'œuvres méritoires du Paradis, ou qui demeure dans sa vocation sans s'y acquitter de ses devoirs par une lâche et honteuse fainéantise, peut être appelé Paralytique. Mais que pour sortir de cet état, il doit : 1. Se confier en Dieu et se relever pour ainsi dire de dessus ses vices et ses imperfections ordinaires : 2. Emporter son lit; c'est à dire contraindre son corps qui jusques alors a été assujetti à l'iniquité, de servir à la justice, et le châtier par les jeûnes, par les disciplines: 3. S'en aller en sa maison, c'est à dire faire progrès de vertu en vertu par la pratique et l'exercice continuel des bonnes œuvres : jusques à ce qu'il puisse enfin avoir l'entrée dans le Ciel, qui est sa véritable maison.
Jésus étant lassé du chemin reposait sur le bord d'une fontaine, environ vers les six heures: c'est à dire vers le midi. Une femme de Samarie y survint pour puiser de l'eau. Jésus lui dit : Donnez-moi à boire.
Considérez que Jésus cherche depuis le matin par les montagnes et par les vallées, sans boire ni manger, une brebis égarée, pour la ramener au troupeau, et combien les jugements de Dieu sont admirables; et avec combien de raison l'Apôtre a dit : (Romains 9) que le salut ne dépend pas ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu, quand il veut faire miséricorde. Car cette femme ne cherchait point Jésus, et ne courait point à son salut; encore moins le désirait-elle; et néanmoins la bonté divine en a eu pitié; elle lui a pardonné tous ces crimes, et elle l'a faite semblable aux Apôtres, en ce que ce fut elle qui alla publier dans la ville de Samarie, l'arrivée et la présence de Jésus.
Considérez que celui qui était venu pour donner la véritable boisson; demande lui-même à boire. En effet il était embrasé du désir d'éteindre la soif, non pas de son corps, mais de son cœur : c'est à dire de convertir cette âme; car l'on ne lit point qu'ensuite il ait bu de l'eau de ce puits. Considérez que Jésus nous demande à boire, lorsqu'il nous presse par un mouvement intérieur, à quitter nos péchés et à nous convertir à lui, qui est une fontaine d'eau vive , qui rejaillit jusques à la vie éternelle.
Comment se peut-il faire, lui dit cette femme, que Vous qui êtes Juif, me demandiez, à boire, à moi qui suis Samaritaine? Jésus dit alors : Si vous saviez, qui est celui qui vous a demandé à boire; peut-être lui auriez-vous demandé d'une eau vive que lui seul peut donner.
Considérez que cette femme reconnut aux habits de Jésus, qu'il était Juif; pour nous apprendre que si nous voulons l'imiter, nous devons donner à connaitre par les nôtres que nous sommes Chrétiens: car il serait honteux que les Turcs et les Juifs l'emportassent au-dessus de nous, en la modestie et en l'honnêteté des habits.
Considérez l'adresse de Jésus; qui de l'eau matérielle passe à la spirituelle; pour nous enseigner que quand nous avons dessein de nous employer à la conversion d'un pécheur, il faut prendre l'occasion favorable de parler de telle ou telle matière; et quand nous l'aurons entretenu de ce qui dépend de son état ou de sa profession, couler enfin petit à petit, et insinuer le discours du salut de son âme.
Seigneur, dit-elle encore, ce puits est bien profond et vous n'avez point de cruche, ou pouvez-vous donc pendre de l'eau vive ? Jésus lui dit : Quiconque boira de l'eau dont je vous parle, n'aura jamais de soif. Elle lui dit enfin : Donnez-moi donc de cette eau.
Considérez avec quelle adresse Jésus amollit peu à peu le cœur endurci de la Samaritaine: 1. Il lui fait voir qu'il est un homme extraordinaire. 2. Il lui promet de l'eau vive. 3. Il lui enseigne les vertus de cette eau, comme qu'elle étanche la soif pour jamais, et qu'elle rejaillit jusques à la vie éternelle, c'est à dire qu'elle met une âme en état de vivre éternellement.
O la grande libéralité de Jésus, qui découvre les eaux vives de sa grâce à des gens du peuple et qui même les présente à ceux qui ne les demandent pas ! Toutefois il n'y a pas sujet de s'en étonner; car la fontaine de la bonté divine s'épanche d'elle-même; c'est pourquoi elle cherche des jardins, qui ne sont point autres que nos âmes , où elle puisse répandre les ruisseaux de ses libéralités.
Considérez que l'eau de ce monde figure les richesses, les honneurs et les plaisirs, qui ne sont point capables d'étancher la soif, quand l'on en est altéré; mais qui l'allument de l'embrasent davantage; au contraire de celle que donne Jésus, qui figure la grâce de Dieu et les biens du Ciel, qui seuls ont la vertu de satisfaire et d'éteindre notre soif.
Allez lui dit Jésus, appelez votre mari. Elle lui répondit: Je n`ai point de mari. Jésus lui répliqua : Vous en avez eu cinq, et celui que vous avez, n`est pas votre. Je vois bien, lui dit-elle alors, que vous êtes un Prophète.
Considérez que Jésus ne voulut point faire savoir à cette femme qui il était, jusques à ce qu'elle eut ingénument confessé que l'homme avec qui elle demeurait n'était pas son mari, et par conséquent qu'elle se fut avouée pécheresse; car il n`a pas coutume de faire part de sa grâce, qu'à ceux qui s'humilient et qui confessent leurs péchés.
Considérez que cette femme ayant sans doute rougi en faisant cet aveu, ce sage et céleste Médecin lui prêta son secours et la guérit parfaitement : car il assura que sa confession était véritable, et pour la consoler et empêcher que sa confusion ne durât plus longtemps, il la loua deux diverses fois de ce qu'elle avait dit la vérité : car l'on rend honneur à Dieu quand l'on confesse ingénument son péché, et l'on mérite plutôt des louanges que du blâme.
Considérez comme après avoir expié ses crimes par l'humble confession qu'elle en avait faite, cette eau vive qui lui avait été présentée par Jésus, rejaillit de son âme, et monta jusques vers le Ciel; de même qu'une fontaine qui remonte vers sa source : car elle ne considère plus Jésus comme Juif, mais comme un Prophète; et elle ne parle que de l'adoration qui est du à Dieu, et de la venue du Messie.
Cette femme ayant dit ensuite: Je sais qu’un Messie doit venir; Jésus lui répondit: C`est moi-même qui parle à vous. Aussitôt elle abandonna sa cruche; et s'en alla publier dans la ville qu'elle avait vu le Messie. Les Apôtres survenant à ces entrefaites, s'étonnèrent de son entretien avec une femme.
Considérez comme cette brebis sauvage, peu à peu apprivoisée ce laisse toucher et prendre par son Pasteur: car quoi qu'elle ne soit pas encore bien informée qui il est, elle commence néanmoins à croire en lui et à l'aimer; c'est pourquoi elle dit qu'elle sait fort bien que le Messie doit venir.
Considérez qu'aussitôt après cette réponse de Jésus, elle fut tellement embrasée de l'amour divin, qu'ayant peine à en supporter l'ardeur, sans ce souvenir de sa cruche, ni du sujet qui l'avait fait venir à ce puits, elle courut à la ville avec empressement pour embraser les concitoyens du beau feu qui la consumait; en quoi elle réussit à leur grand avantage. Mais il ne faut pas s'étonner qu'elle laissa sa cruche; parce qu'elle avait bu de l'eau vive qui avait, entièrement étanché sa soif : afin que quiconque se veut mêler d'instruire les autres dans les enseignements du salut, apprenne à abandonner aussi la cruche des convoitises déréglées et des désirs criminels.
Considérez que les Apôtres s'étonnèrent de voir Jésus s'entretenir avec une femme; ce qui peut apprendre , notamment aux Religieux et aux Ecclésiastiques , qu'ils ne doivent que rarement converser avec les femmes; et en cas de besoin, en peu de mots, et jamais sans compagnie.
18 - DE LA GUERISON DU FILS D'UN SEIGNEUR.
Un seigneur prie Jésus de pendre la peine de venir en sa maison et de guérir son fils qui était sur le point de mourir.
Considérez quelle est la vanité des choses qui sont dans le monde; car de quoi pouvaient servir à ce seigneur son rang social, et ses grands biens pour retirer son fils du danger de mort où il était? Considérez encore quelle est la sagesse de Dieu, qui attire les hommes à faire leur salut par tant de divers et de si admirables moyens : car cette maladie mortelle a été la cause que ce Seigneur a recherché Jésus, et que toute sa famille s'est convertie.
Jésus lui dit: Si vous ne voyez des signes extraordinaires et des prodiges, vous ne croyez, point.
Considérez qu'il semble que Jésus parle un peu rudement à ce seigneur, tant à cause que sa foi n'était pas encore établie; (ce qui parait en ce qu'il croyait à la vérité que Jésus pouvait guérir son fils; c'est pourquoi il le prie une seconde fois de venir en sa maison ) qu'à cause que les riches de ce monde ont ici leur consolations, et quelquefois si grandes, qu'il faut des foudres et des tonnerres de parole pour leur donner la pensée de leur salut.
Faites réflexion s'il ne manque rien à votre foi; car si vous croyez véritablement ce que Dieu a promis de la vie éternelle, les menaces qu'il a faites du Jugement à venir, du purgatoire et de l'enfer, vous auriez beaucoup plus d`ardeur pour les exercices de piété, et pour toutes sortes de bonnes œuvres.
Jésus continuant de parler à ce seigneur lui dit enfin : Allez, votre fils est vivant et en pleine santé. Il ajouta foi a la parole de Jésus, et ayant rencontré de ses gens qui venaient au-devant de lui, et qui l'assurèrent que son fils se portait bien, il crût en lui, et toute sa famille.
Considérez et figurez-vous que vous êtes ce seigneur, puisque vous avez à gouverner les puissances de votre âme, tant intérieures qu'extérieures, et les membres de votre corps, pour les assujettir à Dieu et à la raison. Persuadez-vous que votre âme est votre fils; et que quand elle est tombée en péché mortel, ou quand elle est sur le point d'y tomber, vous devez implorer la grâce de Dieu. Que si vous croyez fortement qu'il peut vous aider par sa seule volonté, non seulement elle sera délivrée ou de la tentation, ou du péché, mais même vous acquererez la grâce de pouvoir convertir les autres.
Enfin, c'est une grande folie de ne pas croire aux paroles de l'Évangile; mais c'est une folie encore bien plus grande, que de croire aux vérités de l'Évangile, et de vivre néanmoins comme si toutes les paroles étaient autant de faussetés et de mensonges. Que tous les puissants et les riches ne se contentent pas de croire à Jésus-Christ; mais qu'ils enseignent à leur peuple cette même Foi. J'espère aussi que les personnes particulières feront de même dans leur famille, et que toute la terre sera bientôt croyante sous un même Roi, qui est le Souverain de tous les Princes de ce monde.
19 - DE LA BELLE MÈRE DE SIMON PIERRE, QUI FUT GUERIE DE LA FIÈVRE.
Étant sortis de la Synagogue, ils vinrent en la maison de Simon; de qui la belle Mère était affligées d'une fièvre violente; et ils prièrent Jésus en sa faveur.
Considérez que ce ne fut pas sans mystère que Jésus passa de la Synagogue dans la maison de Pierre. L'on ne lit point dans l`Écriture qu'après le travail du chemin ou de la Prédication, il se soit jamais retiré dans quelque Palais, pour y prendre son repas, ou son repos; mais bien dans quelque chétive maison de pêcheur, ou d'autres pauvres gens , telle qu'était celle de Pierre. Or que figurait cette maison du Prince des Apôtres, sinon l'Église, dont il fut établi le gardien, le chef visible et le pasteur, par Jésus quand il lui dit en saint Jean chapitre 21 : Si vous m'aimez, paissez mes brebis; et que cet adorable Sauveur a choisie pour son épouse, après avoir répudié la Synagogue, qui tant de fois par ses révoltes et ses rebellions avait donné occasion à ce divorce ?
Considérez que les Apôtres ne rendirent pas seulement visite à cette malade, mais qu'ils prièrent Jésus pour elle; et cela vous apprend que lorsque vous ne pouvez pas agir et secourir, l'infirmité de votre prochain par vous-même, vous devez au moins vous employer par vos prières et par vos entremises auprès de Dieu et auprès des hommes riches, pour suppléer à ce défaut; invoquer même l'assistance et l'intercession des Saints auprès du Père des miséricordes, afin qu'ils obtiennent sa grâce, et pour vous et pour ceux qui ont besoin de votre secours.
Jésus s'approcha de cette malade, fit commandement a la fièvre de la quitter, et lui ayant pris la main, elle se leva et les servit à table.
Considérez pourquoi Jésus sachant très bien que cette femme était malade, attendit pour la guérir, que les disciples l'en priassent. Sans doute parce que la maison de Pierre devant être une maison de foi, de charité et d'oraison, il voulut que l'exercice de ces vertus y fut pratiqué. Il pouvait à la vérité la guérir, quoi qu'il ne fut pas auprès d'elle, et qu'il en fut éloigné; mais pour donner une marque plus signalée de son amour, il l'alla trouver en personne, il lui prit la main, et fit commandement à la fièvre de la laisser , afin qu'en la touchant il fit voir qu'il était homme, et que faisant un commandement si absolu et si efficace , il fit paraitre qu'il était Dieu.
Considérez que cette femme ne fut pas seulement délivrée de sa fièvre, mais qu'elle reprit aussitôt des forces, de telle manière que d'abord elle sortit gaiement de son lit, et pour témoignage de sa gratitude, elle se mit en devoir de servir à table Jésus et ses Apôtres, avec un zèle et une affection toute particulière. Et delà vous devez apprendre à ne pas demeurer dans l'oisiveté quand vous aurez obtenu le pardon de vos péchés , mais à faire tous vos efforts pour recouvrer le temps dont l'infirmité ou corporelle
ou spirituelle vous aura causer la perte.
Le soir étant venu, on lui amenait diverses sortes de malades, et même des énergumènes (possédés), qu'il guérissait tous en les touchant de sa main; et il imposait silence aux démons ( anges déchus) qui s`écriaient: Vous êtes le Fils de Dieu.
Considérez que la seule maison de Pierre, c'est à dire l'Église Romaine, est l'asile où l'on peut trouver la guérison de toutes sortes de maladies spirituelles qui sont les péchés; et même des corporelles, quand il plait à Dieu que l'on y voit des miracles.
Que les guérisons sont plus ordinaires dans l'obscurité, ou pendant la nuit des infortunes, que dans l'éclat de la prospérité; car il est indubitable que l'on pense plutôt à se convertir quand l'on est dans la disgrâce, que quand la fortune est favorable; et d'autant plus que comme dit le prophète Isaïe chapitre 28 : L`affliction donne de l`esprit.
Que Jésus imposa silence aux démons ( anges déchus), pour nous apprendre que nous devons toujours nous défier de ces Anges de ténèbres, comme de nos ennemis mortels; n'avoir jamais aucune communication avec eux, soit pour le bien ou pour le mal; car celui d'entre eux qui semble avoir plus de soin de nos commodités, est celui qui dresse des pièges plus dangereux à notre salut.
20 – DU PARALYTIQUE QUI FUT GUÉRI PAR JÉSUS
Jésus dit à un Paralytique couché dans son lit, en considération de la foi de ceux qui le portaient et le lui présentèrent: Mon fils ayez, confiance; vos péchés, vous sont pardonnés.
Considérez que Jésus commence la guérison de ce Paralytique par le pardon de ses péchés qu'il lui accorde, quoique ni lui ni personne ne lui en eut fait la demande : pour vous apprendre qu'il faut procurer la santé de l'âme devant celle du corps; et que les péchés peuvent être la cause de maladies.
Pensez qu'il vous sera bien avantageux d'être toujours en la compagnie de gens de bien; afin que si votre foi et vos bonnes œuvres ne sont point capables de vous faire impétrer la santé de votre âme, principalement si vous êtes paralytique, ( au sens figuré) c'est à dire sujet à beaucoup de faiblesses, vous la puissiez au moins obtenir par leur piété et par leurs prières.
Jésus voyant les pensées de blasphème que les Pharisiens avaient dans le cœur, il leur dit: Lequel des deux vous semble plus aisé à dire: ou, vos péchés vous sont pardonnés ou bien : Levez-vous et marchez?
Considérez que l'exemple de Jésus, nous apprend à repousser une mauvaise pensée sitôt qu'elle nous vient en l'esprit; et que dans le moment que nous nous en apercevons, il faut que nous nous disions en nous-mêmes : Pourquoi penses-tu du mal en ton cœur?
Que le véritable serviteur de Dieu ne se sert point d'autres armes contre les médisants et les détracteurs, que de l'exemple des bonnes œuvres: comme fait ici Jésus en rendant la santé au paralytique; pour faire voir qu'il avait l'autorité et la puissance de pardonner les péchés; ce que les Pharisiens prenaient pour un blasphème.
Jésus dit alors au Paralytique: Levez-vous, emportez, votre lit, et vous en allez en votre maison.
Considérez que le pécheur qui est destitué d'œuvres méritoires du Paradis, ou qui demeure dans sa vocation sans s'y acquitter de ses devoirs par une lâche et honteuse fainéantise, peut être appelé Paralytique. Mais que pour sortir de cet état, il doit : 1. Se confier en Dieu et se relever pour ainsi dire de dessus ses vices et ses imperfections ordinaires : 2. Emporter son lit; c'est à dire contraindre son corps qui jusques alors a été assujetti à l'iniquité, de servir à la justice, et le châtier par les jeûnes, par les disciplines: 3. S'en aller en sa maison, c'est à dire faire progrès de vertu en vertu par la pratique et l'exercice continuel des bonnes œuvres : jusques à ce qu'il puisse enfin avoir l'entrée dans le Ciel, qui est sa véritable maison.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
21- VOCATION DE ST MATTHIEU
Jésus voyant Matthieu qui était assis au bureau des impôts, il lui dit: Suivez-moi: Matthieu se leva aussitôt et le suivit.
Considérez quelle est la puissance infinie, et l'incompréhensible bonté de Dieu, qui veut bien retirer en un moment du bourbier des péchés, et le faisant passer d'une extrémité à l'autre, l'appeler à l'éminente perfection de la vie Apostolique, un homme plongé dans les crimes et dans les soins du monde tels que sont ordinairement ceux qui sont commis à la cueillette des impôts et des subsides; pour vous apprendre qu'il n`y a ni péché, ni faiblesse, ni même endurcissement, dont Dieu ne puisse et ne veuille vous retirer, si vous voulez le suivre quand il vous appelle.
Faites réflexion sur la prompte obéissance de saint Matthieu, qui foulant aux pieds toutes ses richesses et toutes ses affaires, se met à la suite de Jésus. Pensez combien de fois il vous appelle pour le suivre; combien de fois il vous inspire de pratiquer une telle, ou telle vertu, de faire une telle ou telle bonne œuvre, et que néanmoins vous faites la sourde oreille, et vous rejetez son inspiration, ou que si vous y prêtez quelque consentement, vous différez de l'exécuter, et vous ne lui obéissez pas dans le moment, comme a fait ce grand Apôtre. Priez-le donc qu'après avoir renoncé du fond du cœur à tous vos désordres, et à tous vos désirs déréglés, qu'il soit seul l'objet de toutes vos affections.
Jésus étant un jour à table en la maison de saint Mathieu, et avec lui grand nombre de Publicains et de pécheurs; quelques Pharisiens s'adressant à ses Disciples : Pourquoi, leur dirent-ils , votre Maitre mange-t `il avec des pécheurs?
Considérez que les vertus de Jésus étaient si augustes et accompagnées d'une si profonde humilité, que même de méchants hommes se sentaient attirés à rechercher sa conversation. Vivez donc en sorte que vous ne causiez du scandale à personne, mais que votre modestie, votre piété et votre douceur invitent les autres à votre entretien, afin que votre compagnie leur étant utile et agréable, vous puissiez leur persuader la pratique de la vertu.
Apprenez aussi à ne vous soucier ni des murmures, ni des médisances, à l'exemple de votre Maitre; car le médisant ne fait tort qu'à lui seul, de même que celui qui mouche la chandelle se brule les doigts et fait service aux autres.
Soyez persuadé que ceux qui suivent le Sauveur comme saint Matthieu, et qui abandonnent le monde, avec tout ce qu'ils y prétendent, lui dressent un festin magnifique; car rien ne lui plait tant que le parfait mépris de soi-même et du monde.
Allez et apprenez, ce que veut dire: Je veux la miséricorde et non point le sacrifice; car je ne suis pas venu appeler les Justes, mais les pécheurs.
Considérez encore une fois la clémence infinie et l'amour ineffable de Jésus pour les hommes, en ce que comme s'il avait oublié l'intérêt de sa propre gloire, il a plus à cœur la miséricorde envers les pécheurs, que tous les sacrifices qui aient jamais été offerts en son honneur; et en ce que pour eux seuls sans avoir égard aux gens de bien qu'il semblerait devoir particulièrement chérir, il est descendu des Cieux, il s'est revêtu de la nature humaine, et a souffert une mort accompagnée d'outrages et d'ignominies inconcevables.
Pensez quelle fut la vertu de la passion et de l'amour de Jésus en la conversion de Matthieu le pécheur, qui de Percepteur d`impôt devint un des Disciples, un des Apôtres et un des Évangélistes du Sauveur, et qui après avoir voyagé et parcouru toute l'Éthiopie, et y avoir prêché et publié la foi de Jésus, rendit la pareille à son Maitre, et fut sacrifié à sa gloire et à son amour, dans le temps qu'il était employé à célébrer la messe.
Église chrétienne en Éthiopie
22 - DE LA FILLE DU PRINCE DE LA SYNAGOGUE, ET DE L'HÉMOROÏSSE.
Le prince de la Synagogue ayant adoré Jésus et prié d'imposer les mains sur sa fille qui était décédée, Jésus le suivit en sa maison ; il en fit sortir une foule de peuple qui y était, avec les joueurs d'instruments, il lui prit la main et lui rendit la vie.
Considérez que ce Prince de la Synagogue fît trois choses pour obtenir ce qu'il désirait. 1. Il se prosterna aux pieds de Jésus. 2. Il le pria instamment pour sa fille : 3. Il crut que le seul attouchement de ses mains divines était capable de la faire revivre. Ainsi quand vous voudrez obtenir de Dieu quelque faveur : 1. Humiliez-vous devant sa Majesté , car la prière de celui qui s'humilie , pénètre les nuës, dit le Sage (Ecclésiastique, 35) 2. Priez ardemment et non pas avec tiédeur. 3. Persuadez-vous sans hésiter que vous obtiendrez votre demande si elle est raisonnable, et si vous avez de la confiance en Dieu comme l'enseigne saint Jacques.
Remarquez que Jésus interrompit son discours pour suivre ce Prince de la Synagogue; ce qui nous apprend à n'être point lents; et à ne point rechercher les délais, quand il s`agit de servir le prochain, même dans les affaires temporelles; car Magdeleine et Marthe, c’est-à-dire la vie active et la contemplative, sont deux sœurs, et elles se tiennent compagnie l'une à l'autre. Considérez que par cette foule de peuple qui fut mise dehors, nous sommes avertis d'abandonner les mauvaises compagnies, et de nous défaire des désirs inutiles et pernicieux, si nous voulons revivre dans la grâce après être morts par le péché.
Une femme qui depuis longtemps souffrait une perte de sang, toucha par derrière la frange de la robe de Jésus et disait en soi-même. Si seulement je touche le bas de son habit, je serai guérie.
Considérez que de tous les infirmes qui avaient suivi Jésus en ce rencontre, cette femme seule fut guérie, et que les autres ne le furent pas, parce qu'ils n'étaient pas animés comme elle d'une ferme foi et d'une ardente dévotion. Mais prenons garde, nous qui approchons si souvent du saint Autel, que ce soit avec les dispositions nécessaires, de peur que nous touchions Jésus, et que néanmoins nous n'en retirions aucun avantage. Considérez que cette femme ne fut pas guérie lors qu'elle résolut seulement de faire ses efforts pour toucher la robe de Jésus, mais après qu'elle l'eut touché, pour vous apprendre qu'il ne suffit pas de se résoudre à changer de vie, mais qu'il faut effectivement la changer.
Qu'elle ne toucha que la frange, c'est à dire le bas de la robe de Jésus, qui figure assez proprement sa passion à l'égard du reste de sa vie; laquelle si nous touchons en la méditant et imitant avec humilité, sans doute qu'elle sera assez puissante pour nous guérir de tous nos défauts et de toutes nos faiblesses.
Jésus s'étant retourné lui dit: Prenez courage, ma fille, votre foi vous a rendu la santé.
Considérez que Jésus attribue ce miracle à la foi de cette femme, et non à sa propre vertu, pour nous apprendre à ne point rechercher notre gloire particulière dans nos bonnes œuvres, mais celle de Dieu. Que par cette douce et aimable façon de parler il a voulu faire voir avec quelle bonté et quelle tendresse il reçoit un pécheur humilié et touché au fond du cœur du regret de l'avoir offensé; comme aussi donner une nouvelle consolation à cette femme, et lui faire entendre que son âme était aussi parfaitement guérie que son corps; ce qui fait qu'il l'appelle du nom de Fille.
23 - DU PARALYTIQUE AUPRÈS DE LA PISCINE
Jésus ayant demandé à un paralytique malade depuis trente-huit ans, et qui était couché par terre auprès de la piscine de Jérusalem, s'il voulait être guéri, ce pauvre langoureux lui répondit : Je n'ai personne qui me fasse entrer dans la Piscine, après que l'eau sera remuée.
Considérez la grandeur de la sagesse de Dieu, qui de plusieurs malades qui languissaient auprès de cette piscine, n'en guérit qu'un seul; car il le fait afin que nous nous maintenions dans sa crainte, puisque notre vie et notre mort dépendent entièrement et également de lui; comme aussi afin que nous soyons excités à l'aimer d'autant plus que nous savons qu'il nous a prévenus par sa grâce avec une bonté toute particulière.
Qu'encore que Jésus fut parfaitement informé de ce que demandait ce malade, il ne laissa pas de l'interroger s'il voulait être guéri, afin qu'il déclarât lui-même ce qu'il désirait. Car Jésus n'est pas le Sauveur de ceux qui ne veulent pas se sauver, mais de ceux qui le souhaitent ardemment, et qui y coopèrent; conformément à ce qu'a dit St Augustin dans son sermon 15 des paroles de l'Apôtre: Celui qui vous a créé sans vous, ne vous justifiera pas sans vous; c'est à dire sans que vous y coopériez.
Il l'interrogea aussi pour augmenter en lui le désir de recouvrer sa santé, afin que par ce moyen il le méritait d'autant plus, et s'en rendit plus digne. Que ce Paralytique est la figure de ceux qui pèchent par habitude; et que la troupe des autres languissants, qui étaient ou aveugles, ou boiteux et tous couchés auprès de cette piscine, signifie ceux qui pèchent par négligence, par ignorance, par fragilité ou par malice et qui peuvent aussi tous être guéris s'ils le désirent.
Jésus lui dit : Levez-vous , emportez votre lit et marchez, il l'emporta et il marchait. Alors les Juifs dirent: C`est le Sabbat, dirent-ils, il ne vous est pas permis de rien emporter pendant ce jour. A quoi il répondit: Celui qui m'a guéri me l'a commandé.
Considérez 1. Que Jésus dit à un pécheur, quand il le revêt de sa grâce, après que son péché lui a été pardonné : Levez-vous, que le pécheur emporte son lit, quand ce qui lui plaisait auparavant commence à lui déplaire; et qu'il marche, quand il coopère à la grâce qu'il a reçue, en pratiquant de bonne œuvres. 2. Que les Juifs reprennent en ce Paralytique ce qui leur semblait mériter de la répréhension; et non pas le miracle de sa santé recouvrée car les méchants ont coutume de remarquer seulement dans les autres, quelques mauvaises actions qu`ils puissent blâmer, et non pas les bonnes; ou s'ils les remarquent, ils les interprètent en mauvaise part. 3 . Que le lit figure les biens de cette vie, qui sont les richesses, les honneurs et les plaisirs, sur lesquels l'homme est comme couché et malade, quand il s'y plait et s'y attache mais quand il ne les tient que pour un pesant fardeau, et comme un joug insupportable, c`est signe qu'il est en pleine santé, et qu'il peut marcher à son aise.
Jésus s'étant retiré de l'assemblée, et ayant ensuite rencontré ce Paralytique dans le Temple; il lui dit: Vous êtes guéri, gardez-vous de pécher à partir de maintenant, de crainte qu'il ne vous arrive quelque chose de pire.
Considérez que Jésus se retirant nous apprend par la retraite, qu'il ne faut point rechercher l'applaudissement des hommes dans la pratique des bonnes œuvres; et qu'il est quelques fois à propos de se séparer de ceux qui sont enclins à la calomnie, et qui interprètent en mauvaise part ce qui a été fait à bonne intention.
Que ce Paralytique fut trouvé ensuite dans le Temple par Jésus, pour vous apprendre que quand Dieu vous aura fait quelque grâce, vous devez lui en faire le remerciement, non seulement en paroles, mais aussi par une pieuse conversion, en fréquentant les Églises, y entendant la parole de Dieu et en assistant à l'Office divin, comme aussi en changeant de manière de vie et de libertine et déréglée qu'elle était la rendant plus vertueuse et plus réglée; de crainte qu'ayant perdu en punition de votre ingratitude la grâce que vous aviez obtenue, quelque chose de pis ne vous arrive, c'est à dire que vous ne retombiez dans des péchés semblables à ceux qui vous ont été pardonnés; et qu'y étant engagé plus que jamais , vous ne mouriez en cet état, sans en pouvoir espérer le pardon.
24 - SERMON DE JESUS-CHRIST SUR LA MONTAGNE.
Jésus assis sur une montagne jeta la vue sur ses Disciples, et leur dit: Bienheureux les pauvres d`esprit, car le Royaume de Dieu leur appartient.
Considérez que le Sauveur comme un bon Architecte pose pour base et pour fondement bien profond de la perfection Chrétienne , la pauvreté d'esprit, qui contiennent deux vertus le renoncement aux richesses et aux attraits de la vie du monde, et le mépris de soi-même; ce que l'on peut appeler la pauvreté volontaire, et la véritable humilité. Pensez que le Royaume des Cieux est la récompense de cette pauvreté volontaire; car le Ciel est justement acquis à ceux qui méprisent les biens de la terre.
Bienheureux ceux qui sont doux car ils possèderont la terre.
Considérez que bien à propos la douceur est mise ici immédiatement après la pauvreté Car il semble que ce soit l'apanage des pauvres de souffrir des affronts et des reproches; et c'est ce qui fait que la mansuétude est nécessaire à un homme de bien, afin qu'il puisse souffrir avec patience toutes sortes d'adversités et vaincre le mal par le bien. Pensez que les superbes et les emportés ne doivent craindre l'enfer, si le Ciel est promis aux pauvres d'esprit, c'est à dire aux humbles, et la possession de la terre à ceux qui sont doux et débonnaires.
Bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
Considérez que ceux qui déplorent la perte de quelque bien temporel, n'ont point de part au bonheur dont il est ici parlé; mais bien ceux qui versent des larmes : 1 . A cause de leurs péchés et de ceux de tous les hommes. 2. A cause du long exil de cette vie: 3. A cause des dangers auxquels notre salut est exposé. 4. A cause que la gloire que nous espérons est différée; car ils seront comblés d'une parfaite consolation en ce monde et en l'autre. Jugez par les contraires, quelle sera l'issue de ceux qui emploient toute leur vie dans les rires et dans les divertissements.
Bienheureux ceux qui sont affamés, et altérés de la justice, car ils seront rassasiés.
Considérez qu'après que nous avons pleuré nos péchés, nous devons nous appliquer à l'observation des commandements de Dieu , et à la pratique de toutes sortes de vertus; car il ne suffit pas de faire le mal, il faut aussi faire le bien. Qu'il ne suffit pas non plus de vouloir la Justice, mais qu'il en faut être affamé et ardemment altéré; c'est à dire la procurer et l'avancer avec ferveur et avec zèle, tant à son propre égard, qu'à l'égard des autres, en sorte que celui qui est juste devienne encore plus juste; car si nous avons cette faim et cette soif, Dieu nous remplira dans notre besoin de toutes fortes de biens et de dons, non seulement en cette vie, mais aussi en celle à venir.
Bienheureux ceux qui sont miséricordieux; car ils obtiendront miséricorde.
Considérez que le terme de miséricorde tirant son étymologie de misère et de cœur, nous sommes véritablement miséricordieux si nous compatissons aux misères du prochain du fond de notre cœur. Que la miséricorde Chrétienne a bien de l`étendue; car il la faut pratiquer, non seulement en la distribution des biens du corps mais aussi en la communication de ceux de l'âme; non seulement à l'égard de ses amis, mais aussi à l'égard de ses ennemis, imitant en cela notre Dieu, qui fait luire son soleil sur les méchant comme que sur les gens de bien. Persuadez-vous que ceux qui font miséricorde l'obtiendront au jour du dernier Jugement; lorsque le Seigneur assis sur son trône leur dira: Venez, les bénits de mon Père: car j`ai eu faim et vous m'avez donné à manger.
Bienheureux ceux qui ont le cœur pur et net car ils verront Dieu.
Considérez combien à propos la pureté de cœur suit ici immédiatement la miséricorde; parce que si vous n'avez pas bonne intention, ou si vous êtes en péché mortel quand vous faite l'aumône; elle n'a aucun mérite. En effet, si je distribue dit l'Apôtre, tous mes biens aux pauvres, n`ayant point la charité, cela m'est inutile, ( 1. Corinthiens 13.). Que Dieu promet à chaque vertu sa récompense particulière, qui a du rapport à son mérite et à son action; mais qu'il se promet soi-même à la pureté de cœur; car voir Dieu n'est autre chose que d'en jouir et le posséder. Ce qui n'étonnera point si l'on considère que Dieu étant la pureté même, il se communique volontiers aux âmes véritablement pures, c'est à dire qui sont exemptes de péché et d'affections déréglées, comme sont ceux qui lui ont consacré leur virginité.
Bienheureux les pacifiques, car ils seront appelés les enfants de Dieu.
Considérez qu'avec grande raison la pureté de cœur est suivie de la paix; car quand l'on s'est lavé des souillures du péché, l'on éprouve aussitôt un repos de conscience, c’est-à-dire une paix, qui surpasse tout sentiment, dit saint Paul, et qui est une marque assurée de la présence de la grâce. Que la paix est la parfaite union des esprits et des volontés; par conséquent que ceux-là doivent être proprement appelez pacifiques, qui recherchent la paix avec Dieu, avec leur prochain, avec leur conscience, avec leurs passions, avec lesquelles néanmoins il ne peut y avoir de paix , si elles ne sont entièrement domptées.
Que les pacifiques sont appelez les enfants de Dieu; 1. Parce qu'ils sont semblables à Jésus qui est un Dieu de paix. 2. Parce qu'ils sont les fonctions de Dieu même et de Jésus; qui est notre véritable paix, qui de deux choses n`en a fait qu'une, quand il a uni la nature humaine avec la divine, et qui n'a rien tant recommandé à ses Disciples que la concorde et l 'affection mutuelle.
Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la Justice; car le Royaume des Cieux leur appartient. Vous serez, heureux lorsque les hommes vous chargeront de malédictions, lorsqu'ils vous persécuteront, et qu'ils diront de vous, quoi que faussement, tout le mal que l'on se peut imaginer.
Considérez que bien à propos cette Béatitude est mise la dernière après les précédentes; car elle est le comble de toutes les vertus et de toute la perfection; et elle peut être comparée à l'égard des autres, à une pierre précieuse, ou à une croix d'or pendue au bas d'une chaine de même métal à plusieurs mailles. En effet souffrir pour
Jésus, est la plus grande de toutes les grâces, et Dieu ne la fait qu'à ses favoris. Ce qui a fait dire à St Jacques, que la patience conduit à la perfection.
Pensez que les personnes qui aspirent à la sainteté, mettent toute leur gloire non pas en leur vertus et aux grâces dont Dieu les favorise, car elles peuvent enfler de vanité, mais aux opprobres et aux persécutions qu'ils ont souffertes. A Dieu ne plaise, disait saint Paul, que j`établisse mon honneur en autre chose qu'en la Croix de Jésus mon Seigneur et mon Maitre.
25 - DE LA LAMPE ALLUMÉE ET MISE SUR LE CHANDELIER.
Personne n'allume une lampe et la met dans un lieu obscur, ou sous un boisseau, mais sur un chandelier, afin que ceux qui entrent voient la lumière.
Considérez que nous mettons la lumière sur le Chandelier, lorsque par nos paroles et par nos actions nous donnons au prochain de bons exemples de vertu; et que nous la cachons sous le boisseau, lors que nous ne communiquons pas les grâces que nous avons reçues. Comme aussi les Prélats et tous ceux qui ont quelque commandement, doivent être semblables à des lampes, en communiquant la lumière de la doctrine et du bon exemple et en se laissait consumer peu à peu dans cet emploi.
Si votre œil est simple, tout votre corps sera lumineux; mais s'il est méchant, votre corps aussi sera plein de ténèbres.
Considérez que ces paroles nous enseignent de quelle droiture et de quelle pureté d'intention nos actions doivent être accompagnées et que comme il est aisé de broncher quand on a les yeux troubles et incommodés ainsi ceux qui agissent sans cette pureté et sans cette droiture, tombent ordinairement dans quelque désordre, ce qui n'arrive pas à ceux qui n'entreprennent rien avant que d'avoir rectifié leur intention.
26 - DE L'AFFECTION POUR SES ENNEMIS
Vous avez entendu, dit Jésus notre Maitre, que l'on a dit aux Anciens : Vous aimerez votre ami, et vous haïrez votre ennemi.
Considérez que la Loi ancienne n'était pas si parfaite que la nouvelle, et que ceux d`entre les Chrétiens qui se comportent avec dureté envers leur prochain, et même envers leurs ennemis, veulent étouffer l'esprit de la Loi nouvelle.
Et moi je vous dis, continua Jésus; Aimez vos ennemis; faites du bien à ceux qui vous veulent du mal.
Considérez qui est celui qui commande d'aimer ses ennemis. C'est Jésus notre maitre, qui a le pouvoir non seulement d'ordonner et d'obliger, mais aussi de punir et de châtier si l'on contrevient à ses commandements.
Si vous saluez seulement vos frères, vos poches, et vos amis, que faites-vous de considérable ? Les Gentils n`en font-ils pas autant? Soyez, parfaits comme votre Père céleste est parfait.
Considérez que Dieu exige de nous une entière et souveraine perfection, puisque nous sommes obligés de nous rendre parfaits sur l'exemple du Père Éternel. Malheur donc à nous qui vivons comme des Païens, ou pour ainsi dire, comme des bêtes brutes; quoique nous soyons obligés d'imiter notre Dieu, et de parvenir à être des copies de sa perfection autant que nous le pouvons.
Jésus voyant Matthieu qui était assis au bureau des impôts, il lui dit: Suivez-moi: Matthieu se leva aussitôt et le suivit.
Considérez quelle est la puissance infinie, et l'incompréhensible bonté de Dieu, qui veut bien retirer en un moment du bourbier des péchés, et le faisant passer d'une extrémité à l'autre, l'appeler à l'éminente perfection de la vie Apostolique, un homme plongé dans les crimes et dans les soins du monde tels que sont ordinairement ceux qui sont commis à la cueillette des impôts et des subsides; pour vous apprendre qu'il n`y a ni péché, ni faiblesse, ni même endurcissement, dont Dieu ne puisse et ne veuille vous retirer, si vous voulez le suivre quand il vous appelle.
Faites réflexion sur la prompte obéissance de saint Matthieu, qui foulant aux pieds toutes ses richesses et toutes ses affaires, se met à la suite de Jésus. Pensez combien de fois il vous appelle pour le suivre; combien de fois il vous inspire de pratiquer une telle, ou telle vertu, de faire une telle ou telle bonne œuvre, et que néanmoins vous faites la sourde oreille, et vous rejetez son inspiration, ou que si vous y prêtez quelque consentement, vous différez de l'exécuter, et vous ne lui obéissez pas dans le moment, comme a fait ce grand Apôtre. Priez-le donc qu'après avoir renoncé du fond du cœur à tous vos désordres, et à tous vos désirs déréglés, qu'il soit seul l'objet de toutes vos affections.
Jésus étant un jour à table en la maison de saint Mathieu, et avec lui grand nombre de Publicains et de pécheurs; quelques Pharisiens s'adressant à ses Disciples : Pourquoi, leur dirent-ils , votre Maitre mange-t `il avec des pécheurs?
Considérez que les vertus de Jésus étaient si augustes et accompagnées d'une si profonde humilité, que même de méchants hommes se sentaient attirés à rechercher sa conversation. Vivez donc en sorte que vous ne causiez du scandale à personne, mais que votre modestie, votre piété et votre douceur invitent les autres à votre entretien, afin que votre compagnie leur étant utile et agréable, vous puissiez leur persuader la pratique de la vertu.
Apprenez aussi à ne vous soucier ni des murmures, ni des médisances, à l'exemple de votre Maitre; car le médisant ne fait tort qu'à lui seul, de même que celui qui mouche la chandelle se brule les doigts et fait service aux autres.
Soyez persuadé que ceux qui suivent le Sauveur comme saint Matthieu, et qui abandonnent le monde, avec tout ce qu'ils y prétendent, lui dressent un festin magnifique; car rien ne lui plait tant que le parfait mépris de soi-même et du monde.
Allez et apprenez, ce que veut dire: Je veux la miséricorde et non point le sacrifice; car je ne suis pas venu appeler les Justes, mais les pécheurs.
Considérez encore une fois la clémence infinie et l'amour ineffable de Jésus pour les hommes, en ce que comme s'il avait oublié l'intérêt de sa propre gloire, il a plus à cœur la miséricorde envers les pécheurs, que tous les sacrifices qui aient jamais été offerts en son honneur; et en ce que pour eux seuls sans avoir égard aux gens de bien qu'il semblerait devoir particulièrement chérir, il est descendu des Cieux, il s'est revêtu de la nature humaine, et a souffert une mort accompagnée d'outrages et d'ignominies inconcevables.
Pensez quelle fut la vertu de la passion et de l'amour de Jésus en la conversion de Matthieu le pécheur, qui de Percepteur d`impôt devint un des Disciples, un des Apôtres et un des Évangélistes du Sauveur, et qui après avoir voyagé et parcouru toute l'Éthiopie, et y avoir prêché et publié la foi de Jésus, rendit la pareille à son Maitre, et fut sacrifié à sa gloire et à son amour, dans le temps qu'il était employé à célébrer la messe.
Église chrétienne en Éthiopie
22 - DE LA FILLE DU PRINCE DE LA SYNAGOGUE, ET DE L'HÉMOROÏSSE.
Le prince de la Synagogue ayant adoré Jésus et prié d'imposer les mains sur sa fille qui était décédée, Jésus le suivit en sa maison ; il en fit sortir une foule de peuple qui y était, avec les joueurs d'instruments, il lui prit la main et lui rendit la vie.
Considérez que ce Prince de la Synagogue fît trois choses pour obtenir ce qu'il désirait. 1. Il se prosterna aux pieds de Jésus. 2. Il le pria instamment pour sa fille : 3. Il crut que le seul attouchement de ses mains divines était capable de la faire revivre. Ainsi quand vous voudrez obtenir de Dieu quelque faveur : 1. Humiliez-vous devant sa Majesté , car la prière de celui qui s'humilie , pénètre les nuës, dit le Sage (Ecclésiastique, 35) 2. Priez ardemment et non pas avec tiédeur. 3. Persuadez-vous sans hésiter que vous obtiendrez votre demande si elle est raisonnable, et si vous avez de la confiance en Dieu comme l'enseigne saint Jacques.
Remarquez que Jésus interrompit son discours pour suivre ce Prince de la Synagogue; ce qui nous apprend à n'être point lents; et à ne point rechercher les délais, quand il s`agit de servir le prochain, même dans les affaires temporelles; car Magdeleine et Marthe, c’est-à-dire la vie active et la contemplative, sont deux sœurs, et elles se tiennent compagnie l'une à l'autre. Considérez que par cette foule de peuple qui fut mise dehors, nous sommes avertis d'abandonner les mauvaises compagnies, et de nous défaire des désirs inutiles et pernicieux, si nous voulons revivre dans la grâce après être morts par le péché.
Une femme qui depuis longtemps souffrait une perte de sang, toucha par derrière la frange de la robe de Jésus et disait en soi-même. Si seulement je touche le bas de son habit, je serai guérie.
Considérez que de tous les infirmes qui avaient suivi Jésus en ce rencontre, cette femme seule fut guérie, et que les autres ne le furent pas, parce qu'ils n'étaient pas animés comme elle d'une ferme foi et d'une ardente dévotion. Mais prenons garde, nous qui approchons si souvent du saint Autel, que ce soit avec les dispositions nécessaires, de peur que nous touchions Jésus, et que néanmoins nous n'en retirions aucun avantage. Considérez que cette femme ne fut pas guérie lors qu'elle résolut seulement de faire ses efforts pour toucher la robe de Jésus, mais après qu'elle l'eut touché, pour vous apprendre qu'il ne suffit pas de se résoudre à changer de vie, mais qu'il faut effectivement la changer.
Qu'elle ne toucha que la frange, c'est à dire le bas de la robe de Jésus, qui figure assez proprement sa passion à l'égard du reste de sa vie; laquelle si nous touchons en la méditant et imitant avec humilité, sans doute qu'elle sera assez puissante pour nous guérir de tous nos défauts et de toutes nos faiblesses.
Jésus s'étant retourné lui dit: Prenez courage, ma fille, votre foi vous a rendu la santé.
Considérez que Jésus attribue ce miracle à la foi de cette femme, et non à sa propre vertu, pour nous apprendre à ne point rechercher notre gloire particulière dans nos bonnes œuvres, mais celle de Dieu. Que par cette douce et aimable façon de parler il a voulu faire voir avec quelle bonté et quelle tendresse il reçoit un pécheur humilié et touché au fond du cœur du regret de l'avoir offensé; comme aussi donner une nouvelle consolation à cette femme, et lui faire entendre que son âme était aussi parfaitement guérie que son corps; ce qui fait qu'il l'appelle du nom de Fille.
23 - DU PARALYTIQUE AUPRÈS DE LA PISCINE
Jésus ayant demandé à un paralytique malade depuis trente-huit ans, et qui était couché par terre auprès de la piscine de Jérusalem, s'il voulait être guéri, ce pauvre langoureux lui répondit : Je n'ai personne qui me fasse entrer dans la Piscine, après que l'eau sera remuée.
Considérez la grandeur de la sagesse de Dieu, qui de plusieurs malades qui languissaient auprès de cette piscine, n'en guérit qu'un seul; car il le fait afin que nous nous maintenions dans sa crainte, puisque notre vie et notre mort dépendent entièrement et également de lui; comme aussi afin que nous soyons excités à l'aimer d'autant plus que nous savons qu'il nous a prévenus par sa grâce avec une bonté toute particulière.
Qu'encore que Jésus fut parfaitement informé de ce que demandait ce malade, il ne laissa pas de l'interroger s'il voulait être guéri, afin qu'il déclarât lui-même ce qu'il désirait. Car Jésus n'est pas le Sauveur de ceux qui ne veulent pas se sauver, mais de ceux qui le souhaitent ardemment, et qui y coopèrent; conformément à ce qu'a dit St Augustin dans son sermon 15 des paroles de l'Apôtre: Celui qui vous a créé sans vous, ne vous justifiera pas sans vous; c'est à dire sans que vous y coopériez.
Il l'interrogea aussi pour augmenter en lui le désir de recouvrer sa santé, afin que par ce moyen il le méritait d'autant plus, et s'en rendit plus digne. Que ce Paralytique est la figure de ceux qui pèchent par habitude; et que la troupe des autres languissants, qui étaient ou aveugles, ou boiteux et tous couchés auprès de cette piscine, signifie ceux qui pèchent par négligence, par ignorance, par fragilité ou par malice et qui peuvent aussi tous être guéris s'ils le désirent.
Jésus lui dit : Levez-vous , emportez votre lit et marchez, il l'emporta et il marchait. Alors les Juifs dirent: C`est le Sabbat, dirent-ils, il ne vous est pas permis de rien emporter pendant ce jour. A quoi il répondit: Celui qui m'a guéri me l'a commandé.
Considérez 1. Que Jésus dit à un pécheur, quand il le revêt de sa grâce, après que son péché lui a été pardonné : Levez-vous, que le pécheur emporte son lit, quand ce qui lui plaisait auparavant commence à lui déplaire; et qu'il marche, quand il coopère à la grâce qu'il a reçue, en pratiquant de bonne œuvres. 2. Que les Juifs reprennent en ce Paralytique ce qui leur semblait mériter de la répréhension; et non pas le miracle de sa santé recouvrée car les méchants ont coutume de remarquer seulement dans les autres, quelques mauvaises actions qu`ils puissent blâmer, et non pas les bonnes; ou s'ils les remarquent, ils les interprètent en mauvaise part. 3 . Que le lit figure les biens de cette vie, qui sont les richesses, les honneurs et les plaisirs, sur lesquels l'homme est comme couché et malade, quand il s'y plait et s'y attache mais quand il ne les tient que pour un pesant fardeau, et comme un joug insupportable, c`est signe qu'il est en pleine santé, et qu'il peut marcher à son aise.
Jésus s'étant retiré de l'assemblée, et ayant ensuite rencontré ce Paralytique dans le Temple; il lui dit: Vous êtes guéri, gardez-vous de pécher à partir de maintenant, de crainte qu'il ne vous arrive quelque chose de pire.
Considérez que Jésus se retirant nous apprend par la retraite, qu'il ne faut point rechercher l'applaudissement des hommes dans la pratique des bonnes œuvres; et qu'il est quelques fois à propos de se séparer de ceux qui sont enclins à la calomnie, et qui interprètent en mauvaise part ce qui a été fait à bonne intention.
Que ce Paralytique fut trouvé ensuite dans le Temple par Jésus, pour vous apprendre que quand Dieu vous aura fait quelque grâce, vous devez lui en faire le remerciement, non seulement en paroles, mais aussi par une pieuse conversion, en fréquentant les Églises, y entendant la parole de Dieu et en assistant à l'Office divin, comme aussi en changeant de manière de vie et de libertine et déréglée qu'elle était la rendant plus vertueuse et plus réglée; de crainte qu'ayant perdu en punition de votre ingratitude la grâce que vous aviez obtenue, quelque chose de pis ne vous arrive, c'est à dire que vous ne retombiez dans des péchés semblables à ceux qui vous ont été pardonnés; et qu'y étant engagé plus que jamais , vous ne mouriez en cet état, sans en pouvoir espérer le pardon.
24 - SERMON DE JESUS-CHRIST SUR LA MONTAGNE.
Jésus assis sur une montagne jeta la vue sur ses Disciples, et leur dit: Bienheureux les pauvres d`esprit, car le Royaume de Dieu leur appartient.
Considérez que le Sauveur comme un bon Architecte pose pour base et pour fondement bien profond de la perfection Chrétienne , la pauvreté d'esprit, qui contiennent deux vertus le renoncement aux richesses et aux attraits de la vie du monde, et le mépris de soi-même; ce que l'on peut appeler la pauvreté volontaire, et la véritable humilité. Pensez que le Royaume des Cieux est la récompense de cette pauvreté volontaire; car le Ciel est justement acquis à ceux qui méprisent les biens de la terre.
Bienheureux ceux qui sont doux car ils possèderont la terre.
Considérez que bien à propos la douceur est mise ici immédiatement après la pauvreté Car il semble que ce soit l'apanage des pauvres de souffrir des affronts et des reproches; et c'est ce qui fait que la mansuétude est nécessaire à un homme de bien, afin qu'il puisse souffrir avec patience toutes sortes d'adversités et vaincre le mal par le bien. Pensez que les superbes et les emportés ne doivent craindre l'enfer, si le Ciel est promis aux pauvres d'esprit, c'est à dire aux humbles, et la possession de la terre à ceux qui sont doux et débonnaires.
Bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
Considérez que ceux qui déplorent la perte de quelque bien temporel, n'ont point de part au bonheur dont il est ici parlé; mais bien ceux qui versent des larmes : 1 . A cause de leurs péchés et de ceux de tous les hommes. 2. A cause du long exil de cette vie: 3. A cause des dangers auxquels notre salut est exposé. 4. A cause que la gloire que nous espérons est différée; car ils seront comblés d'une parfaite consolation en ce monde et en l'autre. Jugez par les contraires, quelle sera l'issue de ceux qui emploient toute leur vie dans les rires et dans les divertissements.
Bienheureux ceux qui sont affamés, et altérés de la justice, car ils seront rassasiés.
Considérez qu'après que nous avons pleuré nos péchés, nous devons nous appliquer à l'observation des commandements de Dieu , et à la pratique de toutes sortes de vertus; car il ne suffit pas de faire le mal, il faut aussi faire le bien. Qu'il ne suffit pas non plus de vouloir la Justice, mais qu'il en faut être affamé et ardemment altéré; c'est à dire la procurer et l'avancer avec ferveur et avec zèle, tant à son propre égard, qu'à l'égard des autres, en sorte que celui qui est juste devienne encore plus juste; car si nous avons cette faim et cette soif, Dieu nous remplira dans notre besoin de toutes fortes de biens et de dons, non seulement en cette vie, mais aussi en celle à venir.
Bienheureux ceux qui sont miséricordieux; car ils obtiendront miséricorde.
Considérez que le terme de miséricorde tirant son étymologie de misère et de cœur, nous sommes véritablement miséricordieux si nous compatissons aux misères du prochain du fond de notre cœur. Que la miséricorde Chrétienne a bien de l`étendue; car il la faut pratiquer, non seulement en la distribution des biens du corps mais aussi en la communication de ceux de l'âme; non seulement à l'égard de ses amis, mais aussi à l'égard de ses ennemis, imitant en cela notre Dieu, qui fait luire son soleil sur les méchant comme que sur les gens de bien. Persuadez-vous que ceux qui font miséricorde l'obtiendront au jour du dernier Jugement; lorsque le Seigneur assis sur son trône leur dira: Venez, les bénits de mon Père: car j`ai eu faim et vous m'avez donné à manger.
Bienheureux ceux qui ont le cœur pur et net car ils verront Dieu.
Considérez combien à propos la pureté de cœur suit ici immédiatement la miséricorde; parce que si vous n'avez pas bonne intention, ou si vous êtes en péché mortel quand vous faite l'aumône; elle n'a aucun mérite. En effet, si je distribue dit l'Apôtre, tous mes biens aux pauvres, n`ayant point la charité, cela m'est inutile, ( 1. Corinthiens 13.). Que Dieu promet à chaque vertu sa récompense particulière, qui a du rapport à son mérite et à son action; mais qu'il se promet soi-même à la pureté de cœur; car voir Dieu n'est autre chose que d'en jouir et le posséder. Ce qui n'étonnera point si l'on considère que Dieu étant la pureté même, il se communique volontiers aux âmes véritablement pures, c'est à dire qui sont exemptes de péché et d'affections déréglées, comme sont ceux qui lui ont consacré leur virginité.
Bienheureux les pacifiques, car ils seront appelés les enfants de Dieu.
Considérez qu'avec grande raison la pureté de cœur est suivie de la paix; car quand l'on s'est lavé des souillures du péché, l'on éprouve aussitôt un repos de conscience, c’est-à-dire une paix, qui surpasse tout sentiment, dit saint Paul, et qui est une marque assurée de la présence de la grâce. Que la paix est la parfaite union des esprits et des volontés; par conséquent que ceux-là doivent être proprement appelez pacifiques, qui recherchent la paix avec Dieu, avec leur prochain, avec leur conscience, avec leurs passions, avec lesquelles néanmoins il ne peut y avoir de paix , si elles ne sont entièrement domptées.
Que les pacifiques sont appelez les enfants de Dieu; 1. Parce qu'ils sont semblables à Jésus qui est un Dieu de paix. 2. Parce qu'ils sont les fonctions de Dieu même et de Jésus; qui est notre véritable paix, qui de deux choses n`en a fait qu'une, quand il a uni la nature humaine avec la divine, et qui n'a rien tant recommandé à ses Disciples que la concorde et l 'affection mutuelle.
Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la Justice; car le Royaume des Cieux leur appartient. Vous serez, heureux lorsque les hommes vous chargeront de malédictions, lorsqu'ils vous persécuteront, et qu'ils diront de vous, quoi que faussement, tout le mal que l'on se peut imaginer.
Considérez que bien à propos cette Béatitude est mise la dernière après les précédentes; car elle est le comble de toutes les vertus et de toute la perfection; et elle peut être comparée à l'égard des autres, à une pierre précieuse, ou à une croix d'or pendue au bas d'une chaine de même métal à plusieurs mailles. En effet souffrir pour
Jésus, est la plus grande de toutes les grâces, et Dieu ne la fait qu'à ses favoris. Ce qui a fait dire à St Jacques, que la patience conduit à la perfection.
Pensez que les personnes qui aspirent à la sainteté, mettent toute leur gloire non pas en leur vertus et aux grâces dont Dieu les favorise, car elles peuvent enfler de vanité, mais aux opprobres et aux persécutions qu'ils ont souffertes. A Dieu ne plaise, disait saint Paul, que j`établisse mon honneur en autre chose qu'en la Croix de Jésus mon Seigneur et mon Maitre.
25 - DE LA LAMPE ALLUMÉE ET MISE SUR LE CHANDELIER.
Personne n'allume une lampe et la met dans un lieu obscur, ou sous un boisseau, mais sur un chandelier, afin que ceux qui entrent voient la lumière.
Considérez que nous mettons la lumière sur le Chandelier, lorsque par nos paroles et par nos actions nous donnons au prochain de bons exemples de vertu; et que nous la cachons sous le boisseau, lors que nous ne communiquons pas les grâces que nous avons reçues. Comme aussi les Prélats et tous ceux qui ont quelque commandement, doivent être semblables à des lampes, en communiquant la lumière de la doctrine et du bon exemple et en se laissait consumer peu à peu dans cet emploi.
Si votre œil est simple, tout votre corps sera lumineux; mais s'il est méchant, votre corps aussi sera plein de ténèbres.
Considérez que ces paroles nous enseignent de quelle droiture et de quelle pureté d'intention nos actions doivent être accompagnées et que comme il est aisé de broncher quand on a les yeux troubles et incommodés ainsi ceux qui agissent sans cette pureté et sans cette droiture, tombent ordinairement dans quelque désordre, ce qui n'arrive pas à ceux qui n'entreprennent rien avant que d'avoir rectifié leur intention.
26 - DE L'AFFECTION POUR SES ENNEMIS
Vous avez entendu, dit Jésus notre Maitre, que l'on a dit aux Anciens : Vous aimerez votre ami, et vous haïrez votre ennemi.
Considérez que la Loi ancienne n'était pas si parfaite que la nouvelle, et que ceux d`entre les Chrétiens qui se comportent avec dureté envers leur prochain, et même envers leurs ennemis, veulent étouffer l'esprit de la Loi nouvelle.
Et moi je vous dis, continua Jésus; Aimez vos ennemis; faites du bien à ceux qui vous veulent du mal.
Considérez qui est celui qui commande d'aimer ses ennemis. C'est Jésus notre maitre, qui a le pouvoir non seulement d'ordonner et d'obliger, mais aussi de punir et de châtier si l'on contrevient à ses commandements.
Si vous saluez seulement vos frères, vos poches, et vos amis, que faites-vous de considérable ? Les Gentils n`en font-ils pas autant? Soyez, parfaits comme votre Père céleste est parfait.
Considérez que Dieu exige de nous une entière et souveraine perfection, puisque nous sommes obligés de nous rendre parfaits sur l'exemple du Père Éternel. Malheur donc à nous qui vivons comme des Païens, ou pour ainsi dire, comme des bêtes brutes; quoique nous soyons obligés d'imiter notre Dieu, et de parvenir à être des copies de sa perfection autant que nous le pouvons.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
27 - DU LÉPREUX
Le Lépreux, après avoir adoré Jésus-Christ lui dit: Seigneur, si vous, voulez, vous pouvez, me rendre net.
Considérez que Jésus-Christ après être descendu de la montagne où il avait dit beaucoup de choses touchant l'amour du prochain, en vient à la pratique et à l'exercice de la charité, afin de vous apprendre que la vie doit correspondre à la doctrine; car nous devons aimer notre prochain non seulement de parole, mais aussi par œuvres et en vérité, comme parle St Jean.
Voyez ce que fait le Lépreux pour obtenir sa guérison. Il s'humilie et proteste de la grandeur de sa foi par son adoration; il avoue qu'il est lépreux, et s'abandonne à la volonté de Dieu, en lui disant : Si vous voulez, vous le pouvez. Pour vous apprendre que votre prière sera efficace, quand vous demanderez avec humilité et avec résignation, désirant que la seule volonté de Dieu se fasse; soit que vous deviez demeurer en santé ou devenir malade; car il se peut faire que si ce Lépreux n'eut pas eu cette infirmité, il n'eut pas recherché Jésus-Christ.
Et Jésus étendant sa main sur lui, le toucha et lui dit : Je le veux, soyez net.
Considérez premièrement que Jésus-Christ pouvant le guérir de sa seule parole, voulut toutefois le toucher; pour vous apprendre que vous ne devez point avoir d'horreur ni de répugnance pour les pauvres et pour les malades, quand vous les pouvez assister, Saint Martin et Saint François ont baisé des Lépreux, Saint Elzéar et Sainte Marguerite Reine d'Écosse, leur ont lavé les pieds.
Pensez que vous devenez lépreux, lorsque vous souillez votre âme d'un seul péché mortel, ou de plusieurs défauts criminels, et que vous avez aussi besoin d'approcher et de toucher souvent la chair sacrée de Jésus-Christ dans la sainte Eucharistie.
Jésus dit à cet homme qu'il venait de nettoyer de la lèpre : Je vous défends de le dire à personne; allez seulement montrez-vous au Prêtre, et faites-lui votre offrande.
Considérez premièrement combien les personnes qui sont dans l'exercice de la piété, doivent soigneusement fuir la présomption, qui accompagne aussi souvent les bonnes actions, que l'ombre suit le corps ; puisque Jésus qui n'avait pas sujet d'appréhender le péché et devait plutôt faire éclater son action si miraculeuse, a pourtant fait cette défense à ce lépreux.
Considérez que nous ne devons pas être honteux de confesser nos crimes les plus énormes, et de les découvrir à un Confesseur ou Père spirituel, afin que nous puissions être parfaitement délivrez de la lèpre du péché, par ses prières, par son conseil, et par la pénitence qui nous sera imposée,
Pensez que Dieu aime la gratitude que nous faisons paraitre par quelque présent extérieur que nous offrons dans l'Église; et qu'il a agréable que nous lui rendions grâces des faveurs que nous avons reçues de sa bonté; car il désire que nous lui prétentions une partie de nos biens, et que nous l'en remercions incessamment, afin qu'il soit obligé de nous en donner encore davantage.
28 - DU SERVITEUR DU CENTURION.
Dans la ville de Capharnaüm, un Centurion dit à Jésus que son serviteur était malade au lit, qu'il était paralytique, et qu'il souffrait de cuisantes douleurs.
Considérez la charité de ce Centurion qui se met en peine de la santé de son valet, et l'humilité de Jésus-Christ, qui ne rebutant point sa requête lui répondit : J'irai, et je le guérirai. Pour vous apprendre que si vous avez quelque supériorité, vous ne devez pas mépriser les moindres de ceux qui vous obéissent; et que si vous n'en avez point, à l'exemple du Fils de Dieu, vous devez être prêt de secourir les personnes de la plus basse et de la plus vile condition.
Pesez et pensez si vous n'êtes point aussi paralytique car : 1. Vous êtes l'esclave du péché et de vos passions, si vous ne pouvez en être le maitre. 2. Vous êtes gisant dans un lit, si vous êtes attaché d'affection aux choses de la terre. 3. Et vous êtes entièrement perclus, si vous demeurez dans un péché mortel, parce que vous ne pouvez rien mériter par vos actions, quelque bonnes qu'elles soient d'elles-mêmes. Vous sentez enfin de cuisantes douleurs, si vous êtes bourrelé du remords de conscience, et si vous avez trop d'attache pour les biens temporels.
Le Centurion répondant à Jésus lui dit: Seigneur, je ne suis pas digne que vous entriez, dans ma maison, ect. Car je suis un homme qui ai quelque autorité, et lorsque que je dis à quelqu'un : Allez, il se met aussitôt en état d'obéir.
Considérez que le Centurion se croyant indigne que Jésus entrait dans sa maison, mérita qu'il entrât dans son cœur. Voyez de combien de vertus il fait des actes : d'humilité, lorsqu'il ne croît ne pas mériter la présence du Fils de Dieu : de Foi, lorsqu'il ne doute point qu'il ne puisse quoi qu'absent rendre la santé à son serviteur : de Sagesse lorsqu'il reconnait sans que l'on le lui eût enseigné, que Dieu est le maitre de toute les créatures, à la moindre déclaration de la volonté duquel elles doivent plutôt obéir que des valets à leurs maitres. O foi admirable ! non point d'un Gentil ( non-juif), mais d'un Chrétien, non point d'un soldat du monde; mais de l'adorable Jésus.
Jésus après avoir admiré qu'il y eut tant de vertu dans un homme aveuglé des ténèbres de la Gentilité, prédit à l'heure même que beaucoup de Païens se convertiraient dans toutes les parties du monde.
Considérez que Jésus-Christ fit paraitre qu'il admirait la vertu du Centurion, quoi qu'il en fut parfaitement bien informé ; pour nous apprendre quel état il faut faire de cette riche et aimable qualité, quand elle se rencontre dans un homme même qui n'a aucune connaissance des choses qui regardent Dieu. Afin aussi que vous sachiez que Dieu n'a point d'égard à la condition, ou à la dignité de la personne, ni si l'on est Juif ou si l'on est non-juif; si l'on est Religieux ou Séculier , mais à la seule et à la véritable vertu.
Considérez que vous ne devez pas vous assurer de votre salut, parce que vous êtes Chrétien, ou associé à quelque Confrérie de la sacrée Vierge, ou même parce que vous êtes Religieux ; mais si vous imitez et si vous pratiquez fidèlement l'humilité, la charité, et les autres vertus du Centurion. Car d'autant plus que vous avez reçu de grâces, d'autant plus rigoureusement serez-vous puni, si vous n'en faites un bon usage.
29 - DU FILS DE LA VEUVE DE NAIM
Jésus étant proche de la porte d'une ville appelée Naim; voilà que l'on portait en terre le fils unique d'une femme veuve.
Considérez que l'heure de la mort est incertaine à toutes sortes de personnes, tant jeunes qu'avancées en âge, tant saines que malades; c'est pourquoi il faut que les uns et les autres aient soin de se tenir sur leurs gardes. Que vous ne serez agréable au monde que pendant votre vie, et qu'aussitôt après votre mort l'on vous emportera dans une solitude pleine d'horreur; ce qui vous oblige à vous détacher entièrement de lui et de ses allèchements, en y renonçant avec courage, et entreprenant avec Jésus de mener une sainte vie, et de pratiquer de bonnes œuvres , car elles ne vous abandonneront pas après la mort. Que ce corps mort que l'on portait en terre, figure le pécheur qui est mort devant Dieu par le péché mortel.
Jésus dit à cette veuve : Ne pleurez, point, et ceux qui portaient le mort s’étant arrêtés, Il toucha le cercueil et il dit : Jeune homme levez-vous, il se leva, il parla, et il fut rendu à sa mère.
Considérez en cet exemple de quelle manière le pécheur ou celui qui a beaucoup de défauts, vient ordinairement à résipiscence. 1. Dieu touché de sa grande misère et de ses larmes, a pitié de lui. 2. Il lui fait la grâce de lui inspirer le désir de faire pénitence. 3. Le pécheur est relevé de son péché par le moyen de la contrition. 4. Il est rendu à la vie de la grâce par la parole de Jésus et par celle du Prêtre qui lui confère l'absolution. 5. Les porteurs s'arrêtent, c'est à dire qu'il abandonne tout ce qui l'entretenait dans le péché. 6. Enfin il est remis au pouvoir de la mère qui est l'Église.
Ils furent tous surpris de frayeur, ils louaient Dieu, et disaient : Un grand Prophète a paru parmi nous.
Considérez que de même qu'entre les miracles qui se font sur les corps il n'y en a point de plus grand que de ressusciter un mort; de même entre ceux qui se font sur les esprits ; il n'y en a point de plus considérable, que de convertir un pécheur. C'est pourquoi comme ces Naïmites conçurent une révérence toute particulière, et devinrent plus religieux envers Dieu , qu'ils louèrent et honorèrent après avoir vu ce prodige; de même les Anges qui sont dans le Ciel, se réjouissent lors qu'un pécheur fait pénitence.
30 - AMBASSADE A ST JEAN LE BAPTISTE
Les Juifs envoyèrent des Prêtres, et des Lévites à saint Jean, pour l'interroger et lui dire : Qui êtes-vous?
Considérez pourquoi saint Jean avait acquis une si haute réputation. Sans doute parce que sa naissance avait été miraculeuse, parce que dès son enfance il s'était retiré dans les déserts, et qu'il avait mené une vie si austère, jusqu'à un âge avancé, qu'il n'avait point d'autre soin que de vaquer à la contemplation de Dieu; et parce qu`il prêchait la Pénitence, étant tout plein d'amour et de feu pour la vérité et pour la justice; afin que vous appreniez à pratiquer ces vertus, si vous aspirez à la perfection de la vie Chrétienne ou Religieuse.
Considérez encore, que la sainteté de la vie n'est pas seulement agréable à Dieu, mais qu'elle est même considérée et honorée par les impies et les Hérétiques. Ce que je dis parce que ces Envoyés des Juifs étaient Pharisiens, comme nous allons voir, c'est à dire , gens qui passaient pour Hérétiques parmi ce peuple.
Et il confessa et ne nia point : Assurément je ne suis point le Christ, ni Élie, ni Prophète, mais je suis la voix de celui qui crie dans le désert: Dressez la voie du Seigneur, comme a dit Isaïe.
Considérez la profonde humilité de saint Jean; car pouvant passer pour le Messie s`il eu voulu, il ne le put souffrir; il refusa même d'être tenu pour Élie ou pour un Prophète;
ce qu'il pouvait avec vérité car notre Seigneur en saint Matthieu 11,9, le nomme Élie et plus que Prophète. Ce qui vous apprend l'humilité, c'est à dire à ne pas vous élever et vanter des choses que vous possédez, quoique légitimement; comme de votre situation sociale, de votre doctrine, et de votre sainteté; mais au contraire que vous devez cacher tous ces avantages lorsque la vérité n'y sera point offensée.
Considérez qu'étant contraint par l'empressement et par l'importunité de ceux qui lui étaient envoyé, il déclare enfin, mais en termes couverts , qu'il était celui dont le prophète Isaïe avait parlé. Mais quel était-il ? La voix , dit-il , de celui qui crie dans le désert. Voilà certes une nouvelle sorte d'humilité. Car que peut-on trouver de plus fragile et de moindre durée que la voix qui est aussitôt anéantie que proférée, particulièrement dans un désert ? Toutefois il était véritablement une voix, puisque tout son corps et tous les emplois de sa vie n'étaient occupés qu'à parler aux hommes , et à leur prêcher la Pénitence, en sorte que par ce moyen il les invitait à préparer les voies du Seigneur. D'où l'on peut apprendre que la vérité ne doit pas être préférée seulement de vive voix, mais encore par le bon exemple et par la sainteté de la vie.
Pourquoi donc, répliquèrent-ils, baptisez-vous, si vous n`êtes point le Christ, ni un prophète? Il répondit: Je baptise en eau; mais vous avez au milieu de vous celui que vous ne connaissez pas et de qui je ne suis pas digne de dénouer les souliers.
Considérez que saint Jean persiste dans son humilité, conformément à ce qui est dit en l'Ecclésiastique 3,20 : Humiliez-vous d'autant plus que vous êtes grand, et par ce moyen vous trouverez grâce devant Dieu; sachant aussi que cette vertu , comme dit saint Augustin, tient le premier rang, celui du milieu et le dernier; et par conséquent que l'on doit la pratiquer très-exactement et très fidèlement.
Considérez que comme saint Jean par l'humilité de sa réponse, se délivra des questions captieuses des Pharisiens, et défendit la gloire de Jésus-Christ; de même par le moyen
de cette vertu, vous pouvez éviter les embuches du Démon ( des anges déchus), comme l'enseigne saint Antoine.
Souvenez-vous enfin, que quoique nous n'y pensions point, Jésus toutefois est au milieu de nous , qui observe ce que nous faisons.
St-Jean le Baptiste
31 - DE LA TEMPÊTE APAISÉE SUR MER
Pendant que Jésus dormait; il s'éleva une furieuse bourrasque sur la mer.
Considérez qu'encore que vous soyez avec Jésus dans le navire de l'Église, ou de la Religion, vous ne serez pourtant pas exempt des tentations du démon (anges déchus); du monde et de la chair; mais au contraire que vous en serez d'autant plus inquiété; conformément à ce que dit l'Apôtre St-Paul (2 Timothée 3,12) : Que tous ceux qui veulent vivre dans la piété, souffriront de la persécution.
Que Jésus s'endort et permet que nous soyons tentés, lorsque nous ne sommes pas bien fermes et assurés dans la foi, ou que nous sommes tièdes et nonchalants dans le service de Dieu?
1. Afin que nous reconnaissions notre faiblesse.
2. Afin que nous implorions son secours.
3. Afin que nous coopérions et que nous fassions ce qui dépend de nous avec sa grâce.
4. Afin que nous acquérions plus de mérite par le moyen du combat.
5. Afin que la consolation soit d'autant plus grande, que la tentation aura plus donné de peine à surmonter.
Ses Disciples épouvantés le réveillèrent, et il les reprit de leur peu de confiance: Que craignez-vous, leur dit-il, gens de peu de foi ?
Considérez de quelle consolation est comblé un homme Catholique et Religieux quand il peut vraisemblablement s'assurer que Jésus est avec lui, et d'autant plus s'il fréquente le St Sacrement de l'autel, parce qu'il peut avoir recours à sa bonté dans quelque affliction qui lui survienne.
Considérez que c'est avec justice que Jésus accuse ses Disciples de trop de crainte, et de trop peu de confiance; parce que la plupart de nous qui désirons de vivre dans la piété , nous péchons notamment en ce que nous sommes trop timides, appréhendant par exemple de faire rire de nous; ou trop lâches quand il s'agit de surmonter une forte tentation; et en ce que nous n'avons pas assez de confiance en la grâce divine; ce qui fait que nous ne faisons point de progrès dans la piété Chrétienne.
Il commanda à la mer et aux vents de s` apaiser, et aussitôt survint une pleine et entière tranquillité; en sorte que les hommes tout épouvanter s'écrièrent: Qui est donc celui-ci a qui les vents et la mer obéissent?
Considérez combien la puissance de Dieu est admirable, à qui toutes les créatures quoique dénuées de raison et la mer même dans sa fureur rendent une parfaite obéissance; ou l'homme seul qui est créé à son image, et qui seul entre les animaux est susceptible de raisonnement, refuse quelquefois de lui rendre obéissance.
Le Lépreux, après avoir adoré Jésus-Christ lui dit: Seigneur, si vous, voulez, vous pouvez, me rendre net.
Considérez que Jésus-Christ après être descendu de la montagne où il avait dit beaucoup de choses touchant l'amour du prochain, en vient à la pratique et à l'exercice de la charité, afin de vous apprendre que la vie doit correspondre à la doctrine; car nous devons aimer notre prochain non seulement de parole, mais aussi par œuvres et en vérité, comme parle St Jean.
Voyez ce que fait le Lépreux pour obtenir sa guérison. Il s'humilie et proteste de la grandeur de sa foi par son adoration; il avoue qu'il est lépreux, et s'abandonne à la volonté de Dieu, en lui disant : Si vous voulez, vous le pouvez. Pour vous apprendre que votre prière sera efficace, quand vous demanderez avec humilité et avec résignation, désirant que la seule volonté de Dieu se fasse; soit que vous deviez demeurer en santé ou devenir malade; car il se peut faire que si ce Lépreux n'eut pas eu cette infirmité, il n'eut pas recherché Jésus-Christ.
Et Jésus étendant sa main sur lui, le toucha et lui dit : Je le veux, soyez net.
Considérez premièrement que Jésus-Christ pouvant le guérir de sa seule parole, voulut toutefois le toucher; pour vous apprendre que vous ne devez point avoir d'horreur ni de répugnance pour les pauvres et pour les malades, quand vous les pouvez assister, Saint Martin et Saint François ont baisé des Lépreux, Saint Elzéar et Sainte Marguerite Reine d'Écosse, leur ont lavé les pieds.
Pensez que vous devenez lépreux, lorsque vous souillez votre âme d'un seul péché mortel, ou de plusieurs défauts criminels, et que vous avez aussi besoin d'approcher et de toucher souvent la chair sacrée de Jésus-Christ dans la sainte Eucharistie.
Jésus dit à cet homme qu'il venait de nettoyer de la lèpre : Je vous défends de le dire à personne; allez seulement montrez-vous au Prêtre, et faites-lui votre offrande.
Considérez premièrement combien les personnes qui sont dans l'exercice de la piété, doivent soigneusement fuir la présomption, qui accompagne aussi souvent les bonnes actions, que l'ombre suit le corps ; puisque Jésus qui n'avait pas sujet d'appréhender le péché et devait plutôt faire éclater son action si miraculeuse, a pourtant fait cette défense à ce lépreux.
Considérez que nous ne devons pas être honteux de confesser nos crimes les plus énormes, et de les découvrir à un Confesseur ou Père spirituel, afin que nous puissions être parfaitement délivrez de la lèpre du péché, par ses prières, par son conseil, et par la pénitence qui nous sera imposée,
Pensez que Dieu aime la gratitude que nous faisons paraitre par quelque présent extérieur que nous offrons dans l'Église; et qu'il a agréable que nous lui rendions grâces des faveurs que nous avons reçues de sa bonté; car il désire que nous lui prétentions une partie de nos biens, et que nous l'en remercions incessamment, afin qu'il soit obligé de nous en donner encore davantage.
28 - DU SERVITEUR DU CENTURION.
Dans la ville de Capharnaüm, un Centurion dit à Jésus que son serviteur était malade au lit, qu'il était paralytique, et qu'il souffrait de cuisantes douleurs.
Considérez la charité de ce Centurion qui se met en peine de la santé de son valet, et l'humilité de Jésus-Christ, qui ne rebutant point sa requête lui répondit : J'irai, et je le guérirai. Pour vous apprendre que si vous avez quelque supériorité, vous ne devez pas mépriser les moindres de ceux qui vous obéissent; et que si vous n'en avez point, à l'exemple du Fils de Dieu, vous devez être prêt de secourir les personnes de la plus basse et de la plus vile condition.
Pesez et pensez si vous n'êtes point aussi paralytique car : 1. Vous êtes l'esclave du péché et de vos passions, si vous ne pouvez en être le maitre. 2. Vous êtes gisant dans un lit, si vous êtes attaché d'affection aux choses de la terre. 3. Et vous êtes entièrement perclus, si vous demeurez dans un péché mortel, parce que vous ne pouvez rien mériter par vos actions, quelque bonnes qu'elles soient d'elles-mêmes. Vous sentez enfin de cuisantes douleurs, si vous êtes bourrelé du remords de conscience, et si vous avez trop d'attache pour les biens temporels.
Le Centurion répondant à Jésus lui dit: Seigneur, je ne suis pas digne que vous entriez, dans ma maison, ect. Car je suis un homme qui ai quelque autorité, et lorsque que je dis à quelqu'un : Allez, il se met aussitôt en état d'obéir.
Considérez que le Centurion se croyant indigne que Jésus entrait dans sa maison, mérita qu'il entrât dans son cœur. Voyez de combien de vertus il fait des actes : d'humilité, lorsqu'il ne croît ne pas mériter la présence du Fils de Dieu : de Foi, lorsqu'il ne doute point qu'il ne puisse quoi qu'absent rendre la santé à son serviteur : de Sagesse lorsqu'il reconnait sans que l'on le lui eût enseigné, que Dieu est le maitre de toute les créatures, à la moindre déclaration de la volonté duquel elles doivent plutôt obéir que des valets à leurs maitres. O foi admirable ! non point d'un Gentil ( non-juif), mais d'un Chrétien, non point d'un soldat du monde; mais de l'adorable Jésus.
Jésus après avoir admiré qu'il y eut tant de vertu dans un homme aveuglé des ténèbres de la Gentilité, prédit à l'heure même que beaucoup de Païens se convertiraient dans toutes les parties du monde.
Considérez que Jésus-Christ fit paraitre qu'il admirait la vertu du Centurion, quoi qu'il en fut parfaitement bien informé ; pour nous apprendre quel état il faut faire de cette riche et aimable qualité, quand elle se rencontre dans un homme même qui n'a aucune connaissance des choses qui regardent Dieu. Afin aussi que vous sachiez que Dieu n'a point d'égard à la condition, ou à la dignité de la personne, ni si l'on est Juif ou si l'on est non-juif; si l'on est Religieux ou Séculier , mais à la seule et à la véritable vertu.
Considérez que vous ne devez pas vous assurer de votre salut, parce que vous êtes Chrétien, ou associé à quelque Confrérie de la sacrée Vierge, ou même parce que vous êtes Religieux ; mais si vous imitez et si vous pratiquez fidèlement l'humilité, la charité, et les autres vertus du Centurion. Car d'autant plus que vous avez reçu de grâces, d'autant plus rigoureusement serez-vous puni, si vous n'en faites un bon usage.
29 - DU FILS DE LA VEUVE DE NAIM
Jésus étant proche de la porte d'une ville appelée Naim; voilà que l'on portait en terre le fils unique d'une femme veuve.
Considérez que l'heure de la mort est incertaine à toutes sortes de personnes, tant jeunes qu'avancées en âge, tant saines que malades; c'est pourquoi il faut que les uns et les autres aient soin de se tenir sur leurs gardes. Que vous ne serez agréable au monde que pendant votre vie, et qu'aussitôt après votre mort l'on vous emportera dans une solitude pleine d'horreur; ce qui vous oblige à vous détacher entièrement de lui et de ses allèchements, en y renonçant avec courage, et entreprenant avec Jésus de mener une sainte vie, et de pratiquer de bonnes œuvres , car elles ne vous abandonneront pas après la mort. Que ce corps mort que l'on portait en terre, figure le pécheur qui est mort devant Dieu par le péché mortel.
Jésus dit à cette veuve : Ne pleurez, point, et ceux qui portaient le mort s’étant arrêtés, Il toucha le cercueil et il dit : Jeune homme levez-vous, il se leva, il parla, et il fut rendu à sa mère.
Considérez en cet exemple de quelle manière le pécheur ou celui qui a beaucoup de défauts, vient ordinairement à résipiscence. 1. Dieu touché de sa grande misère et de ses larmes, a pitié de lui. 2. Il lui fait la grâce de lui inspirer le désir de faire pénitence. 3. Le pécheur est relevé de son péché par le moyen de la contrition. 4. Il est rendu à la vie de la grâce par la parole de Jésus et par celle du Prêtre qui lui confère l'absolution. 5. Les porteurs s'arrêtent, c'est à dire qu'il abandonne tout ce qui l'entretenait dans le péché. 6. Enfin il est remis au pouvoir de la mère qui est l'Église.
Ils furent tous surpris de frayeur, ils louaient Dieu, et disaient : Un grand Prophète a paru parmi nous.
Considérez que de même qu'entre les miracles qui se font sur les corps il n'y en a point de plus grand que de ressusciter un mort; de même entre ceux qui se font sur les esprits ; il n'y en a point de plus considérable, que de convertir un pécheur. C'est pourquoi comme ces Naïmites conçurent une révérence toute particulière, et devinrent plus religieux envers Dieu , qu'ils louèrent et honorèrent après avoir vu ce prodige; de même les Anges qui sont dans le Ciel, se réjouissent lors qu'un pécheur fait pénitence.
30 - AMBASSADE A ST JEAN LE BAPTISTE
Les Juifs envoyèrent des Prêtres, et des Lévites à saint Jean, pour l'interroger et lui dire : Qui êtes-vous?
Considérez pourquoi saint Jean avait acquis une si haute réputation. Sans doute parce que sa naissance avait été miraculeuse, parce que dès son enfance il s'était retiré dans les déserts, et qu'il avait mené une vie si austère, jusqu'à un âge avancé, qu'il n'avait point d'autre soin que de vaquer à la contemplation de Dieu; et parce qu`il prêchait la Pénitence, étant tout plein d'amour et de feu pour la vérité et pour la justice; afin que vous appreniez à pratiquer ces vertus, si vous aspirez à la perfection de la vie Chrétienne ou Religieuse.
Considérez encore, que la sainteté de la vie n'est pas seulement agréable à Dieu, mais qu'elle est même considérée et honorée par les impies et les Hérétiques. Ce que je dis parce que ces Envoyés des Juifs étaient Pharisiens, comme nous allons voir, c'est à dire , gens qui passaient pour Hérétiques parmi ce peuple.
Et il confessa et ne nia point : Assurément je ne suis point le Christ, ni Élie, ni Prophète, mais je suis la voix de celui qui crie dans le désert: Dressez la voie du Seigneur, comme a dit Isaïe.
Considérez la profonde humilité de saint Jean; car pouvant passer pour le Messie s`il eu voulu, il ne le put souffrir; il refusa même d'être tenu pour Élie ou pour un Prophète;
ce qu'il pouvait avec vérité car notre Seigneur en saint Matthieu 11,9, le nomme Élie et plus que Prophète. Ce qui vous apprend l'humilité, c'est à dire à ne pas vous élever et vanter des choses que vous possédez, quoique légitimement; comme de votre situation sociale, de votre doctrine, et de votre sainteté; mais au contraire que vous devez cacher tous ces avantages lorsque la vérité n'y sera point offensée.
Considérez qu'étant contraint par l'empressement et par l'importunité de ceux qui lui étaient envoyé, il déclare enfin, mais en termes couverts , qu'il était celui dont le prophète Isaïe avait parlé. Mais quel était-il ? La voix , dit-il , de celui qui crie dans le désert. Voilà certes une nouvelle sorte d'humilité. Car que peut-on trouver de plus fragile et de moindre durée que la voix qui est aussitôt anéantie que proférée, particulièrement dans un désert ? Toutefois il était véritablement une voix, puisque tout son corps et tous les emplois de sa vie n'étaient occupés qu'à parler aux hommes , et à leur prêcher la Pénitence, en sorte que par ce moyen il les invitait à préparer les voies du Seigneur. D'où l'on peut apprendre que la vérité ne doit pas être préférée seulement de vive voix, mais encore par le bon exemple et par la sainteté de la vie.
Pourquoi donc, répliquèrent-ils, baptisez-vous, si vous n`êtes point le Christ, ni un prophète? Il répondit: Je baptise en eau; mais vous avez au milieu de vous celui que vous ne connaissez pas et de qui je ne suis pas digne de dénouer les souliers.
Considérez que saint Jean persiste dans son humilité, conformément à ce qui est dit en l'Ecclésiastique 3,20 : Humiliez-vous d'autant plus que vous êtes grand, et par ce moyen vous trouverez grâce devant Dieu; sachant aussi que cette vertu , comme dit saint Augustin, tient le premier rang, celui du milieu et le dernier; et par conséquent que l'on doit la pratiquer très-exactement et très fidèlement.
Considérez que comme saint Jean par l'humilité de sa réponse, se délivra des questions captieuses des Pharisiens, et défendit la gloire de Jésus-Christ; de même par le moyen
de cette vertu, vous pouvez éviter les embuches du Démon ( des anges déchus), comme l'enseigne saint Antoine.
Souvenez-vous enfin, que quoique nous n'y pensions point, Jésus toutefois est au milieu de nous , qui observe ce que nous faisons.
St-Jean le Baptiste
31 - DE LA TEMPÊTE APAISÉE SUR MER
Pendant que Jésus dormait; il s'éleva une furieuse bourrasque sur la mer.
Considérez qu'encore que vous soyez avec Jésus dans le navire de l'Église, ou de la Religion, vous ne serez pourtant pas exempt des tentations du démon (anges déchus); du monde et de la chair; mais au contraire que vous en serez d'autant plus inquiété; conformément à ce que dit l'Apôtre St-Paul (2 Timothée 3,12) : Que tous ceux qui veulent vivre dans la piété, souffriront de la persécution.
Que Jésus s'endort et permet que nous soyons tentés, lorsque nous ne sommes pas bien fermes et assurés dans la foi, ou que nous sommes tièdes et nonchalants dans le service de Dieu?
1. Afin que nous reconnaissions notre faiblesse.
2. Afin que nous implorions son secours.
3. Afin que nous coopérions et que nous fassions ce qui dépend de nous avec sa grâce.
4. Afin que nous acquérions plus de mérite par le moyen du combat.
5. Afin que la consolation soit d'autant plus grande, que la tentation aura plus donné de peine à surmonter.
Ses Disciples épouvantés le réveillèrent, et il les reprit de leur peu de confiance: Que craignez-vous, leur dit-il, gens de peu de foi ?
Considérez de quelle consolation est comblé un homme Catholique et Religieux quand il peut vraisemblablement s'assurer que Jésus est avec lui, et d'autant plus s'il fréquente le St Sacrement de l'autel, parce qu'il peut avoir recours à sa bonté dans quelque affliction qui lui survienne.
Considérez que c'est avec justice que Jésus accuse ses Disciples de trop de crainte, et de trop peu de confiance; parce que la plupart de nous qui désirons de vivre dans la piété , nous péchons notamment en ce que nous sommes trop timides, appréhendant par exemple de faire rire de nous; ou trop lâches quand il s'agit de surmonter une forte tentation; et en ce que nous n'avons pas assez de confiance en la grâce divine; ce qui fait que nous ne faisons point de progrès dans la piété Chrétienne.
Il commanda à la mer et aux vents de s` apaiser, et aussitôt survint une pleine et entière tranquillité; en sorte que les hommes tout épouvanter s'écrièrent: Qui est donc celui-ci a qui les vents et la mer obéissent?
Considérez combien la puissance de Dieu est admirable, à qui toutes les créatures quoique dénuées de raison et la mer même dans sa fureur rendent une parfaite obéissance; ou l'homme seul qui est créé à son image, et qui seul entre les animaux est susceptible de raisonnement, refuse quelquefois de lui rendre obéissance.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
32 - LE DÉMONIAQUE
Ce démoniaque, de la manière dont saint Marc nous le dépeint, était depuis longtemps dans un état si horrible, et était devenu si furieux, qu'on ne pouvait le retenir en aucun lieu avec des chaines; ainsi il courait par les rues comme un désespéré; il ne pouvait souffrir aucun habit; il ne prenait aucun repos; sa demeure la plus ordinaire était dans les sépulcres; et quand il sortait , c'était le plus souvent pour s'en aller sur les montagnes, où il brisait de grosses pierres, avec lesquelles il poursuivait tous les passants avec tant de furie, que personne n'osait l`aborder. Lequel apercevant de loin son maitre, à l'heure même il change de visage, il adoucit sa voix, il ne parle plus qu'en tremblant, il est entre la crainte et l'espérance à la vue de son libérateur; enfin il s'approche de lui, il se jette à ses pieds, et il s'écrie : Jésus, Fils de Dieu, qu'y a-t'il de commun entre vous et moi, et êtes-vous venu ici pour me tourmenter avant le temps?
En vérité, n'est-ce pas là, comme l'ont remarqué tous les Saints Pères, l'état pitoyable d'une âme qui s'est prostituée à toute sorte de péchés, à qui le transport de la colère, de la vengeance, de l'envie, et de l'amour a déchiré cent mille fois le cœur, que le lieu , que le luxe, et que l'intempérance dans les délices et dans la bonne chère, ont dépouillé de toutes choses, qui a couru partout pour assouvir une passion brutale , qui a brisé tous les liens de la nature et de la grâce, et qui n'a passé toute sa vie, que dans les déserts, dans les sépulcres, et dans les antres, c'est à dire, dans tous les lieux du monde, où elle a crû qu'elle pouvait se dérober aux yeux de Dieu, et éviter tous les reproches de sa conscience. C'est là le portrait véritable d'un homme qui a vieilli dans ses mauvaises habitudes.
Enfin tous ces méchants esprits n'ont plus d'asile, où ils puissent faire retraite, et s'échapper de la puissance d'un ennemi, qui les attaque et les poursuit avec tant de violence. Ou voulez-vous que nous allions, s'écrient-ils, Jésus fils unique de Dieu ? qu'y a-t'il de commun entre vous et nous, et êtes-vous venu pour nous perdre avant le temps? à tout le moins permettez-nous de nous jeter dans ces pourceaux.
En effet, en même temps que Jésus-Christ leur eût permis de s'y jeter, ils y entrèrent tous à la foule, avec un bruit si effroyable, et des hurlements si horribles, que tout le rivage de la Mer, et le Pays circonvoisin en retentit. Voilà, dit saint Jean Chrysostome, une figure assez naïve de ceux qui sont possédés par des esprits d'impureté, et qui cessent de vivre de la vie raisonnable des hommes, pour vivre une vie de bête.
Et en effet, comme on voit présentement que ces esprits à qui Jésus-Christ a permis de se jeter dans des pourceaux, n'y sont pas longtemps sans se précipiter dans les abymes de la Mer, il arrive presque toujours le même sort à toutes les personnes qui s'abandonnent à ce démon, qui est si connu dans le monde, et qui possède tant de misérables créatures.
C'est le terme d'une passion si sale et si abominable qui n'affaiblit pas seulement les âmes; mais qui ôte la force à tous les corps. C'est l'expérience qui nous l'apprend, et c'est le sentiment d`une personne qui s'est rendue vénérable par sa vertu et par sa science, et qui ajoute que ce démon est si vilain, et si propre à des pourceaux, qu'il ne peut être un moment dans un homme, sans faire naitre quelque tache dans son esprit, et sans laisser quelque infamie sur sa personne.
O mon Jésus ! commandez donc à cette sorte de démons d'abandonner tant de personnes raisonnables, qui en sont possédées, pour se jeter dans quelques bêtes, et pour le moins dans quelque gouffre d'eau, ou de flammes. Que si les gens du monde qui ne se mènent pour l'ordinaire, que par leurs intérêts, et qui les trouvent, à leur avis, plus dans les bêtes que dans les hommes, sont si perdus d'honneur, de jugement, et de conscience, que de vouloir plutôt vous perdre, que de laisser périr quelques pourceaux; on ne peut pas les empêcher de faire comme les Geraseniens, et de périr malheureusement eux-mêmes avec leurs porcs et leurs démons.
33 - LA CONVERSION DE MARIE MAGDELEINE.
Jésus avant été convié et étant à table dans la maison d'un Pharisien; une femme qui avait été pécheresse dans la ville y entra avec un vaisseau d'albâtre rempli de parfum.
Considérez que Jésus qui est la bonté même, par le motif de pratiquer cette vertu, et par un grand désir d'aider et de soulager les âmes, ne fait pas difficulté de se rendre à des festins y étant convié, et quelquefois de s'y trouver et de s'y inviter soi-même sans y être appelé; comme il fit chez le bon Zachée, pour prendre l'occasion , n'ayant point d'autre dessein que de convertir les pécheurs; et qu'encore que les Pharisiens l'eussent voulu blâmer de ce qu'il prenait sa réfection avec des gens d'une vie moins réglée, il ne laisse pas de venir chez celui-ci pour avoir lieu de lui reprocher son orgueil.
Pensez que Jésus y étant à table, Marie Magdeleine la pécheresse ayant dépouillé toute sorte de honte entre dans la salle du banquet, qu'elle la fait retentir de cris et de sanglots, et qu'elle y trouble le repos et l'entretien de la compagnie. Que ce procédé ne fut pas plaisant au Pharisien, mais à Jésus ; car elle portait dans le vase de son cœur le parfum odoriférant de l'humilité et de la contrition; que Dieu a très agréable; puisqu’il ne rejettera point , dit le roi David , un cœur contrit et humilié.
Se tenant debout derrière Jésus, elle commença aussitôt à lui arroser les pieds de ses larmes, à les essuyer avec ses cheveux, a les baiser, et a les oindre de son parfum.
Considérez : 1. L`humilité de cette sainte Pénitente qui se tient derrière Jésus, n'osant pas se présenter devant lui, ni même dire une parole, parce que ses sanglots réitérés lui empêchaient l'usage de la voix; silence néanmoins capable non seulement d'atteindre jusques au Ciel, mais même de pénétrer le cœur de Dieu.
2. Remarquez comme étant touchée au fond de l'âme, et ayant jeté avec mépris tous les ornements de sa coiffure elle se prosterne aux pieds de Jésus, qui étaient salis des ordures du chemin; de quelle abondance de larmes elle les arrose, comme elle est soigneuse de les essuyer avec ses cheveux; combien de fois elle les baise en soupirant; et enfin avec quelle quantité de parfum mêlé de ses larmes elle les lave.
3. Voyez avec quelle patience Jésus souffre tout cela, avec quelle satisfaction il le considère, et avec quelle efficacité il éclaire l'âme de cette sainte Pénitente des rayons de sa grâce, et la lave de l'eau de la miséricorde.
Jésus prend en main la cause de Magdeleine que le Pharisien blâmait de son action, et lui dit; Sachez que beaucoup de péchés lui sont pardonnés parce qu'elle a beaucoup aimé; et ce tournant vers elle : Votre foi vous a sauver, lui dit-il, allez vous-en en paix.
Considérez : 1. La bonté ineffable de Jésus, qui bien qu'il fut offensé par le Pharisien en ce qu'il doutait même s'il était Prophète, néanmoins voyant l'injure qu'il faisait à Magdeleine en la traitant de pécheresse ; abandonne sa propre cause pour défendre la réputation de cette femme, et faire voir que les témoignages d'affection qu'elle lui a rendus, sont bien plus considérables que ceux du Pharisien, qui ne lui avait pas seulement présenté du parfum pour parfumer sa tête, ce que pourtant l'on ne manquait pas de pratiquer envers les conviés.
2. Pensez quelle fut la joie de Magdeleine et quelle fut la tranquillité et le repos de son esprit; lorsque Jésus lui eut dit : Vos péchés vous sont pardonnés, et votre foi vous a sauvée: car elle fut comblée et remplie d'une telle consolation, qu'aussitôt elle se retira emportée par l'allégresse qu'elle ressentait dans son âme.
3. Considérez qu'il y eut trois divers mets en ce festin. Le premier fut celui dont le Pharisien régala Jésus; pour vous apprendre à le traiter aussi de saints désirs et d'actions de piété. Le second fut le cœur de Magdeleine qu'elle lui présenta tout brisé de douleur et du regret de ses péchés; ce qui vous donne l'exemple de lui dire souvent: Créez en moi Seigneur un cœur pur et net. Le troisième fut le pain de la grâce et de l'amour divin dont Jésus fit part à Magdeleine, afin qu'à l'avenir elle eut aversion pour tous les charmes et tous les attraits du monde.
34 - ENVOI DES APÔTRES
Après cela le Seigneur en choisit encore soixante-douze, qu'il envoya deux à deux devant lui, en toutes les villes, et en tous les lieux où il devait aller lui-même.
Considérez que Jésus a grand nombre et grande diversité d'Officiers et de Ministres dans sa maison, c'est à dire dans l'Église. Les uns sont Apôtres, les autres Disciples ; les autres Évangélistes, les autres Prophètes, les autres entendent et interprètent toutes sortes de Langues. Mais qu'ils ne doivent pourtant pas tous s'attribuer la qualité, et s'ingérer dans le ministère des Apôtres, et que chacun doit demeurer content dans les bornes de sa vocation : car il n'y a rien de vil ni de ravalé dans la maison ni dans le service de Dieu.
Voyez comment Jésus envoi les Disciples deux à deux; pour vous apprendre combien la charité est nécessaire aux Ministres de l'Évangile. Le nombre de deux en est le symbole à cause que l'on doit aimer Dieu et le prochain. Si je n'ai la charité, dit saint Paul , je ne suis rien.
A la vérité la moisson est abondante, mais il y a peu d'ouvriers; priez, donc le maitre de la moisson, qu'il y en envoi.
Considérez 1- Que la moisson est très abondante: car combien de sortes de péchés trouverait-t ‘on à retrancher et à extirper, non seulement chez les Infidèles et chez les Hérétiques, mais même chez les Chrétiens ? Et l'Apôtre dit autrefois : que tout le monde était rempli de malice; avec combien plus de raison le peut-on dire dans le temps où nous vivons ?
2 – Voyez que Jésus avait grande raison de dire, que la moisson était très-abondante, mais qu'il y avait peu d’ouvriers, car n'ayant que Soixante-douze Disciples, il voyait quatre ou cinq mille personnes à la suite qui avaient besoin d'être moissonnées par l'Évangile. A présent au contraire la moisson est bien médiocre, et il y a beaucoup d'ouvriers, au moins qui en portent le nom, et qui sont tenus pour tels. Car combien y a-t'il de Prêtres et de Religieux ! et dans un si grand nombre, combien y en a-t'il qui sont adonnez à quelques vices? combien d'ignorants ? combien de lâches et de paresseux, pendant que le peuple périt par ses vices et par son ignorance ?
Voilà que je vous envoi comme des agneaux parmi des loups; ne portez ni sac, ni bourse, ni souliers.
Considérez que les ouvriers Évangéliques doivent être semblables à des agneaux par leur douceur. Et que Jésus envoi les Disciples sans sac, sans bourse, et sans souliers, pour apprendre qu'ils doivent se confier en la divine providence; et que Dieu ne manque point à ceux qui espèrent en lui, et qui ont du zèle pour l'avancement de son règne.
35 - DU DOCTEUR DE LA LOI ET DU SAMARITAIN.
Un Docteur de la loi interrogeant Jésus, et lui demandant quel était le plus grand commandement qui fut en la loi: Jésus lui dit, Vous aimerez, le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, de toute votre âme, et de tout votre esprit. Voilà le plus grand et le premier commandement.
Considérez que nous aimons Dieu de notre cœur, lors que nous rapportons à lui toutes nos pensées; que nous l'aimons de toute notre âme, quand toutes nos affections n'ont
point d'autre objet que lui; de tout notre esprit, quand nos cinq sens sont employés à son service; enfin lors que nous n'aimons rien qu'en vue de lui , et parce qu'il le commande.
Le second est semblable au premier: Vous aimerez, votre prochain comme vous-même.
Considérez que non seulement celui qui est Chrétien comme nous, est notre prochain; mais que tous les hommes le sont aussi, c'est à dire, tant ceux que nous connaissons, que ceux que nous ne connaissons pas, tant amis qu'ennemis, tant fidèles qu'infidèles.
Persuadez-vous que cet amour est tellement nécessaire, que même l`on n'en peut avoir pour Dieu , si l'on n'en a pour son prochain. Car celui qui n'aime pas son frère qu'il voit, comment pourra-t-il aimer Dieu qu'il ne voit pas ! dit saint Jean en sa première Épitre chap. 4.
Toute la loi et les Prophètes dépendent de ces deux commandements.
Considérez que Jésus ne dit pas cela si absolument, qu'il n'y ait encore d'autres commandements et d'autres préceptes; mais parce que l'amour de Dieu et celui du prochain, sont comme le but et la fin de tout ce qui est commandé, conseillé, défendu , promis et enseigné par les Prophètes, et par les Écritures ; en sorte que si cet amour ne se rencontre dans les bonnes œuvres, quelques avantages qu'elles aient d'elles-mêmes, elles sont inutiles pour le salut : En effet, qu'y a-t'il de plus aisé , voire même de plus agréable que d'aimer ce qui est bon ? Et qu'y a-t'il de meilleur que Dieu ? Il se trouve néanmoins des hommes si insensés et si brutaux qu'ils ne l'aiment point : Mais ce qui est encore bien considérable , n'est-ce pas une chose surprenante qu'il ait été comme obligé de nous faire un commandement exprès de lui rendre le réciproque de l'amour qu'il a pour nous.
Ce Docteur de la Loi répliquant et demandant qui était son prochain, Jésus lui répondit: Un homme fut blessé en chemin par des voleurs: Un Prêtre et un Lévite passèrent par là , et sans pitié le laissèrent en l`état ou il était; mais un Samaritain versa de l'huile sur ses plaies, le monta sur son cheval, le mena dans une hôtellerie et le recommanda au maitre de la maison.
Considérez que quiconque pèche mortellement tombe entre les mains des voleurs, c'est-à-dire des démons ( anges déchus); qu'il est dépouillé de tous les avantages de la grâce, qu'il est même navré dans les biens de la nature, et qu'il ne peut être guéri que par le véritable Samaritain, c'est à dire par Jésus , fidèle gardien, qui garde Israël sans
s’endormir ni sommeiller: car la conversion du pécheur ne doit être attribuée qu'à la seule grâce de Dieu. Mais comment pensez-vous que se fasse cette conversion ?
Figurez-vous en quel état peut être un homme qui a commis un péché mortel. Sans doute qu'autant que l'âme excelle par-dessus le corps, il est dans un accessoire plus déplorable, que celui qui aurait tous les membres percés de coups. Alors Jésus le voit, il en a pitié , il verse sur lui non seulement l'huile de sa miséricorde, mais aussi le vin de sa justice, en le touchant et lui persuadant de faire pénitence; il s'en charge lui-même , car il a mis sur lui toutes nos iniquités , il le mène à l'hôtellerie , c'est à dire à l'Église , il le recommande à ses Ministres qui sont ici figurés par le maitre de l'hôtellerie, et à qui il a donné deux deniers, c'est à dire le pouvoir d'administrer à ce pécheur et à ses semblables, les Sacrements de Baptême et de Pénitence, afin que par leur moyen ils puissent rentrer en grâce avec Dieu, et être lavés des tâches et des souillures de leurs péchés.
Ce démoniaque, de la manière dont saint Marc nous le dépeint, était depuis longtemps dans un état si horrible, et était devenu si furieux, qu'on ne pouvait le retenir en aucun lieu avec des chaines; ainsi il courait par les rues comme un désespéré; il ne pouvait souffrir aucun habit; il ne prenait aucun repos; sa demeure la plus ordinaire était dans les sépulcres; et quand il sortait , c'était le plus souvent pour s'en aller sur les montagnes, où il brisait de grosses pierres, avec lesquelles il poursuivait tous les passants avec tant de furie, que personne n'osait l`aborder. Lequel apercevant de loin son maitre, à l'heure même il change de visage, il adoucit sa voix, il ne parle plus qu'en tremblant, il est entre la crainte et l'espérance à la vue de son libérateur; enfin il s'approche de lui, il se jette à ses pieds, et il s'écrie : Jésus, Fils de Dieu, qu'y a-t'il de commun entre vous et moi, et êtes-vous venu ici pour me tourmenter avant le temps?
En vérité, n'est-ce pas là, comme l'ont remarqué tous les Saints Pères, l'état pitoyable d'une âme qui s'est prostituée à toute sorte de péchés, à qui le transport de la colère, de la vengeance, de l'envie, et de l'amour a déchiré cent mille fois le cœur, que le lieu , que le luxe, et que l'intempérance dans les délices et dans la bonne chère, ont dépouillé de toutes choses, qui a couru partout pour assouvir une passion brutale , qui a brisé tous les liens de la nature et de la grâce, et qui n'a passé toute sa vie, que dans les déserts, dans les sépulcres, et dans les antres, c'est à dire, dans tous les lieux du monde, où elle a crû qu'elle pouvait se dérober aux yeux de Dieu, et éviter tous les reproches de sa conscience. C'est là le portrait véritable d'un homme qui a vieilli dans ses mauvaises habitudes.
Enfin tous ces méchants esprits n'ont plus d'asile, où ils puissent faire retraite, et s'échapper de la puissance d'un ennemi, qui les attaque et les poursuit avec tant de violence. Ou voulez-vous que nous allions, s'écrient-ils, Jésus fils unique de Dieu ? qu'y a-t'il de commun entre vous et nous, et êtes-vous venu pour nous perdre avant le temps? à tout le moins permettez-nous de nous jeter dans ces pourceaux.
En effet, en même temps que Jésus-Christ leur eût permis de s'y jeter, ils y entrèrent tous à la foule, avec un bruit si effroyable, et des hurlements si horribles, que tout le rivage de la Mer, et le Pays circonvoisin en retentit. Voilà, dit saint Jean Chrysostome, une figure assez naïve de ceux qui sont possédés par des esprits d'impureté, et qui cessent de vivre de la vie raisonnable des hommes, pour vivre une vie de bête.
Et en effet, comme on voit présentement que ces esprits à qui Jésus-Christ a permis de se jeter dans des pourceaux, n'y sont pas longtemps sans se précipiter dans les abymes de la Mer, il arrive presque toujours le même sort à toutes les personnes qui s'abandonnent à ce démon, qui est si connu dans le monde, et qui possède tant de misérables créatures.
C'est le terme d'une passion si sale et si abominable qui n'affaiblit pas seulement les âmes; mais qui ôte la force à tous les corps. C'est l'expérience qui nous l'apprend, et c'est le sentiment d`une personne qui s'est rendue vénérable par sa vertu et par sa science, et qui ajoute que ce démon est si vilain, et si propre à des pourceaux, qu'il ne peut être un moment dans un homme, sans faire naitre quelque tache dans son esprit, et sans laisser quelque infamie sur sa personne.
O mon Jésus ! commandez donc à cette sorte de démons d'abandonner tant de personnes raisonnables, qui en sont possédées, pour se jeter dans quelques bêtes, et pour le moins dans quelque gouffre d'eau, ou de flammes. Que si les gens du monde qui ne se mènent pour l'ordinaire, que par leurs intérêts, et qui les trouvent, à leur avis, plus dans les bêtes que dans les hommes, sont si perdus d'honneur, de jugement, et de conscience, que de vouloir plutôt vous perdre, que de laisser périr quelques pourceaux; on ne peut pas les empêcher de faire comme les Geraseniens, et de périr malheureusement eux-mêmes avec leurs porcs et leurs démons.
33 - LA CONVERSION DE MARIE MAGDELEINE.
Jésus avant été convié et étant à table dans la maison d'un Pharisien; une femme qui avait été pécheresse dans la ville y entra avec un vaisseau d'albâtre rempli de parfum.
Considérez que Jésus qui est la bonté même, par le motif de pratiquer cette vertu, et par un grand désir d'aider et de soulager les âmes, ne fait pas difficulté de se rendre à des festins y étant convié, et quelquefois de s'y trouver et de s'y inviter soi-même sans y être appelé; comme il fit chez le bon Zachée, pour prendre l'occasion , n'ayant point d'autre dessein que de convertir les pécheurs; et qu'encore que les Pharisiens l'eussent voulu blâmer de ce qu'il prenait sa réfection avec des gens d'une vie moins réglée, il ne laisse pas de venir chez celui-ci pour avoir lieu de lui reprocher son orgueil.
Pensez que Jésus y étant à table, Marie Magdeleine la pécheresse ayant dépouillé toute sorte de honte entre dans la salle du banquet, qu'elle la fait retentir de cris et de sanglots, et qu'elle y trouble le repos et l'entretien de la compagnie. Que ce procédé ne fut pas plaisant au Pharisien, mais à Jésus ; car elle portait dans le vase de son cœur le parfum odoriférant de l'humilité et de la contrition; que Dieu a très agréable; puisqu’il ne rejettera point , dit le roi David , un cœur contrit et humilié.
Se tenant debout derrière Jésus, elle commença aussitôt à lui arroser les pieds de ses larmes, à les essuyer avec ses cheveux, a les baiser, et a les oindre de son parfum.
Considérez : 1. L`humilité de cette sainte Pénitente qui se tient derrière Jésus, n'osant pas se présenter devant lui, ni même dire une parole, parce que ses sanglots réitérés lui empêchaient l'usage de la voix; silence néanmoins capable non seulement d'atteindre jusques au Ciel, mais même de pénétrer le cœur de Dieu.
2. Remarquez comme étant touchée au fond de l'âme, et ayant jeté avec mépris tous les ornements de sa coiffure elle se prosterne aux pieds de Jésus, qui étaient salis des ordures du chemin; de quelle abondance de larmes elle les arrose, comme elle est soigneuse de les essuyer avec ses cheveux; combien de fois elle les baise en soupirant; et enfin avec quelle quantité de parfum mêlé de ses larmes elle les lave.
3. Voyez avec quelle patience Jésus souffre tout cela, avec quelle satisfaction il le considère, et avec quelle efficacité il éclaire l'âme de cette sainte Pénitente des rayons de sa grâce, et la lave de l'eau de la miséricorde.
Jésus prend en main la cause de Magdeleine que le Pharisien blâmait de son action, et lui dit; Sachez que beaucoup de péchés lui sont pardonnés parce qu'elle a beaucoup aimé; et ce tournant vers elle : Votre foi vous a sauver, lui dit-il, allez vous-en en paix.
Considérez : 1. La bonté ineffable de Jésus, qui bien qu'il fut offensé par le Pharisien en ce qu'il doutait même s'il était Prophète, néanmoins voyant l'injure qu'il faisait à Magdeleine en la traitant de pécheresse ; abandonne sa propre cause pour défendre la réputation de cette femme, et faire voir que les témoignages d'affection qu'elle lui a rendus, sont bien plus considérables que ceux du Pharisien, qui ne lui avait pas seulement présenté du parfum pour parfumer sa tête, ce que pourtant l'on ne manquait pas de pratiquer envers les conviés.
2. Pensez quelle fut la joie de Magdeleine et quelle fut la tranquillité et le repos de son esprit; lorsque Jésus lui eut dit : Vos péchés vous sont pardonnés, et votre foi vous a sauvée: car elle fut comblée et remplie d'une telle consolation, qu'aussitôt elle se retira emportée par l'allégresse qu'elle ressentait dans son âme.
3. Considérez qu'il y eut trois divers mets en ce festin. Le premier fut celui dont le Pharisien régala Jésus; pour vous apprendre à le traiter aussi de saints désirs et d'actions de piété. Le second fut le cœur de Magdeleine qu'elle lui présenta tout brisé de douleur et du regret de ses péchés; ce qui vous donne l'exemple de lui dire souvent: Créez en moi Seigneur un cœur pur et net. Le troisième fut le pain de la grâce et de l'amour divin dont Jésus fit part à Magdeleine, afin qu'à l'avenir elle eut aversion pour tous les charmes et tous les attraits du monde.
34 - ENVOI DES APÔTRES
Après cela le Seigneur en choisit encore soixante-douze, qu'il envoya deux à deux devant lui, en toutes les villes, et en tous les lieux où il devait aller lui-même.
Considérez que Jésus a grand nombre et grande diversité d'Officiers et de Ministres dans sa maison, c'est à dire dans l'Église. Les uns sont Apôtres, les autres Disciples ; les autres Évangélistes, les autres Prophètes, les autres entendent et interprètent toutes sortes de Langues. Mais qu'ils ne doivent pourtant pas tous s'attribuer la qualité, et s'ingérer dans le ministère des Apôtres, et que chacun doit demeurer content dans les bornes de sa vocation : car il n'y a rien de vil ni de ravalé dans la maison ni dans le service de Dieu.
Voyez comment Jésus envoi les Disciples deux à deux; pour vous apprendre combien la charité est nécessaire aux Ministres de l'Évangile. Le nombre de deux en est le symbole à cause que l'on doit aimer Dieu et le prochain. Si je n'ai la charité, dit saint Paul , je ne suis rien.
A la vérité la moisson est abondante, mais il y a peu d'ouvriers; priez, donc le maitre de la moisson, qu'il y en envoi.
Considérez 1- Que la moisson est très abondante: car combien de sortes de péchés trouverait-t ‘on à retrancher et à extirper, non seulement chez les Infidèles et chez les Hérétiques, mais même chez les Chrétiens ? Et l'Apôtre dit autrefois : que tout le monde était rempli de malice; avec combien plus de raison le peut-on dire dans le temps où nous vivons ?
2 – Voyez que Jésus avait grande raison de dire, que la moisson était très-abondante, mais qu'il y avait peu d’ouvriers, car n'ayant que Soixante-douze Disciples, il voyait quatre ou cinq mille personnes à la suite qui avaient besoin d'être moissonnées par l'Évangile. A présent au contraire la moisson est bien médiocre, et il y a beaucoup d'ouvriers, au moins qui en portent le nom, et qui sont tenus pour tels. Car combien y a-t'il de Prêtres et de Religieux ! et dans un si grand nombre, combien y en a-t'il qui sont adonnez à quelques vices? combien d'ignorants ? combien de lâches et de paresseux, pendant que le peuple périt par ses vices et par son ignorance ?
Voilà que je vous envoi comme des agneaux parmi des loups; ne portez ni sac, ni bourse, ni souliers.
Considérez que les ouvriers Évangéliques doivent être semblables à des agneaux par leur douceur. Et que Jésus envoi les Disciples sans sac, sans bourse, et sans souliers, pour apprendre qu'ils doivent se confier en la divine providence; et que Dieu ne manque point à ceux qui espèrent en lui, et qui ont du zèle pour l'avancement de son règne.
35 - DU DOCTEUR DE LA LOI ET DU SAMARITAIN.
Un Docteur de la loi interrogeant Jésus, et lui demandant quel était le plus grand commandement qui fut en la loi: Jésus lui dit, Vous aimerez, le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, de toute votre âme, et de tout votre esprit. Voilà le plus grand et le premier commandement.
Considérez que nous aimons Dieu de notre cœur, lors que nous rapportons à lui toutes nos pensées; que nous l'aimons de toute notre âme, quand toutes nos affections n'ont
point d'autre objet que lui; de tout notre esprit, quand nos cinq sens sont employés à son service; enfin lors que nous n'aimons rien qu'en vue de lui , et parce qu'il le commande.
Le second est semblable au premier: Vous aimerez, votre prochain comme vous-même.
Considérez que non seulement celui qui est Chrétien comme nous, est notre prochain; mais que tous les hommes le sont aussi, c'est à dire, tant ceux que nous connaissons, que ceux que nous ne connaissons pas, tant amis qu'ennemis, tant fidèles qu'infidèles.
Persuadez-vous que cet amour est tellement nécessaire, que même l`on n'en peut avoir pour Dieu , si l'on n'en a pour son prochain. Car celui qui n'aime pas son frère qu'il voit, comment pourra-t-il aimer Dieu qu'il ne voit pas ! dit saint Jean en sa première Épitre chap. 4.
Toute la loi et les Prophètes dépendent de ces deux commandements.
Considérez que Jésus ne dit pas cela si absolument, qu'il n'y ait encore d'autres commandements et d'autres préceptes; mais parce que l'amour de Dieu et celui du prochain, sont comme le but et la fin de tout ce qui est commandé, conseillé, défendu , promis et enseigné par les Prophètes, et par les Écritures ; en sorte que si cet amour ne se rencontre dans les bonnes œuvres, quelques avantages qu'elles aient d'elles-mêmes, elles sont inutiles pour le salut : En effet, qu'y a-t'il de plus aisé , voire même de plus agréable que d'aimer ce qui est bon ? Et qu'y a-t'il de meilleur que Dieu ? Il se trouve néanmoins des hommes si insensés et si brutaux qu'ils ne l'aiment point : Mais ce qui est encore bien considérable , n'est-ce pas une chose surprenante qu'il ait été comme obligé de nous faire un commandement exprès de lui rendre le réciproque de l'amour qu'il a pour nous.
Ce Docteur de la Loi répliquant et demandant qui était son prochain, Jésus lui répondit: Un homme fut blessé en chemin par des voleurs: Un Prêtre et un Lévite passèrent par là , et sans pitié le laissèrent en l`état ou il était; mais un Samaritain versa de l'huile sur ses plaies, le monta sur son cheval, le mena dans une hôtellerie et le recommanda au maitre de la maison.
Considérez que quiconque pèche mortellement tombe entre les mains des voleurs, c'est-à-dire des démons ( anges déchus); qu'il est dépouillé de tous les avantages de la grâce, qu'il est même navré dans les biens de la nature, et qu'il ne peut être guéri que par le véritable Samaritain, c'est à dire par Jésus , fidèle gardien, qui garde Israël sans
s’endormir ni sommeiller: car la conversion du pécheur ne doit être attribuée qu'à la seule grâce de Dieu. Mais comment pensez-vous que se fasse cette conversion ?
Figurez-vous en quel état peut être un homme qui a commis un péché mortel. Sans doute qu'autant que l'âme excelle par-dessus le corps, il est dans un accessoire plus déplorable, que celui qui aurait tous les membres percés de coups. Alors Jésus le voit, il en a pitié , il verse sur lui non seulement l'huile de sa miséricorde, mais aussi le vin de sa justice, en le touchant et lui persuadant de faire pénitence; il s'en charge lui-même , car il a mis sur lui toutes nos iniquités , il le mène à l'hôtellerie , c'est à dire à l'Église , il le recommande à ses Ministres qui sont ici figurés par le maitre de l'hôtellerie, et à qui il a donné deux deniers, c'est à dire le pouvoir d'administrer à ce pécheur et à ses semblables, les Sacrements de Baptême et de Pénitence, afin que par leur moyen ils puissent rentrer en grâce avec Dieu, et être lavés des tâches et des souillures de leurs péchés.
Dernière édition par MichelT le Mar 11 Juil 2017 - 12:10, édité 3 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
36 – JESUS ENSEIGNE DANS LA BARQUE DE St PIERRE.
Le peuple s`empressant d'approcher de Jésus, il monta dans la barque de Pierre, et l'ayant fait un peu éloigner du rivage, il s'assit et donna des enseignements à cette assemblée de dessus cette barque.
Considérez avec quelle ardeur cette troupe accourut pour entendre la parole de Dieu, et tremblez en faisant réflexion que souvent nous avons le même empressement, non pas pour entendre des discours de piété, mais des choses inutiles ou des nouvelles du siècle.
Considérez que Jésus instruit ce peuple qui était accouru vers lui, de dedans la barque de Pierre; pour faire voir que l'Église Romaine est agitée de diverses sortes de tempêtes, sur la mer de ce monde afin que sa vertu en devienne plus brillante.
Ayant cessé de parler il dit à Simon: Avancez, en haute mer, et jetez vos filets pour pêcher. Simon lui répondit: Nous n` avons rien pris pendant la nuit; mais sur votre parole je jetterai le filet. L'ayant jeté il prit une si grande quantité de poissons, que le filet ne les pouvait contenir, et en fut presque rompu.
Considérez que Jésus touche les cœurs dans une prédication, mais que c'est à nous à travailler avec lui par nos exhortations et par nos exemples. Nous devons pour ce sujet avancer en haute mer, c'est à dire élever nos pensées vers le Ciel, et ne rien épargner dans l'emploi du salut des âmes. Nous devons encore jeter les filets; c'est à dire donner l'explication des saintes Écritures, qui ont peu de paroles, mais qui renferment beaucoup de mystères.
Pierre fut si surpris d'épouvante qu'il se laissa tomber sur ses genoux, et dit à Jésus; Seigneur retirez-vous de moi, car je ne suis qu`un pécheur. Jésus lui dit: Ne craignez point; d'ores en avant vous pêcherez des hommes; et ayant tout abandonné il se mit à sa suite.
Considérez le procédé de Saint Pierre, et ce qui arrive dans sa conversion. 1. Il prête sa nacelle à Jésus par un motif de charité; et Jésus la lui rend pleine de poissons. 2. Il fléchit les genoux par un sentiment d'humilité; et sa qualité de pêcheur de poissons est changée en celle de pêcheur d'hommes. 3 . Il prie Jésus de se retirer d'auprès de lui ; et néanmoins il s'en approche plus que jamais; car il abandonne les filets, pour ne plus s'en séparer : ainsi de petits commencements l'on parvient à de grandes choses.
Considérez encore quels doivent être les pêcheurs d'hommes. Sans doute il faut qu'ils soient humbles, et qu'ils se laissent plutôt attirer par Jésus, qu'ils n'attirent les autres: outre qu'ils doivent aussi imiter sa vie et ses mœurs, en remettant et abandonnant les filets de ce monde, qui sont les richesses , les honneurs et les plaisirs.
37 - DE LA BONNE SEMENCE ET DE LA ZIZANIE
Le Royaume des Cieux est semblable à un homme qui a semé de bon grain dans son champ.
1 - Considérez que le Royaume de Dieu est au dedans de nous , comme dit Jésus.
2 - Que notre âme est un champ qu'il faut labourer avec le coutre de la douleur et du regret d'avoir péché contre Dieu.
3. Qu'il y faut jeter la semence de la résolution d'amender sa vie, ou de se faire quitte de quelque mauvaise habitude.
4. Qu'il la faut arroser avec des prières de ferveur, et une grande abondance de larmes.
5. Qu'il la faut rendre souple et soumise par des austérités que l'on pratique tous les jours ; jusques à ce qu'elle soit entièrement morte au monde: car si le grain qui est
jeté dans la terre ne meurt point, il ne rapporte pas de fruit.
6. Qu'il faut enfin s'étudier à faire quelque nouveau profit de jour en jour, si l'on veut être si heureux que de serrer dans le grenier du Paradis cette semence spirituelle, lors qu'à l'heure de la mort elle fera parvenue à sa maturité; comme un épi au temps de la moisson.
Lorsque les hommes reposaient et étaient dans leur sommeil, son ennemi y vint pour semer de la zizanie parmi le bon grain, et s'en alla.
Considérez que vous n'avez pas sitôt pris une bonne et louable résolution, que les tentations y accourent en foule, et s'y opposent. Car, comme dit Job, la vie de l'homme sur la terre est une tentation continuelle. Outre que saint Paul nous apprend dans le Chapitre 14 des Actes des Apôtres, que qui veut entrer dans le Royaume des Cieux , doit franchir beaucoup de difficultés, et endurer patiemment beaucoup d'afflictions et de déplaisirs. La raison en est, afin que nous croissions et nous fassions riches en mérites, et que nous soyons semblables à Jésus, qui nous en a montré l'exemple par le grand nombre de ses souffrances.
Pensez que vous êtes d'autant plus obligé de vous tenir sur vos gardes, que vous avez trois ennemis capitaux, et qui ne dorment jamais : savoir le démon, la chair, et le monde. Or vous pratiquerez ce conseil si vous avez le soin de remarquer tous les jours dans votre examen de conscience, s'ils n'ont point jetés quelque zizanie dans votre cœur, c'est à dire quelque pensée contraire à votre bonne résolution. Que si ce malheur vous est arrivé, arrachez-là dans le moment, de crainte que si elle s`y arrête quelque temps, vous ne soyez contraint d'arracher avec elle le froment du bon propos que vous y aviez semé.
Prenez garde que cet ennemi se retire et abandonne le champ aussitôt qu'il y a sursemé de la zizanie : car c'est le propre de ce mauvais Semeur d'abandonner ainsi l'âme, et de jeter en s'en allant la tristesse dans la conscience; au contraire du bon Laboureur qui la rend joyeuse et paisible.
Au temps de la moisson les moissonneurs jetèrent la zizanie dans le feu, et amassèrent le froment dans le grenier.
Considérez que les bons et les mauvais Anges sont des moissonneurs, comme Jésus nous l'apprend lui-même: que les malins esprits ( anges déchus) ont soin de remarquer et de recueillir notre zizanie, c'est à dire nos péchés et nos crimes: que les bons tiennent registre de nos bonnes œuvres; et que les uns et les autres produiront à la fin de notre vie ce qu'ils en auront remarqué, en la présence du Juge éternel, qui prononcera son arrêt de vie ou de mort sur la vue de cette production.
Considérez que pendant que vous êtes en ce monde vous pouvez être un moissonneur en examinant votre conscience, et vous confessant à l'oreille du Prêtre, afin de par ce moyen arracher la zizanie, qui aura été semée dans votre cœur. Car si nous nous jugeons en cette vie nous ne serons pas jugez après la mort, et si nous brûlions la zizanie de nos crimes dans le feu de la pénitence, elle ne fera pas jetée alors dans celui de l'enfer.
Le bon grain et l`ivraie
38 - DU DÉMON MUET ET AVEUGLE
Le démon muet et aveugle ayant été chassé du corps d'un homme; il y en eut de si impudents qu`ils dirent hautement : Il chasse les démons par la vertu de Beelzebuth leur Prince. D'autres demandaient un autre prodige.
Considérez que bien que Jésus , ait fait ici trois grâces signalées, ou trois grandes merveilles, les uns pourtant les interprètent en mauvaise part, les autres en diminuent la grandeur, et qu`il n'y a que le peuple qui les admire pour vous apprendre que c'est le propre des esprits envieux et malins que d'interpréter en mauvaise part, ou de diminuer, autant qu'ils peuvent par leurs discours de mépris ou même de raillerie, le mérite de ce que les gens de bien et les personnes simples estiment beaucoup par raison et par justice.
Considérez que les bonnes œuvres et les bons avis des autres ne nous rendent pas meilleurs, mais qu'au contraire nous en devenons plus méchants, si nous ne mettons la cognée à la racine, c'est à dire, si nous ne nous amendons. Car comme les choses les plus mauvaises servent aux bons à faire du bien, ainsi les meilleures servent aux méchants à faire du mal: en quoi ils font semblables à l'araignée qui tire son venin de la douceur des fleurs.
Jésus connaissant leurs pensées, leur dit: Tout Royaume ou il y aura de la division, sera détruit.
Considérez que Jésus ne répond point à l'injure qui lui a été faite, par une autre injure, mais que seulement il défend l'honneur de son Père par quatre raisons ; pour vous apprendre à souffrir patiemment pour l'amour de Dieu, ce que l'on pourra faire à votre préjudice et d'en accorder le pardon à celui même qui ne vous le demande pas. Mais quand il s'agira de l'honneur de Dieu, de l'intérêt de la foi Catholique, et de l'état Religieux, de même que de la réputation des gens de bien; c'est alors que vous êtes obligé de rompre le silence et de faire tous vos efforts pour les maintenir. Moïse vous servira d'exemple, qui supporta avec patience le murmure qui s'éleva contre sa personne, mais qui punit rigoureusement l'idolâtrie qui allait contre l'honneur de Dieu. Vous imiterez aussi, si vous pratiquez cette sainte doctrine, cette femme qui se levant du milieu de l'assemblée, publia à haute voix l'excellence et le bonheur de Jésus et de sa sainte Mère.
Une femme s`écria du milieu de la troupe, et lui dit: Bienheureux le ventre qui vous a porté: Jésus répondit : Il est vrai, mais plutôt bienheureux sont ceux qui écoutent la parole de Dieu, et la mettent en pratique.
Considérez le courage de cette femme, qui sans avoir égard à la calomnie de ces gens, et sans les appréhender, se met en devoir de défendre la gloire de Jésus , et celle de la sainte Mère, et qui désire plutôt d'être méprisée avec lui, que d'être en estime parmi les Pharisiens.
Considérez que Jésus qui était affligé de l'ingratitude des Pharisiens , fut comblé quand il entendit les louanges de sa sainte Mère, et que pour ce sujet interrompant son discours s'adressa cette femme, et lui dit: Vous publiez que ma Mère est heureuse, parce qu'elle m`a conçu; mais je la tiens beaucoup plus heureuse d'avoir entendu attentivement mes paroles, et de les avoir mises en pratique; comme vous l’êtes aussi maintenant et comme seront tous ceux qui les écouteront, et les observeront fidèlement.
39 - DES CINQ PAINS MULTIPLIÉS PAR JÉSUS.
Jésus après avoir monté sur une haute montagne leva les yeux et aperçut une grande foule de peuple qui venait à lui. Ensuite s`étant enquis de ses Apôtres s`ils avaient de quoi donner a, tout ce peuple pour manger; André lui répondit : Il y a ici un petit garçon qui a cinq pains d'orge, et deux poissons.
Considérez que Jésus quitte une vallée et monte sur une montagne, pour nous enseigner à tendre toujours à la perfection de la vie spirituelle, mais que l'on n'y peut parvenir sans beaucoup de peine et de travail. Considérez la modestie de Jésus qui a toujours les yeux baissés et ne les lève que pour regarder vers le Ciel ou vers le peuple; et inférez de là que vous devez particulièrement considérer deux choses: votre salut qui doit s'achever dans le Ciel , et celui de vos prochains, qui doit commencer sur la terre.
Que si Jésus attire les peuples par son seul regard, que ne sera point sa présence sacrée et réelle en la sainte Eucharistie ? Que Jésus en ce miracle se sert du ministère d'un petit garçon qui après avoir abandonné son pays l'avait suivi, et qui vraisemblablement était pauvre, puisqu'il n'avait que des pains d'orge, afin que vous sachiez et soyez assuré que Dieu regarde de bon œil ce que font les petits et les humbles.
Jésus après l'action de grâces distribua ces cinq pains et ces deux poissons à cinq mille personnes qui reposaient sur du foin.
Considérez d'une part le zèle et la ferveur de tant de mille hommes, en ce qu'ils avaient suivi Jésus jusques si loin, sans penser à leur nourriture: et d'autre part la souveraine toute-puissance, et toute bonne providence de Dieu , en ce qu'il n'abandonne jamais ceux qui mettent en lui leur confiance. Pensez que si le Fils de Dieu, qui est le souverain libéral dispensateur de toutes sortes de biens, rend grâces à son Père pour cinq pains, à plus forte raison nous qui ne sommes que de viles créatures, devons-nous sans cesse le remercier de tant de faveurs que nous recevons tous les jours de sa bonté.
Figurez-vous avec quelle tendresse il rompt ces pains et ces poissons, et les distribue à ce peuple simple et grossier: ayant l'idée qu'un jour il distribuerait en sa dernière Cène le pain céleste qui rassasie jusques à l'éternité, pour le souvenir immortel du poisson, figure de son humanité sacrée, qui devait être sacrifiée sur l'arbre de la Croix. Soyez persuadé qu'il n'est reçu dignement que par celui qui se repose sur le foin; c'est à dire qui n'a point d'estime de soi-même, et qui soumet sa chair; puisque toute chair n`est que du foin, dit le prophète Isaïe.
Ils ramassèrent douze corbeilles pleines des morceaux qui en restèrent.
Considérez que quand nous faisons part volontiers de nos biens, tant spirituels que temporel, à notre prochain, quelque modiques et de si peu de considération qu'ils puissent être; bien loin d'en souffrir du dommage ou de la perte, nous en recevons au contraire un émolument et un avantage considérable, comme l'ont éprouvé des personnes de grande piété, qui se sont adonnées à faire l'aumône.
Que ce qui resta de ces pains excédait incomparablement leur quantité, pour figurer que le banquet céleste de la vie éternelle ne finira jamais , où chacun sera tellement satisfait de sa portion ; c'est à dire de sa béatitude particulière , qu'il n'aura jamais ni faim ni soif.
Le peuple s`empressant d'approcher de Jésus, il monta dans la barque de Pierre, et l'ayant fait un peu éloigner du rivage, il s'assit et donna des enseignements à cette assemblée de dessus cette barque.
Considérez avec quelle ardeur cette troupe accourut pour entendre la parole de Dieu, et tremblez en faisant réflexion que souvent nous avons le même empressement, non pas pour entendre des discours de piété, mais des choses inutiles ou des nouvelles du siècle.
Considérez que Jésus instruit ce peuple qui était accouru vers lui, de dedans la barque de Pierre; pour faire voir que l'Église Romaine est agitée de diverses sortes de tempêtes, sur la mer de ce monde afin que sa vertu en devienne plus brillante.
Ayant cessé de parler il dit à Simon: Avancez, en haute mer, et jetez vos filets pour pêcher. Simon lui répondit: Nous n` avons rien pris pendant la nuit; mais sur votre parole je jetterai le filet. L'ayant jeté il prit une si grande quantité de poissons, que le filet ne les pouvait contenir, et en fut presque rompu.
Considérez que Jésus touche les cœurs dans une prédication, mais que c'est à nous à travailler avec lui par nos exhortations et par nos exemples. Nous devons pour ce sujet avancer en haute mer, c'est à dire élever nos pensées vers le Ciel, et ne rien épargner dans l'emploi du salut des âmes. Nous devons encore jeter les filets; c'est à dire donner l'explication des saintes Écritures, qui ont peu de paroles, mais qui renferment beaucoup de mystères.
Pierre fut si surpris d'épouvante qu'il se laissa tomber sur ses genoux, et dit à Jésus; Seigneur retirez-vous de moi, car je ne suis qu`un pécheur. Jésus lui dit: Ne craignez point; d'ores en avant vous pêcherez des hommes; et ayant tout abandonné il se mit à sa suite.
Considérez le procédé de Saint Pierre, et ce qui arrive dans sa conversion. 1. Il prête sa nacelle à Jésus par un motif de charité; et Jésus la lui rend pleine de poissons. 2. Il fléchit les genoux par un sentiment d'humilité; et sa qualité de pêcheur de poissons est changée en celle de pêcheur d'hommes. 3 . Il prie Jésus de se retirer d'auprès de lui ; et néanmoins il s'en approche plus que jamais; car il abandonne les filets, pour ne plus s'en séparer : ainsi de petits commencements l'on parvient à de grandes choses.
Considérez encore quels doivent être les pêcheurs d'hommes. Sans doute il faut qu'ils soient humbles, et qu'ils se laissent plutôt attirer par Jésus, qu'ils n'attirent les autres: outre qu'ils doivent aussi imiter sa vie et ses mœurs, en remettant et abandonnant les filets de ce monde, qui sont les richesses , les honneurs et les plaisirs.
37 - DE LA BONNE SEMENCE ET DE LA ZIZANIE
Le Royaume des Cieux est semblable à un homme qui a semé de bon grain dans son champ.
1 - Considérez que le Royaume de Dieu est au dedans de nous , comme dit Jésus.
2 - Que notre âme est un champ qu'il faut labourer avec le coutre de la douleur et du regret d'avoir péché contre Dieu.
3. Qu'il y faut jeter la semence de la résolution d'amender sa vie, ou de se faire quitte de quelque mauvaise habitude.
4. Qu'il la faut arroser avec des prières de ferveur, et une grande abondance de larmes.
5. Qu'il la faut rendre souple et soumise par des austérités que l'on pratique tous les jours ; jusques à ce qu'elle soit entièrement morte au monde: car si le grain qui est
jeté dans la terre ne meurt point, il ne rapporte pas de fruit.
6. Qu'il faut enfin s'étudier à faire quelque nouveau profit de jour en jour, si l'on veut être si heureux que de serrer dans le grenier du Paradis cette semence spirituelle, lors qu'à l'heure de la mort elle fera parvenue à sa maturité; comme un épi au temps de la moisson.
Lorsque les hommes reposaient et étaient dans leur sommeil, son ennemi y vint pour semer de la zizanie parmi le bon grain, et s'en alla.
Considérez que vous n'avez pas sitôt pris une bonne et louable résolution, que les tentations y accourent en foule, et s'y opposent. Car, comme dit Job, la vie de l'homme sur la terre est une tentation continuelle. Outre que saint Paul nous apprend dans le Chapitre 14 des Actes des Apôtres, que qui veut entrer dans le Royaume des Cieux , doit franchir beaucoup de difficultés, et endurer patiemment beaucoup d'afflictions et de déplaisirs. La raison en est, afin que nous croissions et nous fassions riches en mérites, et que nous soyons semblables à Jésus, qui nous en a montré l'exemple par le grand nombre de ses souffrances.
Pensez que vous êtes d'autant plus obligé de vous tenir sur vos gardes, que vous avez trois ennemis capitaux, et qui ne dorment jamais : savoir le démon, la chair, et le monde. Or vous pratiquerez ce conseil si vous avez le soin de remarquer tous les jours dans votre examen de conscience, s'ils n'ont point jetés quelque zizanie dans votre cœur, c'est à dire quelque pensée contraire à votre bonne résolution. Que si ce malheur vous est arrivé, arrachez-là dans le moment, de crainte que si elle s`y arrête quelque temps, vous ne soyez contraint d'arracher avec elle le froment du bon propos que vous y aviez semé.
Prenez garde que cet ennemi se retire et abandonne le champ aussitôt qu'il y a sursemé de la zizanie : car c'est le propre de ce mauvais Semeur d'abandonner ainsi l'âme, et de jeter en s'en allant la tristesse dans la conscience; au contraire du bon Laboureur qui la rend joyeuse et paisible.
Au temps de la moisson les moissonneurs jetèrent la zizanie dans le feu, et amassèrent le froment dans le grenier.
Considérez que les bons et les mauvais Anges sont des moissonneurs, comme Jésus nous l'apprend lui-même: que les malins esprits ( anges déchus) ont soin de remarquer et de recueillir notre zizanie, c'est à dire nos péchés et nos crimes: que les bons tiennent registre de nos bonnes œuvres; et que les uns et les autres produiront à la fin de notre vie ce qu'ils en auront remarqué, en la présence du Juge éternel, qui prononcera son arrêt de vie ou de mort sur la vue de cette production.
Considérez que pendant que vous êtes en ce monde vous pouvez être un moissonneur en examinant votre conscience, et vous confessant à l'oreille du Prêtre, afin de par ce moyen arracher la zizanie, qui aura été semée dans votre cœur. Car si nous nous jugeons en cette vie nous ne serons pas jugez après la mort, et si nous brûlions la zizanie de nos crimes dans le feu de la pénitence, elle ne fera pas jetée alors dans celui de l'enfer.
Le bon grain et l`ivraie
38 - DU DÉMON MUET ET AVEUGLE
Le démon muet et aveugle ayant été chassé du corps d'un homme; il y en eut de si impudents qu`ils dirent hautement : Il chasse les démons par la vertu de Beelzebuth leur Prince. D'autres demandaient un autre prodige.
Considérez que bien que Jésus , ait fait ici trois grâces signalées, ou trois grandes merveilles, les uns pourtant les interprètent en mauvaise part, les autres en diminuent la grandeur, et qu`il n'y a que le peuple qui les admire pour vous apprendre que c'est le propre des esprits envieux et malins que d'interpréter en mauvaise part, ou de diminuer, autant qu'ils peuvent par leurs discours de mépris ou même de raillerie, le mérite de ce que les gens de bien et les personnes simples estiment beaucoup par raison et par justice.
Considérez que les bonnes œuvres et les bons avis des autres ne nous rendent pas meilleurs, mais qu'au contraire nous en devenons plus méchants, si nous ne mettons la cognée à la racine, c'est à dire, si nous ne nous amendons. Car comme les choses les plus mauvaises servent aux bons à faire du bien, ainsi les meilleures servent aux méchants à faire du mal: en quoi ils font semblables à l'araignée qui tire son venin de la douceur des fleurs.
Jésus connaissant leurs pensées, leur dit: Tout Royaume ou il y aura de la division, sera détruit.
Considérez que Jésus ne répond point à l'injure qui lui a été faite, par une autre injure, mais que seulement il défend l'honneur de son Père par quatre raisons ; pour vous apprendre à souffrir patiemment pour l'amour de Dieu, ce que l'on pourra faire à votre préjudice et d'en accorder le pardon à celui même qui ne vous le demande pas. Mais quand il s'agira de l'honneur de Dieu, de l'intérêt de la foi Catholique, et de l'état Religieux, de même que de la réputation des gens de bien; c'est alors que vous êtes obligé de rompre le silence et de faire tous vos efforts pour les maintenir. Moïse vous servira d'exemple, qui supporta avec patience le murmure qui s'éleva contre sa personne, mais qui punit rigoureusement l'idolâtrie qui allait contre l'honneur de Dieu. Vous imiterez aussi, si vous pratiquez cette sainte doctrine, cette femme qui se levant du milieu de l'assemblée, publia à haute voix l'excellence et le bonheur de Jésus et de sa sainte Mère.
Une femme s`écria du milieu de la troupe, et lui dit: Bienheureux le ventre qui vous a porté: Jésus répondit : Il est vrai, mais plutôt bienheureux sont ceux qui écoutent la parole de Dieu, et la mettent en pratique.
Considérez le courage de cette femme, qui sans avoir égard à la calomnie de ces gens, et sans les appréhender, se met en devoir de défendre la gloire de Jésus , et celle de la sainte Mère, et qui désire plutôt d'être méprisée avec lui, que d'être en estime parmi les Pharisiens.
Considérez que Jésus qui était affligé de l'ingratitude des Pharisiens , fut comblé quand il entendit les louanges de sa sainte Mère, et que pour ce sujet interrompant son discours s'adressa cette femme, et lui dit: Vous publiez que ma Mère est heureuse, parce qu'elle m`a conçu; mais je la tiens beaucoup plus heureuse d'avoir entendu attentivement mes paroles, et de les avoir mises en pratique; comme vous l’êtes aussi maintenant et comme seront tous ceux qui les écouteront, et les observeront fidèlement.
39 - DES CINQ PAINS MULTIPLIÉS PAR JÉSUS.
Jésus après avoir monté sur une haute montagne leva les yeux et aperçut une grande foule de peuple qui venait à lui. Ensuite s`étant enquis de ses Apôtres s`ils avaient de quoi donner a, tout ce peuple pour manger; André lui répondit : Il y a ici un petit garçon qui a cinq pains d'orge, et deux poissons.
Considérez que Jésus quitte une vallée et monte sur une montagne, pour nous enseigner à tendre toujours à la perfection de la vie spirituelle, mais que l'on n'y peut parvenir sans beaucoup de peine et de travail. Considérez la modestie de Jésus qui a toujours les yeux baissés et ne les lève que pour regarder vers le Ciel ou vers le peuple; et inférez de là que vous devez particulièrement considérer deux choses: votre salut qui doit s'achever dans le Ciel , et celui de vos prochains, qui doit commencer sur la terre.
Que si Jésus attire les peuples par son seul regard, que ne sera point sa présence sacrée et réelle en la sainte Eucharistie ? Que Jésus en ce miracle se sert du ministère d'un petit garçon qui après avoir abandonné son pays l'avait suivi, et qui vraisemblablement était pauvre, puisqu'il n'avait que des pains d'orge, afin que vous sachiez et soyez assuré que Dieu regarde de bon œil ce que font les petits et les humbles.
Jésus après l'action de grâces distribua ces cinq pains et ces deux poissons à cinq mille personnes qui reposaient sur du foin.
Considérez d'une part le zèle et la ferveur de tant de mille hommes, en ce qu'ils avaient suivi Jésus jusques si loin, sans penser à leur nourriture: et d'autre part la souveraine toute-puissance, et toute bonne providence de Dieu , en ce qu'il n'abandonne jamais ceux qui mettent en lui leur confiance. Pensez que si le Fils de Dieu, qui est le souverain libéral dispensateur de toutes sortes de biens, rend grâces à son Père pour cinq pains, à plus forte raison nous qui ne sommes que de viles créatures, devons-nous sans cesse le remercier de tant de faveurs que nous recevons tous les jours de sa bonté.
Figurez-vous avec quelle tendresse il rompt ces pains et ces poissons, et les distribue à ce peuple simple et grossier: ayant l'idée qu'un jour il distribuerait en sa dernière Cène le pain céleste qui rassasie jusques à l'éternité, pour le souvenir immortel du poisson, figure de son humanité sacrée, qui devait être sacrifiée sur l'arbre de la Croix. Soyez persuadé qu'il n'est reçu dignement que par celui qui se repose sur le foin; c'est à dire qui n'a point d'estime de soi-même, et qui soumet sa chair; puisque toute chair n`est que du foin, dit le prophète Isaïe.
Ils ramassèrent douze corbeilles pleines des morceaux qui en restèrent.
Considérez que quand nous faisons part volontiers de nos biens, tant spirituels que temporel, à notre prochain, quelque modiques et de si peu de considération qu'ils puissent être; bien loin d'en souffrir du dommage ou de la perte, nous en recevons au contraire un émolument et un avantage considérable, comme l'ont éprouvé des personnes de grande piété, qui se sont adonnées à faire l'aumône.
Que ce qui resta de ces pains excédait incomparablement leur quantité, pour figurer que le banquet céleste de la vie éternelle ne finira jamais , où chacun sera tellement satisfait de sa portion ; c'est à dire de sa béatitude particulière , qu'il n'aura jamais ni faim ni soif.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
40 - MARCHE DE JÉSUS SUR LES EAUX.
Les Apôtres étant agités, sur la Mer d'un vent qui leur était contraire; Jésus les vit de dessus la terre qui avaient beaucoup de peine à ramer, et il approcha d'eux en marchant dessus les eaux.
Considérez que le cours de cette vie est une mer sur laquelle nous flottons. Nos concupiscences et nos désirs déréglés sont les vents contraires qui combattent dans nos membres, dit Saint Jacques : car la chair est continuellement opposée à l'esprit. Il faut ramer avec courage pour resister à ces vents, de même que les Apôtres: et sans doute Dieu aidera nos efforts : Jésus s'arrêtera sur le bord de cette mer orageuse et sera le spectateur de nos combats et de nos résistances.
Il a coutume de considérer, non pas ceux qui vivent dans les délices, et qui fuient le travail, et les difficultés; mais ceux qui se commandant à eux -mêmes, résistent fortement à leurs désirs déréglés. O que la peine est douce et agréable à celui qui sait que Jésus le considère attentivement.
Considerez que Jésus après que ses Apôtres eurent fortement travaillés pendant toute la nuit, les alla trouver en marchant dessus les eaux de la mer, lorsque les forces leur manquaient, et qu'ils ne pouvaient plus s'opposer à la tempête; pour nous apprendre qu'il ne faut pas perdre courage aussitôt qu'il nous survient quelque adversité; car encore que Dieu diffère son secours pour un peu de temps, afin d'éprouver notre confiance et notre patience; il récompensera néanmoins enfin ce délai par une assistance qui sera si présente que nous en ressentirons les effets avec avantage.
Jésus étant proche du navire, et voulant comme passer outre, les Apôtres se persuadèrent que c'était un fantôme, et s`écrièrent tout épouvantés. Jésus: Ayez, leur dit-il, de l'assurance, c'est moi.
Considérez qu'encore que Jésus peut accorder à ses Apôtres un vent plus favorable, il ne le voulut pas, pour empêcher qu'ils n'attribuassent la bonté qui leur aurait été nécessaire plutôt à la saison et au temps, qu'à la puissance divine. Mais qu'il voulut au contraire qu'ils fussent agités de la tempête, afin qu'ils reconnussent par expérience leur peu de force et de pouvoir quand ils étaient abandonnés à leur seule vertu. Il voulut aussi qu'ils eussent beaucoup de peine pendant toute la nuit, pour leur apprendre que rien ne leur était possible sans Sa Grâce. Il voulut enfin qu'ils fussent épouvantés d'une vision, comme si quelque malin esprit se fut mis en devoir de les submerger, afin qu'ils invoquassent le secours divin, lequel aussitôt qu'ils eurent imploré, Jésus leur commanda de ne point appréhender et leur dit: C'est moi, c'est votre maitre votre Sauveur , et votre Dieu. Aussi en furent-ils parfaitement consolés, et cela nous apprend à ne jamais désespérer en quelque déplaisir que nous soyons parce que quand les calamités sont extrêmes, c'est alors que le secours divin se présente.
Considérez que le propre du monde est d'attribuer à hypocrisie, les choses qui regardent Dieu, et les exercices des bonnes œuvres : quoique tout notre salut en dépende.
Pierre alors : Seigneur, lui dit-il, si c'est vous, commandez, que j'aille vous trouver dessus les eaux. Jésus lui dit; Venez. Mais comme il commençait à enfoncer; il s'écria: Seigneur sauvez-moi, ect.
Considérez la grande foi de Saint Pierre, qui crût pouvoir marcher sur les eaux par la puissance de Jésus et son insigne charité, qui ne peut attendre que Jésus fût venu jusqu'à lui : car le véritable amour ne souffre point de retardement et n'a point d'appréhension des calamités.
Considérez que Jésus permit que St-Pierre enfonçait dans la mer, tant pour l'avertir que l'on ne doit pas demander à Dieu des choses qui sont au-dessus du pouvoir de l'homme, de peur d'être soupçonné de curiosité.
Considérez que tous les vents et toute la tempête cessèrent aussitôt que Jésus fut entré dans le vaisseau car quand nous lui sommes étroitement liés et unis dans le navire de l'Église; les vents des tentations du diable cessèrent aussitôt, et les flots des adversités sont brisés, ou tout au moins nous les supportons sans aucune émotion.
41 - LA CANANÉENNE
La Cananéenne est partie de Tyr et de Sidon ( Liban actuel), présente sa requête à ce que sa fille soit délivrée du démon qui la possède; mais Jésus ne lui fait point de réponse. Ses Apôtres le prient de lui répondre, et lui représentent qu'elle leur est importune.
Considérez que si vous désirez que vos péchés vous soient remis, et obtenir la grâce de Dieu, vous devez : 1- éviter la compagnie des méchants, et abandonner entièrement les occasions du péché.
2- Ne pas excuser votre crime, mais au contraire vous en accuser avec exagération; de même que la Cananéenne qui s'écrie que le démon tourmente horriblement sa fille.
3 - Persister avec persévérance, quoique vous ne soyez pas exaucé aussitôt que vous le désirez.
4. Implorer le secours et l'entremise des Saints, avec des prières ferventes et zélées.
Considérez qu'encore que Jésus feignit de ne pas entendre cette femme, il n'avait pourtant aucun mépris pour elle, mais il voulait que la grandeur de sa foi parût par sa constance en la prière, et qu'elle servit d'exemple d'humilité, de patience, et de persévérance, en sorte que par ce moyen elle s'acquit un plus grand mérite.
Après qu'elle eut adoré Jésus et demandé d'être secourue, et que Jésus lui eut répondu qu'il n`était pas à propos de donner aux chiens le pain destiné pour les enfants; elle répliqua: Il est vrai, mais les petits chiens mangent les miettes qui tombent de dessus la table de leurs maitres.
Considérez de quelle manière cette femme rebutée de Jésus et de ses Apôtres, n'en retient aucune confusion, et ne perd point courage; mais comme se confiant en la bonté de Jésus et se jetant à ses pieds, elle lui dit, Seigneur aidez-moi; et ne dit pas : Aidez ma fille; parce qu'elle se reconnaissait coupable et la cause du malheur de son enfant.
Considérez que d'autant plus cette femme s'efforce par ses prières d'obtenir ce qu'elle demande, et de fléchir par ses soumissions la rigueur de Jésus, d'autant plus il la rebute, jusques là qu'il la traite d'indigne de la grâce qu'elle désirait, et la compare à une chienne. Voyez d'autre part quelle est son humilité quand elle ne se met pas en peine d'être ainsi traitée; mais reconnait qu'en effet elle est une chienne et qu'elle ne mérite pas que l'on lui donne un pain entier: quelle est dis-je, sa sagesse et combien elle est merveilleuse, quand elle tourne à son avantage ce nom de rebut et de mépris , lorsqu'elle dit qu'elle ne demande pas du pain; mais des miettes de pain, de même que des petits chiens , ce qui fait que Jésus lui dit enfin :
O femme, votre foi est grande; ce que vous désirez soit fait!
O bon Jésus, que véritablement vous avez dit: L'on ne peut acquérir le Royaume des Cieux qu'en se faisant violence; car cette femme se l'est faite à elle-même, lorsque si humblement et si patiemment elle a supporté un rebut si rigoureux: et elle vous l'a faite, Seigneur , lors que vous avez été comme forcé par les importunités à lui accorder sa demande. Je sais qu'il est permis de l'imiter; puisque vous avez enseigné, Luc 11, qu'il faut persévérer dans la prière jusques à être importun; car votre bonté est si grande, que vous voulez que nous vous contraignions par nos prières à nous accorder plus que nous ne demandons; de même que vous avez dit à cette femme : Ce que vous désirez soit fait; comme si vous eussiez voulu lui dire : Vous avez obtenu tout ce que vous me demandiez; quoi qu'elle ce fut contentée d'obtenir des miettes de pain, c'est à dire la moindre de vos grâces et de vos faveurs.
42 - L'HOMME SOURD ET MUET
On amène à Jésus un homme sourd et muet, et on le prie de le gratifier de l'imposition de ses mains.
Considérez combien la surdité spirituelle est un grand mal. Elle bouche les oreilles aux prédications, aux avertissements, aux inspirations de Dieu, et aux mouvements de la conscience. Il est aussi très dangereux d'être spirituellement muet, parce que cette infirmité ferme la bouche et l'empêche de s'ouvrir pour rendre grâces à Dieu, pour confesser ses péchés, pour s'entretenir avec les autres de quelque discours de piété, et pour aider le prochain en prenant sa cause en main, ou en le comblant quand il est dans l'affliction.
Considérez que pour être délivré de ces deux sortes de maladies, il ne suffit pas que nous employons nos prières , mais qu'il faut encore que nous implorions le secours et l'entremise des Saints et des gens de bien, afin que le grand nombre puisse plus facilement obtenir notre pardon.
Jésus le tira à quartier, il mit les doigts dans ses oreilles, il lui mit aussi de sa salive sur la langue, et levant les yeux au Ciel, il fit un soupir et dit tout haut: Ephpheta , qui veut dire, Soyez ouvertes; et dans le moment il fut guéri.
Considérez les cérémonies qu'observa Jésus en cette guérison afin que vous appreniez comment vous pourrez vous relever de vos péchés; Car il faut : 1. Que vous évitiez les mauvaise compagnies et toutes les occasions qui pourraient vous porter à l'offense de Dieu.
2. Que vous imploriez la grâce saint Esprit, qui est figuré par le doigt dans l'Écriture. 3. Que vous obteniez la sagesse qui vous obligea à ne rien dire que d'édifiant ; car comme la salive découle de la tête, ainsi la sagesse de l'entendement. 4. Que vous soyez touché d'une vive douleur de vos péchés, et que vous en espériez le pardon. 5. Que vous les découvriez par une confession ou publique ou particulière. Enfin que vous publiez les merveilles de Dieu et en pratiquant ces avis, vous cesserez d'être sourd et muet.
Et il défendit aux témoins de ce miracle d'en rien dire a personne; néanmoins ils le publiaient d`autant plus qu'il le leur défendait, et disaient: Il a bien fait tout ce qu'il a fait.
Considérez que Jésus nous enseigne ici avec quel soin nous devons conserver l'humilité; et que nous y pourrons parvenir si nous fuyons l'honneur du monde et la vaine gloire, quand nous faisons de bonnes œuvres.
Que la troupe qui le suivait nous donne aussi l'exemple de gratitude et de reconnaissance envers Dieu, pour tant de grâces qu'il nous a faites, de même que du-zèle dont il faut être animé quand il s'agit de sa gloire, et de l'honneur et de la réputation du prochain, à quoi il faut s'employer en se ravalant soi-même au-dessous de tous les autres,
Pensez enfin que Dieu a bien fait toutes choses à votre égard jusques à présent; ce qui vous oblige à le louer et à le bénir incessamment; mais n'oubliez pas d'avoir un regret sensible, si jamais dans vos adversités vous avez murmuré contre sa providence.
43 - ACCUEIL A JESUS EN LA MAISON DE MARTHE ( Luc 10,38)
Marthe reçut Jésus en sa maison, et sa sœur Marie étant assise aux pieds du Sauveur écoutait sa parole.
Considérez qu'il n'est point ici parlé de la maison de Marie Magdeleine, mais seulement de celle de Marthe, où Jésus fut reçu, quoi qu'elle appartint en commun à l'une et à l'autre de ces deux sœurs; pouf faire voir que ceux qui se consacrent à la vie contemplative dans un Monastère, doivent faire litière de tous les biens de ce monde , et en abandonner tous les soins pour s'attacher à Dieu seul.
Considérez que Jésus est reçu dans une maison où Marie se rencontre avec Marthe pour marquer que la perfection de la vie Chrétienne consiste non seulement à contempler, à méditer et à prie, mais aussi à servir le prochain en son corps et en son âme, par prédications, instructions , confession, et visites de malades ou de prisonniers. Pensez que d'autant plus que l'on est humble et que l'on se prosterne plus volontiers aux pieds de Jésus, d'autant plus est on propre à être imbu de sa doctrine toute divine et toute céleste. En effet la sacrée Vierge s'étant ainsi humilié pendant qu'elle vivait sur la terre, a mérité d'être élevée jusques au plus haut de tous les cieux.
Marthe se plaignant à Jésus, qu'elle seule s'employait au service, il lui dit: Marthe vous avez, bien du souci, et vous vous inquiétez de beaucoup de choses.
Considérez que l'empressement et le soin de Marthe, quoique saint et recommandable à double titre, parce que la vertu de charité et d'hospitalité en était le motif, et qu'il était employé au service du Saint des Saints, s'est pourtant trouvé digne d'une petite répréhension de la part du Fils de Dieu, parce qu'il y avait de l'excès et qu'elle en était inquiétée; pour vous instruire si vous êtes séculier, à ne pas tant vous embarrasser de vos affaires domestiques, que vous en perdiez le repos de l'esprit, ou que vous en négligiez les œuvres de piété: et si vous êtes Religieux, à ne pas aussi vous attacher si fort à l'étude ou à quelque autre chose, que vous ne pensiez plutôt à faire votre salut.
Considérez encore que Marthe conçut en cette rencontre quelque petite espèce d'envie spirituelle; comme si elle eut été fâchée que sa sœur eut l'honneur de jouir seule de l'entretien de Jésus, ou qu'elle l'accusât d'oisiveté; jugeant avec quelque précipitation qu'elle eut mieux fait de l'aider dans le service, que d'être importun au Sauveur. Ce qui apprend aux personnes de piété à éviter soigneusement l'un et l'autre de ces deux défauts: car les Séculiers pèchent ordinairement quand ils se persuadent que les Ecclésiastiques et les Moines ne sont que des fainéants.
Au reste une seule chose est nécessaire: Marie a choisi la meilleure part; et elle ne lui sera point ôtée.
Considérez qu'une seule chose nous est amplement nécessaire à tout tant que nous sommes; qui est la recherche du Royaume de Dieu; c'est à dire à notre salut : toutes les autres choses comme le vivre, le vêtir , la doctrine , ect, ne nous font nécessaires qu'autant qu'elles nous servent et nous aident à nous sauver. Car que sert à l'homme, dit Jésus, de se rendre maitre de tout le monde, s'il souffre la perte de son âme?
Pensez que les gens du monde qui ont soin de leur temporel, en sorte qu'ils ne négligent pas de rendre leurs devoir à Jésus, ont choisi la bonne part avec sainte Marthe: que
les Ecclésiastiques qui sont obligés par leur condition à célébrer le service divin, ont choisi la meilleure; et enfin que les Religieux qui après l'abandonnement de tous les biens de la terre , ne s'appliquent qu'à la prière et à la contemplation, et emploient tous leurs soins et tous leurs efforts à faire leur salut, et à procurer celui des autres, ont choisi la très-bonne. C'est là ce qu'on appelle choisir la très-bonne part, et ce que l'Église sous le nom de Marie Magdeleine attribue à la sacrée Vierge. En effet, elle en a si bien usé et avec tant de perfection, qu'elle ne lui fera jamais ôtée.
44 - DE l`HYDROPIQUE QUI FUT GUÉRI ET DE L'HUMILITÉ ( Luc 14,1)
Jésus étant entré un jour de Sabbat dans la maison d'un pharisien pour y prendre sa réfection ceux qui étaient présents l'observaient attentivement.
Considérez ici la bonté de Jésus, qui veut bien se trouver en la compagnie de gens sans probité, qui même l'observaient avec tant de soin, espérant d'avoir occasion de le calomnier; afin que par son entretien il puisse les retirer de leur erreur et de leurs péchés. D'où vous devez apprendre qu'il ne faut pas toujours fuir ou éviter la conversation des méchants, mais au contraire s'efforcer de les convertir par des discours de piété et par de bons exemples. Que si vous n`avez pas assez de courage pour pratiquer cet avis, il faut demander à Dieu la résolution et l'assurance de pouvoir dire quelque chose de bon et d'utile, en sorte que ces sortes de gens en puissent être touchés, et en concevoir au moins quelque bon sentiment.
Considérez que quand il est dit dans l`Évangile que Jésus entra chez le Pharisien pour manger du pain, car tel en sont les propres termes , le terme de pain, marque la sobriété et la modestie que l'on doit observer dans les festins, quand la bienséance oblige de s'y rencontrer. En effet l'Écriture dit que le pain et le vin sont le commencement de la vie de l'homme; et l'expérience même nous apprend que des personnes qui n'ont vécu que de pain , ont vécu jusques à cent ans. Que si néanmoins il ne vous est pas permis par ceux à qui vous êtes soumis , de vivre de la sorte, soyez au moins content de peu, et ne recherchez ni la diversité, ni la délicatesse des viandes.
Il y avait devant Jésus un Paralytique. Jésus le guérit, et fait voir qu'il est permis de donner la santé le jour du Sabbat, comme il est permis de retirer dans le même jour un animal qui serait tombé dans un fossé dans un puits.
Considérez la bonté de Jésus, qui ne laisse passer aucune occasion de faire du bien; comme ici à l'heure du diner il guérit un Paralytique , quoiqu'il sut que cela n'agréerait
pas aux Pharisiens; et qui apporte même des raisons pour leur prouver qu'il est capable de leur bien faire. Mais bien plus, car il veut même guérir secrètement leur hypocrisie, c'est à dire leur ambition et leur superbe; et rapporte pour ce sujet l'exemple d'une véritable humilité. Considérez que les Pharisiens ne peuvent rien répondre au discours de Jésus; ce qu'étant, qu'auront-ils à dire au jour du Jugement, quand tout sera si soigneusement examiné?
Quand vous serez, convié à des noces, prenez la dernière place : car quiconque s'élève sera humilié.
Considérez qu'il est du devoir de l'homme Chrétien, de non seulement observer les lois de la civilité, mais aussi de les enseigner aux autres, et même à l'heure du repas. Que si la maxime qui dit que celui qui est humble sera élevé, n'est pas toujours vraie dans le monde , où l'on voit des personnes qui font véritablement humbles, demeurer pour l'ordinaire dans l'abaissement et dans le mépris, elle est pourtant infaillible devant Dieu, qui, comme dit Saint Pierre, résiste aux superbes et donne sa grâce à ceux qui sont humbles.
Considérez que personne ne s'approche en plus digne et en meilleure disposition de la table sacrée de la Sainte Eucharistie, que celui qui est véritablement humble, et qui dit du fond de son cœur avec le Publicain; Seigneur ayez, pitié de moi qui suis un pécheur.
Les Apôtres étant agités, sur la Mer d'un vent qui leur était contraire; Jésus les vit de dessus la terre qui avaient beaucoup de peine à ramer, et il approcha d'eux en marchant dessus les eaux.
Considérez que le cours de cette vie est une mer sur laquelle nous flottons. Nos concupiscences et nos désirs déréglés sont les vents contraires qui combattent dans nos membres, dit Saint Jacques : car la chair est continuellement opposée à l'esprit. Il faut ramer avec courage pour resister à ces vents, de même que les Apôtres: et sans doute Dieu aidera nos efforts : Jésus s'arrêtera sur le bord de cette mer orageuse et sera le spectateur de nos combats et de nos résistances.
Il a coutume de considérer, non pas ceux qui vivent dans les délices, et qui fuient le travail, et les difficultés; mais ceux qui se commandant à eux -mêmes, résistent fortement à leurs désirs déréglés. O que la peine est douce et agréable à celui qui sait que Jésus le considère attentivement.
Considerez que Jésus après que ses Apôtres eurent fortement travaillés pendant toute la nuit, les alla trouver en marchant dessus les eaux de la mer, lorsque les forces leur manquaient, et qu'ils ne pouvaient plus s'opposer à la tempête; pour nous apprendre qu'il ne faut pas perdre courage aussitôt qu'il nous survient quelque adversité; car encore que Dieu diffère son secours pour un peu de temps, afin d'éprouver notre confiance et notre patience; il récompensera néanmoins enfin ce délai par une assistance qui sera si présente que nous en ressentirons les effets avec avantage.
Jésus étant proche du navire, et voulant comme passer outre, les Apôtres se persuadèrent que c'était un fantôme, et s`écrièrent tout épouvantés. Jésus: Ayez, leur dit-il, de l'assurance, c'est moi.
Considérez qu'encore que Jésus peut accorder à ses Apôtres un vent plus favorable, il ne le voulut pas, pour empêcher qu'ils n'attribuassent la bonté qui leur aurait été nécessaire plutôt à la saison et au temps, qu'à la puissance divine. Mais qu'il voulut au contraire qu'ils fussent agités de la tempête, afin qu'ils reconnussent par expérience leur peu de force et de pouvoir quand ils étaient abandonnés à leur seule vertu. Il voulut aussi qu'ils eussent beaucoup de peine pendant toute la nuit, pour leur apprendre que rien ne leur était possible sans Sa Grâce. Il voulut enfin qu'ils fussent épouvantés d'une vision, comme si quelque malin esprit se fut mis en devoir de les submerger, afin qu'ils invoquassent le secours divin, lequel aussitôt qu'ils eurent imploré, Jésus leur commanda de ne point appréhender et leur dit: C'est moi, c'est votre maitre votre Sauveur , et votre Dieu. Aussi en furent-ils parfaitement consolés, et cela nous apprend à ne jamais désespérer en quelque déplaisir que nous soyons parce que quand les calamités sont extrêmes, c'est alors que le secours divin se présente.
Considérez que le propre du monde est d'attribuer à hypocrisie, les choses qui regardent Dieu, et les exercices des bonnes œuvres : quoique tout notre salut en dépende.
Pierre alors : Seigneur, lui dit-il, si c'est vous, commandez, que j'aille vous trouver dessus les eaux. Jésus lui dit; Venez. Mais comme il commençait à enfoncer; il s'écria: Seigneur sauvez-moi, ect.
Considérez la grande foi de Saint Pierre, qui crût pouvoir marcher sur les eaux par la puissance de Jésus et son insigne charité, qui ne peut attendre que Jésus fût venu jusqu'à lui : car le véritable amour ne souffre point de retardement et n'a point d'appréhension des calamités.
Considérez que Jésus permit que St-Pierre enfonçait dans la mer, tant pour l'avertir que l'on ne doit pas demander à Dieu des choses qui sont au-dessus du pouvoir de l'homme, de peur d'être soupçonné de curiosité.
Considérez que tous les vents et toute la tempête cessèrent aussitôt que Jésus fut entré dans le vaisseau car quand nous lui sommes étroitement liés et unis dans le navire de l'Église; les vents des tentations du diable cessèrent aussitôt, et les flots des adversités sont brisés, ou tout au moins nous les supportons sans aucune émotion.
41 - LA CANANÉENNE
La Cananéenne est partie de Tyr et de Sidon ( Liban actuel), présente sa requête à ce que sa fille soit délivrée du démon qui la possède; mais Jésus ne lui fait point de réponse. Ses Apôtres le prient de lui répondre, et lui représentent qu'elle leur est importune.
Considérez que si vous désirez que vos péchés vous soient remis, et obtenir la grâce de Dieu, vous devez : 1- éviter la compagnie des méchants, et abandonner entièrement les occasions du péché.
2- Ne pas excuser votre crime, mais au contraire vous en accuser avec exagération; de même que la Cananéenne qui s'écrie que le démon tourmente horriblement sa fille.
3 - Persister avec persévérance, quoique vous ne soyez pas exaucé aussitôt que vous le désirez.
4. Implorer le secours et l'entremise des Saints, avec des prières ferventes et zélées.
Considérez qu'encore que Jésus feignit de ne pas entendre cette femme, il n'avait pourtant aucun mépris pour elle, mais il voulait que la grandeur de sa foi parût par sa constance en la prière, et qu'elle servit d'exemple d'humilité, de patience, et de persévérance, en sorte que par ce moyen elle s'acquit un plus grand mérite.
Après qu'elle eut adoré Jésus et demandé d'être secourue, et que Jésus lui eut répondu qu'il n`était pas à propos de donner aux chiens le pain destiné pour les enfants; elle répliqua: Il est vrai, mais les petits chiens mangent les miettes qui tombent de dessus la table de leurs maitres.
Considérez de quelle manière cette femme rebutée de Jésus et de ses Apôtres, n'en retient aucune confusion, et ne perd point courage; mais comme se confiant en la bonté de Jésus et se jetant à ses pieds, elle lui dit, Seigneur aidez-moi; et ne dit pas : Aidez ma fille; parce qu'elle se reconnaissait coupable et la cause du malheur de son enfant.
Considérez que d'autant plus cette femme s'efforce par ses prières d'obtenir ce qu'elle demande, et de fléchir par ses soumissions la rigueur de Jésus, d'autant plus il la rebute, jusques là qu'il la traite d'indigne de la grâce qu'elle désirait, et la compare à une chienne. Voyez d'autre part quelle est son humilité quand elle ne se met pas en peine d'être ainsi traitée; mais reconnait qu'en effet elle est une chienne et qu'elle ne mérite pas que l'on lui donne un pain entier: quelle est dis-je, sa sagesse et combien elle est merveilleuse, quand elle tourne à son avantage ce nom de rebut et de mépris , lorsqu'elle dit qu'elle ne demande pas du pain; mais des miettes de pain, de même que des petits chiens , ce qui fait que Jésus lui dit enfin :
O femme, votre foi est grande; ce que vous désirez soit fait!
O bon Jésus, que véritablement vous avez dit: L'on ne peut acquérir le Royaume des Cieux qu'en se faisant violence; car cette femme se l'est faite à elle-même, lorsque si humblement et si patiemment elle a supporté un rebut si rigoureux: et elle vous l'a faite, Seigneur , lors que vous avez été comme forcé par les importunités à lui accorder sa demande. Je sais qu'il est permis de l'imiter; puisque vous avez enseigné, Luc 11, qu'il faut persévérer dans la prière jusques à être importun; car votre bonté est si grande, que vous voulez que nous vous contraignions par nos prières à nous accorder plus que nous ne demandons; de même que vous avez dit à cette femme : Ce que vous désirez soit fait; comme si vous eussiez voulu lui dire : Vous avez obtenu tout ce que vous me demandiez; quoi qu'elle ce fut contentée d'obtenir des miettes de pain, c'est à dire la moindre de vos grâces et de vos faveurs.
42 - L'HOMME SOURD ET MUET
On amène à Jésus un homme sourd et muet, et on le prie de le gratifier de l'imposition de ses mains.
Considérez combien la surdité spirituelle est un grand mal. Elle bouche les oreilles aux prédications, aux avertissements, aux inspirations de Dieu, et aux mouvements de la conscience. Il est aussi très dangereux d'être spirituellement muet, parce que cette infirmité ferme la bouche et l'empêche de s'ouvrir pour rendre grâces à Dieu, pour confesser ses péchés, pour s'entretenir avec les autres de quelque discours de piété, et pour aider le prochain en prenant sa cause en main, ou en le comblant quand il est dans l'affliction.
Considérez que pour être délivré de ces deux sortes de maladies, il ne suffit pas que nous employons nos prières , mais qu'il faut encore que nous implorions le secours et l'entremise des Saints et des gens de bien, afin que le grand nombre puisse plus facilement obtenir notre pardon.
Jésus le tira à quartier, il mit les doigts dans ses oreilles, il lui mit aussi de sa salive sur la langue, et levant les yeux au Ciel, il fit un soupir et dit tout haut: Ephpheta , qui veut dire, Soyez ouvertes; et dans le moment il fut guéri.
Considérez les cérémonies qu'observa Jésus en cette guérison afin que vous appreniez comment vous pourrez vous relever de vos péchés; Car il faut : 1. Que vous évitiez les mauvaise compagnies et toutes les occasions qui pourraient vous porter à l'offense de Dieu.
2. Que vous imploriez la grâce saint Esprit, qui est figuré par le doigt dans l'Écriture. 3. Que vous obteniez la sagesse qui vous obligea à ne rien dire que d'édifiant ; car comme la salive découle de la tête, ainsi la sagesse de l'entendement. 4. Que vous soyez touché d'une vive douleur de vos péchés, et que vous en espériez le pardon. 5. Que vous les découvriez par une confession ou publique ou particulière. Enfin que vous publiez les merveilles de Dieu et en pratiquant ces avis, vous cesserez d'être sourd et muet.
Et il défendit aux témoins de ce miracle d'en rien dire a personne; néanmoins ils le publiaient d`autant plus qu'il le leur défendait, et disaient: Il a bien fait tout ce qu'il a fait.
Considérez que Jésus nous enseigne ici avec quel soin nous devons conserver l'humilité; et que nous y pourrons parvenir si nous fuyons l'honneur du monde et la vaine gloire, quand nous faisons de bonnes œuvres.
Que la troupe qui le suivait nous donne aussi l'exemple de gratitude et de reconnaissance envers Dieu, pour tant de grâces qu'il nous a faites, de même que du-zèle dont il faut être animé quand il s'agit de sa gloire, et de l'honneur et de la réputation du prochain, à quoi il faut s'employer en se ravalant soi-même au-dessous de tous les autres,
Pensez enfin que Dieu a bien fait toutes choses à votre égard jusques à présent; ce qui vous oblige à le louer et à le bénir incessamment; mais n'oubliez pas d'avoir un regret sensible, si jamais dans vos adversités vous avez murmuré contre sa providence.
43 - ACCUEIL A JESUS EN LA MAISON DE MARTHE ( Luc 10,38)
Marthe reçut Jésus en sa maison, et sa sœur Marie étant assise aux pieds du Sauveur écoutait sa parole.
Considérez qu'il n'est point ici parlé de la maison de Marie Magdeleine, mais seulement de celle de Marthe, où Jésus fut reçu, quoi qu'elle appartint en commun à l'une et à l'autre de ces deux sœurs; pouf faire voir que ceux qui se consacrent à la vie contemplative dans un Monastère, doivent faire litière de tous les biens de ce monde , et en abandonner tous les soins pour s'attacher à Dieu seul.
Considérez que Jésus est reçu dans une maison où Marie se rencontre avec Marthe pour marquer que la perfection de la vie Chrétienne consiste non seulement à contempler, à méditer et à prie, mais aussi à servir le prochain en son corps et en son âme, par prédications, instructions , confession, et visites de malades ou de prisonniers. Pensez que d'autant plus que l'on est humble et que l'on se prosterne plus volontiers aux pieds de Jésus, d'autant plus est on propre à être imbu de sa doctrine toute divine et toute céleste. En effet la sacrée Vierge s'étant ainsi humilié pendant qu'elle vivait sur la terre, a mérité d'être élevée jusques au plus haut de tous les cieux.
Marthe se plaignant à Jésus, qu'elle seule s'employait au service, il lui dit: Marthe vous avez, bien du souci, et vous vous inquiétez de beaucoup de choses.
Considérez que l'empressement et le soin de Marthe, quoique saint et recommandable à double titre, parce que la vertu de charité et d'hospitalité en était le motif, et qu'il était employé au service du Saint des Saints, s'est pourtant trouvé digne d'une petite répréhension de la part du Fils de Dieu, parce qu'il y avait de l'excès et qu'elle en était inquiétée; pour vous instruire si vous êtes séculier, à ne pas tant vous embarrasser de vos affaires domestiques, que vous en perdiez le repos de l'esprit, ou que vous en négligiez les œuvres de piété: et si vous êtes Religieux, à ne pas aussi vous attacher si fort à l'étude ou à quelque autre chose, que vous ne pensiez plutôt à faire votre salut.
Considérez encore que Marthe conçut en cette rencontre quelque petite espèce d'envie spirituelle; comme si elle eut été fâchée que sa sœur eut l'honneur de jouir seule de l'entretien de Jésus, ou qu'elle l'accusât d'oisiveté; jugeant avec quelque précipitation qu'elle eut mieux fait de l'aider dans le service, que d'être importun au Sauveur. Ce qui apprend aux personnes de piété à éviter soigneusement l'un et l'autre de ces deux défauts: car les Séculiers pèchent ordinairement quand ils se persuadent que les Ecclésiastiques et les Moines ne sont que des fainéants.
Au reste une seule chose est nécessaire: Marie a choisi la meilleure part; et elle ne lui sera point ôtée.
Considérez qu'une seule chose nous est amplement nécessaire à tout tant que nous sommes; qui est la recherche du Royaume de Dieu; c'est à dire à notre salut : toutes les autres choses comme le vivre, le vêtir , la doctrine , ect, ne nous font nécessaires qu'autant qu'elles nous servent et nous aident à nous sauver. Car que sert à l'homme, dit Jésus, de se rendre maitre de tout le monde, s'il souffre la perte de son âme?
Pensez que les gens du monde qui ont soin de leur temporel, en sorte qu'ils ne négligent pas de rendre leurs devoir à Jésus, ont choisi la bonne part avec sainte Marthe: que
les Ecclésiastiques qui sont obligés par leur condition à célébrer le service divin, ont choisi la meilleure; et enfin que les Religieux qui après l'abandonnement de tous les biens de la terre , ne s'appliquent qu'à la prière et à la contemplation, et emploient tous leurs soins et tous leurs efforts à faire leur salut, et à procurer celui des autres, ont choisi la très-bonne. C'est là ce qu'on appelle choisir la très-bonne part, et ce que l'Église sous le nom de Marie Magdeleine attribue à la sacrée Vierge. En effet, elle en a si bien usé et avec tant de perfection, qu'elle ne lui fera jamais ôtée.
44 - DE l`HYDROPIQUE QUI FUT GUÉRI ET DE L'HUMILITÉ ( Luc 14,1)
Jésus étant entré un jour de Sabbat dans la maison d'un pharisien pour y prendre sa réfection ceux qui étaient présents l'observaient attentivement.
Considérez ici la bonté de Jésus, qui veut bien se trouver en la compagnie de gens sans probité, qui même l'observaient avec tant de soin, espérant d'avoir occasion de le calomnier; afin que par son entretien il puisse les retirer de leur erreur et de leurs péchés. D'où vous devez apprendre qu'il ne faut pas toujours fuir ou éviter la conversation des méchants, mais au contraire s'efforcer de les convertir par des discours de piété et par de bons exemples. Que si vous n`avez pas assez de courage pour pratiquer cet avis, il faut demander à Dieu la résolution et l'assurance de pouvoir dire quelque chose de bon et d'utile, en sorte que ces sortes de gens en puissent être touchés, et en concevoir au moins quelque bon sentiment.
Considérez que quand il est dit dans l`Évangile que Jésus entra chez le Pharisien pour manger du pain, car tel en sont les propres termes , le terme de pain, marque la sobriété et la modestie que l'on doit observer dans les festins, quand la bienséance oblige de s'y rencontrer. En effet l'Écriture dit que le pain et le vin sont le commencement de la vie de l'homme; et l'expérience même nous apprend que des personnes qui n'ont vécu que de pain , ont vécu jusques à cent ans. Que si néanmoins il ne vous est pas permis par ceux à qui vous êtes soumis , de vivre de la sorte, soyez au moins content de peu, et ne recherchez ni la diversité, ni la délicatesse des viandes.
Il y avait devant Jésus un Paralytique. Jésus le guérit, et fait voir qu'il est permis de donner la santé le jour du Sabbat, comme il est permis de retirer dans le même jour un animal qui serait tombé dans un fossé dans un puits.
Considérez la bonté de Jésus, qui ne laisse passer aucune occasion de faire du bien; comme ici à l'heure du diner il guérit un Paralytique , quoiqu'il sut que cela n'agréerait
pas aux Pharisiens; et qui apporte même des raisons pour leur prouver qu'il est capable de leur bien faire. Mais bien plus, car il veut même guérir secrètement leur hypocrisie, c'est à dire leur ambition et leur superbe; et rapporte pour ce sujet l'exemple d'une véritable humilité. Considérez que les Pharisiens ne peuvent rien répondre au discours de Jésus; ce qu'étant, qu'auront-ils à dire au jour du Jugement, quand tout sera si soigneusement examiné?
Quand vous serez, convié à des noces, prenez la dernière place : car quiconque s'élève sera humilié.
Considérez qu'il est du devoir de l'homme Chrétien, de non seulement observer les lois de la civilité, mais aussi de les enseigner aux autres, et même à l'heure du repas. Que si la maxime qui dit que celui qui est humble sera élevé, n'est pas toujours vraie dans le monde , où l'on voit des personnes qui font véritablement humbles, demeurer pour l'ordinaire dans l'abaissement et dans le mépris, elle est pourtant infaillible devant Dieu, qui, comme dit Saint Pierre, résiste aux superbes et donne sa grâce à ceux qui sont humbles.
Considérez que personne ne s'approche en plus digne et en meilleure disposition de la table sacrée de la Sainte Eucharistie, que celui qui est véritablement humble, et qui dit du fond de son cœur avec le Publicain; Seigneur ayez, pitié de moi qui suis un pécheur.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
45 - DE LA FEMME SURPRISE EN ADULTÈRE ( Jean 8,3)
Jésus fut enquis par les Pharisiens, si une femme surpris en adultère devait être lapidée, conformément au désir de la Loi, ect.
Considérez que la bonté de Jésus pour les pécheurs, a été si grande, que les Pharisiens, en ont pris occasion de le calomnier. Et cela vous, apprend à mettre en lui toute votre confiance, et à vous assurer du pardon de vos péchés quelque énormes qu'ils soient, et de quelque peine que la loi ordonne qu'ils soient punis, pourvu que vous rentriez en vous-même pour en avoir horreur et vous amender. Car si au contraire vous l'abandonnez pour vous tourner du parti des gens du monde, il vous accusera lui-même devant Dieu et devant les hommes.
Considérez pourquoi Jésus différa de répondre aux Pharisiens qui l'interrogeaient. Sans doute que ce fut pour apprendre aux Princes et aux Juges de la terre, que quand on leur défère quelqu'un comme coupable, ils en doivent mûrement considérer et la cause et les circonstances de peur de prononcer une sentence qui soit contre la justice. Cela doit encore nous apprendre, que quand nous entendons dire que quelqu'un est tombé dans une faute, nous ne devons pas aussitôt le condamner, mais plutôt l'excuser, faisant réflexion que nous sommes également fragiles.
Considérez que nous ne devons pas avoir aversion des façons de faire qui paraissent ravalées et contraires à la civilité, quand elles peuvent être avantageuses à notre prochain.
Les Pharisiens continuant d'interroger Jésus; il se releva et leur et : Celui d'entre vous qui est sans péché lui jette la première pierre.
Considérez que par cette réponse de Jésus nous donne avis de ne nous pas s`emporter à médire ou à mal juger de notre prochain mais plutôt d'avoir égard à nos propres défauts et à nos faiblesse. Si car quelque saint que soit un homme , s'il examine soigneusement sa conscience, et qu'il écrive avec le doigt d'une exacte discussion sur la terre de son cœur , il y trouvera toujours quelque chose de répréhensible, et ne lancera pas si facilement la pierre contre les autres.
Considérez que de même que la femme adultère fut condamnée tout d'une voix devant qu'elle fut présentée à Jésus; et qu'en sa présence tous ses Juges se retirèrent l'un après l'autre; ainsi quand nous croupissons dans le péché, nous sommes condamnés par le démon ( l`ange déchu) et par notre propre conscience, mais quand nous nous sommes humiliés par une entière confession, et que nous nous sommes soumis à Jésus, nous jouirions du bénéfice de l'absolution.
Considérez que Jésus se baissa pour une seconde fois vers la terre, pour épargner leur confusion qui eut duré plus longtemps, s'il eut continué à les regarder en face, et pour leur donner lieu de se retirer plus librement. Ce qui vous apprend à cesser votre correction quand vous vous apercevrez qu'elle aura fait concevoir de la honte à celui à qui vous la faites.
Alors Jésus se relevant lui dit : Femme personne ne vous a- t`il condamnée? Personne Seigneur; répondit-elle. Et moi, dit-il, je ne vous condamnerai pas aussi, ect
Considérez combien Jésus a même respecté la puissance ordinaire des Magistrats; puisqu`il n'a point voulu renvoyer cette femme avec son entière et parfaite absolution; qu'après qu'il a su que personne ne l'avait condamnée; pour vous apprendre à ne jamais détourner personne de l'affection et de l'obéissance qu'il doit à ses Supérieurs.
Considérez la grande bonté de Jésus, qui ne la traite point d'un nom injurieux qui eut quelque rapport à son crime, mais qui simplement l'appelle femme, pour marquer la faiblesse de son sexe, quoique lui seul fût offensé par son péché, de même comme le roi David qui le témoigne en ces termes du Psaume 50 : Jai péché contre vous seul. En effet un grand pécheur qui fait pénitence, est plus agréable à Dieu, qu'un orgueilleux qui se croit homme de bien.
Considérez que Jésus ne prononça l'absolution de cette criminelle qu'après qu'elle eut parlé; car il veut que de notre part nous coopérions à notre salut en confessant nos péchés et en publiant les louanges de Dieu.
46 - L'AVEUGLE NÉ ( Jean 9,1)
Jésus ayant vu un homme qui était né aveugle, et ayant répondu à ses Disciples qui lui demandèrent si les péchés, de cet homme, ou ceux de son père et mère étaient la cause de cet aveuglement, ect.
Considérez que Jésus ne jeta pas inutilement et sans dessein les yeux sur cet aveugle, mais pour soulager sa misère, et pour nous apprendre qu'il ne suffit pas d'avoir connaissance de l'affliction et de la nécessité de notre prochain, si nous ne faisons nos efforts pour l'en délivrer.
Considérez les moyens dont il se servit pour le guérir : 1. Il le regarda: 2. Il lui frotta les yeux de boue. 3. Enfin il lui commanda de se laver dans une fontaine. Inférez de là
que le pécheur a besoin de trois choses pour se réconcilier avec Dieu. 1. De la grâce pour se relever : 2. De reconnaitre la laideur de son péché, et de le confesser : 3. De le laver ou dans le Baptême s'il est encore infidèle; ou dans les larmes de la contrition, si étant déjà fidèle, il a perdu la grâce par le péché mortel.
L'aveugle après avoir recouvré la vue, répondant franchement aux Pharisiens qui l' interrogeaient comment cela lui était arrivé, que Jésus lui avait fait cette grâce, fût chassé de la Synagogue.
Considérez que l'aveugle ne dit pas une seule parole pour sa défense, pendant le long contentieux entretien qu'il eut avec les Pharisiens , mais que méprisant l'affront qu'il en devait encourir, il s'attacha à soutenir l'honneur de la cause de Jésus, avec un zèle tout à fait extraordinaire : pour nous apprendre à ne pas faire état des injures qui nous regardent, et à ne jamais souffrir ou dissimuler celles qui regardent Dieu.
Considérez qu'il fut mis hors de la Synagogue, parce qu'il se mit en devoir de défendre l`honneur et la gloire de Jésus et apprenez de là qu'aussitôt que vous commencerez de servir Dieu, le monde s'y opposera et vous chassera de sa conversation mais que Jésus ne vous abandonnera jamais.
Jésus dit à l`aveugle qui avait été mis hors de la Synagogue: Croyez-vous au Fils de Dieu? Qui est-il, Seigneur? répondit l'aveugle. C'est moi-même, dit Jésus. Je crois Seigneur, repartit cet homme, et se prosternant en terre il l'adora.
Considérez que Jésus déclara ouvertement à cet aveugle qu'il était le Fils de Dieu, comme il avait déjà fait à la Samaritaine pour apprendre aux gens de bien qui supportent volontiers des afflictions et des adversités pour son amour, qu'il les en chérit davantage, et qu'il leur fera des grâces beaucoup plus considérables, qu'à ceux qui font exempts de malheurs et d'infortunes.
Considérez que Jésus rechercha lui-même cet aveugle, et que l'ayant trouvé il lui demanda s'il croyait au Fils de Dieu. Apprenez de là que Dieu ne laisse point sans récompense la moindre de nos bonnes actions; mais qu'au contraire il nous offre continuellement sa grâce, qui nous donne et nous inspire les moyens de parvenir à la perfection de la vie Chrétienne.
Mais parce que Jésus veut absolument que nous coopérions avec cette grâce, c'est pour cela qu'il demande à l'aveugle s'il croit en lui, et parce que sa foi était véritable et parfaite , il en donna un ample et authentique témoignage, en se prosternant à ses pieds et l'adorant.
47 – DU BON PASTEUR ( Jean 10,11)
Jésus dit aux troupes. Je suis un bon Pasteur; Le bon Pasteur donne sa vie pour ses ouailles.
Considérez que tous ceux qui ont pouvoir de commander à d'autres, en sont les Pasteurs; comme les Rois le sont de leurs sujets, les Pères de famille de leurs enfants et de leurs domestiques, les Précepteurs de leurs disciples ; les Confesseurs de leurs pénitents; les Prédicateurs de leur auditoire, et enfin chaque homme des facultés de son âme et des membres de son corps.
Que vous êtes un bon Pasteur à l'égard de vous-même, et à l'égard des autres, quand vous domptez vos passions; et quand vous gouvernez et repaissez ceux qui vous sont soumis, de parole, d'exemple et de nourriture Spirituelle et corporelle. Mais que d'autre part vous êtes une bonne brebis, quand vous avez de la simplicité, de l'humilité, de l'innocence , de la soumission, le soin de faire service à toutes personnes en toutes rencontres, et de la patience dans l'adversité.
Que vous donnez votre vie pour vos ouailles, qui font votre entendement, votre volonté et vos sens, quand vous les défendez de la violence des loups , qui sont le monde et l`ange déchu (le démon), quand vous les empêchés de consentir au péché, et quand vous êtes disposé à plutôt mourir, qu'à permettre que votre vue par exemple ou votre toucher, s'emportent à un regard ou à une action criminelle.
Mais le mercenaire et celui qui n'est point Pasteur abandonne les brebis et s 'enfuit quand il voit venir le loup.
Considérez que l'on peut vous attribuer à bon droit la qualité de mercenaire, lorsque dans vos actions les plus louables, comme dans les prédications que vous entendez , dans les lectures de piété que vous faites, dans les visites des Églises que vous fréquentez , vous n'avez point d'autre but qu'une récompense temporelle, et la gloire du monde, pour y acquérir de l'autorité, sans penser à celle de Dieu.
Persuadez-vous qu'en ce cas vous êtes indigne du nom de Pasteur et de Maitre; parce que vos brebis, que l'on peut dire être vos passions, ont plus d`empire sur vous, que vous n'en avez sur elles, puisque, comme dit saint Jean chap. 8 : Quiconque pèche est l 'esclave du péché, et par conséquent de sa chair, qui maitrise l'esprit par le péché.
Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent; mais j`ai encore d'autres ouailles qui ne sont pas de ce bercail, et il faut que je les y amène.
Considérez que c'est le propre des bons Pasteurs de connaitre leurs brebis, de les aimer; et d'être connus et aimez d'elles; Que par conséquent vous serez un bon pasteur si vous avez une parfaite connaissance de vous-même, de la faiblesse de vos forces, de vos défauts, et de vos chutes ordinaires; et si vous vous mettez en peine d'en faire la recherche par un exact et fidèle examen. Que d'ailleurs vous serez connu et aimé de vos brebis, c'est à dire des puissances de votre âme et de votre corps, quand elles seront soumises à la volonté divine et à la raison.
Pensez que si vous avez le dessein d'être un bon Pasteur, il ne suffît pas que vous conduiriez par les règles de la raison, et par les lois de l'Évangile, les puissances tant de votre esprit, que de votre corps, ni même que vous ayez soin des ouailles qui sont déjà dans le bercail de l'Église; mais qu'il faut encore que vous vous employez par votre doctrine et par l'exemple d`une sainte vie, à y amener les hérétiques et les autres infidèles.
48 - LA TRANSFIGURATION DE JÉSUS ( Matthieu 17,1)
Jésus prit avec lui Pierre, Jacques, et Jean; et il les mena sur une haute montagne pour y faire Oraison.
Considérez que la beauté de la vie éternelle n'est comprise, ni la consolation du saint Esprit goutée, que par ceux qui, de même que les trois Apôtres, sont embrasez d'amour pour Jésus et pour sa doctrine; qui montent ensuite sur la montagne de la mortification et des autres vertus accompagnées de quelque difficulté, et qui chérissent la solitude, c'est à dire qui ne trouvent leur satisfaction qu'à plaire à Dieu et non pas au monde.
Considérez l'artifice merveilleux, pour ainsi dire, dont Dieu se sert pour nous attirer au désir de la vie éternelle, et pour nous faire résoudre au mépris des biens et des plaisirs de la terre; car il fait éclater la splendeur de son corps plein de gloire; tant afin que vous vous figuriez quelle sera celle d'une âme bienheureuse.
Il fut transfiguré en leur présence. Sa face parut comme un Soleil, et ses habits plus blancs que la neige. Moise et Élie aussi s'y trouvèrent, et ils s'entretenaient des douleurs et de la Passion que Jésus devait souffrir à Jérusalem.
Considérez que Jésus fut transfiguré pendant la prière, de même qu'autrefois la face de Moise brilla d'un merveilleux éclat après sa conversation avec Dieu; pour nous apprendre que l'âme ne peut être éclairée d'une lumière plus brillante que celle de la grâce et des autres dons spirituels, précédés d'une Oraison fervente et de l'entretien avec Dieu.
Considérez de quelles joies tressaillirent Moise et Élie, quand ils virent la sainte Humanité de Jésus présente à leurs yeux, en l'attente de laquelle ils avaient si longtemps soupirés. Quand ils la virent si éclatante et d'une si haute majesté quand même ils eurent l'honneur de s'entretenir avec lui de son excès, c'est à dire de sa Passion et de sa résurrection, qui étaient les gagés assurées de leur entière et parfaite délivrance.
Considérez Jésus, qui au milieu de tant de gloire entremêle le récit d'une chose si funeste, tant afin de témoigner combien il désirait de souffrir, que pour nous apprendre à nous souvenir des jours malheureux quand il nous arrivera quelque bonheur, comme dit le Sage Ecclésiastique 7,14 à nous disposer à l'adversité quand nous serons dans la prospérité.
Pierre alors s'adressant à Jésus. Il est bon, lui dit-il, que nous arrêtons ici; faisons trois demeures, ect.
Considérez qu'aussitôt que Pierre eut gouté cette goutte de délices de la gloire éternelle, aussitôt il eut du mépris et de l'aversion pour les plaisirs du monde; car la consolation céleste retire l'homme hors de lui-même, et lui fait oublier toutes les satisfactions de la terre.
D'où vous devez apprendre à penser souvent au bonheur avenir de l'âme et du corps; et par ce moyen vous mépriserez sans répugnance les attraits du monde, et les commodités de la chair, et vous direz si vous êtes Religieux, ou enrôlé en quelque sainte Confrérie : II est bon que nous arrêtions ici; c'est à dire dans une compagnie, où il y a lieu de s'adonner à la contemplation des choses divines; de pratiquer beaucoup de bonnes œuvres; et de sauver son âme.
Considérez que les trois personnes de la très-sainte Trinité parurent en cet admirable mystère; celle du Père par la voix; celle du Fils par la chair, et celle du saint Esprit par la nuée remplie de lumière : car c'est lui qui nous donne du rafraichissement par la rosée des consolations divines, et qui nous rend fertiles en vertu par la pluie de ses grâces et de ses dons célestes.
Considérez que Jésus commanda à ses Apôtres de taire cette vision jusques à la mort, pour vous apprendre à plutôt cacher ce qui contribue à votre gloire, et à votre honneur,
que de le publier à tous venants.
Jésus fut enquis par les Pharisiens, si une femme surpris en adultère devait être lapidée, conformément au désir de la Loi, ect.
Considérez que la bonté de Jésus pour les pécheurs, a été si grande, que les Pharisiens, en ont pris occasion de le calomnier. Et cela vous, apprend à mettre en lui toute votre confiance, et à vous assurer du pardon de vos péchés quelque énormes qu'ils soient, et de quelque peine que la loi ordonne qu'ils soient punis, pourvu que vous rentriez en vous-même pour en avoir horreur et vous amender. Car si au contraire vous l'abandonnez pour vous tourner du parti des gens du monde, il vous accusera lui-même devant Dieu et devant les hommes.
Considérez pourquoi Jésus différa de répondre aux Pharisiens qui l'interrogeaient. Sans doute que ce fut pour apprendre aux Princes et aux Juges de la terre, que quand on leur défère quelqu'un comme coupable, ils en doivent mûrement considérer et la cause et les circonstances de peur de prononcer une sentence qui soit contre la justice. Cela doit encore nous apprendre, que quand nous entendons dire que quelqu'un est tombé dans une faute, nous ne devons pas aussitôt le condamner, mais plutôt l'excuser, faisant réflexion que nous sommes également fragiles.
Considérez que nous ne devons pas avoir aversion des façons de faire qui paraissent ravalées et contraires à la civilité, quand elles peuvent être avantageuses à notre prochain.
Les Pharisiens continuant d'interroger Jésus; il se releva et leur et : Celui d'entre vous qui est sans péché lui jette la première pierre.
Considérez que par cette réponse de Jésus nous donne avis de ne nous pas s`emporter à médire ou à mal juger de notre prochain mais plutôt d'avoir égard à nos propres défauts et à nos faiblesse. Si car quelque saint que soit un homme , s'il examine soigneusement sa conscience, et qu'il écrive avec le doigt d'une exacte discussion sur la terre de son cœur , il y trouvera toujours quelque chose de répréhensible, et ne lancera pas si facilement la pierre contre les autres.
Considérez que de même que la femme adultère fut condamnée tout d'une voix devant qu'elle fut présentée à Jésus; et qu'en sa présence tous ses Juges se retirèrent l'un après l'autre; ainsi quand nous croupissons dans le péché, nous sommes condamnés par le démon ( l`ange déchu) et par notre propre conscience, mais quand nous nous sommes humiliés par une entière confession, et que nous nous sommes soumis à Jésus, nous jouirions du bénéfice de l'absolution.
Considérez que Jésus se baissa pour une seconde fois vers la terre, pour épargner leur confusion qui eut duré plus longtemps, s'il eut continué à les regarder en face, et pour leur donner lieu de se retirer plus librement. Ce qui vous apprend à cesser votre correction quand vous vous apercevrez qu'elle aura fait concevoir de la honte à celui à qui vous la faites.
Alors Jésus se relevant lui dit : Femme personne ne vous a- t`il condamnée? Personne Seigneur; répondit-elle. Et moi, dit-il, je ne vous condamnerai pas aussi, ect
Considérez combien Jésus a même respecté la puissance ordinaire des Magistrats; puisqu`il n'a point voulu renvoyer cette femme avec son entière et parfaite absolution; qu'après qu'il a su que personne ne l'avait condamnée; pour vous apprendre à ne jamais détourner personne de l'affection et de l'obéissance qu'il doit à ses Supérieurs.
Considérez la grande bonté de Jésus, qui ne la traite point d'un nom injurieux qui eut quelque rapport à son crime, mais qui simplement l'appelle femme, pour marquer la faiblesse de son sexe, quoique lui seul fût offensé par son péché, de même comme le roi David qui le témoigne en ces termes du Psaume 50 : Jai péché contre vous seul. En effet un grand pécheur qui fait pénitence, est plus agréable à Dieu, qu'un orgueilleux qui se croit homme de bien.
Considérez que Jésus ne prononça l'absolution de cette criminelle qu'après qu'elle eut parlé; car il veut que de notre part nous coopérions à notre salut en confessant nos péchés et en publiant les louanges de Dieu.
46 - L'AVEUGLE NÉ ( Jean 9,1)
Jésus ayant vu un homme qui était né aveugle, et ayant répondu à ses Disciples qui lui demandèrent si les péchés, de cet homme, ou ceux de son père et mère étaient la cause de cet aveuglement, ect.
Considérez que Jésus ne jeta pas inutilement et sans dessein les yeux sur cet aveugle, mais pour soulager sa misère, et pour nous apprendre qu'il ne suffit pas d'avoir connaissance de l'affliction et de la nécessité de notre prochain, si nous ne faisons nos efforts pour l'en délivrer.
Considérez les moyens dont il se servit pour le guérir : 1. Il le regarda: 2. Il lui frotta les yeux de boue. 3. Enfin il lui commanda de se laver dans une fontaine. Inférez de là
que le pécheur a besoin de trois choses pour se réconcilier avec Dieu. 1. De la grâce pour se relever : 2. De reconnaitre la laideur de son péché, et de le confesser : 3. De le laver ou dans le Baptême s'il est encore infidèle; ou dans les larmes de la contrition, si étant déjà fidèle, il a perdu la grâce par le péché mortel.
L'aveugle après avoir recouvré la vue, répondant franchement aux Pharisiens qui l' interrogeaient comment cela lui était arrivé, que Jésus lui avait fait cette grâce, fût chassé de la Synagogue.
Considérez que l'aveugle ne dit pas une seule parole pour sa défense, pendant le long contentieux entretien qu'il eut avec les Pharisiens , mais que méprisant l'affront qu'il en devait encourir, il s'attacha à soutenir l'honneur de la cause de Jésus, avec un zèle tout à fait extraordinaire : pour nous apprendre à ne pas faire état des injures qui nous regardent, et à ne jamais souffrir ou dissimuler celles qui regardent Dieu.
Considérez qu'il fut mis hors de la Synagogue, parce qu'il se mit en devoir de défendre l`honneur et la gloire de Jésus et apprenez de là qu'aussitôt que vous commencerez de servir Dieu, le monde s'y opposera et vous chassera de sa conversation mais que Jésus ne vous abandonnera jamais.
Jésus dit à l`aveugle qui avait été mis hors de la Synagogue: Croyez-vous au Fils de Dieu? Qui est-il, Seigneur? répondit l'aveugle. C'est moi-même, dit Jésus. Je crois Seigneur, repartit cet homme, et se prosternant en terre il l'adora.
Considérez que Jésus déclara ouvertement à cet aveugle qu'il était le Fils de Dieu, comme il avait déjà fait à la Samaritaine pour apprendre aux gens de bien qui supportent volontiers des afflictions et des adversités pour son amour, qu'il les en chérit davantage, et qu'il leur fera des grâces beaucoup plus considérables, qu'à ceux qui font exempts de malheurs et d'infortunes.
Considérez que Jésus rechercha lui-même cet aveugle, et que l'ayant trouvé il lui demanda s'il croyait au Fils de Dieu. Apprenez de là que Dieu ne laisse point sans récompense la moindre de nos bonnes actions; mais qu'au contraire il nous offre continuellement sa grâce, qui nous donne et nous inspire les moyens de parvenir à la perfection de la vie Chrétienne.
Mais parce que Jésus veut absolument que nous coopérions avec cette grâce, c'est pour cela qu'il demande à l'aveugle s'il croit en lui, et parce que sa foi était véritable et parfaite , il en donna un ample et authentique témoignage, en se prosternant à ses pieds et l'adorant.
47 – DU BON PASTEUR ( Jean 10,11)
Jésus dit aux troupes. Je suis un bon Pasteur; Le bon Pasteur donne sa vie pour ses ouailles.
Considérez que tous ceux qui ont pouvoir de commander à d'autres, en sont les Pasteurs; comme les Rois le sont de leurs sujets, les Pères de famille de leurs enfants et de leurs domestiques, les Précepteurs de leurs disciples ; les Confesseurs de leurs pénitents; les Prédicateurs de leur auditoire, et enfin chaque homme des facultés de son âme et des membres de son corps.
Que vous êtes un bon Pasteur à l'égard de vous-même, et à l'égard des autres, quand vous domptez vos passions; et quand vous gouvernez et repaissez ceux qui vous sont soumis, de parole, d'exemple et de nourriture Spirituelle et corporelle. Mais que d'autre part vous êtes une bonne brebis, quand vous avez de la simplicité, de l'humilité, de l'innocence , de la soumission, le soin de faire service à toutes personnes en toutes rencontres, et de la patience dans l'adversité.
Que vous donnez votre vie pour vos ouailles, qui font votre entendement, votre volonté et vos sens, quand vous les défendez de la violence des loups , qui sont le monde et l`ange déchu (le démon), quand vous les empêchés de consentir au péché, et quand vous êtes disposé à plutôt mourir, qu'à permettre que votre vue par exemple ou votre toucher, s'emportent à un regard ou à une action criminelle.
Mais le mercenaire et celui qui n'est point Pasteur abandonne les brebis et s 'enfuit quand il voit venir le loup.
Considérez que l'on peut vous attribuer à bon droit la qualité de mercenaire, lorsque dans vos actions les plus louables, comme dans les prédications que vous entendez , dans les lectures de piété que vous faites, dans les visites des Églises que vous fréquentez , vous n'avez point d'autre but qu'une récompense temporelle, et la gloire du monde, pour y acquérir de l'autorité, sans penser à celle de Dieu.
Persuadez-vous qu'en ce cas vous êtes indigne du nom de Pasteur et de Maitre; parce que vos brebis, que l'on peut dire être vos passions, ont plus d`empire sur vous, que vous n'en avez sur elles, puisque, comme dit saint Jean chap. 8 : Quiconque pèche est l 'esclave du péché, et par conséquent de sa chair, qui maitrise l'esprit par le péché.
Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent; mais j`ai encore d'autres ouailles qui ne sont pas de ce bercail, et il faut que je les y amène.
Considérez que c'est le propre des bons Pasteurs de connaitre leurs brebis, de les aimer; et d'être connus et aimez d'elles; Que par conséquent vous serez un bon pasteur si vous avez une parfaite connaissance de vous-même, de la faiblesse de vos forces, de vos défauts, et de vos chutes ordinaires; et si vous vous mettez en peine d'en faire la recherche par un exact et fidèle examen. Que d'ailleurs vous serez connu et aimé de vos brebis, c'est à dire des puissances de votre âme et de votre corps, quand elles seront soumises à la volonté divine et à la raison.
Pensez que si vous avez le dessein d'être un bon Pasteur, il ne suffît pas que vous conduiriez par les règles de la raison, et par les lois de l'Évangile, les puissances tant de votre esprit, que de votre corps, ni même que vous ayez soin des ouailles qui sont déjà dans le bercail de l'Église; mais qu'il faut encore que vous vous employez par votre doctrine et par l'exemple d`une sainte vie, à y amener les hérétiques et les autres infidèles.
48 - LA TRANSFIGURATION DE JÉSUS ( Matthieu 17,1)
Jésus prit avec lui Pierre, Jacques, et Jean; et il les mena sur une haute montagne pour y faire Oraison.
Considérez que la beauté de la vie éternelle n'est comprise, ni la consolation du saint Esprit goutée, que par ceux qui, de même que les trois Apôtres, sont embrasez d'amour pour Jésus et pour sa doctrine; qui montent ensuite sur la montagne de la mortification et des autres vertus accompagnées de quelque difficulté, et qui chérissent la solitude, c'est à dire qui ne trouvent leur satisfaction qu'à plaire à Dieu et non pas au monde.
Considérez l'artifice merveilleux, pour ainsi dire, dont Dieu se sert pour nous attirer au désir de la vie éternelle, et pour nous faire résoudre au mépris des biens et des plaisirs de la terre; car il fait éclater la splendeur de son corps plein de gloire; tant afin que vous vous figuriez quelle sera celle d'une âme bienheureuse.
Il fut transfiguré en leur présence. Sa face parut comme un Soleil, et ses habits plus blancs que la neige. Moise et Élie aussi s'y trouvèrent, et ils s'entretenaient des douleurs et de la Passion que Jésus devait souffrir à Jérusalem.
Considérez que Jésus fut transfiguré pendant la prière, de même qu'autrefois la face de Moise brilla d'un merveilleux éclat après sa conversation avec Dieu; pour nous apprendre que l'âme ne peut être éclairée d'une lumière plus brillante que celle de la grâce et des autres dons spirituels, précédés d'une Oraison fervente et de l'entretien avec Dieu.
Considérez de quelles joies tressaillirent Moise et Élie, quand ils virent la sainte Humanité de Jésus présente à leurs yeux, en l'attente de laquelle ils avaient si longtemps soupirés. Quand ils la virent si éclatante et d'une si haute majesté quand même ils eurent l'honneur de s'entretenir avec lui de son excès, c'est à dire de sa Passion et de sa résurrection, qui étaient les gagés assurées de leur entière et parfaite délivrance.
Considérez Jésus, qui au milieu de tant de gloire entremêle le récit d'une chose si funeste, tant afin de témoigner combien il désirait de souffrir, que pour nous apprendre à nous souvenir des jours malheureux quand il nous arrivera quelque bonheur, comme dit le Sage Ecclésiastique 7,14 à nous disposer à l'adversité quand nous serons dans la prospérité.
Pierre alors s'adressant à Jésus. Il est bon, lui dit-il, que nous arrêtons ici; faisons trois demeures, ect.
Considérez qu'aussitôt que Pierre eut gouté cette goutte de délices de la gloire éternelle, aussitôt il eut du mépris et de l'aversion pour les plaisirs du monde; car la consolation céleste retire l'homme hors de lui-même, et lui fait oublier toutes les satisfactions de la terre.
D'où vous devez apprendre à penser souvent au bonheur avenir de l'âme et du corps; et par ce moyen vous mépriserez sans répugnance les attraits du monde, et les commodités de la chair, et vous direz si vous êtes Religieux, ou enrôlé en quelque sainte Confrérie : II est bon que nous arrêtions ici; c'est à dire dans une compagnie, où il y a lieu de s'adonner à la contemplation des choses divines; de pratiquer beaucoup de bonnes œuvres; et de sauver son âme.
Considérez que les trois personnes de la très-sainte Trinité parurent en cet admirable mystère; celle du Père par la voix; celle du Fils par la chair, et celle du saint Esprit par la nuée remplie de lumière : car c'est lui qui nous donne du rafraichissement par la rosée des consolations divines, et qui nous rend fertiles en vertu par la pluie de ses grâces et de ses dons célestes.
Considérez que Jésus commanda à ses Apôtres de taire cette vision jusques à la mort, pour vous apprendre à plutôt cacher ce qui contribue à votre gloire, et à votre honneur,
que de le publier à tous venants.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
49 - DU LUNATIQUE ( Matthieu 17,14)
Jésus descendant du mont Thabor, un homme se prosterna devant lui à genoux, et lui présenta son fils qui était Lunatique, ect
Considérez que nous sommes Lunatiques, lorsque nous sommes agités par des emportements et des passions déréglées, et que nous ne nous mettons pas en devoir de les dompter; ce qui fait que nous déplaisons à Dieu et aux hommes, et que nous en devenons si perdus et si égarés, que nous n'écoutons pas les avis des Disciples de Jésus; c'est-à-dire des maitres et des Pères spirituels.
Jésus l'ayant vu et cet esprit malin l'ayant alors jeté par terre, il écumait: Sur quoi son Père dit au Sauveur : Si vous y pouvez, quelque chose, secourez-nous, ect.
Considérez que l'homme qui mène une vie relâchée et agréable aux anges déchus ( démons), n'est point attaqué de tentations, mais bien quand il tâche de se retirer de son esclavage, conformément à ce que dit le Sage Ecclésiastique 2,1 : Mon fils, lorsque vous entrez au service de Dieu, conservez, la justice et la crainte, et disposez vôtre âme à souffrir la tentation.
Remarquez que le démon jeta par terre ce jeune homme, et qu'ensuite il lui fit diverses
sortes d'outrages. Car c'est le principal emploi de cet esprit infernal de terrasser les âmes, quand ce ne serait que par un seul péché mortel, parce qu'après il les précipite plus facilement dans toutes fortes d'abominations et de crimes.
Remarquez que Jésus commanda au démon, non seulement de sortir du corps de ce jeune homme, mais aussi de n'y plus rentrer; pour faire voir que le pécheur est parfaitement converti, quand après avoir abandonné ses péchés, il n'y retombe plus. Ce qui fait que ceux qui retournent à leur vomissement ( péchés), ne sont pas censés en avoir eu une parfaite contrition.
Étant guéri, Jésus le prit par la main et il se leva. Ses Disciples ensuite l`interrogèrent pourquoi ils n`avaient pu chasser ce démon.
Considérez que ce malade étant guéri, Jésus l'aida à se lever; pour faire entendre a ce pécheur qu'il peut de son chef tomber et pécher, mais qu'il ne peut se relever et se convertir sans la grâce de Dieu; et qu'après qu'il s'est déchargé de ses péchés, il doit pratiquer de bonnes œuvres.
Remarquez que Jésus reprit ses Disciples en particulier et qu'il n'était nullement à propos que le peuple connut leurs défauts. Ce qui fait voir qu'il y a des personnes que l'on ne doit pas reprendre publiquement, mais bien à propos, et en temps et en lieu.
Faites réflexion que ce malin esprit n'ayant pu être chassé que par la prière et le jeûne, il y a des vices qui étant enracinés par la coutume, ne peuvent être arrachés que par pénitences, par la Confession et par la Communion.
50 - DE L'ENFANT PRODIGUE ( Luc 15,1)
Un prodigue ayant tiré comme par violence, la portion de son bien qu'il pouvait prétendre, s'en alla dans un pays éloigné, ou il le dissipa en débauches et en folies.
Considérez que le pécheur, est fort bien figuré par ce prodigue; Il demande en effet la portion de son bien, quand il recherche sa liberté, et qu'il veut être indépendant. Mais remarquez que l'on se sert ici du terme de portion, pour faire voir que toute la liberté et tout le plaisir de ce monde est peu de chose, si l'on en fait comparaison avec le fonds de la grâce et de la gloire éternelle.
Qu'il s'en va en un pays éloigné parce qu'un homme qui vit comme il lui plait, tombe bientôt dans le péché mortel; et par ce moyen il se sépare de Dieu. Qu'il abandonne aussi par ce moyen la maison de son père, c'est à dire sa vocation, et en vient jusqu'à un tel endurcissement de cœur, que bien loin de penser à sa conversion, il ne peut même souffrir les bons avis que l'on lui donne.
Qu'il dissipe sa portion, c'est à dire qu'il est dépouillé de la grâce de Dieu, des vertus, et des biens spirituels, et même des temporels afin qu'il soit châtié et réduit à la dernière nécessité, en forte qu'il se voit contraint de commettre des crimes honteux, qui causent la corruption de son corps et de son âme.
Or il survint en ce pays une famine qui l`obligea à se faire porcher, en sorte qu'il désirait même de satisfaire sa faim de ce que mangeaient les pourceaux; mais personne ne lui en présentait, ect.
Considérez que le pécheur endure une faim insupportable quand il est comme arraché de Dieu qui est son père, et qui seul peut satisfaire son âme, et seul rendre le repos et la quiétude à la conscience. Qu'il mène paitre les pourceaux, dont le propre est de se vautrer dans la fange, et de ne tourner jamais les yeux vers le Ciel, quand il s'abandonne à la concupiscence, quand il obéit à ses passions; quand il refuse de se soumettre et d'obéir à quoi que ce soit; quand il n'a point d'autre dessein que de satisfaire son ambition et son plaisir, sans seulement penser aux grâces que Dieu lui a faites, et sans qu'il se souvienne de la prière, de la confession et des autres actions de piété. Mais enfin il est lui-même abandonné de Dieu qu'il a oublié, des vertus qu'il n'a pas pratiquées; et des bonnes œuvres dont il s'est raillé, jusque-là qu'il ne peut ni jouir, ni se satisfaire des plaisirs qu'il recherche avec tant d'empressement.
Considérez que comme le pécheur qui s'habitue dans ses crimes, est semblable à un pourceau et à une bête, ainsi quand il fait réflexion sur l'état où il se trouve, qu'il pense à son amendement, et qu'il revient à la foi, il recouvre la qualité d'homme; en sorte qu'ouvrant les yeux aux lumières de la grâce divine, et reconnaissant sa misère et sa bassesse, il se repent de son insolence, et se confiant en la bonté paternelle de Dieu , il se lève , il marche dans la voie de la pénitence, et enfin se jetant aux pieds d'un Prêtre, il fait une entière et naïve confession de ses péchés.
Son père le voyant venir de loin, courut à sa rencontre, le baisa, et commanda qu'aussitôt on le revêtit d'une belle tunique, et qu'on lui donna un anneau et des souliers. Il fit même dresser un festin en sa faveur, pour se réjouir de son retour.
Considérez quelle est la bonté de Dieu en tant qu'il est notre père, qui se tourne vers le pécheur sitôt qu'il pense à sa conversion; et quoi qu'il soit encore bien éloigné, c’est-à-dire quoi qu'il n'ait pas encore une parfaite contrition de ses péchés, il va à sa rencontre par un nouveau secours, lui donne des marques de son amour, le baise, se l'unit, lui rend sa première tunique de justice, l'épouse avec l'anneau de la charité, le pare de vertus représentées par les souliers, le régale du festin d'une merveilleuse consolation, y appelle et y assemble tous les Anges et tous les Saints, et les invite à se réjouir de la conversion d'un pécheur pénitent.
Considérez que souvent ceux qui ont commis de plus grands péchés, quand ils se sont enfin reconnus, ont plus d'amour pour Dieu, que ceux qui n'ont pas péché si lourdement; et cela vous fait voir qu'il ne faut jamais désespérer du pardon de quelque péché que ce soit.
51 - QU'IL FAUT IMITER LES ENFANTS ( Matthieu 18,3)
Celui qui s'humiliera comme cet enfant sera le plus grand dans le Royaume des Cieux.
Considérez quelle est la bonté de Dieu, qui nous prescrit un moyen si facile pour parvenir à être grands dans le Ciel; car comme dit saint Bernard : Il n'y a rien de plus facile que de s'humilier soi-même, si on le veut. En effet, quand nous voulons nous élever, il s'y rencontre mille contradictions, mais quand nous pratiquons l'humilité, personne ne s'y oppose.
Remarquez que c'est le propre des petits enfants de n'avoir ni ruse ni malice, d'être purs et nets de corps et d`esprit, et de n'avoir aucun sentiment de vengeance; de croire tout ce qu'on leur dit, et de se soumettre avec respect à ceux qui leur commandent. Vous devez avoir toutes ces qualités si vous voulez leur devenir semblable.
Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits; car leurs Anges voient toujours dans le Ciel la face de mon Père.
Considérez que c'est un crime énorme que de mépriser les enfants, et de leur causer quelque scandale par son mauvais exemple, car si leurs Anges Gardiens qui ne cessent point de voir Dieu s'en offensent, il est à craindre que de nos défenseurs ils ne deviennent nos accusateurs.
52 - DU MAUVAIS RICHE ET DU PAUVRE LAZARE. (Luc 16,19)
Jésus dit aux troupes : Un homme riche vivant avec splendeur, et n'ayant point de compassion d'un pauvre qui mendiait ordinairement à sa porte, plein d’ulcères et d'autres infirmités, mourut enfin, et fut enseveli dans l'enfer.
Considérez ici que le nom de ce riche n'est point ici exprimé, parce que ceux des impies sont effacés dans le livre de vie, et qu'en ce monde l'on en perd le souvenir après leur mort.
Considérez qu'il fut adonné à trois fortes de vices: à la superbe (orgueil), car il était vêtu de pourpre; à l'intempérance, car tous les jours il faisait grand chère; et à l'avarice, car il ne donnait pas feulement aux pauvres les miettes de pain qui tombaient de dessus sa table : Pour vous apprendre à ne pas rechercher la somptuosité dans vos habits, en quelque état que vous soyez; à ne vous soucier pas de la délicatesse des viandes, à fuir l'ivrognerie, et une épargne excessive et déraisonnable, quand il sera question ou que
l'occasion se présentera de donner l'aumône, ou de pratiquer quelque autre œuvre de miséricorde de peur de vous jeter par cette négligence dans le péril de la damnation éternelle.
Qu'il fut enseveli dans l'enfer, afin que vous soyez instruit que cet abime de malheurs est un lieu très-profond, situé au centre de la terre, rempli de ténèbres et d'horreur, et d'où il n'y a point d'espérance de sortir par le moyen de quelque rachat, ou de quelque rançon que ce soit.
Un mendiant que l'on nommait Lazare tout infesté d'ulcères, et qui ne pût jamais obtenir de ce Riche une seule miette de pain, mourut à la porte de cet impitoyable, et fut emporté après sa mort dans le sein d'Abraham par le ministère des Anges.
Considérez premièrement que les noms des mendiants qui ont de la piété, et qui ne sont pas seulement connus du monde, tant ils en sont méprisés, sont pourtant dans le souvenir continuel de Dieu, de même que celui de Lazare est en vénération dans toute l'Église depuis près de dix-sept siècles.
Considérez que Lazare ne jouit pas de la gloire à cause de sa misère et de sa pauvreté, mais à cause de la patience avec laquelle il l'a soufferte et apprenez de là qu'il est plus avantageux d'embrasser la pauvreté , que de rechercher des richesses, mais une pauvreté volontaire; car Jésus assure que le Royaume des Cieux appartient proprement aux pauvres d'esprit. Apprenez aussi à chérir les habits ordinaires, les viandes communes et les abstinences.
Abraham ( le saint Patriarche) répondit au mauvais Riche qui du fond de l'enfer implorait son secours : Souvenez-vous, mon fils, que vous avez, pris vos plaisirs pendant votre vie et que Lazare a toujours souffert pendant la sienne; cela fait qu'il jouit à présent d'une parfaite consolation, et que vous êtes tourmenté cruellement.
Considérez que de même que Dieu ne laisse aucune bonne action sans récompense, il n'en laisse aussi aucune mauvaise sans châtiment, en cette vie ou en l'autre. Car Dieu est un juste Juge, qui traite tous les hommes comme ils le méritent, ainsi que le dit souvent l'Écriture: saint Paul écrivant dans le même esprit, que l'homme fera ailleurs la récolte de ce qu'il aura semé en ce monde.
Que personne ne peut avoir ses plaisirs en cette vie et en l'autre, conformément au témoignage d'Abraham dans cet Évangile; car le mauvais Riche a eu pendant qu'il vivait toutes les satisfactions qu'il a pu désirer; mais il est cruellement tourmenté dans l'enfer : au contraire de Lazare, qui a toujours vécu dans les souffrances et dans les douleurs; et qui jouit à présent d'une parfaite consolation dans le Paradis.
C'est pour ce sujet que Jésus adressant sa parole à ces grands riches, qui ne savent ce que c'est que des déplaisirs, et qui passent leur temps dans toutes, sortes de repas copieux et de contentements leur disait : Malheur à vous Riches qui avez, votre consolation sur la terre: malheur à vous qui riez et qui êtes dans les divertissements; car vous gémirez un jour et vous pleurerez des larmes de sang.
53 - DU RECEVEUR QUI AVAIT MAL SERVI SON MAITRE. (Luc 16,1)
Jésus dit à ses Disciples : Un homme riche fit appeler son Receveur qui s'était mal comporté en la gestion des affaires de son Maitre, et lui demanda compte de sa gestion.
Considérez que cet homme riche nous représente Dieu même, à qui appartient et l'Univers et tout ce qu'il renferme; et que ce Receveur figure qui que ce soit de nous, à qui Dieu a donné à gouverner comme une métairie (une propriété – un domaine), qui est son âme, son corps , les biens de fortune, les talents de l'esprit, de science, et les autres grâces tant naturelles que surnaturelles ; dont si nous ne nous sommes pas acquittés comme il le désire, et si nous ne nous sommes pas employés à procurer sa gloire, et à avancer notre salut et celui de notre prochain, nous lui rendrons un compte très-exact; et très rigoureux au jour du Jugement, car toutes ces choses lui appartiennent, et non pas à nous.
Considérez que Dieu nous appelle par les prédications, par les maladies, par les bons Exemples, par les inspirations intérieures, et nous fait avertir par tous ces moyens, de ce
compte si étroit qu'il faudra lui rendre de cette métairie (âme, corps, biens de fortune, talents de l`esprit et de science et autres grâces reçues) qu'il a confiés à notre conduite et de tous ses dons que nous avons mal employés.
Le Receveur dit alors en soi-même : Que ferai-je? Je n`ai pas la force de labourer la terre; je rougis de mendier. Je sais pourtant ce que ferai. Je relâcherai à ceux qui doivent à mon Maitre, une partie de leurs dettes, et par cette adresse je ferai des amis qui me soulageront dans mes besoins.
Considérez qu'un pécheur touché vivement du désir de faire pénitence, doit dire la même chose que ce Receveur; car après; la mort lorsqu'il faudra rendre compte il n'y aura plus lieu de labourer la terre, ni de mendier; parce que l'on ne pourra plus rien mériter ni par prières, ni par bonnes œuvres.
Figurez-vous que ces débiteurs sont les pauvres, et tous ceux à qui nous pouvons prêter quelque assistance, soit par le moyen de nos richesses, soit par celui de notre doctrine
ou de notre éloquence, soit enfin par quelque autre talent que ce soit que nous ayons reçu de Dieu; car en leur faisant part de ce que nous possédons, nous en faisons des amis qui prient pour nous, qui nous obtiennent le pardon de nos péchés, et qui nous font parvenir à la vie éternelle.
Et moi je vous dis : Faites-vous des amis du Mammon d'iniquité, afin que quand vous viendrez à manquer, ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels.
Considérez que les richesses sont dites le Mammon d'iniquité; bien que de leur nature elles ne soient pas mauvaises, puisque toutes les créatures de Dieu sont de soi très-bonnes, mais parce que, comme dit l'Apôtre st-Paul (1. Timothée 6.) : Ceux qui désirent de devenir riches, tombent dans la tentation et dans les pièges du diable (anges déchus); outre qu'ils conçoivent grand nombre de désirs inutiles et pernicieux, qui précipitent les hommes dans l'abime de la perdition éternelle; et parce que le Royaume des Cieux appartient proprement aux pauvres qui sont gens de bien, comme il est dit dans l'Évangile de saint Matthieu, chapitre 5, 2.
Pensez enfin, que nous devons acheter des pauvres le Royaume des Cieux, ou par une aumône universelle, comme font ceux qui faisant profession de la vie religieuse dans un Monastère, donnent tout leurs biens aux indigents; ou par plusieurs autres plus médiocres et particulières et de là vous pouvez inférer combien Dieu fait état de la pauvreté d'esprit, et des œuvres de miséricorde.
Jésus descendant du mont Thabor, un homme se prosterna devant lui à genoux, et lui présenta son fils qui était Lunatique, ect
Considérez que nous sommes Lunatiques, lorsque nous sommes agités par des emportements et des passions déréglées, et que nous ne nous mettons pas en devoir de les dompter; ce qui fait que nous déplaisons à Dieu et aux hommes, et que nous en devenons si perdus et si égarés, que nous n'écoutons pas les avis des Disciples de Jésus; c'est-à-dire des maitres et des Pères spirituels.
Jésus l'ayant vu et cet esprit malin l'ayant alors jeté par terre, il écumait: Sur quoi son Père dit au Sauveur : Si vous y pouvez, quelque chose, secourez-nous, ect.
Considérez que l'homme qui mène une vie relâchée et agréable aux anges déchus ( démons), n'est point attaqué de tentations, mais bien quand il tâche de se retirer de son esclavage, conformément à ce que dit le Sage Ecclésiastique 2,1 : Mon fils, lorsque vous entrez au service de Dieu, conservez, la justice et la crainte, et disposez vôtre âme à souffrir la tentation.
Remarquez que le démon jeta par terre ce jeune homme, et qu'ensuite il lui fit diverses
sortes d'outrages. Car c'est le principal emploi de cet esprit infernal de terrasser les âmes, quand ce ne serait que par un seul péché mortel, parce qu'après il les précipite plus facilement dans toutes fortes d'abominations et de crimes.
Remarquez que Jésus commanda au démon, non seulement de sortir du corps de ce jeune homme, mais aussi de n'y plus rentrer; pour faire voir que le pécheur est parfaitement converti, quand après avoir abandonné ses péchés, il n'y retombe plus. Ce qui fait que ceux qui retournent à leur vomissement ( péchés), ne sont pas censés en avoir eu une parfaite contrition.
Étant guéri, Jésus le prit par la main et il se leva. Ses Disciples ensuite l`interrogèrent pourquoi ils n`avaient pu chasser ce démon.
Considérez que ce malade étant guéri, Jésus l'aida à se lever; pour faire entendre a ce pécheur qu'il peut de son chef tomber et pécher, mais qu'il ne peut se relever et se convertir sans la grâce de Dieu; et qu'après qu'il s'est déchargé de ses péchés, il doit pratiquer de bonnes œuvres.
Remarquez que Jésus reprit ses Disciples en particulier et qu'il n'était nullement à propos que le peuple connut leurs défauts. Ce qui fait voir qu'il y a des personnes que l'on ne doit pas reprendre publiquement, mais bien à propos, et en temps et en lieu.
Faites réflexion que ce malin esprit n'ayant pu être chassé que par la prière et le jeûne, il y a des vices qui étant enracinés par la coutume, ne peuvent être arrachés que par pénitences, par la Confession et par la Communion.
50 - DE L'ENFANT PRODIGUE ( Luc 15,1)
Un prodigue ayant tiré comme par violence, la portion de son bien qu'il pouvait prétendre, s'en alla dans un pays éloigné, ou il le dissipa en débauches et en folies.
Considérez que le pécheur, est fort bien figuré par ce prodigue; Il demande en effet la portion de son bien, quand il recherche sa liberté, et qu'il veut être indépendant. Mais remarquez que l'on se sert ici du terme de portion, pour faire voir que toute la liberté et tout le plaisir de ce monde est peu de chose, si l'on en fait comparaison avec le fonds de la grâce et de la gloire éternelle.
Qu'il s'en va en un pays éloigné parce qu'un homme qui vit comme il lui plait, tombe bientôt dans le péché mortel; et par ce moyen il se sépare de Dieu. Qu'il abandonne aussi par ce moyen la maison de son père, c'est à dire sa vocation, et en vient jusqu'à un tel endurcissement de cœur, que bien loin de penser à sa conversion, il ne peut même souffrir les bons avis que l'on lui donne.
Qu'il dissipe sa portion, c'est à dire qu'il est dépouillé de la grâce de Dieu, des vertus, et des biens spirituels, et même des temporels afin qu'il soit châtié et réduit à la dernière nécessité, en forte qu'il se voit contraint de commettre des crimes honteux, qui causent la corruption de son corps et de son âme.
Or il survint en ce pays une famine qui l`obligea à se faire porcher, en sorte qu'il désirait même de satisfaire sa faim de ce que mangeaient les pourceaux; mais personne ne lui en présentait, ect.
Considérez que le pécheur endure une faim insupportable quand il est comme arraché de Dieu qui est son père, et qui seul peut satisfaire son âme, et seul rendre le repos et la quiétude à la conscience. Qu'il mène paitre les pourceaux, dont le propre est de se vautrer dans la fange, et de ne tourner jamais les yeux vers le Ciel, quand il s'abandonne à la concupiscence, quand il obéit à ses passions; quand il refuse de se soumettre et d'obéir à quoi que ce soit; quand il n'a point d'autre dessein que de satisfaire son ambition et son plaisir, sans seulement penser aux grâces que Dieu lui a faites, et sans qu'il se souvienne de la prière, de la confession et des autres actions de piété. Mais enfin il est lui-même abandonné de Dieu qu'il a oublié, des vertus qu'il n'a pas pratiquées; et des bonnes œuvres dont il s'est raillé, jusque-là qu'il ne peut ni jouir, ni se satisfaire des plaisirs qu'il recherche avec tant d'empressement.
Considérez que comme le pécheur qui s'habitue dans ses crimes, est semblable à un pourceau et à une bête, ainsi quand il fait réflexion sur l'état où il se trouve, qu'il pense à son amendement, et qu'il revient à la foi, il recouvre la qualité d'homme; en sorte qu'ouvrant les yeux aux lumières de la grâce divine, et reconnaissant sa misère et sa bassesse, il se repent de son insolence, et se confiant en la bonté paternelle de Dieu , il se lève , il marche dans la voie de la pénitence, et enfin se jetant aux pieds d'un Prêtre, il fait une entière et naïve confession de ses péchés.
Son père le voyant venir de loin, courut à sa rencontre, le baisa, et commanda qu'aussitôt on le revêtit d'une belle tunique, et qu'on lui donna un anneau et des souliers. Il fit même dresser un festin en sa faveur, pour se réjouir de son retour.
Considérez quelle est la bonté de Dieu en tant qu'il est notre père, qui se tourne vers le pécheur sitôt qu'il pense à sa conversion; et quoi qu'il soit encore bien éloigné, c’est-à-dire quoi qu'il n'ait pas encore une parfaite contrition de ses péchés, il va à sa rencontre par un nouveau secours, lui donne des marques de son amour, le baise, se l'unit, lui rend sa première tunique de justice, l'épouse avec l'anneau de la charité, le pare de vertus représentées par les souliers, le régale du festin d'une merveilleuse consolation, y appelle et y assemble tous les Anges et tous les Saints, et les invite à se réjouir de la conversion d'un pécheur pénitent.
Considérez que souvent ceux qui ont commis de plus grands péchés, quand ils se sont enfin reconnus, ont plus d'amour pour Dieu, que ceux qui n'ont pas péché si lourdement; et cela vous fait voir qu'il ne faut jamais désespérer du pardon de quelque péché que ce soit.
51 - QU'IL FAUT IMITER LES ENFANTS ( Matthieu 18,3)
Celui qui s'humiliera comme cet enfant sera le plus grand dans le Royaume des Cieux.
Considérez quelle est la bonté de Dieu, qui nous prescrit un moyen si facile pour parvenir à être grands dans le Ciel; car comme dit saint Bernard : Il n'y a rien de plus facile que de s'humilier soi-même, si on le veut. En effet, quand nous voulons nous élever, il s'y rencontre mille contradictions, mais quand nous pratiquons l'humilité, personne ne s'y oppose.
Remarquez que c'est le propre des petits enfants de n'avoir ni ruse ni malice, d'être purs et nets de corps et d`esprit, et de n'avoir aucun sentiment de vengeance; de croire tout ce qu'on leur dit, et de se soumettre avec respect à ceux qui leur commandent. Vous devez avoir toutes ces qualités si vous voulez leur devenir semblable.
Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits; car leurs Anges voient toujours dans le Ciel la face de mon Père.
Considérez que c'est un crime énorme que de mépriser les enfants, et de leur causer quelque scandale par son mauvais exemple, car si leurs Anges Gardiens qui ne cessent point de voir Dieu s'en offensent, il est à craindre que de nos défenseurs ils ne deviennent nos accusateurs.
52 - DU MAUVAIS RICHE ET DU PAUVRE LAZARE. (Luc 16,19)
Jésus dit aux troupes : Un homme riche vivant avec splendeur, et n'ayant point de compassion d'un pauvre qui mendiait ordinairement à sa porte, plein d’ulcères et d'autres infirmités, mourut enfin, et fut enseveli dans l'enfer.
Considérez ici que le nom de ce riche n'est point ici exprimé, parce que ceux des impies sont effacés dans le livre de vie, et qu'en ce monde l'on en perd le souvenir après leur mort.
Considérez qu'il fut adonné à trois fortes de vices: à la superbe (orgueil), car il était vêtu de pourpre; à l'intempérance, car tous les jours il faisait grand chère; et à l'avarice, car il ne donnait pas feulement aux pauvres les miettes de pain qui tombaient de dessus sa table : Pour vous apprendre à ne pas rechercher la somptuosité dans vos habits, en quelque état que vous soyez; à ne vous soucier pas de la délicatesse des viandes, à fuir l'ivrognerie, et une épargne excessive et déraisonnable, quand il sera question ou que
l'occasion se présentera de donner l'aumône, ou de pratiquer quelque autre œuvre de miséricorde de peur de vous jeter par cette négligence dans le péril de la damnation éternelle.
Qu'il fut enseveli dans l'enfer, afin que vous soyez instruit que cet abime de malheurs est un lieu très-profond, situé au centre de la terre, rempli de ténèbres et d'horreur, et d'où il n'y a point d'espérance de sortir par le moyen de quelque rachat, ou de quelque rançon que ce soit.
Un mendiant que l'on nommait Lazare tout infesté d'ulcères, et qui ne pût jamais obtenir de ce Riche une seule miette de pain, mourut à la porte de cet impitoyable, et fut emporté après sa mort dans le sein d'Abraham par le ministère des Anges.
Considérez premièrement que les noms des mendiants qui ont de la piété, et qui ne sont pas seulement connus du monde, tant ils en sont méprisés, sont pourtant dans le souvenir continuel de Dieu, de même que celui de Lazare est en vénération dans toute l'Église depuis près de dix-sept siècles.
Considérez que Lazare ne jouit pas de la gloire à cause de sa misère et de sa pauvreté, mais à cause de la patience avec laquelle il l'a soufferte et apprenez de là qu'il est plus avantageux d'embrasser la pauvreté , que de rechercher des richesses, mais une pauvreté volontaire; car Jésus assure que le Royaume des Cieux appartient proprement aux pauvres d'esprit. Apprenez aussi à chérir les habits ordinaires, les viandes communes et les abstinences.
Abraham ( le saint Patriarche) répondit au mauvais Riche qui du fond de l'enfer implorait son secours : Souvenez-vous, mon fils, que vous avez, pris vos plaisirs pendant votre vie et que Lazare a toujours souffert pendant la sienne; cela fait qu'il jouit à présent d'une parfaite consolation, et que vous êtes tourmenté cruellement.
Considérez que de même que Dieu ne laisse aucune bonne action sans récompense, il n'en laisse aussi aucune mauvaise sans châtiment, en cette vie ou en l'autre. Car Dieu est un juste Juge, qui traite tous les hommes comme ils le méritent, ainsi que le dit souvent l'Écriture: saint Paul écrivant dans le même esprit, que l'homme fera ailleurs la récolte de ce qu'il aura semé en ce monde.
Que personne ne peut avoir ses plaisirs en cette vie et en l'autre, conformément au témoignage d'Abraham dans cet Évangile; car le mauvais Riche a eu pendant qu'il vivait toutes les satisfactions qu'il a pu désirer; mais il est cruellement tourmenté dans l'enfer : au contraire de Lazare, qui a toujours vécu dans les souffrances et dans les douleurs; et qui jouit à présent d'une parfaite consolation dans le Paradis.
C'est pour ce sujet que Jésus adressant sa parole à ces grands riches, qui ne savent ce que c'est que des déplaisirs, et qui passent leur temps dans toutes, sortes de repas copieux et de contentements leur disait : Malheur à vous Riches qui avez, votre consolation sur la terre: malheur à vous qui riez et qui êtes dans les divertissements; car vous gémirez un jour et vous pleurerez des larmes de sang.
53 - DU RECEVEUR QUI AVAIT MAL SERVI SON MAITRE. (Luc 16,1)
Jésus dit à ses Disciples : Un homme riche fit appeler son Receveur qui s'était mal comporté en la gestion des affaires de son Maitre, et lui demanda compte de sa gestion.
Considérez que cet homme riche nous représente Dieu même, à qui appartient et l'Univers et tout ce qu'il renferme; et que ce Receveur figure qui que ce soit de nous, à qui Dieu a donné à gouverner comme une métairie (une propriété – un domaine), qui est son âme, son corps , les biens de fortune, les talents de l'esprit, de science, et les autres grâces tant naturelles que surnaturelles ; dont si nous ne nous sommes pas acquittés comme il le désire, et si nous ne nous sommes pas employés à procurer sa gloire, et à avancer notre salut et celui de notre prochain, nous lui rendrons un compte très-exact; et très rigoureux au jour du Jugement, car toutes ces choses lui appartiennent, et non pas à nous.
Considérez que Dieu nous appelle par les prédications, par les maladies, par les bons Exemples, par les inspirations intérieures, et nous fait avertir par tous ces moyens, de ce
compte si étroit qu'il faudra lui rendre de cette métairie (âme, corps, biens de fortune, talents de l`esprit et de science et autres grâces reçues) qu'il a confiés à notre conduite et de tous ses dons que nous avons mal employés.
Le Receveur dit alors en soi-même : Que ferai-je? Je n`ai pas la force de labourer la terre; je rougis de mendier. Je sais pourtant ce que ferai. Je relâcherai à ceux qui doivent à mon Maitre, une partie de leurs dettes, et par cette adresse je ferai des amis qui me soulageront dans mes besoins.
Considérez qu'un pécheur touché vivement du désir de faire pénitence, doit dire la même chose que ce Receveur; car après; la mort lorsqu'il faudra rendre compte il n'y aura plus lieu de labourer la terre, ni de mendier; parce que l'on ne pourra plus rien mériter ni par prières, ni par bonnes œuvres.
Figurez-vous que ces débiteurs sont les pauvres, et tous ceux à qui nous pouvons prêter quelque assistance, soit par le moyen de nos richesses, soit par celui de notre doctrine
ou de notre éloquence, soit enfin par quelque autre talent que ce soit que nous ayons reçu de Dieu; car en leur faisant part de ce que nous possédons, nous en faisons des amis qui prient pour nous, qui nous obtiennent le pardon de nos péchés, et qui nous font parvenir à la vie éternelle.
Et moi je vous dis : Faites-vous des amis du Mammon d'iniquité, afin que quand vous viendrez à manquer, ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels.
Considérez que les richesses sont dites le Mammon d'iniquité; bien que de leur nature elles ne soient pas mauvaises, puisque toutes les créatures de Dieu sont de soi très-bonnes, mais parce que, comme dit l'Apôtre st-Paul (1. Timothée 6.) : Ceux qui désirent de devenir riches, tombent dans la tentation et dans les pièges du diable (anges déchus); outre qu'ils conçoivent grand nombre de désirs inutiles et pernicieux, qui précipitent les hommes dans l'abime de la perdition éternelle; et parce que le Royaume des Cieux appartient proprement aux pauvres qui sont gens de bien, comme il est dit dans l'Évangile de saint Matthieu, chapitre 5, 2.
Pensez enfin, que nous devons acheter des pauvres le Royaume des Cieux, ou par une aumône universelle, comme font ceux qui faisant profession de la vie religieuse dans un Monastère, donnent tout leurs biens aux indigents; ou par plusieurs autres plus médiocres et particulières et de là vous pouvez inférer combien Dieu fait état de la pauvreté d'esprit, et des œuvres de miséricorde.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
54 - DE LA PRIERE, DU MAUVAIS JUGE, ET DU PHARISIEN ET PUBLICAIN. ( Luc 18,1) et ( Luc 18, 14)
IL ne faut jamais appréhender d'être importun à Dieu; et c'est à cela même que saint Paul nous exhorte, quand il nous dit, que nous devons toujours prier, et toujours être devant Dieu en esprit d'oraison; c'est à dire, dans un esprit d'hommage, d'adoration, de soumission, de servitude, et d'une telle persévérance dans toutes nos prières, que nous ne soyons presque jamais un seul moment, où nous n'épanchions nos cœurs en sa présence pour le louer, pour le bénir, et pour lui découvrir tous nos besoins.
C'est-là aussi un des préceptes que le Maitre de cet Apôtre donne lui-même à ses disciples, quand il leur dit, qu'il faut toujours prier, et qu'il ne faut jamais se relâcher dans un exercice, ou il n'y a que les violents, où pour le moins, que les confiants, et que les généreux qui obtiennent ce qu'ils demandent.
En voici un exemple qui peut servir pour enseigner, et pour convaincre les plus méchants et les plus lâches. Il y avait, dit Jésus-Christ, dans une ville un Juge qui ne craignait point Dieu, et qui n'avait ni crainte ni respect pour les hommes. Il y avait aussi au même lieu une certaine Veuve, qui avait une affaire, et qui étant venu trouver ce Juge, le supplia de lui faire raison de la partie adverse, sans que les larmes , que les prières, et toutes les requêtes de cette pauvre femme le puissent obliger à lui rendre quelque justice; mais à la fin après avoir réfléchi longtemps, et tant de fois sollicité sa conscience, ou son honneur, ou pour le moins l'amour de son repos, le contraignit de dire en lui-même, que quoiqu'il ne craignit point Dieu, et qu'il ne se souciât point des hommes; néanmoins parce que cette veuve l'importunait , il lui ferait justice, de peur qu'elle ne vint après tant d'importunité à lui dire quelques injures.
Ces paroles méritent bien qu'on les écoutes; et en effet, c'est notre Maitre qui nous commande d'y faire réflexion; et puis, ajoute-t'il, dites que Dieu ne vengera pas ses élus, qui crient à lui jour et nuit; et dites que sa bonté différera de leur donner bientôt quelque secours. Ce qui pourrait l'en empêcher, est qu'il y a grand sujet de douter, si quand le fils de l'homme viendra au monde, il y trouvera de la foi, ou pour le moins de la foi qui soit accompagnée de la parfaite charité.
Il n'y a donc qu'à croire fermement que Dieu ne manquera jamais à nos besoins, et que nous ne devons qu'être constants dans les prières, et dans les vœux que nous lui présentons, pour obtenir affairement tous les effets de nos demandes. C'est le premier moyen que Jésus-Christ nous propose aujourd’hui pour parvenir à cette fin; et le second que ce divin Maitre nous donne, est de joindre toujours l'humilité à la persévérance, afin qu'en étouffant l'orgueil qui nous est naturel, nous attirions à nous celui qui s'élève sur les superbes, et qui s'abaisse sur les humbles. C'est le sujet qui porte Jésus-Christ à se servir d'une autre parabole parlant à certaines personnes qui présumaient beaucoup de leur justice, et qui n'avaient que du mépris pour la vertu des autres.
Il leur dit, que deux hommes, dont l'un était Pharisien, et l'autre Publicain, étant un jour montés, au temple, le Pharisien y priait Dieu de cette sorte : Mon Dieu, je vous rends grâces de ce que je ne suis pas comme les autres hommes, qui sont des voleurs, des injustes, des adultères; ni tel aussi qu'est ce Publicain, car je jeûne deux fois chaque semaine, et je paye exactement la dixième partie de tous les biens que je possède. Vit-on jamais un insolence pareille a celle-ci ? Il est si orgueilleux, qu'en parlant même à Dieu, qui voit tous les secrets de son esprit et de son cœur, il se préfère sans exception à tous les hommes.
Je ne suis ni voleur, ni injuste, ni adultère, ni semblable à ce Publicain. Ah insolent! tu n'es pas un voleur, et tu n'attends pas des gens pendant la nuit dans le coin d'une rue, ou sur un grand chemin, et au milieu d'une foret; mais n'as-tu rien du bien de ton prochain, ou par adresse, ou par violence, ou par quelque méchant commerce? Ce que tu as est-il ou bien ou mal acquis ? as-tu payé tes créanciers et tes valets ? Et as-tu rendu fidèlement à Dieu tous les dépôts qu'il t'a confié ?
Considérez bien toutes ces choses, et demandez à Dieu pardon en toute humilité, de ce en quoi vous l'aurez offensé, si vous voulez acquérir votre pardon.
Le Pharisien et le Publicain
55 - D'UN JEUNE HOMME QUI ÉTAIT RICHE ( Marc 10,17)
Jésus ayant répondu à un jeune homme qui lui demandait le moyen de faire son salut, qu'il fallait observer les commandements, et ayant ajouté que pour être parfait il fallait vendre tout son bien et en distribuer le prix aux pauvres, celui-ci se retira tout chagrin.
Considérez que Jésus fit entendre à ce jeune homme: 1. Les préceptes de la Loi, et 2. Les conseils de l'Évangile, pour nous faire entendre que si nous voulons parvenir à la perfection de la vie Chrétienne, il est nécessaire que nous nous exercions d'abord dans les œuvres de charité envers le prochain, et qui sont propres à la vie active. Comme aussi que nous ne sommes pas assurez de notre salut quand nous aurions observé tous les commandements comme ce jeune homme; que pour cela nous devons
tendre a une plus grande perfection et faire de plus grands progrès dans la vertu, de même que ceux qui tirent au blanc élèvent leur arc pour y atteindre.
Remarquez qu'encore que ce jeune homme fut effectivement touché du désir de faire son salut; ce qui parait en ce qu'il se prosterna à genoux en demandant d'être instruit des moyens d'y parvenir, néanmoins il se retira, quand on lui dit d'abandonner tous ses biens. Et c'est ce qui arrive à tant de personnes de piété, car elles protestent assez de leur amour envers Dieu, et de le servir avec sentiment, quand elles sont en prospérité, mais quand il leur survient quelque adversité, l'amour propre renverse tous leurs desseins et détruit toutes leurs protestations.
Jésus dit alors : Ah ! qu'il est difficile qu'un homme riche entre dans le Royaume de Dieu. Assurément il est plus aisé qu'un Chameau entre dans le trou d'une aiguille. Qui pourra donc être sauvé ? lui dirent ses Disciples. Cela est impossible aux hommes, mais il ne l'est pas à Dieu, leur répondit Jésus.
Considérez 1. L’effroyable aveuglement des hommes, qui cachant que cet arrêt contre les Riches n'a pas été prononcé par Salomon, mais par la Sagesse incarnée, ne biffent pas d'aspirer toujours aux biens de la terre, et de négliger leur salut qu'ils mettent au hasard. En effet l'Écriture parlant de la damnation du mauvais Riche, n'en rapporte point d'autre raison que ses richesses : Mon fils, lui dit Abraham, souvenez-vous que vous avez reçu beaucoup de biens en votre vie pour cela vous êtes maintenant tourmenté.
Pensez pourquoi Jésus assure qu'il est impossible à l'égard des hommes qu'un homme riche soit sauvé. Sans doute, parce que généralement parlant tous les hommes ont de l'attache à l'avarice depuis le plus petit jusqu’au plus grand , comme parlent les Prophètes Isaïe chapitre. 56. et Jérémie chapitre 6. et comme dit l'Apôtre St-Paul en Philippiens 1 : Ils cherchent tous ce qui est de leur intérêt, et non ce qui est de celui de Jésus-Christ.
Outre que, comme dit le même Apôtre 1. Timothée 6 : Ceux qui veulent devenir riches , tombent dans les pièges du diable, et s'engagent dans beaucoup de désirs inutiles et pernicieux, qui précipitent les hommes dans la mort et dans la perdition.
Mais à l'égard de Dieu, ceux qui avec la grâce n'ont point d'attache pour l'avarice, mais se procurent l`amitié des pauvres par le moyen du Mammon d'iniquité, peuvent se sauver beaucoup plus facilement.
Pierre dit alors à Jésus: Voilà que nous avons tout abandonné et vous avons suivi, quelle en sera donc notre récompense? Vous serez, lui dit Jésus, assis avec Moi sur douze trônes, d'où vous jugerez, les douze tribus d'Israël, et tous ceux qui auront ainsi tout abandonné pour moi, en recevront le centuple en ce monde, et en l'autre, la vie éternelle.
Considérez pourquoi saint Pierre et les autres Apôtres ayant quitté si peu de chose, car ils n'étaient que de pauvres pêcheurs. Jésus pourtant leur promet une récompense si ample et si considérable. Sans doute parce qu'ils n'avaient pas seulement abandonné leurs biens, leurs parents, leurs amis, et leur patrie, pour parvenir au Royaume de Dieu, mais s'étaient aussi dépouillés de toute affection qui peut les y attacher, et même de tout désir d'en avoir.
Outre qu'ils avaient renoncé à eux-mêmes, et à leur propre volonté en la soumettant à celle de Jésus, et en lui promettant obéissance. C'est pourquoi ce bon Maitre voulut les assurer de leur récompense et qu'ils seraient avec lui les Juges de tout l'Univers au jour du grand et dernier Jugement. Pensez combien il est à propos que les Apôtres soient les Juges des autres, puis qu'ils ont été des Juges si équitables et si incorruptibles à l'égard d'eux-mêmes, et si éclairés à l'égard des biens véritables; car ils ont préféré la pauvreté aux richesses, et les croix aux plaisirs du monde.
Faites réflexion sur la seconde partie de la réponse de Jésus, qui regarde aussi tous les Fidèles, et leur persuade le mépris du monde. La promesse qu'il y a faite du centuple en cette vie, et de la bienheureuse éternité en l'autre, a peuplé les déserts et les Monastères; et a donné sujet à beaucoup de saintes âmes de se faire violence, pour parvenir au Royaume du Ciel. En effet nous voyons par expérience que ceux qui ont renoncé à tous les plaisirs du siècle, jouissent dès à présent de ce centuple; c`est à dire reçoivent des satisfactions spirituelles, plus douces et plus sensibles que toutes celles de la terre, et que pour un père, une mère, un frère, et une maison qu'ils ont abandonnés, ils en rencontrent qui leur rendent avec affection et charité, les devoirs de tant de personnes si proches, et que par tout ils trouvent des demeures ou ils vivent très contents.
56 - LES ENFANTS DE ZEBEDÉE ( Matthieu 20,20)
Jésus dit à ses Disciples : nous allons à Jérusalem et le Fils de l'homme y sera mis au pouvoir des Sacrificateurs; et ils le condamneront à la mort.
Considérez que Jésus parle souvent dans l'Écriture de sa Passion et de sa Mort : 1 – Afin que nous y pensions souvent, et que nous en fassions le sujet de nos méditations les plus ordinaires. 2. Afin que nous connaissions avec quel amour il a souffert pour nous. 3. Afin que nous en fassions aussi la matière de nos entretiens et de nos conversations. 4. Afin que nous ne soyons pas si lâches que de nous plaindre dans les petite adversités qui pourront nous arriver. 5. Afin que le souvenir que nous en aurons , nous serve comme d'antidote contre les tentations, car en effet il n'y a point de remède plus efficace pour les surmonter, que la sérieuse méditation de ces mystères.
La mère des enfants de Zebedée s'approcha de lui en même temps avec ses deux fils, et l'adora en posture de suppliante; pour lui faire une demande.
Considérez que le sentiment des pères et des mères pour leurs enfants est presque toujours accompagné de quelque désordre, et la cause même de leur ruine tant au spirituel qu'au temporel.
Que cet excès parait ici notamment en quatre rencontres. 1 - En ce que cette femme aime plus ses enfants que soi-même, qu'elle a plus de souci pour eux que pour soi, et qu'il semble qu'elle s'oublie elle-même pour présenter sa requête en leur faveur. 2. En ce qu'elle a l'ambition qu'ils soient préférés à tous les autres, comme s'ils étaient les seuls Disciples de Jésus. 3. En ce qu'elle agit avec un empressement extraordinaire, jusques à être importune au Sauveur; tant elle a de désir de leur procurer les premières places entre les Apôtres. 4. En ce qu'elle est portée d'une ambition démesurée, prétendant que l'un soit assis à la droite, et l'autre à la gauche de Jésus; comme s'il ne leur suffisait pas d'avoir l'honneur d'être couchés à ses pieds; puisque saint Jean s'est réputé très-indigne de seulement délier ses souliers.
Vous ne savez pas ce que vous demandez, dit Jésus en adressant sa parole à ces deux Disciples : pouvez-vous boire le calice que je boirai?
Considérez qu'il y en a beaucoup dans le monde à qui Jésus notre maitre peut faire ce reproche: Vous ne savez ce que vous demandez. En effet combien y a-t'il de personnes qui désirent des richesses, des bénéfices, des enfants, des honneurs, la faveur des Princes, des Magistratures, le moyen de bien pourvoir leurs enfants, la santé, et quantité de choses semblables, dont ils abuseraient s'ils en jouissaient à leur gré ?
Persuadez-vous que ceux qui ont de la répugnance à être pauvres, méprisés, ravalés; en un mot qui ne veulent rien souffrir pour l'amour de Jésus, sont bien éloignés de la disposition à boire son calice. O qu'il y en a peu qui goûtent seulement du bout des lèvres l'amertume de ce breuvage quand on le leur présente mais qu'il y en a beaucoup qui on l`ambition et le désir d'entrer dans le Royaume de Dieu.
57 - LA RÉSURRECTION DE LAZARE ( Jean 11,1)
Jésus ayant eu nouvelle que Lazare était malade, demeura ou il était pendant deux jours afin que le miracle qu’il voulait faire, en fut plus célèbre.
Considérez pourquoi Jésus veut demeurer pendant deux jours au lieu où il se trouve, et permet que Lazare meure enfin de sa maladie, avec le regret sensible et la douleur excessive de ces deux bonnes sœurs. Sans doute pour leur témoigner plus avantageusement son affection envers elles; car j'afflige, dit-il lui-même, au chapitre 3 de l'Apocalypse et je châtie ceux que j'aime.
En effet la résurrection de Lazare qui était mort depuis quatre jours, a été la cause que les cœurs de ces Dames, ceux des disciples de Jésus Christ de beaucoup d'autres, ont été affermis dans la foi; que la gloire de Dieu a été publiée et répandue par tant de témoins si fidèles et si affectionnés, enfin que les cœurs endurcis de quelques Juifs ont été comme brisés par la grandeur de ce miracle. Mais remarquez que Jésus ne recherche en toutes ces actions que la gloire de Dieu et notre salut.
Jésus dit à ses Disciples : Lazare mon ami dort un profond sommeil, mais je m`en vais pour le réveiller. Marthe et Marie Madeleine viennent à la rencontre de Jésus, qui arrivait, et lui disent: Seigneur, si vous eussiez été, notre frère ne serait pas mort.
Considérez que quoi que Lazare, le bon ami de Jésus fut mort, Jésus dit néanmoins qu'il dort, parce que les amis de Dieu ne meurent pas, mais dorment seulement; tant à son égard, parce qu'il lui est aussi facile de leur rendre la vie, que de réveiller celui qui dort : qu'à l'égard aussi d'eux-mêmes; parce que la mort ne sert aux gens de bien que d'entrée à la vie éternelle, et au repos qui ne sera jamais interrompu.
Qu'encore que la foi de ces pieuses Dames ne fut pas encore bien affermie, ce qui parait en ce qu'elles ne croyaient pas que Jésus étant éloigné pût guérir Lazare, elles eurent pourtant raison de dire, que s'il eut été présent, Lazare ne serait pas mort; parce que là où est la vie, la mort n'a point de pouvoir; ce qui fait que Jésus dit lui-même : Je suis la résurrection et la vie, qui croira en moi, vivra quoi qu'il soit mort. Aussi la bonne Marthe l'une des sœurs de Lazare , s'écria ensuite : J'ai cru , Seigneur, et je crois, que vous êtes le Fils de Dieu vivant , qui êtes venu en ce monde.
Jésus ayant jeté des larmes et fait sa prière, commanda que l'on leva la pierre, qui couvrait le tombeau de Lazare. Cela fait il s'écria à haute voix : Lazare sortez dehors. Lazare alors se leva, Jésus le fit délier, et commanda qu'on le laisse aller.
Considérez que Jésus touché des larmes de Magdeleine et des Juifs qui étaient là présents, frémit à la vérité et s'émût lui-même, mais par un effet de sa volonté, pour nous apprendre à être touchés de même, par un motif de charité, des misères et des afflictions de notre prochain. Que Jésus jetât des larmes, pour nous faire voir que nous devons pleurer et sur nous-mêmes, parce que nous sommes tous pécheurs, dont Lazare à demi pourri était la figure, et sur la misère spirituelle du prochain, notamment lorsqu'ayant perdu la grâce il est mort devant Dieu.
Qu'il commanda que l'on levât la pierre de dessus le tombeau, pour nous apprendre encore, que rien n'empêche tant un pécheur de se relever de son péché, qu'un cœur habitué et endurci à le commettre. Qu'il leva les yeux au Ciel, pour marquer que dans nos infortunes nous ne devons pas nous appuyer sur notre mérite, mais avoir recours à la bonté de Dieu. Qu'il s'écria à haute voix, afin que nous obéissions aux avis des Prédicateurs, et aux inspirations divines.
Qu'il commanda que Lazare fut délié afin que nous recherchions d'être absous de nos péchés par la voie de la Confession Sacramentale aux pieds des Prêtres, qui sont les successeurs des Apôtres. Qu'il ordonna à Lazare de sortir de son tombeau, afin qu'après le pardon de nos fautes , nous entreprenions une façon de vivre qui soit accompagnée de sobriété, de piété et de Justice.
IL ne faut jamais appréhender d'être importun à Dieu; et c'est à cela même que saint Paul nous exhorte, quand il nous dit, que nous devons toujours prier, et toujours être devant Dieu en esprit d'oraison; c'est à dire, dans un esprit d'hommage, d'adoration, de soumission, de servitude, et d'une telle persévérance dans toutes nos prières, que nous ne soyons presque jamais un seul moment, où nous n'épanchions nos cœurs en sa présence pour le louer, pour le bénir, et pour lui découvrir tous nos besoins.
C'est-là aussi un des préceptes que le Maitre de cet Apôtre donne lui-même à ses disciples, quand il leur dit, qu'il faut toujours prier, et qu'il ne faut jamais se relâcher dans un exercice, ou il n'y a que les violents, où pour le moins, que les confiants, et que les généreux qui obtiennent ce qu'ils demandent.
En voici un exemple qui peut servir pour enseigner, et pour convaincre les plus méchants et les plus lâches. Il y avait, dit Jésus-Christ, dans une ville un Juge qui ne craignait point Dieu, et qui n'avait ni crainte ni respect pour les hommes. Il y avait aussi au même lieu une certaine Veuve, qui avait une affaire, et qui étant venu trouver ce Juge, le supplia de lui faire raison de la partie adverse, sans que les larmes , que les prières, et toutes les requêtes de cette pauvre femme le puissent obliger à lui rendre quelque justice; mais à la fin après avoir réfléchi longtemps, et tant de fois sollicité sa conscience, ou son honneur, ou pour le moins l'amour de son repos, le contraignit de dire en lui-même, que quoiqu'il ne craignit point Dieu, et qu'il ne se souciât point des hommes; néanmoins parce que cette veuve l'importunait , il lui ferait justice, de peur qu'elle ne vint après tant d'importunité à lui dire quelques injures.
Ces paroles méritent bien qu'on les écoutes; et en effet, c'est notre Maitre qui nous commande d'y faire réflexion; et puis, ajoute-t'il, dites que Dieu ne vengera pas ses élus, qui crient à lui jour et nuit; et dites que sa bonté différera de leur donner bientôt quelque secours. Ce qui pourrait l'en empêcher, est qu'il y a grand sujet de douter, si quand le fils de l'homme viendra au monde, il y trouvera de la foi, ou pour le moins de la foi qui soit accompagnée de la parfaite charité.
Il n'y a donc qu'à croire fermement que Dieu ne manquera jamais à nos besoins, et que nous ne devons qu'être constants dans les prières, et dans les vœux que nous lui présentons, pour obtenir affairement tous les effets de nos demandes. C'est le premier moyen que Jésus-Christ nous propose aujourd’hui pour parvenir à cette fin; et le second que ce divin Maitre nous donne, est de joindre toujours l'humilité à la persévérance, afin qu'en étouffant l'orgueil qui nous est naturel, nous attirions à nous celui qui s'élève sur les superbes, et qui s'abaisse sur les humbles. C'est le sujet qui porte Jésus-Christ à se servir d'une autre parabole parlant à certaines personnes qui présumaient beaucoup de leur justice, et qui n'avaient que du mépris pour la vertu des autres.
Il leur dit, que deux hommes, dont l'un était Pharisien, et l'autre Publicain, étant un jour montés, au temple, le Pharisien y priait Dieu de cette sorte : Mon Dieu, je vous rends grâces de ce que je ne suis pas comme les autres hommes, qui sont des voleurs, des injustes, des adultères; ni tel aussi qu'est ce Publicain, car je jeûne deux fois chaque semaine, et je paye exactement la dixième partie de tous les biens que je possède. Vit-on jamais un insolence pareille a celle-ci ? Il est si orgueilleux, qu'en parlant même à Dieu, qui voit tous les secrets de son esprit et de son cœur, il se préfère sans exception à tous les hommes.
Je ne suis ni voleur, ni injuste, ni adultère, ni semblable à ce Publicain. Ah insolent! tu n'es pas un voleur, et tu n'attends pas des gens pendant la nuit dans le coin d'une rue, ou sur un grand chemin, et au milieu d'une foret; mais n'as-tu rien du bien de ton prochain, ou par adresse, ou par violence, ou par quelque méchant commerce? Ce que tu as est-il ou bien ou mal acquis ? as-tu payé tes créanciers et tes valets ? Et as-tu rendu fidèlement à Dieu tous les dépôts qu'il t'a confié ?
Considérez bien toutes ces choses, et demandez à Dieu pardon en toute humilité, de ce en quoi vous l'aurez offensé, si vous voulez acquérir votre pardon.
Le Pharisien et le Publicain
55 - D'UN JEUNE HOMME QUI ÉTAIT RICHE ( Marc 10,17)
Jésus ayant répondu à un jeune homme qui lui demandait le moyen de faire son salut, qu'il fallait observer les commandements, et ayant ajouté que pour être parfait il fallait vendre tout son bien et en distribuer le prix aux pauvres, celui-ci se retira tout chagrin.
Considérez que Jésus fit entendre à ce jeune homme: 1. Les préceptes de la Loi, et 2. Les conseils de l'Évangile, pour nous faire entendre que si nous voulons parvenir à la perfection de la vie Chrétienne, il est nécessaire que nous nous exercions d'abord dans les œuvres de charité envers le prochain, et qui sont propres à la vie active. Comme aussi que nous ne sommes pas assurez de notre salut quand nous aurions observé tous les commandements comme ce jeune homme; que pour cela nous devons
tendre a une plus grande perfection et faire de plus grands progrès dans la vertu, de même que ceux qui tirent au blanc élèvent leur arc pour y atteindre.
Remarquez qu'encore que ce jeune homme fut effectivement touché du désir de faire son salut; ce qui parait en ce qu'il se prosterna à genoux en demandant d'être instruit des moyens d'y parvenir, néanmoins il se retira, quand on lui dit d'abandonner tous ses biens. Et c'est ce qui arrive à tant de personnes de piété, car elles protestent assez de leur amour envers Dieu, et de le servir avec sentiment, quand elles sont en prospérité, mais quand il leur survient quelque adversité, l'amour propre renverse tous leurs desseins et détruit toutes leurs protestations.
Jésus dit alors : Ah ! qu'il est difficile qu'un homme riche entre dans le Royaume de Dieu. Assurément il est plus aisé qu'un Chameau entre dans le trou d'une aiguille. Qui pourra donc être sauvé ? lui dirent ses Disciples. Cela est impossible aux hommes, mais il ne l'est pas à Dieu, leur répondit Jésus.
Considérez 1. L’effroyable aveuglement des hommes, qui cachant que cet arrêt contre les Riches n'a pas été prononcé par Salomon, mais par la Sagesse incarnée, ne biffent pas d'aspirer toujours aux biens de la terre, et de négliger leur salut qu'ils mettent au hasard. En effet l'Écriture parlant de la damnation du mauvais Riche, n'en rapporte point d'autre raison que ses richesses : Mon fils, lui dit Abraham, souvenez-vous que vous avez reçu beaucoup de biens en votre vie pour cela vous êtes maintenant tourmenté.
Pensez pourquoi Jésus assure qu'il est impossible à l'égard des hommes qu'un homme riche soit sauvé. Sans doute, parce que généralement parlant tous les hommes ont de l'attache à l'avarice depuis le plus petit jusqu’au plus grand , comme parlent les Prophètes Isaïe chapitre. 56. et Jérémie chapitre 6. et comme dit l'Apôtre St-Paul en Philippiens 1 : Ils cherchent tous ce qui est de leur intérêt, et non ce qui est de celui de Jésus-Christ.
Outre que, comme dit le même Apôtre 1. Timothée 6 : Ceux qui veulent devenir riches , tombent dans les pièges du diable, et s'engagent dans beaucoup de désirs inutiles et pernicieux, qui précipitent les hommes dans la mort et dans la perdition.
Mais à l'égard de Dieu, ceux qui avec la grâce n'ont point d'attache pour l'avarice, mais se procurent l`amitié des pauvres par le moyen du Mammon d'iniquité, peuvent se sauver beaucoup plus facilement.
Pierre dit alors à Jésus: Voilà que nous avons tout abandonné et vous avons suivi, quelle en sera donc notre récompense? Vous serez, lui dit Jésus, assis avec Moi sur douze trônes, d'où vous jugerez, les douze tribus d'Israël, et tous ceux qui auront ainsi tout abandonné pour moi, en recevront le centuple en ce monde, et en l'autre, la vie éternelle.
Considérez pourquoi saint Pierre et les autres Apôtres ayant quitté si peu de chose, car ils n'étaient que de pauvres pêcheurs. Jésus pourtant leur promet une récompense si ample et si considérable. Sans doute parce qu'ils n'avaient pas seulement abandonné leurs biens, leurs parents, leurs amis, et leur patrie, pour parvenir au Royaume de Dieu, mais s'étaient aussi dépouillés de toute affection qui peut les y attacher, et même de tout désir d'en avoir.
Outre qu'ils avaient renoncé à eux-mêmes, et à leur propre volonté en la soumettant à celle de Jésus, et en lui promettant obéissance. C'est pourquoi ce bon Maitre voulut les assurer de leur récompense et qu'ils seraient avec lui les Juges de tout l'Univers au jour du grand et dernier Jugement. Pensez combien il est à propos que les Apôtres soient les Juges des autres, puis qu'ils ont été des Juges si équitables et si incorruptibles à l'égard d'eux-mêmes, et si éclairés à l'égard des biens véritables; car ils ont préféré la pauvreté aux richesses, et les croix aux plaisirs du monde.
Faites réflexion sur la seconde partie de la réponse de Jésus, qui regarde aussi tous les Fidèles, et leur persuade le mépris du monde. La promesse qu'il y a faite du centuple en cette vie, et de la bienheureuse éternité en l'autre, a peuplé les déserts et les Monastères; et a donné sujet à beaucoup de saintes âmes de se faire violence, pour parvenir au Royaume du Ciel. En effet nous voyons par expérience que ceux qui ont renoncé à tous les plaisirs du siècle, jouissent dès à présent de ce centuple; c`est à dire reçoivent des satisfactions spirituelles, plus douces et plus sensibles que toutes celles de la terre, et que pour un père, une mère, un frère, et une maison qu'ils ont abandonnés, ils en rencontrent qui leur rendent avec affection et charité, les devoirs de tant de personnes si proches, et que par tout ils trouvent des demeures ou ils vivent très contents.
56 - LES ENFANTS DE ZEBEDÉE ( Matthieu 20,20)
Jésus dit à ses Disciples : nous allons à Jérusalem et le Fils de l'homme y sera mis au pouvoir des Sacrificateurs; et ils le condamneront à la mort.
Considérez que Jésus parle souvent dans l'Écriture de sa Passion et de sa Mort : 1 – Afin que nous y pensions souvent, et que nous en fassions le sujet de nos méditations les plus ordinaires. 2. Afin que nous connaissions avec quel amour il a souffert pour nous. 3. Afin que nous en fassions aussi la matière de nos entretiens et de nos conversations. 4. Afin que nous ne soyons pas si lâches que de nous plaindre dans les petite adversités qui pourront nous arriver. 5. Afin que le souvenir que nous en aurons , nous serve comme d'antidote contre les tentations, car en effet il n'y a point de remède plus efficace pour les surmonter, que la sérieuse méditation de ces mystères.
La mère des enfants de Zebedée s'approcha de lui en même temps avec ses deux fils, et l'adora en posture de suppliante; pour lui faire une demande.
Considérez que le sentiment des pères et des mères pour leurs enfants est presque toujours accompagné de quelque désordre, et la cause même de leur ruine tant au spirituel qu'au temporel.
Que cet excès parait ici notamment en quatre rencontres. 1 - En ce que cette femme aime plus ses enfants que soi-même, qu'elle a plus de souci pour eux que pour soi, et qu'il semble qu'elle s'oublie elle-même pour présenter sa requête en leur faveur. 2. En ce qu'elle a l'ambition qu'ils soient préférés à tous les autres, comme s'ils étaient les seuls Disciples de Jésus. 3. En ce qu'elle agit avec un empressement extraordinaire, jusques à être importune au Sauveur; tant elle a de désir de leur procurer les premières places entre les Apôtres. 4. En ce qu'elle est portée d'une ambition démesurée, prétendant que l'un soit assis à la droite, et l'autre à la gauche de Jésus; comme s'il ne leur suffisait pas d'avoir l'honneur d'être couchés à ses pieds; puisque saint Jean s'est réputé très-indigne de seulement délier ses souliers.
Vous ne savez pas ce que vous demandez, dit Jésus en adressant sa parole à ces deux Disciples : pouvez-vous boire le calice que je boirai?
Considérez qu'il y en a beaucoup dans le monde à qui Jésus notre maitre peut faire ce reproche: Vous ne savez ce que vous demandez. En effet combien y a-t'il de personnes qui désirent des richesses, des bénéfices, des enfants, des honneurs, la faveur des Princes, des Magistratures, le moyen de bien pourvoir leurs enfants, la santé, et quantité de choses semblables, dont ils abuseraient s'ils en jouissaient à leur gré ?
Persuadez-vous que ceux qui ont de la répugnance à être pauvres, méprisés, ravalés; en un mot qui ne veulent rien souffrir pour l'amour de Jésus, sont bien éloignés de la disposition à boire son calice. O qu'il y en a peu qui goûtent seulement du bout des lèvres l'amertume de ce breuvage quand on le leur présente mais qu'il y en a beaucoup qui on l`ambition et le désir d'entrer dans le Royaume de Dieu.
57 - LA RÉSURRECTION DE LAZARE ( Jean 11,1)
Jésus ayant eu nouvelle que Lazare était malade, demeura ou il était pendant deux jours afin que le miracle qu’il voulait faire, en fut plus célèbre.
Considérez pourquoi Jésus veut demeurer pendant deux jours au lieu où il se trouve, et permet que Lazare meure enfin de sa maladie, avec le regret sensible et la douleur excessive de ces deux bonnes sœurs. Sans doute pour leur témoigner plus avantageusement son affection envers elles; car j'afflige, dit-il lui-même, au chapitre 3 de l'Apocalypse et je châtie ceux que j'aime.
En effet la résurrection de Lazare qui était mort depuis quatre jours, a été la cause que les cœurs de ces Dames, ceux des disciples de Jésus Christ de beaucoup d'autres, ont été affermis dans la foi; que la gloire de Dieu a été publiée et répandue par tant de témoins si fidèles et si affectionnés, enfin que les cœurs endurcis de quelques Juifs ont été comme brisés par la grandeur de ce miracle. Mais remarquez que Jésus ne recherche en toutes ces actions que la gloire de Dieu et notre salut.
Jésus dit à ses Disciples : Lazare mon ami dort un profond sommeil, mais je m`en vais pour le réveiller. Marthe et Marie Madeleine viennent à la rencontre de Jésus, qui arrivait, et lui disent: Seigneur, si vous eussiez été, notre frère ne serait pas mort.
Considérez que quoi que Lazare, le bon ami de Jésus fut mort, Jésus dit néanmoins qu'il dort, parce que les amis de Dieu ne meurent pas, mais dorment seulement; tant à son égard, parce qu'il lui est aussi facile de leur rendre la vie, que de réveiller celui qui dort : qu'à l'égard aussi d'eux-mêmes; parce que la mort ne sert aux gens de bien que d'entrée à la vie éternelle, et au repos qui ne sera jamais interrompu.
Qu'encore que la foi de ces pieuses Dames ne fut pas encore bien affermie, ce qui parait en ce qu'elles ne croyaient pas que Jésus étant éloigné pût guérir Lazare, elles eurent pourtant raison de dire, que s'il eut été présent, Lazare ne serait pas mort; parce que là où est la vie, la mort n'a point de pouvoir; ce qui fait que Jésus dit lui-même : Je suis la résurrection et la vie, qui croira en moi, vivra quoi qu'il soit mort. Aussi la bonne Marthe l'une des sœurs de Lazare , s'écria ensuite : J'ai cru , Seigneur, et je crois, que vous êtes le Fils de Dieu vivant , qui êtes venu en ce monde.
Jésus ayant jeté des larmes et fait sa prière, commanda que l'on leva la pierre, qui couvrait le tombeau de Lazare. Cela fait il s'écria à haute voix : Lazare sortez dehors. Lazare alors se leva, Jésus le fit délier, et commanda qu'on le laisse aller.
Considérez que Jésus touché des larmes de Magdeleine et des Juifs qui étaient là présents, frémit à la vérité et s'émût lui-même, mais par un effet de sa volonté, pour nous apprendre à être touchés de même, par un motif de charité, des misères et des afflictions de notre prochain. Que Jésus jetât des larmes, pour nous faire voir que nous devons pleurer et sur nous-mêmes, parce que nous sommes tous pécheurs, dont Lazare à demi pourri était la figure, et sur la misère spirituelle du prochain, notamment lorsqu'ayant perdu la grâce il est mort devant Dieu.
Qu'il commanda que l'on levât la pierre de dessus le tombeau, pour nous apprendre encore, que rien n'empêche tant un pécheur de se relever de son péché, qu'un cœur habitué et endurci à le commettre. Qu'il leva les yeux au Ciel, pour marquer que dans nos infortunes nous ne devons pas nous appuyer sur notre mérite, mais avoir recours à la bonté de Dieu. Qu'il s'écria à haute voix, afin que nous obéissions aux avis des Prédicateurs, et aux inspirations divines.
Qu'il commanda que Lazare fut délié afin que nous recherchions d'être absous de nos péchés par la voie de la Confession Sacramentale aux pieds des Prêtres, qui sont les successeurs des Apôtres. Qu'il ordonna à Lazare de sortir de son tombeau, afin qu'après le pardon de nos fautes , nous entreprenions une façon de vivre qui soit accompagnée de sobriété, de piété et de Justice.
Dernière édition par MichelT le Mer 23 Aoû 2017 - 19:22, édité 2 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
58 - DE DIX LÉPREUX ( Luc 17,12)
Jésus en chemin faisant fut rencontré par dix lépreux, qui se tinrent éloignés n'osant pas approcher davantage, et s`écrièrent: Jésus notre Maitre; Ayez, pitié de nous.
Considérez que par ces dix Lépreux l'on peut entendre tous les pécheurs, ou ceux qui violent les préceptes du Décalogue ( les 10 Commandements), ou même ceux qui ont dans leurs âmes des faiblesses ou des imperfections incurables: car comme les Lépreux infectent de leur haleine corrompue ceux qui les approchent; ainsi ces gens si faibles et si inconstants, nuisent aux autres par leur conversation.
Que comme grand nombre de petits et puants ulcères paraissent de jour en jour sur les corps des Lépreux et qu'ils sont toujours altérés; il en arrive de même à ceux qui sont si imparfaits; et il leur survient toujours de nouveaux défauts, en sorte qu'ils ne se satisfont jamais de quelque plaisir ou de quelque divertissement que ce soit.
Considérez que de telles gens doivent se tenir éloignés de la conversation des autres; c'est à dire s'humilier profondément et reconnaitre leur indignité et leur infection, et implorer le secours de Dieu à grands cris, et de tout leur cœur.
Jésus leur commanda de se montrer aux Prêtres et en y allant ils furent nettoyés.
Considérez que Jésus envoya ces Lépreux aux Prêtres avant que de les guérir, pour vous apprendre à découvrir les maladies de votre âme , non seulement à Dieu, mais aussi au Prêtre. Or ils furent guéris en chemin, et en allant pour faire voir combien la foi est puissante et de quelle vertu est l'obéissance et que par conséquent il faut volontiers obéir à l`inspiration divine.
L'un d'eux se voyant guéri revint sur ses pas, et à haute voix et en posture de suppliant il rendit grâces à Jésus, quoi qu'il ne fût que Samaritain et étranger.
Considérez que ce Lépreux qui seul fut reconnaissant de la grâce qu'il avait obtenue en mérita de plus grandes à cause de sa reconnaissance; car outre la santé du corps il recouvra encore celle de l'âme. En effet, Jésus lui dit : Allez votre foi vous a sauvé. A l'égard des autres neuf, ils furent des ingrats.
59 - AVEUGLES PRÈS DE JÉRICHO ( Luc 18,37)
Jésus-Christ sortant de la ville de Jéricho, deux Aveugles qui étaient sur le chemin où il devait passer, sitôt qu'on leur eût dit qu'il s'approchait, ils se prirent à crier: Seigneur , fils de David, ait pitié de nous! et comme le peuple les reprenait, et les voulait les contraindre de se taire, ils s'écrièrent encore plus fortement: Seigneur, fils de David, ayez, pitié de nous! C'est là en vérité, disait st Jean Chrysostome, une marque très-assurée que la grâce a rencontré une âme généreuse et confiante; qui d'autant plus qu'on s'oppose à son dessein, fait des efforts encore plus violents pour continuer dans sa résolution, et atteindre à la fin qu'elle s'est proposée.
C'est en cela aussi, dit saint Bernard, qu'on voit si nos inspirations sont faibles ou puissantes; et on ne peut jamais être assuré que les grâces ont leurs effets, que quand on voit qu'elles nous donnent de l'aversion du mal qui est passé; et qu'en nous inspirant en même temps du mépris pour tous les biens imaginaires de ce monde qui sont présents , elles nous donnent beaucoup d'amour et de désir pour les biens véritables, qui nous attendent, et qui doivent être notre dernière récompense: c'est aussi le triomphe de notre foi, et la couronne qui nous est proposée, après tous nos combats, et toutes nos victoires.
60 - SOUPER DE JÉSUS EN BÉTHANIE ( Jean 12,1)
Jésus soupait en la maison de Simon le Lépreux et Lazare lui tenait compagnie, et Marthe y servait.
Considérez combien ce souper qui se fit six jours devant la Passion de Jésus, lui causa de consolation, et combien d'honneur et de contentement en eurent Simon et ceux qu'il avait conviés. Il en revint de la consolation à Jésus, parce qu'il faisait ce repas avec des personnes qui lui étaient très chères, dont sans doute il était parfaitement aimé, et qui l'avaient reçu avec toute l'affection imaginable, non seulement dans leur maison, mais aussi dans leur cœur. Les conviés en eurent de l'honneur et du contentement; car quel plus grand honneur peut-il y avoir que d'être à table avec Jésus, et quelle plus grande satisfaction pouvaient-ils ressentir que de lui pouvoir témoigner leur gratitude car il avait guéri de la lèpre, Simon qui l'avait invité; il avait rendu la vie à Lazare, il avait retiré Magdeleine du bourbier de ses péchés; Marthe avait eu l'honneur de le recevoir dans sa maison et de le servir à table; ce qu'elle fait encore à présent.
Considérez pourquoi Lazare n'a jamais ri comme l'on dit, sans doute, parce qu'il considérait et admirait continuellement trois choses qui de soi sont capables de surprendre et de faire trembler quiconque y voudra penser avec l'attention qu'elles méritent : L'effroyable jugement de Dieu et les supplices préparés dans l`autre vie aux pécheurs impénitents. 2. Que Dieu d'une si haute Majesté se soit ravalé jusques à une si profonde humiliation pour le salut des hommes. 3. Leur aveuglement et leur ingratitude, en ne faisant point d'état d'un bienfait si signalé, et n'appréhendant point le jugement à venir.
Marie ayant rompt un vase de liqueurs aromatiques, les répandit sur la tête de Jésus, lui en oignit les pieds, qu'elle essuya avec ses cheveux, et toute la maison fut embaumée de l'odeur de ce parfum.
Considérez que le service rendu à Jésus par Marie en cette rencontre, lui fut d'autant plus agréable, qu'elle avait pour lui un amour qui surpassait éminemment celui des autres. Car ce vase n'était autre chose que son cœur embrasé du feu de l'amour divin; et la fraction qu'elle en fit, n'était aussi autre chose que l'impatience de cet amour, dont son cœur était embrasé, et qui ne cherchait qu'à se faire paraitre et à se répandre au dehors. Ou bien elle figurait l'offrande très libérale et fans réserve qu'elle faisait à Jésus, non seulement de son amour, mais aussi de ce cœur, dans lequel cet amour était enfermé comme dans un vase.
Persuadez-vous que ce parfum était très précieux car nous ne devons offrir à Dieu que ce que nous avons de plus excellent. Et remarquez que nous répandons des parfums sur la tête de Jésus, quand nous adressons toutes nos œuvres à sa gloire; et que nous en épanchons sur ses pieds, quand nous nous appliquons sérieusement et avec sincérité à faire notre salut et à procurer celui de notre prochain.
Considérez que toute la maison qui est la figure de l'Église, fut embaumée de l'odeur de ce parfum; parce que cette action si généreuse de Magdeleine, y a été et y sera toujours hautement publiée; pour vous apprendre à faire grand état des œuvres de charité et d'humilité, qui sont accompagnées et suivies d'une si bonne odeur.
Judas en murmurant : A quoi bon ce dommage? disait-il. Jésus fit réponse : Pourquoi censurez-vous ce qu'a fait cette femme, et la tourmentez-vous? Son action qui s’est adressée à moi seul est très-bonne et très digne de louange.
Considérez que d'autant plus que les bonnes œuvres sont élevées dans la perfection, d'autant plus quelquefois sont-elles sujettes à la calomnie, étant même blâmées par les gens de bien qui les censurent à la vérité par un bon zèle, mais qui n'est point accompagné de science ni de discernement. Ce qui ne doit pourtant pas donner sujet aux véritables serviteurs de Jésus de les négliger, pourvu qu'ils les pratiquent à la gloire de Dieu et à l'avancement du salut des âmes. Car il n'est pas possible que l'on plaise en
même temps et en toutes choses à Dieu et aux hommes.
61 – DE ZACHÉE (Matthieu 25 – Luc 19)
Jésus passant par la ville de Jéricho, Zachée chef des Publicains qui désirait de voir Jésus, monta sur un arbre, parce qu'il était petit, et que la foule du peuple l'en empêchait.
Considérez la douceur et la bonté de Dieu, et combien il est prompt à donner à l'homme l'occasion d'abandonner le péché. Car Zachée n'aurait point cherché Jésus s'il n'avait passé par Jéricho.
Nous devons faire trois choses de même que Zachée, quand Dieu nous présente sa grâce. 1. Quitter les affaires du monde et les profits temporels. 2. Éloigner de nous deux empêchements qui sont la crainte de la foule, c'est à dire de la raillerie des hommes, et la lâcheté à supporter le travail de la conversion; et monter courageusement sur la Croix; car qui veut venir après moi, dit Jésus, qu'il porte sa Croix.
Or le Sycomore (qui est l'arbre sur lequel monta Zachée ) signifie un figuier fou ; et cela fort à propos, car la Croix a été tenue pour un scandale par les Juifs, et pour une folie par les Gentils( les non-juifs).
Jésus l'ayant vu, lui dit; Zachée dépêchez-vous de descendre, car il faut que je loge aujourd'hui dans votre maison. Zachée défendit aussitôt et le reçut avec joie.
Considérez qu'à cause que Zachée désirait ardemment de voir Jésus, ce bon Sauveur abandonne la troupe qui l'environnait et ne s'adresse qu'a lui. Car, Sur qui je jetterai les yeux, dit-il dans Isaïe chapitre 66, que sur celui qui est humilié par son indigence, et qui a le cœur brisé de contrition?
En effet aussitôt que Dieu aperçoit le moindre commencement de bonne volonté dans une âme, il va au-devant d'elle, il la prévient, il lui tend la main pour la retirer du péché, et l'accueille de même que le père de l'enfant prodigue accueillit son fils après ses désordres et ses débauches.
Voyez quelle est la libéralité de Jésus, qui donne beaucoup plus à Zachée qu'il n'aurait osé espérer car il ne lui permit pas seulement de le voir, mais même il voulut honorer sa
maison de sa présence; et fit largesse à lui et à toute sa famille du trésor inestimable de sa grâce.
Pensez que Zachée se dépêcha de descendre de dessus l'arbre où il était et courut en sa maison ; pour nous apprendre à ne point être lâches quand il s'agit de recevoir et d'exécuter les inspirations divines. Outre qu'il reçut Jésus avec grande joie, ce qui figure combien souvent, et avec quelle allégresse il faut le recevoir dans la sainte Eucharistie.
Zachée s'étant présenté à Jésus, et lui ayant dit qu'il donnait aux pauvres la moitié de ses biens; Aujourd’hui répondit Jésus, cette maison a reçu le salut.
Un véritable pénitent doit donc faire l'aumône de ses biens, et restituer avec la dernière sévérité tous ceux qu'il croit appartenir aux autres. Car sans cela, il n'y a point de conversion, et un pécheur ne doit aucunement s'attendre que Jésus-Christ lui dise comme à Zachée : C'est maintenant que le salut a commencé d'entrer dans ce logis, parce que celui-ci est un enfant d`Abraham, et c'est aussi pour son sujet, et à cause de ses semblables, que le fils de L'homme est venu chercher, et sauver ce qui était perdu.
Considérez que si l'on veut obtenir de Dieu la grâce du salut, il faut lui faire satisfaction par des œuvres d'une véritable pénitence. Satisfaire aussi au prochain en lui payant ce qui lui est dû, en restituant le bien d'autrui, en pardonnant les injures que l'on a reçues, en faisant l'aumône aux pauvres selon l'étendue de son pouvoir, ou au moins leur portant compassion si l'on est dans l'impuissance de leur donner, et les consolant avec des paroles pleines de douceur.
Considérez que partout où Jésus a été accueilli, il y a laissé des effets de sa libéralité; comme en la maison de Zacharie, en celle du Prince de la Synagogue, du Pharisien, de
Simon, et aujourd’hui en celle de Zachée. Recevez-le donc aussi vous-même en la maison de votre cœur, par la sainte communion, si vous voulez être enrichi de ses dons et de ses grâces.
Jésus en chemin faisant fut rencontré par dix lépreux, qui se tinrent éloignés n'osant pas approcher davantage, et s`écrièrent: Jésus notre Maitre; Ayez, pitié de nous.
Considérez que par ces dix Lépreux l'on peut entendre tous les pécheurs, ou ceux qui violent les préceptes du Décalogue ( les 10 Commandements), ou même ceux qui ont dans leurs âmes des faiblesses ou des imperfections incurables: car comme les Lépreux infectent de leur haleine corrompue ceux qui les approchent; ainsi ces gens si faibles et si inconstants, nuisent aux autres par leur conversation.
Que comme grand nombre de petits et puants ulcères paraissent de jour en jour sur les corps des Lépreux et qu'ils sont toujours altérés; il en arrive de même à ceux qui sont si imparfaits; et il leur survient toujours de nouveaux défauts, en sorte qu'ils ne se satisfont jamais de quelque plaisir ou de quelque divertissement que ce soit.
Considérez que de telles gens doivent se tenir éloignés de la conversation des autres; c'est à dire s'humilier profondément et reconnaitre leur indignité et leur infection, et implorer le secours de Dieu à grands cris, et de tout leur cœur.
Jésus leur commanda de se montrer aux Prêtres et en y allant ils furent nettoyés.
Considérez que Jésus envoya ces Lépreux aux Prêtres avant que de les guérir, pour vous apprendre à découvrir les maladies de votre âme , non seulement à Dieu, mais aussi au Prêtre. Or ils furent guéris en chemin, et en allant pour faire voir combien la foi est puissante et de quelle vertu est l'obéissance et que par conséquent il faut volontiers obéir à l`inspiration divine.
L'un d'eux se voyant guéri revint sur ses pas, et à haute voix et en posture de suppliant il rendit grâces à Jésus, quoi qu'il ne fût que Samaritain et étranger.
Considérez que ce Lépreux qui seul fut reconnaissant de la grâce qu'il avait obtenue en mérita de plus grandes à cause de sa reconnaissance; car outre la santé du corps il recouvra encore celle de l'âme. En effet, Jésus lui dit : Allez votre foi vous a sauvé. A l'égard des autres neuf, ils furent des ingrats.
59 - AVEUGLES PRÈS DE JÉRICHO ( Luc 18,37)
Jésus-Christ sortant de la ville de Jéricho, deux Aveugles qui étaient sur le chemin où il devait passer, sitôt qu'on leur eût dit qu'il s'approchait, ils se prirent à crier: Seigneur , fils de David, ait pitié de nous! et comme le peuple les reprenait, et les voulait les contraindre de se taire, ils s'écrièrent encore plus fortement: Seigneur, fils de David, ayez, pitié de nous! C'est là en vérité, disait st Jean Chrysostome, une marque très-assurée que la grâce a rencontré une âme généreuse et confiante; qui d'autant plus qu'on s'oppose à son dessein, fait des efforts encore plus violents pour continuer dans sa résolution, et atteindre à la fin qu'elle s'est proposée.
C'est en cela aussi, dit saint Bernard, qu'on voit si nos inspirations sont faibles ou puissantes; et on ne peut jamais être assuré que les grâces ont leurs effets, que quand on voit qu'elles nous donnent de l'aversion du mal qui est passé; et qu'en nous inspirant en même temps du mépris pour tous les biens imaginaires de ce monde qui sont présents , elles nous donnent beaucoup d'amour et de désir pour les biens véritables, qui nous attendent, et qui doivent être notre dernière récompense: c'est aussi le triomphe de notre foi, et la couronne qui nous est proposée, après tous nos combats, et toutes nos victoires.
60 - SOUPER DE JÉSUS EN BÉTHANIE ( Jean 12,1)
Jésus soupait en la maison de Simon le Lépreux et Lazare lui tenait compagnie, et Marthe y servait.
Considérez combien ce souper qui se fit six jours devant la Passion de Jésus, lui causa de consolation, et combien d'honneur et de contentement en eurent Simon et ceux qu'il avait conviés. Il en revint de la consolation à Jésus, parce qu'il faisait ce repas avec des personnes qui lui étaient très chères, dont sans doute il était parfaitement aimé, et qui l'avaient reçu avec toute l'affection imaginable, non seulement dans leur maison, mais aussi dans leur cœur. Les conviés en eurent de l'honneur et du contentement; car quel plus grand honneur peut-il y avoir que d'être à table avec Jésus, et quelle plus grande satisfaction pouvaient-ils ressentir que de lui pouvoir témoigner leur gratitude car il avait guéri de la lèpre, Simon qui l'avait invité; il avait rendu la vie à Lazare, il avait retiré Magdeleine du bourbier de ses péchés; Marthe avait eu l'honneur de le recevoir dans sa maison et de le servir à table; ce qu'elle fait encore à présent.
Considérez pourquoi Lazare n'a jamais ri comme l'on dit, sans doute, parce qu'il considérait et admirait continuellement trois choses qui de soi sont capables de surprendre et de faire trembler quiconque y voudra penser avec l'attention qu'elles méritent : L'effroyable jugement de Dieu et les supplices préparés dans l`autre vie aux pécheurs impénitents. 2. Que Dieu d'une si haute Majesté se soit ravalé jusques à une si profonde humiliation pour le salut des hommes. 3. Leur aveuglement et leur ingratitude, en ne faisant point d'état d'un bienfait si signalé, et n'appréhendant point le jugement à venir.
Marie ayant rompt un vase de liqueurs aromatiques, les répandit sur la tête de Jésus, lui en oignit les pieds, qu'elle essuya avec ses cheveux, et toute la maison fut embaumée de l'odeur de ce parfum.
Considérez que le service rendu à Jésus par Marie en cette rencontre, lui fut d'autant plus agréable, qu'elle avait pour lui un amour qui surpassait éminemment celui des autres. Car ce vase n'était autre chose que son cœur embrasé du feu de l'amour divin; et la fraction qu'elle en fit, n'était aussi autre chose que l'impatience de cet amour, dont son cœur était embrasé, et qui ne cherchait qu'à se faire paraitre et à se répandre au dehors. Ou bien elle figurait l'offrande très libérale et fans réserve qu'elle faisait à Jésus, non seulement de son amour, mais aussi de ce cœur, dans lequel cet amour était enfermé comme dans un vase.
Persuadez-vous que ce parfum était très précieux car nous ne devons offrir à Dieu que ce que nous avons de plus excellent. Et remarquez que nous répandons des parfums sur la tête de Jésus, quand nous adressons toutes nos œuvres à sa gloire; et que nous en épanchons sur ses pieds, quand nous nous appliquons sérieusement et avec sincérité à faire notre salut et à procurer celui de notre prochain.
Considérez que toute la maison qui est la figure de l'Église, fut embaumée de l'odeur de ce parfum; parce que cette action si généreuse de Magdeleine, y a été et y sera toujours hautement publiée; pour vous apprendre à faire grand état des œuvres de charité et d'humilité, qui sont accompagnées et suivies d'une si bonne odeur.
Judas en murmurant : A quoi bon ce dommage? disait-il. Jésus fit réponse : Pourquoi censurez-vous ce qu'a fait cette femme, et la tourmentez-vous? Son action qui s’est adressée à moi seul est très-bonne et très digne de louange.
Considérez que d'autant plus que les bonnes œuvres sont élevées dans la perfection, d'autant plus quelquefois sont-elles sujettes à la calomnie, étant même blâmées par les gens de bien qui les censurent à la vérité par un bon zèle, mais qui n'est point accompagné de science ni de discernement. Ce qui ne doit pourtant pas donner sujet aux véritables serviteurs de Jésus de les négliger, pourvu qu'ils les pratiquent à la gloire de Dieu et à l'avancement du salut des âmes. Car il n'est pas possible que l'on plaise en
même temps et en toutes choses à Dieu et aux hommes.
61 – DE ZACHÉE (Matthieu 25 – Luc 19)
Jésus passant par la ville de Jéricho, Zachée chef des Publicains qui désirait de voir Jésus, monta sur un arbre, parce qu'il était petit, et que la foule du peuple l'en empêchait.
Considérez la douceur et la bonté de Dieu, et combien il est prompt à donner à l'homme l'occasion d'abandonner le péché. Car Zachée n'aurait point cherché Jésus s'il n'avait passé par Jéricho.
Nous devons faire trois choses de même que Zachée, quand Dieu nous présente sa grâce. 1. Quitter les affaires du monde et les profits temporels. 2. Éloigner de nous deux empêchements qui sont la crainte de la foule, c'est à dire de la raillerie des hommes, et la lâcheté à supporter le travail de la conversion; et monter courageusement sur la Croix; car qui veut venir après moi, dit Jésus, qu'il porte sa Croix.
Or le Sycomore (qui est l'arbre sur lequel monta Zachée ) signifie un figuier fou ; et cela fort à propos, car la Croix a été tenue pour un scandale par les Juifs, et pour une folie par les Gentils( les non-juifs).
Jésus l'ayant vu, lui dit; Zachée dépêchez-vous de descendre, car il faut que je loge aujourd'hui dans votre maison. Zachée défendit aussitôt et le reçut avec joie.
Considérez qu'à cause que Zachée désirait ardemment de voir Jésus, ce bon Sauveur abandonne la troupe qui l'environnait et ne s'adresse qu'a lui. Car, Sur qui je jetterai les yeux, dit-il dans Isaïe chapitre 66, que sur celui qui est humilié par son indigence, et qui a le cœur brisé de contrition?
En effet aussitôt que Dieu aperçoit le moindre commencement de bonne volonté dans une âme, il va au-devant d'elle, il la prévient, il lui tend la main pour la retirer du péché, et l'accueille de même que le père de l'enfant prodigue accueillit son fils après ses désordres et ses débauches.
Voyez quelle est la libéralité de Jésus, qui donne beaucoup plus à Zachée qu'il n'aurait osé espérer car il ne lui permit pas seulement de le voir, mais même il voulut honorer sa
maison de sa présence; et fit largesse à lui et à toute sa famille du trésor inestimable de sa grâce.
Pensez que Zachée se dépêcha de descendre de dessus l'arbre où il était et courut en sa maison ; pour nous apprendre à ne point être lâches quand il s'agit de recevoir et d'exécuter les inspirations divines. Outre qu'il reçut Jésus avec grande joie, ce qui figure combien souvent, et avec quelle allégresse il faut le recevoir dans la sainte Eucharistie.
Zachée s'étant présenté à Jésus, et lui ayant dit qu'il donnait aux pauvres la moitié de ses biens; Aujourd’hui répondit Jésus, cette maison a reçu le salut.
Un véritable pénitent doit donc faire l'aumône de ses biens, et restituer avec la dernière sévérité tous ceux qu'il croit appartenir aux autres. Car sans cela, il n'y a point de conversion, et un pécheur ne doit aucunement s'attendre que Jésus-Christ lui dise comme à Zachée : C'est maintenant que le salut a commencé d'entrer dans ce logis, parce que celui-ci est un enfant d`Abraham, et c'est aussi pour son sujet, et à cause de ses semblables, que le fils de L'homme est venu chercher, et sauver ce qui était perdu.
Considérez que si l'on veut obtenir de Dieu la grâce du salut, il faut lui faire satisfaction par des œuvres d'une véritable pénitence. Satisfaire aussi au prochain en lui payant ce qui lui est dû, en restituant le bien d'autrui, en pardonnant les injures que l'on a reçues, en faisant l'aumône aux pauvres selon l'étendue de son pouvoir, ou au moins leur portant compassion si l'on est dans l'impuissance de leur donner, et les consolant avec des paroles pleines de douceur.
Considérez que partout où Jésus a été accueilli, il y a laissé des effets de sa libéralité; comme en la maison de Zacharie, en celle du Prince de la Synagogue, du Pharisien, de
Simon, et aujourd’hui en celle de Zachée. Recevez-le donc aussi vous-même en la maison de votre cœur, par la sainte communion, si vous voulez être enrichi de ses dons et de ses grâces.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
62 - ENTRÉE DE JÉSUS DANS JÉRUSALEM ( Luc 19,30 – Matthieu 21,2 - Marc 11,2 – Jean 12,14)
Le Seigneur commanda premièrement que l'on lui amenât une ânesse et son poulain. Déliez-les dit-il, et me les amenés. Que si quelqu'un vous dit quelque choses, dites que le Seigneur en a besoin et il vous les abandonnera.
Considérez que Jésus choisit pour son triomphe seulement deux vils et méprisables animaux, et qui sont en si mauvais état qu'ils n'ont pas même ce qui est nécessaire pour les monter pour vous apprendre que le triomphe et la véritable gloire du Chrétien ne consiste que dans l'amour du mépris de soi-même, de l'humilité et de la pauvreté. En effet le Royaume des Cieux appartient aux pauvres d'esprit.
Considérez que Jésus fait paraitre sa puissance dans son abaissement; tant en ce que comme étant le maitre de toutes choses, il commande que l'on délie ces animaux, et que l'on les lui amène, sans en demander permission à leur maitre; qu'en ce qu'il dispose l'esprit de cet homme, quoi qu'éloigné, à les laisser aller. Et cela pour vous apprendre qu'il n'y a rien de plus puissant que l'humilité pour obtenir le pardon de ses péchés, pour se réconcilier avec Dieu, et pour impétrer ce que l'on lui demande.
Les Disciples obéirent ponctuellement à ce que Jésus avait commandé, et ayant mis leurs habits sur l`ânesse, ils le firent asseoir dessus.
Considérez la parfaite obéissance de ces Disciples, tant en ce qu'ils ne firent point de réflexion sur ce qui leur était commandé et qu'ils se soumirent à un emploi si ravalé que de conduire publiquement dans les rues une ânesse avec son poulain.
Considérez aussi leur simplicité et leur dévotion envers Jésus, en ce que pour lui faire honneur ils se dépouillèrent de leurs habits quoique tout délabrés, et les mirent sur cette ânesse ; pour nous apprendre qu'encore que Jésus se soit humilié, il est pourtant de notre devoir de l'honorer autant que nous le pouvons; ce à-quoi nous invite même l'éclat et la beauté de nos-Églises qui sont si magnifiquement parées pour lui rendre d'autant plus de respect , et faire un plus digne hommage à sa gloire.
Pensez quel est l'amour que Jésus a pour nous, qui souffre d'être porté par une ânesse; c'est à dire par notre corps, qui est sujet à tant de péchés, lors qu'après en avoir été absous, et que nous sommes revêtus des vertus des Apôtres figurées par leurs habits, nous recevons la sainte Eucharistie.
Le peuple qui était disposé à l`accueillir, allait à sa rencontre, jonchait le chemin de ses habits et de branches d'arbres, et criait hautement : Hosanna au Fils de David- Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur.
Considérez que vous vous dépouillez de vos habits et que vous les jetez aux pieds de Jésus, lorsque de vos biens temporels vous soulagez les pauvres qui sont figurés par ses pieds; que vous jonchez le chemin par où il doit passer de branches d'olive, quand vous faites quelque œuvre de charité et de miséricorde; et de rameaux de palmier, quand vous remportez la victoire de quelque tentation. Enfin que vous chantez Hosanna , quand vous reconnaissez ses bienfaits, et que vous les publiés.
Considérez que l'honneur que ce peuple rendit à Jésus, fut bientôt suivi de la dernière ignominie. Aujourd’hui ils se dépouillent de leurs habits, et les jettent à ses pieds, dans peu de temps ils le dépouilleront des liens, et le vêtiront d'une robe empruntée pour en faire l'objet d'une honteuse et sanglante raillerie. Aujourd’hui ils lui rendent leurs respects et lui font une humble révérence, tenant en main des branches d'arbres, des feuilles et des fleurs; bientôt ils le flagelleront comme un esclave, avec des verges et des épines, et l'attacheront à une croix.
Faites réflexion sur vous-même , et prenez bien garde si vous n'avez point imité ces gens; car si après avoir reçu Jésus dans votre âme au Sacrement de la Pénitence ( Confession), et dans votre cœur en la sainte Communion, vous êtes retombé de nouveau dans les péchés qui vous avaient été pardonnés vous l'avez sans doute chassé de chez vous avec outrage, et vous l'avez crucifié de nouveau.
63 - LES VENDEURS CHASSÉS HORS DU TEMPLE ( Matthieu 21, 12 – Jean 2, 13 - Luc 19-45 )
Jésus entra dans le Temple de Dieu, et en chassa ceux qui y vendaient, et ceux qui y achetaient.
Considérez combien de fois il est dit dans l'Écriture que Jésus soit entré dans le Temple. Sa sainte Mère l`y porta entre ses bras lorsqu'il était encore enfant. Il y fut mené par saint Joseph accompagné de la sacrée Vierge quand il eut atteint l'âge de douze ans, et s'y arrêta pendant trois jours. Aujourd’hui il y va de son propre mouvement, pour vous apprendre combien il importe de visiter souvent les Églises et les autres lieux saints; d'autant plus que nous ne lisons point que Jésus ait si souvent fréquenté aucun lieu que le Temple.
Pesez que ce Temple est appelle le Temple de Dieu, pour vous instruire de ne point entrer dans les temples des démons ( des anges déchus), tels que sont ceux des Hérétiques et les lieux de débauches qui sont le séjour le plus ordinaire des impies.
Qu'il en chassa ceux qui y trafiquaient, pour vous apprendre encore quel respect et quelle révérence vous devez rendre aux Églises et aux autres lieux de piété; et qu'il n'est pas permis de les profaner en quelque manière que ce soit : puisqu’ils sont destinés et consacrés avec des cérémonies toutes saintes et toutes particulières, pour y faire des prières, offrir des sacrifices, entendre la parole de Dieu et recevoir les Sacrements.
Il renversa les tables des Banquiers, et les chaises de ceux qui y vendaient des colombes.
Considérez combien le péché de ceux qui trafiquent dans les lieux saint, comme sont les Églises, est désagréable à Dieu; puisque Jésus qui est si doux et si bénin, s'irrite même
contre des choses inanimées qu'il y rencontre, comme sont des tables et des chaises ; parce qu'elles étaient les instruments de ce sacrilège honteux et profane.
Pensez que s'il a été si rigoureux et si terrible dans le monde où il devait être jugé, combien plus il le sera lors du jugement de tous les hommes.
Pensez à ce qui est figuré par ces gens qui trafiquaient dans le Temple, et qui y vendaient des colombes. La colombe représente à la vérité le saint Esprit qui en a pris la figure toutes les fois qu'il a paru sur la terre. Mais qui sont les vendeurs de colombes, sinon ceux qui font trafic des choses saintes, comme les Prêtres qui ne célèbrent que par l'espérance du profit, les Chanoines qui n'assistent aux heures Canoniales qu'en vue de la rétribution, les Prédicateurs qui ne briguent les chaires que pour acquérir du bien ou de la réputation. En un mot tous ceux qui ne s'emploient qu'à permuter ou à rechercher des Bénéfices Ecclésiastiques ?
Ma maison sera appelée la maison de prière, et vous en avez fait une caverne de voleurs.
Considérez que les Temples et les lieux saints, sont appelés des maisons de prière.
1. Parce qu'ils sont particulièrement consacrés à Dieu pour y faire Oraison.
2. Parce que les Chrétiens s'y assemblent pour y présenter leurs requêtes les uns avec les autres, à cause que la prière de plusieurs étant unie, est beaucoup plus efficace pour obtenir ce que l'on demande.
3. Parce que les Anges y sont toujours présents pour reporter vers Dieu les vœux que nous lui présentons.
4. Parce que les morts même n'en sont pas éloignés; et que leurs cendres et leurs os sont plus éloquents devant Dieu, et ont plus de vertu que n'eut autrefois le sang du juste Abel.
Considérez que ceux qui trafiquent sont nommés voleurs, à cause que ces sortes de gens semblent avoir de l'inclination et de la pente pour le larcin. En effet combien trouve-t`on de finesses , de tromperies , d'usures et de semblables sortes d'injustice, dans les ventes et dans les achats? Il semble que dans le commerce l'on n'ait point d'autre soin n`y d'autre but que de tromper.
Le temple de Jérusalem
64- DU FIGUIER MAUDIT ET SÈCHE. (Marc 11,12)
Jésus étant sorti le matin de Béthanie, eut et ayant aperçu un figuier qui avait des feuilles et n`avait point de fruits, car il n'était pas la saison des Figues, il le maudit, et à l'heure même il sécha.
Considérez que ce Seigneur qui nourrit dans le Ciel tous les esprits bienheureux, et qui pourvoit à l'aliment de tout animal vivant, souffre la faim dès le matin, parce que n'ayant pris aucune réfection le jour précèdent, il avait passé la nuit en prière pour guérir, votre aveuglement aussi bien que celui des Juifs.
Remarquez qu'ayant faim il s'approcha d'un figuier pour en manger du fruit, et que n'y en ayant point trouvé il le maudit; mais persuadez-vous, que la même chose vous peut arriver, si vous n'êtes chargé que des feuilles des bons désirs, et des résolutions qui n'ont point d'effet; si de même que ce figuier était planté sur un grand chemin, vous vivez d'une manière commune et relâchée, comme l'on fait dans le monde.
Faites réflexion pourquoi n'étant pas la saison des figues, ce figuier fut toutefois maudit. Sans doute pourtant que la colère du Seigneur n'était pas animée contre cet arbre, mais contre ceux qui s'endurcissent en leurs péchés, alors même qu'ils sont dans la saison de porter des fruits dignes de pénitence. Car la faim qui pressait Jésus était de voir les cœurs obstinés s'amollir et se convertir par le mérite de sa Passion, faisant voir en même temps que si nous ne prenons l'occasion d'une grâce si considérable et si abondante, il y a danger qu'il ne nous abandonne.
Les Disciples voyant ce prodige, s'en étonnèrent, et disaient: Comment ce figuier a t`il si aussitôt séché?
Considérez que les Apôtres tombèrent dans une autre extrémité, en ce qu'ayant vu ce miracle, ils s'arrêtèrent à l'admirer, au lieu de s'informer du Sauveur pourquoi il avait fulminé une malédiction si rigoureuse contre cet arbre, car ils eussent pu recueillir quelque instruction de sa réponse, comme d'appréhender l'endurcissement de cœur dont ce figuier sans fruit était la figure.
Remarquez que ceux qui après avoir entendu quelque prédication qui les a touché se contentent de l`admirer, et de dire: Jamais homme n'a parlé de la sorte, et ne se mettent pas en peine de pratiquer ce qu'ils ont appris, imitant les Apôtres en cette rencontre. Les Disciples de saint Jean ne se comportèrent pas de cette manière ; car après avoir admiré et les paroles et les actions de leur Maitre; ils lui dirent aussitôt: Que ferons-nous donc nous autres ? De même que celui qui ayant entendu Jésus qui prêchait : Mon bon Maitre, lui dit-il, que faut-il que je fasse pour parvenir à la vie éternelle ?
Et comme il venait au Temple, les Princes des Prêtres et les Anciens du peuple l' abordèrent et lui dirent : Quel pouvoir avez-vous de faire ce que vous faites? Il leur répondit : Dites-moi aussi vous autres ce que vous pensez du Baptême de Jean, était-il du Ciel ou des hommes? Nous ne le savons, lui dirent-ils. Je ne vous dirai pas non plus, leur répliqua Jésus, quel est le pouvoir que j'ai de faire ce que je fais.
Considérez qu'il n'est permis à personne de dire à Dieu, qui est le Souverain de toutes choses; Pourquoi faites-vous ceci ou cela ? Toutes les créatures ne sont-elles pas en sa main, comme l'argile en celle du Potier pour en faire ce qu'il lui plaira ? Cela fait que ceux qui murmurent contre la divine Providence, et disent en eux-mêmes : A quoi cette calamité est-elle utile? ou, Pourquoi ces impies restent-ils sur la terre ? pèchent lourdement.
Considérez que Jésus répondit aux Juifs par une autre demande qui les rendit confus et les fit taire: pour faire voir que ceux qui veulent pénétrer les secrets de Dieu avec trop de curiosité, ne pourront lui répondre au jour du Jugement, quand il leur demandera compte ; car alors il leur fermera la bouche. Ce qui a fait dire à Job : S'il interroge, qui pourra lui répondre.
65 - DU TRIBUT DÛ A CÉSAR ( Luc 20,25 – Matthieu 22,21)
Quelques Disciples des Pharisiens furent envoyés vers Jésus avec des Hérodiens, et lui dirent: Maitre nous savons que vous êtes véritable, que vous enseignez, la voie de Dieu, avec une parfaite sincérité, sans avoir égard ni aux personnes ni à leurs qualités.
Considérez quel est le génie des méchants : 1. Ils s'associent avec leurs semblables. 2. Ils font faire par autrui ce qu'ils ne peuvent faire eux-mêmes. 3. Ils forment des desseins contre les gens de bien. 4. Ils n'agissent que par dissimulation. 5. Ils usent même de caresses, de flatteries et d'éloges pour faire réussir leur intention.
Remarquez qu'au contraire le propre des gens de bien, et de ceux qui imitent Jésus, c'est d'être les maitres, c'est à dire les auteurs des actions louables que font les autres, à qui ils les persuadent et de vive voix, et par leurs exemples. 2. D'être sincères et véritables en leurs paroles, de n'être point dissimulés dans leur conversation, et de s'acquitter de leurs promesses. 3. D'enseigner la voie de Dieu avec un parfaite et sincère vérité, sans s'amuser à discourir de bagatelles, mais s'employant à des entretiens sérieux et de piété, et proposant et exerçant les vertus les plus solides. 4. De ne craindre qui que ce soit que Dieu; de présenter partout librement la vérité; de louer enfin les gens de bonne vie et de blâmer et reprendre les méchants.
Sur ce qu'ils demandèrent a Jésus s'il fallait payer le tribut (l`impôt) à César, il leur répondit : Hypocrites, pourquoi avez-vous dessein de me surprendre. Montrez-moi une pièce de monnaie qui puisse être employée à payer le tribut : ils lui présentèrent un denier sur lequel était l'image de César.
Considérez que Jésus n`a point de complaisance pour les flatteurs, parce qu'ils ont coutume non pas de louer, mais de prendre leur avantage : pour vous instruire : 1. A ne point rechercher les bonnes grâces et la faveur des hommes. 2. Que ceux qui sont dissimulés et trompeurs ne peuvent pas être longtemps inconnus. Qu'il est fort à propos de prendre de leurs propres paroles l'occasion de les reprendre: car ayant dit ici à Jésus qu'il n'avait point d'égard aux personnes, ni à leurs qualités, il ne les a point épargnés, mais il les a traités d'hypocrites.
Considérez quelle est l'image imprimée dans notre âme pour résister aux tentations du Démon ( ange déchus), de la chair et du monde : car c’est celle de Dieu même, qui a été gravée sur vous quand vous avez été créé, et sellée dans votre adoption par le Sacrement de Baptême, du signe de la croix, avec cette devise : Fuyez le mal, et faites le bien; ce que vous y avez promis si hautement ; ou avec celle-ci, en cas que vous soyez Religieux: Gardez la pauvreté, la chasteté, et l'obéissance, que vous avez promis et vouées.
Il leur dit alors: Rendez, donc à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.
Considérez qu'encore que Jésus nous ait affranchis de l'esclavage du péché et du démon (ange déchu) nous ne sommes pourtant pas dispensés de l'obéissance que nous devons à nos supérieurs séculiers ou Ecclésiastiques, tant à cause de leurs charges qui les obligent à veiller sur les affaires qui regardent et notre corps et notre esprit, qu'à cause que Jésus lui-même qui est le Souverain de toute la nature, n'a pas voulu s'en dispenser, puisqu’il a commandé que l'on payait deux dragmes (pièces de monnaies) pour lui et pour saint Pierre, de peur d'être cause de scandale.
Remarquez que Dieu est ici nommé après César, parce que celui qui est rebelle à son Prince ou à son supérieur, ne peut obéir à Dieu; de même que Dieu ne peut être aimé de celui qui a de l'aversion pour son prochain.
Le pharisien présentant une pièce de monnaie au Christ
66 - DE LA ROBE NUPTIALE ( Matthieu 22,1)
Jésus dit cette parabole à ses Disciples : Un Roi invita plusieurs personnes aux noces de son fils, mais les uns s'en excusèrent, et les autres tuèrent même ceux qui les y invitaient.
Considérez que le Père Éternel fît les noces de son Fils, quand il se fît homme dans les flancs de la sacrée Vierge; et que vous y avez été convié. Ceux qui assistent à ces noces, c'est à dire qui reçoivent Jésus par le moyen d'une foi vive, sont les enfants, les amis, et les domestiques de Dieu, les héritiers de son Royaume, les frères et les compagnons inséparables de Jésus, qui ont part aux dons du saint Esprit, et à toutes les grâces du Ciel: Car quiconque est uni à Dieu, dit St Paul ( 1. Corinthiens 6) est un même esprit avec lui.
Considérez que deux sortes de personnes s'excusent d'aller à ces noces. Ceux qui vont voir leur métairies, et ceux qui trafiquent : c'est à dire les avares.
Le Roi irrité de ce refus et de ce procédé, fit mourir tous ces homicides, et commanda que l'on appelât tous ceux que l'on trouverait dans les rues, dans les carrefours et dans les grands chemins, ect.
Considérez quelle est la fin de ceux qui négligent de venir à ces noces, ou qui tuent ou maltraitent ceux qui les y convient; tels que sont les Prédicateurs qui exhortent les hommes à la Pénitence et à l'usage des autres Sacrements: car après des plaisirs de peu de durée dont ils jouissent en cette vie, ils périront sans doute et seront condamnés à des flammes éternelles.
Les méchants à la vérité se raillent en ce monde et tourmentent les gens de bien qui viennent à ces noces par le fréquent usage des Sacrements, mais ils seront ensuite le misérable objet de la risée, de la cruauté et de la rage d'une troupe presque infinie de démons ( anges déchus).
Considérez que l'on y invite ceux qui se trouvent dans les chemins publics, c'est à dire les pauvres d'esprit et les humbles, qui suppléent au défaut des superbes et des riches , parce que personne ne peut avoir entrée à ces noces mystiques, s'il n'a une véritable humilité et une parfaite charité accompagnée de la foi.
Le Roi voyant un homme qui n'avait pas son habit de noces, lui dit: Mon ami comment avez, vous osé entrer ici en cet état, ect. Liez-lui les mains et les pieds, et jetez-le dans les ténèbres extérieures.
Considérez que cet homme, quoi qu'il eut été invité à ces noces, et qu'il y fut présent, est néanmoins condamné parce qu'il n'avait pas la robe nuptiale. Car il y a quelquefois des hypocrites qui semblent être gens de bien en apparence, qui prient, et qui fréquentent les Sacrements comme les autres, mais qui n'ont pas toutefois leur habit de noces; c'est à dire qui ne s'appliquent pas à ces actions de vertu avec sincérité et à mieux régler leur vie; mais font le tout seulement par dissimulation, pour plaire aux hommes.
Le Seigneur commanda premièrement que l'on lui amenât une ânesse et son poulain. Déliez-les dit-il, et me les amenés. Que si quelqu'un vous dit quelque choses, dites que le Seigneur en a besoin et il vous les abandonnera.
Considérez que Jésus choisit pour son triomphe seulement deux vils et méprisables animaux, et qui sont en si mauvais état qu'ils n'ont pas même ce qui est nécessaire pour les monter pour vous apprendre que le triomphe et la véritable gloire du Chrétien ne consiste que dans l'amour du mépris de soi-même, de l'humilité et de la pauvreté. En effet le Royaume des Cieux appartient aux pauvres d'esprit.
Considérez que Jésus fait paraitre sa puissance dans son abaissement; tant en ce que comme étant le maitre de toutes choses, il commande que l'on délie ces animaux, et que l'on les lui amène, sans en demander permission à leur maitre; qu'en ce qu'il dispose l'esprit de cet homme, quoi qu'éloigné, à les laisser aller. Et cela pour vous apprendre qu'il n'y a rien de plus puissant que l'humilité pour obtenir le pardon de ses péchés, pour se réconcilier avec Dieu, et pour impétrer ce que l'on lui demande.
Les Disciples obéirent ponctuellement à ce que Jésus avait commandé, et ayant mis leurs habits sur l`ânesse, ils le firent asseoir dessus.
Considérez la parfaite obéissance de ces Disciples, tant en ce qu'ils ne firent point de réflexion sur ce qui leur était commandé et qu'ils se soumirent à un emploi si ravalé que de conduire publiquement dans les rues une ânesse avec son poulain.
Considérez aussi leur simplicité et leur dévotion envers Jésus, en ce que pour lui faire honneur ils se dépouillèrent de leurs habits quoique tout délabrés, et les mirent sur cette ânesse ; pour nous apprendre qu'encore que Jésus se soit humilié, il est pourtant de notre devoir de l'honorer autant que nous le pouvons; ce à-quoi nous invite même l'éclat et la beauté de nos-Églises qui sont si magnifiquement parées pour lui rendre d'autant plus de respect , et faire un plus digne hommage à sa gloire.
Pensez quel est l'amour que Jésus a pour nous, qui souffre d'être porté par une ânesse; c'est à dire par notre corps, qui est sujet à tant de péchés, lors qu'après en avoir été absous, et que nous sommes revêtus des vertus des Apôtres figurées par leurs habits, nous recevons la sainte Eucharistie.
Le peuple qui était disposé à l`accueillir, allait à sa rencontre, jonchait le chemin de ses habits et de branches d'arbres, et criait hautement : Hosanna au Fils de David- Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur.
Considérez que vous vous dépouillez de vos habits et que vous les jetez aux pieds de Jésus, lorsque de vos biens temporels vous soulagez les pauvres qui sont figurés par ses pieds; que vous jonchez le chemin par où il doit passer de branches d'olive, quand vous faites quelque œuvre de charité et de miséricorde; et de rameaux de palmier, quand vous remportez la victoire de quelque tentation. Enfin que vous chantez Hosanna , quand vous reconnaissez ses bienfaits, et que vous les publiés.
Considérez que l'honneur que ce peuple rendit à Jésus, fut bientôt suivi de la dernière ignominie. Aujourd’hui ils se dépouillent de leurs habits, et les jettent à ses pieds, dans peu de temps ils le dépouilleront des liens, et le vêtiront d'une robe empruntée pour en faire l'objet d'une honteuse et sanglante raillerie. Aujourd’hui ils lui rendent leurs respects et lui font une humble révérence, tenant en main des branches d'arbres, des feuilles et des fleurs; bientôt ils le flagelleront comme un esclave, avec des verges et des épines, et l'attacheront à une croix.
Faites réflexion sur vous-même , et prenez bien garde si vous n'avez point imité ces gens; car si après avoir reçu Jésus dans votre âme au Sacrement de la Pénitence ( Confession), et dans votre cœur en la sainte Communion, vous êtes retombé de nouveau dans les péchés qui vous avaient été pardonnés vous l'avez sans doute chassé de chez vous avec outrage, et vous l'avez crucifié de nouveau.
63 - LES VENDEURS CHASSÉS HORS DU TEMPLE ( Matthieu 21, 12 – Jean 2, 13 - Luc 19-45 )
Jésus entra dans le Temple de Dieu, et en chassa ceux qui y vendaient, et ceux qui y achetaient.
Considérez combien de fois il est dit dans l'Écriture que Jésus soit entré dans le Temple. Sa sainte Mère l`y porta entre ses bras lorsqu'il était encore enfant. Il y fut mené par saint Joseph accompagné de la sacrée Vierge quand il eut atteint l'âge de douze ans, et s'y arrêta pendant trois jours. Aujourd’hui il y va de son propre mouvement, pour vous apprendre combien il importe de visiter souvent les Églises et les autres lieux saints; d'autant plus que nous ne lisons point que Jésus ait si souvent fréquenté aucun lieu que le Temple.
Pesez que ce Temple est appelle le Temple de Dieu, pour vous instruire de ne point entrer dans les temples des démons ( des anges déchus), tels que sont ceux des Hérétiques et les lieux de débauches qui sont le séjour le plus ordinaire des impies.
Qu'il en chassa ceux qui y trafiquaient, pour vous apprendre encore quel respect et quelle révérence vous devez rendre aux Églises et aux autres lieux de piété; et qu'il n'est pas permis de les profaner en quelque manière que ce soit : puisqu’ils sont destinés et consacrés avec des cérémonies toutes saintes et toutes particulières, pour y faire des prières, offrir des sacrifices, entendre la parole de Dieu et recevoir les Sacrements.
Il renversa les tables des Banquiers, et les chaises de ceux qui y vendaient des colombes.
Considérez combien le péché de ceux qui trafiquent dans les lieux saint, comme sont les Églises, est désagréable à Dieu; puisque Jésus qui est si doux et si bénin, s'irrite même
contre des choses inanimées qu'il y rencontre, comme sont des tables et des chaises ; parce qu'elles étaient les instruments de ce sacrilège honteux et profane.
Pensez que s'il a été si rigoureux et si terrible dans le monde où il devait être jugé, combien plus il le sera lors du jugement de tous les hommes.
Pensez à ce qui est figuré par ces gens qui trafiquaient dans le Temple, et qui y vendaient des colombes. La colombe représente à la vérité le saint Esprit qui en a pris la figure toutes les fois qu'il a paru sur la terre. Mais qui sont les vendeurs de colombes, sinon ceux qui font trafic des choses saintes, comme les Prêtres qui ne célèbrent que par l'espérance du profit, les Chanoines qui n'assistent aux heures Canoniales qu'en vue de la rétribution, les Prédicateurs qui ne briguent les chaires que pour acquérir du bien ou de la réputation. En un mot tous ceux qui ne s'emploient qu'à permuter ou à rechercher des Bénéfices Ecclésiastiques ?
Ma maison sera appelée la maison de prière, et vous en avez fait une caverne de voleurs.
Considérez que les Temples et les lieux saints, sont appelés des maisons de prière.
1. Parce qu'ils sont particulièrement consacrés à Dieu pour y faire Oraison.
2. Parce que les Chrétiens s'y assemblent pour y présenter leurs requêtes les uns avec les autres, à cause que la prière de plusieurs étant unie, est beaucoup plus efficace pour obtenir ce que l'on demande.
3. Parce que les Anges y sont toujours présents pour reporter vers Dieu les vœux que nous lui présentons.
4. Parce que les morts même n'en sont pas éloignés; et que leurs cendres et leurs os sont plus éloquents devant Dieu, et ont plus de vertu que n'eut autrefois le sang du juste Abel.
Considérez que ceux qui trafiquent sont nommés voleurs, à cause que ces sortes de gens semblent avoir de l'inclination et de la pente pour le larcin. En effet combien trouve-t`on de finesses , de tromperies , d'usures et de semblables sortes d'injustice, dans les ventes et dans les achats? Il semble que dans le commerce l'on n'ait point d'autre soin n`y d'autre but que de tromper.
Le temple de Jérusalem
64- DU FIGUIER MAUDIT ET SÈCHE. (Marc 11,12)
Jésus étant sorti le matin de Béthanie, eut et ayant aperçu un figuier qui avait des feuilles et n`avait point de fruits, car il n'était pas la saison des Figues, il le maudit, et à l'heure même il sécha.
Considérez que ce Seigneur qui nourrit dans le Ciel tous les esprits bienheureux, et qui pourvoit à l'aliment de tout animal vivant, souffre la faim dès le matin, parce que n'ayant pris aucune réfection le jour précèdent, il avait passé la nuit en prière pour guérir, votre aveuglement aussi bien que celui des Juifs.
Remarquez qu'ayant faim il s'approcha d'un figuier pour en manger du fruit, et que n'y en ayant point trouvé il le maudit; mais persuadez-vous, que la même chose vous peut arriver, si vous n'êtes chargé que des feuilles des bons désirs, et des résolutions qui n'ont point d'effet; si de même que ce figuier était planté sur un grand chemin, vous vivez d'une manière commune et relâchée, comme l'on fait dans le monde.
Faites réflexion pourquoi n'étant pas la saison des figues, ce figuier fut toutefois maudit. Sans doute pourtant que la colère du Seigneur n'était pas animée contre cet arbre, mais contre ceux qui s'endurcissent en leurs péchés, alors même qu'ils sont dans la saison de porter des fruits dignes de pénitence. Car la faim qui pressait Jésus était de voir les cœurs obstinés s'amollir et se convertir par le mérite de sa Passion, faisant voir en même temps que si nous ne prenons l'occasion d'une grâce si considérable et si abondante, il y a danger qu'il ne nous abandonne.
Les Disciples voyant ce prodige, s'en étonnèrent, et disaient: Comment ce figuier a t`il si aussitôt séché?
Considérez que les Apôtres tombèrent dans une autre extrémité, en ce qu'ayant vu ce miracle, ils s'arrêtèrent à l'admirer, au lieu de s'informer du Sauveur pourquoi il avait fulminé une malédiction si rigoureuse contre cet arbre, car ils eussent pu recueillir quelque instruction de sa réponse, comme d'appréhender l'endurcissement de cœur dont ce figuier sans fruit était la figure.
Remarquez que ceux qui après avoir entendu quelque prédication qui les a touché se contentent de l`admirer, et de dire: Jamais homme n'a parlé de la sorte, et ne se mettent pas en peine de pratiquer ce qu'ils ont appris, imitant les Apôtres en cette rencontre. Les Disciples de saint Jean ne se comportèrent pas de cette manière ; car après avoir admiré et les paroles et les actions de leur Maitre; ils lui dirent aussitôt: Que ferons-nous donc nous autres ? De même que celui qui ayant entendu Jésus qui prêchait : Mon bon Maitre, lui dit-il, que faut-il que je fasse pour parvenir à la vie éternelle ?
Et comme il venait au Temple, les Princes des Prêtres et les Anciens du peuple l' abordèrent et lui dirent : Quel pouvoir avez-vous de faire ce que vous faites? Il leur répondit : Dites-moi aussi vous autres ce que vous pensez du Baptême de Jean, était-il du Ciel ou des hommes? Nous ne le savons, lui dirent-ils. Je ne vous dirai pas non plus, leur répliqua Jésus, quel est le pouvoir que j'ai de faire ce que je fais.
Considérez qu'il n'est permis à personne de dire à Dieu, qui est le Souverain de toutes choses; Pourquoi faites-vous ceci ou cela ? Toutes les créatures ne sont-elles pas en sa main, comme l'argile en celle du Potier pour en faire ce qu'il lui plaira ? Cela fait que ceux qui murmurent contre la divine Providence, et disent en eux-mêmes : A quoi cette calamité est-elle utile? ou, Pourquoi ces impies restent-ils sur la terre ? pèchent lourdement.
Considérez que Jésus répondit aux Juifs par une autre demande qui les rendit confus et les fit taire: pour faire voir que ceux qui veulent pénétrer les secrets de Dieu avec trop de curiosité, ne pourront lui répondre au jour du Jugement, quand il leur demandera compte ; car alors il leur fermera la bouche. Ce qui a fait dire à Job : S'il interroge, qui pourra lui répondre.
65 - DU TRIBUT DÛ A CÉSAR ( Luc 20,25 – Matthieu 22,21)
Quelques Disciples des Pharisiens furent envoyés vers Jésus avec des Hérodiens, et lui dirent: Maitre nous savons que vous êtes véritable, que vous enseignez, la voie de Dieu, avec une parfaite sincérité, sans avoir égard ni aux personnes ni à leurs qualités.
Considérez quel est le génie des méchants : 1. Ils s'associent avec leurs semblables. 2. Ils font faire par autrui ce qu'ils ne peuvent faire eux-mêmes. 3. Ils forment des desseins contre les gens de bien. 4. Ils n'agissent que par dissimulation. 5. Ils usent même de caresses, de flatteries et d'éloges pour faire réussir leur intention.
Remarquez qu'au contraire le propre des gens de bien, et de ceux qui imitent Jésus, c'est d'être les maitres, c'est à dire les auteurs des actions louables que font les autres, à qui ils les persuadent et de vive voix, et par leurs exemples. 2. D'être sincères et véritables en leurs paroles, de n'être point dissimulés dans leur conversation, et de s'acquitter de leurs promesses. 3. D'enseigner la voie de Dieu avec un parfaite et sincère vérité, sans s'amuser à discourir de bagatelles, mais s'employant à des entretiens sérieux et de piété, et proposant et exerçant les vertus les plus solides. 4. De ne craindre qui que ce soit que Dieu; de présenter partout librement la vérité; de louer enfin les gens de bonne vie et de blâmer et reprendre les méchants.
Sur ce qu'ils demandèrent a Jésus s'il fallait payer le tribut (l`impôt) à César, il leur répondit : Hypocrites, pourquoi avez-vous dessein de me surprendre. Montrez-moi une pièce de monnaie qui puisse être employée à payer le tribut : ils lui présentèrent un denier sur lequel était l'image de César.
Considérez que Jésus n`a point de complaisance pour les flatteurs, parce qu'ils ont coutume non pas de louer, mais de prendre leur avantage : pour vous instruire : 1. A ne point rechercher les bonnes grâces et la faveur des hommes. 2. Que ceux qui sont dissimulés et trompeurs ne peuvent pas être longtemps inconnus. Qu'il est fort à propos de prendre de leurs propres paroles l'occasion de les reprendre: car ayant dit ici à Jésus qu'il n'avait point d'égard aux personnes, ni à leurs qualités, il ne les a point épargnés, mais il les a traités d'hypocrites.
Considérez quelle est l'image imprimée dans notre âme pour résister aux tentations du Démon ( ange déchus), de la chair et du monde : car c’est celle de Dieu même, qui a été gravée sur vous quand vous avez été créé, et sellée dans votre adoption par le Sacrement de Baptême, du signe de la croix, avec cette devise : Fuyez le mal, et faites le bien; ce que vous y avez promis si hautement ; ou avec celle-ci, en cas que vous soyez Religieux: Gardez la pauvreté, la chasteté, et l'obéissance, que vous avez promis et vouées.
Il leur dit alors: Rendez, donc à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.
Considérez qu'encore que Jésus nous ait affranchis de l'esclavage du péché et du démon (ange déchu) nous ne sommes pourtant pas dispensés de l'obéissance que nous devons à nos supérieurs séculiers ou Ecclésiastiques, tant à cause de leurs charges qui les obligent à veiller sur les affaires qui regardent et notre corps et notre esprit, qu'à cause que Jésus lui-même qui est le Souverain de toute la nature, n'a pas voulu s'en dispenser, puisqu’il a commandé que l'on payait deux dragmes (pièces de monnaies) pour lui et pour saint Pierre, de peur d'être cause de scandale.
Remarquez que Dieu est ici nommé après César, parce que celui qui est rebelle à son Prince ou à son supérieur, ne peut obéir à Dieu; de même que Dieu ne peut être aimé de celui qui a de l'aversion pour son prochain.
Le pharisien présentant une pièce de monnaie au Christ
66 - DE LA ROBE NUPTIALE ( Matthieu 22,1)
Jésus dit cette parabole à ses Disciples : Un Roi invita plusieurs personnes aux noces de son fils, mais les uns s'en excusèrent, et les autres tuèrent même ceux qui les y invitaient.
Considérez que le Père Éternel fît les noces de son Fils, quand il se fît homme dans les flancs de la sacrée Vierge; et que vous y avez été convié. Ceux qui assistent à ces noces, c'est à dire qui reçoivent Jésus par le moyen d'une foi vive, sont les enfants, les amis, et les domestiques de Dieu, les héritiers de son Royaume, les frères et les compagnons inséparables de Jésus, qui ont part aux dons du saint Esprit, et à toutes les grâces du Ciel: Car quiconque est uni à Dieu, dit St Paul ( 1. Corinthiens 6) est un même esprit avec lui.
Considérez que deux sortes de personnes s'excusent d'aller à ces noces. Ceux qui vont voir leur métairies, et ceux qui trafiquent : c'est à dire les avares.
Le Roi irrité de ce refus et de ce procédé, fit mourir tous ces homicides, et commanda que l'on appelât tous ceux que l'on trouverait dans les rues, dans les carrefours et dans les grands chemins, ect.
Considérez quelle est la fin de ceux qui négligent de venir à ces noces, ou qui tuent ou maltraitent ceux qui les y convient; tels que sont les Prédicateurs qui exhortent les hommes à la Pénitence et à l'usage des autres Sacrements: car après des plaisirs de peu de durée dont ils jouissent en cette vie, ils périront sans doute et seront condamnés à des flammes éternelles.
Les méchants à la vérité se raillent en ce monde et tourmentent les gens de bien qui viennent à ces noces par le fréquent usage des Sacrements, mais ils seront ensuite le misérable objet de la risée, de la cruauté et de la rage d'une troupe presque infinie de démons ( anges déchus).
Considérez que l'on y invite ceux qui se trouvent dans les chemins publics, c'est à dire les pauvres d'esprit et les humbles, qui suppléent au défaut des superbes et des riches , parce que personne ne peut avoir entrée à ces noces mystiques, s'il n'a une véritable humilité et une parfaite charité accompagnée de la foi.
Le Roi voyant un homme qui n'avait pas son habit de noces, lui dit: Mon ami comment avez, vous osé entrer ici en cet état, ect. Liez-lui les mains et les pieds, et jetez-le dans les ténèbres extérieures.
Considérez que cet homme, quoi qu'il eut été invité à ces noces, et qu'il y fut présent, est néanmoins condamné parce qu'il n'avait pas la robe nuptiale. Car il y a quelquefois des hypocrites qui semblent être gens de bien en apparence, qui prient, et qui fréquentent les Sacrements comme les autres, mais qui n'ont pas toutefois leur habit de noces; c'est à dire qui ne s'appliquent pas à ces actions de vertu avec sincérité et à mieux régler leur vie; mais font le tout seulement par dissimulation, pour plaire aux hommes.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
67 - DU PÈRE DE FAMILLE (Matthieu 21,33)
Il y avait un père de famille qui ayant planté une vigne, l` avait entourée d'une haie, et l'avait louée à des vignerons.
Considérez que Dieu est ce père de famille, à qui à l'égard de tout l'Univers l'on peut attribuer cette qualité. Le Ciel est sa maison, et ce bas monde est sa vigne. Quelque homme que ce soit a aussi la charge de père de famille, et son âme est sa vigne qu'il doit cultiver par les vertus, en retranchant ce qui y est de superflu par les austérités.
Le temps de la vendange étant proche, il envoya ses serviteurs pour en recueillir les fruits.
Considérez 1. que cette vie est le seul et vrai temps de cultiver la vigne de notre âme : qu'il faut donc y travailler, de ne pas se tenir à rien faire; car si nous ne la cultivons avec un soin tout particulier, elle ne rapportera pas des fruits dignes de pénitence, et ne pourra mériter le Royaume du Ciel.
2. Que la récolte répond ordinairement au travail et à la peine.
3. Que le moment de la mort est le temps de la moisson: car alors chacun jouira du salaire de son travail.
4. Que les serviteurs de ce père de famille nous figurent les Prédicateurs, les Confesseurs, et tous ceux qui ont soin de notre salut; à quoi l'on peut ajouter les inspirations divines, et que nous leur devons rendre obéissance.
Ces serviteurs du père de famille ayant été tués, par les vignerons, et son propre fils ayant été mis avec violence hors de la vigne, et cruellement assassiné, quand il y viendra lui-même en personne, que leur fera- t`il? Sans doute qu`il les fera périr.
Considérez que quiconque s'élève et s'emporte jusqu’à violer le respect; qui est dû aux Pasteurs, aux Évêques , aux Curés, aux Prêtres et aux Religieux, doit être censé plus coupable que ces vignerons dont il est parlé dans cet Évangile; car il faut se persuader que l'on touche Dieu en la prunelle de son œil, lorsque l'on entreprend quelque chose au préjudice de ces personnes qui lui font dévouées et attachées à son service.
Considérez que ceux qui font injure à Jésus, s'attaquent au propre fils du Père de famille; car il est le Fils bien-aimé du Père Éternel; et l'objet de toutes ses complaisances. Outre que, ce qui est surprenant, ils auraient plus de considération et de retenue pour le fils d'un Roi de la terre.
Que ceux-là mettent Jésus hors de la vigne avec violence, qui l'offense mortellement.
Que si l'on châtie rigoureusement ceux qui font insulte au valet d'un homme mortel, pensez de quels punitions doivent être punis ceux qui recommencent par leurs crimes à crucifier le Fils de Dieu.
68 - DE L'ABOMINATION DE DÉSOLATION ( Matthieu 24,15)
Jésus dit à ses Disciples : Quand vous verrez, l`abomination de désolation dans le lieu saint : alors que ceux qui seront en la Judée s'enfuient sur les montagnes; que ceux qui seront sur les toits, n'en descendent point; et que ceux qui seront dans les champs, ne retournent point pour prendre leurs habits.
Considérez que nous sommes instruits par cet Évangile de ce que nous devons faire quand il arrive une désolation semblable à celle dont il y est parlé, c'est à dire quand les choses saintes sont profanées, les images renversées , la Messe abolie , les Catholiques chassés; comme l'on fait dans presque tout l'Orient, et dans une partie l'Europe.1. Car ceux qui sont en la Judée, c'est à dire qui persévèrent constamment dans la profession de la foi Catholique, doivent s'enfuir sur les montagnes, c'est à dire contempler le Ciel, et arrêter leur espérance dans les biens de l'éternité. 2. Ils doivent; dis-je, se tenir sur les toits c'est à dire fouler aux pieds et mépriser toutes les choses de la terre, sans aucun souci du temporel. 3. Ils doivent enfin demeurer dans le champ, ce qui s'entend d'être assidu à cultiver la vigne et le champ du Seigneur, et procurer au moins la conversion de quelques âmes à la foi.
Malheur aux femmes qui seront enceintes ou nourrices en ces jours-là. Priez, que votre fuite n'arrive point en temps d'hiver ou au jour du Sabbat; car il y aura pour lors une calamité inconcevable, mais la durée n'en sera pas longue.
Considérez dans quel hasard sont aujourd’hui les Fidèles qui vivent parmi les Turcs et parmi les Hérétiques; notamment ceux qui nourrissent des petits enfants, c'est à dire qui ne sont pas si fermes dans la foi, qu'ils aient le cœur de supporter pour Jésus et des opprobres et des outrages; car nous en voyons tous les jours qui succombent malheureusement pour ce sujet.
Si quelqu'un vous dit alors : Le Christ est ici, ou il est là, dans le désert ou dans le lieu le plus caché de la maison, ne le croyez pas, car de même que l'éclair parait en un clin d' œil sortir de l'Orient, et aller jusques a l'Occident, ainsi sera la venue du Fils de l'homme.
Considérez que c'est une marque d'hérésie et de fausseté de religion, quand il est dit qu'elle est comme retirée dans quelque coin ou comme une nouvelle mode. Au contraire de l'Église Catholique qui doit être répandue par tout l'Univers; de même qu'une lumière qui s'étend depuis l'Orient jusques à l'Occident. Cette vérité est assez justifiée par ce que nous voyons en nos jours, puisqu’elle a pénétré jusques aux extrémités de la terre, et y fleurit en beaucoup d'endroits.
69 - DU DERNIER JUGEMENT ( Matthieu 25,31)
Jésus dit à ses Disciples : Lorsque le Fils de l'homme viendra rempli de majesté, et tous les Anges avec lui; alors toutes les nations s'assembleront en sa présence; et il séparera comme un Berger sépare les brebis d'avec les boucs.
Considérez qu'au jour du dernier Jugement le Fils de Dieu précédé de l'Étendard triomphant de la Croix, et au son des trompettes qui retentiront de toutes parts, viendra du Ciel en terre, et paraîtra au milieu des armées de ses Anges, rempli d'une incroyable Majesté; qu'alors à cet effroyable ajournement : Levez-vous morts, venez au Jugement, suivra la résurrection de tous les hommes; et que les Anges sépareront les gens de bien, dont les corps éclateront de splendeur et de lumière, d'avec les méchants qui seront couverts de ténèbres et d'obscurité, et placeront les premiers à la droite, et ceux-ci à la gauche.
Considérez de quelle confusion seront couverts les impies, lorsque tous leurs crimes, même les plus cachés, et qu'ils n'ont commis que de pensée, seront connus de tout le monde; avec quelle joie au contraire et avec quelle assurance se présenteront devant le Juge ceux qui auront confessés leurs péchés et en auront fait pénitence.
Le Roi dira alors a ceux qui seront à sa droite. Venez, les bénits de mon père, prenez, possession du Royaume qui vous a été préparé dès la création du monde. Car j'ai eu faim, ect. Ce que vous avez, fait à l'un de ces petits y vous me l'avez, fait à moi-même.
Considérez la grande bonté et l'amour inconcevable du Juge envers ceux qui seront sauvés, en ce que :
1. Il leur commande de prendre possession d'un Royaume, comme d'une chose qui est due à des enfants à titre de succession.
2. En ce qu'il dit que ce Royaume leur a été préparé devant la création du monde, c'est à dire de toute éternité.
3. En ce qu'il fait tant d'état d'œuvres peu considérables; comme d'avoir rendu visite à des malades, à des prisonniers.
4. En ce qu'il tient fait à soi-même ce que l'on a fait en faveur des plus pauvres et des plus méprisés.
5. En ce qu'il honore du titre de ses frères; ces personnes si peu considérées dans le monde.
6. Considérez que le Juge ne fait mention que des œuvres de miséricorde, quoi qu'il y en ait de beaucoup plus recommandables; mais parce que les hommes en font si peu d'état
Dieu en est particulièrement touché, et comme porté à user d'indulgence envers ceux qui les pratiquent.
Et il dira en même temps à ceux qui seront à sa gauche: Retirez-vous de moi, maudits, et allez, au feu éternel qui est préparé au diable, et à ses Anges. Car j'ai eu faim et vous ne m'avez pas donné à manger, ect.
Considérez comme le Juge après avoir ainsi récompensé les gens de bien, se tournant avec un visage sévère et irrité vers ceux qui seront à la gauche, leur dira les paroles couchées dans l'Évangile; et quelle sera leur épouvante et leur confusion lors qu'ils seront contraints de s'écrier : Montagnes tombez sur nous, afin que nous puissions éviter le regard terrible de celui qui est assis sur le trône. (Apocalypse 6)
Sans doute que cette parole et ce reproche leur seront un supplice plus insupportable que celui même de l'Enfer. Car que peut-on se figurer de plus sensible et de plus infortuné, que d'être arraché et séparé de Jésus qui est le seul et souverain bien et d'être condamné à des flammes éternelles ?
Le Jugement dernier
70 - DES DIX VIERGES ( Matthieu 25,1)
Le Royaume des Cieux est semblable a dix Vierges, qui ayant pis leurs lampes allèrent au-devant de l’Époux et de l'Épouse. Or cinq d'entre elles étaient folles, et les autres cinq étaient sages.
Considérez que l'Église renferme en son sein des gens de bien et des méchants, des fous et des sages; Ils attendent tous la venue du Fils de Dieu, qui au jour du dernier Jugement solennisera les noces avec son Épouse, c'est à dire avec l'Église triomphante.
Ceux qui prétendent d'entretenir la lumière dans leurs lampes sans qu'il y ait de l'huile, sont semblables à des fous; car ils ont à la vérité la foi, mais ils n'ont point de charité et ils ont quelque extérieur en leurs actions, mais ils n'ont point de vertu au-dedans: ils sont Vierges de corps; mais ils ont le cœur tout souillé : ils ont quelque apparence de vertu, mais ils l'ont pourtant en aversion.
Hélas! que c'est une chose éloignée de la raison d'attendre un Juge qui fouillera Jérusalem, c'est à dire dans les plis et les replis des âmes, le flambeau à la main, et l'attendre sans trembler, et ne point mettre ordre à ses affaires. Les sages sans doute agissent bien autrement.
L'Époux tardant à venir, elles s’assoupirent toutes et s'endormirent. Sur la minuit l'on entendit crier à haute voix: Voici l'Époux qui vient, allez, au-devant de lui.
Considérez qu'il semblait à ces Vierges que l'Époux était trop longtemps à venir; car et les gens de bien et les méchants se promettent une longue vie, et se persuadent, comme dit David, qu'ils ne mourront jamais; ce qui fait que les uns se relâchent dans le bien, et les autres s'endurcissent dans le mal : ce que l'Écriture appelle dormir; quand elle dit : Levez-vous, vous qui dormez, et Jésus vous fera voir la lumière.
Pensez que l'Époux arrivera lorsque l'on y pensera le moins, qu'il fera venir devant lui ceux qui ont trop de confiance en eux-mêmes; et qu'il traitera les gens de bien comme un Époux rempli de bonté, et les méchants comme un Juge irrité, sévère et rigoureux.
Considérez comme ces Vierges folles s'étant éveillées d'un profond sommeil, se regardèrent les unes les autres, et combien elles furent surprises lorsqu'avec des yeux étonnés elles s'aperçurent qu'elles n'étaient pas en état de se présenter à l'Époux, n'ayant point d'huile dans leurs lampes. Voilà certes l'image des âmes engagées dans le péché. Elles s'y endorment aisément et hors de saison; c'est à dire qu'elles s'avisent de se fournir d'huile par une pénitence tardive, mais par moquerie elles seront renvoyées aux Marchands, où elles n'en trouveront point, car il ne sera plus temps; où les Vierges sages iront au-devant de l'Époux, parce qu'elles seront disposées et préparées. Je vous laisse à penser quelle alors sera leur joie, et combien elles seront satisfaites de leur prévoyance.
L'Époux étant arrivé; les Vierges sages qui étaient préparées, entrèrent avec lui dans la salle des noces; et la porte en fut fermée. A l'égard des folles il leur dit: Je ne vous connais point.
Considérez que la porte de ce Palais de délices fut fermée, pour ôter aux sages l'appréhension d'en sortir, et aux folles l'espérance d'y entrer.
Pensez combien cette parole : Je ne vous connais point, est formidable; car elle vaut autant que de dire : Allez, maudits au feu éternel.
Faites réflexion sur la conclusion de cette parabole : Veillez, donc, parce que vous ne savez, ni le jour ni l'heure.
Il y avait un père de famille qui ayant planté une vigne, l` avait entourée d'une haie, et l'avait louée à des vignerons.
Considérez que Dieu est ce père de famille, à qui à l'égard de tout l'Univers l'on peut attribuer cette qualité. Le Ciel est sa maison, et ce bas monde est sa vigne. Quelque homme que ce soit a aussi la charge de père de famille, et son âme est sa vigne qu'il doit cultiver par les vertus, en retranchant ce qui y est de superflu par les austérités.
Le temps de la vendange étant proche, il envoya ses serviteurs pour en recueillir les fruits.
Considérez 1. que cette vie est le seul et vrai temps de cultiver la vigne de notre âme : qu'il faut donc y travailler, de ne pas se tenir à rien faire; car si nous ne la cultivons avec un soin tout particulier, elle ne rapportera pas des fruits dignes de pénitence, et ne pourra mériter le Royaume du Ciel.
2. Que la récolte répond ordinairement au travail et à la peine.
3. Que le moment de la mort est le temps de la moisson: car alors chacun jouira du salaire de son travail.
4. Que les serviteurs de ce père de famille nous figurent les Prédicateurs, les Confesseurs, et tous ceux qui ont soin de notre salut; à quoi l'on peut ajouter les inspirations divines, et que nous leur devons rendre obéissance.
Ces serviteurs du père de famille ayant été tués, par les vignerons, et son propre fils ayant été mis avec violence hors de la vigne, et cruellement assassiné, quand il y viendra lui-même en personne, que leur fera- t`il? Sans doute qu`il les fera périr.
Considérez que quiconque s'élève et s'emporte jusqu’à violer le respect; qui est dû aux Pasteurs, aux Évêques , aux Curés, aux Prêtres et aux Religieux, doit être censé plus coupable que ces vignerons dont il est parlé dans cet Évangile; car il faut se persuader que l'on touche Dieu en la prunelle de son œil, lorsque l'on entreprend quelque chose au préjudice de ces personnes qui lui font dévouées et attachées à son service.
Considérez que ceux qui font injure à Jésus, s'attaquent au propre fils du Père de famille; car il est le Fils bien-aimé du Père Éternel; et l'objet de toutes ses complaisances. Outre que, ce qui est surprenant, ils auraient plus de considération et de retenue pour le fils d'un Roi de la terre.
Que ceux-là mettent Jésus hors de la vigne avec violence, qui l'offense mortellement.
Que si l'on châtie rigoureusement ceux qui font insulte au valet d'un homme mortel, pensez de quels punitions doivent être punis ceux qui recommencent par leurs crimes à crucifier le Fils de Dieu.
68 - DE L'ABOMINATION DE DÉSOLATION ( Matthieu 24,15)
Jésus dit à ses Disciples : Quand vous verrez, l`abomination de désolation dans le lieu saint : alors que ceux qui seront en la Judée s'enfuient sur les montagnes; que ceux qui seront sur les toits, n'en descendent point; et que ceux qui seront dans les champs, ne retournent point pour prendre leurs habits.
Considérez que nous sommes instruits par cet Évangile de ce que nous devons faire quand il arrive une désolation semblable à celle dont il y est parlé, c'est à dire quand les choses saintes sont profanées, les images renversées , la Messe abolie , les Catholiques chassés; comme l'on fait dans presque tout l'Orient, et dans une partie l'Europe.1. Car ceux qui sont en la Judée, c'est à dire qui persévèrent constamment dans la profession de la foi Catholique, doivent s'enfuir sur les montagnes, c'est à dire contempler le Ciel, et arrêter leur espérance dans les biens de l'éternité. 2. Ils doivent; dis-je, se tenir sur les toits c'est à dire fouler aux pieds et mépriser toutes les choses de la terre, sans aucun souci du temporel. 3. Ils doivent enfin demeurer dans le champ, ce qui s'entend d'être assidu à cultiver la vigne et le champ du Seigneur, et procurer au moins la conversion de quelques âmes à la foi.
Malheur aux femmes qui seront enceintes ou nourrices en ces jours-là. Priez, que votre fuite n'arrive point en temps d'hiver ou au jour du Sabbat; car il y aura pour lors une calamité inconcevable, mais la durée n'en sera pas longue.
Considérez dans quel hasard sont aujourd’hui les Fidèles qui vivent parmi les Turcs et parmi les Hérétiques; notamment ceux qui nourrissent des petits enfants, c'est à dire qui ne sont pas si fermes dans la foi, qu'ils aient le cœur de supporter pour Jésus et des opprobres et des outrages; car nous en voyons tous les jours qui succombent malheureusement pour ce sujet.
Si quelqu'un vous dit alors : Le Christ est ici, ou il est là, dans le désert ou dans le lieu le plus caché de la maison, ne le croyez pas, car de même que l'éclair parait en un clin d' œil sortir de l'Orient, et aller jusques a l'Occident, ainsi sera la venue du Fils de l'homme.
Considérez que c'est une marque d'hérésie et de fausseté de religion, quand il est dit qu'elle est comme retirée dans quelque coin ou comme une nouvelle mode. Au contraire de l'Église Catholique qui doit être répandue par tout l'Univers; de même qu'une lumière qui s'étend depuis l'Orient jusques à l'Occident. Cette vérité est assez justifiée par ce que nous voyons en nos jours, puisqu’elle a pénétré jusques aux extrémités de la terre, et y fleurit en beaucoup d'endroits.
69 - DU DERNIER JUGEMENT ( Matthieu 25,31)
Jésus dit à ses Disciples : Lorsque le Fils de l'homme viendra rempli de majesté, et tous les Anges avec lui; alors toutes les nations s'assembleront en sa présence; et il séparera comme un Berger sépare les brebis d'avec les boucs.
Considérez qu'au jour du dernier Jugement le Fils de Dieu précédé de l'Étendard triomphant de la Croix, et au son des trompettes qui retentiront de toutes parts, viendra du Ciel en terre, et paraîtra au milieu des armées de ses Anges, rempli d'une incroyable Majesté; qu'alors à cet effroyable ajournement : Levez-vous morts, venez au Jugement, suivra la résurrection de tous les hommes; et que les Anges sépareront les gens de bien, dont les corps éclateront de splendeur et de lumière, d'avec les méchants qui seront couverts de ténèbres et d'obscurité, et placeront les premiers à la droite, et ceux-ci à la gauche.
Considérez de quelle confusion seront couverts les impies, lorsque tous leurs crimes, même les plus cachés, et qu'ils n'ont commis que de pensée, seront connus de tout le monde; avec quelle joie au contraire et avec quelle assurance se présenteront devant le Juge ceux qui auront confessés leurs péchés et en auront fait pénitence.
Le Roi dira alors a ceux qui seront à sa droite. Venez, les bénits de mon père, prenez, possession du Royaume qui vous a été préparé dès la création du monde. Car j'ai eu faim, ect. Ce que vous avez, fait à l'un de ces petits y vous me l'avez, fait à moi-même.
Considérez la grande bonté et l'amour inconcevable du Juge envers ceux qui seront sauvés, en ce que :
1. Il leur commande de prendre possession d'un Royaume, comme d'une chose qui est due à des enfants à titre de succession.
2. En ce qu'il dit que ce Royaume leur a été préparé devant la création du monde, c'est à dire de toute éternité.
3. En ce qu'il fait tant d'état d'œuvres peu considérables; comme d'avoir rendu visite à des malades, à des prisonniers.
4. En ce qu'il tient fait à soi-même ce que l'on a fait en faveur des plus pauvres et des plus méprisés.
5. En ce qu'il honore du titre de ses frères; ces personnes si peu considérées dans le monde.
6. Considérez que le Juge ne fait mention que des œuvres de miséricorde, quoi qu'il y en ait de beaucoup plus recommandables; mais parce que les hommes en font si peu d'état
Dieu en est particulièrement touché, et comme porté à user d'indulgence envers ceux qui les pratiquent.
Et il dira en même temps à ceux qui seront à sa gauche: Retirez-vous de moi, maudits, et allez, au feu éternel qui est préparé au diable, et à ses Anges. Car j'ai eu faim et vous ne m'avez pas donné à manger, ect.
Considérez comme le Juge après avoir ainsi récompensé les gens de bien, se tournant avec un visage sévère et irrité vers ceux qui seront à la gauche, leur dira les paroles couchées dans l'Évangile; et quelle sera leur épouvante et leur confusion lors qu'ils seront contraints de s'écrier : Montagnes tombez sur nous, afin que nous puissions éviter le regard terrible de celui qui est assis sur le trône. (Apocalypse 6)
Sans doute que cette parole et ce reproche leur seront un supplice plus insupportable que celui même de l'Enfer. Car que peut-on se figurer de plus sensible et de plus infortuné, que d'être arraché et séparé de Jésus qui est le seul et souverain bien et d'être condamné à des flammes éternelles ?
Le Jugement dernier
70 - DES DIX VIERGES ( Matthieu 25,1)
Le Royaume des Cieux est semblable a dix Vierges, qui ayant pis leurs lampes allèrent au-devant de l’Époux et de l'Épouse. Or cinq d'entre elles étaient folles, et les autres cinq étaient sages.
Considérez que l'Église renferme en son sein des gens de bien et des méchants, des fous et des sages; Ils attendent tous la venue du Fils de Dieu, qui au jour du dernier Jugement solennisera les noces avec son Épouse, c'est à dire avec l'Église triomphante.
Ceux qui prétendent d'entretenir la lumière dans leurs lampes sans qu'il y ait de l'huile, sont semblables à des fous; car ils ont à la vérité la foi, mais ils n'ont point de charité et ils ont quelque extérieur en leurs actions, mais ils n'ont point de vertu au-dedans: ils sont Vierges de corps; mais ils ont le cœur tout souillé : ils ont quelque apparence de vertu, mais ils l'ont pourtant en aversion.
Hélas! que c'est une chose éloignée de la raison d'attendre un Juge qui fouillera Jérusalem, c'est à dire dans les plis et les replis des âmes, le flambeau à la main, et l'attendre sans trembler, et ne point mettre ordre à ses affaires. Les sages sans doute agissent bien autrement.
L'Époux tardant à venir, elles s’assoupirent toutes et s'endormirent. Sur la minuit l'on entendit crier à haute voix: Voici l'Époux qui vient, allez, au-devant de lui.
Considérez qu'il semblait à ces Vierges que l'Époux était trop longtemps à venir; car et les gens de bien et les méchants se promettent une longue vie, et se persuadent, comme dit David, qu'ils ne mourront jamais; ce qui fait que les uns se relâchent dans le bien, et les autres s'endurcissent dans le mal : ce que l'Écriture appelle dormir; quand elle dit : Levez-vous, vous qui dormez, et Jésus vous fera voir la lumière.
Pensez que l'Époux arrivera lorsque l'on y pensera le moins, qu'il fera venir devant lui ceux qui ont trop de confiance en eux-mêmes; et qu'il traitera les gens de bien comme un Époux rempli de bonté, et les méchants comme un Juge irrité, sévère et rigoureux.
Considérez comme ces Vierges folles s'étant éveillées d'un profond sommeil, se regardèrent les unes les autres, et combien elles furent surprises lorsqu'avec des yeux étonnés elles s'aperçurent qu'elles n'étaient pas en état de se présenter à l'Époux, n'ayant point d'huile dans leurs lampes. Voilà certes l'image des âmes engagées dans le péché. Elles s'y endorment aisément et hors de saison; c'est à dire qu'elles s'avisent de se fournir d'huile par une pénitence tardive, mais par moquerie elles seront renvoyées aux Marchands, où elles n'en trouveront point, car il ne sera plus temps; où les Vierges sages iront au-devant de l'Époux, parce qu'elles seront disposées et préparées. Je vous laisse à penser quelle alors sera leur joie, et combien elles seront satisfaites de leur prévoyance.
L'Époux étant arrivé; les Vierges sages qui étaient préparées, entrèrent avec lui dans la salle des noces; et la porte en fut fermée. A l'égard des folles il leur dit: Je ne vous connais point.
Considérez que la porte de ce Palais de délices fut fermée, pour ôter aux sages l'appréhension d'en sortir, et aux folles l'espérance d'y entrer.
Pensez combien cette parole : Je ne vous connais point, est formidable; car elle vaut autant que de dire : Allez, maudits au feu éternel.
Faites réflexion sur la conclusion de cette parabole : Veillez, donc, parce que vous ne savez, ni le jour ni l'heure.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
71 - DU LAVEMENT DES PIEDS. ( Jean 13,1)
Jésus avant l'institution de l'auguste Sacrement de la sainte Eucharistie et après avoir soupé, sachant qu`il est sorti de Dieu, et qu'il retourne à Dieu, se lève de table, quitte ses habits, se ceint d'un linge et met de l'eau dans un bassin pour laver les pieds de ses Disciples.
Considérez qui est celui qui s'abaisse à rendre un service si ravalé, comme de laver des pieds. C'est sans doute Jésus qui est sorti de Dieu, qui est le Fils de Dieu, Dieu procédant de Dieu et le créateur du monde.
Voyez avec quel soin et quel empressement il s'emploie à ce vil et bas ministère, comme un valet, seul et sans l'aide de personne. Il se lève de table, dit l'Évangile, sans se mettre en peine de la bienséance dont la loi ne permettait pas de toucher des pieds sales et crasseux dans le temps du repas; il quitte sa robe pour n'en être pas embarrassé; il met un linge autour de lui, il demande un bassin au maitre du logis, il cherche lui-même de l'eau, il la met dans ce bassin, il le transporte enfin aux endroits nécessaires, et fait tous les devoirs d'un serviteur, pour nous apprendre à l'imiter et à nous humilier dans les emplois les plus ravalés et les plus méprisables.
Il vint donc à Simon Pierre, qui lui dît : Quoi Seigneur, vous me voulez laver les pieds ? Vous ne me les laverez, jamais. Alors Jésus lui dit : Si je ne vous les lave, vous n'aurez point de part avec moi. Pierre lui répliqua, Seigneur, non seulement donc les pieds, mais aussi les mains et la tête.
Considérez quel fut l'étonnement, et quelle fut la surprise de ces humbles et simples Disciples, lorsqu'ils virent leur Seigneur et leur Dieu, au nom duquel tout genou fléchit, prosterné à leurs pieds, aller tantôt à l'un, tantôt à l'autre: lors dis-je, qu'ils le virent en laver la crasse, les essuyer avec son linge, et les baiser amoureusement: sans doute qu'ils en demeurèrent interdits.
Persuadez-vous avec quelques Pères, qu'il commença cette cérémonie par Judas, pour l'obliger par un exemple si extraordinaire à se repentir de sa faute, et nous apprendre comment nous devons nous comporter avec nos ennemis; et qu'il pratiqua en cette rencontre la coutume des sages Médecins, qui traitant plusieurs malades rendent leur première visite à celui qui l'est plus dangereusement. O prodige surprenant! de voir le Dieu de majesté prosterné aux pieds de son ennemi mortel, mais si opiniâtre et si endurci qu'ayant devant ses yeux un motif si puissant pour sa conversion, il n'en eut pas la moindre pensée.
Faites réflexion sur saint Pierre, qui ayant pris la dernière place, parce qu'il était le plus humble et le plus affectionné de tout le Sacré Collège, ne pût se retenir, non par répugnance, mais par un respect le plus soumis que l'on se puisse figurer, et s'écria; Vous Seigneur qui avez, créé le Ciel et la terre, vous que j`ai avoué être le Fils du Dieu vivant : Quoi vous me laverez, les pieds, ect. Car il parait clairement de ce qu'il s'offrit tout entier pour être lavé, de peur d'offenser son bon Maitre, qu'il n'avait dit ces paroles, que par un respect et par une révérence toute particulière qu'il avait pour lui.
Jésus ayant achevé la cérémonie, et leur ayant à tous lavé les pieds, il leur dit: Si moi qui suis votre Seigneur et votre Maitre, je vous ai lavé les pieds; vous devez aussi vous les laver les uns aux autres; car je vous ai donné l'exemple, afin que vous fassiez comme j`ai fait.
Considérez pourquoi Jésus lava les pieds à ses Apôtres, car ce n'était pas sans doute pour en nettoyer les ordures, puis qu'elles ne souillent point l'âme, non plus que celle des mains; mais : 1. Pour instruire quelle disposition est nécessaire pour approcher de la sainte Eucharistie, qui n'est autre que la douleur de ses péchés, accompagnée de larmes, avec un exact et sérieux examen de toute sa vie passée, comme le dit saint Cyprien; c'est à dire depuis les pieds jusqu’à la tête, ou si vous voulez, depuis le commencement jusqu'à la fin. 2. Afin aussi de nous donner un parfait exemple d'humilité, et que nous ne fussions pas honteux de nous soumettre à rendre à nos inférieurs, les derniers services. 3. Et enfin pour nous apprendre à pardonner sans difficulté toutes les offenses qu'on nous pourrait avoir faites.
72 - INSTITUTION DU TRÈS SAINT SACREMENT ( Matthieu 26,26 – Marc 14,22)
Jésus prit du pain, et rendant grâces, il le bénit, le rompit, le donna à ses Disciples, et leur dit : Prenez et mangez, c'est mon corps, qui sera livré pour vous; Faites cela en mémoire de moi.
Considérez l'immensité de l'amour de Dieu envers les hommes; car pendant que Judas planifie sa trahison, que les Princes des Prêtres et les Pharisiens font dessein de crucifier et de faire mourir Jésus, il n'a d'autre pensée ni d'autre soin que de faire son testament, et de leur laisser un héritage très précieux, qui n'est pas un Royaume, ni des richesses, ni des honneurs, ni de la science, ni de l'eau sortie d'une roche, ni la manne descendue du Ciel, ni un Ange, ni un Archange, mais lui-même, Dieu et homme, dont il ne peut rien y avoir, ni l'on ne se peut rien figurer de plus grand ou de plus excellent: Mais lui-même; et non seulement comme notre Roi, notre Seigneur, notre père , notre frère, notre époux, notre avocat , notre semblable et notre Maitre, mais aussi comme notre viande et notre breuvage, afin que nous lui fussions d'autant plus unis; et que comme ce que nous mangeons se change en notre substance, nous fussions de même transformé en lui, et que nous fussions participants de la nature divine, et enfants de Dieu.
Considérez encore que Jésus ayant pris le pain il rendit grâces à Dieu, pour vous apprendre que quand vous approchez de la divine Eucharistie, vous devez commencer par le remerciement d'une grâce si auguste et si considérable, et élever votre esprit à Dieu par la prière.
Ayant pris le calice, il rendit grâces, et dit : Buvez en tous, car c'est le sang de la nouvelle alliance, qui sera répandu pour vous, et pour plusieurs, en la rémission des péchés.
Considérez que Jésus a institué ce mystère pour être le témoignage et comme l'abrégé de toutes ses actions miraculeuses. Car dans toutes ses autres œuvres il ne s'est servi que de l'un de ses attributs mais en celle-ci il les a employé presque tous. Une puissance infinie, une sagesse inconcevable, et une bonté qui irait dans l'excès si elle n'était divine.
Sa puissance, en ce que son corps, son âme et sa divinité sont contenus sous les apparences du pain et du vin. Sa sagesse en ce qu'il a trouvé un moyen si suave et si commode de s'unir à nous par le manger et par le boire, dont il n'y a rien qui nous soit si doux, si ordinaire et si agréable; sans doute pour nous inviter à nous approcher de la très sainte Eucharistie, volontiers, souvent, et avec un désir embrasé. Sa bonté enfin, en ce qu'il nous y donne encore toutes fortes de biens spirituels, et même la prétention à la vie éternelle; car qui mange de ce pain, dit-il lui-même, vivra éternellement.
Considérez que sous la seule apparence du vin, il se donne tout entier, de même que dans celle du pain, afin que nous ayons un continuel souvenir de sa Passion, et de tout son sang qui a été répandu sur la Croix, et qui nous est représenté par le vin et le calice; car celui qui a un sincère et parfait désir d'imiter Jésus dans ses souffrances, est dans la disposition requise pour bien communier.
Je vous dis que je ne boirai plus de ce fruit de la Vigne, jusqu’à ce que je le boirai de nouveau dans le Royaume de mon Père.
Considérez que Jésus ne proféra ces paroles, que pour nous apprendre ce que c'est que le sacré festin de la sainte Eucharistie sur la terre car en effet ce n'est autre chose que le gage des délices du banquet de l'autre vie; où l'on servira le vin excellent et nouveau qui sera versé dans les vaisseaux des corps immortels et glorieux, qui n'auront jamais servi à autre usage depuis leur résurrection, et dont tous les Bienheureux seront enivrez dans l'abondance de la maison de Dieu, c'est à dire qu'ils jouiront à jamais d'une joie inconcevable, et n'auront aucun souvenir de toutes les traverses (obstacles) et de toutes les variétés de cette vie.
Jésus fut ému en son esprit, et dit: L'un de vous qui mange, et qui met la main dans le plat avec moi me trahira. Tous les Disciples saisis de tristesse lui dirent les uns et les autres : Est-ce moi, Seigneur?
Considérez la douceur inconcevable de Jésus, qui permet que celui qui le doit trahir mette la main dans le plat avec lui, et qui de peur de le couvrir de confusion, l'avertit seulement en termes généraux et cachés. Remarquez encore que s'il fut ému, la seule compassion pour un seul des siens qui allait périr, lui causa ce sentiment car il n'est pas moins touché de la perte d'une de ses brebis que de celle de tout son troupeau; pour vous apprendre à ne pas découvrir les péchés d'autrui, s'ils sont cachés ou moins connus; et si vous avez charge d’âmes, à faire vos efforts que pas une d'entre elles ne périsse.
Faites réflexion sur ce que fit Jésus pour détourner Judas de sa détestable entreprise. Il le reçut à sa table, il lui lava les pieds, il dit assez clairement qu'il devait être trahi par l'un de ses Disciples qui mettait la main au plat avec lui, il le menaça de la damnation éternelle, quand il dit : Malheur à celui par qui le Fils de l'homme sera trahi, mais que tout cela lui fut inutile à cause de l'endurcissement de son cœur.
Simon Pierre fit signe a Jean de demander qui était ce traitre. Jésus dit à Jean qui était couché sur son sein, que ce serait celui à qui il présenterait un morceau de pain trempé. L'ayant présenté, aussitôt le démon ( l`ange déchu) entra dans Judas, qui sortit au même moment. Et il est à remarquer qu'il était nuit.
Considérez que Judas avait déjà la pensée de trahir son Maitre, et qu'ensuite Satan se saisit de sa personne, pour vous apprendre à résister aux premières suggestions du démon ( l`ange déchu), de peur qu'étant entré dans votre cœur par le consentement, il ne le dépouille de toutes sortes de grâces.
Remarquez qu'il ne faut rien faire de nuit ni en secret, que l'on ne soit prêt de faire en plein jour et en public; et que si l'on est Religieux, il ne faut pas aussi faire aucune bonne
œuvre, que l'on ne la découvre à son Supérieur ou à son Père spirituel; car le diable ( l`ange déchu) se change souvent en Ange de lumière.
Considérez que saint Jean qui était aimé de Jésus à cause de son éminente chasteté, reposa seul sur le sein de son Maitre; pour vous faire comprendre que vous serez susceptible des grâces, des faveurs, et des secrets du Ciel, quand vous serez pur de corps et d'esprit.
Judas étant sorti, Jésus dit aussitôt: Maintenant le Fils de l'homme est glorifié, et Dieu est glorifie en lui, et il le glorifiera bientôt lui-même.
Considérez combien les Jugements de Dieu font différents de ceux des hommes: Car les hommes mettent toute leur gloire dans les honneurs, dans les richesses et dans les prospérités de cette vie; mais Dieu met la sienne dans les moqueries, dans les opprobres, dans la pauvreté, dans l'affliction, et dans la mort ignominieuse sur une Croix. Ce qui fait dire à l'Apôtre: A Dieu ne plaise que je fasse gloire d'autre chose que de la Croix de mon Seigneur Jésus-Christ.
73 - MARCHE DE JÉSUS AU JARDIN DE GETHSÉMANI. ( Matthieu 26,36)
Jésus étant sorti avec ses Disciples passa le torrent de Cédron, vint au Jardin de Gethsémani, et leur dit: Assoyez-vous là pendant que j'irai ici auprès pour prier.
Considérez avec quel désir, quelle ardeur et quel empressement Jésus alla dans ce Jardin, pour y commencer enfin l'œuvre de notre Rédemption, qu'il avait tant désirée pendant sa vie. En effet, il avait dit, au rapport de saint Luc : Je dois être baptisé d'un baptême, mais combien suis-je pressé d'en voir la fin ? Qu'il avait dis-je tant désirée : Par sa propre volonté; car il s' est offert parce qu'il l'a voulu; or est-il que rien n'est difficile à celui qui veut et qui aime. Par l'amour dont il était animé pour son Père qui lui avait ordonné de souffrir, et pour celui qu'il avait aussi pour les hommes, dont il voulait réparer le salut par sa mort : Car il n'y a point de plus grand témoignage d'amour que de mourir pour ses amis. Mais que peut-on dire du Sauveur, qui est mort même pour ses ennemis ?
Jésus ayant pis avec lui Pierre, Jacques et Jean, commença à être saisi de tristesse, d'effroi et d'ennui ; et leur dit : Mon âme est triste jusqu'à la mort.
Considérez que Jésus conçut de la tristesse, non pas tant pour les douleurs qu'il était sur le point de souffrir, que pour les péchés de tous les hommes, et que cette tristesse fut si violente, qu'elle suffisait pour le faire mourir.
Ce qui vous apprend à avoir compassion des adversités de votre prochain, et à mépriser pour l'amour de Dieu les joies de ce monde, qui n'est qu'une pure et véritable vanité.
Pensez que si l'ennui vous surprend dans l'exercice de quelque action de piété, elle n'est pas pour cela privée de sa récompense si vous avancez toujours avec Jésus nonobstant votre tristesse, car la consolation des Anges ne vous manquera pas.
Et il s'éloigna d'eux avec peine environ le jet d'une pierre, après quoi étant à genoux, il se prosterna la face contre terre.
Considérez avec quel sentiment Jésus se sépara de ses Disciples; car la peine que l'Écriture remarque qu'il y souffrit; signifie une séparation accompagnée de violence et de douleur.
Remarquez sa façon de prier. Il fléchit les genoux et comme s'il méritait la mort à cause de nos péchés; il se prosterne par terre tout prêt à être immolé pour le salut des hommes, comme représentant le plus indigne d'entre eux, et le digne d'être foulé aux pieds. Ce qui nous apprend à avoir recours à Dieu dans toutes sortes d'adversités, en rejetant toutes les persuasions et tous les empêchements contraires, et à observer dans l'Oraison la même posture de Jésus, si humble et si mortifiante.
Pensez enfin quelle était la pesanteur de nos péchés, puisque les épaules sacrées de Jésus en étant chargées, ils l'accablèrent de telle sorte qu'ils le portèrent par terre sans qu'il puisse en quelque façon se relever.
Jésus pria par trois fois, et dit : Mon Père, s'il est possible détourné de moi ce calice; toutefois votre volonté soit faite, et non pas la mienne.
Considérez que Jésus réitère souvent la même prière, y mêle ses larmes et les hauts cris, comme dit l'Apôtre, et dit par deux fois: Mon Père, mon Père; pour vous apprendre à prier d'autant plus souvent et avec d'autant plus d'ardeur, que l'affliction que vous appréhendez est plus sensible et plus pressante, soumettant toujours néanmoins votre volonté à celle de Dieu.
Remarquez la parfaite et entière résignation de Jésus en un rencontre de telle importance : car quoi qu'il eut horreur des tourments et de la mort qu'il devait souffrir , il voulut pourtant renoncer à sa volonté, pour obéir à celle de son Père; mais tellement obéir à celle de son Père qu'il désira que toutes les circonstances de sa passion lui fussent expressément commandées, afin qu'il mourût par obéissance; pour vous apprendre à vous soumettre en toutes occasions à la volonté divine, et à faire grand état de cette vertu.
Et se levant du lieu où il faisait sa prière pendant que ses Disciples dormaient , il les vint trouver, et dit à saint Pierre: Quoi? vous n'avez pu veiller une heure avec moi ? Veillez et priez, afin que vous n'entriez, point en tentation.
Considérez quelle est l'angoisse de Jésus : Il prie fon Père, mais il se tait; il attend quelque soulagement de ses Disciples, et ils sont endormis, jusques à leur chef, qui avait protesté si hautement : Quand tous les autres seraient scandalisés, ect. Ha! mon Seigneur ! que ce jardin de Gethsémani vous est funeste. Dans les autres jardins l'on cherche et on trouve des divertissements, mais dans celui-ci vous ne rencontrez que des motifs de crainte, et de frayeur. Mon adorable Sauveur, que ses fruits vous sont amers !
Considérez que Jésus interrompt sa prière pour venir voir ce que faisaient ses Disciples; et apprenez si vous avez quelque charge de supériorité, à n'être pas si soucieux de votre salut, que vous négligiez celui de vos inférieurs – que vous n'excusiez leurs faiblesses et leurs défauts, et ne les en repreniez avec douceur, conformément à ce que fait ici Jésus, quand il dit à ses Apôtres : L'esprit est prompt, mais la chair est infirme.
En étant réduit à une espèce d'agonie, et une sueur de sang coulant de son corps sur la terre, il priait avec plus d'ardeur; en sorte qu'un Ange défendant du Ciel lui apparut et le consola.
Considérez quelle était la cause de cette sueur si extraordinaire. Sans doute que le grand désir qu'il avait de souffrir pour le salut des hommes avait tellement pénétré son cœur adorable , que son sang très précieux qui s'y était réfugié par l'appréhension de la mort, y était se échauffé, et s'y trouva en si grande abondance, qu'il fut contraint de chercher une sortie extraordinaire pour l'en décharger, en sorte que s'écoulant par les pores et par les veines sur ses habits, de là il se répandit jusques sur la terre.
Persuadez-vous que la quantité de sang qu'il avait perdu, lui causa une telle faiblesse qu'à peine se pouvait-il relever; et que sur ces entrefaites survint l'Archange Gabriel, qui le leva de terre. Mais pécheur! contemple ici la face de ton Jésus, de ton Sauveur, souillée de poussière mêlée de sang : regarde ses cheveux qui en font tout pleins, et en désordre; considère l'Archange Gabriel , qui se met en devoir de le mettre en son premier état et de lui rendre ses forces, afin qu'il se puisse tenir debout. Ha! mon Seigneur, que votre ferveur dans l'Oraison condamne justement ma langueur et ma paresse, puisque quand je suis en prière, à peine puis-je jeter une seule larme.
74 - DE LA TRAHISON DE JUDAS. ( Luc 22,47 – Matthieu 26,49 )
Ayant achevé sa prière, Jésus dit à ses Disciples: Vous dormez, à présent et vous reposez. Il suffit, levez-vous; allons! Celui qui me livrera est ici tout près.
Considérez que Jésus étant informé de la volonté de son Père par la voix de l'Ange, mit bas toute forte d'appréhension, et qu'ayant aperçu son ennemi, il ne chercha point à se cacher comme un mercenaire, mais comme un véritable et bon Pasteur il alla au-devant de lui.
Remarquez qu'il dit à ses Apôtres : Levez-vous, vous avez, assez dormi; Judas, ne vous permet pas de dormir davantage. Venez que je vous embrasse, car je dois bientôt mourir. Approchez-vous Pierre à qui j'ai confié les clefs de mon Église, approchez-vous Jean, approchez-vous tous, et ayez soin de consoler ma Mère dans un déplaisir si sensible.
Croyez qu'après les avoir embrassés il leur donna sa dernière bénédiction, prévoyant que ses mains étant liées il n'en aurait plus la liberté. Pensez enfin quel fut l'abattement des Apôtres en cet adieu si funeste, et combien il leur causa de larmes et de soupirs.
Judas marchant à la tête d'une troupe de gens armés, de bâtons et d'épées, s`approcha de Jésus, lui disant; Maitre je vous salue, et le baisa. Jésus lui dit alors. Mon ami, pourquoi êtes-vous venu? Est-ce ainsi que vous trahissez, le Fils de l'homme par un baiser ?
Considérez que Judas Apôtre de Jésus, est ici le chef des ministres du démon (des anges déchus); pour vous apprendre combien lourde est la chute de ceux qui après que Dieu les a favorisez de grâces considérables et particulières, abandonnent lâchement leur vocation, ou quittent le chemin de la vertu qu'ils avaient entrepris.
Pensez aux moyens qu'emploi Jésus par le motif de sa bonté infinie, pour toucher et amollir le cœur de Judas. Il le traite avec douceur, et lui donne même un baiser : a. Il
lui témoigne de la bonne volonté, et l'appelle son ami : 3. Enfin il lui fait une correction amoureuse quand il lui reproche doucement l'énorme lâcheté de fon crime, et lui dit : Est- ce ainsi que vous trahissez le Fils de l'homme par un baiser ? Où il est à remarquer que si cet aimable Jésus traite de la forte son plus grand ennemi, sans doute il aura des douceurs inconcevables pour ceux que l'on peut nommer ses amis, c'est à dire ceux qui l'aiment, qui le cherchent et qui le servent de tout leur cœur. Cela nous instruit aussi à ne jamais désirer de mal à nos ennemis, et à ne les point traiter rudement de paroles, mais à leur porter compassion.
Jésus demande à cette troupe: Qui cherchez-vous ? Ils repondirent : Jésus de Nazareth. Jésus leur dit : C'est moi. Aussitôt ils tombèrent par terre à la renverse : Et ayant répondu la même chose une seconde fois, il leur dit enfin: Si c`est moi que vous cherchez, laissez-donc aller ceux-ci.
Considérez quelle est la différence d'entre le premier et le second Adam, en ce que l'un et l'autre se trouvèrent dans un jardin. Car le premier se cacha quand il entendit la voix de la Justice divine qui l'appelait par son nom : Adam où es-tu ? lui fut-il dit; mais le second entendant celle de la justice humaine, il se montre aussitôt, et dit hautement : C'est moi qui suis Jésus. En effet il aime tant le salut des hommes, qu'il ne peut cacher son adorable nom de Jésus, c'est à dire de Sauveur.
Pensez à ce qui arrivera au jour du dernier jugement, lorsque Jésus dans l'éclat de sa Majesté prononcera cette effroyable sentence contre ses ennemis : Allez, maudits au feu éternel, si cette douce et amoureuse parole, C'est moi, a été si puissante que de renverser par terre toute l'armée de Satan et le traitre Judas.
Remarquez la grande bonté de Jésus qui au milieu de tant de périls pense à la liberté de ses Disciples, dont l'éloignement pouvait encore l'affliger davantage.
Jésus avant l'institution de l'auguste Sacrement de la sainte Eucharistie et après avoir soupé, sachant qu`il est sorti de Dieu, et qu'il retourne à Dieu, se lève de table, quitte ses habits, se ceint d'un linge et met de l'eau dans un bassin pour laver les pieds de ses Disciples.
Considérez qui est celui qui s'abaisse à rendre un service si ravalé, comme de laver des pieds. C'est sans doute Jésus qui est sorti de Dieu, qui est le Fils de Dieu, Dieu procédant de Dieu et le créateur du monde.
Voyez avec quel soin et quel empressement il s'emploie à ce vil et bas ministère, comme un valet, seul et sans l'aide de personne. Il se lève de table, dit l'Évangile, sans se mettre en peine de la bienséance dont la loi ne permettait pas de toucher des pieds sales et crasseux dans le temps du repas; il quitte sa robe pour n'en être pas embarrassé; il met un linge autour de lui, il demande un bassin au maitre du logis, il cherche lui-même de l'eau, il la met dans ce bassin, il le transporte enfin aux endroits nécessaires, et fait tous les devoirs d'un serviteur, pour nous apprendre à l'imiter et à nous humilier dans les emplois les plus ravalés et les plus méprisables.
Il vint donc à Simon Pierre, qui lui dît : Quoi Seigneur, vous me voulez laver les pieds ? Vous ne me les laverez, jamais. Alors Jésus lui dit : Si je ne vous les lave, vous n'aurez point de part avec moi. Pierre lui répliqua, Seigneur, non seulement donc les pieds, mais aussi les mains et la tête.
Considérez quel fut l'étonnement, et quelle fut la surprise de ces humbles et simples Disciples, lorsqu'ils virent leur Seigneur et leur Dieu, au nom duquel tout genou fléchit, prosterné à leurs pieds, aller tantôt à l'un, tantôt à l'autre: lors dis-je, qu'ils le virent en laver la crasse, les essuyer avec son linge, et les baiser amoureusement: sans doute qu'ils en demeurèrent interdits.
Persuadez-vous avec quelques Pères, qu'il commença cette cérémonie par Judas, pour l'obliger par un exemple si extraordinaire à se repentir de sa faute, et nous apprendre comment nous devons nous comporter avec nos ennemis; et qu'il pratiqua en cette rencontre la coutume des sages Médecins, qui traitant plusieurs malades rendent leur première visite à celui qui l'est plus dangereusement. O prodige surprenant! de voir le Dieu de majesté prosterné aux pieds de son ennemi mortel, mais si opiniâtre et si endurci qu'ayant devant ses yeux un motif si puissant pour sa conversion, il n'en eut pas la moindre pensée.
Faites réflexion sur saint Pierre, qui ayant pris la dernière place, parce qu'il était le plus humble et le plus affectionné de tout le Sacré Collège, ne pût se retenir, non par répugnance, mais par un respect le plus soumis que l'on se puisse figurer, et s'écria; Vous Seigneur qui avez, créé le Ciel et la terre, vous que j`ai avoué être le Fils du Dieu vivant : Quoi vous me laverez, les pieds, ect. Car il parait clairement de ce qu'il s'offrit tout entier pour être lavé, de peur d'offenser son bon Maitre, qu'il n'avait dit ces paroles, que par un respect et par une révérence toute particulière qu'il avait pour lui.
Jésus ayant achevé la cérémonie, et leur ayant à tous lavé les pieds, il leur dit: Si moi qui suis votre Seigneur et votre Maitre, je vous ai lavé les pieds; vous devez aussi vous les laver les uns aux autres; car je vous ai donné l'exemple, afin que vous fassiez comme j`ai fait.
Considérez pourquoi Jésus lava les pieds à ses Apôtres, car ce n'était pas sans doute pour en nettoyer les ordures, puis qu'elles ne souillent point l'âme, non plus que celle des mains; mais : 1. Pour instruire quelle disposition est nécessaire pour approcher de la sainte Eucharistie, qui n'est autre que la douleur de ses péchés, accompagnée de larmes, avec un exact et sérieux examen de toute sa vie passée, comme le dit saint Cyprien; c'est à dire depuis les pieds jusqu’à la tête, ou si vous voulez, depuis le commencement jusqu'à la fin. 2. Afin aussi de nous donner un parfait exemple d'humilité, et que nous ne fussions pas honteux de nous soumettre à rendre à nos inférieurs, les derniers services. 3. Et enfin pour nous apprendre à pardonner sans difficulté toutes les offenses qu'on nous pourrait avoir faites.
72 - INSTITUTION DU TRÈS SAINT SACREMENT ( Matthieu 26,26 – Marc 14,22)
Jésus prit du pain, et rendant grâces, il le bénit, le rompit, le donna à ses Disciples, et leur dit : Prenez et mangez, c'est mon corps, qui sera livré pour vous; Faites cela en mémoire de moi.
Considérez l'immensité de l'amour de Dieu envers les hommes; car pendant que Judas planifie sa trahison, que les Princes des Prêtres et les Pharisiens font dessein de crucifier et de faire mourir Jésus, il n'a d'autre pensée ni d'autre soin que de faire son testament, et de leur laisser un héritage très précieux, qui n'est pas un Royaume, ni des richesses, ni des honneurs, ni de la science, ni de l'eau sortie d'une roche, ni la manne descendue du Ciel, ni un Ange, ni un Archange, mais lui-même, Dieu et homme, dont il ne peut rien y avoir, ni l'on ne se peut rien figurer de plus grand ou de plus excellent: Mais lui-même; et non seulement comme notre Roi, notre Seigneur, notre père , notre frère, notre époux, notre avocat , notre semblable et notre Maitre, mais aussi comme notre viande et notre breuvage, afin que nous lui fussions d'autant plus unis; et que comme ce que nous mangeons se change en notre substance, nous fussions de même transformé en lui, et que nous fussions participants de la nature divine, et enfants de Dieu.
Considérez encore que Jésus ayant pris le pain il rendit grâces à Dieu, pour vous apprendre que quand vous approchez de la divine Eucharistie, vous devez commencer par le remerciement d'une grâce si auguste et si considérable, et élever votre esprit à Dieu par la prière.
Ayant pris le calice, il rendit grâces, et dit : Buvez en tous, car c'est le sang de la nouvelle alliance, qui sera répandu pour vous, et pour plusieurs, en la rémission des péchés.
Considérez que Jésus a institué ce mystère pour être le témoignage et comme l'abrégé de toutes ses actions miraculeuses. Car dans toutes ses autres œuvres il ne s'est servi que de l'un de ses attributs mais en celle-ci il les a employé presque tous. Une puissance infinie, une sagesse inconcevable, et une bonté qui irait dans l'excès si elle n'était divine.
Sa puissance, en ce que son corps, son âme et sa divinité sont contenus sous les apparences du pain et du vin. Sa sagesse en ce qu'il a trouvé un moyen si suave et si commode de s'unir à nous par le manger et par le boire, dont il n'y a rien qui nous soit si doux, si ordinaire et si agréable; sans doute pour nous inviter à nous approcher de la très sainte Eucharistie, volontiers, souvent, et avec un désir embrasé. Sa bonté enfin, en ce qu'il nous y donne encore toutes fortes de biens spirituels, et même la prétention à la vie éternelle; car qui mange de ce pain, dit-il lui-même, vivra éternellement.
Considérez que sous la seule apparence du vin, il se donne tout entier, de même que dans celle du pain, afin que nous ayons un continuel souvenir de sa Passion, et de tout son sang qui a été répandu sur la Croix, et qui nous est représenté par le vin et le calice; car celui qui a un sincère et parfait désir d'imiter Jésus dans ses souffrances, est dans la disposition requise pour bien communier.
Je vous dis que je ne boirai plus de ce fruit de la Vigne, jusqu’à ce que je le boirai de nouveau dans le Royaume de mon Père.
Considérez que Jésus ne proféra ces paroles, que pour nous apprendre ce que c'est que le sacré festin de la sainte Eucharistie sur la terre car en effet ce n'est autre chose que le gage des délices du banquet de l'autre vie; où l'on servira le vin excellent et nouveau qui sera versé dans les vaisseaux des corps immortels et glorieux, qui n'auront jamais servi à autre usage depuis leur résurrection, et dont tous les Bienheureux seront enivrez dans l'abondance de la maison de Dieu, c'est à dire qu'ils jouiront à jamais d'une joie inconcevable, et n'auront aucun souvenir de toutes les traverses (obstacles) et de toutes les variétés de cette vie.
Jésus fut ému en son esprit, et dit: L'un de vous qui mange, et qui met la main dans le plat avec moi me trahira. Tous les Disciples saisis de tristesse lui dirent les uns et les autres : Est-ce moi, Seigneur?
Considérez la douceur inconcevable de Jésus, qui permet que celui qui le doit trahir mette la main dans le plat avec lui, et qui de peur de le couvrir de confusion, l'avertit seulement en termes généraux et cachés. Remarquez encore que s'il fut ému, la seule compassion pour un seul des siens qui allait périr, lui causa ce sentiment car il n'est pas moins touché de la perte d'une de ses brebis que de celle de tout son troupeau; pour vous apprendre à ne pas découvrir les péchés d'autrui, s'ils sont cachés ou moins connus; et si vous avez charge d’âmes, à faire vos efforts que pas une d'entre elles ne périsse.
Faites réflexion sur ce que fit Jésus pour détourner Judas de sa détestable entreprise. Il le reçut à sa table, il lui lava les pieds, il dit assez clairement qu'il devait être trahi par l'un de ses Disciples qui mettait la main au plat avec lui, il le menaça de la damnation éternelle, quand il dit : Malheur à celui par qui le Fils de l'homme sera trahi, mais que tout cela lui fut inutile à cause de l'endurcissement de son cœur.
Simon Pierre fit signe a Jean de demander qui était ce traitre. Jésus dit à Jean qui était couché sur son sein, que ce serait celui à qui il présenterait un morceau de pain trempé. L'ayant présenté, aussitôt le démon ( l`ange déchu) entra dans Judas, qui sortit au même moment. Et il est à remarquer qu'il était nuit.
Considérez que Judas avait déjà la pensée de trahir son Maitre, et qu'ensuite Satan se saisit de sa personne, pour vous apprendre à résister aux premières suggestions du démon ( l`ange déchu), de peur qu'étant entré dans votre cœur par le consentement, il ne le dépouille de toutes sortes de grâces.
Remarquez qu'il ne faut rien faire de nuit ni en secret, que l'on ne soit prêt de faire en plein jour et en public; et que si l'on est Religieux, il ne faut pas aussi faire aucune bonne
œuvre, que l'on ne la découvre à son Supérieur ou à son Père spirituel; car le diable ( l`ange déchu) se change souvent en Ange de lumière.
Considérez que saint Jean qui était aimé de Jésus à cause de son éminente chasteté, reposa seul sur le sein de son Maitre; pour vous faire comprendre que vous serez susceptible des grâces, des faveurs, et des secrets du Ciel, quand vous serez pur de corps et d'esprit.
Judas étant sorti, Jésus dit aussitôt: Maintenant le Fils de l'homme est glorifié, et Dieu est glorifie en lui, et il le glorifiera bientôt lui-même.
Considérez combien les Jugements de Dieu font différents de ceux des hommes: Car les hommes mettent toute leur gloire dans les honneurs, dans les richesses et dans les prospérités de cette vie; mais Dieu met la sienne dans les moqueries, dans les opprobres, dans la pauvreté, dans l'affliction, et dans la mort ignominieuse sur une Croix. Ce qui fait dire à l'Apôtre: A Dieu ne plaise que je fasse gloire d'autre chose que de la Croix de mon Seigneur Jésus-Christ.
73 - MARCHE DE JÉSUS AU JARDIN DE GETHSÉMANI. ( Matthieu 26,36)
Jésus étant sorti avec ses Disciples passa le torrent de Cédron, vint au Jardin de Gethsémani, et leur dit: Assoyez-vous là pendant que j'irai ici auprès pour prier.
Considérez avec quel désir, quelle ardeur et quel empressement Jésus alla dans ce Jardin, pour y commencer enfin l'œuvre de notre Rédemption, qu'il avait tant désirée pendant sa vie. En effet, il avait dit, au rapport de saint Luc : Je dois être baptisé d'un baptême, mais combien suis-je pressé d'en voir la fin ? Qu'il avait dis-je tant désirée : Par sa propre volonté; car il s' est offert parce qu'il l'a voulu; or est-il que rien n'est difficile à celui qui veut et qui aime. Par l'amour dont il était animé pour son Père qui lui avait ordonné de souffrir, et pour celui qu'il avait aussi pour les hommes, dont il voulait réparer le salut par sa mort : Car il n'y a point de plus grand témoignage d'amour que de mourir pour ses amis. Mais que peut-on dire du Sauveur, qui est mort même pour ses ennemis ?
Jésus ayant pis avec lui Pierre, Jacques et Jean, commença à être saisi de tristesse, d'effroi et d'ennui ; et leur dit : Mon âme est triste jusqu'à la mort.
Considérez que Jésus conçut de la tristesse, non pas tant pour les douleurs qu'il était sur le point de souffrir, que pour les péchés de tous les hommes, et que cette tristesse fut si violente, qu'elle suffisait pour le faire mourir.
Ce qui vous apprend à avoir compassion des adversités de votre prochain, et à mépriser pour l'amour de Dieu les joies de ce monde, qui n'est qu'une pure et véritable vanité.
Pensez que si l'ennui vous surprend dans l'exercice de quelque action de piété, elle n'est pas pour cela privée de sa récompense si vous avancez toujours avec Jésus nonobstant votre tristesse, car la consolation des Anges ne vous manquera pas.
Et il s'éloigna d'eux avec peine environ le jet d'une pierre, après quoi étant à genoux, il se prosterna la face contre terre.
Considérez avec quel sentiment Jésus se sépara de ses Disciples; car la peine que l'Écriture remarque qu'il y souffrit; signifie une séparation accompagnée de violence et de douleur.
Remarquez sa façon de prier. Il fléchit les genoux et comme s'il méritait la mort à cause de nos péchés; il se prosterne par terre tout prêt à être immolé pour le salut des hommes, comme représentant le plus indigne d'entre eux, et le digne d'être foulé aux pieds. Ce qui nous apprend à avoir recours à Dieu dans toutes sortes d'adversités, en rejetant toutes les persuasions et tous les empêchements contraires, et à observer dans l'Oraison la même posture de Jésus, si humble et si mortifiante.
Pensez enfin quelle était la pesanteur de nos péchés, puisque les épaules sacrées de Jésus en étant chargées, ils l'accablèrent de telle sorte qu'ils le portèrent par terre sans qu'il puisse en quelque façon se relever.
Jésus pria par trois fois, et dit : Mon Père, s'il est possible détourné de moi ce calice; toutefois votre volonté soit faite, et non pas la mienne.
Considérez que Jésus réitère souvent la même prière, y mêle ses larmes et les hauts cris, comme dit l'Apôtre, et dit par deux fois: Mon Père, mon Père; pour vous apprendre à prier d'autant plus souvent et avec d'autant plus d'ardeur, que l'affliction que vous appréhendez est plus sensible et plus pressante, soumettant toujours néanmoins votre volonté à celle de Dieu.
Remarquez la parfaite et entière résignation de Jésus en un rencontre de telle importance : car quoi qu'il eut horreur des tourments et de la mort qu'il devait souffrir , il voulut pourtant renoncer à sa volonté, pour obéir à celle de son Père; mais tellement obéir à celle de son Père qu'il désira que toutes les circonstances de sa passion lui fussent expressément commandées, afin qu'il mourût par obéissance; pour vous apprendre à vous soumettre en toutes occasions à la volonté divine, et à faire grand état de cette vertu.
Et se levant du lieu où il faisait sa prière pendant que ses Disciples dormaient , il les vint trouver, et dit à saint Pierre: Quoi? vous n'avez pu veiller une heure avec moi ? Veillez et priez, afin que vous n'entriez, point en tentation.
Considérez quelle est l'angoisse de Jésus : Il prie fon Père, mais il se tait; il attend quelque soulagement de ses Disciples, et ils sont endormis, jusques à leur chef, qui avait protesté si hautement : Quand tous les autres seraient scandalisés, ect. Ha! mon Seigneur ! que ce jardin de Gethsémani vous est funeste. Dans les autres jardins l'on cherche et on trouve des divertissements, mais dans celui-ci vous ne rencontrez que des motifs de crainte, et de frayeur. Mon adorable Sauveur, que ses fruits vous sont amers !
Considérez que Jésus interrompt sa prière pour venir voir ce que faisaient ses Disciples; et apprenez si vous avez quelque charge de supériorité, à n'être pas si soucieux de votre salut, que vous négligiez celui de vos inférieurs – que vous n'excusiez leurs faiblesses et leurs défauts, et ne les en repreniez avec douceur, conformément à ce que fait ici Jésus, quand il dit à ses Apôtres : L'esprit est prompt, mais la chair est infirme.
En étant réduit à une espèce d'agonie, et une sueur de sang coulant de son corps sur la terre, il priait avec plus d'ardeur; en sorte qu'un Ange défendant du Ciel lui apparut et le consola.
Considérez quelle était la cause de cette sueur si extraordinaire. Sans doute que le grand désir qu'il avait de souffrir pour le salut des hommes avait tellement pénétré son cœur adorable , que son sang très précieux qui s'y était réfugié par l'appréhension de la mort, y était se échauffé, et s'y trouva en si grande abondance, qu'il fut contraint de chercher une sortie extraordinaire pour l'en décharger, en sorte que s'écoulant par les pores et par les veines sur ses habits, de là il se répandit jusques sur la terre.
Persuadez-vous que la quantité de sang qu'il avait perdu, lui causa une telle faiblesse qu'à peine se pouvait-il relever; et que sur ces entrefaites survint l'Archange Gabriel, qui le leva de terre. Mais pécheur! contemple ici la face de ton Jésus, de ton Sauveur, souillée de poussière mêlée de sang : regarde ses cheveux qui en font tout pleins, et en désordre; considère l'Archange Gabriel , qui se met en devoir de le mettre en son premier état et de lui rendre ses forces, afin qu'il se puisse tenir debout. Ha! mon Seigneur, que votre ferveur dans l'Oraison condamne justement ma langueur et ma paresse, puisque quand je suis en prière, à peine puis-je jeter une seule larme.
74 - DE LA TRAHISON DE JUDAS. ( Luc 22,47 – Matthieu 26,49 )
Ayant achevé sa prière, Jésus dit à ses Disciples: Vous dormez, à présent et vous reposez. Il suffit, levez-vous; allons! Celui qui me livrera est ici tout près.
Considérez que Jésus étant informé de la volonté de son Père par la voix de l'Ange, mit bas toute forte d'appréhension, et qu'ayant aperçu son ennemi, il ne chercha point à se cacher comme un mercenaire, mais comme un véritable et bon Pasteur il alla au-devant de lui.
Remarquez qu'il dit à ses Apôtres : Levez-vous, vous avez, assez dormi; Judas, ne vous permet pas de dormir davantage. Venez que je vous embrasse, car je dois bientôt mourir. Approchez-vous Pierre à qui j'ai confié les clefs de mon Église, approchez-vous Jean, approchez-vous tous, et ayez soin de consoler ma Mère dans un déplaisir si sensible.
Croyez qu'après les avoir embrassés il leur donna sa dernière bénédiction, prévoyant que ses mains étant liées il n'en aurait plus la liberté. Pensez enfin quel fut l'abattement des Apôtres en cet adieu si funeste, et combien il leur causa de larmes et de soupirs.
Judas marchant à la tête d'une troupe de gens armés, de bâtons et d'épées, s`approcha de Jésus, lui disant; Maitre je vous salue, et le baisa. Jésus lui dit alors. Mon ami, pourquoi êtes-vous venu? Est-ce ainsi que vous trahissez, le Fils de l'homme par un baiser ?
Considérez que Judas Apôtre de Jésus, est ici le chef des ministres du démon (des anges déchus); pour vous apprendre combien lourde est la chute de ceux qui après que Dieu les a favorisez de grâces considérables et particulières, abandonnent lâchement leur vocation, ou quittent le chemin de la vertu qu'ils avaient entrepris.
Pensez aux moyens qu'emploi Jésus par le motif de sa bonté infinie, pour toucher et amollir le cœur de Judas. Il le traite avec douceur, et lui donne même un baiser : a. Il
lui témoigne de la bonne volonté, et l'appelle son ami : 3. Enfin il lui fait une correction amoureuse quand il lui reproche doucement l'énorme lâcheté de fon crime, et lui dit : Est- ce ainsi que vous trahissez le Fils de l'homme par un baiser ? Où il est à remarquer que si cet aimable Jésus traite de la forte son plus grand ennemi, sans doute il aura des douceurs inconcevables pour ceux que l'on peut nommer ses amis, c'est à dire ceux qui l'aiment, qui le cherchent et qui le servent de tout leur cœur. Cela nous instruit aussi à ne jamais désirer de mal à nos ennemis, et à ne les point traiter rudement de paroles, mais à leur porter compassion.
Jésus demande à cette troupe: Qui cherchez-vous ? Ils repondirent : Jésus de Nazareth. Jésus leur dit : C'est moi. Aussitôt ils tombèrent par terre à la renverse : Et ayant répondu la même chose une seconde fois, il leur dit enfin: Si c`est moi que vous cherchez, laissez-donc aller ceux-ci.
Considérez quelle est la différence d'entre le premier et le second Adam, en ce que l'un et l'autre se trouvèrent dans un jardin. Car le premier se cacha quand il entendit la voix de la Justice divine qui l'appelait par son nom : Adam où es-tu ? lui fut-il dit; mais le second entendant celle de la justice humaine, il se montre aussitôt, et dit hautement : C'est moi qui suis Jésus. En effet il aime tant le salut des hommes, qu'il ne peut cacher son adorable nom de Jésus, c'est à dire de Sauveur.
Pensez à ce qui arrivera au jour du dernier jugement, lorsque Jésus dans l'éclat de sa Majesté prononcera cette effroyable sentence contre ses ennemis : Allez, maudits au feu éternel, si cette douce et amoureuse parole, C'est moi, a été si puissante que de renverser par terre toute l'armée de Satan et le traitre Judas.
Remarquez la grande bonté de Jésus qui au milieu de tant de périls pense à la liberté de ses Disciples, dont l'éloignement pouvait encore l'affliger davantage.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
75 - DE LA PRISE DE JÉSUS. ( Jean 18,1 – Matthieu 26,47)
Alors ils s’approchèrent, mirent la main sur Jésus et l'arrêtèrent.
Considérez avec quelle insolence cette vile et barbare canaille se rue sur l'innocent Agneau, avec quelles huées et quelles moqueries. Représentez-vous que les uns lui arrachent les cheveux, les autres la barbe; les uns lui donnent des coups de poings, les autres des coups de bâton sur sa tête adorable; les uns lui serrent si étroitement les bras avec de grosses cordes, que d`autres l`insultent comme des chiens enragés.
O pitoyable et horrible spectacle, de voir le Créateur du Ciel et de la terre, chargé de cordes et de chaînes; lui qui seul nous peut délivrer de tout esclavage ! de voir ces saintes mains qui ont fait tant de miracles, garrottées comme celles d'un criminel ! de voir traité comme un voleur, celui qui rachète les âmes de la mort éternelle. Pensez que Jésus n'est ainsi lié et garrotté, que pour vous délivrer des liens de vos péchés, et de l'esclavage de l`ange déchu.
Pierre coupa l'oreille d'un des serviteurs du Grand Prêtre: Jésus la remit en sa place, et dit à Pierre : Remettez, votre épée dans son fourreau. Quoi ? vous ne voulez pas que je boive le calice que mon Père m'a donné ? Et se retournant vers la troupe : Vous êtes venus, leur dit-il, pour vous saisir de moi, comme d'un brigand; mais c'est ici votre heure et la puissance des ténèbres.
Considérez 1. Pourquoi saint Pierre se laissa aller à cet emportement. Sans doute parce qu'il s'était endormi en priant. 2. Quelle est la bonté de Jésus qui rend le bien pour le mal en guérissant l'oreille de Malchus. 3. Le grand désir qu'il a d'obéir à son Père; car quand il dit à saint Pierre? Quoi? vous ne voulez pas que je boive le calice que mon Père m'a donné? que veut-il dire autre chose , sinon , Voulez-vous que je n'obéisse pas à mon Père ? En effet, dit saint Bernard; il a mieux aimé perdre la vie que l'obéissance. 4. L`opiniâtreté de Malchus et de toute la troupe, qu'un double miracle ne peut toucher.
Faites réflexion et gémissez sur l'indignité du traitement qui est fait à Jésus : car il est livré comme un voleur, non seulement aux chefs des Juifs, mais aussi au Prince des ténèbres ( l`ange déchu). Il lui fut à la vérité permis de tourmenter le Patriarche Job, mais il lui fut défendu d'attenter à sa vie. A l'égard de Jésus il n'y a point d'exception et la puissance de l'enfer peut déployer sa rage sur sa vie et sur son honneur.
Alors tous ses Disciples l'abandonnèrent et s'enfuirent.
Considérez que ceux qui servent Jésus et s'adonnent à la piété quand leurs affaires réussissent, mais qui s'en éloignent quand quelque tentation ou quelque adversité leur survient , sont semblables à ces Disciples. Remarquez qu'ils tombèrent dans cette faiblesse, parce qu'ils n'avoient pas obéît au conseil de Jésus lors qu'il leur dit si clairement ; Priez, de peur que vous ne soyez, surpris de la tentation.
Bien plus , il leur avait même prédit leur fuite en ces termes : Vous serez, tous scandalisés cette nuit de ce qui m'arrivera. Ce qui apprend qu'il ne faut pas se fier en ses forces, quand il s'agit de se résoudre à de grandes afflictions, mais qu'il faut s'attacher à l'oraison avec ferveur et avec persévérance.
En effet Jésus n'avait pas besoin de prier, de peur de succomber à la tentation de prendre la fuite, mais il a voulu nous donner exemple, et nous apprendre quel état nous devons faire de l'oraison.
76 - JÉSUS EST MENÉ DEVANT ANNE LE PONTIFE ( Matthieu 26,57 – Marc 14,53 – Luc 22,54 – Jean 18,13)
Et ils menèrent Jésus premièrement chez Anne, qui l'interrogea touchant sa doctrine et ses Disciples. Jésus lui répondit: Interrogez ceux qui m'ont entendu lorsque j`ai parlé publiquement dans le Temple et dans la synagogue.
Considérez et figurez-vous comme ces enragés ministres traînent cet innocent Agneau; et comme ils le font aller chez Anne par des chemins raboteux et remplis d'épines de ronces, de bourbiers et de cloaques; comme ils le traitent de fait et de paroles, enfin comme étant abattu de faiblesse ils le font relever à coups de pieds et de poings.
Voyez comme Jésus à qui tout pouvoir avait été donné dans le Ciel et sur la terre, est présenté à ce présomptueux Pontife, les mains liées derrière le dos, les yeux baissés vers la terre; avec quelle douceur et quelle modestie il répond à ce Juge insolent qui l'interroge sur sa doctrine pour prendre occasion de le calomnier; et apprenez par son exemple à ne point perdre courage si l'on médit ou si l'on pense mal de vous, pourvu que vous soyez innocent; comme aussi à défendre plutôt la vérité de votre doctrine et l'intégrité de vos mœurs par le témoignage d'autrui, que par vos raisons, quelque fortes et convaincantes qu'elles vous paraissent.
Ayant dit ces paroles, un des officiers qui était présent donna un soufflet à Jésus et lui dit : Est-ce ainsi que vous répondez, au Grand-Prêtre?
Considérez l'effroyable et plus que diabolique sacrilège, qui a donné de l'horreur au Ciel, et de l'étonnement à la terre. Le maitre est frappé par son valet, le Créateur par sa créature, le Seigneur de l'Univers, devant qui les Intelligences du Ciel et les puissances de l'enfer sont en un perpétuel tremblement, est outragé d'un soufflet.
Remarquez quel était ce soufflet, un soldat fort et vigoureux l'appliqua sur le sacré visage de Jésus avec une main pesante.
Si j`ai mal parlé, rendez témoignage du mal que j'ai dit; mais si je n'ai rien dit que bien à propos pourquoi me frappez-vous ?
Considérez que si nous avions été traités de la sorte, nous ne penserions qu'à venger un tel affront, quoique nous soyons bien éloigné d'approcher de l'innocence de Jésus.
Remarquez que Jésus se plaignit de l'outrage de ce soufflet et voulut bien répondre à cet abominable, parce qu'il fut l'un des plus sanglants et des plus sensibles qu'il ait reçus dans le cours de sa Passion. En effet quand il fut flagellé, couronné d'épines et attaché sur la croix avec des clous, bien loin de se plaindre, il pria pour ceux qui le traitaient avec tant de cruauté.
Persuadez-vous que la réponse de Jésus à cet insolent, peut-être entendue comme s'il lui avait dit : Si j'ai mal parlé, frappez encore sur l'autre joue, la voilà; puisque le prophète Jérémie dit de lui : qu'il a présenté sa joue à celui qui le frappait.
L'on peut aussi assurer qu'il ne prétendit aucune satisfaction d'un outrage si sensible, mais qu'il eut dessein de convertir ce scélérat, et de faire voir qu'il était disposé à en souffrir beaucoup davantage.
77 - RENIEMENTS DE ST PIERRE ( Matthieu 26,34 - Marc 14,30 - Luc 22,34 - Jean 13,38)
Pierre étant dehors à l'entrée du portail, la portière et d'autres encore, lui demandèrent s'il était Disciple de Jésus; et il nia par trois fois qu'il le connaissait.
Considérez dans le cœur de saint Pierre le combat entre la crainte et l'amour, entre la crainte de la mort et l'amour de son Maitre. L'Amour l'obligeait à suivre Jésus, et la crainte le contraignait de se cacher; mais la crainte l'emporta tellement par-dessus l'amour, qu'enfin il fut vaincu, et que saint Pierre renia son Maitre. Celui donc qui se persuade d'être bien assuré, se donne de garde de tomber, car si le chef des Apôtres , qui devait donner exemple aux autres, et les affermir, a fait néanmoins une si lourde chute, que peut-il arriver aux autres.
Incontinent après le coq chanta et Jésus se tournant regarda Pierre.
Considérez quelle fut l'affliction et la tristesse de Jésus, quand il se vit trahi par Judas, abandonné de ses Disciples, et si lâchement renié par le chef de ses Apôtres. Sans doute
que ce reniement le toucha plus que tous les outrages et toutes les douleurs qu'il a souffertes et qu'il dit en soi-même : Je regardais vers ma droite et je considérais, mais il n`y avait personne qui me connut. En sorte qu'il n'y a pas lieu de s'étonner si à sa gauche pas un de ses ennemis ne l'a connu, puisque St Pierre qui était à sa droite, l'a méconnu.
Pensez que Jésus touché de compassion pour saint Pierre le chercha des yeux, et lui dit par ses œillades: Est-ce donc ainsi , Pierre que vous me reniez ? Où est votre foi? où est votre fidélité ? où est cet amour que vous me témoignez? où sont ses promesses si solennelles de ne me point abandonner ? Ah Pierre ! ceux-ci tourmentent assez mon corps, pourquoi voulez-vous mettre mon esprit à la torture ? Est-ce là la reconnaissance que vous avez pour votre Sauveur, qui vous a fait le Prince de son peuple de pauvre pécheur que vous étiez ?
Pierre se souvenant de la parole de Jésus et de ce qu'il lui avait prédit du chant du coq sortit dehors et pleura amèrement.
Considérez que comme la neige fond à l'ardeur du Soleil, ainsi le cœur de Pierre qui était tout de glace, se fondit en larmes aux regards de Jésus après que le coq eut chanté; et qu'il dit: Seigneur que voulez-vous que je fasse? Y a t'il lieu d'espérer le pardon après une chute si lourde et si criminelle ? Apprenez qu'il ne faut jamais perdre courage, si nous tombons dans quelque grande faute, même dans la religion la plus sainte et la plus austère: mais qu'il faut avoir recours à la prière et demander à Dieu qu'il jette la vue sur notre misère.
78 - JÉSUS EST MENÉ DE CHEZ ANNE, CHEZ CAÏPHE ( Mathieu 26, 57 – Marc 14,53 – Luc 22,66 – Jean 18,15)
Ils le menèrent alors à Caïphe le Grand Prêtre, chez, qui les Scribes, les Anciens, et les Pharisiens s’étaient assemblés, et où Jésus ne répondant rien à tous les faux témoignages que l'on avançait contre lu; Caïphe lui dit : Je vous conjure par le Dieu vivant, de nous dire si vous êtes le Fils de Dieu. Oui, répondit Jésus, je le suis.
Considérez : 1. Pourquoi Jésus ne fit point de réponse à tant de calomnies que l'on lui objectait; sans doute parce qu'elles ne méritaient pas qu'il prit la peine de les réfuter. 2.
De peur que ces opiniâtres n'en prissent sujet de pécher plus lourdement: 3. Pour nous apprendre par son exemple à souffrir les reproches avec patience, principalement lorsque nous n'en sommes pas coupables, parce que cette manière de souffrir nous rend d'autant plus agréables devant Dieu.
Pensez pourquoi il ne se tait pas de même quand Caïphe le conjure au nom de Dieu, quoi qu'il eut que sa réponse lui causerait un traitement plus rigoureux. Sans doute pour nous enseigner que quand il s'agit de l'honneur de Dieu, il ne nous est pas permis de celer la vérité, quand même il y irait de la vie.
Je vous dis, ajouta Jésus, que vous verrez quelque jour le Fils de l'homme assis à la droite de la puissance de Dieu. Ce que Caïphe ayant entendu, il déchira ses habits, et dit : Il a blasphémé et les autres s` écrièrent aussitôt, Il est digne de mort.
Considérez que Jésus ajouta ces paroles, pour découvrir davantage sa divinité; comme s'il eut dit: Quoi que vous me voyez à présent dans un état de mépris, et que ce que le Prophète a prédit soit arrivé, quand il a prononcé : Son visage sera comme caché et couvert de confusion; sachez pourtant que vous me verrez un jour le Juge des vivants et des morts, et assis à la droite de la Majesté de Dieu: pour les avertir de leurs fins dernières, et les détourner de leur entreprise par la pensée qu'il leur en inspirait.
Faites réflexion sur la patience de Jésus lorsqu'il entendit prononcer contre lui cette horrible et effroyable sentence de mort contre lui, dis-je, qui est l'auteur de la vie. En effet c'est une choie étonnante que la terre ne se soit ouverte et ne les ait engloutis. Mais apprenez que c'est le propre du monde de condamner ceux qui parlent avec vérité et qui vivent exemplairement; comme d'ailleurs il est de notre devoir de mépriser comme a fait Jésus, les cris, et les huées, que pourrait faire le monde en s'emportant contre nous de colère et de furie.
Alors ceux qui tenaient Jésus, lui crachèrent au visage, et lui bandèrent les yeux. D'autres lui donnèrent des soufflets, d'autres le blasphémèrent, et ils disaient: Devinez qui vous a frappé.
Considérez que quand l'on veut cracher, l'on se détourne vers les lieux les plus cachés, mais que ces impies n'ont rien trouvé de plus sale et de plus indigne que la face adorable de Jésus, dont la vue fait le bonheur des Anges.
Pensez que ces scélérats ne sont point capables de forger et de vomir tant d'injures, que Jésus ne soit disposé à les entendre sans réplique, ni d'inventer tant de tourments, qu'il ne soit prêt d'en souffrir encore davantage. Voyez sa face toute livide, toute salie et toute enflée de coups de poings, de crachats et de soufflets; et souvenez-vous que le prophète Isaïe l'avait prédit par ces paroles: Nous avons pensé qu`il était comme un lépreux et que la main de Dieu l'avait frappé et humilié.
Considérez combien nous sommes éloignés de la vie et des mœurs de Jésus; car nous ne pouvons souffrir la moindre parole contre notre honneur, et néanmoins il veut que nous imitions sa patience dans les outrages et dans les douleurs.
79 - DU DESESPOIR DE JUDAS ( Matthieu 27,3 – Actes des Apôtres 1,16)
Judas voyant Jésus condamné à la mort, de regret qu'il en eut il reporta les trente deniers qu'il avait touché pour la récompense de sa trahison, et dit : J'ai péché quand j' ai vendu le sang juste et innocent
Considérez qu'un homme qui vit en la compagnie de gens de bien, s'il ne résiste d'abord aux plus petites imperfections, il s'y engage tellement, que la honte l'empêche enfin
de s'en défaire. Et remarquez la ruse du démon (de l`ange déchu), qui au commencement éblouit les yeux, de peur que l'on ne voie l'énormité du péché, et après
en exagère la turpitude de telle sorte que l'on en désespère.
Pensez que Jésus n'a été vendu que trente deniers, quoique beaucoup d'animaux sans comparaison soient vendus bien plus cher. O rencontre surprenante et effroyable ! L'homme a dû être acheté au prix du sang du Fils de Dieu, et Jésus est livré pour trente deniers. Mais à qui et par qui a t` il été vendu ? A ses plus cruels ennemis, par son propre disciple, qui était un larron et qui s'est étranglé lui-même.
Les Princes des Prêtres dirent : Que nous importe? C’est votre affaire. Judas enfin ayant jetté les deniers dans le Temple, s'en alla et se pendit.
Considérez que saint Pierre ayant commis son péché, en obtint le pardon parce qu'il avait abandonné la compagnie des méchants; mais qu'au contraire Judas s'est désespéré parce qu'il retourna vers eux. Et apprenez de là que ceux qui quittent Dieu pour complaire aux hommes, sont souvent abandonnés de Dieu même et des hommes en cette vie.
Pensez combien une mauvaise conscience est bourrelée, puisqu'elle ne craint ni la confusion ni la corde pour chercher des remèdes à son inquiétude. Que les apostats de la foi ou de la religion, périssent pour l'ordinaire misérablement. Et enfin que Judas s'étant pendu creva par le milieu et que ses entrailles tombèrent par terre, comme il est rapporté dans les Actes des Apôtres; parce qu'ayant perdu les entrailles de la charité, et désiré beaucoup de richesses, il était juste qu'il perdit jusqu'à ses intestins.
Les Princes des Prêtres s'étant assemblés, achetèrent de cet argent le champ d'un potier pour y ensevelir les étrangers.
Considérez l'impertinente et inconsidérée superstition de ces Sacrificateurs, qui craignent de souiller le trésor de leur temple du pur sang innocent, et ne font point difficulté de le répandre avec tant d'injustice et tant de cruauté; semblables sans doute à ceux qui font scrupule de petites imperfections, et se précipitent volontairement dans le péché mortel.
Considérez que Jésus n'a point voulu que le prix de son sang fut employé à autre chose qu'à une œuvre de charité, comme était la Sépulture des étrangers.
Alors ils s’approchèrent, mirent la main sur Jésus et l'arrêtèrent.
Considérez avec quelle insolence cette vile et barbare canaille se rue sur l'innocent Agneau, avec quelles huées et quelles moqueries. Représentez-vous que les uns lui arrachent les cheveux, les autres la barbe; les uns lui donnent des coups de poings, les autres des coups de bâton sur sa tête adorable; les uns lui serrent si étroitement les bras avec de grosses cordes, que d`autres l`insultent comme des chiens enragés.
O pitoyable et horrible spectacle, de voir le Créateur du Ciel et de la terre, chargé de cordes et de chaînes; lui qui seul nous peut délivrer de tout esclavage ! de voir ces saintes mains qui ont fait tant de miracles, garrottées comme celles d'un criminel ! de voir traité comme un voleur, celui qui rachète les âmes de la mort éternelle. Pensez que Jésus n'est ainsi lié et garrotté, que pour vous délivrer des liens de vos péchés, et de l'esclavage de l`ange déchu.
Pierre coupa l'oreille d'un des serviteurs du Grand Prêtre: Jésus la remit en sa place, et dit à Pierre : Remettez, votre épée dans son fourreau. Quoi ? vous ne voulez pas que je boive le calice que mon Père m'a donné ? Et se retournant vers la troupe : Vous êtes venus, leur dit-il, pour vous saisir de moi, comme d'un brigand; mais c'est ici votre heure et la puissance des ténèbres.
Considérez 1. Pourquoi saint Pierre se laissa aller à cet emportement. Sans doute parce qu'il s'était endormi en priant. 2. Quelle est la bonté de Jésus qui rend le bien pour le mal en guérissant l'oreille de Malchus. 3. Le grand désir qu'il a d'obéir à son Père; car quand il dit à saint Pierre? Quoi? vous ne voulez pas que je boive le calice que mon Père m'a donné? que veut-il dire autre chose , sinon , Voulez-vous que je n'obéisse pas à mon Père ? En effet, dit saint Bernard; il a mieux aimé perdre la vie que l'obéissance. 4. L`opiniâtreté de Malchus et de toute la troupe, qu'un double miracle ne peut toucher.
Faites réflexion et gémissez sur l'indignité du traitement qui est fait à Jésus : car il est livré comme un voleur, non seulement aux chefs des Juifs, mais aussi au Prince des ténèbres ( l`ange déchu). Il lui fut à la vérité permis de tourmenter le Patriarche Job, mais il lui fut défendu d'attenter à sa vie. A l'égard de Jésus il n'y a point d'exception et la puissance de l'enfer peut déployer sa rage sur sa vie et sur son honneur.
Alors tous ses Disciples l'abandonnèrent et s'enfuirent.
Considérez que ceux qui servent Jésus et s'adonnent à la piété quand leurs affaires réussissent, mais qui s'en éloignent quand quelque tentation ou quelque adversité leur survient , sont semblables à ces Disciples. Remarquez qu'ils tombèrent dans cette faiblesse, parce qu'ils n'avoient pas obéît au conseil de Jésus lors qu'il leur dit si clairement ; Priez, de peur que vous ne soyez, surpris de la tentation.
Bien plus , il leur avait même prédit leur fuite en ces termes : Vous serez, tous scandalisés cette nuit de ce qui m'arrivera. Ce qui apprend qu'il ne faut pas se fier en ses forces, quand il s'agit de se résoudre à de grandes afflictions, mais qu'il faut s'attacher à l'oraison avec ferveur et avec persévérance.
En effet Jésus n'avait pas besoin de prier, de peur de succomber à la tentation de prendre la fuite, mais il a voulu nous donner exemple, et nous apprendre quel état nous devons faire de l'oraison.
76 - JÉSUS EST MENÉ DEVANT ANNE LE PONTIFE ( Matthieu 26,57 – Marc 14,53 – Luc 22,54 – Jean 18,13)
Et ils menèrent Jésus premièrement chez Anne, qui l'interrogea touchant sa doctrine et ses Disciples. Jésus lui répondit: Interrogez ceux qui m'ont entendu lorsque j`ai parlé publiquement dans le Temple et dans la synagogue.
Considérez et figurez-vous comme ces enragés ministres traînent cet innocent Agneau; et comme ils le font aller chez Anne par des chemins raboteux et remplis d'épines de ronces, de bourbiers et de cloaques; comme ils le traitent de fait et de paroles, enfin comme étant abattu de faiblesse ils le font relever à coups de pieds et de poings.
Voyez comme Jésus à qui tout pouvoir avait été donné dans le Ciel et sur la terre, est présenté à ce présomptueux Pontife, les mains liées derrière le dos, les yeux baissés vers la terre; avec quelle douceur et quelle modestie il répond à ce Juge insolent qui l'interroge sur sa doctrine pour prendre occasion de le calomnier; et apprenez par son exemple à ne point perdre courage si l'on médit ou si l'on pense mal de vous, pourvu que vous soyez innocent; comme aussi à défendre plutôt la vérité de votre doctrine et l'intégrité de vos mœurs par le témoignage d'autrui, que par vos raisons, quelque fortes et convaincantes qu'elles vous paraissent.
Ayant dit ces paroles, un des officiers qui était présent donna un soufflet à Jésus et lui dit : Est-ce ainsi que vous répondez, au Grand-Prêtre?
Considérez l'effroyable et plus que diabolique sacrilège, qui a donné de l'horreur au Ciel, et de l'étonnement à la terre. Le maitre est frappé par son valet, le Créateur par sa créature, le Seigneur de l'Univers, devant qui les Intelligences du Ciel et les puissances de l'enfer sont en un perpétuel tremblement, est outragé d'un soufflet.
Remarquez quel était ce soufflet, un soldat fort et vigoureux l'appliqua sur le sacré visage de Jésus avec une main pesante.
Si j`ai mal parlé, rendez témoignage du mal que j'ai dit; mais si je n'ai rien dit que bien à propos pourquoi me frappez-vous ?
Considérez que si nous avions été traités de la sorte, nous ne penserions qu'à venger un tel affront, quoique nous soyons bien éloigné d'approcher de l'innocence de Jésus.
Remarquez que Jésus se plaignit de l'outrage de ce soufflet et voulut bien répondre à cet abominable, parce qu'il fut l'un des plus sanglants et des plus sensibles qu'il ait reçus dans le cours de sa Passion. En effet quand il fut flagellé, couronné d'épines et attaché sur la croix avec des clous, bien loin de se plaindre, il pria pour ceux qui le traitaient avec tant de cruauté.
Persuadez-vous que la réponse de Jésus à cet insolent, peut-être entendue comme s'il lui avait dit : Si j'ai mal parlé, frappez encore sur l'autre joue, la voilà; puisque le prophète Jérémie dit de lui : qu'il a présenté sa joue à celui qui le frappait.
L'on peut aussi assurer qu'il ne prétendit aucune satisfaction d'un outrage si sensible, mais qu'il eut dessein de convertir ce scélérat, et de faire voir qu'il était disposé à en souffrir beaucoup davantage.
77 - RENIEMENTS DE ST PIERRE ( Matthieu 26,34 - Marc 14,30 - Luc 22,34 - Jean 13,38)
Pierre étant dehors à l'entrée du portail, la portière et d'autres encore, lui demandèrent s'il était Disciple de Jésus; et il nia par trois fois qu'il le connaissait.
Considérez dans le cœur de saint Pierre le combat entre la crainte et l'amour, entre la crainte de la mort et l'amour de son Maitre. L'Amour l'obligeait à suivre Jésus, et la crainte le contraignait de se cacher; mais la crainte l'emporta tellement par-dessus l'amour, qu'enfin il fut vaincu, et que saint Pierre renia son Maitre. Celui donc qui se persuade d'être bien assuré, se donne de garde de tomber, car si le chef des Apôtres , qui devait donner exemple aux autres, et les affermir, a fait néanmoins une si lourde chute, que peut-il arriver aux autres.
Incontinent après le coq chanta et Jésus se tournant regarda Pierre.
Considérez quelle fut l'affliction et la tristesse de Jésus, quand il se vit trahi par Judas, abandonné de ses Disciples, et si lâchement renié par le chef de ses Apôtres. Sans doute
que ce reniement le toucha plus que tous les outrages et toutes les douleurs qu'il a souffertes et qu'il dit en soi-même : Je regardais vers ma droite et je considérais, mais il n`y avait personne qui me connut. En sorte qu'il n'y a pas lieu de s'étonner si à sa gauche pas un de ses ennemis ne l'a connu, puisque St Pierre qui était à sa droite, l'a méconnu.
Pensez que Jésus touché de compassion pour saint Pierre le chercha des yeux, et lui dit par ses œillades: Est-ce donc ainsi , Pierre que vous me reniez ? Où est votre foi? où est votre fidélité ? où est cet amour que vous me témoignez? où sont ses promesses si solennelles de ne me point abandonner ? Ah Pierre ! ceux-ci tourmentent assez mon corps, pourquoi voulez-vous mettre mon esprit à la torture ? Est-ce là la reconnaissance que vous avez pour votre Sauveur, qui vous a fait le Prince de son peuple de pauvre pécheur que vous étiez ?
Pierre se souvenant de la parole de Jésus et de ce qu'il lui avait prédit du chant du coq sortit dehors et pleura amèrement.
Considérez que comme la neige fond à l'ardeur du Soleil, ainsi le cœur de Pierre qui était tout de glace, se fondit en larmes aux regards de Jésus après que le coq eut chanté; et qu'il dit: Seigneur que voulez-vous que je fasse? Y a t'il lieu d'espérer le pardon après une chute si lourde et si criminelle ? Apprenez qu'il ne faut jamais perdre courage, si nous tombons dans quelque grande faute, même dans la religion la plus sainte et la plus austère: mais qu'il faut avoir recours à la prière et demander à Dieu qu'il jette la vue sur notre misère.
78 - JÉSUS EST MENÉ DE CHEZ ANNE, CHEZ CAÏPHE ( Mathieu 26, 57 – Marc 14,53 – Luc 22,66 – Jean 18,15)
Ils le menèrent alors à Caïphe le Grand Prêtre, chez, qui les Scribes, les Anciens, et les Pharisiens s’étaient assemblés, et où Jésus ne répondant rien à tous les faux témoignages que l'on avançait contre lu; Caïphe lui dit : Je vous conjure par le Dieu vivant, de nous dire si vous êtes le Fils de Dieu. Oui, répondit Jésus, je le suis.
Considérez : 1. Pourquoi Jésus ne fit point de réponse à tant de calomnies que l'on lui objectait; sans doute parce qu'elles ne méritaient pas qu'il prit la peine de les réfuter. 2.
De peur que ces opiniâtres n'en prissent sujet de pécher plus lourdement: 3. Pour nous apprendre par son exemple à souffrir les reproches avec patience, principalement lorsque nous n'en sommes pas coupables, parce que cette manière de souffrir nous rend d'autant plus agréables devant Dieu.
Pensez pourquoi il ne se tait pas de même quand Caïphe le conjure au nom de Dieu, quoi qu'il eut que sa réponse lui causerait un traitement plus rigoureux. Sans doute pour nous enseigner que quand il s'agit de l'honneur de Dieu, il ne nous est pas permis de celer la vérité, quand même il y irait de la vie.
Je vous dis, ajouta Jésus, que vous verrez quelque jour le Fils de l'homme assis à la droite de la puissance de Dieu. Ce que Caïphe ayant entendu, il déchira ses habits, et dit : Il a blasphémé et les autres s` écrièrent aussitôt, Il est digne de mort.
Considérez que Jésus ajouta ces paroles, pour découvrir davantage sa divinité; comme s'il eut dit: Quoi que vous me voyez à présent dans un état de mépris, et que ce que le Prophète a prédit soit arrivé, quand il a prononcé : Son visage sera comme caché et couvert de confusion; sachez pourtant que vous me verrez un jour le Juge des vivants et des morts, et assis à la droite de la Majesté de Dieu: pour les avertir de leurs fins dernières, et les détourner de leur entreprise par la pensée qu'il leur en inspirait.
Faites réflexion sur la patience de Jésus lorsqu'il entendit prononcer contre lui cette horrible et effroyable sentence de mort contre lui, dis-je, qui est l'auteur de la vie. En effet c'est une choie étonnante que la terre ne se soit ouverte et ne les ait engloutis. Mais apprenez que c'est le propre du monde de condamner ceux qui parlent avec vérité et qui vivent exemplairement; comme d'ailleurs il est de notre devoir de mépriser comme a fait Jésus, les cris, et les huées, que pourrait faire le monde en s'emportant contre nous de colère et de furie.
Alors ceux qui tenaient Jésus, lui crachèrent au visage, et lui bandèrent les yeux. D'autres lui donnèrent des soufflets, d'autres le blasphémèrent, et ils disaient: Devinez qui vous a frappé.
Considérez que quand l'on veut cracher, l'on se détourne vers les lieux les plus cachés, mais que ces impies n'ont rien trouvé de plus sale et de plus indigne que la face adorable de Jésus, dont la vue fait le bonheur des Anges.
Pensez que ces scélérats ne sont point capables de forger et de vomir tant d'injures, que Jésus ne soit disposé à les entendre sans réplique, ni d'inventer tant de tourments, qu'il ne soit prêt d'en souffrir encore davantage. Voyez sa face toute livide, toute salie et toute enflée de coups de poings, de crachats et de soufflets; et souvenez-vous que le prophète Isaïe l'avait prédit par ces paroles: Nous avons pensé qu`il était comme un lépreux et que la main de Dieu l'avait frappé et humilié.
Considérez combien nous sommes éloignés de la vie et des mœurs de Jésus; car nous ne pouvons souffrir la moindre parole contre notre honneur, et néanmoins il veut que nous imitions sa patience dans les outrages et dans les douleurs.
79 - DU DESESPOIR DE JUDAS ( Matthieu 27,3 – Actes des Apôtres 1,16)
Judas voyant Jésus condamné à la mort, de regret qu'il en eut il reporta les trente deniers qu'il avait touché pour la récompense de sa trahison, et dit : J'ai péché quand j' ai vendu le sang juste et innocent
Considérez qu'un homme qui vit en la compagnie de gens de bien, s'il ne résiste d'abord aux plus petites imperfections, il s'y engage tellement, que la honte l'empêche enfin
de s'en défaire. Et remarquez la ruse du démon (de l`ange déchu), qui au commencement éblouit les yeux, de peur que l'on ne voie l'énormité du péché, et après
en exagère la turpitude de telle sorte que l'on en désespère.
Pensez que Jésus n'a été vendu que trente deniers, quoique beaucoup d'animaux sans comparaison soient vendus bien plus cher. O rencontre surprenante et effroyable ! L'homme a dû être acheté au prix du sang du Fils de Dieu, et Jésus est livré pour trente deniers. Mais à qui et par qui a t` il été vendu ? A ses plus cruels ennemis, par son propre disciple, qui était un larron et qui s'est étranglé lui-même.
Les Princes des Prêtres dirent : Que nous importe? C’est votre affaire. Judas enfin ayant jetté les deniers dans le Temple, s'en alla et se pendit.
Considérez que saint Pierre ayant commis son péché, en obtint le pardon parce qu'il avait abandonné la compagnie des méchants; mais qu'au contraire Judas s'est désespéré parce qu'il retourna vers eux. Et apprenez de là que ceux qui quittent Dieu pour complaire aux hommes, sont souvent abandonnés de Dieu même et des hommes en cette vie.
Pensez combien une mauvaise conscience est bourrelée, puisqu'elle ne craint ni la confusion ni la corde pour chercher des remèdes à son inquiétude. Que les apostats de la foi ou de la religion, périssent pour l'ordinaire misérablement. Et enfin que Judas s'étant pendu creva par le milieu et que ses entrailles tombèrent par terre, comme il est rapporté dans les Actes des Apôtres; parce qu'ayant perdu les entrailles de la charité, et désiré beaucoup de richesses, il était juste qu'il perdit jusqu'à ses intestins.
Les Princes des Prêtres s'étant assemblés, achetèrent de cet argent le champ d'un potier pour y ensevelir les étrangers.
Considérez l'impertinente et inconsidérée superstition de ces Sacrificateurs, qui craignent de souiller le trésor de leur temple du pur sang innocent, et ne font point difficulté de le répandre avec tant d'injustice et tant de cruauté; semblables sans doute à ceux qui font scrupule de petites imperfections, et se précipitent volontairement dans le péché mortel.
Considérez que Jésus n'a point voulu que le prix de son sang fut employé à autre chose qu'à une œuvre de charité, comme était la Sépulture des étrangers.
Dernière édition par MichelT le Ven 22 Sep 2017 - 13:54, édité 1 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
80 - JÉSUS EST RENVOYÉ DEVANT PILATE (Matthieu 27,11 – Luc 23,1 – Jean 18,28)
Dès le matin ils ramenèrent Jésus de chez Caïphe au Prétoire, où les Juifs n'entrèrent pas, de peur de quelque souillure qui les eut empêchés de manger la Pâque.
Considérez que le Fils de Dieu n'eut aucune relâche dans le cours de sa Passion; depuis le soir jusques au lendemain matin, et pendant toute la nuit il fut continuellement outragé de fait et de paroles; depuis le matin jusques au soir ses douleurs ne cessèrent point; car à la première heure du jour il fut accusé; à la troisième il fut condamné, à la sixième il fut crucifié, à la neuvième il mourut, et enfin sur le soir il fut enseveli. Mais il n'y a pas lieu de s'en étonner, si l'on considère que notre assiduité à pécher, a causé cette suite sans interruption des douleurs de Jésus.
Remarquez que dès le matin l'on travaille à faire mourir le Sauveur, car c'est le propre du diable ( de l`ange déchu) de presser l'exécution des mauvais desseins, de peur que le retardement ne fasse changer d'avis; mais qu'au contraire nous devons avoir de l'empressement pour les œuvres vertueuses, car la grâce du Saint Esprit est ennemie de la lenteur et de la nonchalance, quand il s'agit de faire le bien, dit St-Ambroise.
Pilate sortit donc dehors; et demanda: De quoi accusez-vous cet homme? Ils répondirent : S’il n'était un malfaiteur, nous ne vous l'aurions pas livré.
Considérez la douceur de Pilate, qui ayant sujet de se croire méprisé par les Juifs dans le refus qu'ils avaient fait de l'approcher, comme étant immonde, céda pourtant à leur superstition; en quoi il parut beaucoup meilleur que nous, qui méprisons ceux qui nous méprisent, et qui sommes si fort attachés au point d'honneur, qu'il n'y a rien qui nous en puisse dégager.
Remarquez que Jésus étant accusé de plusieurs chefs devant divers Juges, il ne s'excuse ni ne se défend; pour faire voir qu'il veut être tenu pour un criminel et pour un malfaiteur, et être condamné à la mort en cette qualité. En effet il s'est chargé de toutes nos iniquités; et comme un véritable pécheur il s'est exposé à la malédiction, pour nous faire les héritiers de sa bénédiction. O bonté infinie!
Ils l'accusèrent ensuite, et dirent: Nous avons trouvé que cet homme séduisait notre nation, qu'il défendait de payer le tribut à César, et qu'il se disait être Roi et le Christ.
Considérez jusques à quel point la haine a aveuglé ces hommes. Ils n'avaient rien à produire contre Jésus; c'est pourquoi ils forgent de fausses accusations contre son innocence; quoiqu’ils soient bien informés, qu'il s'est caché quand on a voulu le faire Roi, qu'il a enjoint d'obéir aux puissances, qu'il a enseigné l'obligation de payer le tribut, et qu'il l'a payé lui-même.
81 – INTERROGATOIRE DE PILATE (Matthieu 27,11 – Luc 23,1 – Jean 18,28)
Pilate étant entré dans le Prétoire, interrogeais Jésus, et lui dit: Êtes-vous le Roi des Juifs? Mon Royaume n'est pas de ce monde, lui répondit Jésus. Vous êtes donc Roi? Lui répliqua Pilate. Vous le dites, et il est vrai que je le suis, lui dit enfin le Sauveur.
Considérez comme Jésus répondit franchement à Pilate, parce qu'il agissait avec sincérité, et qu'il ne voulut pas répondre aux Juifs qui tâchaient de le surprendre, qu'après en avoir été conjuré, parce que Dieu déteste la dissimulation.
Faites réflexion que Jésus ne nie pas que son Royaume soit en ce monde; car effectivement il y règne, et dans l'Église et dans tous les véritables Chrétiens; mais il dit qu'il n'est pas de ce monde; parce qu'il n'est pas semblable à ceux de la terre, dont les Rois font gloire de leur suite et de leurs gardes, de leurs richesses et de leurs pompes mais qu'il consiste en la beauté des âmes, en la pauvreté d'esprit, en l'humilité , en l'obéissance, en la victoire que l'on emporte sur ses passions, et en la charité. Outre qu'il est commun aux pauvres, comme aux riches, aux mendiants comme aux Potentats, aux malades comme à ceux qui jouissent d'une parfaite santé. Si donc nous voulons être du nombre des sujets de Jésus, ayons soin d'acquérir toutes ces vertus .
Je suis né pour rendre témoignage à la vérité. Pilate lui dit : Qu'est-ce que la vérité? Et aussitôt il sortit, et dit aux Juifs: Je ne trouve point en lui aucun sujet de le condamner à la mort.
Considérez pourquoi Jésus est venu dans le monde. Sans doute, pour délivrer les hommes de l'erreur de l'Idolâtrie et du péché; pour enseigner combien ce qu'ils admirent, est une pure vanité et une illusion ridicule; comme aussi pour vous apprendre que vous êtes véritablement de son Royaume quand vous avez horreur des folies du siècle, et quand vous travaillez avec courage à la conversion des Infidèles et au règlement des mœurs des Chrétiens. Mais remarquez, que les Juifs ne portaient envie à Jésus qu'à cause qu'il enseignait la vérité et reprenait leurs vices.
Considérez que Pilate qui sortit avant que d'entendre la réponse de Jésus sur la demande qu'il lui avait faite touchant la vérité, est la figure de ceux qui ayant entendu parler de l'humilité, de la renonciation à soi-même, de la douceur, ou de quelque autre perfection de la vie Chrétienne, n'en font point d'état, ou se persuadent que cela ne les regarde pas.
Pensez qu'encore que Pilate ne trouve rien en la personne de Jésus qui puisse mériter la mort, et que les chefs des Juifs en supposent de faux sujets, il y a pourtant deux véritables causes de sa condamnation; l'énormité et le nombre de nos péchés avec son immense et infinie charité, qui l'a obligé à expier nos crimes par l'effusion de tout son sang.
Pilate lui dit alors : Ne me répondez-vous rien? N'entendez-vous pas combien de témoignages les Princes des Prêtres produisent contre vous ? Mais Jésus ne disait mot, ce dont Pilate était tout surpris.
Considérez dans quelles ténèbres l'envie précipita ces Princes des Prêtres, car voyant que Pilate était porté à délivrer Jésus, ils assurèrent avec des cris et des hurlements confus, qu'il avait soulevé toute la Galilée, lui objectant comme des crimes, les faveurs dont il les avait gratifiés. Toutefois l'on peut dire que véritablement il avait soulevé cette Province, quand il l'avait fait passer des ténèbres à la lumière, et de la mort du péché à la vie de la grâce.
Admirez la patience de Jésus, qui ne dit pas une parole et demeure paisible parmi des cris si horribles, si préjudiciables à sa vie, et si injurieux à son honneur. Quel était, je vous prie le feu de charité qui embrasait sa poitrine sacrée, puisqu’il n'a pu être atteint par la violence des torrents de tant d'injures, de tant d'affronts, et de tant d'outrages ?
Considérez que Jésus répondit souvent à Pilate, et qu'il ne voulut point répondre aux calomnies des Juifs, en sorte que ce Procurateur admira sa patience et reconnut la malice et l'imposture de ses accusateurs. Cela certes nous instruit qu'il y a plus d'avantage à ne point répondre aux injures, qu'à prouver son innocence.
82 - DU RENVOI DE JESUS A HÉRODE ( Luc 23,7)
Pilate renvoya Jésus au Roi Hérode qui était alors à Jérusalem. Hérode l'ayant vu en fut fort aise, car il y avait longtemps qu'il désirait de lui voir faire quelque miracle en sa présence.
Considérez que cette canaille enragée, et cette troupe barbare de soldats, renouvellent leurs outrages sur la sacrée personne de Jésus en le trainant encore par les rues, et le chargeant de reproches, de brocards, et de toute la boue de la ville, pour vous apprendre par cet exemple, si vous êtes Religieux, à supporter avec patience tout le traitement qui vous sera fait par vos Supérieurs quand ils vous commanderont de passer d'une Charge à une autre, soit plus basse, soit plus relevée; soit plus onéreuse, soit plus commode, quoique ce changement soit contre votre inclination.
Voyez que le désir de voir Jésus fut inutile à Hérode, parce qu'il ne provenait pas du dessein d'amender sa vie, mais d'une vaine curiosité, le persuadant que Jésus fut un Magicien qui le divertirait par quelque prodige. Ce qui fait bien voir, qu'encore que vous écoutiez volontiers la parole de Dieu et que vous lisiez des livres de Spiritualité, ou d'autre matière, vous n'en retirerez aucun avantage, si vous n'avez dessein que de devenir savant, et non pas d'avancer en la vertu.
Hérode fit plusieurs questions à Jésus, mais il ne lui répondit rien. Pendant que les Princes des Prêtres continuaient toujours de l'accuser.
Considérez pourquoi Jésus ne répondit rien au Roi Hérode qui l'interrogeait : 1. Sans doute de peur qu'il ne semblât approuver sa curiosité, qui seul à la mode des gens de Cour le portait à lui faire ces demandes; 2. Pour ne pas jeter des pierres précieuses, c'est à dire les divins mystères de la Religion Catholique, devant des pourceaux; 3. Afin d'instruire les Prédicateurs à ne pas rechercher de complaire à la curiosité de ceux qui les écoutent, mais plutôt de les porter à l'amendement de leur vie.
Pensez que les princes des prêtres continuant d'accuser Jésus, il demeura de sa part toujours inébranlable à leurs insultes et à leurs calomnies, pour faire voir que le vrai moyen d'avoir son âme en contrôle, est de persévérer dans la patience.
Hérode le méprisa de même que toute sa Cour, il le traita avec moqueries, et l'ayant revêtu d'une robe blanche il le renvoya a Pilate, dont il devint ami, car il était auparavant son ennemi.
Considérez combien ignominieusement Jésus fut retiré de la présence d'Hérode; comme il fut raillé et vilipendé par un grand nombre de soldats, chacun inventant quelque nouveau brocard pour s'en moquer, et comme enfin de même qu'un fou il fut revêtu d'une robe blanche. Pensez à l'insolence de leurs risées et de leurs outrages. L'on jetait ordinairement de la boue et des ordures sur les fous; et qui se persuadera qu'ils aient eu d'autre considération pour Jésus, puisqu'ils le tenaient pour un fou ? Mais que les gens du monde jettent un peu les yeux sur ce miroir; eux qui ont tant de soin de couvrir leur corruption et leurs péchés, d'habits si précieux et si commodes.
Considérez que si Jésus n'a pas refusé d'être revêtu de l'habit d'un fou, il n'y a point de Religieux qui ait fait vœu de pauvreté, ni même de Chrétien, qui doive rougir d'être vêtu pauvrement.
Considérez enfin que cette moquerie dont Jésus fut outragé, fut le sujet de la réconciliation temporelle entre Pilate et Hérode; comme sa mort devait être un jour la cause de l'union spirituelle des Juifs et des Gentils, incorporés dans une même Église. Et apprenez de la que ce que l'on souffre volontiers pour Jésus, est ordinairement suivi de beaucoup d'avantages tant spirituels que temporels.
83 - DE BARRABAS PRÉFERÉ A JÉSUS ( Matthieu 27,17)
Jésus étant revenu de chez, Hérode, Pilate dit aux Juifs: Je ne trouve en lui, non plus qu` Hérode, aucun crime qui mérite la mort.
Considérez qu'encore qu'Hérode n'ait trouvé que de l'innocence en Jésus, il ne le délivre pourtant pas de la main des Juifs, mais renvoi la connaissance de sa cause à Pilate et que c'est ainsi que l'on étudie plutôt de plaire aux hommes qu'à Dieu. Pensez qu'y ayant eu jusqu'à présent si grand nombre d'informations sur la vie du Sauveur, aucun des Juges n'y a rien trouve à redire, et sur cet exemple réglez tellement la vôtre, que tous les démons d'enfer (anges déchus) n'aient rien à vous objecter à l'heure de votre mort.
Barrabas ayant été mis en prison à cause d'un meurtre qui avait été commis dans une sédition, et le peuple ayant droit d'obtenir du Procurateur la liberté d'un des prisonniers au grand jour de Pâques, Pilate lui demanda, s`il désirait Jésus ou Barrabas. Barrabas, répondit ce peuple, et non point Jésus.
Considérez la patience incroyable de Jésus, qui étant vrai Dieu, de même substance que son Père, et celui par qui toutes choses ont été créées, a souffert non seulement que Barrabas, un séditieux convaincu d'homicide, et un infâme coquin fut mis en parallèle avec lui, mais même qu'il lui fut préféré, comme si un voleur eut été plus digne de vivre que l'auteur de la vie. Sans doute que cette préférence a été l'un des plus sanglants et des plus signalés affronts que Jésus ait soufferts de l'ingratitude des Juifs.
Pensez à l'effroyable aveuglement et à la barbarie invariable du peuple, que Pilate même a admirée, en ce qu'ils ont préféré un loup à un agneau, un homme couvert de crimes et digne de toutes les exécrations, à l'innocence même, enfin un voleur qui avait répandu tant de sang, à l'Auteur de la vie. Y a t'il rien de si surprenant? Et voilà le fruit d'un cœur endurci dans le mal.
Considérez que nous préférons Barrabas à Jésus, quand nous suivons plutôt notre jugement que celui de nos Supérieurs qui sont les Lieutenants de Dieu sur terre; et quand nous faisons plus d'état de la chair que de l'esprit, du vice que de la vertu, de l'honneur du monde que de celui de Jésus et de la vie du siècle que de la vie religieuse.
Pilate leur dit alors: Que ferai-je donc de Jésus, que l`on nomme le Christ ? Ils lui dirent: Crucifiez-le, crucifiez-le.
Considérez dans quels embarras se trouve quelquefois une personne qui ne recherche pas purement la gloire de Dieu, ni le salut de son âme mais qui ne tend qu'à acquérir la faveur des hommes. Car ce Procurateur n'ayant pu se persuader que les Juifs voulussent jamais préférer Barrabas à Jésus; quand il s'aperçut du contraire, fut tellement surpris qu'il ne savait à quoi se résoudre, jusques là qu'il demanda conseil à ce peuple mutiné de ce qu'il ferait du Sauveur du monde. Mais qu'y a t'il de plus extravagant, qu'un Juge qui demande l'avis d'un accusateur sur le jugement de celui qu'il accuse? N`est-ce pas mettre l'épée en la main d'un furieux?
Libération de Barrabas
Dès le matin ils ramenèrent Jésus de chez Caïphe au Prétoire, où les Juifs n'entrèrent pas, de peur de quelque souillure qui les eut empêchés de manger la Pâque.
Considérez que le Fils de Dieu n'eut aucune relâche dans le cours de sa Passion; depuis le soir jusques au lendemain matin, et pendant toute la nuit il fut continuellement outragé de fait et de paroles; depuis le matin jusques au soir ses douleurs ne cessèrent point; car à la première heure du jour il fut accusé; à la troisième il fut condamné, à la sixième il fut crucifié, à la neuvième il mourut, et enfin sur le soir il fut enseveli. Mais il n'y a pas lieu de s'en étonner, si l'on considère que notre assiduité à pécher, a causé cette suite sans interruption des douleurs de Jésus.
Remarquez que dès le matin l'on travaille à faire mourir le Sauveur, car c'est le propre du diable ( de l`ange déchu) de presser l'exécution des mauvais desseins, de peur que le retardement ne fasse changer d'avis; mais qu'au contraire nous devons avoir de l'empressement pour les œuvres vertueuses, car la grâce du Saint Esprit est ennemie de la lenteur et de la nonchalance, quand il s'agit de faire le bien, dit St-Ambroise.
Pilate sortit donc dehors; et demanda: De quoi accusez-vous cet homme? Ils répondirent : S’il n'était un malfaiteur, nous ne vous l'aurions pas livré.
Considérez la douceur de Pilate, qui ayant sujet de se croire méprisé par les Juifs dans le refus qu'ils avaient fait de l'approcher, comme étant immonde, céda pourtant à leur superstition; en quoi il parut beaucoup meilleur que nous, qui méprisons ceux qui nous méprisent, et qui sommes si fort attachés au point d'honneur, qu'il n'y a rien qui nous en puisse dégager.
Remarquez que Jésus étant accusé de plusieurs chefs devant divers Juges, il ne s'excuse ni ne se défend; pour faire voir qu'il veut être tenu pour un criminel et pour un malfaiteur, et être condamné à la mort en cette qualité. En effet il s'est chargé de toutes nos iniquités; et comme un véritable pécheur il s'est exposé à la malédiction, pour nous faire les héritiers de sa bénédiction. O bonté infinie!
Ils l'accusèrent ensuite, et dirent: Nous avons trouvé que cet homme séduisait notre nation, qu'il défendait de payer le tribut à César, et qu'il se disait être Roi et le Christ.
Considérez jusques à quel point la haine a aveuglé ces hommes. Ils n'avaient rien à produire contre Jésus; c'est pourquoi ils forgent de fausses accusations contre son innocence; quoiqu’ils soient bien informés, qu'il s'est caché quand on a voulu le faire Roi, qu'il a enjoint d'obéir aux puissances, qu'il a enseigné l'obligation de payer le tribut, et qu'il l'a payé lui-même.
81 – INTERROGATOIRE DE PILATE (Matthieu 27,11 – Luc 23,1 – Jean 18,28)
Pilate étant entré dans le Prétoire, interrogeais Jésus, et lui dit: Êtes-vous le Roi des Juifs? Mon Royaume n'est pas de ce monde, lui répondit Jésus. Vous êtes donc Roi? Lui répliqua Pilate. Vous le dites, et il est vrai que je le suis, lui dit enfin le Sauveur.
Considérez comme Jésus répondit franchement à Pilate, parce qu'il agissait avec sincérité, et qu'il ne voulut pas répondre aux Juifs qui tâchaient de le surprendre, qu'après en avoir été conjuré, parce que Dieu déteste la dissimulation.
Faites réflexion que Jésus ne nie pas que son Royaume soit en ce monde; car effectivement il y règne, et dans l'Église et dans tous les véritables Chrétiens; mais il dit qu'il n'est pas de ce monde; parce qu'il n'est pas semblable à ceux de la terre, dont les Rois font gloire de leur suite et de leurs gardes, de leurs richesses et de leurs pompes mais qu'il consiste en la beauté des âmes, en la pauvreté d'esprit, en l'humilité , en l'obéissance, en la victoire que l'on emporte sur ses passions, et en la charité. Outre qu'il est commun aux pauvres, comme aux riches, aux mendiants comme aux Potentats, aux malades comme à ceux qui jouissent d'une parfaite santé. Si donc nous voulons être du nombre des sujets de Jésus, ayons soin d'acquérir toutes ces vertus .
Je suis né pour rendre témoignage à la vérité. Pilate lui dit : Qu'est-ce que la vérité? Et aussitôt il sortit, et dit aux Juifs: Je ne trouve point en lui aucun sujet de le condamner à la mort.
Considérez pourquoi Jésus est venu dans le monde. Sans doute, pour délivrer les hommes de l'erreur de l'Idolâtrie et du péché; pour enseigner combien ce qu'ils admirent, est une pure vanité et une illusion ridicule; comme aussi pour vous apprendre que vous êtes véritablement de son Royaume quand vous avez horreur des folies du siècle, et quand vous travaillez avec courage à la conversion des Infidèles et au règlement des mœurs des Chrétiens. Mais remarquez, que les Juifs ne portaient envie à Jésus qu'à cause qu'il enseignait la vérité et reprenait leurs vices.
Considérez que Pilate qui sortit avant que d'entendre la réponse de Jésus sur la demande qu'il lui avait faite touchant la vérité, est la figure de ceux qui ayant entendu parler de l'humilité, de la renonciation à soi-même, de la douceur, ou de quelque autre perfection de la vie Chrétienne, n'en font point d'état, ou se persuadent que cela ne les regarde pas.
Pensez qu'encore que Pilate ne trouve rien en la personne de Jésus qui puisse mériter la mort, et que les chefs des Juifs en supposent de faux sujets, il y a pourtant deux véritables causes de sa condamnation; l'énormité et le nombre de nos péchés avec son immense et infinie charité, qui l'a obligé à expier nos crimes par l'effusion de tout son sang.
Pilate lui dit alors : Ne me répondez-vous rien? N'entendez-vous pas combien de témoignages les Princes des Prêtres produisent contre vous ? Mais Jésus ne disait mot, ce dont Pilate était tout surpris.
Considérez dans quelles ténèbres l'envie précipita ces Princes des Prêtres, car voyant que Pilate était porté à délivrer Jésus, ils assurèrent avec des cris et des hurlements confus, qu'il avait soulevé toute la Galilée, lui objectant comme des crimes, les faveurs dont il les avait gratifiés. Toutefois l'on peut dire que véritablement il avait soulevé cette Province, quand il l'avait fait passer des ténèbres à la lumière, et de la mort du péché à la vie de la grâce.
Admirez la patience de Jésus, qui ne dit pas une parole et demeure paisible parmi des cris si horribles, si préjudiciables à sa vie, et si injurieux à son honneur. Quel était, je vous prie le feu de charité qui embrasait sa poitrine sacrée, puisqu’il n'a pu être atteint par la violence des torrents de tant d'injures, de tant d'affronts, et de tant d'outrages ?
Considérez que Jésus répondit souvent à Pilate, et qu'il ne voulut point répondre aux calomnies des Juifs, en sorte que ce Procurateur admira sa patience et reconnut la malice et l'imposture de ses accusateurs. Cela certes nous instruit qu'il y a plus d'avantage à ne point répondre aux injures, qu'à prouver son innocence.
82 - DU RENVOI DE JESUS A HÉRODE ( Luc 23,7)
Pilate renvoya Jésus au Roi Hérode qui était alors à Jérusalem. Hérode l'ayant vu en fut fort aise, car il y avait longtemps qu'il désirait de lui voir faire quelque miracle en sa présence.
Considérez que cette canaille enragée, et cette troupe barbare de soldats, renouvellent leurs outrages sur la sacrée personne de Jésus en le trainant encore par les rues, et le chargeant de reproches, de brocards, et de toute la boue de la ville, pour vous apprendre par cet exemple, si vous êtes Religieux, à supporter avec patience tout le traitement qui vous sera fait par vos Supérieurs quand ils vous commanderont de passer d'une Charge à une autre, soit plus basse, soit plus relevée; soit plus onéreuse, soit plus commode, quoique ce changement soit contre votre inclination.
Voyez que le désir de voir Jésus fut inutile à Hérode, parce qu'il ne provenait pas du dessein d'amender sa vie, mais d'une vaine curiosité, le persuadant que Jésus fut un Magicien qui le divertirait par quelque prodige. Ce qui fait bien voir, qu'encore que vous écoutiez volontiers la parole de Dieu et que vous lisiez des livres de Spiritualité, ou d'autre matière, vous n'en retirerez aucun avantage, si vous n'avez dessein que de devenir savant, et non pas d'avancer en la vertu.
Hérode fit plusieurs questions à Jésus, mais il ne lui répondit rien. Pendant que les Princes des Prêtres continuaient toujours de l'accuser.
Considérez pourquoi Jésus ne répondit rien au Roi Hérode qui l'interrogeait : 1. Sans doute de peur qu'il ne semblât approuver sa curiosité, qui seul à la mode des gens de Cour le portait à lui faire ces demandes; 2. Pour ne pas jeter des pierres précieuses, c'est à dire les divins mystères de la Religion Catholique, devant des pourceaux; 3. Afin d'instruire les Prédicateurs à ne pas rechercher de complaire à la curiosité de ceux qui les écoutent, mais plutôt de les porter à l'amendement de leur vie.
Pensez que les princes des prêtres continuant d'accuser Jésus, il demeura de sa part toujours inébranlable à leurs insultes et à leurs calomnies, pour faire voir que le vrai moyen d'avoir son âme en contrôle, est de persévérer dans la patience.
Hérode le méprisa de même que toute sa Cour, il le traita avec moqueries, et l'ayant revêtu d'une robe blanche il le renvoya a Pilate, dont il devint ami, car il était auparavant son ennemi.
Considérez combien ignominieusement Jésus fut retiré de la présence d'Hérode; comme il fut raillé et vilipendé par un grand nombre de soldats, chacun inventant quelque nouveau brocard pour s'en moquer, et comme enfin de même qu'un fou il fut revêtu d'une robe blanche. Pensez à l'insolence de leurs risées et de leurs outrages. L'on jetait ordinairement de la boue et des ordures sur les fous; et qui se persuadera qu'ils aient eu d'autre considération pour Jésus, puisqu'ils le tenaient pour un fou ? Mais que les gens du monde jettent un peu les yeux sur ce miroir; eux qui ont tant de soin de couvrir leur corruption et leurs péchés, d'habits si précieux et si commodes.
Considérez que si Jésus n'a pas refusé d'être revêtu de l'habit d'un fou, il n'y a point de Religieux qui ait fait vœu de pauvreté, ni même de Chrétien, qui doive rougir d'être vêtu pauvrement.
Considérez enfin que cette moquerie dont Jésus fut outragé, fut le sujet de la réconciliation temporelle entre Pilate et Hérode; comme sa mort devait être un jour la cause de l'union spirituelle des Juifs et des Gentils, incorporés dans une même Église. Et apprenez de la que ce que l'on souffre volontiers pour Jésus, est ordinairement suivi de beaucoup d'avantages tant spirituels que temporels.
83 - DE BARRABAS PRÉFERÉ A JÉSUS ( Matthieu 27,17)
Jésus étant revenu de chez, Hérode, Pilate dit aux Juifs: Je ne trouve en lui, non plus qu` Hérode, aucun crime qui mérite la mort.
Considérez qu'encore qu'Hérode n'ait trouvé que de l'innocence en Jésus, il ne le délivre pourtant pas de la main des Juifs, mais renvoi la connaissance de sa cause à Pilate et que c'est ainsi que l'on étudie plutôt de plaire aux hommes qu'à Dieu. Pensez qu'y ayant eu jusqu'à présent si grand nombre d'informations sur la vie du Sauveur, aucun des Juges n'y a rien trouve à redire, et sur cet exemple réglez tellement la vôtre, que tous les démons d'enfer (anges déchus) n'aient rien à vous objecter à l'heure de votre mort.
Barrabas ayant été mis en prison à cause d'un meurtre qui avait été commis dans une sédition, et le peuple ayant droit d'obtenir du Procurateur la liberté d'un des prisonniers au grand jour de Pâques, Pilate lui demanda, s`il désirait Jésus ou Barrabas. Barrabas, répondit ce peuple, et non point Jésus.
Considérez la patience incroyable de Jésus, qui étant vrai Dieu, de même substance que son Père, et celui par qui toutes choses ont été créées, a souffert non seulement que Barrabas, un séditieux convaincu d'homicide, et un infâme coquin fut mis en parallèle avec lui, mais même qu'il lui fut préféré, comme si un voleur eut été plus digne de vivre que l'auteur de la vie. Sans doute que cette préférence a été l'un des plus sanglants et des plus signalés affronts que Jésus ait soufferts de l'ingratitude des Juifs.
Pensez à l'effroyable aveuglement et à la barbarie invariable du peuple, que Pilate même a admirée, en ce qu'ils ont préféré un loup à un agneau, un homme couvert de crimes et digne de toutes les exécrations, à l'innocence même, enfin un voleur qui avait répandu tant de sang, à l'Auteur de la vie. Y a t'il rien de si surprenant? Et voilà le fruit d'un cœur endurci dans le mal.
Considérez que nous préférons Barrabas à Jésus, quand nous suivons plutôt notre jugement que celui de nos Supérieurs qui sont les Lieutenants de Dieu sur terre; et quand nous faisons plus d'état de la chair que de l'esprit, du vice que de la vertu, de l'honneur du monde que de celui de Jésus et de la vie du siècle que de la vie religieuse.
Pilate leur dit alors: Que ferai-je donc de Jésus, que l`on nomme le Christ ? Ils lui dirent: Crucifiez-le, crucifiez-le.
Considérez dans quels embarras se trouve quelquefois une personne qui ne recherche pas purement la gloire de Dieu, ni le salut de son âme mais qui ne tend qu'à acquérir la faveur des hommes. Car ce Procurateur n'ayant pu se persuader que les Juifs voulussent jamais préférer Barrabas à Jésus; quand il s'aperçut du contraire, fut tellement surpris qu'il ne savait à quoi se résoudre, jusques là qu'il demanda conseil à ce peuple mutiné de ce qu'il ferait du Sauveur du monde. Mais qu'y a t'il de plus extravagant, qu'un Juge qui demande l'avis d'un accusateur sur le jugement de celui qu'il accuse? N`est-ce pas mettre l'épée en la main d'un furieux?
Libération de Barrabas
Dernière édition par MichelT le Sam 16 Sep 2017 - 1:59, édité 1 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
84 - DU SONGE DE LA FEMME DE PILATE ( Matthieu 27,19)
Pilate étant assis dans son tribunal, sa femme lui envoya parler en faveur de Jésus.
Considérez que cet envoyé vint trouver Pilate tout à propos, et comme il était sur le point de condamner Jésus, afin que ce rencontre parut plutôt un effet de la Providence, que du hasard.
Considérez que le Père Éternel permit que son Fils fut ainsi condamné, afin qu'encore que nul d'entre les Scribes, les Anciens et tout le peuple, ne défendit son innocence, elle fut pourtant reconnue par toutes fortes de personnes de l'un et de l'autre sexe, en toutes les manières possibles, et par les moyens les plus convaincant.
Et apprenez de là que Dieu ne permet jamais que la réputation des gens de bien soit tellement calomniée par les méchants, qu'il n'y ait toujours d'honnêtes gens qui défendent et protègent leur innocence.
Et lui fit dire : N'ayez, rien à démêler avec cet homme juste; c'est à dire, ne vous mêlez point de son affaire, et ne le condamnez point.
Considérez que Dieu voulut récompenser d'une grâce particulière la conduite de Pilate, qui par quelque sentiment de justice et d'équité naturelle tâchait de retirer Jésus d'entre les mains des Juifs; car pendant la nuit sa femme eut la vision d'un Ange, qui l'avertit de ce qui passait, et elle lui fit dire que celui que l'on poursuivait à telle outrance, était un homme juste, et même le Christ: c'est pourquoi qu'il se donnait bien de garde de le condamner, mais parce qu'il ne suivit pas cet avis, de crainte d'offenser César, il est inexcusable.
Pensez que de même que la première des femmes fut persuadée par un mauvais Ange de causer la perte d'Adam et de tout le genre humain, ainsi Dieu ne permit qu'un Ange de lumière avertit celle de Pilate pour le détourner du pernicieux et sacrilège dessein de condamner l'auteur du genre humain, et de toute la nature. Et cela fait croire que cette femme a reçu la foi, et qu'elle est sauvée.
Car j'ai beaucoup souffert aujourd'hui en vision pour son sujet; c'est à dire; ]'ai eu en cette nuit des songes, qui m'ont extrêmement embarrassée.
Considérez que plusieurs des Pères de l'Église se sont persuadé, que les frayeurs qu'eut cette femme pendant son sommeil, avaient été causées par le démon ( l`ange déchu), pour empêcher la passion de Jésus: car il était convaincu qu'il était le Messie, tant par les réponses à Pilate, que par la joie que les Pères avaient conçue et fait paraitre dans les Limbes, espérant d'en être bientôt délivrés; ce qui lui faisait appréhender la diminution, et l'affaiblissement de sa puissance.
85 - DE LA FLAGELLATION DE JÉSUS. ( Matthieu 27,26)
Pilate après avoir protesté jusqu'à la troisième fois qu`il ne trouvait aucun sujet en Jésus, pour le condamner à la mort, et les Juifs insistant toujours a ce qu`il soit crucifié, il l'abandonna aux soldats pour être flagellé.
Considérez que l'Époux de votre âme pour se l'unir parfaitement, a été jusques à présent bafoué en diverses manières, souillé de crachats et outragé de coups, mais qu'à cette heure l'on en vient aux plaies, afin que celui qui vous a prodigué son honneur, sa liberté, et les autres biens de son corps, verse encore tout son sang, pour éprouver par quelle reconnaissance vous le remercier d'une libéralité si prodigieuse.
Figurez-vous comme Jésus est livré par Pilate entre les mains des soldats des gardes qui s'assemblèrent et voyez quelle est leur insolence, leur fureur et leur rage contre cet innocent, qui au milieu de tant d’opprobres et de confusions conserve une patience inébranlable. Car d'abord ils le dépouillent tout nus; l'ayant dépouillé ils l'attachent à une colonne et lui lient les bras au-dessus de la tête. Cet Agneau cependant est environné de tous ces loups, il n'y a personne qui ose ou veuille parler pour le défendre, ni même qui en conçoive de la pitié. Quel spectacle! a t'on jamais vu depuis le commencement du monde, que des coups de fouet aient été déchargés sur les épaules d'un Dieu ?
Considérez combien la flagellation de Jésus fut barbare et sanglante. En la Loi ancienne (des Juifs) il n'était pas permis de donner plus de quarante coups à ceux qui étaient condamnés à ce supplice, mais ici le soldat romain, qui n'est pas tenu à cette Loi, et qui est impitoyable , lui en donne un plus grand nombre.
Pilate l'avait fait traiter de la sorte, que pour adoucir la rage des Juifs, qui voyant son corps déchiré de coups, pourraient peut-être en concevoir de la compassion. Outre que la flagellation avait coutume de précéder le crucifiement, de peur que la nudité d'un corps n'inspirât quelque pensée contraire à l'honnêteté, et non pour cela on le défigurait en toutes les parties autant qu'il le pouvait être.
Pensez en vous-même et figurez-vous la force et les efforts de ces bourreaux, à mettre en pièces la chair sacrée de Jésus, avec des verges, avec des cordes nouées, et d'autres instruments de cruauté. Voyez que son sang précieux coule de tous côtés sur le plancher; et écoutez le grand bruit que font les coups, les railleries et les brocards de ces enragés. Mais persuadez-vous que la sacrée Vierge est dans quelque coin de la salle, qui outrée de douleur entend et compte avec le sentiment d'une telle Mère accompagné de pleurs et de sanglots, les coups que l'on décharge sur son Fils adorable.
Considérez que Jésus étant délié de la colonne tomba aussitôt par terre comme une souche de bois, car il ne pouvait se tenir sur ses pieds, tant il était rompu et affaibli du supplice qu'il venait de souffrir. Voyez qu'il se traîne dans son sang sur le pavé, pour chercher et se couvrir de ses habits; et figurez-vous que s'étant levé à grand peine, il vous dit: Mon fils, j'ai volontiers enduré pour vous tant de douleurs et tant d'outrages; quelle reconnaissance me témoignez-vous pour un si grand amour; vous qui ne voudriez pas souffrir la moindre douleur en ma considération, mais qui outre cela ne cessez point de me flageller plus cruellement que mes bourreaux, par vos crimes et par vos péchés ?
86 - DU COURONNEMENT DOULOUREUX DE JÉSUS. ( Jean 19,2)
Les soldats du Procurateur romain après l'avoir dépouillé le revêtirent d'une robe d'écarlate, et ployant des épines en forme de couronne; ils la lui mirent sur la tête.
Considérez quel surcroît de confusion ce fut au bon Jésus de se voir encore une fois dépouillé, et quelle douleur il souffrit lorsqu'en lui arrachant avec violence ses habits qui étaient collés sur ses plaies, elles se rouvrirent toutes et répandirent de nouveau des fontaines de sang. Mais remarquez qu'on le revêt d'écarlate, et comme en lui reprochant par un sanglant outrage qu'il avait affecté d'être Roi.
Faites réflexion sur la couronne hérissée d'épines, qui sont pour l'ordinaire de la longueur du petit doigt en ce pays; on la lui enfonce de travers dans la tête.
Voyez-en les pointes passer au travers de son front et de ses tempes, et pénétrer le crâne. Dieu du Ciel, quelle douleur ! quelle cruauté ! A t'on jamais entendu parler d'un supplice si barbare Et n'y a-t-il pas lieu de s'étonner que le diable ait été capable de cette invention?
Après cela ils lui mirent un roseau en la main, ils le frappèrent, ils lui donnèrent des soufflets; et fléchissant les genoux, ils dirent par moquerie : Je vous salue Roi des Juifs.
Considérez que l'aimable Jésus n'a eu aucune relâche de la part de ses bourreaux, depuis le commencement de sa Passion jusques à présent qu'ils renouvellent les outrages qui lui ont été faits dans la maison de Caïphe, et qui en ajoutent même de nouveaux. En effet, pour se moquer de lui ils fléchissent un genou, et semblent lui dire : Qui vous le plus vil de tous les animaux à deux pieds ? qui vous misérable mendiant ? quoi vous avez voulu être Roi d'où vous est donc venue cette extravagance ?
Tenez, voilà le sceptre qui vous est propre. Sans mentir vous auriez été un Roi de bonne mine. Bien plus ils lui donnèrent des coups de ce sceptre sur la tête, et par ce moyen faisaient entrer plus avant les épines dont il était couronné.
Jésus sortit donc dehors portant une couronne d'épines, et une robe d'écarlate et Pilate dit aux Juifs: Voilà l'Homme; Je ne trouve en lui aucun sujet de le condamner à la mort. Mais les Pontifes s`écrièrent Crucifiez-le.
Considérez ce spectacle qui fait la surprise et l'admiration de toute la nature, des Anges et des hommes. L'aimable et patient Jésus parait revêtu d'une robe d'écarlate, couronné d'épines comme d'un diadème, les mains liées, le visage livide, et défiguré de crachats, de sang et de plaies. Pilate le présente aux Juifs en cet état, dans l’espérance de les fléchir par un spectacle où paraissaient les marques sanglantes de la dernière cruauté; & il leur dit : Voilà l'Homme. Voilà celui que vous dites ce vanter d'être Fils de Dieu : Voilà ce misérable Roi qui a peine semble être un homme.
Faites réflexion sur l'aveuglement de Pilate. Il proteste encore une fois de l'innocence de Jésus, et néanmoins il l'a si maltraité, que l'on a peine a se persuader qu'il soit un homme. Sans doute que l'on aurait horreur d'exercer tant de cruauté sur un chien.
Considérez pourquoi Jésus a tant souffert, quoique Pilate lui-même l'ait reconnu innocent. Sans doute que votre orgueil a été la cause des railleries dont il a été outragé; votre avarice, de sa nudité; vos ivrogneries, de la perte de son sang ; vos plaisirs déréglés, de ses épines, votre colère, de ses plaies; votre envie de ses confusions; enfin votre paresse, de ses liens et de ses chaînes. Si donc Pilate n'a pu fléchir les cœurs des Pontifes, que le vôtre soit au moins touché de compassion, puisque ces épines ne le percent que pour vous, que ce sang n'est répandu que pour votre salut, et que le mérite de toutes ces douleurs vous est communiqué, afin que vous en fassiez le remède de vos péchés.
Pilate entendant ainsi parler les Pontifes; leur dit: Prenez le vous autres et crucifié-le. Ils lui répondirent : Il doit mourir conformément à notre Loi, car il s'est fait fils de Dieu.
Considérez que de même que la rage de ces Pontifes s'alluma encore davantage, et qu'ils demandèrent la mort de Jésus avec plus d'empressement, lors qu'ils virent son sacré corps en état où Pilate le leur avait présenté; comme des chiens quand ils voient le sang de la bête qu'ils poursuivent: ainsi vous devez être embrasé d'amour et de zèle pour la passion du Fils de Dieu; en considérant ses douleurs, afin que le feu de la dévotion s'allume dans votre prière.
Soyez persuadé que les Pontifes des Juifs disent vrai; sans le savoir, car tous les sacrifices de l'ancienne Loi figuraient la passion et la mort de Jésus et les Prophètes même l'avaient prédite clairement. Mais la pensée des Pontifes Juifs était beaucoup éloignée de cette interprétation.
Pilate demanda et dit à Jésus : D'où êtes-vous? Jésus se taisant, Pilate lui dit encore : Quoi? Vous ne me parlez point? Ne savez-vous pas que j'ai pouvoir de vous rendre votre liberté, ou de vous crucifier. Jésus alors lui répondit : Vous n'auriez point de pouvoir sur moi s`il ne vous avait été donné d'en haut. C'est pourquoi celui qui m'a livré à vous a commis un plus grand péché.
Considérez que Jésus se tait devant Pilate de peur de donner une chose sainte à un chien (en effet ce Procurateur s`était rendu indigne de la réponse de Jésus, par l'effroyable flagellation à laquelle il l'avait condamné) comme aussi pour nous apprendre à ne point parler sans nécessité. Or il n'était pas besoin que Jésus parlât en cette rencontre; puisqu’il avoir déjà dit que son Royaume n'était pas de ce monde, et quand il en aurait dit davantage, il n'aurait pas été entendu; car les Anges même ne comprennent pas sa génération éternelle.
Faites réflexion sur l'orgueil de Pilate, qui se persuade que le silence de Jésus lui est injurieux ( car c'est le propre des superbes de se choquer de peu de chose et de ne pouvoir rien souffrir de personne ) et ne reconnait pas que sa puissance même vient de Dieu, sans le concours et la permission duquel l'on ne peut remuer une feuille d'arbre. Bien plus, saint Cyprien assure que le diable ( l`ange déchu) ne peut rien sur l'homme, si Dieu ne lui en donne la liberté.
Après cela Pilate cherchait l'occasion, et les moyens de le délivrer. Mais les Juifs criaient: Si vous le délivrez, vous n`êtes point ami de César: Pilate alors leur présenta Jésus, et leur dit. Voilà votre Roi. Les Pontifes répondirent : Nous n'avons point d'autre Roi que César.
Considérez que Pilate ayant entendu faire mention de péché, pensa sérieusement à délivrer Jésus, de peur d'encourir la peine d'un si grand crime, comme serait celui de le condamner; mais qu'aussitôt après avoir aperçu qu'il y allait de son honneur auprès de César, il manqua de courage; semblable à ceux qui défendent la vérité quand ils n'y sont point intéressés, mais qui l'abandonnent au moindre vent de quelque petit déplaisir qu'ils en puissent recevoir.
87 - LA CONDAMNATION DE JÉSUS NOTRE SEIGNEUR (Matthieu 27,22)
Pilate voyant qu'il n'avançait rien, et que le tumulte s’élevait toujours de plus en plus, lava ses mains avec de l'eau, et dit : Je suis innocent du sang de cet homme juste; c'est à vous d'y aviser.
Considérez que nous sommes semblables à ces Juifs, quand, quelque raison qui nous convainque, et quelques avis que l'on nous donne, nous n'acquiesçons pas à ce qui est utile ou nécessaire à notre salut. Et que nous le sommes aussi à Pilate, quand nous sommes si lâches que d'agir contre notre conscience en faveur de quelqu'un; et que nous en rejetons la faute sur autrui.
Pensez que Pilate se trompe en deux manières, quand il se persuade qu'il est innocent, quoi qu'il condamne un homme juste; fondé : 1. Sur ce qu'il lave ses mains par une cérémonie extérieure; 2. Sur ce qu'il le condamne comme par force, et y étant contraint. Il se trompe, dis-je , car les péchés ne s'effacent pas avec de l'eau, mais avec des larmes: et celui-là ne peut pas être innocent, dit saint Léon, qui envoi Jésus au supplice de la Croix, car le ministère des mêmes lèvres dont il s'est servi pour le déclarer innocent.
Tout le peuple répondit alors: Que son sang soit sur nous et sur nos enfants.
Considérez l'aveuglement et la fureur de ce peuple piqué d'envie. Ils ne nient pas que Jésus ne soit un homme juste, mais pour donner courage au Procurateur, ils s'obligent eux et leur postérité à des maux inconcevables. Pensez quelle est la folie de se désirer à soi-même un mal dont on ne connait point la grandeur.
Deux sortes de personnes sont semblables à ce peuple : 1. Ceux qui sans faire réflexion sur les peines de l'enfer, continuent dans leurs crimes : 2. Ceux qui entreprennent des choses difficiles et importantes, sans considérer qu'ils en rendront compte devant Dieu.
Pilate enfin voulant contenter ce peuple, il lui accorda sa demande ; c'est à dire que Jésus fut crucifié.
Considérez l`injustice et l'absurdité de ce jugement de Pilate. Peu auparavant il avait reconnu que Jésus lui avait été livré par l'envie des Juifs; il avait déclaré qu'il était innocent et avait protesté qu'il ne trouvait en lui aucun sujet de le condamner à la mort, et néanmoins il l'abandonne à la rage et à la cruauté du peuple. Pensez avec quelle humilité et avec quelle douceur le patient Jésus entendit prononcer sa sentence. Il n'y contredit aucunement, mais il y acquiesça avec autant de soumission que s'il eut été convaincu de tous les crimes qui lui étaient imposés.
Voyez comme un moment après cette exécrable prononciation les ministres de Satan se ruèrent sur Jésus et l'accablèrent d'outrages. La croix et les autres instruments de sa mort étaient tout prêts. Les Pontifes, les Scribes, les Anciens et le Peuple, tressaillirent de joie; la seule sainte et sacrée Mère du Sauveur, et ses Disciples fondaient en larmes.
Pilate étant assis dans son tribunal, sa femme lui envoya parler en faveur de Jésus.
Considérez que cet envoyé vint trouver Pilate tout à propos, et comme il était sur le point de condamner Jésus, afin que ce rencontre parut plutôt un effet de la Providence, que du hasard.
Considérez que le Père Éternel permit que son Fils fut ainsi condamné, afin qu'encore que nul d'entre les Scribes, les Anciens et tout le peuple, ne défendit son innocence, elle fut pourtant reconnue par toutes fortes de personnes de l'un et de l'autre sexe, en toutes les manières possibles, et par les moyens les plus convaincant.
Et apprenez de là que Dieu ne permet jamais que la réputation des gens de bien soit tellement calomniée par les méchants, qu'il n'y ait toujours d'honnêtes gens qui défendent et protègent leur innocence.
Et lui fit dire : N'ayez, rien à démêler avec cet homme juste; c'est à dire, ne vous mêlez point de son affaire, et ne le condamnez point.
Considérez que Dieu voulut récompenser d'une grâce particulière la conduite de Pilate, qui par quelque sentiment de justice et d'équité naturelle tâchait de retirer Jésus d'entre les mains des Juifs; car pendant la nuit sa femme eut la vision d'un Ange, qui l'avertit de ce qui passait, et elle lui fit dire que celui que l'on poursuivait à telle outrance, était un homme juste, et même le Christ: c'est pourquoi qu'il se donnait bien de garde de le condamner, mais parce qu'il ne suivit pas cet avis, de crainte d'offenser César, il est inexcusable.
Pensez que de même que la première des femmes fut persuadée par un mauvais Ange de causer la perte d'Adam et de tout le genre humain, ainsi Dieu ne permit qu'un Ange de lumière avertit celle de Pilate pour le détourner du pernicieux et sacrilège dessein de condamner l'auteur du genre humain, et de toute la nature. Et cela fait croire que cette femme a reçu la foi, et qu'elle est sauvée.
Car j'ai beaucoup souffert aujourd'hui en vision pour son sujet; c'est à dire; ]'ai eu en cette nuit des songes, qui m'ont extrêmement embarrassée.
Considérez que plusieurs des Pères de l'Église se sont persuadé, que les frayeurs qu'eut cette femme pendant son sommeil, avaient été causées par le démon ( l`ange déchu), pour empêcher la passion de Jésus: car il était convaincu qu'il était le Messie, tant par les réponses à Pilate, que par la joie que les Pères avaient conçue et fait paraitre dans les Limbes, espérant d'en être bientôt délivrés; ce qui lui faisait appréhender la diminution, et l'affaiblissement de sa puissance.
85 - DE LA FLAGELLATION DE JÉSUS. ( Matthieu 27,26)
Pilate après avoir protesté jusqu'à la troisième fois qu`il ne trouvait aucun sujet en Jésus, pour le condamner à la mort, et les Juifs insistant toujours a ce qu`il soit crucifié, il l'abandonna aux soldats pour être flagellé.
Considérez que l'Époux de votre âme pour se l'unir parfaitement, a été jusques à présent bafoué en diverses manières, souillé de crachats et outragé de coups, mais qu'à cette heure l'on en vient aux plaies, afin que celui qui vous a prodigué son honneur, sa liberté, et les autres biens de son corps, verse encore tout son sang, pour éprouver par quelle reconnaissance vous le remercier d'une libéralité si prodigieuse.
Figurez-vous comme Jésus est livré par Pilate entre les mains des soldats des gardes qui s'assemblèrent et voyez quelle est leur insolence, leur fureur et leur rage contre cet innocent, qui au milieu de tant d’opprobres et de confusions conserve une patience inébranlable. Car d'abord ils le dépouillent tout nus; l'ayant dépouillé ils l'attachent à une colonne et lui lient les bras au-dessus de la tête. Cet Agneau cependant est environné de tous ces loups, il n'y a personne qui ose ou veuille parler pour le défendre, ni même qui en conçoive de la pitié. Quel spectacle! a t'on jamais vu depuis le commencement du monde, que des coups de fouet aient été déchargés sur les épaules d'un Dieu ?
Considérez combien la flagellation de Jésus fut barbare et sanglante. En la Loi ancienne (des Juifs) il n'était pas permis de donner plus de quarante coups à ceux qui étaient condamnés à ce supplice, mais ici le soldat romain, qui n'est pas tenu à cette Loi, et qui est impitoyable , lui en donne un plus grand nombre.
Pilate l'avait fait traiter de la sorte, que pour adoucir la rage des Juifs, qui voyant son corps déchiré de coups, pourraient peut-être en concevoir de la compassion. Outre que la flagellation avait coutume de précéder le crucifiement, de peur que la nudité d'un corps n'inspirât quelque pensée contraire à l'honnêteté, et non pour cela on le défigurait en toutes les parties autant qu'il le pouvait être.
Pensez en vous-même et figurez-vous la force et les efforts de ces bourreaux, à mettre en pièces la chair sacrée de Jésus, avec des verges, avec des cordes nouées, et d'autres instruments de cruauté. Voyez que son sang précieux coule de tous côtés sur le plancher; et écoutez le grand bruit que font les coups, les railleries et les brocards de ces enragés. Mais persuadez-vous que la sacrée Vierge est dans quelque coin de la salle, qui outrée de douleur entend et compte avec le sentiment d'une telle Mère accompagné de pleurs et de sanglots, les coups que l'on décharge sur son Fils adorable.
Considérez que Jésus étant délié de la colonne tomba aussitôt par terre comme une souche de bois, car il ne pouvait se tenir sur ses pieds, tant il était rompu et affaibli du supplice qu'il venait de souffrir. Voyez qu'il se traîne dans son sang sur le pavé, pour chercher et se couvrir de ses habits; et figurez-vous que s'étant levé à grand peine, il vous dit: Mon fils, j'ai volontiers enduré pour vous tant de douleurs et tant d'outrages; quelle reconnaissance me témoignez-vous pour un si grand amour; vous qui ne voudriez pas souffrir la moindre douleur en ma considération, mais qui outre cela ne cessez point de me flageller plus cruellement que mes bourreaux, par vos crimes et par vos péchés ?
86 - DU COURONNEMENT DOULOUREUX DE JÉSUS. ( Jean 19,2)
Les soldats du Procurateur romain après l'avoir dépouillé le revêtirent d'une robe d'écarlate, et ployant des épines en forme de couronne; ils la lui mirent sur la tête.
Considérez quel surcroît de confusion ce fut au bon Jésus de se voir encore une fois dépouillé, et quelle douleur il souffrit lorsqu'en lui arrachant avec violence ses habits qui étaient collés sur ses plaies, elles se rouvrirent toutes et répandirent de nouveau des fontaines de sang. Mais remarquez qu'on le revêt d'écarlate, et comme en lui reprochant par un sanglant outrage qu'il avait affecté d'être Roi.
Faites réflexion sur la couronne hérissée d'épines, qui sont pour l'ordinaire de la longueur du petit doigt en ce pays; on la lui enfonce de travers dans la tête.
Voyez-en les pointes passer au travers de son front et de ses tempes, et pénétrer le crâne. Dieu du Ciel, quelle douleur ! quelle cruauté ! A t'on jamais entendu parler d'un supplice si barbare Et n'y a-t-il pas lieu de s'étonner que le diable ait été capable de cette invention?
Après cela ils lui mirent un roseau en la main, ils le frappèrent, ils lui donnèrent des soufflets; et fléchissant les genoux, ils dirent par moquerie : Je vous salue Roi des Juifs.
Considérez que l'aimable Jésus n'a eu aucune relâche de la part de ses bourreaux, depuis le commencement de sa Passion jusques à présent qu'ils renouvellent les outrages qui lui ont été faits dans la maison de Caïphe, et qui en ajoutent même de nouveaux. En effet, pour se moquer de lui ils fléchissent un genou, et semblent lui dire : Qui vous le plus vil de tous les animaux à deux pieds ? qui vous misérable mendiant ? quoi vous avez voulu être Roi d'où vous est donc venue cette extravagance ?
Tenez, voilà le sceptre qui vous est propre. Sans mentir vous auriez été un Roi de bonne mine. Bien plus ils lui donnèrent des coups de ce sceptre sur la tête, et par ce moyen faisaient entrer plus avant les épines dont il était couronné.
Jésus sortit donc dehors portant une couronne d'épines, et une robe d'écarlate et Pilate dit aux Juifs: Voilà l'Homme; Je ne trouve en lui aucun sujet de le condamner à la mort. Mais les Pontifes s`écrièrent Crucifiez-le.
Considérez ce spectacle qui fait la surprise et l'admiration de toute la nature, des Anges et des hommes. L'aimable et patient Jésus parait revêtu d'une robe d'écarlate, couronné d'épines comme d'un diadème, les mains liées, le visage livide, et défiguré de crachats, de sang et de plaies. Pilate le présente aux Juifs en cet état, dans l’espérance de les fléchir par un spectacle où paraissaient les marques sanglantes de la dernière cruauté; & il leur dit : Voilà l'Homme. Voilà celui que vous dites ce vanter d'être Fils de Dieu : Voilà ce misérable Roi qui a peine semble être un homme.
Faites réflexion sur l'aveuglement de Pilate. Il proteste encore une fois de l'innocence de Jésus, et néanmoins il l'a si maltraité, que l'on a peine a se persuader qu'il soit un homme. Sans doute que l'on aurait horreur d'exercer tant de cruauté sur un chien.
Considérez pourquoi Jésus a tant souffert, quoique Pilate lui-même l'ait reconnu innocent. Sans doute que votre orgueil a été la cause des railleries dont il a été outragé; votre avarice, de sa nudité; vos ivrogneries, de la perte de son sang ; vos plaisirs déréglés, de ses épines, votre colère, de ses plaies; votre envie de ses confusions; enfin votre paresse, de ses liens et de ses chaînes. Si donc Pilate n'a pu fléchir les cœurs des Pontifes, que le vôtre soit au moins touché de compassion, puisque ces épines ne le percent que pour vous, que ce sang n'est répandu que pour votre salut, et que le mérite de toutes ces douleurs vous est communiqué, afin que vous en fassiez le remède de vos péchés.
Pilate entendant ainsi parler les Pontifes; leur dit: Prenez le vous autres et crucifié-le. Ils lui répondirent : Il doit mourir conformément à notre Loi, car il s'est fait fils de Dieu.
Considérez que de même que la rage de ces Pontifes s'alluma encore davantage, et qu'ils demandèrent la mort de Jésus avec plus d'empressement, lors qu'ils virent son sacré corps en état où Pilate le leur avait présenté; comme des chiens quand ils voient le sang de la bête qu'ils poursuivent: ainsi vous devez être embrasé d'amour et de zèle pour la passion du Fils de Dieu; en considérant ses douleurs, afin que le feu de la dévotion s'allume dans votre prière.
Soyez persuadé que les Pontifes des Juifs disent vrai; sans le savoir, car tous les sacrifices de l'ancienne Loi figuraient la passion et la mort de Jésus et les Prophètes même l'avaient prédite clairement. Mais la pensée des Pontifes Juifs était beaucoup éloignée de cette interprétation.
Pilate demanda et dit à Jésus : D'où êtes-vous? Jésus se taisant, Pilate lui dit encore : Quoi? Vous ne me parlez point? Ne savez-vous pas que j'ai pouvoir de vous rendre votre liberté, ou de vous crucifier. Jésus alors lui répondit : Vous n'auriez point de pouvoir sur moi s`il ne vous avait été donné d'en haut. C'est pourquoi celui qui m'a livré à vous a commis un plus grand péché.
Considérez que Jésus se tait devant Pilate de peur de donner une chose sainte à un chien (en effet ce Procurateur s`était rendu indigne de la réponse de Jésus, par l'effroyable flagellation à laquelle il l'avait condamné) comme aussi pour nous apprendre à ne point parler sans nécessité. Or il n'était pas besoin que Jésus parlât en cette rencontre; puisqu’il avoir déjà dit que son Royaume n'était pas de ce monde, et quand il en aurait dit davantage, il n'aurait pas été entendu; car les Anges même ne comprennent pas sa génération éternelle.
Faites réflexion sur l'orgueil de Pilate, qui se persuade que le silence de Jésus lui est injurieux ( car c'est le propre des superbes de se choquer de peu de chose et de ne pouvoir rien souffrir de personne ) et ne reconnait pas que sa puissance même vient de Dieu, sans le concours et la permission duquel l'on ne peut remuer une feuille d'arbre. Bien plus, saint Cyprien assure que le diable ( l`ange déchu) ne peut rien sur l'homme, si Dieu ne lui en donne la liberté.
Après cela Pilate cherchait l'occasion, et les moyens de le délivrer. Mais les Juifs criaient: Si vous le délivrez, vous n`êtes point ami de César: Pilate alors leur présenta Jésus, et leur dit. Voilà votre Roi. Les Pontifes répondirent : Nous n'avons point d'autre Roi que César.
Considérez que Pilate ayant entendu faire mention de péché, pensa sérieusement à délivrer Jésus, de peur d'encourir la peine d'un si grand crime, comme serait celui de le condamner; mais qu'aussitôt après avoir aperçu qu'il y allait de son honneur auprès de César, il manqua de courage; semblable à ceux qui défendent la vérité quand ils n'y sont point intéressés, mais qui l'abandonnent au moindre vent de quelque petit déplaisir qu'ils en puissent recevoir.
87 - LA CONDAMNATION DE JÉSUS NOTRE SEIGNEUR (Matthieu 27,22)
Pilate voyant qu'il n'avançait rien, et que le tumulte s’élevait toujours de plus en plus, lava ses mains avec de l'eau, et dit : Je suis innocent du sang de cet homme juste; c'est à vous d'y aviser.
Considérez que nous sommes semblables à ces Juifs, quand, quelque raison qui nous convainque, et quelques avis que l'on nous donne, nous n'acquiesçons pas à ce qui est utile ou nécessaire à notre salut. Et que nous le sommes aussi à Pilate, quand nous sommes si lâches que d'agir contre notre conscience en faveur de quelqu'un; et que nous en rejetons la faute sur autrui.
Pensez que Pilate se trompe en deux manières, quand il se persuade qu'il est innocent, quoi qu'il condamne un homme juste; fondé : 1. Sur ce qu'il lave ses mains par une cérémonie extérieure; 2. Sur ce qu'il le condamne comme par force, et y étant contraint. Il se trompe, dis-je , car les péchés ne s'effacent pas avec de l'eau, mais avec des larmes: et celui-là ne peut pas être innocent, dit saint Léon, qui envoi Jésus au supplice de la Croix, car le ministère des mêmes lèvres dont il s'est servi pour le déclarer innocent.
Tout le peuple répondit alors: Que son sang soit sur nous et sur nos enfants.
Considérez l'aveuglement et la fureur de ce peuple piqué d'envie. Ils ne nient pas que Jésus ne soit un homme juste, mais pour donner courage au Procurateur, ils s'obligent eux et leur postérité à des maux inconcevables. Pensez quelle est la folie de se désirer à soi-même un mal dont on ne connait point la grandeur.
Deux sortes de personnes sont semblables à ce peuple : 1. Ceux qui sans faire réflexion sur les peines de l'enfer, continuent dans leurs crimes : 2. Ceux qui entreprennent des choses difficiles et importantes, sans considérer qu'ils en rendront compte devant Dieu.
Pilate enfin voulant contenter ce peuple, il lui accorda sa demande ; c'est à dire que Jésus fut crucifié.
Considérez l`injustice et l'absurdité de ce jugement de Pilate. Peu auparavant il avait reconnu que Jésus lui avait été livré par l'envie des Juifs; il avait déclaré qu'il était innocent et avait protesté qu'il ne trouvait en lui aucun sujet de le condamner à la mort, et néanmoins il l'abandonne à la rage et à la cruauté du peuple. Pensez avec quelle humilité et avec quelle douceur le patient Jésus entendit prononcer sa sentence. Il n'y contredit aucunement, mais il y acquiesça avec autant de soumission que s'il eut été convaincu de tous les crimes qui lui étaient imposés.
Voyez comme un moment après cette exécrable prononciation les ministres de Satan se ruèrent sur Jésus et l'accablèrent d'outrages. La croix et les autres instruments de sa mort étaient tout prêts. Les Pontifes, les Scribes, les Anciens et le Peuple, tressaillirent de joie; la seule sainte et sacrée Mère du Sauveur, et ses Disciples fondaient en larmes.
Dernière édition par MichelT le Jeu 21 Sep 2017 - 11:59, édité 1 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
88 - LA CROIX MISE SUR LES ÉPAULES DE L'AIMABLE JÉSUS. (Matthieu 27,31 – Marc 15,21 – Jean 19,16)
Et se saisissant de Jésus, ils l'amenèrent pour le crucifier; et portant lui-même sa Croix, il prit le chemin d'un lieu nommé Calvaire.
Considérez la cruauté des chefs Juifs qui n'eut jamais d'exemple. Jésus étant affaibli de douleur, meurtri de coups, et blessé en tous ses membres, ils ne laissent pas de le charger du fardeau de sa croix, aussi pesante qu'une poutre, comme s'ils eussent désiré qu'il expirât en chemin. A t'on jamais vu qu'un criminel ait porté sa potence ? Bien au contraire l'on cache ordinairement aux plus coupables les instruments de leurs supplices, mais il faut que Jésus les porte lui-même avec une confusion inconcevable.
Figurez-vous comme si vous y étiez présent, les démarches de votre aimable Rédempteur chargé de sa croix. Voyez ses yeux tout languissants, sa face souillée de crachats et de sang , ses genoux qui tremblent, et au moins portez lui compassion quand il tombe par sept fois sous un fardeau si pesant; puisque par ces chutes il se fait de nouvelles plaies, et s' ouvre celles qu`il a reçues en sa flagellation.
Ils contraignirent en chemin le nomme Simon, Cyrien de nation, à porter la Croix de Jésus.
Considérez qu'il ne suffit pas que Jésus porte sa croix, et que nous nous y attachions par la foi et par la méditation; mais qu'il faut encore que nous-mêmes nous portions la nôtre par la souffrance des injures, par la victoire sur nos passions, en domptant notre chair par des jeûnes, des disciplines, et autres pénitence; conformément à ce dire de l'Évangile prononcé par le Sauveur: Si quelqu'un, dit-il, veut venir après moi, qu'il se renonce volontiers lui-même, qu'il porte tous les jours sa croix, et qu'il me suive.
Faites réflexion sur ce Simon qui ne porta pas volontiers la croix de Jésus, mais y fut contraint ; pour apprendre que pour porter la sienne de bonne grâce, il faut faire violence à la nature et à la chair qui résiste toujours à l'esprit.
Pensez enfin quels avantages a remportez ce Simon pour avoir porté la croix de Jésus quoiqu’il y fût contraint. Car pour récompense de sa peine, son nom et même son pays ont été connus par toute la terre. Bien plus, ses enfants sont devenus Chrétiens et illustres en leur réputation.
Jésus s`étant retourné vers des femmes qui pleuraient : Ne pleurez, point, leur dit-il , sur moi, mais pleurez, sur vous et sur vos enfants. Que si l'on traite ainsi le bois vert, comment traitera-t`on le bois sec.
Considérez que Jésus ne voulut point que l'on versât des larmes pour lui, mais pour le Peuple; ce qui nous apprend qu'il n'y a rien de si déplorable que nos péchés qui ont été la cause de sa mort, qui devait être à plusieurs le sujet d'une damnation plus rigoureuse.
Pensez que si le bois vert, c'est à dire celui qui est venu au monde sans aucun péché, n'en est point sorti sans châtiments, de quelle manière nous qui sommes conçus dans l'iniquité, et qui vivons toujours dans l'ordure du péché; comment, dis-je, pourrons nous parvenir à la vie éternelle, si ce n'est par la voie des croix et des pénitences.
Figurez-vous enfin quel était le sentiment de la sacrée Vierge Mère de Jésus, voyant son Fils unique, la seule consolation et la seule espérance de sa vie, si cruellement abandonné, marchant tout courbé entre deux voleurs, et outragé des huées et des railleries d'un peuple insolent.
89 - DU CRUCIFIEMENT DE JÉSUS (Matthieu 27,32 - Marc 15,21 – Jean 19,16)
Et ils arrivèrent à un lieu nommé Golgotha, c'est à dire le lieu du Calvaire et là ils le crucifièrent.
Considérez quelle fut la peine du bon Jésus tout affaibli et épuisé de forces, pour arriver sur cette montagne; et quelle violence il se fit afin qu'il ne manquait rien à votre Salut, et qu'il s'offrit en holocauste de bonne odeur à son Père Éternel pour vos péchés sur un lieu voisin du Ciel.
Faites réflexion sur le genre de sa mort, le plus cruel et le plus ignominieux que l'on se puisse figurer. Mais considérez-en aussi les circonstances avec une attention toute particulière, et persuadez-vous que d'abord on le dépouille de ses habits avec un barbare empressement; ce qui sans doute renouvela toutes ses plaies; qu'il se tenait debout sans se plaindre, plein de sang comme un agneau que l'on écorche tout vif; qu'on le jette ensuite sur une poutre en forme de croix; que là on lui perce les mains et les pieds avec des clous qui n'avaient point de pointes; ô l'effroyable douleur et d'autant plus sensible que les mains sont remplies de veines et de nerfs! que l'on étend ses bras et ses jambes pour les faire atteindre aux trous de la croix; que cette extension qui se faisait par force et par violence, était un tourment inconcevable; que cette croix enfin fut élevée et que la secousse qu'on lui donna en la mettant dans un creux de la terre pour l'y arrêter, fut un nouveau et l'un des plus cruels supplices du Rédempteur, sans parler même de ce qu'il y souffrit pendant trois heures qu'il y demeura suspendu.
Considérez quelle fut la honte et l'ignominie de cette mort; car il n'y en avait point de plus vile, puisqu'elle était le supplice des esclaves. Outre que Jésus la souffrit sur le sommet d'une montagne et sur une souche de bois élevée, pour être en but à toutes les railleries et à tous les brocards; en un lieu destiné aux supplices publics, afin qu'il fut tenu pour un scélérat; entre deux voleurs comme le plus méchant; à l'heure de midi, afin que tout le peuple s'y peut rencontrer; en la fête de Pâques qui assemblait toute la nation dans Jérusalem; en la ville capitale de la Judée, où il avait fait son entrée triomphante six jours auparavant; et enfin qu'après tant de sujets de confusion, il fut encore exposé à la risée insolente des passants et soyez fortement persuadé qu'il n'y a point de tourment, ni d'infamie que Jésus n'ait soufferte.
Considérez pourquoi le Sauveur a fait choix de ce genre de mort. Sans doute : 1. Parce qu'il n'y en avait point de plus douloureux, de plus de durée, de plus ignominieux, et de plus propre à moyenner votre Salut. 2. Afin que comme une victime élevée en l'air, il fût mis en qualité de médiateur entre le Père Éternel et le genre humain, et qu'il réconciliât par ce moyen les choses les plus basses avec les plus élevées. 3 . Afin qu'il vous cherchât de loin par ses regards; que vous ayant trouvé il vous reçût à bras ouverts; qu'il vous cachât dans ses plaies sacrées; que vous ayant gravé dans ses mains il vous eut toujours devant ses yeux; et qu'il arrachât vôtre âme des soins de la terre, et l'élevât aux pensées du Ciel.
90 - DES MYSTÈRES ARRIVÉES A JÉSUS ÉTANT SUR LA CROIX ( Jean 19,18)
Et ils crucifièrent avec lui deux voleurs, l'un à sa droite, et l'autre à sa gauche.
Considérez d'une part l'exécrable impiété de ceux qui crucifient le Sauveur du monde comme un voleur et de l'autre l'humilité incroyable de Jésus, qui a bien voulu passer pour tel et mourir de la sorte, mais pour l'amour de nous; afin que nous qui sommes véritablement des malfaiteurs, c'est à dire des meurtriers de nos âmes, quand nous tombons dans le péché, souffrions volontiers quelque confusion et quelque peine pour l'expiation de nos crimes.
Pensez que de même que Jésus n'a pas dédaigné la compagnie de Judas pendant sa vie, ni celle des voleurs en sa mort, ainsi vous devez supporter les méchants; et que comme il a fait un Saint de l'un de ces deux scélérats, vous devez aussi faire en sorte que ceux qui vous fréquentent, deviennent gens de bien.
Et Jésus au milieu.
Considérez que les chefs des Juifs n'avaient point d'autre dessein par cette ignominie, que de mettre en oubli le nom de Jésus, et de le faire croire le capitaine des voleurs plutôt que le Messie.
Mais le Sauveur a tiré sa gloire de leur malice : 1. Car lui seul de trois qui étaient crucifiés, a acquis de la vénération et de l'honneur dans toute l'étendue de l'Univers, par le moyen de sa croix : 2. Mourant avec deux pécheurs il a payé la rançon de tous les autres. 3. Il n'exclut personne de la grâce du salut, quelque scélérat que l'on puisse être. 4. Il sera le juge des bons et des méchants au dernier Jugement; ce qui nous est figuré par ces deux voleurs, et Jésus au milieu d'eux; car celui qui était crucifié à sa droite, représente les bons, et celui qui l'était à sa gauche, figure les méchants.
Pensez que le bon et le mauvais larron sont crucifiés avec Jésus, pour vous apprendre que quelque homme de bien que l'on soit, l'on n'est point dispensé de porter sa croix.
Et l'Écriture qui dit: Il a été mis au rang des méchants : Isaïe. 53 ( Ancien Testament)- fut accomplie.
Considérez que cela fut prédit bien longtemps auparavant qu'il arrivât, pour faire entendre qu'il n'est pas arrivé par hasard, mais par l'ordre et par la volonté de Dieu. Outre que Jésus quant à sa divinité étant au milieu des personnes divines, quant à son humanité au milieu des Anges, des hommes, et de toutes les autres créatures; et ayant pris sur soi les péchés de tout le genre humain, il était à propos qu'encore qu'il ne fut pas méchant, il fut pourtant mis au milieu des méchants, c'est à dire qu'il fut tenu pour le plus scélérat des scélérats.
Or Pilate écrivit le sujet de sa mort, et le mit sur la Croix.
Considérez que Pilate fit cela pour faire croire que Jésus avait été crucifié parce qu'il avait aspiré à être Roy: mais le dessein de Dieu était bien autre que celui de ce Gouverneur. Et ce fut sans doute afin que vous trouviez votre salut en Jésus, les fleurs de toutes les vertus en la signification du terme de Nazareth et votre sureté en celle de celui de Roi; car ce Titre était tel : Jésus de Nazareth Roi des Juifs. 2. Afin que vous apprissiez par l'écriteau attaché à la Croix, ce que l'on y enseigne, conformément à ce que font d'ordinaire les Professeurs des sciences, qui exposent par écriteau aux portes de leurs écoles les matières dont ils traitent.
En effet la Croix de Jésus est la véritable école des Chrétiens; et l'on y apprend à faire son salut, à pratiquer les vertus, à louer Dieu dévotement, à se conduire, à demeurer victorieux du monde, de la chair et du démon ( de l`ange déchu), à confesser ses péchés, à faire pénitence pour ses péchés , à se munir en toutes ses actions de la figure ou du
signe de la Croix, et à dire : Que le Titre triomphant de Jésus me délivre de toutes sortes de maux.
Et cette inscription était écrite en Hébreu, en Grec et en Latin.
Considérez que ce Titre était écrit en plusieurs Langues; parce qu'il importe à tous les hommes de reconnaitre ce Roi crucifié, conformément à ce que dit Saint Paul, qui fait gloire de ne rien savoir que Jésus attaché à la Croix. Il fut même mis en un lieu éminent, afin que de loin on le pût voir, le lire, le concevoir, et tout abandonner pour suivre Dieu.
Les Pontifes dirent à Pilate: N'écrivez, pas Roi des Juifs, mais qu'il a dit : Je suis le Roi des Juifs. Pilate leur fit répondre : J'ai écrit ce que j'ai écrit.
Considérez que les impies et les gens du monde, qui sont attachés aux plaisirs du siècle et de la chair, ne peuvent pas souffrir que l'on parle du Royaume de Jésus crucifié, non plus que de sa Croix, en laquelle les gens de bien mettent toute leur gloire et toute leur confiance, de même que l`Apôtre. Car si le monde, la chair ou le démon ( l`ange déchu), les tente de renoncer à la Croix qu'ils ont embrassée, soit au Baptême, soit en l'entrée dans quelque maison Religieuse, ils disent hardiment avec Pilate : J'ai écrit ce que j'ai écrit, je garderai le vœu que j'ai fait, et je persévérerai comme j'ai commencé. En effet si Pilate n'a pas voulu changer ce qu'il avait écrit, pourquoi voudriez-vous changer ce que vous avez promis à Dieu?
Après que les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses habits, et sa tunique.
Considérez la pauvreté de Jésus qui n'avait point d'autres habits que les plus nécessaires pour couvrir sa nudité et pour se garantir du froid et pour vous apprendre à rejeter le trop grand soin, la superfluité et le luxe des habits. A l'égard de sa tunique sans couture, sa sainte Mère la lui avait tissée lors qu'il était encore enfant.
Faites réflexion sur la libéralité de Jésus. Il vous avait donné son corps, il avoir répandu tout son sang pour vous; non content il vous donne encore les biens extérieurs, et ne se réserve que les clous, les épines, les crachats, ect. Que si vous voulez parfaitement l'imiter, accourez à lui tout dépouillé de vos habitudes criminelles, comme il l'est de ses habits.
Ils en firent quatre parties et jetèrent au sort laquelle chacun emporterait.
Considérez que ces soldats voulurent par raillerie avoir chacun leur part de la robe de Jésus, comme de celle du Roi des Juifs. Et apprenez de là à recueillir soigneusement la
moindre parcelle de la frange de ses sacrés vêtements; c'est à dire à faire grande estime de tout ce qui regarde la Passion; comme de ses Sacrements; de ses paroles et du signe de la Croix.
Pensez que de même que les soldats, nous divisons la robe de Jésus, quand nous avons des débats les uns avec les autres, ou quand nous donnons occasion de querelles.
Pour la tunique sans couture, ils se dirent les uns aux autres : Ne la coupons pas, mais jetons au sort à qui elle demeurera.
Considérez que comme les diverses sociétés des hommes et les Églises particulières que les hérésies peuvent diviser, sont figurées par les habits de Jésus, ainsi la tunique sans couture représente l'Église Catholique Romaine, qui ne peut souffrir de division, mais sera toujours confiante et inébranlable dans une seule et même foi; outre qu'elle est entièrement tissée en tout ce qu'elle contient, c'est à dire qu'elle est étendue par tout l'Univers. Mais prenez garde et appréhendez d'être séparé de cette tunique indivisible.
Pensez que le véritable et parfait amour de Dieu est aussi figuré par cette tunique sans couture; car il ne souffre point de liaison étrangères, et veut être aimé sans partage et sans division.
Les passants le blasphémaient, branlaient la tête, et disaient: C'est donc vous qui détruisez le Temple de Dieu, et le rétablissez en trois jours: sauvez-vous maintenant vous-même.
Considérez la rage de ce Peuple, de ces Pontifes et de ces soldats; qui voyant que Jésus est sur le point d'expirer, vomissent incessamment contre lui des outrages et des injures, et qui ne pouvant lui reprocher aucun crime, se raillent de ses faveurs et de ses miracles, comme d'avoir rendu la santé à tant de malades. Mais faites réflexion en même temps sur la douleur que lui causèrent ces outrages, puisque la raillerie que l'on fait d'un misérable, lui est plus sensible que sa misère.
Les Princes des Prêtres disaient aussi : S'il est Fils de Dieu, s'il est Roi d'Israël, qu'il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui. Il a de la confiance en Dieu, qu'il le délivre à présent s'il lui plait; car il a dit : Je suis le Fils de Dieu: Il a sauvé les autres, il ne peut se sauver lui-même.
Considérez l'aveugle extravagance des chefs des Juifs; car Jésus étant Fils de Dieu n'a pas du renoncer à l'obéissance qu'il avait promis à son Père, mais boire tout entier le calice qu'il lui avait donné; et étant Roi d'Israël il n'a pas du descendre de la Croix, puisqu’il est écrit que le Seigneur doit régner par le bois. Que s'il est en possession de son Royaume, il ne doit pas abandonner son Sceptre qui n'est autre que la croix.
D'ailleurs, s'il veut se sauver et lui et les autres, il doit y demeurer attaché, puisque celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé. Apprenez de là qu'il faut être constant dans les saintes résolutions, quelque difficulté qu'il y ait à persévérer.
Les soldats s'en moquaient de même en lui présentant du vinaigre, et disaient : si vous êtes le Roi des Juifs, sauvez-vous.
Considérez que Jésus ne fît aucune réponse à tous les reproches que l'on lui objectait et que par ce moyen il nous instruit à les souffrir patiemment pour son amour; et qu'il ne faut pas même y répondre, que lorsqu'il s'agit de l'honneur de Dieu et du salut des âmes, ce qui fit qu'il voulut bien parler au bon larron, mais qu'il ne dit rien à l'autre.
Et se saisissant de Jésus, ils l'amenèrent pour le crucifier; et portant lui-même sa Croix, il prit le chemin d'un lieu nommé Calvaire.
Considérez la cruauté des chefs Juifs qui n'eut jamais d'exemple. Jésus étant affaibli de douleur, meurtri de coups, et blessé en tous ses membres, ils ne laissent pas de le charger du fardeau de sa croix, aussi pesante qu'une poutre, comme s'ils eussent désiré qu'il expirât en chemin. A t'on jamais vu qu'un criminel ait porté sa potence ? Bien au contraire l'on cache ordinairement aux plus coupables les instruments de leurs supplices, mais il faut que Jésus les porte lui-même avec une confusion inconcevable.
Figurez-vous comme si vous y étiez présent, les démarches de votre aimable Rédempteur chargé de sa croix. Voyez ses yeux tout languissants, sa face souillée de crachats et de sang , ses genoux qui tremblent, et au moins portez lui compassion quand il tombe par sept fois sous un fardeau si pesant; puisque par ces chutes il se fait de nouvelles plaies, et s' ouvre celles qu`il a reçues en sa flagellation.
Ils contraignirent en chemin le nomme Simon, Cyrien de nation, à porter la Croix de Jésus.
Considérez qu'il ne suffit pas que Jésus porte sa croix, et que nous nous y attachions par la foi et par la méditation; mais qu'il faut encore que nous-mêmes nous portions la nôtre par la souffrance des injures, par la victoire sur nos passions, en domptant notre chair par des jeûnes, des disciplines, et autres pénitence; conformément à ce dire de l'Évangile prononcé par le Sauveur: Si quelqu'un, dit-il, veut venir après moi, qu'il se renonce volontiers lui-même, qu'il porte tous les jours sa croix, et qu'il me suive.
Faites réflexion sur ce Simon qui ne porta pas volontiers la croix de Jésus, mais y fut contraint ; pour apprendre que pour porter la sienne de bonne grâce, il faut faire violence à la nature et à la chair qui résiste toujours à l'esprit.
Pensez enfin quels avantages a remportez ce Simon pour avoir porté la croix de Jésus quoiqu’il y fût contraint. Car pour récompense de sa peine, son nom et même son pays ont été connus par toute la terre. Bien plus, ses enfants sont devenus Chrétiens et illustres en leur réputation.
Jésus s`étant retourné vers des femmes qui pleuraient : Ne pleurez, point, leur dit-il , sur moi, mais pleurez, sur vous et sur vos enfants. Que si l'on traite ainsi le bois vert, comment traitera-t`on le bois sec.
Considérez que Jésus ne voulut point que l'on versât des larmes pour lui, mais pour le Peuple; ce qui nous apprend qu'il n'y a rien de si déplorable que nos péchés qui ont été la cause de sa mort, qui devait être à plusieurs le sujet d'une damnation plus rigoureuse.
Pensez que si le bois vert, c'est à dire celui qui est venu au monde sans aucun péché, n'en est point sorti sans châtiments, de quelle manière nous qui sommes conçus dans l'iniquité, et qui vivons toujours dans l'ordure du péché; comment, dis-je, pourrons nous parvenir à la vie éternelle, si ce n'est par la voie des croix et des pénitences.
Figurez-vous enfin quel était le sentiment de la sacrée Vierge Mère de Jésus, voyant son Fils unique, la seule consolation et la seule espérance de sa vie, si cruellement abandonné, marchant tout courbé entre deux voleurs, et outragé des huées et des railleries d'un peuple insolent.
89 - DU CRUCIFIEMENT DE JÉSUS (Matthieu 27,32 - Marc 15,21 – Jean 19,16)
Et ils arrivèrent à un lieu nommé Golgotha, c'est à dire le lieu du Calvaire et là ils le crucifièrent.
Considérez quelle fut la peine du bon Jésus tout affaibli et épuisé de forces, pour arriver sur cette montagne; et quelle violence il se fit afin qu'il ne manquait rien à votre Salut, et qu'il s'offrit en holocauste de bonne odeur à son Père Éternel pour vos péchés sur un lieu voisin du Ciel.
Faites réflexion sur le genre de sa mort, le plus cruel et le plus ignominieux que l'on se puisse figurer. Mais considérez-en aussi les circonstances avec une attention toute particulière, et persuadez-vous que d'abord on le dépouille de ses habits avec un barbare empressement; ce qui sans doute renouvela toutes ses plaies; qu'il se tenait debout sans se plaindre, plein de sang comme un agneau que l'on écorche tout vif; qu'on le jette ensuite sur une poutre en forme de croix; que là on lui perce les mains et les pieds avec des clous qui n'avaient point de pointes; ô l'effroyable douleur et d'autant plus sensible que les mains sont remplies de veines et de nerfs! que l'on étend ses bras et ses jambes pour les faire atteindre aux trous de la croix; que cette extension qui se faisait par force et par violence, était un tourment inconcevable; que cette croix enfin fut élevée et que la secousse qu'on lui donna en la mettant dans un creux de la terre pour l'y arrêter, fut un nouveau et l'un des plus cruels supplices du Rédempteur, sans parler même de ce qu'il y souffrit pendant trois heures qu'il y demeura suspendu.
Considérez quelle fut la honte et l'ignominie de cette mort; car il n'y en avait point de plus vile, puisqu'elle était le supplice des esclaves. Outre que Jésus la souffrit sur le sommet d'une montagne et sur une souche de bois élevée, pour être en but à toutes les railleries et à tous les brocards; en un lieu destiné aux supplices publics, afin qu'il fut tenu pour un scélérat; entre deux voleurs comme le plus méchant; à l'heure de midi, afin que tout le peuple s'y peut rencontrer; en la fête de Pâques qui assemblait toute la nation dans Jérusalem; en la ville capitale de la Judée, où il avait fait son entrée triomphante six jours auparavant; et enfin qu'après tant de sujets de confusion, il fut encore exposé à la risée insolente des passants et soyez fortement persuadé qu'il n'y a point de tourment, ni d'infamie que Jésus n'ait soufferte.
Considérez pourquoi le Sauveur a fait choix de ce genre de mort. Sans doute : 1. Parce qu'il n'y en avait point de plus douloureux, de plus de durée, de plus ignominieux, et de plus propre à moyenner votre Salut. 2. Afin que comme une victime élevée en l'air, il fût mis en qualité de médiateur entre le Père Éternel et le genre humain, et qu'il réconciliât par ce moyen les choses les plus basses avec les plus élevées. 3 . Afin qu'il vous cherchât de loin par ses regards; que vous ayant trouvé il vous reçût à bras ouverts; qu'il vous cachât dans ses plaies sacrées; que vous ayant gravé dans ses mains il vous eut toujours devant ses yeux; et qu'il arrachât vôtre âme des soins de la terre, et l'élevât aux pensées du Ciel.
90 - DES MYSTÈRES ARRIVÉES A JÉSUS ÉTANT SUR LA CROIX ( Jean 19,18)
Et ils crucifièrent avec lui deux voleurs, l'un à sa droite, et l'autre à sa gauche.
Considérez d'une part l'exécrable impiété de ceux qui crucifient le Sauveur du monde comme un voleur et de l'autre l'humilité incroyable de Jésus, qui a bien voulu passer pour tel et mourir de la sorte, mais pour l'amour de nous; afin que nous qui sommes véritablement des malfaiteurs, c'est à dire des meurtriers de nos âmes, quand nous tombons dans le péché, souffrions volontiers quelque confusion et quelque peine pour l'expiation de nos crimes.
Pensez que de même que Jésus n'a pas dédaigné la compagnie de Judas pendant sa vie, ni celle des voleurs en sa mort, ainsi vous devez supporter les méchants; et que comme il a fait un Saint de l'un de ces deux scélérats, vous devez aussi faire en sorte que ceux qui vous fréquentent, deviennent gens de bien.
Et Jésus au milieu.
Considérez que les chefs des Juifs n'avaient point d'autre dessein par cette ignominie, que de mettre en oubli le nom de Jésus, et de le faire croire le capitaine des voleurs plutôt que le Messie.
Mais le Sauveur a tiré sa gloire de leur malice : 1. Car lui seul de trois qui étaient crucifiés, a acquis de la vénération et de l'honneur dans toute l'étendue de l'Univers, par le moyen de sa croix : 2. Mourant avec deux pécheurs il a payé la rançon de tous les autres. 3. Il n'exclut personne de la grâce du salut, quelque scélérat que l'on puisse être. 4. Il sera le juge des bons et des méchants au dernier Jugement; ce qui nous est figuré par ces deux voleurs, et Jésus au milieu d'eux; car celui qui était crucifié à sa droite, représente les bons, et celui qui l'était à sa gauche, figure les méchants.
Pensez que le bon et le mauvais larron sont crucifiés avec Jésus, pour vous apprendre que quelque homme de bien que l'on soit, l'on n'est point dispensé de porter sa croix.
Et l'Écriture qui dit: Il a été mis au rang des méchants : Isaïe. 53 ( Ancien Testament)- fut accomplie.
Considérez que cela fut prédit bien longtemps auparavant qu'il arrivât, pour faire entendre qu'il n'est pas arrivé par hasard, mais par l'ordre et par la volonté de Dieu. Outre que Jésus quant à sa divinité étant au milieu des personnes divines, quant à son humanité au milieu des Anges, des hommes, et de toutes les autres créatures; et ayant pris sur soi les péchés de tout le genre humain, il était à propos qu'encore qu'il ne fut pas méchant, il fut pourtant mis au milieu des méchants, c'est à dire qu'il fut tenu pour le plus scélérat des scélérats.
Or Pilate écrivit le sujet de sa mort, et le mit sur la Croix.
Considérez que Pilate fit cela pour faire croire que Jésus avait été crucifié parce qu'il avait aspiré à être Roy: mais le dessein de Dieu était bien autre que celui de ce Gouverneur. Et ce fut sans doute afin que vous trouviez votre salut en Jésus, les fleurs de toutes les vertus en la signification du terme de Nazareth et votre sureté en celle de celui de Roi; car ce Titre était tel : Jésus de Nazareth Roi des Juifs. 2. Afin que vous apprissiez par l'écriteau attaché à la Croix, ce que l'on y enseigne, conformément à ce que font d'ordinaire les Professeurs des sciences, qui exposent par écriteau aux portes de leurs écoles les matières dont ils traitent.
En effet la Croix de Jésus est la véritable école des Chrétiens; et l'on y apprend à faire son salut, à pratiquer les vertus, à louer Dieu dévotement, à se conduire, à demeurer victorieux du monde, de la chair et du démon ( de l`ange déchu), à confesser ses péchés, à faire pénitence pour ses péchés , à se munir en toutes ses actions de la figure ou du
signe de la Croix, et à dire : Que le Titre triomphant de Jésus me délivre de toutes sortes de maux.
Et cette inscription était écrite en Hébreu, en Grec et en Latin.
Considérez que ce Titre était écrit en plusieurs Langues; parce qu'il importe à tous les hommes de reconnaitre ce Roi crucifié, conformément à ce que dit Saint Paul, qui fait gloire de ne rien savoir que Jésus attaché à la Croix. Il fut même mis en un lieu éminent, afin que de loin on le pût voir, le lire, le concevoir, et tout abandonner pour suivre Dieu.
Les Pontifes dirent à Pilate: N'écrivez, pas Roi des Juifs, mais qu'il a dit : Je suis le Roi des Juifs. Pilate leur fit répondre : J'ai écrit ce que j'ai écrit.
Considérez que les impies et les gens du monde, qui sont attachés aux plaisirs du siècle et de la chair, ne peuvent pas souffrir que l'on parle du Royaume de Jésus crucifié, non plus que de sa Croix, en laquelle les gens de bien mettent toute leur gloire et toute leur confiance, de même que l`Apôtre. Car si le monde, la chair ou le démon ( l`ange déchu), les tente de renoncer à la Croix qu'ils ont embrassée, soit au Baptême, soit en l'entrée dans quelque maison Religieuse, ils disent hardiment avec Pilate : J'ai écrit ce que j'ai écrit, je garderai le vœu que j'ai fait, et je persévérerai comme j'ai commencé. En effet si Pilate n'a pas voulu changer ce qu'il avait écrit, pourquoi voudriez-vous changer ce que vous avez promis à Dieu?
Après que les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses habits, et sa tunique.
Considérez la pauvreté de Jésus qui n'avait point d'autres habits que les plus nécessaires pour couvrir sa nudité et pour se garantir du froid et pour vous apprendre à rejeter le trop grand soin, la superfluité et le luxe des habits. A l'égard de sa tunique sans couture, sa sainte Mère la lui avait tissée lors qu'il était encore enfant.
Faites réflexion sur la libéralité de Jésus. Il vous avait donné son corps, il avoir répandu tout son sang pour vous; non content il vous donne encore les biens extérieurs, et ne se réserve que les clous, les épines, les crachats, ect. Que si vous voulez parfaitement l'imiter, accourez à lui tout dépouillé de vos habitudes criminelles, comme il l'est de ses habits.
Ils en firent quatre parties et jetèrent au sort laquelle chacun emporterait.
Considérez que ces soldats voulurent par raillerie avoir chacun leur part de la robe de Jésus, comme de celle du Roi des Juifs. Et apprenez de là à recueillir soigneusement la
moindre parcelle de la frange de ses sacrés vêtements; c'est à dire à faire grande estime de tout ce qui regarde la Passion; comme de ses Sacrements; de ses paroles et du signe de la Croix.
Pensez que de même que les soldats, nous divisons la robe de Jésus, quand nous avons des débats les uns avec les autres, ou quand nous donnons occasion de querelles.
Pour la tunique sans couture, ils se dirent les uns aux autres : Ne la coupons pas, mais jetons au sort à qui elle demeurera.
Considérez que comme les diverses sociétés des hommes et les Églises particulières que les hérésies peuvent diviser, sont figurées par les habits de Jésus, ainsi la tunique sans couture représente l'Église Catholique Romaine, qui ne peut souffrir de division, mais sera toujours confiante et inébranlable dans une seule et même foi; outre qu'elle est entièrement tissée en tout ce qu'elle contient, c'est à dire qu'elle est étendue par tout l'Univers. Mais prenez garde et appréhendez d'être séparé de cette tunique indivisible.
Pensez que le véritable et parfait amour de Dieu est aussi figuré par cette tunique sans couture; car il ne souffre point de liaison étrangères, et veut être aimé sans partage et sans division.
Les passants le blasphémaient, branlaient la tête, et disaient: C'est donc vous qui détruisez le Temple de Dieu, et le rétablissez en trois jours: sauvez-vous maintenant vous-même.
Considérez la rage de ce Peuple, de ces Pontifes et de ces soldats; qui voyant que Jésus est sur le point d'expirer, vomissent incessamment contre lui des outrages et des injures, et qui ne pouvant lui reprocher aucun crime, se raillent de ses faveurs et de ses miracles, comme d'avoir rendu la santé à tant de malades. Mais faites réflexion en même temps sur la douleur que lui causèrent ces outrages, puisque la raillerie que l'on fait d'un misérable, lui est plus sensible que sa misère.
Les Princes des Prêtres disaient aussi : S'il est Fils de Dieu, s'il est Roi d'Israël, qu'il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui. Il a de la confiance en Dieu, qu'il le délivre à présent s'il lui plait; car il a dit : Je suis le Fils de Dieu: Il a sauvé les autres, il ne peut se sauver lui-même.
Considérez l'aveugle extravagance des chefs des Juifs; car Jésus étant Fils de Dieu n'a pas du renoncer à l'obéissance qu'il avait promis à son Père, mais boire tout entier le calice qu'il lui avait donné; et étant Roi d'Israël il n'a pas du descendre de la Croix, puisqu’il est écrit que le Seigneur doit régner par le bois. Que s'il est en possession de son Royaume, il ne doit pas abandonner son Sceptre qui n'est autre que la croix.
D'ailleurs, s'il veut se sauver et lui et les autres, il doit y demeurer attaché, puisque celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé. Apprenez de là qu'il faut être constant dans les saintes résolutions, quelque difficulté qu'il y ait à persévérer.
Les soldats s'en moquaient de même en lui présentant du vinaigre, et disaient : si vous êtes le Roi des Juifs, sauvez-vous.
Considérez que Jésus ne fît aucune réponse à tous les reproches que l'on lui objectait et que par ce moyen il nous instruit à les souffrir patiemment pour son amour; et qu'il ne faut pas même y répondre, que lorsqu'il s'agit de l'honneur de Dieu et du salut des âmes, ce qui fit qu'il voulut bien parler au bon larron, mais qu'il ne dit rien à l'autre.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
91 - DES SEPT PAROLES DE JÉSUS ÉTANT SUR LA CROIX.
PREMIÈRE PAROLE.
Or Jésus disait :
Considérez que Jésus proféra les sept dernières paroles qu'il prononça sur la Croix d'une voix forte et élevée, et avec abondance de larmes confuses dans le sang qui coulait de sa tête sacrée. Mais remarquez, que ses larmes arrosaient sa prière, que son sang lui donnait de l'ornement; et que sa voix si élevée pénétrait jusques à son Père Éternel.
Pensez aussi soigneusement à ces paroles et les écoutez avec attention : car c'est par elles que les sept Sacrements ont été sanctifiés, l'on obtient par elles les sept dons du saint Esprit, et par leur vertu l'on demeure victorieux des sept péchés mortels.
Faites réflexion sur celui qui a prononcé ces paroles. C'est le Fils de Dieu. A qui les a t'il adressées ? A son Père. Où? sur l'arbre de la Croix. Quand ? Sur le point d'expirer. En quelle posture ? Les mains étendues sur l'instrument de son supplice, et son corps tout souillé de sang. Pour qui ? Pour ceux même qui le crucifiaient et pour tous les pécheurs. Qu'a t'il demandé ? La rémission des péchés. En présence de qui ? De ses propres ennemis, afin qu'ils fussent les témoins du pardon qui leur était accordé.
Mon Père, pardonnez-leur.
Considérez toutes les paroles de cette prière l'une après l'autre. Mon Père , dit-il : et il use de ce terme qui marque la bonté et la miséricorde, et non pas la justice que dénote celui de Seigneur : comme s'il disait : Mon Père, reconnaissez que je suis votre Fils : un Père ne peut rien refuser à son enfant : Je vous conjure autant que vous m'aimez, de m'accorder la prière que je vous fais. Je ne suis attaché à cette Croix que pour obtenir le pardon de tous les péchés des hommes; si vous me le refusez, vous me crucifierez de nouveau : c'est la seule récompense que je demande pour vous avoir obéi si ponctuellement.
Faites aussi réflexion sur ce mot: Pardonnez, et remarquez que le bon Jésus en le prononçant fait l'office de Prêtre, car il prie pour les péchés du peuple: et non seulement de Prêtre, mais encore d'hostie; car il ne demande pas un pardon gratuit, mais il offre de satisfaire. En effet ses plaies, son sang, les crachats dont il a été honteusement déshonoré, crient aux oreilles du Père Éternel, Pardonnez et recevez-nous pour satisfaction des péchés des hommes.
Remarquez encore qu'il demande ce pardon sans réserve et sans restriction; pour vous apprendre qu'il faut ainsi absolument le demander, parce qu'il a toujours du rapport à la gloire de Dieu.
Remarquez encore que cette demande de Jésus ne s'étend pas seulement sur les péchés qui avaient été commis, mais aussi sur ceux qui le seront jusqu'à la fin du monde.
Pensez enfin au dernier mot de cette prière, qui est, leur; et qui veut dire : Ne pardonnez pas seulement, mon Père, à ceux qui m'ont attaché à la Croix, mais aussi à tous ceux qui ont donné lieu à mon crucifiement; et inférez de là que personne n'est exclus de ce pardon que Jésus a demandé pour tous les pécheurs.
Parce qu'ils ne savent ce qu’ils font.
Considérez que Jésus est le Juge de tous les hommes, et qu'il n'en fait pas ici la fonction, non plus que celle d'accusateur, mais celle de leur défenseur, et de leur Avocat; et qu'encore que le péché des chefs des Juifs n'ait pu être excusé que par leur ignorance, cette ignorance ayant été volontaire, il est par conséquent inexcusable.
D'où vous pouvez inférer qu'il excusera bien plutôt les crimes de ceux qui l'invoqueront avec douleur de les avoir commis; et apprendre à excuser, et à ne pas exagérer les petites offenses qui vous seront faites.
Pensez que les chefs des Juifs savaient à la vérité le mal qu'ils faisaient, mais ne savaient pas comment ils en seraient châtiés; et que de même les pécheurs ne savent pas bien ce qu'ils font quand ils pèchent, car s'ils savaient quelle est l'énormité de leur offense, et combien sévèrement ils en seront punis, ils aimeraient mieux s`abstenir mille fois que de commettre aucun péché.
SECONDE PAROLE.
Un des voleurs faisant reproche à Jésus, et lui disait; Si vous êtes le Christ, sauvez-vous et nous avec vous. L'autre le reprit, et lui dit : Quoi ? vous ne craignez, point Dieu, quoi que vous souffriez, un même supplice ? A la vérité nous sommes justement condamnés, car nous fûmes dans la peine de nos démérites; mais celui-ci n`a point fait de mal.
Considérez et admirez la conversion du bon larron; car lors même que les Apôtres n'osaient ouvrir la bouche en faveur de leur Maitre, il le défend publiquement sans en être détourné par les calomnies des Juifs, par la trahison de Judas, par la fuite des Disciples, ni par la nature mortelle où il voyait Jésus. Bien plus, par un motif remarquable d'une parfaite charité il se met plutôt en peine de reprendre son compagnon, que de faire quelque demande au Sauveur et il lui représente qu'il doit bientôt mourir, et que sa mort doit être suivie d'un effroyable jugement; il reconnait son péché, il offre pour en satisfaire le supplice de la Croix où il est attaché, et publie l'innocence de Jésus qui seul avec sa sainte Mère a droit de se dire innocent.
Pensez que si nous voulons que Dieu nous fasse miséricorde, nous devons nous opposé avec un grand zèle aux blasphèmes que l'on vomit contre sa Majesté, confesser sincèrement nos péchés, et défendre la réputation des gens de bien quand elle est attaquée.
Et il disait à Jésus : Seigneur souvenez-vous de moi quand vous serez, dans votre Royaume.
Considérez par quel moyen ce voleur fut sitôt et si heureusement changé; qu'il eut l'honneur de boire le premier de la fontaine des eaux vives, et d'être le compagnon de Jésus sur la Croix. Sans doute que ce fut un changement de la droite du Très haut: En effet il était crucifié à la droite du Fils de Dieu.
Faites réflexion sur sa foi, qui fut si grande que de lui faire croire et publier que Jésus qu'il voyait sur le point de rendre l'âme, était le Seigneur et le Roi de la terre et du Ciel. Et sur son espérance qui ne peut être affaiblie par le nombre et par l'énormité de ses péchés, mais qui au contraire lui donna la hardiesse de prier Jésus de ne le pas mettre en oubli; faisant paraitre en ses paroles une modestie et une soumission entièrement respectueuse envers le Sauveur.
Et Jésus lui dit : En vérité je vous dis que vous serez, aujourd’hui avec moi en Paradis.
Considérez comme peu à peu le Sauveur ouvre le sein de sa miséricorde. Il n'y a guère qu'il priait pour ceux qui l'ont attaché à la Croix, et maintenant il ouvre le Paradis à un larron. Seigneur que vous êtes bon, que vous êtes libéral; mais que vous êtes prodigue envers ce voleur ! L'on ne peut pas douter, et l'on est même convaincu, que vous êtes venu au monde pour sauver les pécheurs. Il est vrai que vous ne pouviez avoir d'autre dessein; car vous êtes la miséricorde même et la source de toutes les bontés.
Pensez si Jésus accorde le Paradis pour une heure de pénitence à un larron qui a passé toute sa vie dans les plus grands désordres et dans les crimes du brigandage; quelle sera la récompense de ceux qui auront toujours vécu dans les emplois de son obéissance et de son service.
Remarquez que de ces deux larrons l'un est sauvé, afin que personne ne désespère aux approches de la mort; et que l'autre ne l'est pas, pour apprendre à ne pas différer la pénitence jusqu’à la dernière heure de la vie.
TROISIÈME PAROLE
La mère de Jésus, Marie femme de Cléophas, sœur de sa mère, et Marie Magdeleine, étaient au pied de la Croix.
Considérez que les Apôtres ayant pris la suite, quelques saintes femmes accompagnèrent Jésus jusqu’à la Croix; particulièrement sa sainte Mère, tant à cause qu'elle avait plus de tendresse pour son adorable Fils, qu'afin de ne pas abandonner à la mort celui qu'elle avait toujours suivi jusques à ce moment; pour lui rendre quelque service s'il lui était permis, et le soulager de tout son possible. Outre qu'elle s'offrit à mourir même sur la Croix, si cela se pouvait; n'ayant pas oublié que le saint vieillard Siméon lui avait prédit qu'un glaive de douleur transpercerait son âme. (Luc. 2.) En effet elle y souffrit un martyre plus considérable et plus douloureux que n'ont été ceux de tous les autres Martyrs.
Pensez que la sacrée Vierge, saint Jean et les autres saintes femmes se tinrent debout au pied de la Croix, qu'ils ne s'y assirent point; et qu'ils n'y succombèrent pas à la tristesse; car il ne suffit pas pour son salut, d'être auprès de la Croix, mais il faut y être debout et en posture de combattre et de vaincre les tentations.
Jésus ayant donc vu sa Mère et le Disciple qu'il aimait, il dit a sa Mère: femme, voilà votre Fils.
Considérez que Jésus ne nomme point ici sa sainte Mère autrement que femme, par ce que ses oreilles maternelles n'eussent pu entendre le doux et tendre nom de Mère, sans un surcroit de douleur; et pour apprendre aux Religieux, qu'étant morts au monde avec Jésus et crucifiés par l'obéissance, ils doivent oublier leurs pères et mères sur la terre.
Pensez que nous sommes tous recommandés à la sacrée Vierge comme les enfants, sous le nom de saint Jean; et que nous sommes obligés par ce motif d'aimer la chasteté comme cet Apôtre, d'honorer MARIE comme notre Mère, et d'implorer son secours en toutes sortes de tentations et d'adversités.
Puis il dit au Disciple : Voilà votre Mère; et depuis ce jour-là le Disciple lui rendit tous les services et les respects d'un bon et véritable enfant.
Considérez que Jésus recommanda sa sainte Mère seulement à saint Jean, parce que les autres Disciples ayant pris la fuite, il demeura seul auprès de lui et le suivit jusqu’à la mort, comme étant son fidèle et parfait ami. En effet la Croix, c'est à dire le temps des tentations et des adversités, fait le discernement des véritables amis et des serviteurs de Jésus; de même que celui des vrais enfants de la sacrée Vierge.
Faites réflexion sur le terme Voilà, qui fait voir que c'est une grâce toute particulière et un honneur inconcevable, qu'un homme ait une mère qui soit la Mère de Dieu; qu'il la puisse invoquer dans ses besoins avec confiance en et bonté, et qu'il la doive considérer comme médiatrice en sa faveur auprès du Tout-Puissant.
Pensez que saint Jean, quoique pauvre, reçut la sacrée Vierge pour sa Mère, non point pour lui faire part de ses biens, de ses maisons, de ses terres, car il n'en avait point; mais pour lui rendre ses services et ses obéissances en tous ses besoins: Priez de votre part son Fils adorable, qu'il vous fasse la grâce de vous la donner aussi pour Mère, afin qu'elle soit votre avocate auprès de lui.
QUATRIÈME PAROLE.
Depuis la sixième jusqu'à la neuvième heure toute la terre fut couverte de ténèbres, et le Soleil obscurci.
Considérez que le Soleil s'obscurcit en la passion du Fils de Dieu, afin : 1 . Que de même qu'une famille ce revêt de deuil en la mort de son Maitre, vous conceviez de la tristesse et de la douleur quand vous faites réflexion sur les mystères de la mort de Jésus : 2. Afin que vous appreniez quelle est l'énormité des péchés mortels, puisqu'il n'y en a pas un seul qui n'ait causé sa mort. Et 3. Afin que vous conceviez que le fruit de la passion de Jésus consiste au mépris de l'éclat de ce monde; car ceux qui sont crucifiés avec lui, ne recherchent point les honneurs, mais sont souvent méprisés et abandonnés. Ce qui a fait dire à St- Paul : A Dieu ne plaise que je fasse gloire d'autre chose que de la Croix du Seigneur. (Galates.6.)
Environ la neuvième heure Jésus s'écria d'une voix forte et vigoureuse, et dit: Eli, Eli, Lamasabachtani; c’est-à-dire : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous délaissé.
Considérez que Jésus fit ce cri si pitoyable sur la fin de sa vie, parce qu'il souffrait des douleurs insupportables en la partie inférieure de son âme. En effet elle ne reçut aucun secours ni aucun soulagement de sa partie supérieure, ni même de la divinité qui lui était unie, mais elle fut abandonnée à souffrir autant qu'elle pourrait. Or environ les neuf heures son corps était tout épuisé de forces, tant à cause de la quantité de sang qui en était sorti, qu'à cause de la douleur inconcevable que lui causaient les clous dont ses pieds et ses mains étaient attachés, et qu'une sueur froide et mortelle en transissait toutes les parties.
Prenez garde qu'en ce triste état il éleva ses yeux mourants vers le Ciel, et après avoir versé beaucoup de larmes, il s'écria hautement : Mon Dieu, mon Dieu, qui n'abandonnez point ceux qui implorent votre secours, pourquoi m'abandonnez-vous sans le moindre soulagement en ce dernier combat, moi qui suis votre Fils unique et bien aimé ? Et inférez de là ce qui peut nous arriver à l'heure de la mort, à nous qui sommes tout remplis de péchés, puisque le Fils de Dieu est ainsi abandonné, si nous ne lui sommes toujours parfaitement unis.
Quelques-uns de ceux qui étaient là présent, disent: Il appelle Hélie.
Considérez que cela fut dit pour vous apprendre, que les personnes nourries dans l'oisiveté, et qui négligent leurs propres affaires, n'ont point d`autre soin ni d'autre emploi que de censurer et de railler les paroles et les actions d'autrui.
Que les impies, tels que sont les hérétiques de ce temps, ne savent point en quoi sont différents les deux termes d'Eloi, et d'Elie, c'est à dire l'honneur qui est dû à Dieu et celui qui est dû aux Saints. Et que ceux qui entendent la parole de Dieu et ne s'y conforment par leur vie, lui donnent un sens tout contraire à ce qu'elle enseigne.
CINQUIÈME PAROLE
Jésus sachant que toutes choses étaient accomplies, afin que l'Écriture fût aussi accomplie, il dit : J'ai soif.
Considérez que Jésus au milieu des tourments qu'il souffrait sur la Croix, parcourut toutes les Écritures dans son esprit, si d'aventure il en restait quelque point à accomplir qui fut avantageux à votre salut, pour vous apprendre à être si attentif à la volonté de Dieu et aux commandements de vos supérieurs, que vous n'omettiez pas d'observer la moindre circonstance de ce qui regarde votre devoir ou vocation.
Soyez entièrement persuadé que Jésus n'a jamais rien fait ni dit sans quelque utilité, mais qu'il a rapporté toutes ses actions et toutes ses paroles à l'accomplissement des Écritures, c'est à dire à la volonté de Dieu qui y est énoncée. Efforcez-vous de même de ne rien faire qui ne soit conforme aux lois de votre état et de l'obéissance.
J`ai soif
Considérez pourquoi Jésus accablé de tant de douleurs ne se plaint que de la soif. Sans doute pour témoigner qu'après avoir prodigué tout son sang, après avoir souffert de si cruels et de si longs tourments, après avoir prié son Père pour les péchés de tous les hommes, il désirait de nous les témoignages de notre reconnaissance. En effet sa soif n'était autre chose que le désir de notre amendement, de notre perfection, et de notre salut, dont il avait été embrasé.
Comme aussi pour nous laisser par testament la soif du salut des âmes. Car celle du monde n'aspire qu'aux richesses, aux honneurs, aux plaisirs, qui encore qu'ils coûtent beaucoup ne l'étanchent point, mais font mourir ceux qui les recherchent, de même que les poisons. Ce n'est pas là sans doute la soif dont Jésus veut que vous soyez altéré, mais celle qui vous fasse soupirer après la fontaine d'eau vive qui prend son cours jusques à la vie éternelle, et qui n'est autre que Dieu, votre salut et celui de votre prochain; comme Jésus lui-même n'a jamais désiré que ce qui étanche cette soif.
En même temps un soldat qui avait une éponge pleine de vinaigre, accourut, et la mettant au bout d'un bâton d'hysope, il la lui présenta à la bouche.
Considérez, si c'était là une digne récompense, et un traitement proportionné à cette bouche adorable, qui tant de fois a été ouverte pour notre salut; et à cette langue divine qui a donné tant d'enseignements, qui a tant guéri de malades, et qui a tant fait de miracles. Mais le bon Jésus qui avait déjà satisfait pour vos autres péchés, voulut encore vous donner un remède contre la gourmandise et l'intempérance et purger votre bouche infectée de la morsure du fruit qu'Adam avait goûté, par cette amertume qui lui fut présentée, comme par un souverain antidote.
Considérez que nous présentons du vinaigre à Jésus, lors que nous sommes tièdes et négligents en ce qui regarde notre salut; et que nous offrons de bon et pur vin au monde, lorsque nous n'épargnons ni peine ni travail pour acquérir de l'honneur et de la réputation.
SIXIÈME PAROLE.
Jésus ayant gouté le vinaigre dit : Tout est accompli.
Considérez que Jésus ne dit pas en particulier : Telle ou telle choie est accomplie, mais absolument et sans réserve, Tout est accompli, afin que vous sachiez que par la Passion du Fils de Dieu toutes choies ont été parfaitement achevées tant au Ciel que sur la terre; tant ce qui regarde Dieu que ce qui regarde les hommes : car comme le péché avait violé toutes choses et les avait mises dans un désordre effroyable, ainsi le sang de Jésus les a rétablies et réparées; pour vous apprendre à rechercher dans sa Passion tout ce qui vous est nécessaire et tout ce qui est avantageux à votre salut, et à n'établir votre gloire qu'en la Croix de Jésus , et en ses douleurs.
Considérez comment Jésus a accompli toutes choses à l'égard de Dieu et de sa propre personne. Car premièrement tout ce qui avait été prédit par les Prophètes, tout ce que les figures de la Loi avaient caché sous leurs ombres, tout ce que la volonté du Père Éternel avait résolu et ordonné; enfin tout ce qui était nécessaire à notre salut, a été entièrement accompli par son exacte et parfaite obéissance.
Aucune partie ni aucun membre de son corps, n'a été exempt des douleurs de la Croix. Son âme a été triste jusqu'à la mort; sa chair déchirée à coups de fouets; sa tête percée de pointes d'épines; ses cheveux arrachés; sa face défigurée par des crachats et des soufflets; ses oreilles rebattues de blasphèmes et d'outrages injurieux; ses mains et ses pieds troués avec des clous; sa langue offensée par l'amertume du fiel et du vinaigre; et tout son sang épuisé et versé jusqu’à la dernière goûte.
Il a apporté la dernière main au miroir et au modèle de toutes les vertus: car en sa vie et en sa mort l'on ne voit que des brillants de très parfaite obéissance, d'une profonde humilité, de la dernière pauvreté, de la plus invincible patience, d'une parfaite confiance, d`une force insurmontable d'une généreuse persévérance; et d'une charité infinie.
Pensez encore comment il a accompli toutes choses à notre égard. Le pouvoir du péché a été détruit; toutes nos dettes ont été payées, toutes sortes de Biens en sont provenus aux Fidèles; en sorte que rien ne nous manque dans aucune espèce de grâce; une nouvelle Église, un nouveau Sacrifice, de nouveaux Sacrements, et des lois nouvelles ont été établies et confirmées à jamais par la descente du St Esprit; enfin le désir des Pères qui étaient dans le Limbe, a été satisfait. À l'égard des méchants, l'empire du diable ( de l`ange déchu) a été renversé, ses forces ont été abattues, il a été enchaîné dans les cachots de l'abîme, si bien qu'il n`y a plus sujet de l'appréhender, et que même les petits enfants peuvent se moquer de lui. Ne soyez donc pas ingrat après tant de bienfaits si signalés, mais conformez-vous à la volonté du Sauveur qui ne veut que notre sanctification.
SEPTIÈME PAROLE.
Jésus s`écriant à haute voix dit :
Considérez que Jésus s'est toujours écrié quand il a adressé sa voix à son Père en sa propre considération, mais que quand il a parlé aux autres ou pour les autres, il n'en a pas ainsi usé; pour vous apprendre qu'il faut être embrasé de zèle, quand l'on veut traiter avec Dieu, et non pas en état de froideur et d'aridité; et afin que vous sachiez que Jésus en ce dernier moment était au comble et au dernier point de ses douleurs.
Pensez pourquoi il s'écria en priant. 1. Sans doute pour faire voir qu'il était le maitre de la vie et de la mort, et que celle-ci n'osait s'approcher s`il ne l'eut appelée, dit saint Grégoire de Naziance. 2. Afin de fléchir son Père Éternel et impétrer de lui le pardon des péchés de tout le monde, puisque sur la Croix il représentait tous les pécheurs. 3. Afin que sa voix pénétrant même jusqu’aux enfers, elle réjouit les saints Pères, et fit trembler les démons (les anges déchus). 4. Enfin pour exhorter les cœurs de tous les hommes à la pénitence.
Mon Père, je remets mon esprit entre vos mains.
Considérez que Jésus se sert de ces termes de l'Écriture en sa prière, pour vous apprendre à ne pas rendre vos respect et offrir vos vœux à Dieu, selon votre fantaisie , et en y appliquant les termes de vos conceptions particulières, mais à vous servir de ceux que le saint Esprit a dicté dans les Écritures et enseigné à l'Église.
Que s'il a prié, ce n'a pas été qu'il eut appréhension du Jugement de Dieu ou de l'enfer, ou qu'il eut besoin de recommandation auprès de fon Père; mais pour vous enseigner à tenir ferme, et à ne vous point relâcher dans la prière. Et remarquez que cette prière du Fils de Dieu a été employée en faveur des gens de bien, puisqu’il appelle esprit ceux qui se conduisent par son esprit : Qui est né de l'esprit, dit-il, est esprit. (Jean. 3.) Or si Jésus a la bonté de nous recommander à son Père, il est bien juste que nous lui recommandions aussi nos âmes par de bonnes œuvres.
Ce qu'ayant dit, il baissa la tête et expira.
Considérez : 1. Qu'il baissa la tête pour faire voir quelle était la pesanteur de nos péchés dont il s'était chargé : 2. Combien il était pauvre, n'ayant pas à la mort où même reposer sa tête : 3. Combien sont grands les avantages que l'on peut retirer de la Croix: 4. Et enfin qu'il est disposé à exaucer les prières qui sont fondées sur le mérite de sa passion.
Persuadez-vous qu'en expirant il livra son esprit tant à son Père pour être gardé jusqu’au troisième jour, qu'à nous autres même. Car nous ayant donné auparavant son corps, son sang, et ses habits, il ne lui restait plus que de donner son âme, pour rendre accompli et parfait le prix de notre Rédemption. Ce qui vous apprend que vous appartenez tout entier au Sauveur, parce qu'il a acquis et acheté vos membres par les siens, vos puissances par les siennes, votre corps par le sien, et votre âme par la sienne.
92 - DES PRODIGES QUI SUIVIRENT LA MORT DE JÉSUS. ( Matthieu 27,51)
En même temps le voile du Temple fut déchiré en deux parties depuis le haut jusques en bas.
Considérez que Jésus rendant l'esprit avec une voix élevée, toutes les créatures gémissent et semblent désirer leur anéantissement, parce qu'elles voient mourir leur Créateur. Pendant que les hommes sont saisis d'appréhension et d'étonnement, elles se font voir disposées à tirer vengeance des impies, et pour cela elles présentent à Dieu jusques à leurs entrailles.
Pensez que le voile du Temple fut divisé, à cause que par la mort de Jésus ce que cachaient tous les mystères de l'Ancien Testament avait été découvert, particulièrement ce que signifiaient les sacrifices sanglants de la loi; et que l'entrée dans le véritable Saint des Saints; c'est-à-dire dans la patrie céleste, fut permise, pour vous apprendre à retirer de dessus votre cœur tous les voiles d'excuses et les prétextes du péché, et à en découvrir pendant cette vie à Dieu et au Prêtre par le moyen de la Confession, ce qui y est de plus caché; afin qu'après la mort vous évitiez la confusion de les déclarer et de les produire devant tout le monde au jour du grand et dernier Jugement.
La terre trembla et les pierres se fendirent.
Considérez que les chefs des Juifs voulant imposer silence au peuple qui applaudissait à Jésus, et qui disait à haute voix : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur; (Luc 19.) Il leur répondit que les pierres parleraient lorsque ceux qui publiaient alors ses louanges, se tairaient et que cette prédiction est ici vérifiée, car les hommes étant si lâches et si timides, que de n'oser se déclarer pour Jésus, les pierres se fendent pour rendre témoignage à la divinité.
Pensez que nous sommes plus insensibles que la terre, plus durs que les pierres, et plus morts que les morts même, si crucifiant Jésus par le péché mortel, nous n'en sommes touchés d'une vive contrition, et si nous ne compatissons de tous nos sentiments à sa Croix et à sa Passion.
Les tombeaux s'ouvrirent et beaucoup de corps des Saints qui étaient dans le sommeil de la mort ressuscitèrent, et apparurent à plusieurs en la ville sainte.
Considérez que par ce miracle le plus grand et le plus admirable de tous ceux qu`a fait Jésus, il mit en liberté les saints Pères qui étaient dans le Limbe, après avoir brisé les
portes de l'enfer; que par la même puissance il ouvrira les sépulcres puants de nos cœurs pour en faire sortir toute l'ordure qui y est envieillie et que les corps des gens de bien ressusciteront pour vivre éternellement avec lui.
Remarquez que les cinq prodiges qui suivirent la mort de Jésus, sont comme la figure de ce qu'il opère dans l'âme d'un pécheur qui se convertit: car 1. Après avoir déchiré le voile de son ignorance, il lui met devant les yeux le jugement et les tourments de l'enfer 2. La terre, c'est à dire son esprit, conçoit le mouvement de résipiscence 3. Son cœur plus dur que la pierre, se fend par le repentir de ses crimes: 4. Il est tiré du tombeau de ses péchés par le moyen de la pénitence. 5. Et enfin il est rétabli dans le droit de prétendre à la vie éternelle, et rendu digne d'entrer en la sainte ville, la céleste Jérusalem.
93 - CONVERSION DU CENTURION ( Matthieu 27,54)
Un Centurion qui était vis à vis de Jésus voyant qu'il avait expiré avec une parole si forte, et faisant réflexion sur ce tremblement de terre, fut saisi de crainte, de même que ceux qui l'accompagnaient.
Considérez combien promptement le sang de Jésus présenté au Père Éternel par une prière si efficace pour ceux qui le crucifiaient, fait voir quelle est sa force et sa vertu. En effet tout ce qui était figuré par ce tremblement de terre et par ces autres prodiges, eut son effet dans les esprits des hommes. Concevez de là une ferme espérance, que celui qui a même appellé ses propres bourreaux à la pénitence, ne vous abandonnera pas dans vos besoins.
Pensez quelle fut la cause de la conversion du Centurion et de ses compagnons. Ce fut sans doute la présence de Jésus, vis à vis duquel il s'était placé, et dont il considérait soigneusement les gestes, les actions et les paroles. Que si vous avez dessein de vous convertir, lisez avec attention la vie de Jésus, et observez et mettez en pratique ses vertus et ses maximes.
Remarquez qu'ils furent tous saisis de crainte à la vue de ces prodiges, parce que la crainte du Seigneur est le commencement de la Sagesse.
Et ils louèrent Dieu en disant : Sans doute cet homme était juste; véritablement cet homme était le fils de Dieu. (Luc. 15)
Considérez que le premier fruit de la Croix de Jésus, parait en ce que ses bourreaux même rendent à Dieu la gloire qui lui est due. Sa bonté certes est bien inconcevable, de changer ainsi la cruauté de ces barbares en une si grande douceur; et leurs reproches si sanglants en des louanges angéliques et divines.
Faites réflexion sur ce prodigieux miracle, de voir que celui même qui naguères paraissait être un homme, est reconnu pour Dieu par des Idolâtres, et qui plus est, au temps d'une mort si douloureuse et si infâme. Mais ne vous en étonnez pas, car le sang de Jésus fait croire facilement ce que l'esprit de l'homme aurait peine à se persuader.
Ceux aussi qui étaient présents voyant ce qui se passait, frappaient leurs poitrines et s'en retournaient. Or ceux de sa connaissance s'y rencontrèrent et ce tenaient éloignés, de même que les femmes qui l'avaient servi dans la Galilée.
Considérez que le peuple fut tellement touché du tremblement de terre et des autres prodiges qui arrivèrent en ce temps, qu'il commença de reconnaître et de confesser Jésus qui en avait été si outrageusement méprisé pour vous apprendre que l'adversité est souvent plus avantageuse que la prospérité, parce qu'elle nous rend plus sages.
Remarquez que les saintes femmes qui étaient connues de Jésus et qui l'avaient servi, étaient alors éloignées, pour vous instruire qu'elles eurent pour récompense de leur service de persévérer jusqu'à la Croix; et reconnaissez par cet éloignement que leur croix n'était pas comparable à celle de Jésus.
94 - L'OUVERTURE DU CÔTÉ ( Jean 19,34)
Les Juifs prièrent Pilate que l'on rompit les jambes des crucifiés, parce que c'était le jour de la préparation du Sabbath, qui était un grand jour parmi les Juifs et l'on rompit celles des deux voleurs.
Considérez que les chefs des Juifs ayant dessein de faire mourir Jésus avec plus de douleur, et ne sachant pas qu'il eut expiré; couvrirent leur pernicieuse intention du prétexte de l'honneur de Dieu; pour faire voir que les méchants augmentent toujours leur malice, conformément à ce passage de saint Paul ( 2. Timothée 3. 2.) «Les méchants, dit-il, et les séducteurs avanceront toujours de plus en plus dans le mal»
Pensez que les deux voleurs furent tourmentés d'un même supplice, mais avec cette différence qu'il fut utile à l'un pour la rémission de ses péchés, et extrêmement désavantageux à l'autre, car ce fut un redoublement de sa peine; et de là l'on peut inférer quelle est la récompense que le démon ( l`ange déchu) et le monde donnent à leurs partisans t qui n'est autre qu'un double supplice.
Et voyant que Jésus était mort, ils ne lui rompirent pas les jambes, mais l'un des soldats lui ouvrit le côté avec une lance, et aussitôt il en sortit du sang et de l'eau.
Considérez combien grande fut cette ouverture; car comme remarque saint Augustin, l'Écriture ne dit pas qu'il lui blessa le côté, mais qu'il le lui ouvrit; ce qui parait par le commandement que le Sauveur après sa résurrection fit à saint Thomas d'y mettre la main.
Pensez que l'amour obligea Jésus à vouloir que cela se passa ainsi, pour faire voir qu'il n'avait point été diminué par les tourments; qu'au contraire il était disposé à les souffrir de nouveau; et afin de répandre, dit saint Cyprien, ce qui était resté de sang dans son cœur, sans en réserver une goutte. Comme aussi pour imprimer au fond de votre âme, le cratère indélébile de son amour, et afin que vous puissiez pénétrer dans le plus caché de son cœur par cette plaie figurée par la petite porte qui était au côté de l'Arche d'alliance. Enfin pour montrer que comme la première des femmes avait été tirée du côté d'Adam pendant qu'il dormait, l'Église l'avait aussi été de celui de Jésus, pendant son sommeil de la mort sur la Croix. En effet les Fidèles sont engendrés par l'eau du Baptême, et nourris en la sainte Eucharistie.
Et celui qui l'a vu en a porté témoignage et son témoignage est véritable, afin que vous y croyez, aussi Car ces choses ont été faites afin que l'Écriture fut accomplie, lorsqu'elle dit : Vous ne briserez, aucun de ses os. (Exode 12.) Et ils verront qui est celui qu'ils ont transpercé. ( prophète Zacharie 11)
Considérez que saint Jean écrit pour dire qu`il est témoin oculaire de ce qui s`est passé pour vous faire comprendre l`importance du mystère dont il a fait le récit.
Que l'on attribue à Jésus, comme la figure à la vérité, et la prédiction à l'événement, ce qui est écrit dans l'Exode touchant l'Agneau Pascal, parce que Jésus est le véritable Agneau, dont il n'est pas permis de rompre les os; c'est à dire que l'on ne doit point rechercher trop curieusement l'effet de sa puissance en la sainte Eucharistie, ni violer la charité fraternelle. Que les impies verront les plaies de Jésus au jour du dernier Jugement; pour vous apprendre quelle sera la gloire des Martyrs dans le Ciel, qui de même que le Sauveur, conserveront les cicatrices de leurs plaies brillantes comme des pierres précieuses.
PREMIÈRE PAROLE.
Or Jésus disait :
Considérez que Jésus proféra les sept dernières paroles qu'il prononça sur la Croix d'une voix forte et élevée, et avec abondance de larmes confuses dans le sang qui coulait de sa tête sacrée. Mais remarquez, que ses larmes arrosaient sa prière, que son sang lui donnait de l'ornement; et que sa voix si élevée pénétrait jusques à son Père Éternel.
Pensez aussi soigneusement à ces paroles et les écoutez avec attention : car c'est par elles que les sept Sacrements ont été sanctifiés, l'on obtient par elles les sept dons du saint Esprit, et par leur vertu l'on demeure victorieux des sept péchés mortels.
Faites réflexion sur celui qui a prononcé ces paroles. C'est le Fils de Dieu. A qui les a t'il adressées ? A son Père. Où? sur l'arbre de la Croix. Quand ? Sur le point d'expirer. En quelle posture ? Les mains étendues sur l'instrument de son supplice, et son corps tout souillé de sang. Pour qui ? Pour ceux même qui le crucifiaient et pour tous les pécheurs. Qu'a t'il demandé ? La rémission des péchés. En présence de qui ? De ses propres ennemis, afin qu'ils fussent les témoins du pardon qui leur était accordé.
Mon Père, pardonnez-leur.
Considérez toutes les paroles de cette prière l'une après l'autre. Mon Père , dit-il : et il use de ce terme qui marque la bonté et la miséricorde, et non pas la justice que dénote celui de Seigneur : comme s'il disait : Mon Père, reconnaissez que je suis votre Fils : un Père ne peut rien refuser à son enfant : Je vous conjure autant que vous m'aimez, de m'accorder la prière que je vous fais. Je ne suis attaché à cette Croix que pour obtenir le pardon de tous les péchés des hommes; si vous me le refusez, vous me crucifierez de nouveau : c'est la seule récompense que je demande pour vous avoir obéi si ponctuellement.
Faites aussi réflexion sur ce mot: Pardonnez, et remarquez que le bon Jésus en le prononçant fait l'office de Prêtre, car il prie pour les péchés du peuple: et non seulement de Prêtre, mais encore d'hostie; car il ne demande pas un pardon gratuit, mais il offre de satisfaire. En effet ses plaies, son sang, les crachats dont il a été honteusement déshonoré, crient aux oreilles du Père Éternel, Pardonnez et recevez-nous pour satisfaction des péchés des hommes.
Remarquez encore qu'il demande ce pardon sans réserve et sans restriction; pour vous apprendre qu'il faut ainsi absolument le demander, parce qu'il a toujours du rapport à la gloire de Dieu.
Remarquez encore que cette demande de Jésus ne s'étend pas seulement sur les péchés qui avaient été commis, mais aussi sur ceux qui le seront jusqu'à la fin du monde.
Pensez enfin au dernier mot de cette prière, qui est, leur; et qui veut dire : Ne pardonnez pas seulement, mon Père, à ceux qui m'ont attaché à la Croix, mais aussi à tous ceux qui ont donné lieu à mon crucifiement; et inférez de là que personne n'est exclus de ce pardon que Jésus a demandé pour tous les pécheurs.
Parce qu'ils ne savent ce qu’ils font.
Considérez que Jésus est le Juge de tous les hommes, et qu'il n'en fait pas ici la fonction, non plus que celle d'accusateur, mais celle de leur défenseur, et de leur Avocat; et qu'encore que le péché des chefs des Juifs n'ait pu être excusé que par leur ignorance, cette ignorance ayant été volontaire, il est par conséquent inexcusable.
D'où vous pouvez inférer qu'il excusera bien plutôt les crimes de ceux qui l'invoqueront avec douleur de les avoir commis; et apprendre à excuser, et à ne pas exagérer les petites offenses qui vous seront faites.
Pensez que les chefs des Juifs savaient à la vérité le mal qu'ils faisaient, mais ne savaient pas comment ils en seraient châtiés; et que de même les pécheurs ne savent pas bien ce qu'ils font quand ils pèchent, car s'ils savaient quelle est l'énormité de leur offense, et combien sévèrement ils en seront punis, ils aimeraient mieux s`abstenir mille fois que de commettre aucun péché.
SECONDE PAROLE.
Un des voleurs faisant reproche à Jésus, et lui disait; Si vous êtes le Christ, sauvez-vous et nous avec vous. L'autre le reprit, et lui dit : Quoi ? vous ne craignez, point Dieu, quoi que vous souffriez, un même supplice ? A la vérité nous sommes justement condamnés, car nous fûmes dans la peine de nos démérites; mais celui-ci n`a point fait de mal.
Considérez et admirez la conversion du bon larron; car lors même que les Apôtres n'osaient ouvrir la bouche en faveur de leur Maitre, il le défend publiquement sans en être détourné par les calomnies des Juifs, par la trahison de Judas, par la fuite des Disciples, ni par la nature mortelle où il voyait Jésus. Bien plus, par un motif remarquable d'une parfaite charité il se met plutôt en peine de reprendre son compagnon, que de faire quelque demande au Sauveur et il lui représente qu'il doit bientôt mourir, et que sa mort doit être suivie d'un effroyable jugement; il reconnait son péché, il offre pour en satisfaire le supplice de la Croix où il est attaché, et publie l'innocence de Jésus qui seul avec sa sainte Mère a droit de se dire innocent.
Pensez que si nous voulons que Dieu nous fasse miséricorde, nous devons nous opposé avec un grand zèle aux blasphèmes que l'on vomit contre sa Majesté, confesser sincèrement nos péchés, et défendre la réputation des gens de bien quand elle est attaquée.
Et il disait à Jésus : Seigneur souvenez-vous de moi quand vous serez, dans votre Royaume.
Considérez par quel moyen ce voleur fut sitôt et si heureusement changé; qu'il eut l'honneur de boire le premier de la fontaine des eaux vives, et d'être le compagnon de Jésus sur la Croix. Sans doute que ce fut un changement de la droite du Très haut: En effet il était crucifié à la droite du Fils de Dieu.
Faites réflexion sur sa foi, qui fut si grande que de lui faire croire et publier que Jésus qu'il voyait sur le point de rendre l'âme, était le Seigneur et le Roi de la terre et du Ciel. Et sur son espérance qui ne peut être affaiblie par le nombre et par l'énormité de ses péchés, mais qui au contraire lui donna la hardiesse de prier Jésus de ne le pas mettre en oubli; faisant paraitre en ses paroles une modestie et une soumission entièrement respectueuse envers le Sauveur.
Et Jésus lui dit : En vérité je vous dis que vous serez, aujourd’hui avec moi en Paradis.
Considérez comme peu à peu le Sauveur ouvre le sein de sa miséricorde. Il n'y a guère qu'il priait pour ceux qui l'ont attaché à la Croix, et maintenant il ouvre le Paradis à un larron. Seigneur que vous êtes bon, que vous êtes libéral; mais que vous êtes prodigue envers ce voleur ! L'on ne peut pas douter, et l'on est même convaincu, que vous êtes venu au monde pour sauver les pécheurs. Il est vrai que vous ne pouviez avoir d'autre dessein; car vous êtes la miséricorde même et la source de toutes les bontés.
Pensez si Jésus accorde le Paradis pour une heure de pénitence à un larron qui a passé toute sa vie dans les plus grands désordres et dans les crimes du brigandage; quelle sera la récompense de ceux qui auront toujours vécu dans les emplois de son obéissance et de son service.
Remarquez que de ces deux larrons l'un est sauvé, afin que personne ne désespère aux approches de la mort; et que l'autre ne l'est pas, pour apprendre à ne pas différer la pénitence jusqu’à la dernière heure de la vie.
TROISIÈME PAROLE
La mère de Jésus, Marie femme de Cléophas, sœur de sa mère, et Marie Magdeleine, étaient au pied de la Croix.
Considérez que les Apôtres ayant pris la suite, quelques saintes femmes accompagnèrent Jésus jusqu’à la Croix; particulièrement sa sainte Mère, tant à cause qu'elle avait plus de tendresse pour son adorable Fils, qu'afin de ne pas abandonner à la mort celui qu'elle avait toujours suivi jusques à ce moment; pour lui rendre quelque service s'il lui était permis, et le soulager de tout son possible. Outre qu'elle s'offrit à mourir même sur la Croix, si cela se pouvait; n'ayant pas oublié que le saint vieillard Siméon lui avait prédit qu'un glaive de douleur transpercerait son âme. (Luc. 2.) En effet elle y souffrit un martyre plus considérable et plus douloureux que n'ont été ceux de tous les autres Martyrs.
Pensez que la sacrée Vierge, saint Jean et les autres saintes femmes se tinrent debout au pied de la Croix, qu'ils ne s'y assirent point; et qu'ils n'y succombèrent pas à la tristesse; car il ne suffit pas pour son salut, d'être auprès de la Croix, mais il faut y être debout et en posture de combattre et de vaincre les tentations.
Jésus ayant donc vu sa Mère et le Disciple qu'il aimait, il dit a sa Mère: femme, voilà votre Fils.
Considérez que Jésus ne nomme point ici sa sainte Mère autrement que femme, par ce que ses oreilles maternelles n'eussent pu entendre le doux et tendre nom de Mère, sans un surcroit de douleur; et pour apprendre aux Religieux, qu'étant morts au monde avec Jésus et crucifiés par l'obéissance, ils doivent oublier leurs pères et mères sur la terre.
Pensez que nous sommes tous recommandés à la sacrée Vierge comme les enfants, sous le nom de saint Jean; et que nous sommes obligés par ce motif d'aimer la chasteté comme cet Apôtre, d'honorer MARIE comme notre Mère, et d'implorer son secours en toutes sortes de tentations et d'adversités.
Puis il dit au Disciple : Voilà votre Mère; et depuis ce jour-là le Disciple lui rendit tous les services et les respects d'un bon et véritable enfant.
Considérez que Jésus recommanda sa sainte Mère seulement à saint Jean, parce que les autres Disciples ayant pris la fuite, il demeura seul auprès de lui et le suivit jusqu’à la mort, comme étant son fidèle et parfait ami. En effet la Croix, c'est à dire le temps des tentations et des adversités, fait le discernement des véritables amis et des serviteurs de Jésus; de même que celui des vrais enfants de la sacrée Vierge.
Faites réflexion sur le terme Voilà, qui fait voir que c'est une grâce toute particulière et un honneur inconcevable, qu'un homme ait une mère qui soit la Mère de Dieu; qu'il la puisse invoquer dans ses besoins avec confiance en et bonté, et qu'il la doive considérer comme médiatrice en sa faveur auprès du Tout-Puissant.
Pensez que saint Jean, quoique pauvre, reçut la sacrée Vierge pour sa Mère, non point pour lui faire part de ses biens, de ses maisons, de ses terres, car il n'en avait point; mais pour lui rendre ses services et ses obéissances en tous ses besoins: Priez de votre part son Fils adorable, qu'il vous fasse la grâce de vous la donner aussi pour Mère, afin qu'elle soit votre avocate auprès de lui.
QUATRIÈME PAROLE.
Depuis la sixième jusqu'à la neuvième heure toute la terre fut couverte de ténèbres, et le Soleil obscurci.
Considérez que le Soleil s'obscurcit en la passion du Fils de Dieu, afin : 1 . Que de même qu'une famille ce revêt de deuil en la mort de son Maitre, vous conceviez de la tristesse et de la douleur quand vous faites réflexion sur les mystères de la mort de Jésus : 2. Afin que vous appreniez quelle est l'énormité des péchés mortels, puisqu'il n'y en a pas un seul qui n'ait causé sa mort. Et 3. Afin que vous conceviez que le fruit de la passion de Jésus consiste au mépris de l'éclat de ce monde; car ceux qui sont crucifiés avec lui, ne recherchent point les honneurs, mais sont souvent méprisés et abandonnés. Ce qui a fait dire à St- Paul : A Dieu ne plaise que je fasse gloire d'autre chose que de la Croix du Seigneur. (Galates.6.)
Environ la neuvième heure Jésus s'écria d'une voix forte et vigoureuse, et dit: Eli, Eli, Lamasabachtani; c’est-à-dire : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous délaissé.
Considérez que Jésus fit ce cri si pitoyable sur la fin de sa vie, parce qu'il souffrait des douleurs insupportables en la partie inférieure de son âme. En effet elle ne reçut aucun secours ni aucun soulagement de sa partie supérieure, ni même de la divinité qui lui était unie, mais elle fut abandonnée à souffrir autant qu'elle pourrait. Or environ les neuf heures son corps était tout épuisé de forces, tant à cause de la quantité de sang qui en était sorti, qu'à cause de la douleur inconcevable que lui causaient les clous dont ses pieds et ses mains étaient attachés, et qu'une sueur froide et mortelle en transissait toutes les parties.
Prenez garde qu'en ce triste état il éleva ses yeux mourants vers le Ciel, et après avoir versé beaucoup de larmes, il s'écria hautement : Mon Dieu, mon Dieu, qui n'abandonnez point ceux qui implorent votre secours, pourquoi m'abandonnez-vous sans le moindre soulagement en ce dernier combat, moi qui suis votre Fils unique et bien aimé ? Et inférez de là ce qui peut nous arriver à l'heure de la mort, à nous qui sommes tout remplis de péchés, puisque le Fils de Dieu est ainsi abandonné, si nous ne lui sommes toujours parfaitement unis.
Quelques-uns de ceux qui étaient là présent, disent: Il appelle Hélie.
Considérez que cela fut dit pour vous apprendre, que les personnes nourries dans l'oisiveté, et qui négligent leurs propres affaires, n'ont point d`autre soin ni d'autre emploi que de censurer et de railler les paroles et les actions d'autrui.
Que les impies, tels que sont les hérétiques de ce temps, ne savent point en quoi sont différents les deux termes d'Eloi, et d'Elie, c'est à dire l'honneur qui est dû à Dieu et celui qui est dû aux Saints. Et que ceux qui entendent la parole de Dieu et ne s'y conforment par leur vie, lui donnent un sens tout contraire à ce qu'elle enseigne.
CINQUIÈME PAROLE
Jésus sachant que toutes choses étaient accomplies, afin que l'Écriture fût aussi accomplie, il dit : J'ai soif.
Considérez que Jésus au milieu des tourments qu'il souffrait sur la Croix, parcourut toutes les Écritures dans son esprit, si d'aventure il en restait quelque point à accomplir qui fut avantageux à votre salut, pour vous apprendre à être si attentif à la volonté de Dieu et aux commandements de vos supérieurs, que vous n'omettiez pas d'observer la moindre circonstance de ce qui regarde votre devoir ou vocation.
Soyez entièrement persuadé que Jésus n'a jamais rien fait ni dit sans quelque utilité, mais qu'il a rapporté toutes ses actions et toutes ses paroles à l'accomplissement des Écritures, c'est à dire à la volonté de Dieu qui y est énoncée. Efforcez-vous de même de ne rien faire qui ne soit conforme aux lois de votre état et de l'obéissance.
J`ai soif
Considérez pourquoi Jésus accablé de tant de douleurs ne se plaint que de la soif. Sans doute pour témoigner qu'après avoir prodigué tout son sang, après avoir souffert de si cruels et de si longs tourments, après avoir prié son Père pour les péchés de tous les hommes, il désirait de nous les témoignages de notre reconnaissance. En effet sa soif n'était autre chose que le désir de notre amendement, de notre perfection, et de notre salut, dont il avait été embrasé.
Comme aussi pour nous laisser par testament la soif du salut des âmes. Car celle du monde n'aspire qu'aux richesses, aux honneurs, aux plaisirs, qui encore qu'ils coûtent beaucoup ne l'étanchent point, mais font mourir ceux qui les recherchent, de même que les poisons. Ce n'est pas là sans doute la soif dont Jésus veut que vous soyez altéré, mais celle qui vous fasse soupirer après la fontaine d'eau vive qui prend son cours jusques à la vie éternelle, et qui n'est autre que Dieu, votre salut et celui de votre prochain; comme Jésus lui-même n'a jamais désiré que ce qui étanche cette soif.
En même temps un soldat qui avait une éponge pleine de vinaigre, accourut, et la mettant au bout d'un bâton d'hysope, il la lui présenta à la bouche.
Considérez, si c'était là une digne récompense, et un traitement proportionné à cette bouche adorable, qui tant de fois a été ouverte pour notre salut; et à cette langue divine qui a donné tant d'enseignements, qui a tant guéri de malades, et qui a tant fait de miracles. Mais le bon Jésus qui avait déjà satisfait pour vos autres péchés, voulut encore vous donner un remède contre la gourmandise et l'intempérance et purger votre bouche infectée de la morsure du fruit qu'Adam avait goûté, par cette amertume qui lui fut présentée, comme par un souverain antidote.
Considérez que nous présentons du vinaigre à Jésus, lors que nous sommes tièdes et négligents en ce qui regarde notre salut; et que nous offrons de bon et pur vin au monde, lorsque nous n'épargnons ni peine ni travail pour acquérir de l'honneur et de la réputation.
SIXIÈME PAROLE.
Jésus ayant gouté le vinaigre dit : Tout est accompli.
Considérez que Jésus ne dit pas en particulier : Telle ou telle choie est accomplie, mais absolument et sans réserve, Tout est accompli, afin que vous sachiez que par la Passion du Fils de Dieu toutes choies ont été parfaitement achevées tant au Ciel que sur la terre; tant ce qui regarde Dieu que ce qui regarde les hommes : car comme le péché avait violé toutes choses et les avait mises dans un désordre effroyable, ainsi le sang de Jésus les a rétablies et réparées; pour vous apprendre à rechercher dans sa Passion tout ce qui vous est nécessaire et tout ce qui est avantageux à votre salut, et à n'établir votre gloire qu'en la Croix de Jésus , et en ses douleurs.
Considérez comment Jésus a accompli toutes choses à l'égard de Dieu et de sa propre personne. Car premièrement tout ce qui avait été prédit par les Prophètes, tout ce que les figures de la Loi avaient caché sous leurs ombres, tout ce que la volonté du Père Éternel avait résolu et ordonné; enfin tout ce qui était nécessaire à notre salut, a été entièrement accompli par son exacte et parfaite obéissance.
Aucune partie ni aucun membre de son corps, n'a été exempt des douleurs de la Croix. Son âme a été triste jusqu'à la mort; sa chair déchirée à coups de fouets; sa tête percée de pointes d'épines; ses cheveux arrachés; sa face défigurée par des crachats et des soufflets; ses oreilles rebattues de blasphèmes et d'outrages injurieux; ses mains et ses pieds troués avec des clous; sa langue offensée par l'amertume du fiel et du vinaigre; et tout son sang épuisé et versé jusqu’à la dernière goûte.
Il a apporté la dernière main au miroir et au modèle de toutes les vertus: car en sa vie et en sa mort l'on ne voit que des brillants de très parfaite obéissance, d'une profonde humilité, de la dernière pauvreté, de la plus invincible patience, d'une parfaite confiance, d`une force insurmontable d'une généreuse persévérance; et d'une charité infinie.
Pensez encore comment il a accompli toutes choses à notre égard. Le pouvoir du péché a été détruit; toutes nos dettes ont été payées, toutes sortes de Biens en sont provenus aux Fidèles; en sorte que rien ne nous manque dans aucune espèce de grâce; une nouvelle Église, un nouveau Sacrifice, de nouveaux Sacrements, et des lois nouvelles ont été établies et confirmées à jamais par la descente du St Esprit; enfin le désir des Pères qui étaient dans le Limbe, a été satisfait. À l'égard des méchants, l'empire du diable ( de l`ange déchu) a été renversé, ses forces ont été abattues, il a été enchaîné dans les cachots de l'abîme, si bien qu'il n`y a plus sujet de l'appréhender, et que même les petits enfants peuvent se moquer de lui. Ne soyez donc pas ingrat après tant de bienfaits si signalés, mais conformez-vous à la volonté du Sauveur qui ne veut que notre sanctification.
SEPTIÈME PAROLE.
Jésus s`écriant à haute voix dit :
Considérez que Jésus s'est toujours écrié quand il a adressé sa voix à son Père en sa propre considération, mais que quand il a parlé aux autres ou pour les autres, il n'en a pas ainsi usé; pour vous apprendre qu'il faut être embrasé de zèle, quand l'on veut traiter avec Dieu, et non pas en état de froideur et d'aridité; et afin que vous sachiez que Jésus en ce dernier moment était au comble et au dernier point de ses douleurs.
Pensez pourquoi il s'écria en priant. 1. Sans doute pour faire voir qu'il était le maitre de la vie et de la mort, et que celle-ci n'osait s'approcher s`il ne l'eut appelée, dit saint Grégoire de Naziance. 2. Afin de fléchir son Père Éternel et impétrer de lui le pardon des péchés de tout le monde, puisque sur la Croix il représentait tous les pécheurs. 3. Afin que sa voix pénétrant même jusqu’aux enfers, elle réjouit les saints Pères, et fit trembler les démons (les anges déchus). 4. Enfin pour exhorter les cœurs de tous les hommes à la pénitence.
Mon Père, je remets mon esprit entre vos mains.
Considérez que Jésus se sert de ces termes de l'Écriture en sa prière, pour vous apprendre à ne pas rendre vos respect et offrir vos vœux à Dieu, selon votre fantaisie , et en y appliquant les termes de vos conceptions particulières, mais à vous servir de ceux que le saint Esprit a dicté dans les Écritures et enseigné à l'Église.
Que s'il a prié, ce n'a pas été qu'il eut appréhension du Jugement de Dieu ou de l'enfer, ou qu'il eut besoin de recommandation auprès de fon Père; mais pour vous enseigner à tenir ferme, et à ne vous point relâcher dans la prière. Et remarquez que cette prière du Fils de Dieu a été employée en faveur des gens de bien, puisqu’il appelle esprit ceux qui se conduisent par son esprit : Qui est né de l'esprit, dit-il, est esprit. (Jean. 3.) Or si Jésus a la bonté de nous recommander à son Père, il est bien juste que nous lui recommandions aussi nos âmes par de bonnes œuvres.
Ce qu'ayant dit, il baissa la tête et expira.
Considérez : 1. Qu'il baissa la tête pour faire voir quelle était la pesanteur de nos péchés dont il s'était chargé : 2. Combien il était pauvre, n'ayant pas à la mort où même reposer sa tête : 3. Combien sont grands les avantages que l'on peut retirer de la Croix: 4. Et enfin qu'il est disposé à exaucer les prières qui sont fondées sur le mérite de sa passion.
Persuadez-vous qu'en expirant il livra son esprit tant à son Père pour être gardé jusqu’au troisième jour, qu'à nous autres même. Car nous ayant donné auparavant son corps, son sang, et ses habits, il ne lui restait plus que de donner son âme, pour rendre accompli et parfait le prix de notre Rédemption. Ce qui vous apprend que vous appartenez tout entier au Sauveur, parce qu'il a acquis et acheté vos membres par les siens, vos puissances par les siennes, votre corps par le sien, et votre âme par la sienne.
92 - DES PRODIGES QUI SUIVIRENT LA MORT DE JÉSUS. ( Matthieu 27,51)
En même temps le voile du Temple fut déchiré en deux parties depuis le haut jusques en bas.
Considérez que Jésus rendant l'esprit avec une voix élevée, toutes les créatures gémissent et semblent désirer leur anéantissement, parce qu'elles voient mourir leur Créateur. Pendant que les hommes sont saisis d'appréhension et d'étonnement, elles se font voir disposées à tirer vengeance des impies, et pour cela elles présentent à Dieu jusques à leurs entrailles.
Pensez que le voile du Temple fut divisé, à cause que par la mort de Jésus ce que cachaient tous les mystères de l'Ancien Testament avait été découvert, particulièrement ce que signifiaient les sacrifices sanglants de la loi; et que l'entrée dans le véritable Saint des Saints; c'est-à-dire dans la patrie céleste, fut permise, pour vous apprendre à retirer de dessus votre cœur tous les voiles d'excuses et les prétextes du péché, et à en découvrir pendant cette vie à Dieu et au Prêtre par le moyen de la Confession, ce qui y est de plus caché; afin qu'après la mort vous évitiez la confusion de les déclarer et de les produire devant tout le monde au jour du grand et dernier Jugement.
La terre trembla et les pierres se fendirent.
Considérez que les chefs des Juifs voulant imposer silence au peuple qui applaudissait à Jésus, et qui disait à haute voix : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur; (Luc 19.) Il leur répondit que les pierres parleraient lorsque ceux qui publiaient alors ses louanges, se tairaient et que cette prédiction est ici vérifiée, car les hommes étant si lâches et si timides, que de n'oser se déclarer pour Jésus, les pierres se fendent pour rendre témoignage à la divinité.
Pensez que nous sommes plus insensibles que la terre, plus durs que les pierres, et plus morts que les morts même, si crucifiant Jésus par le péché mortel, nous n'en sommes touchés d'une vive contrition, et si nous ne compatissons de tous nos sentiments à sa Croix et à sa Passion.
Les tombeaux s'ouvrirent et beaucoup de corps des Saints qui étaient dans le sommeil de la mort ressuscitèrent, et apparurent à plusieurs en la ville sainte.
Considérez que par ce miracle le plus grand et le plus admirable de tous ceux qu`a fait Jésus, il mit en liberté les saints Pères qui étaient dans le Limbe, après avoir brisé les
portes de l'enfer; que par la même puissance il ouvrira les sépulcres puants de nos cœurs pour en faire sortir toute l'ordure qui y est envieillie et que les corps des gens de bien ressusciteront pour vivre éternellement avec lui.
Remarquez que les cinq prodiges qui suivirent la mort de Jésus, sont comme la figure de ce qu'il opère dans l'âme d'un pécheur qui se convertit: car 1. Après avoir déchiré le voile de son ignorance, il lui met devant les yeux le jugement et les tourments de l'enfer 2. La terre, c'est à dire son esprit, conçoit le mouvement de résipiscence 3. Son cœur plus dur que la pierre, se fend par le repentir de ses crimes: 4. Il est tiré du tombeau de ses péchés par le moyen de la pénitence. 5. Et enfin il est rétabli dans le droit de prétendre à la vie éternelle, et rendu digne d'entrer en la sainte ville, la céleste Jérusalem.
93 - CONVERSION DU CENTURION ( Matthieu 27,54)
Un Centurion qui était vis à vis de Jésus voyant qu'il avait expiré avec une parole si forte, et faisant réflexion sur ce tremblement de terre, fut saisi de crainte, de même que ceux qui l'accompagnaient.
Considérez combien promptement le sang de Jésus présenté au Père Éternel par une prière si efficace pour ceux qui le crucifiaient, fait voir quelle est sa force et sa vertu. En effet tout ce qui était figuré par ce tremblement de terre et par ces autres prodiges, eut son effet dans les esprits des hommes. Concevez de là une ferme espérance, que celui qui a même appellé ses propres bourreaux à la pénitence, ne vous abandonnera pas dans vos besoins.
Pensez quelle fut la cause de la conversion du Centurion et de ses compagnons. Ce fut sans doute la présence de Jésus, vis à vis duquel il s'était placé, et dont il considérait soigneusement les gestes, les actions et les paroles. Que si vous avez dessein de vous convertir, lisez avec attention la vie de Jésus, et observez et mettez en pratique ses vertus et ses maximes.
Remarquez qu'ils furent tous saisis de crainte à la vue de ces prodiges, parce que la crainte du Seigneur est le commencement de la Sagesse.
Et ils louèrent Dieu en disant : Sans doute cet homme était juste; véritablement cet homme était le fils de Dieu. (Luc. 15)
Considérez que le premier fruit de la Croix de Jésus, parait en ce que ses bourreaux même rendent à Dieu la gloire qui lui est due. Sa bonté certes est bien inconcevable, de changer ainsi la cruauté de ces barbares en une si grande douceur; et leurs reproches si sanglants en des louanges angéliques et divines.
Faites réflexion sur ce prodigieux miracle, de voir que celui même qui naguères paraissait être un homme, est reconnu pour Dieu par des Idolâtres, et qui plus est, au temps d'une mort si douloureuse et si infâme. Mais ne vous en étonnez pas, car le sang de Jésus fait croire facilement ce que l'esprit de l'homme aurait peine à se persuader.
Ceux aussi qui étaient présents voyant ce qui se passait, frappaient leurs poitrines et s'en retournaient. Or ceux de sa connaissance s'y rencontrèrent et ce tenaient éloignés, de même que les femmes qui l'avaient servi dans la Galilée.
Considérez que le peuple fut tellement touché du tremblement de terre et des autres prodiges qui arrivèrent en ce temps, qu'il commença de reconnaître et de confesser Jésus qui en avait été si outrageusement méprisé pour vous apprendre que l'adversité est souvent plus avantageuse que la prospérité, parce qu'elle nous rend plus sages.
Remarquez que les saintes femmes qui étaient connues de Jésus et qui l'avaient servi, étaient alors éloignées, pour vous instruire qu'elles eurent pour récompense de leur service de persévérer jusqu'à la Croix; et reconnaissez par cet éloignement que leur croix n'était pas comparable à celle de Jésus.
94 - L'OUVERTURE DU CÔTÉ ( Jean 19,34)
Les Juifs prièrent Pilate que l'on rompit les jambes des crucifiés, parce que c'était le jour de la préparation du Sabbath, qui était un grand jour parmi les Juifs et l'on rompit celles des deux voleurs.
Considérez que les chefs des Juifs ayant dessein de faire mourir Jésus avec plus de douleur, et ne sachant pas qu'il eut expiré; couvrirent leur pernicieuse intention du prétexte de l'honneur de Dieu; pour faire voir que les méchants augmentent toujours leur malice, conformément à ce passage de saint Paul ( 2. Timothée 3. 2.) «Les méchants, dit-il, et les séducteurs avanceront toujours de plus en plus dans le mal»
Pensez que les deux voleurs furent tourmentés d'un même supplice, mais avec cette différence qu'il fut utile à l'un pour la rémission de ses péchés, et extrêmement désavantageux à l'autre, car ce fut un redoublement de sa peine; et de là l'on peut inférer quelle est la récompense que le démon ( l`ange déchu) et le monde donnent à leurs partisans t qui n'est autre qu'un double supplice.
Et voyant que Jésus était mort, ils ne lui rompirent pas les jambes, mais l'un des soldats lui ouvrit le côté avec une lance, et aussitôt il en sortit du sang et de l'eau.
Considérez combien grande fut cette ouverture; car comme remarque saint Augustin, l'Écriture ne dit pas qu'il lui blessa le côté, mais qu'il le lui ouvrit; ce qui parait par le commandement que le Sauveur après sa résurrection fit à saint Thomas d'y mettre la main.
Pensez que l'amour obligea Jésus à vouloir que cela se passa ainsi, pour faire voir qu'il n'avait point été diminué par les tourments; qu'au contraire il était disposé à les souffrir de nouveau; et afin de répandre, dit saint Cyprien, ce qui était resté de sang dans son cœur, sans en réserver une goutte. Comme aussi pour imprimer au fond de votre âme, le cratère indélébile de son amour, et afin que vous puissiez pénétrer dans le plus caché de son cœur par cette plaie figurée par la petite porte qui était au côté de l'Arche d'alliance. Enfin pour montrer que comme la première des femmes avait été tirée du côté d'Adam pendant qu'il dormait, l'Église l'avait aussi été de celui de Jésus, pendant son sommeil de la mort sur la Croix. En effet les Fidèles sont engendrés par l'eau du Baptême, et nourris en la sainte Eucharistie.
Et celui qui l'a vu en a porté témoignage et son témoignage est véritable, afin que vous y croyez, aussi Car ces choses ont été faites afin que l'Écriture fut accomplie, lorsqu'elle dit : Vous ne briserez, aucun de ses os. (Exode 12.) Et ils verront qui est celui qu'ils ont transpercé. ( prophète Zacharie 11)
Considérez que saint Jean écrit pour dire qu`il est témoin oculaire de ce qui s`est passé pour vous faire comprendre l`importance du mystère dont il a fait le récit.
Que l'on attribue à Jésus, comme la figure à la vérité, et la prédiction à l'événement, ce qui est écrit dans l'Exode touchant l'Agneau Pascal, parce que Jésus est le véritable Agneau, dont il n'est pas permis de rompre les os; c'est à dire que l'on ne doit point rechercher trop curieusement l'effet de sa puissance en la sainte Eucharistie, ni violer la charité fraternelle. Que les impies verront les plaies de Jésus au jour du dernier Jugement; pour vous apprendre quelle sera la gloire des Martyrs dans le Ciel, qui de même que le Sauveur, conserveront les cicatrices de leurs plaies brillantes comme des pierres précieuses.
Dernière édition par MichelT le Jeu 19 Oct 2017 - 12:13, édité 1 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
95- DE LA DESCENTE DU CORPS DE JÉSUS DE DESSUS LA CROIX ( Jean 19,38)
Sur le soir arriva Joseph d' Arimathie, homme riche, noble Décurion, vertueux, juste, et disciple secret de Jésus.
Considérez que Jésus a recommandé sa personne sacrée à deux hommes qui portaient le nom de Joseph. A l'un au commencement de sa vie, pour avoir soin de son éducation. A l'autre sur la fin de ses jours pour avoir soin de sa sépulture. Or le terme de Joseph signifie proprement celui qui croit, ou qui s'avance, parce que Jésus ne se communique qu'à ceux qui font du progrès dans la vie spirituelle.
Remarquez que ce Joseph qui auparavant n'était Disciple de Jésus qu'en secret, de peur de perdre un précieux trésor se déclare enfin, et méprise tous les dangers qu'il pouvait encourir par sa déclaration; d'où vous devez apprendre que vous ne pouvez obtenir la grâce et la faveur de Jésus, qu'en demeurant victorieux de toutes les appréhensions et de tous les respects humains, avec une disposition formelle de souffrir quoi que ce soit pour son amour. En effet l'on ne cueille les roses que parmi les épines.
Cet homme n'était pas du parti de ceux qui avaient crucifié Jésus, parce qu'il attendait le Royaume de Dieu. Il alla donc hardiment trouver Pilate et lui demanda, le corps de Jésus. Pilate le lui octroya après avoir appris du Centurion qu'il était mort, dont ce Procurateur fut étonné.
Considérez les autres vertus de Joseph si vous désirez d'être l'un des membres du corps mystique de Jésus. Car : 1. Il faut éviter les mauvaises compagnies. 2. Aspirer au Ciel. 3. Travailler fortement à tout ce qui peut avancer la gloire de Dieu. 4. S'approcher de la sainte Eucharistie avec un grand désir et une dévotion toute embrasée.
Faites réflexion sur la parfaite obéissance de Jésus après sa mort; qui ne voulut pas que son corps fut descendu de la Croix sans la permission du Magistrat, mais qui voulut que cette permission de le mettre en terre, fut demandée et obtenue de pure grâce, comme s'il eut été question du corps d'un malfaiteur. Et sur le parfait amour dont il était embrasé en notre faveur; en ce qu'après nous avoir donné son sang, son âme et sa vie, il veut encore pour nous donner une entière consolation, que son corps nous soit livré en la personne de Joseph.
Joseph ayant acheté un linceul blanc et net, en enveloppa le corps de Jésus détaché et descendu de la Croix.
Considérez avec quel respect Joseph monta sur la Croix pour en détacher Jésus, en arracha les clous, et avec l'aide de saint Jean, et des Dames dévotes qui étaient présentes, descendit ce sacré corps peu à peu dans le sein de sa sainte Mère. Que de sanglot! que de soupirs et de larmes en ce rencontre ! Figurez-vous la sacrée Vierge qui redouble ses baisers sur tous les endroits de ce saint corps; St Jean qui repose encore sur sa poitrine, et sainte Magdeleine qui se jette à ses pieds!
Persuadez-vous que la conscience nette de tout péché, est le linceul blanc dans lequel nous devons recevoir le sacré corps de Jésus en la sainte Communion, et si nous sommes si malheureux que de ne l'avoir pas en cet état, il faut l'acheter avec la Pénitence.
96 - DE LA SÉPULTURE DE JÉSUS ( Jean 19,38)
Nicodème y vint aussi et apporta environ cent livre de myrrhe et d'aloès mêlées ensemble: Or ils enveloppèrent le corps de Jésus dans des linceuls avec des parfums.
Considérez les grâces procurées à Nicodème par le moyen de la Passion de Jésus. Autrefois il avait eu l'honneur de lui rendre visite, mais de nuit et en secret; il le cherche aujourd'hui au vu et au su de tout le monde. Alors il ne lui présenta que des demandes et des questions, aujourd’hui il apporte des parfums et de bonnes odeurs, pour être employées à sa sépulture, à laquelle il applique aussi son ministère; pour vous apprendre à faire ainsi du progrès en la vertu, et à n'être point prévenu de la crainte
et de la honte du monde.
Pensez que Joseph non plus que Nicodème ne vinrent point les mains vides à ce funèbre devoir: car Joseph fournit le linceul et le tombeau, et Nicodème une grande quantité de
myrrhe et d'aloès, propres à embaumer le corps de Jésus privé de vie, afin que leur exemple vous oblige à consacrer volontiers à son honneur vos peines et vos travaux.
Remarquez les respects qu'ils rendirent au corps sacré de Jésus, détaché et descendu de la Croix, avec quelle tendresse et quel sentiment de piété ils considérèrent ses plaies les unes après les autres; combien de fois il les baisèrent avec quelle révérence ils lavèrent dans un bassin les crachats, le sang et les autres ordures dont il était couvert, avec quel soin ils les conservèrent comme de très précieuses reliques; et enfin avec combien de circonspection après l'avoir lavé ils l'enveloppèrent de linceuls, et couvrirent sa tête d'un suaire.
Or ils mirent Jésus dans le monument que Joseph avait taillé dans une roche, et où personne n'avait point encore été mis. Joseph ensuite en ferma l'entrée avec une grosse pierre et s'en alla.
Considérez que Jésus a voulu être enseveli, afin que rien de ce que les hommes observent les uns envers les autres, ne fut omis à son égard; et afin que vous vous souveniez si vous êtes Religieux, que vous êtes et mort et enseveli au monde et à ses convoitises.
Pensez que de même que les vaisseaux sacrés qui sont dans les Temples, ainsi nos corps par le moyen desquels nous recevons celui de Jésus en la sainte Communion, peuvent être appeliez les tombeaux du Sauveur; et qu'ils sont taillés dans une roche, lorsque nous sommes fermes et constants dans la pratique de la vertu. Mais remarquez que nous roulons une grosse pierre à l'entrée de ces tombeaux; c’est-à-dire de nos cœurs; quand nous les fortifions si puissamment de la grâce divine, que ni le démon, ni la chair, ni le monde ne peuvent espérer d'y avoir aucun accès.
Or les femmes étaient assises auprès du sépulcre pour voir ou l'on mettrait le corps de Jésus, et ensuite elles s'en allèrent pour faire provision d'onguents précieux et de parfums.
Considérez que quand vous aurez eu l'honneur de recevoir le sacré corps de Jésus dans votre cœur comme dans un tombeau, vous devez vous donner de garde de la distraction, et persévérer dans la contemplation d'un si grand et si auguste mystère; c'est à dire vous arrêter de même que ces saintes femmes, avec votre Sauveur, qui est comme enseveli dans votre poitrine, et qu'il ne suffit pas que vous ayez une fois embaumé Jésus, mais qu'à leur exemple vous devez faire provision de nouveaux parfums, car il faut toujours faire quelque progrès de vertu en vertu.
97 - DE LA GARDE DU SÉPULCRE DE JÉSUS ( Matthieu 27,62)
Les Princes des Prêtres prièrent Pilate de commander que le sépulcre de Jésus fut gardé, de peur que ses Disciples ne vinrent dérober son corps et firent entendre au peuple qu'il était ressuscité. Car ce séducteur, disaient-ils, a dit : Je ressusciterai après trois jours.
Considérez le soin que prennent ces impies d'obscurcir la gloire de Jésus en un jour si solennel, car c'était la fête de Pâques et que lorsqu'ils doivent converser avec Dieu, ils traitent avec un profane et un infidèle. Mais ne doutez point que vous ne les imitiez, quand aux jours de Dimanches et de fêtes au lieu de visiter les Églises et de fréquenter les Sacrements, vous vous arrêtez si facilement aux affaires du monde, si éloignées de ce que vous devez faire pendant ces jours.
Pensez que si ces détestables ont craint Jésus, lors même qu'il était mort, l'on aura beaucoup plus raisonnablement sujet de le craindre lorsque vivant et glorieux il viendra rempli de majesté pour juger les vivants et les morts.
Remarquez pourquoi ils disent que Jésus était un séducteur. Sans doute parce qu'il avait appelé le peuple à la Foi orthodoxe et au Salut; parce qu'il avait instruit les Apôtres de la perfection Évangélique, et qu'il avait confirmé sa doctrine par des miracles; en sorte qu'il ne faut pas s'étonner si l'on outrage de même manière ceux qui s'emploient à convertir les infidèles, les hérétiques et les pécheurs, et qui se mettent en peine de persuader le règlement des mœurs ou l'entrée dans la vie Religieuse.
Pilate leur dit : Vous avez, des Gardes, allez, gardez-le comme vous l'entendrez.
Considérez que celui qui s'est une fois engagé à complaire aux méchants, a bien de la peine à se défaire de leurs importunités, comme il arrive ici à Pilate, et comme l'expérimentent ceux qui ont fait quelque part avec le démon (l`ange déchu), ou qui sont embarrassez dans l'amour de quelque femme débauchée.
Pensez que de la est provenu que Pilate qui auparavant était porté pour Jésus, semble ici avoir changé de sentiment et avoir aussi quelque appréhension de même que les Juifs, quand il leur dit : Allez, vous avez, des Gardes, ayez, soin de le bien garder. Car ce fut là le fruit de fon péché, d'avoir été l'auteur et le boutefeu de tant de mauvais desseins, de même que d'être saisi de frayeur, quand on lui eut parlé de la résurrection.
Ils s'en allèrent, mirent garnison au sépulcre, et scellèrent la pierre qui en fermait l'entrée.
Considérez que ce grand soin de ces impies contre Jésus ne servit qu'à donner plus d'éclat et plus de lustre à sa gloire, en sorte que ce qu'ils appréhendait est arrivé, puisque leur dernière erreur a été pire que la première, car le nombre de gardes et de sceaux qu'ils avaient mis et apposez au sépulcre, a été un témoignage convainquant de la résurrection du Sauveur, sans qu'il restât aucun lieu de se persuader qu'on l'eut enlevé.
Considérez que vous pouvez imiter à l'égard du bien l'empressement que témoignent ces chefs Juifs à l’égard du mal. Ce que vous ferez si désirant que Jésus ne soit point enlevé du tombeau de votre âme, vous ne vous abstenez pas seulement d'actions criminelles, en veillant sur vos sens extérieurs, mais encore si vous scellez votre cœur du signe de la Croix, et si vous le préservez de toutes pensées et de tous désirs déréglés.
98 - DE LA DESCENTE DE JÉSUS DANS LE LYMBE
(L`Hadès - Partie supérieure des Enfers)
Considérez que le même amour qui a fait monter Jésus sur la Croix pour y achever sa passion, l'a fait aussi descendre en personne dans les enfers, pour rendre parfaitement accompli le rachat universel de tous les hommes. Car comme il a choisi la mort pour nous délivrer de la mort, il a choisi de même de descendre jusques dans l`entrailles de la terre où sont les enfers, pour en retirer ses Fidèles.
Et apprenez de là: 1. qu'il faut travailler soi-même, et non point par le ministère d'autrui, à ce qui regarde la gloire de Dieu et le salut des âmes. 2. A ne pas dédaigner de rendre visite à votre prochain dans les Hôpitaux, et dans les prisons, de l'y consoler, et de l'y assister selon votre pouvoir, comme aussi d'aller dans les maisons des pauvres, en quelque pitoyable état qu'elles puissent être, et de leur y prêter la même assistance.
Figurez-vous de quelle joie furent comblés les saints Pères qui avaient été détenus dans les obscurités du centre de la terre, depuis le commencement du monde, pendant deux, trois, quatre ou cinq mille ans, lorsqu'ils entendirent briser les portes de l'enfer, et qu'ils virent la sainte âme de Jésus environnée de clarté inconcevables, et accompagnée d'un nombre innombrable d'esprits angéliques. Sans doute que saint Jean Baptiste se présenta le premier, et qu'il la montra, comme il avait fait dans le monde avec le doigt, et assura de vive voix que cette âme si remplie de gloire était celle de l'Agneau de Dieu qu'il avait eu l'honneur de baptiser. Incontinent après Adam, le premier des hommes, se jeta aux pieds du Sauveur pour les embrasser. Il fut suivi de Noé, d'Abraham, du Roi David, et des autres Patriarches et Prophètes.
Mais leur joie fut d'autant plus grande qu'il y avait tant de temps qu'elle était attendue, qu'ils virent alors clairement l'effet des promesses qui leur avaient été faites; que leur
tristesse, leurs peines, et leurs ennuis furent changés en une gloire qui ne finira jamais, et en une félicité inconcevable. Car comme Dieu est le plus grand et le Souverain de tous les biens qui sont dans le Ciel et sur la terre, ainsi il ne peut y avoir de plus grand bonheur que de le voir et de le posséder.
Imaginez-vous quelle fut l'épouvante et la terreur des démons ( des anges déchus) en cette rencontre; comme après que Jésus leur eut enlevé la proie de tant de saintes âmes, qu'il emmena triomphant avec pompe et avec gloire de la force et de la puissance de ces esprits infernaux , ils commencèrent à frémir, à hurler, et à déplorer leur misérable et éternelle servitude. Et apprenez que vous triompherez aussi du démon ( ange déchu), et que vous lui enlèverez grand nombre d’âmes, si vous souffrez pour l'amour et à l'imitation de Jésus, et si vous résistez avec courage aux suggestions infernales, et aux attraits de la chair et du monde.
Sur le soir arriva Joseph d' Arimathie, homme riche, noble Décurion, vertueux, juste, et disciple secret de Jésus.
Considérez que Jésus a recommandé sa personne sacrée à deux hommes qui portaient le nom de Joseph. A l'un au commencement de sa vie, pour avoir soin de son éducation. A l'autre sur la fin de ses jours pour avoir soin de sa sépulture. Or le terme de Joseph signifie proprement celui qui croit, ou qui s'avance, parce que Jésus ne se communique qu'à ceux qui font du progrès dans la vie spirituelle.
Remarquez que ce Joseph qui auparavant n'était Disciple de Jésus qu'en secret, de peur de perdre un précieux trésor se déclare enfin, et méprise tous les dangers qu'il pouvait encourir par sa déclaration; d'où vous devez apprendre que vous ne pouvez obtenir la grâce et la faveur de Jésus, qu'en demeurant victorieux de toutes les appréhensions et de tous les respects humains, avec une disposition formelle de souffrir quoi que ce soit pour son amour. En effet l'on ne cueille les roses que parmi les épines.
Cet homme n'était pas du parti de ceux qui avaient crucifié Jésus, parce qu'il attendait le Royaume de Dieu. Il alla donc hardiment trouver Pilate et lui demanda, le corps de Jésus. Pilate le lui octroya après avoir appris du Centurion qu'il était mort, dont ce Procurateur fut étonné.
Considérez les autres vertus de Joseph si vous désirez d'être l'un des membres du corps mystique de Jésus. Car : 1. Il faut éviter les mauvaises compagnies. 2. Aspirer au Ciel. 3. Travailler fortement à tout ce qui peut avancer la gloire de Dieu. 4. S'approcher de la sainte Eucharistie avec un grand désir et une dévotion toute embrasée.
Faites réflexion sur la parfaite obéissance de Jésus après sa mort; qui ne voulut pas que son corps fut descendu de la Croix sans la permission du Magistrat, mais qui voulut que cette permission de le mettre en terre, fut demandée et obtenue de pure grâce, comme s'il eut été question du corps d'un malfaiteur. Et sur le parfait amour dont il était embrasé en notre faveur; en ce qu'après nous avoir donné son sang, son âme et sa vie, il veut encore pour nous donner une entière consolation, que son corps nous soit livré en la personne de Joseph.
Joseph ayant acheté un linceul blanc et net, en enveloppa le corps de Jésus détaché et descendu de la Croix.
Considérez avec quel respect Joseph monta sur la Croix pour en détacher Jésus, en arracha les clous, et avec l'aide de saint Jean, et des Dames dévotes qui étaient présentes, descendit ce sacré corps peu à peu dans le sein de sa sainte Mère. Que de sanglot! que de soupirs et de larmes en ce rencontre ! Figurez-vous la sacrée Vierge qui redouble ses baisers sur tous les endroits de ce saint corps; St Jean qui repose encore sur sa poitrine, et sainte Magdeleine qui se jette à ses pieds!
Persuadez-vous que la conscience nette de tout péché, est le linceul blanc dans lequel nous devons recevoir le sacré corps de Jésus en la sainte Communion, et si nous sommes si malheureux que de ne l'avoir pas en cet état, il faut l'acheter avec la Pénitence.
96 - DE LA SÉPULTURE DE JÉSUS ( Jean 19,38)
Nicodème y vint aussi et apporta environ cent livre de myrrhe et d'aloès mêlées ensemble: Or ils enveloppèrent le corps de Jésus dans des linceuls avec des parfums.
Considérez les grâces procurées à Nicodème par le moyen de la Passion de Jésus. Autrefois il avait eu l'honneur de lui rendre visite, mais de nuit et en secret; il le cherche aujourd'hui au vu et au su de tout le monde. Alors il ne lui présenta que des demandes et des questions, aujourd’hui il apporte des parfums et de bonnes odeurs, pour être employées à sa sépulture, à laquelle il applique aussi son ministère; pour vous apprendre à faire ainsi du progrès en la vertu, et à n'être point prévenu de la crainte
et de la honte du monde.
Pensez que Joseph non plus que Nicodème ne vinrent point les mains vides à ce funèbre devoir: car Joseph fournit le linceul et le tombeau, et Nicodème une grande quantité de
myrrhe et d'aloès, propres à embaumer le corps de Jésus privé de vie, afin que leur exemple vous oblige à consacrer volontiers à son honneur vos peines et vos travaux.
Remarquez les respects qu'ils rendirent au corps sacré de Jésus, détaché et descendu de la Croix, avec quelle tendresse et quel sentiment de piété ils considérèrent ses plaies les unes après les autres; combien de fois il les baisèrent avec quelle révérence ils lavèrent dans un bassin les crachats, le sang et les autres ordures dont il était couvert, avec quel soin ils les conservèrent comme de très précieuses reliques; et enfin avec combien de circonspection après l'avoir lavé ils l'enveloppèrent de linceuls, et couvrirent sa tête d'un suaire.
Or ils mirent Jésus dans le monument que Joseph avait taillé dans une roche, et où personne n'avait point encore été mis. Joseph ensuite en ferma l'entrée avec une grosse pierre et s'en alla.
Considérez que Jésus a voulu être enseveli, afin que rien de ce que les hommes observent les uns envers les autres, ne fut omis à son égard; et afin que vous vous souveniez si vous êtes Religieux, que vous êtes et mort et enseveli au monde et à ses convoitises.
Pensez que de même que les vaisseaux sacrés qui sont dans les Temples, ainsi nos corps par le moyen desquels nous recevons celui de Jésus en la sainte Communion, peuvent être appeliez les tombeaux du Sauveur; et qu'ils sont taillés dans une roche, lorsque nous sommes fermes et constants dans la pratique de la vertu. Mais remarquez que nous roulons une grosse pierre à l'entrée de ces tombeaux; c’est-à-dire de nos cœurs; quand nous les fortifions si puissamment de la grâce divine, que ni le démon, ni la chair, ni le monde ne peuvent espérer d'y avoir aucun accès.
Or les femmes étaient assises auprès du sépulcre pour voir ou l'on mettrait le corps de Jésus, et ensuite elles s'en allèrent pour faire provision d'onguents précieux et de parfums.
Considérez que quand vous aurez eu l'honneur de recevoir le sacré corps de Jésus dans votre cœur comme dans un tombeau, vous devez vous donner de garde de la distraction, et persévérer dans la contemplation d'un si grand et si auguste mystère; c'est à dire vous arrêter de même que ces saintes femmes, avec votre Sauveur, qui est comme enseveli dans votre poitrine, et qu'il ne suffit pas que vous ayez une fois embaumé Jésus, mais qu'à leur exemple vous devez faire provision de nouveaux parfums, car il faut toujours faire quelque progrès de vertu en vertu.
97 - DE LA GARDE DU SÉPULCRE DE JÉSUS ( Matthieu 27,62)
Les Princes des Prêtres prièrent Pilate de commander que le sépulcre de Jésus fut gardé, de peur que ses Disciples ne vinrent dérober son corps et firent entendre au peuple qu'il était ressuscité. Car ce séducteur, disaient-ils, a dit : Je ressusciterai après trois jours.
Considérez le soin que prennent ces impies d'obscurcir la gloire de Jésus en un jour si solennel, car c'était la fête de Pâques et que lorsqu'ils doivent converser avec Dieu, ils traitent avec un profane et un infidèle. Mais ne doutez point que vous ne les imitiez, quand aux jours de Dimanches et de fêtes au lieu de visiter les Églises et de fréquenter les Sacrements, vous vous arrêtez si facilement aux affaires du monde, si éloignées de ce que vous devez faire pendant ces jours.
Pensez que si ces détestables ont craint Jésus, lors même qu'il était mort, l'on aura beaucoup plus raisonnablement sujet de le craindre lorsque vivant et glorieux il viendra rempli de majesté pour juger les vivants et les morts.
Remarquez pourquoi ils disent que Jésus était un séducteur. Sans doute parce qu'il avait appelé le peuple à la Foi orthodoxe et au Salut; parce qu'il avait instruit les Apôtres de la perfection Évangélique, et qu'il avait confirmé sa doctrine par des miracles; en sorte qu'il ne faut pas s'étonner si l'on outrage de même manière ceux qui s'emploient à convertir les infidèles, les hérétiques et les pécheurs, et qui se mettent en peine de persuader le règlement des mœurs ou l'entrée dans la vie Religieuse.
Pilate leur dit : Vous avez, des Gardes, allez, gardez-le comme vous l'entendrez.
Considérez que celui qui s'est une fois engagé à complaire aux méchants, a bien de la peine à se défaire de leurs importunités, comme il arrive ici à Pilate, et comme l'expérimentent ceux qui ont fait quelque part avec le démon (l`ange déchu), ou qui sont embarrassez dans l'amour de quelque femme débauchée.
Pensez que de la est provenu que Pilate qui auparavant était porté pour Jésus, semble ici avoir changé de sentiment et avoir aussi quelque appréhension de même que les Juifs, quand il leur dit : Allez, vous avez, des Gardes, ayez, soin de le bien garder. Car ce fut là le fruit de fon péché, d'avoir été l'auteur et le boutefeu de tant de mauvais desseins, de même que d'être saisi de frayeur, quand on lui eut parlé de la résurrection.
Ils s'en allèrent, mirent garnison au sépulcre, et scellèrent la pierre qui en fermait l'entrée.
Considérez que ce grand soin de ces impies contre Jésus ne servit qu'à donner plus d'éclat et plus de lustre à sa gloire, en sorte que ce qu'ils appréhendait est arrivé, puisque leur dernière erreur a été pire que la première, car le nombre de gardes et de sceaux qu'ils avaient mis et apposez au sépulcre, a été un témoignage convainquant de la résurrection du Sauveur, sans qu'il restât aucun lieu de se persuader qu'on l'eut enlevé.
Considérez que vous pouvez imiter à l'égard du bien l'empressement que témoignent ces chefs Juifs à l’égard du mal. Ce que vous ferez si désirant que Jésus ne soit point enlevé du tombeau de votre âme, vous ne vous abstenez pas seulement d'actions criminelles, en veillant sur vos sens extérieurs, mais encore si vous scellez votre cœur du signe de la Croix, et si vous le préservez de toutes pensées et de tous désirs déréglés.
98 - DE LA DESCENTE DE JÉSUS DANS LE LYMBE
(L`Hadès - Partie supérieure des Enfers)
Considérez que le même amour qui a fait monter Jésus sur la Croix pour y achever sa passion, l'a fait aussi descendre en personne dans les enfers, pour rendre parfaitement accompli le rachat universel de tous les hommes. Car comme il a choisi la mort pour nous délivrer de la mort, il a choisi de même de descendre jusques dans l`entrailles de la terre où sont les enfers, pour en retirer ses Fidèles.
Et apprenez de là: 1. qu'il faut travailler soi-même, et non point par le ministère d'autrui, à ce qui regarde la gloire de Dieu et le salut des âmes. 2. A ne pas dédaigner de rendre visite à votre prochain dans les Hôpitaux, et dans les prisons, de l'y consoler, et de l'y assister selon votre pouvoir, comme aussi d'aller dans les maisons des pauvres, en quelque pitoyable état qu'elles puissent être, et de leur y prêter la même assistance.
Figurez-vous de quelle joie furent comblés les saints Pères qui avaient été détenus dans les obscurités du centre de la terre, depuis le commencement du monde, pendant deux, trois, quatre ou cinq mille ans, lorsqu'ils entendirent briser les portes de l'enfer, et qu'ils virent la sainte âme de Jésus environnée de clarté inconcevables, et accompagnée d'un nombre innombrable d'esprits angéliques. Sans doute que saint Jean Baptiste se présenta le premier, et qu'il la montra, comme il avait fait dans le monde avec le doigt, et assura de vive voix que cette âme si remplie de gloire était celle de l'Agneau de Dieu qu'il avait eu l'honneur de baptiser. Incontinent après Adam, le premier des hommes, se jeta aux pieds du Sauveur pour les embrasser. Il fut suivi de Noé, d'Abraham, du Roi David, et des autres Patriarches et Prophètes.
Mais leur joie fut d'autant plus grande qu'il y avait tant de temps qu'elle était attendue, qu'ils virent alors clairement l'effet des promesses qui leur avaient été faites; que leur
tristesse, leurs peines, et leurs ennuis furent changés en une gloire qui ne finira jamais, et en une félicité inconcevable. Car comme Dieu est le plus grand et le Souverain de tous les biens qui sont dans le Ciel et sur la terre, ainsi il ne peut y avoir de plus grand bonheur que de le voir et de le posséder.
Imaginez-vous quelle fut l'épouvante et la terreur des démons ( des anges déchus) en cette rencontre; comme après que Jésus leur eut enlevé la proie de tant de saintes âmes, qu'il emmena triomphant avec pompe et avec gloire de la force et de la puissance de ces esprits infernaux , ils commencèrent à frémir, à hurler, et à déplorer leur misérable et éternelle servitude. Et apprenez que vous triompherez aussi du démon ( ange déchu), et que vous lui enlèverez grand nombre d’âmes, si vous souffrez pour l'amour et à l'imitation de Jésus, et si vous résistez avec courage aux suggestions infernales, et aux attraits de la chair et du monde.
Dernière édition par MichelT le Mer 18 Oct 2017 - 21:30, édité 1 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
99 - APPARITION DE JÉSUS AUX FEMMES DÉVOTES ( Matthieu 28,1 – Marc 16,1)
Jésus est ressuscité, il n`est plus ici.
Considérez comment l'âme de Jésus après avoir consolé pendant trois jours celles des saints Pères qui étaient enfermées dans le Limbe, entra dans le Sépulcre, y ranima son corps, et l'en retira tout éclatant d'une nouvelle et merveilleuse clarté, dont brillaient particulièrement les plaies de ses pieds et de ses mains, pour nous apprendre à espérer qu'un jour aussi nous ressusciterons comme lui; pourvu que nous soyons dépouillé du vieil homme, que nous ayons embrassé une vie contraire à celle que nous menons si nous vivons dans le libertinage, et si nos mœurs ne sont conformes à celles que nous prescrit le Christianisme; que nous ayons enfin crucifié notre chair avec ses concupiscences. Car il a enduré pour nous et il est ressuscité, afin que nous marchions sur ses pas, c'est à dire que nous imitions ses vertus, et que nous suivions l'exemple qu'il nous a montré.
Marie Magdeleine, Marie Jacobé, et Marie Salomé, partirent dès le grand matin , pour aller au Tombeau, et elles se disaient l'une à l'autre: Qui nous ôtera la pierre de l'entrée du sépulcre ?
Considérez le grand amour de ces femmes pour Jésus. Elles l'avaient vu expirer sur la croix, elles l'avaient laissée dans le tombeau; elles savaient qu'il était soigneusement gardé par des soldats; elles n'attendaient qu'une douleur des plus touchantes de la vue de son corps sacré; et néanmoins elles voulurent lui rendre ce dernier devoir, et porter des parfums et des onguents précieux pour l'embaumer. En effet le véritable amour, comme dit saint Chrysologue, ne trouve rien de rude, rien de difficile, et rien d'impossible, quand il s'agit de servir ce que l'on aime.
Considérez qu'encore qu'elles fussent en peine qui leur ôterait la pierre de l'entrée du sépulcre, la confiance néanmoins qu'elles avaient en Dieu, leur donna l'assurance de continuer leur chemin; pour vous apprendre à ne vous pas décourager, si quand vous avez entrepris le changement de votre vie, ou l'abandonnement du monde, vous trouvez quelque difficulté à remuer la pierre de la pénitence, ou si vous appréhendez de ne pas persévérer dans votre sainte résolution; car si vous avez de la confiance en la bonté de Dieu, un Ange se présentera, il remuera cette pierre, et lèvera toute la difficulté que vous trouvez en votre entreprise.
Elles aperçurent que la pierre était ôtée, et virent un Ange qui leur dit: Cherchez-vous Jésus de Nazareth qui a été crucifié? Il est ressuscité, il n`est pas ici.
Considérez qu'incontinent après la Résurrection de Jésus un Ange retira la pierre de l'entrée du Tombeau et s'assit dessus; pour vous apprendre que si une fois vous êtes sorti du sépulcre du péché mortel, vous devez vous asseoir sur la pierre qui vous y tenait enfermé; c'est à dire contraindre et dompter votre chair, de crainte qu'elle ne vous fasse rentrer et ne vous retienne dans ce malheureux tombeau; car Jésus est ainsi ressuscité, c'est à dire qu'il ne mourra point après sa résurrection.
Considérez que le sépulcre où fut mis le corps adorable de Jésus est la figure de l'autel qui sert à offrir sur son étendue ce même corps et le sang précieux du Fils de Dieu; c'est pourquoi si vous voulez en approcher dignement, ayez soin d'y apporter en imitant ces trois femmes dévotes, le parfum des vertus, et l'onguent précieux de la prière.
Persuadez-vous que ceux-là méritent d'être consolés par les Anges, qui ne s'approchent de la sainte Eucharistie, qu'avec la préparation nécessaire, et avec une dévotion toute singulière; ceux-là dis-je qui font de saints pèlerinages, et qui rendent de pieuses visites aux Reliques des Saints.
100 - APPARITION DE JÉSUS A MARIE MAGDELEINE ( Jean 20,11)
Pierre et Jean s'en étant allez; Marie demeura et pleurait dehors auprès du monument.
Considérez que Pierre et Jean qui étaient venus au sépulcre avec Marie, se retirèrent étant prévenus et saisis de crainte; mais que Marie s'y arrêta sans aucune appréhension,
parce qu'ayant perdu son Maitre qu'elle aimait plus que toute autre chose, elle était persuadé qu'elle n'avait plus rien à perdre puisqu'avec lui elle avait perdu et la vie et toutes ses espérances. Considérez que la seule Marie mérita de voir ici Jésus, pour faire voir que Dieu ne récompense nos bonnes œuvres, qu'après que nous y avons longtemps persévéré.
Remarquez que Marie pleurait auprès du Tombeau de Jésus, et s'y tenait attachée; par ce que la vie d'une âme sainte pendant cet exil, n'est autre chose, que de toujours s'arrêter auprès de ce Tombeau, d'y considérer les douleurs et les amertumes de la Passion de son Sauveur, et d'y pleurer ses péchés qui l'ont obligé à mourir sur une Croix.
Comme donc elle pleurait, elle se baissa; et regardant au dedans du sépulcre, elle vit deux Anges qui lui dirent : Femme, pourquoi pleurez, vous ? Ils ont, dit-elle, enlevé mon Maitre, et je ne sais où ils l'ont mis. S'étant alors tournée de l'autre part, elle aperçut Jésus qui lui fit la même question.
Considérez que Marie fut trouvée digne de voir des Anges, et même Notre Seigneur Jésus-Christ, non pas lorsqu'elle se tenait seulement debout auprès du sépulcre, sans se mettre en peine d'autre chose; mais lors qu'elle se fut baissée, et qu'elle eut regardé soigneusement au-dedans, pour vous apprendre à vous abaisser jusques à la considération de vos défauts et de vos chutes, et à vous humilier sous la main toute puissante de Dieu, comme étant indigne de sa grâce, dans le temps même que vous emploierez à la prière et à la contemplation des choses célestes; parce qu'alors si vous pratiquez ce conseil, vous serez aussitôt visité et comblé par les Anges.
Remarquez que quand vous ne jouissez pas de votre Jésus, c'est à dire de la consolation spirituelle, sitôt que vous-vous êtes appliqué à l'Oraison, vous ne devez pourtant pas l'abandonner, mais au contraire y persévérer avec une vive componction et un grand désir de le trouver, ayant recours à l'assistance des Saints; dont vous aurez le souvenir; et implorant leur entremise auprès de Dieu jusques à ce qu'enfin il se présente, et qu'il vous gratifie de ses douceurs.
Elle se persuadant que Jésus qu'elle voyait fut un Jardinier, lui dit: Monsieur, si vous l'avez, enlevé, dîtes-moi, s'il vous plait, ou vous l'avez mis, et je m'en chargerai? Jésus dit alors; Marie, Elle aussitôt : Ah mon très-cher Maitre! Ne me touchez, pas , ajouta Jésus , car je n'ai pas encore monté vers mon Père.
Considérez que Marie vit à la vérité Jésus, parce qu’elle l'aimait, mais qu'elle ne le connut pas, à cause que sa foi n'était pas encore entièrement parfaite; pour nous apprendre que quand l'amour que nous avons pour Dieu, est mêlé de défauts et d'imperfections, cela fait que nous n'en goutons pas si parfaitement et si avantageusement la douceur.
Remarquez qu'aussitôt que Marie eut reconnu Jésus, elle courut inconsidérément à lui pour l'embrasser, et qu'elle fut repoussée : pour montrer que si quelquefois dans l'ardeur de l'Oraison, et par une grâce de Dieu toute particulière nous sommes échauffés et animés à faire quelque bonne œuvre, nous y devons apporter de la discrétion et de la prudence, et en considérer toutes les circonstances, du temps, du lieu, et des personnes.
Remarquez encore que Jésus se fit voir à Marie en forme de Jardinier, pour nous apprendre à en imiter les qualités et les propriétés. Car c'est le propre d'un Jardinier de cultiver un Jardin, de le garnir d'arbres, de plantes et d'herbages qui portent du fruit , et qui soient propres à la nourriture de l'homme, et c'est aussi le devoir d'un homme Chrétien et pieux, qui a dessein de faire son salut, de cultiver le Jardin mystique de son âme, de le remplir d'enseignements d'une sainte et spirituelle doctrine; et de l'embellir et orner d'exemples et de modèles de vertus Chrétiennes.
101 - APPARITION DE JÉSUS A DEUX DE SES DISCIPLES ( Luc 24,13)
Jésus se fit voir à deux de ses Disciples qui allaient a Emmaüs, et qui s’entretenaient de lui dans une profonde tristesse.
Considérez pourquoi Jésus s'approcha de ces deux Disciples. 1. Sans doute parce qu'ils étaient affligés; car il est écrit de lui, qu'il n'abandonne point ceux qui ont de la tristesse
dans le cœur. 2. Parce que leur entretien était de choses de piété, et qui regardaient sa personne; car il avait promis de le trouver au milieu de ceux qui seraient assemblés en son nom, quand ils ne seraient même qu'au nombre de deux ou de trois. 3. Pour montrer qu'il est le parfait et le fidèle ami des gens de bien, et qu'il ne les abandonne jamais dans leur besoin. O mon Jésus, combien de fois ne m'avez- vous pas abandonné, lors même que je commettais quelque péché!
Considérez que Jésus le fit voir à ces Disciples en habit de Pèlerin, pour vous assurer que quand vous traitez de quelque matière, ou que vous faites quelque action de piété, il y est présent, quoi que vous ne vous en aperceviez pas; et pour vous apprendre que vous êtes Pèlerin dessus la terre, et que vous ne devez avoir de conversation que dans le Ciel. Il les reprit de leur peu de foi, et leur exposa les mystères de sa Passion et de sa Résurrection. Vous êtes leur dit-il, lents de cœur, a croire ce qu'ont prédit les Prophètes! N'a-t-il pas fallu que Jésus ait souffert, et que par ce moyen il ait pris possession de sa gloire ?
Considérez que cette réprimande ne provenait point de colère, pour leur faire confusion, mais d'un grand amour, afin qu'ils reconnussent plutôt l'erreur qui les aveuglait. Le serviteur est encore beaucoup plus insensé, qui prétend de suivre d'autres traces que celles de son Maitre; après même que l’Apôtre a prononcé si hautement, que tous ceux qui veulent vivre avec piété, souffriront de la persécution.
Considérez avec quelle tendresse Jésus se mit au milieu d'eux et fit le même chemin, leur exposant les mystères de l'Écriture, leur communiquant de la lumière pour les entendre, et embrasant leur cœur pour les croire. O que mon âme aurait été heureuse, si elle a voit été présente à cet entretien, et avait aperçu les brasiers de zèle et d'amour qui sortaient de la bouche sacrée de Jésus.
Jésus feignant d'aller plus loin, ils le conjurèrent et obligèrent de demeurer avec eux. Il disparut ensuite après avoir rompu et leur avoir distribué le pain. Incontinent après ces Disciples s'en retournèrent à Jérusalem où ils portèrent cette nouvelle aux Apôtres, et leur racontèrent comme ils l'avaient reconnu en la fraction du pain.
Considérez que Jésus feignit d'aller plus loin, pour faire preuve de leur amour, et pour embraser dans leur cœur le désir qu'il arrêtât avec eux, afin que par cette ardeur ils méritassent d'être éclairés. Il est vrai qu'ils furent échauffés au dedans pendant son entretien, mais le vent de cette feinte fit sortir leur feu au dehors par la flamme qui en parut, quand ils le conjurèrent et obligèrent de rester avec eux pour vous apprendre à prier de bonne grâce et à contraindre même les pauvres et les pèlerins, d'accepter le devoir de charité auquel vous-vous êtes préparé.
Persuadez-vous fortement que Dieu ne veut pas être seulement prié, mais comme importuné et contraint, quand on lui demande quelque grâce; et cela ce fait quand on surmonte avec courage les difficultés qui se rencontrent dans les occasions de pratiquer quelque bonne œuvre; car il est écrit, que le Royaume des Cieux ne s'emporte qu'avec violence. Remarquez que ces Disciples ne furent pas éclairés dans le temps de leur entretien avec Jésus, mais seulement lors que l'ayant convié ils lui préparèrent à souper; car ceux qui entendent la parole de Dieu, ne seront pas couronnés de justice, mais ceux qui la pratiquent.
Remarquez encore qu'ils n'eurent cet avantage qu'en la fraction du pain, pour vous faire voir quelle est la vertu de la St-Eucharistie.
102 - APPARITION DE JÉSUS A SES DISCIPLES ( Jean 20,19 – Luc 24,36)
Jésus se présenta au milieu de ses Disciples, et leur dit : La paix soit avec vous, ne craignez, point, c`est moi.
Considérez que Jésus ne nous délaisse jamais quand nous sommes en la compagnie de gens de bien, mais qu'il est au milieu de nous, comme un Capitaine au milieu de ses Soldats, comme un père de famille au milieu de ses enfants, et comme un chef au- dessus de ses membres; pour les conduire et consoler ceux qui sont dans la douleur et dans la tristesse.
Considérez qu'il leur donne la paix et à ceux même qui l'avaient offensé en l'abandonnant ; parce qu'il est un Dieu de paix et de consolation. Mais remarquez, que la paix qu'il leur donne n'est pas celle que donne le monde; mais celle dont l'Ange apporta la nouvelle aux hommes de bonne volonté : paix avec Dieu, avec le prochain et avec soi-même, qui consiste dans la quiétude d'une bonne conscience. Pesez enfin, qu'il les exhorte à ne point; appréhender les Juifs qui peuvent seulement faire mourir le corps; mais à craindre celui qui peut envoyer le corps et l'âme dans les supplices d'une géhenne qui n'aura point de fin.
Eux étant comme troublés, et se persuadant de voir un esprit ou un fantôme, il leur dit : Voyez, mes mains et mes pieds, et vous reconnaitrez que c'est moi-même. Alors il les leur montra.
Considérez que les Apôtres furent prévenus et saisis de frayeur, avant que de reconnaitre Jésus; parce que la crainte de Dieu est le commencement de la sagesse. En effet, dit le Sage, personne ne sera fait juste que par la crainte. (Ecclésiastique 1,16)
Voyez ensuite combien il eut de peine à leur persuader la vérité de sa résurrection; car il leur présenta son corps à voir et à toucher, quoiqu'il fût glorieux et impassible; il leur fit voir ses mains percées de clous, pour les animer au combat; son côté ouvert par une lance, pour les attirer à son amour; et ses pieds, pour les inviter à la persévérance. Mais remarquez enfin, qu'il retient les cicatrices de ses plaies, pour nous assurer qu'il n'oubliera jamais notre salut.
Jésus est ressuscité, il n`est plus ici.
Considérez comment l'âme de Jésus après avoir consolé pendant trois jours celles des saints Pères qui étaient enfermées dans le Limbe, entra dans le Sépulcre, y ranima son corps, et l'en retira tout éclatant d'une nouvelle et merveilleuse clarté, dont brillaient particulièrement les plaies de ses pieds et de ses mains, pour nous apprendre à espérer qu'un jour aussi nous ressusciterons comme lui; pourvu que nous soyons dépouillé du vieil homme, que nous ayons embrassé une vie contraire à celle que nous menons si nous vivons dans le libertinage, et si nos mœurs ne sont conformes à celles que nous prescrit le Christianisme; que nous ayons enfin crucifié notre chair avec ses concupiscences. Car il a enduré pour nous et il est ressuscité, afin que nous marchions sur ses pas, c'est à dire que nous imitions ses vertus, et que nous suivions l'exemple qu'il nous a montré.
Marie Magdeleine, Marie Jacobé, et Marie Salomé, partirent dès le grand matin , pour aller au Tombeau, et elles se disaient l'une à l'autre: Qui nous ôtera la pierre de l'entrée du sépulcre ?
Considérez le grand amour de ces femmes pour Jésus. Elles l'avaient vu expirer sur la croix, elles l'avaient laissée dans le tombeau; elles savaient qu'il était soigneusement gardé par des soldats; elles n'attendaient qu'une douleur des plus touchantes de la vue de son corps sacré; et néanmoins elles voulurent lui rendre ce dernier devoir, et porter des parfums et des onguents précieux pour l'embaumer. En effet le véritable amour, comme dit saint Chrysologue, ne trouve rien de rude, rien de difficile, et rien d'impossible, quand il s'agit de servir ce que l'on aime.
Considérez qu'encore qu'elles fussent en peine qui leur ôterait la pierre de l'entrée du sépulcre, la confiance néanmoins qu'elles avaient en Dieu, leur donna l'assurance de continuer leur chemin; pour vous apprendre à ne vous pas décourager, si quand vous avez entrepris le changement de votre vie, ou l'abandonnement du monde, vous trouvez quelque difficulté à remuer la pierre de la pénitence, ou si vous appréhendez de ne pas persévérer dans votre sainte résolution; car si vous avez de la confiance en la bonté de Dieu, un Ange se présentera, il remuera cette pierre, et lèvera toute la difficulté que vous trouvez en votre entreprise.
Elles aperçurent que la pierre était ôtée, et virent un Ange qui leur dit: Cherchez-vous Jésus de Nazareth qui a été crucifié? Il est ressuscité, il n`est pas ici.
Considérez qu'incontinent après la Résurrection de Jésus un Ange retira la pierre de l'entrée du Tombeau et s'assit dessus; pour vous apprendre que si une fois vous êtes sorti du sépulcre du péché mortel, vous devez vous asseoir sur la pierre qui vous y tenait enfermé; c'est à dire contraindre et dompter votre chair, de crainte qu'elle ne vous fasse rentrer et ne vous retienne dans ce malheureux tombeau; car Jésus est ainsi ressuscité, c'est à dire qu'il ne mourra point après sa résurrection.
Considérez que le sépulcre où fut mis le corps adorable de Jésus est la figure de l'autel qui sert à offrir sur son étendue ce même corps et le sang précieux du Fils de Dieu; c'est pourquoi si vous voulez en approcher dignement, ayez soin d'y apporter en imitant ces trois femmes dévotes, le parfum des vertus, et l'onguent précieux de la prière.
Persuadez-vous que ceux-là méritent d'être consolés par les Anges, qui ne s'approchent de la sainte Eucharistie, qu'avec la préparation nécessaire, et avec une dévotion toute singulière; ceux-là dis-je qui font de saints pèlerinages, et qui rendent de pieuses visites aux Reliques des Saints.
100 - APPARITION DE JÉSUS A MARIE MAGDELEINE ( Jean 20,11)
Pierre et Jean s'en étant allez; Marie demeura et pleurait dehors auprès du monument.
Considérez que Pierre et Jean qui étaient venus au sépulcre avec Marie, se retirèrent étant prévenus et saisis de crainte; mais que Marie s'y arrêta sans aucune appréhension,
parce qu'ayant perdu son Maitre qu'elle aimait plus que toute autre chose, elle était persuadé qu'elle n'avait plus rien à perdre puisqu'avec lui elle avait perdu et la vie et toutes ses espérances. Considérez que la seule Marie mérita de voir ici Jésus, pour faire voir que Dieu ne récompense nos bonnes œuvres, qu'après que nous y avons longtemps persévéré.
Remarquez que Marie pleurait auprès du Tombeau de Jésus, et s'y tenait attachée; par ce que la vie d'une âme sainte pendant cet exil, n'est autre chose, que de toujours s'arrêter auprès de ce Tombeau, d'y considérer les douleurs et les amertumes de la Passion de son Sauveur, et d'y pleurer ses péchés qui l'ont obligé à mourir sur une Croix.
Comme donc elle pleurait, elle se baissa; et regardant au dedans du sépulcre, elle vit deux Anges qui lui dirent : Femme, pourquoi pleurez, vous ? Ils ont, dit-elle, enlevé mon Maitre, et je ne sais où ils l'ont mis. S'étant alors tournée de l'autre part, elle aperçut Jésus qui lui fit la même question.
Considérez que Marie fut trouvée digne de voir des Anges, et même Notre Seigneur Jésus-Christ, non pas lorsqu'elle se tenait seulement debout auprès du sépulcre, sans se mettre en peine d'autre chose; mais lors qu'elle se fut baissée, et qu'elle eut regardé soigneusement au-dedans, pour vous apprendre à vous abaisser jusques à la considération de vos défauts et de vos chutes, et à vous humilier sous la main toute puissante de Dieu, comme étant indigne de sa grâce, dans le temps même que vous emploierez à la prière et à la contemplation des choses célestes; parce qu'alors si vous pratiquez ce conseil, vous serez aussitôt visité et comblé par les Anges.
Remarquez que quand vous ne jouissez pas de votre Jésus, c'est à dire de la consolation spirituelle, sitôt que vous-vous êtes appliqué à l'Oraison, vous ne devez pourtant pas l'abandonner, mais au contraire y persévérer avec une vive componction et un grand désir de le trouver, ayant recours à l'assistance des Saints; dont vous aurez le souvenir; et implorant leur entremise auprès de Dieu jusques à ce qu'enfin il se présente, et qu'il vous gratifie de ses douceurs.
Elle se persuadant que Jésus qu'elle voyait fut un Jardinier, lui dit: Monsieur, si vous l'avez, enlevé, dîtes-moi, s'il vous plait, ou vous l'avez mis, et je m'en chargerai? Jésus dit alors; Marie, Elle aussitôt : Ah mon très-cher Maitre! Ne me touchez, pas , ajouta Jésus , car je n'ai pas encore monté vers mon Père.
Considérez que Marie vit à la vérité Jésus, parce qu’elle l'aimait, mais qu'elle ne le connut pas, à cause que sa foi n'était pas encore entièrement parfaite; pour nous apprendre que quand l'amour que nous avons pour Dieu, est mêlé de défauts et d'imperfections, cela fait que nous n'en goutons pas si parfaitement et si avantageusement la douceur.
Remarquez qu'aussitôt que Marie eut reconnu Jésus, elle courut inconsidérément à lui pour l'embrasser, et qu'elle fut repoussée : pour montrer que si quelquefois dans l'ardeur de l'Oraison, et par une grâce de Dieu toute particulière nous sommes échauffés et animés à faire quelque bonne œuvre, nous y devons apporter de la discrétion et de la prudence, et en considérer toutes les circonstances, du temps, du lieu, et des personnes.
Remarquez encore que Jésus se fit voir à Marie en forme de Jardinier, pour nous apprendre à en imiter les qualités et les propriétés. Car c'est le propre d'un Jardinier de cultiver un Jardin, de le garnir d'arbres, de plantes et d'herbages qui portent du fruit , et qui soient propres à la nourriture de l'homme, et c'est aussi le devoir d'un homme Chrétien et pieux, qui a dessein de faire son salut, de cultiver le Jardin mystique de son âme, de le remplir d'enseignements d'une sainte et spirituelle doctrine; et de l'embellir et orner d'exemples et de modèles de vertus Chrétiennes.
101 - APPARITION DE JÉSUS A DEUX DE SES DISCIPLES ( Luc 24,13)
Jésus se fit voir à deux de ses Disciples qui allaient a Emmaüs, et qui s’entretenaient de lui dans une profonde tristesse.
Considérez pourquoi Jésus s'approcha de ces deux Disciples. 1. Sans doute parce qu'ils étaient affligés; car il est écrit de lui, qu'il n'abandonne point ceux qui ont de la tristesse
dans le cœur. 2. Parce que leur entretien était de choses de piété, et qui regardaient sa personne; car il avait promis de le trouver au milieu de ceux qui seraient assemblés en son nom, quand ils ne seraient même qu'au nombre de deux ou de trois. 3. Pour montrer qu'il est le parfait et le fidèle ami des gens de bien, et qu'il ne les abandonne jamais dans leur besoin. O mon Jésus, combien de fois ne m'avez- vous pas abandonné, lors même que je commettais quelque péché!
Considérez que Jésus le fit voir à ces Disciples en habit de Pèlerin, pour vous assurer que quand vous traitez de quelque matière, ou que vous faites quelque action de piété, il y est présent, quoi que vous ne vous en aperceviez pas; et pour vous apprendre que vous êtes Pèlerin dessus la terre, et que vous ne devez avoir de conversation que dans le Ciel. Il les reprit de leur peu de foi, et leur exposa les mystères de sa Passion et de sa Résurrection. Vous êtes leur dit-il, lents de cœur, a croire ce qu'ont prédit les Prophètes! N'a-t-il pas fallu que Jésus ait souffert, et que par ce moyen il ait pris possession de sa gloire ?
Considérez que cette réprimande ne provenait point de colère, pour leur faire confusion, mais d'un grand amour, afin qu'ils reconnussent plutôt l'erreur qui les aveuglait. Le serviteur est encore beaucoup plus insensé, qui prétend de suivre d'autres traces que celles de son Maitre; après même que l’Apôtre a prononcé si hautement, que tous ceux qui veulent vivre avec piété, souffriront de la persécution.
Considérez avec quelle tendresse Jésus se mit au milieu d'eux et fit le même chemin, leur exposant les mystères de l'Écriture, leur communiquant de la lumière pour les entendre, et embrasant leur cœur pour les croire. O que mon âme aurait été heureuse, si elle a voit été présente à cet entretien, et avait aperçu les brasiers de zèle et d'amour qui sortaient de la bouche sacrée de Jésus.
Jésus feignant d'aller plus loin, ils le conjurèrent et obligèrent de demeurer avec eux. Il disparut ensuite après avoir rompu et leur avoir distribué le pain. Incontinent après ces Disciples s'en retournèrent à Jérusalem où ils portèrent cette nouvelle aux Apôtres, et leur racontèrent comme ils l'avaient reconnu en la fraction du pain.
Considérez que Jésus feignit d'aller plus loin, pour faire preuve de leur amour, et pour embraser dans leur cœur le désir qu'il arrêtât avec eux, afin que par cette ardeur ils méritassent d'être éclairés. Il est vrai qu'ils furent échauffés au dedans pendant son entretien, mais le vent de cette feinte fit sortir leur feu au dehors par la flamme qui en parut, quand ils le conjurèrent et obligèrent de rester avec eux pour vous apprendre à prier de bonne grâce et à contraindre même les pauvres et les pèlerins, d'accepter le devoir de charité auquel vous-vous êtes préparé.
Persuadez-vous fortement que Dieu ne veut pas être seulement prié, mais comme importuné et contraint, quand on lui demande quelque grâce; et cela ce fait quand on surmonte avec courage les difficultés qui se rencontrent dans les occasions de pratiquer quelque bonne œuvre; car il est écrit, que le Royaume des Cieux ne s'emporte qu'avec violence. Remarquez que ces Disciples ne furent pas éclairés dans le temps de leur entretien avec Jésus, mais seulement lors que l'ayant convié ils lui préparèrent à souper; car ceux qui entendent la parole de Dieu, ne seront pas couronnés de justice, mais ceux qui la pratiquent.
Remarquez encore qu'ils n'eurent cet avantage qu'en la fraction du pain, pour vous faire voir quelle est la vertu de la St-Eucharistie.
102 - APPARITION DE JÉSUS A SES DISCIPLES ( Jean 20,19 – Luc 24,36)
Jésus se présenta au milieu de ses Disciples, et leur dit : La paix soit avec vous, ne craignez, point, c`est moi.
Considérez que Jésus ne nous délaisse jamais quand nous sommes en la compagnie de gens de bien, mais qu'il est au milieu de nous, comme un Capitaine au milieu de ses Soldats, comme un père de famille au milieu de ses enfants, et comme un chef au- dessus de ses membres; pour les conduire et consoler ceux qui sont dans la douleur et dans la tristesse.
Considérez qu'il leur donne la paix et à ceux même qui l'avaient offensé en l'abandonnant ; parce qu'il est un Dieu de paix et de consolation. Mais remarquez, que la paix qu'il leur donne n'est pas celle que donne le monde; mais celle dont l'Ange apporta la nouvelle aux hommes de bonne volonté : paix avec Dieu, avec le prochain et avec soi-même, qui consiste dans la quiétude d'une bonne conscience. Pesez enfin, qu'il les exhorte à ne point; appréhender les Juifs qui peuvent seulement faire mourir le corps; mais à craindre celui qui peut envoyer le corps et l'âme dans les supplices d'une géhenne qui n'aura point de fin.
Eux étant comme troublés, et se persuadant de voir un esprit ou un fantôme, il leur dit : Voyez, mes mains et mes pieds, et vous reconnaitrez que c'est moi-même. Alors il les leur montra.
Considérez que les Apôtres furent prévenus et saisis de frayeur, avant que de reconnaitre Jésus; parce que la crainte de Dieu est le commencement de la sagesse. En effet, dit le Sage, personne ne sera fait juste que par la crainte. (Ecclésiastique 1,16)
Voyez ensuite combien il eut de peine à leur persuader la vérité de sa résurrection; car il leur présenta son corps à voir et à toucher, quoiqu'il fût glorieux et impassible; il leur fit voir ses mains percées de clous, pour les animer au combat; son côté ouvert par une lance, pour les attirer à son amour; et ses pieds, pour les inviter à la persévérance. Mais remarquez enfin, qu'il retient les cicatrices de ses plaies, pour nous assurer qu'il n'oubliera jamais notre salut.
Dernière édition par MichelT le Dim 5 Nov 2017 - 19:27, édité 1 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
103 - APPARITION A LA ST VIERGE ( Jean 20,19 – Luc 24,36)
Considérez que la St Vierge qui savait le moment auquel son Fils devait ressusciter, n'en employa les approches qu'à la prière et à la contemplation de ce mystère qu'elle attendait avec une très amoureuse impatience.
Persuadez-vous que transportée d'une joie inconcevable, elle prononça et réitéra plusieurs fois ces paroles du Roi Prophète : Réveillez-vous ma gloire, réveillez-vous; et faites entendre votre harmonie de même qu'une Harpe ou quelque autre instrument de Musique.
Persuadez- vous qu'ayant attendu son retour avec un désir enflammé; ensuite vers la pointe du jour sa chambre fut remplie d'une clarté merveilleusement brillante, et qu'enfin elle le vit revêtu d'une gloire inconcevable. Figurez-vous encore que son cœur fut comblé d'une joie si tendre et si touchante, qu'elle fut quelque temps sans parler, et qu'il ne lui eut pas été possible d'en exprimer la grandeur. En effet si le Patriarche Jacob se trouva si surpris de satisfaction, quand il entendit la nouvelle que son fils Joseph était encore vivant, que devons-nous penser être arrivé à la St Vierge, quand elle vit que les ignominies, les douleurs et les tourments de Jésus étaient récompensés d'une gloire si auguste et d'une majesté si adorable ?
Persuadez-vous aussi que Jésus ne fut pas le seul qui apparut à sa sainte Mère, mais encore avec lui grand nombre des saints Pères, comme Adam, Abraham , le roi David, Isaïe, Jérémie, et les autres Prophètes, qui tous étaient comblés d'une joie indicible de voir de leurs yeux la Mère du Rédempteur.
Considérez quel fut l'entretien du Fils et de la Mère; combien il lui découvrit de mystères, comme il lui fît le récit de ce qu'il avait souffert depuis trois jours dans la maison des Pontifes, comme il l'informa de quelle façon son âme était sortie de son corps, de ce qu'il avait fait dans les enfers, de la gloire qu'il s'était acquise, et que ce récit si doux et si agréable tarit ses larmes, et lui fit perdre le souvenir du passé.
Pensez encore quelle fut sa joie quand elle vit l'adorable visage de son Fils dans sa première Majesté; quand elle s'aperçut qu'il prenait la peine d'essuyer ses larmes avec ses mains sacrées, et quand elle se sentit inspirée qu'elle pouvait librement se jeter entre ses bras divins et l'embrasser. Voyez comme elle se prosterne à ses genoux pour l'adorer , avec quelle consolation et quel ravissement elle ose baiser les plaies de ses pieds, de ses mains, et de son côté; et comme elle s'écrie : En vérité mon Fils vous me consolez, a présent à proportion de la douleur que j'ai ressentie. (Psaumes 93)
Considérez à quoi la St Vierge a pu s'employer pendant les quarante jours entiers que son Fils a été vu sur la terre après la résurrection. Car il ne faut pas douter qu'il ne lui ait apparu aussi souvent, et plus souvent même qu'aux Apôtres; qu'il ne l'ait informée de beaucoup de mystères, de l'état et de l'établissement de son Église, de l'étendue et de la propagation de la foi, des récompenses et des couronnes des Martyrs, de sa gloire, et de celle des Bienheureux; qu'il ne lui ait prédit beaucoup d'autres choses à venir, et enfin qu'il ne lui ait recommandé tous les Chrétiens, dont il l'a établie la Patronne et l'Avocate.
Pensez que les Apôtres, et particulièrement St Jean, ne manquèrent pas de lui rendre leurs respect, et de s'acquitter de leur devoir envers elle, par leurs fréquentes visites, et en lui faisant le récit des instructions dont son divin Fils les avait honorés, et des autres choses qui s'étaient passées toutes les fois qu'il leur avait fait la grâce de leur apparaitre; comme qu'en soufflant sur eux il leur avait donné le St Esprit, et le pouvoir de pardonner les péchés; qu'il avait établi St Pierre le chef de tous les Fidèles. Mais pensez aussi que d'autre part la sacrée Vierge leur communiqua tout ce que son Fils adorable lui avait révélé; qu'elle les consola et les encouragea à souffrir patiemment toutes sortes de persécutions pour l'honneur et pour la gloire de Jésus.
104 - APPARITION A ST THOMAS ( Jean 20,24)
Jésus étant au milieu de ses Disciples ; leur dit : La paix soit avec vous. Comme mon Père m'a envoyé, je vous envoi. Recevez, le saint Esprit. Les péchés, seront pardonnés, a ceux a qui vous les pardonnés.
Considérez que de même que Jésus n'a pas été envoyé en ce monde par son Père Éternel pour y régner, mais pour y souffrir et mourir, ainsi qui que vous soyez, et de quelque état et condition que vous soyez, Religieux, ou séculier, vous n'y êtes venu que pour pâtir et endurer à son imitation et à son exemple. Faites réflexion sur la bonté infinie de Dieu, qui n'a pas voulu qu'il y eut d'autre jugement dans le Ciel pour les péchés des hommes, que celui qui serait rendu sur la terre par les Prêtres qui sont les successeurs des Apôtres. Si donc vous voulez éviter celui de Dieu à l'avenir, ne faites pas difficulté de vous soumettre à celui d'un homme qui est pécheur, qui est faible, et qui doit compatir à votre infirmité.
Huit jours s'étant écoulés. Jésus dit à Thomas : Apportez, ici votre doigt et voyez. Et ne soyez pas incrédule, mais fidèle.
Considérez l'amour incroyable du Fils de Dieu, qui prend autant de peine pour convertir le seul Thomas, qu'il en avait pris autrefois pour persuader sa Résurrection à tous ses Apôtres; faisant voir en cela combien il était un bon Pasteur, qui de cent brebis qu'il possède , en abandonne nonante neuf, pour en rechercher la centième qui s'est égarée dans les montagnes. Et cela fait bien voir qu'il faut se donner de garde de négliger le salut d'une seule âme, puisque Jésus a été disposé à mourir pour elle.
Considérez sa sagesse, en ce qu'il ne se fait pas voir à St Thomas quand il est seul, comme il l'avait pratiqué à l'égard de St Pierre et de la Magdeleine, mais en présence de tous les Apôtres, ce qu'il fait afin de les rendre plus fermes en la foi, et plus embrasez de son amour. Pensez enfin à la profonde et étonnante humilité de Jésus, qui permet et qui veut même que St Thomas mette la main dans la plaie de son divin côté. O combien le cœur de cet Apôtre fut-il enflammé quand il pénétra dans cette fournaise si ardente ! En effet il se prosterna aussitôt les genoux en terre, et en l'adorant il s'écria : Mon Seigneur et mon Dieu.
Jésus dit à Thomas : Parce que vous avez vu, vous avez cru : Bienheureux seront ceux qui croiront quoi qu'ils ne voient pas.
Considérez de quelle consolation nous doit combler cette sentence, qui nous assure que nous ne sommes pas moins heureux que les Apôtres, quoique nous n'ayons pas vu Jésus incarné, pourvu que nous le croyons aussi fermement que ceux qui l'ont vu et touché en cet état. La raison en est claire, car il y a beaucoup plus de difficulté, et par conséquent plus de mérite, à le croire sans le voir, qu'à la façon que l'ont cru les Apôtres.
105 - APPARITION DE JÉSUS PRÈS DE LA MER TIBÉRIADE ( Jean 21,1)
Sept d'entre les Disciples de Jésus ayant employé toute la nuit a pêcher sans rien prendre et lui leur ayant demandé vers le matin, s'ils avaient quelque chose de cuit pour manger, ils lui répondirent que non.
Considérez que ceux-là pêchent pendant la nuit, et travaillent sans rien avancer, qui font de bonnes œuvres lors qu'ils font en péché mortel, ou qui n'y recherchent que leurs commodités ou quelque vaine gloire, et non pas l'honneur de Dieu et le salut des âmes et sans avoir invoqué le secours de Jésus; qui dit lui-même au chapitre 2 de l'Évangile de St Luc : Qui ne recueille pas avec moi, dissipe tout et n'amasse rien.
Considérez que Jésus apparut à ses Apôtres en forme de Marchand, qui eut voulu acheter du poisson; afin que s'étant rendu plus familier il en vint enfin à un miracle pour apprendre à ceux qui s'emploient à la conversion des âmes, qu'ils doivent d'abord entretenir ceux avec qui ils conversent.
Jésus leur dit: Jetez-le filet vers la droite: Ils le firent, et le tirant il était si plein de poisson, qu'a peine le purent-ils retirer hors de l'eau. Jean dit alors: C'est le Seigneur. Pierre, sur cette parole se jeta dans la mer, et les autres se mirent en devoir d'arriver au port en ramant, et y entrainant leur filet.
Considérez combien est grande la vertu de de l'obéissance, qui fit que les Apôtres profitèrent si avantageusement d'un travail fort médiocre; car ayant eu beaucoup de peine à pêcher toute la nuit sans rien avancer; parce qu'ils l'avaient entrepris de leur propre mouvement, aussitôt qu'ils eurent suivi le conseil et obéi au commandement de Jésus, ils firent une pêche de plus grand nombre et de plus gros poissons, qu'ils n'eussent osé jamais espérer. L'on peut dire aussi que pendant toute la nuit ils avaient jeté leur filet vers la gauche, parce qu'ils ne recherchaient que leur commodité particulière.
Considérez que l'Apôtre saint Jean reconnut le Sauveur, avant que qui que ce soit des autres en eut la moindre pensée; parce que la pureté et la chasteté donnent de grands avantages pour plutôt pénétrer les choses qui regardent Dieu, comme l'assure saint Jérôme dans son Épître à Pammachius. Outre que Jésus dit aussi lui-même: Bienheureux sont ceux qui ont le cœur net; car ils verront Dieu.
Les Apôtres ayant amené à bord cent cinquante-trois gros poissons, en virent un qui rôtissait sur de la braise allumée, et Jésus les ayant invité à en manger, il leur en distribua avec du pain.
Considérez que Jésus prit la peine d'apprêter à diner aux Apôtres, et de faire cuire du poisson, pendant qu'ils étaient attachés à leur pêche ; ainsi lorsque nous travaillons dans son service, il nous prépare au Ciel un festin pour nous y régaler, et des couronnes pour, nous récompenser de notre travail.
Pensez un peu combien ce festin de Jésus avec ses Apôtres est délicieux et plein de bonheur. Voyez comment le Sauveur qui peu auparavant avec son humilité et sa charité ordinaire, avait fait pour ainsi dire le devoir de cuisinier, en leur apprêtant à diner, fait ici celui de serviteur en les servant à table, comme il leur présente du pain et du poisson, et comme il leur fait l'honneur de manger avec eux.
Ces bons Disciples étaient si surpris d'étonnement que se tenant debout avec respect, ils n'osaient ouvrir la bouche, non plus que des brebis quand; ils voient leur pasteur, et des enfants en la présence de leur père, qui a une tendresse toute particulière pour eux et étaient remplis d'une telle satisfaction, tant au corps qu'en l'âme; qu'elle paraissait au dehors par des larmes de joie. Et tout cela ne se faisait que pour leur persuader avec plus d'assurance, qu'il était véritablement ressuscité, et qu'après les peines et les douleurs qu'ils devaient souffrir en cette vie, lorsqu'ils feraient arrivés au port, c’est-à-dire à la vie éternelle, ils en seraient abondamment récompensés.
La mer de Tibériade
106 - APPARITION DE JÉSUS SUR LA MONTAGNE. ( Matthieu 28,16)
Les onze Disciples s'en allèrent en Galilée sur une montagne qui leur avait été marquée de Jésus. Alors qu'ils le virent ils l'adorèrent.
Considérez que cette apparition de Jésus est la plus remarquable de toutes, parce qu'il y fit paraitre plus évidemment quelle était la gloire et la puissance dont sa Passion était suivie; qu'il y fit voir à ses Apôtres le mystère de la vocation des Gentils ( des non-Juifs); qu'il les y établit les maitres et les Évêques de tout l'Univers, et qu'enfin il y jeta les fondements de son Église, pour vous faire comprendre avec quelle allégresse il a coutume de récompenser les travaux que l'on a courageusement entrepris, et les peines que l'on a souffertes pour l'honneur de son nom, de même que ses Disciples.
Remarquez que nous aurons enfin le don de convertir les pécheurs si comme les Apôtres nous abandonnons les vallées, c’est-à-dire les commodités de cette vie, pour monter sur la montagne de la perfection Évangélique, et si étant unis à Jésus nous demeurons comme lui attaché à la croix.
Jésus en les abordant leur dit : Tout pouvoir m' a été donné dans le Ciel et sur la terre : Allez, donc par tout le monde, et instruisez toutes les Nations à observer mes commandements; Baptisez,-les , ect.
Considérez la grande humilité de Jésus qui était dans l'entière et pleine possession de sa gloire; et qui comme Dieu ayant eu de toute éternité la souveraine toute-puissance ; et en qualité d'homme, dès le moment de sa conception; parle ici néanmoins comme s'il ne l'avait reçue que depuis sa Résurrection. Ce qui doit nous confondre puisque nous ne recherchons en toutes choses que notre propre gloire et notre honneur particulier, et que nous avons même la présomption de nous attribuer les grâces que nous avons reçues, au lieu de les rapporter à Dieu qui en est l'auteur.
Considérez quelle fut la joie des Apôtres quand ils apprirent que Jésus était élevé à une telle autorité après sa Passion, et sa Résurrection, et qu'il était non seulement délivré pour jamais des faiblesses et des incommodités de cette vie, mais aussi le souverain du Ciel et de la terre; en sorte qu'il pouvait à l'avenir leur prêter un secours efficace dans le monde, et leur conférer un Royaume éternel dans le Paradis : quand dis-je, ils se virent encore honorés d'une puissance presque égale à celle de Jésus, et qu'il leur était non seulement permis, mais même commandé de prêcher l'Évangile dans tout l'Univers, avec pouvoir de remettre les péchés.
Remarquez que nonobstant toutes ces grandeurs, ils ne sont point appelés au repos pendant cette vie, mais à y souffrir des peines qui sont presque inconcevables, et à des travaux qui qui sont au-dessus de la portée ordinaire des hommes.
Ceux qui croiront, chasseront les démons ( anges déchus) en mon nom, feront mourir les serpents, rendront la santé aux malades : Et je serai avec vous jusques à la fin des siècles.
Considérez que c'est une marque évidente d'une véritable et vive foi, animée par la charité : 1. Si l'on a l'intention et le zèle d'aider son prochain, par exemple si l'on procure qu'il chasse les démons : c'est à dire, qu'il se décharge de ses péchés par le Sacrement de Pénitence. 2. Si l'on se plait à traiter de ce qui regarde la gloire de Dieu, et l'avancement du salut des âmes; si en troisième lieu l'on a aversion des ruses et des tromperies du monde, qui se peuvent se comparer à celles des serpents : 4. Si l'on ramène par ses avis et par ses conseils, à la foi catholique, et à la sainteté de vie, ceux qui sont sur le point de s'en éloigner, si l'on conserve l'esprit et les mouvements de piété pendant la persécution, avec une parfaite confiance en Dieu, qui ne va point contre sa parole, et qui promet ici qu'il sera avec nous, et non point sur le tard, mais au moment du besoin et de l'occasion.
Car le terme de voilà, dont il se sert, marque un temps présent et tout à fait commode, comme s'il disait; toutefois et quand il en sera besoin je m'y trouverai, et quand il désigne sa personne , en disant , je serai, il marque celui qui peut nous retirer de toutes sortes de dangers.
Considérez que la St Vierge qui savait le moment auquel son Fils devait ressusciter, n'en employa les approches qu'à la prière et à la contemplation de ce mystère qu'elle attendait avec une très amoureuse impatience.
Persuadez-vous que transportée d'une joie inconcevable, elle prononça et réitéra plusieurs fois ces paroles du Roi Prophète : Réveillez-vous ma gloire, réveillez-vous; et faites entendre votre harmonie de même qu'une Harpe ou quelque autre instrument de Musique.
Persuadez- vous qu'ayant attendu son retour avec un désir enflammé; ensuite vers la pointe du jour sa chambre fut remplie d'une clarté merveilleusement brillante, et qu'enfin elle le vit revêtu d'une gloire inconcevable. Figurez-vous encore que son cœur fut comblé d'une joie si tendre et si touchante, qu'elle fut quelque temps sans parler, et qu'il ne lui eut pas été possible d'en exprimer la grandeur. En effet si le Patriarche Jacob se trouva si surpris de satisfaction, quand il entendit la nouvelle que son fils Joseph était encore vivant, que devons-nous penser être arrivé à la St Vierge, quand elle vit que les ignominies, les douleurs et les tourments de Jésus étaient récompensés d'une gloire si auguste et d'une majesté si adorable ?
Persuadez-vous aussi que Jésus ne fut pas le seul qui apparut à sa sainte Mère, mais encore avec lui grand nombre des saints Pères, comme Adam, Abraham , le roi David, Isaïe, Jérémie, et les autres Prophètes, qui tous étaient comblés d'une joie indicible de voir de leurs yeux la Mère du Rédempteur.
Considérez quel fut l'entretien du Fils et de la Mère; combien il lui découvrit de mystères, comme il lui fît le récit de ce qu'il avait souffert depuis trois jours dans la maison des Pontifes, comme il l'informa de quelle façon son âme était sortie de son corps, de ce qu'il avait fait dans les enfers, de la gloire qu'il s'était acquise, et que ce récit si doux et si agréable tarit ses larmes, et lui fit perdre le souvenir du passé.
Pensez encore quelle fut sa joie quand elle vit l'adorable visage de son Fils dans sa première Majesté; quand elle s'aperçut qu'il prenait la peine d'essuyer ses larmes avec ses mains sacrées, et quand elle se sentit inspirée qu'elle pouvait librement se jeter entre ses bras divins et l'embrasser. Voyez comme elle se prosterne à ses genoux pour l'adorer , avec quelle consolation et quel ravissement elle ose baiser les plaies de ses pieds, de ses mains, et de son côté; et comme elle s'écrie : En vérité mon Fils vous me consolez, a présent à proportion de la douleur que j'ai ressentie. (Psaumes 93)
Considérez à quoi la St Vierge a pu s'employer pendant les quarante jours entiers que son Fils a été vu sur la terre après la résurrection. Car il ne faut pas douter qu'il ne lui ait apparu aussi souvent, et plus souvent même qu'aux Apôtres; qu'il ne l'ait informée de beaucoup de mystères, de l'état et de l'établissement de son Église, de l'étendue et de la propagation de la foi, des récompenses et des couronnes des Martyrs, de sa gloire, et de celle des Bienheureux; qu'il ne lui ait prédit beaucoup d'autres choses à venir, et enfin qu'il ne lui ait recommandé tous les Chrétiens, dont il l'a établie la Patronne et l'Avocate.
Pensez que les Apôtres, et particulièrement St Jean, ne manquèrent pas de lui rendre leurs respect, et de s'acquitter de leur devoir envers elle, par leurs fréquentes visites, et en lui faisant le récit des instructions dont son divin Fils les avait honorés, et des autres choses qui s'étaient passées toutes les fois qu'il leur avait fait la grâce de leur apparaitre; comme qu'en soufflant sur eux il leur avait donné le St Esprit, et le pouvoir de pardonner les péchés; qu'il avait établi St Pierre le chef de tous les Fidèles. Mais pensez aussi que d'autre part la sacrée Vierge leur communiqua tout ce que son Fils adorable lui avait révélé; qu'elle les consola et les encouragea à souffrir patiemment toutes sortes de persécutions pour l'honneur et pour la gloire de Jésus.
104 - APPARITION A ST THOMAS ( Jean 20,24)
Jésus étant au milieu de ses Disciples ; leur dit : La paix soit avec vous. Comme mon Père m'a envoyé, je vous envoi. Recevez, le saint Esprit. Les péchés, seront pardonnés, a ceux a qui vous les pardonnés.
Considérez que de même que Jésus n'a pas été envoyé en ce monde par son Père Éternel pour y régner, mais pour y souffrir et mourir, ainsi qui que vous soyez, et de quelque état et condition que vous soyez, Religieux, ou séculier, vous n'y êtes venu que pour pâtir et endurer à son imitation et à son exemple. Faites réflexion sur la bonté infinie de Dieu, qui n'a pas voulu qu'il y eut d'autre jugement dans le Ciel pour les péchés des hommes, que celui qui serait rendu sur la terre par les Prêtres qui sont les successeurs des Apôtres. Si donc vous voulez éviter celui de Dieu à l'avenir, ne faites pas difficulté de vous soumettre à celui d'un homme qui est pécheur, qui est faible, et qui doit compatir à votre infirmité.
Huit jours s'étant écoulés. Jésus dit à Thomas : Apportez, ici votre doigt et voyez. Et ne soyez pas incrédule, mais fidèle.
Considérez l'amour incroyable du Fils de Dieu, qui prend autant de peine pour convertir le seul Thomas, qu'il en avait pris autrefois pour persuader sa Résurrection à tous ses Apôtres; faisant voir en cela combien il était un bon Pasteur, qui de cent brebis qu'il possède , en abandonne nonante neuf, pour en rechercher la centième qui s'est égarée dans les montagnes. Et cela fait bien voir qu'il faut se donner de garde de négliger le salut d'une seule âme, puisque Jésus a été disposé à mourir pour elle.
Considérez sa sagesse, en ce qu'il ne se fait pas voir à St Thomas quand il est seul, comme il l'avait pratiqué à l'égard de St Pierre et de la Magdeleine, mais en présence de tous les Apôtres, ce qu'il fait afin de les rendre plus fermes en la foi, et plus embrasez de son amour. Pensez enfin à la profonde et étonnante humilité de Jésus, qui permet et qui veut même que St Thomas mette la main dans la plaie de son divin côté. O combien le cœur de cet Apôtre fut-il enflammé quand il pénétra dans cette fournaise si ardente ! En effet il se prosterna aussitôt les genoux en terre, et en l'adorant il s'écria : Mon Seigneur et mon Dieu.
Jésus dit à Thomas : Parce que vous avez vu, vous avez cru : Bienheureux seront ceux qui croiront quoi qu'ils ne voient pas.
Considérez de quelle consolation nous doit combler cette sentence, qui nous assure que nous ne sommes pas moins heureux que les Apôtres, quoique nous n'ayons pas vu Jésus incarné, pourvu que nous le croyons aussi fermement que ceux qui l'ont vu et touché en cet état. La raison en est claire, car il y a beaucoup plus de difficulté, et par conséquent plus de mérite, à le croire sans le voir, qu'à la façon que l'ont cru les Apôtres.
105 - APPARITION DE JÉSUS PRÈS DE LA MER TIBÉRIADE ( Jean 21,1)
Sept d'entre les Disciples de Jésus ayant employé toute la nuit a pêcher sans rien prendre et lui leur ayant demandé vers le matin, s'ils avaient quelque chose de cuit pour manger, ils lui répondirent que non.
Considérez que ceux-là pêchent pendant la nuit, et travaillent sans rien avancer, qui font de bonnes œuvres lors qu'ils font en péché mortel, ou qui n'y recherchent que leurs commodités ou quelque vaine gloire, et non pas l'honneur de Dieu et le salut des âmes et sans avoir invoqué le secours de Jésus; qui dit lui-même au chapitre 2 de l'Évangile de St Luc : Qui ne recueille pas avec moi, dissipe tout et n'amasse rien.
Considérez que Jésus apparut à ses Apôtres en forme de Marchand, qui eut voulu acheter du poisson; afin que s'étant rendu plus familier il en vint enfin à un miracle pour apprendre à ceux qui s'emploient à la conversion des âmes, qu'ils doivent d'abord entretenir ceux avec qui ils conversent.
Jésus leur dit: Jetez-le filet vers la droite: Ils le firent, et le tirant il était si plein de poisson, qu'a peine le purent-ils retirer hors de l'eau. Jean dit alors: C'est le Seigneur. Pierre, sur cette parole se jeta dans la mer, et les autres se mirent en devoir d'arriver au port en ramant, et y entrainant leur filet.
Considérez combien est grande la vertu de de l'obéissance, qui fit que les Apôtres profitèrent si avantageusement d'un travail fort médiocre; car ayant eu beaucoup de peine à pêcher toute la nuit sans rien avancer; parce qu'ils l'avaient entrepris de leur propre mouvement, aussitôt qu'ils eurent suivi le conseil et obéi au commandement de Jésus, ils firent une pêche de plus grand nombre et de plus gros poissons, qu'ils n'eussent osé jamais espérer. L'on peut dire aussi que pendant toute la nuit ils avaient jeté leur filet vers la gauche, parce qu'ils ne recherchaient que leur commodité particulière.
Considérez que l'Apôtre saint Jean reconnut le Sauveur, avant que qui que ce soit des autres en eut la moindre pensée; parce que la pureté et la chasteté donnent de grands avantages pour plutôt pénétrer les choses qui regardent Dieu, comme l'assure saint Jérôme dans son Épître à Pammachius. Outre que Jésus dit aussi lui-même: Bienheureux sont ceux qui ont le cœur net; car ils verront Dieu.
Les Apôtres ayant amené à bord cent cinquante-trois gros poissons, en virent un qui rôtissait sur de la braise allumée, et Jésus les ayant invité à en manger, il leur en distribua avec du pain.
Considérez que Jésus prit la peine d'apprêter à diner aux Apôtres, et de faire cuire du poisson, pendant qu'ils étaient attachés à leur pêche ; ainsi lorsque nous travaillons dans son service, il nous prépare au Ciel un festin pour nous y régaler, et des couronnes pour, nous récompenser de notre travail.
Pensez un peu combien ce festin de Jésus avec ses Apôtres est délicieux et plein de bonheur. Voyez comment le Sauveur qui peu auparavant avec son humilité et sa charité ordinaire, avait fait pour ainsi dire le devoir de cuisinier, en leur apprêtant à diner, fait ici celui de serviteur en les servant à table, comme il leur présente du pain et du poisson, et comme il leur fait l'honneur de manger avec eux.
Ces bons Disciples étaient si surpris d'étonnement que se tenant debout avec respect, ils n'osaient ouvrir la bouche, non plus que des brebis quand; ils voient leur pasteur, et des enfants en la présence de leur père, qui a une tendresse toute particulière pour eux et étaient remplis d'une telle satisfaction, tant au corps qu'en l'âme; qu'elle paraissait au dehors par des larmes de joie. Et tout cela ne se faisait que pour leur persuader avec plus d'assurance, qu'il était véritablement ressuscité, et qu'après les peines et les douleurs qu'ils devaient souffrir en cette vie, lorsqu'ils feraient arrivés au port, c’est-à-dire à la vie éternelle, ils en seraient abondamment récompensés.
La mer de Tibériade
106 - APPARITION DE JÉSUS SUR LA MONTAGNE. ( Matthieu 28,16)
Les onze Disciples s'en allèrent en Galilée sur une montagne qui leur avait été marquée de Jésus. Alors qu'ils le virent ils l'adorèrent.
Considérez que cette apparition de Jésus est la plus remarquable de toutes, parce qu'il y fit paraitre plus évidemment quelle était la gloire et la puissance dont sa Passion était suivie; qu'il y fit voir à ses Apôtres le mystère de la vocation des Gentils ( des non-Juifs); qu'il les y établit les maitres et les Évêques de tout l'Univers, et qu'enfin il y jeta les fondements de son Église, pour vous faire comprendre avec quelle allégresse il a coutume de récompenser les travaux que l'on a courageusement entrepris, et les peines que l'on a souffertes pour l'honneur de son nom, de même que ses Disciples.
Remarquez que nous aurons enfin le don de convertir les pécheurs si comme les Apôtres nous abandonnons les vallées, c’est-à-dire les commodités de cette vie, pour monter sur la montagne de la perfection Évangélique, et si étant unis à Jésus nous demeurons comme lui attaché à la croix.
Jésus en les abordant leur dit : Tout pouvoir m' a été donné dans le Ciel et sur la terre : Allez, donc par tout le monde, et instruisez toutes les Nations à observer mes commandements; Baptisez,-les , ect.
Considérez la grande humilité de Jésus qui était dans l'entière et pleine possession de sa gloire; et qui comme Dieu ayant eu de toute éternité la souveraine toute-puissance ; et en qualité d'homme, dès le moment de sa conception; parle ici néanmoins comme s'il ne l'avait reçue que depuis sa Résurrection. Ce qui doit nous confondre puisque nous ne recherchons en toutes choses que notre propre gloire et notre honneur particulier, et que nous avons même la présomption de nous attribuer les grâces que nous avons reçues, au lieu de les rapporter à Dieu qui en est l'auteur.
Considérez quelle fut la joie des Apôtres quand ils apprirent que Jésus était élevé à une telle autorité après sa Passion, et sa Résurrection, et qu'il était non seulement délivré pour jamais des faiblesses et des incommodités de cette vie, mais aussi le souverain du Ciel et de la terre; en sorte qu'il pouvait à l'avenir leur prêter un secours efficace dans le monde, et leur conférer un Royaume éternel dans le Paradis : quand dis-je, ils se virent encore honorés d'une puissance presque égale à celle de Jésus, et qu'il leur était non seulement permis, mais même commandé de prêcher l'Évangile dans tout l'Univers, avec pouvoir de remettre les péchés.
Remarquez que nonobstant toutes ces grandeurs, ils ne sont point appelés au repos pendant cette vie, mais à y souffrir des peines qui sont presque inconcevables, et à des travaux qui qui sont au-dessus de la portée ordinaire des hommes.
Ceux qui croiront, chasseront les démons ( anges déchus) en mon nom, feront mourir les serpents, rendront la santé aux malades : Et je serai avec vous jusques à la fin des siècles.
Considérez que c'est une marque évidente d'une véritable et vive foi, animée par la charité : 1. Si l'on a l'intention et le zèle d'aider son prochain, par exemple si l'on procure qu'il chasse les démons : c'est à dire, qu'il se décharge de ses péchés par le Sacrement de Pénitence. 2. Si l'on se plait à traiter de ce qui regarde la gloire de Dieu, et l'avancement du salut des âmes; si en troisième lieu l'on a aversion des ruses et des tromperies du monde, qui se peuvent se comparer à celles des serpents : 4. Si l'on ramène par ses avis et par ses conseils, à la foi catholique, et à la sainteté de vie, ceux qui sont sur le point de s'en éloigner, si l'on conserve l'esprit et les mouvements de piété pendant la persécution, avec une parfaite confiance en Dieu, qui ne va point contre sa parole, et qui promet ici qu'il sera avec nous, et non point sur le tard, mais au moment du besoin et de l'occasion.
Car le terme de voilà, dont il se sert, marque un temps présent et tout à fait commode, comme s'il disait; toutefois et quand il en sera besoin je m'y trouverai, et quand il désigne sa personne , en disant , je serai, il marque celui qui peut nous retirer de toutes sortes de dangers.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
107 - DE LA MISSION DU SAINT ESPRIT ( Actes des Apôtres 2,1)
Pendant que les jours de la Pentecôte s'écoulaient, dit saint Luc, la sacrée Vierge, les Apôtres et les Disciples de Jésus étaient tous assemblés dans un même lieu.
Considérez combien étaient zélées et ferventes les prières de la sainte Vierge, et des Vingt-six Disciples de Jésus, en ce dernier jour du nombre mystérieux de cinquante, combien celle de Jésus lui-même dans le Ciel, après leur avoir promis qu'il prierait pour eux, quel était enfin le désir du saint Esprit, qui est l'Amour même, de fondre avec toute son abondance fur cette sainte compagnie, qui depuis le matin jusqu’à la neuvième heure du jour, l'invoquait avec des sanglots et des soupirs sans nombre et inconcevables.
Considérez que les cataractes du Ciel s'étant entr'ouvertes, il descendit sur cette assemblée, et fit savoir sa venue par le son d'un vent extraordinaire, accompagné de tonnerres, de pluie, de lumière et de feu. Persuadez-vous qu'ils tressaillirent tous d'une joie que l'on ne peut exprimer, et qu'étant embrasés dans l'intérieur d'un feu tout divin, leur premier mouvement fut de chanter les louanges de Dieu.
Pensez que le saint Esprit ne pouvait pas, longtemps leur différer cette grâce, tant parce qu'ils étaient assemblés en un même lieu; que parce qu'il y avait entr'eux une parfaite union et des cœurs et des âmes. Et considérez que comme ce divin Esprit est l'amour et l'union du Père et du Fils, il ne se peut faire qu'il n'aime et ne favorise une sainte union quelque part qu'elle se rencontre.
L'on entendit soudain le bruit venant du Ciel, comme d`un vent impétueux, qui remplit toute la maison ou ils étaient retirés.
Considérez que c'est le propre du saint Esprit de faire toutes choses sans retardement, En très peu de temps. En effet, dans un moment il crée tous les jours des âmes, comme autrefois en un instant il appela les Apôtres, il convertit saint Paul, le bon Larron, et St- Antoine. La grâce du saint Esprit, dit St Ambroise, ne souffre point de délais.
Que cet Esprit divin agit avec véhémence et avec un grand bruit; et que comme le vent est ordinairement suivi de tonnerres, d'éclairs et de pluies, de même quand le saint Esprit touche une âme, elle se porte aussitôt à la douleur de contrition, aux larmes, aux sanglots, aux soupirs, aux cris et à la pénitence. Qu'il remplit l'âme toute entière, son entendement, sa volonté et ses autres facultés, quand elles sont vides des désirs de la terre.
Qu`il se repose sur celui qui est humble et paisible, qui a la paix en sa conscience, et qui à son âme aussi tranquille que son corps le peut être quand il est assis.
Et l'on vit en même temps des langues comme de feu, divisées et arrêtées sur chacun d'eux; et aussitôt, ils commencèrent à s'exprimer en diverses sortes de langues.
Considérez que comme quand une maison est toute en feu, il en sort par les fenêtres et par le toit, ainsi quand les cœurs des Apôtres furent embrasés de celui du saint Esprit, il s'élança par leurs têtes; parce que de même que le feu agit incessamment cet Esprit divin ne peut être sans action; pour vous apprendre que vous n'en êtes pas animé, quand vos œuvres ne correspondent pas à vos saintes et bonnes résolutions, car l'homme de bien, dit Jésus en saint Luc, chapitre 6. tire de bonnes choses du trésor de son cœur. En effet les Apôtres embrasés de ce feu divin, bannirent toute crainte, et étant sortis du Cénacle, ils furent les Hérauts publics du nom et de la gloire de Jésus avec tant de zèle et tant de courage, que l'on croyait qu'ils fussent pris de vin.
108 - DE LA MORT GLORIEUSE, ET DE L'ASSOMPTION DE LA SACRÉE VIERGE.
Considérez de quelle joie fut comblée l'âme de la St Vierge lorsque l'heure de son dernier sommeil lui fut révélée, n'y ayant vécu que comme dans un ennuyeux exil.
L'arrivée miraculeuse de tous les Apôtres en cette rencontre; quelle vénération et quels respect ils lui rendirent; combien ardentes furent les prières qu'ils firent avec elle; enfin quelle fut l'allégresse mutuelle de leurs cœurs en cette aimable entrevue. Figurez-vous quelle était la tranquillité et la beauté du visage de la St Vierge, lorsque son âme très sainte se sépara de son corps et s'envola dans le Ciel, accompagnée d'un grand nombre d'esprits Angéliques qui la régalaient de leurs concerts et de leur harmonie, pendant que les Apôtres déploraient la perte qu'ils faisaient d'un si précieux trésor, avec quelle gloire elle fut accueillie à l'entrée du Ciel et reçue entre les bras de son Fils qui la mena au trône du Père Éternel.
Considérez avec quelle pompe et avec quel éclat cette âme très sainte toujours accompagnée d'esprits angéliques, descendit peu après du Ciel, par l'ordre du Père Tout-puissant , pour se réunir à son corps, et lui communiquer toutes ses grandeurs, comme il avait été le fidèle compagnon de tous ses travaux. Pensez quelle fut alors la gloire, la beauté et la splendeur de la St Vierge, car s'il est vrai que les Justes brilleront comme un soleil dans le Royaume de leur Père, au rapport de l'Écriture, que se doit on persuader de la Mère de Dieu, qui est l'Impératrice de tous les Saints, et qui ne fut jamais ternie du moindre ombrage de péché ? Imaginez-vous quelle et combien admirable fut l'escorte des Anges et des Saints qui lui tinrent compagnie jusques dans le Ciel, combien douce était leur mélodie, de quels éloges ils l'honorèrent, quelles louanges ils lui chantèrent; et enfin quelle fut la pompe et la magnificence de son entrée triomphante.
Considérez quelle joie ce fut à Jésus de voir sa très chère Mère, avec quelle tendresse et amour il lui prit la main et la fit entrer dans la lumière inaccessible du Paradis; comme il l'éleva au-dessus des trônes de tous les Anges et de tous les Saints; et enfin comme il la présenta lui-même à la très sainte Trinité. Représentez-vous que le Père Éternel la reçoit pour sa fille, le Fils de Dieu pour sa Mère, et le St Esprit pour son Épouse; que ces trois Personnes adorables la mettent en possession d'un trône éclatant de lumière et de gloire à la droite de son Fils; et la couronnent d'un diadème précieux et brillant de douze étoiles, aux acclamations et applaudissements de toute la Cour céleste.
Suite des Méditations sur les Évangiles
109 - DES PRODIGES AVANT-COUREURS DU DERNIER JUGEMENT. ( Matthieu 24,29)
Jésus dit à ses Disciples: Il y aura des prodiges au Soleil, en la Lune, et aux Étoiles, les hommes desséchant d'appréhension, ect
Considérez pourquoi d'abord dès le premier jour de l'Avent, que l'Église a institué pour célébrer l'heureuse entrée du Souverain des Rois dans le monde, par le mystère de son Incarnation, elle nous représente la formidable arrivée du jour du dernier Jugement. Si ce n'est peut-être pour réveiller et pour épouvanter par la crainte d'un jugement si terrible et si rigoureux, les âmes des pécheurs qui sont ensevelis dans leurs crimes, et les exhorter à l'entreprise et à la pratique des vertus nécessaires pour leur faire mériter le fruit de notre Rédemption, afin que par ce moyen ils puissent éviter en ce jour les peines qui leur sont préparées et qui sont dus à leurs péchés. C'est en effet cette pensée qui a surpris et étonné plusieurs grands hommes, entr'autres saint Jérôme, qui disait si hautement qu'il lui semblait toujours entendre cette voix de tonnerre: Levez-vous morts, venez au Jugement.
Pensez et repensez en vous-même combien les prodiges avant-coureurs de ce jugement seront effroyables; car le Soleil s'obscurcira, la Lune paraitra toute de sang, et l'on
verra les Astres si enflammés, qu'il semblera qu'ils soient tombés du Ciel en terre. Enfin la surprise des hommes sera si grande, que frappés d'une terreur extraordinaire, ils sècheront sur les pieds. Mais si ces signes avant-coureurs de ce dernier Jugement doivent être si effroyables, que pensez-vous que sera le Jugement même, auquel le Juge souverain de l'Univers doit exiger un compte exact de la moindre parole inutile, et fulminer la dernière Sentence contre les pécheurs ?
Quand ces prodiges commenceront à paraitre, tenez-vous attentifs, et élevez, votre tête; parce que votre Rédemption approche.
Considérez que les gens de bien sont ici avertis d'avoir toujours bonne espérance, et même de se réjouir dans le temps des détresses les plus surprenantes, parce qu'ils doivent entrer dans le Ciel par la voie des déplaisirs, des mortifications, des douleurs et des afflictions.
Que d'autant plus que les impies sont dans l'appréhension des peines qui leur sont préparées, d'autant plus les personnes vertueuses doivent être dans la joie, en considérant le grand Bonheur, duquel ils sont sur le point d'entrer en possession. Ce qui fera que ce jour n'aura rien de formidable pour ceux qui auront pratiqué la vertu, mais qu'au contraire il leur sera très agréable, parce qu'ils seront couronnés après les combats.
Considérez que les gens de bien seront extraordinairement satisfaits et contents du fruit de leur rédemption, dans l’espérance de voir bientôt leurs corps exempts de maladies, des dérèglements, des passions et de toute corruption; comme aussi de n'être plus en état de craindre les tentations du Démon, non plus que celles du monde, ni d'appréhender la damnation éternelle. Pensez enfin que leur joie sera comme un écoulement et une influence céleste, afin que vous sachiez qu'on n'en doit point attendre de solide sur la terre.
Il leur rapporta ensuite une comparaison. Prenez, garde, leur dit-il, au figuier et à tous les autres arbres quand ils commencent à produire leur fruit, vous ne doutez, plus que l'Été ne s'approche. Ainsi quand ces choses arriveront, sachez, assurément que le Royaume de Dieu n'est pas éloigné.
Considérez que notre Seigneur compare les signes qui précéderont le dernier Jugement, avec des arbres qui commencent à pousser; pour vous apprendre que les créatures deviendront beaucoup plus belles après ce grand jour, de même que les arbres chargés de fleurs pendant l'Été, sont plus agréables que quand ils sont tout secs, et comme morts durant l'Hiver. Remarquez encore que nous approchons du Royaume des Cieux, lorsque nous fleurissons, et sommes chargés de bonnes œuvres, de même que les arbres le font de leurs fruits.
110 - DE ST JEAN-BAPTISTE DÉTENU EN PRISON. ( Matthieu 11,2)
Jean ayant entendu dans sa prison les grandes et merveilleuses actions de Jésus-Christ, lui envoya deux de ses Disciples, et lui fit dire : Est-ce vous qui devez, venir, ou si nous en attendons un autre ?
Considérez qu'encore que saint Jean soit dans une prison, il ne se met point en peine d'en sortir, mais qu'il procure le salut de ses Disciples, et leur affermissement dans la foi et dans une sainteté de vie; pour vous apprendre que vous ne devez rien retrancher de vos prières et de vos autres exercices de piété, quand vous êtes tombé dans quelque affliction.
Remarquez encore que saint Jean ne députe pas vers Jésus-Christ, comme s'il doutait qu'il fut le véritable Messie; mais afin que l'ignorance de ceux qu'il envoyait, étant éclairée par les miracles dont ils seraient les spectateurs et les témoins, ils fussent par ce moyen plus facilement portés à s'attacher au Sauveur du monde; parce que sachant que dans peu de temps il devait mourir par le commandement d'Hérode, il ne serait plus en état de les instruire, ni de les conduire lui-même. D'où vous devez inférer que quand vous ne pouvez ou n'osez pas donner des avertissements ou des enseignements, vous devez vous en acquitter par l'entremise d'autrui.
Jésus répondit : Allez, dire à Jean ce que vous avez entendu et ce que vous avez, vu: Les aveugles voient, et les pauvres sont instruits de l'Évangile, et heureux est celui qui ne trouvera point en moi de sujet de scandale.
Considérez que Jésus-Christ ne dit pas ouvertement qu'il est le Messie qui doit venir, mais seulement qu'il fait les actions que l'Écriture attribué au Messie, pour nous apprendre que personne ne doit se louer soi-même sans grande raison; mais dire seulement pour la gloire de Dieu, ce qui suffit à procurer le salut de son prochain. Que le Fils de Dieu enseigne à tous ceux qui ont quelque supériorité, de pratiquer les premiers ce qu'ils commandent à leurs sujets; puisqu’en cette rencontre il aima mieux rendre réponse par ses actions que par sa parole.
Remarquez que Jésus-Christ reprend en mots couverts, les Disciples de saint Jean; lorsqu'il dit : Heureux celui qui ne trouvera point en moi de sujet de scandale; car le grand amour qu'ils avaient pour leur Maitre les empêchait même encore de croire au Fils de Dieu; ce qui nous enseigne de ne faire point de confusion à des pécheurs cachés, comme Jésus-Christ le pratiqua encore une autre fois envers Judas, qu'il reprit couvertement, parce que son péché n'était pas connu.
Or comme ils s'en allaient, Jésus dit aux troupes qui l'environnaient: Qui êtes-vous venu voir au désert? Un Roseau battu du vent ? Ou un homme venu d'habits de délicatesse et de somptuosité ? Ou un Prophète ? Oui certes un Prophète; et plus que Prophète.
Considérez que Jésus-Christ ne fit point l'éloge de saint Jean devant ses Disciples, tant afin de ne point passer pour un flatteur, que de crainte qu'ils ne prissent occasion de tant de louanges, de lui préférer leur maitre, quoique sans raison. Ce qui peut faire voir qu'on doit parler avec prudence et discrétion de la vertu des Saints, en présence des Hérétiques et des impies; de crainte qu'ils n'en prennent occasion de les calomnier.
Considérez que notre Sauveur loue en cette occasion l'austérité des habits, et qu'il approuve la rigueur de la vie des Solitaires et des autres Religieux; mais qu'au contraire il condamne la superfluité et la richesse que les mondains emploient à se vêtir. Que la constance accompagne l'austérité et la pauvreté, parce qu'en effet il n'y a personne si ferme et si confiant à conserver la foi et la vérité contre le monde et contre ses Princes, que ceux qui ont véritablement et sérieusement renoncé à l'esprit du monde, à ses richesses, et à ses pompes.
Qu'il est fort à propos de raconter souvent au peuple, et aux personnes simples les actions vertueuses des Saints, tant en public qu'en particulier.
Pendant que les jours de la Pentecôte s'écoulaient, dit saint Luc, la sacrée Vierge, les Apôtres et les Disciples de Jésus étaient tous assemblés dans un même lieu.
Considérez combien étaient zélées et ferventes les prières de la sainte Vierge, et des Vingt-six Disciples de Jésus, en ce dernier jour du nombre mystérieux de cinquante, combien celle de Jésus lui-même dans le Ciel, après leur avoir promis qu'il prierait pour eux, quel était enfin le désir du saint Esprit, qui est l'Amour même, de fondre avec toute son abondance fur cette sainte compagnie, qui depuis le matin jusqu’à la neuvième heure du jour, l'invoquait avec des sanglots et des soupirs sans nombre et inconcevables.
Considérez que les cataractes du Ciel s'étant entr'ouvertes, il descendit sur cette assemblée, et fit savoir sa venue par le son d'un vent extraordinaire, accompagné de tonnerres, de pluie, de lumière et de feu. Persuadez-vous qu'ils tressaillirent tous d'une joie que l'on ne peut exprimer, et qu'étant embrasés dans l'intérieur d'un feu tout divin, leur premier mouvement fut de chanter les louanges de Dieu.
Pensez que le saint Esprit ne pouvait pas, longtemps leur différer cette grâce, tant parce qu'ils étaient assemblés en un même lieu; que parce qu'il y avait entr'eux une parfaite union et des cœurs et des âmes. Et considérez que comme ce divin Esprit est l'amour et l'union du Père et du Fils, il ne se peut faire qu'il n'aime et ne favorise une sainte union quelque part qu'elle se rencontre.
L'on entendit soudain le bruit venant du Ciel, comme d`un vent impétueux, qui remplit toute la maison ou ils étaient retirés.
Considérez que c'est le propre du saint Esprit de faire toutes choses sans retardement, En très peu de temps. En effet, dans un moment il crée tous les jours des âmes, comme autrefois en un instant il appela les Apôtres, il convertit saint Paul, le bon Larron, et St- Antoine. La grâce du saint Esprit, dit St Ambroise, ne souffre point de délais.
Que cet Esprit divin agit avec véhémence et avec un grand bruit; et que comme le vent est ordinairement suivi de tonnerres, d'éclairs et de pluies, de même quand le saint Esprit touche une âme, elle se porte aussitôt à la douleur de contrition, aux larmes, aux sanglots, aux soupirs, aux cris et à la pénitence. Qu'il remplit l'âme toute entière, son entendement, sa volonté et ses autres facultés, quand elles sont vides des désirs de la terre.
Qu`il se repose sur celui qui est humble et paisible, qui a la paix en sa conscience, et qui à son âme aussi tranquille que son corps le peut être quand il est assis.
Et l'on vit en même temps des langues comme de feu, divisées et arrêtées sur chacun d'eux; et aussitôt, ils commencèrent à s'exprimer en diverses sortes de langues.
Considérez que comme quand une maison est toute en feu, il en sort par les fenêtres et par le toit, ainsi quand les cœurs des Apôtres furent embrasés de celui du saint Esprit, il s'élança par leurs têtes; parce que de même que le feu agit incessamment cet Esprit divin ne peut être sans action; pour vous apprendre que vous n'en êtes pas animé, quand vos œuvres ne correspondent pas à vos saintes et bonnes résolutions, car l'homme de bien, dit Jésus en saint Luc, chapitre 6. tire de bonnes choses du trésor de son cœur. En effet les Apôtres embrasés de ce feu divin, bannirent toute crainte, et étant sortis du Cénacle, ils furent les Hérauts publics du nom et de la gloire de Jésus avec tant de zèle et tant de courage, que l'on croyait qu'ils fussent pris de vin.
108 - DE LA MORT GLORIEUSE, ET DE L'ASSOMPTION DE LA SACRÉE VIERGE.
Considérez de quelle joie fut comblée l'âme de la St Vierge lorsque l'heure de son dernier sommeil lui fut révélée, n'y ayant vécu que comme dans un ennuyeux exil.
L'arrivée miraculeuse de tous les Apôtres en cette rencontre; quelle vénération et quels respect ils lui rendirent; combien ardentes furent les prières qu'ils firent avec elle; enfin quelle fut l'allégresse mutuelle de leurs cœurs en cette aimable entrevue. Figurez-vous quelle était la tranquillité et la beauté du visage de la St Vierge, lorsque son âme très sainte se sépara de son corps et s'envola dans le Ciel, accompagnée d'un grand nombre d'esprits Angéliques qui la régalaient de leurs concerts et de leur harmonie, pendant que les Apôtres déploraient la perte qu'ils faisaient d'un si précieux trésor, avec quelle gloire elle fut accueillie à l'entrée du Ciel et reçue entre les bras de son Fils qui la mena au trône du Père Éternel.
Considérez avec quelle pompe et avec quel éclat cette âme très sainte toujours accompagnée d'esprits angéliques, descendit peu après du Ciel, par l'ordre du Père Tout-puissant , pour se réunir à son corps, et lui communiquer toutes ses grandeurs, comme il avait été le fidèle compagnon de tous ses travaux. Pensez quelle fut alors la gloire, la beauté et la splendeur de la St Vierge, car s'il est vrai que les Justes brilleront comme un soleil dans le Royaume de leur Père, au rapport de l'Écriture, que se doit on persuader de la Mère de Dieu, qui est l'Impératrice de tous les Saints, et qui ne fut jamais ternie du moindre ombrage de péché ? Imaginez-vous quelle et combien admirable fut l'escorte des Anges et des Saints qui lui tinrent compagnie jusques dans le Ciel, combien douce était leur mélodie, de quels éloges ils l'honorèrent, quelles louanges ils lui chantèrent; et enfin quelle fut la pompe et la magnificence de son entrée triomphante.
Considérez quelle joie ce fut à Jésus de voir sa très chère Mère, avec quelle tendresse et amour il lui prit la main et la fit entrer dans la lumière inaccessible du Paradis; comme il l'éleva au-dessus des trônes de tous les Anges et de tous les Saints; et enfin comme il la présenta lui-même à la très sainte Trinité. Représentez-vous que le Père Éternel la reçoit pour sa fille, le Fils de Dieu pour sa Mère, et le St Esprit pour son Épouse; que ces trois Personnes adorables la mettent en possession d'un trône éclatant de lumière et de gloire à la droite de son Fils; et la couronnent d'un diadème précieux et brillant de douze étoiles, aux acclamations et applaudissements de toute la Cour céleste.
Suite des Méditations sur les Évangiles
109 - DES PRODIGES AVANT-COUREURS DU DERNIER JUGEMENT. ( Matthieu 24,29)
Jésus dit à ses Disciples: Il y aura des prodiges au Soleil, en la Lune, et aux Étoiles, les hommes desséchant d'appréhension, ect
Considérez pourquoi d'abord dès le premier jour de l'Avent, que l'Église a institué pour célébrer l'heureuse entrée du Souverain des Rois dans le monde, par le mystère de son Incarnation, elle nous représente la formidable arrivée du jour du dernier Jugement. Si ce n'est peut-être pour réveiller et pour épouvanter par la crainte d'un jugement si terrible et si rigoureux, les âmes des pécheurs qui sont ensevelis dans leurs crimes, et les exhorter à l'entreprise et à la pratique des vertus nécessaires pour leur faire mériter le fruit de notre Rédemption, afin que par ce moyen ils puissent éviter en ce jour les peines qui leur sont préparées et qui sont dus à leurs péchés. C'est en effet cette pensée qui a surpris et étonné plusieurs grands hommes, entr'autres saint Jérôme, qui disait si hautement qu'il lui semblait toujours entendre cette voix de tonnerre: Levez-vous morts, venez au Jugement.
Pensez et repensez en vous-même combien les prodiges avant-coureurs de ce jugement seront effroyables; car le Soleil s'obscurcira, la Lune paraitra toute de sang, et l'on
verra les Astres si enflammés, qu'il semblera qu'ils soient tombés du Ciel en terre. Enfin la surprise des hommes sera si grande, que frappés d'une terreur extraordinaire, ils sècheront sur les pieds. Mais si ces signes avant-coureurs de ce dernier Jugement doivent être si effroyables, que pensez-vous que sera le Jugement même, auquel le Juge souverain de l'Univers doit exiger un compte exact de la moindre parole inutile, et fulminer la dernière Sentence contre les pécheurs ?
Quand ces prodiges commenceront à paraitre, tenez-vous attentifs, et élevez, votre tête; parce que votre Rédemption approche.
Considérez que les gens de bien sont ici avertis d'avoir toujours bonne espérance, et même de se réjouir dans le temps des détresses les plus surprenantes, parce qu'ils doivent entrer dans le Ciel par la voie des déplaisirs, des mortifications, des douleurs et des afflictions.
Que d'autant plus que les impies sont dans l'appréhension des peines qui leur sont préparées, d'autant plus les personnes vertueuses doivent être dans la joie, en considérant le grand Bonheur, duquel ils sont sur le point d'entrer en possession. Ce qui fera que ce jour n'aura rien de formidable pour ceux qui auront pratiqué la vertu, mais qu'au contraire il leur sera très agréable, parce qu'ils seront couronnés après les combats.
Considérez que les gens de bien seront extraordinairement satisfaits et contents du fruit de leur rédemption, dans l’espérance de voir bientôt leurs corps exempts de maladies, des dérèglements, des passions et de toute corruption; comme aussi de n'être plus en état de craindre les tentations du Démon, non plus que celles du monde, ni d'appréhender la damnation éternelle. Pensez enfin que leur joie sera comme un écoulement et une influence céleste, afin que vous sachiez qu'on n'en doit point attendre de solide sur la terre.
Il leur rapporta ensuite une comparaison. Prenez, garde, leur dit-il, au figuier et à tous les autres arbres quand ils commencent à produire leur fruit, vous ne doutez, plus que l'Été ne s'approche. Ainsi quand ces choses arriveront, sachez, assurément que le Royaume de Dieu n'est pas éloigné.
Considérez que notre Seigneur compare les signes qui précéderont le dernier Jugement, avec des arbres qui commencent à pousser; pour vous apprendre que les créatures deviendront beaucoup plus belles après ce grand jour, de même que les arbres chargés de fleurs pendant l'Été, sont plus agréables que quand ils sont tout secs, et comme morts durant l'Hiver. Remarquez encore que nous approchons du Royaume des Cieux, lorsque nous fleurissons, et sommes chargés de bonnes œuvres, de même que les arbres le font de leurs fruits.
110 - DE ST JEAN-BAPTISTE DÉTENU EN PRISON. ( Matthieu 11,2)
Jean ayant entendu dans sa prison les grandes et merveilleuses actions de Jésus-Christ, lui envoya deux de ses Disciples, et lui fit dire : Est-ce vous qui devez, venir, ou si nous en attendons un autre ?
Considérez qu'encore que saint Jean soit dans une prison, il ne se met point en peine d'en sortir, mais qu'il procure le salut de ses Disciples, et leur affermissement dans la foi et dans une sainteté de vie; pour vous apprendre que vous ne devez rien retrancher de vos prières et de vos autres exercices de piété, quand vous êtes tombé dans quelque affliction.
Remarquez encore que saint Jean ne députe pas vers Jésus-Christ, comme s'il doutait qu'il fut le véritable Messie; mais afin que l'ignorance de ceux qu'il envoyait, étant éclairée par les miracles dont ils seraient les spectateurs et les témoins, ils fussent par ce moyen plus facilement portés à s'attacher au Sauveur du monde; parce que sachant que dans peu de temps il devait mourir par le commandement d'Hérode, il ne serait plus en état de les instruire, ni de les conduire lui-même. D'où vous devez inférer que quand vous ne pouvez ou n'osez pas donner des avertissements ou des enseignements, vous devez vous en acquitter par l'entremise d'autrui.
Jésus répondit : Allez, dire à Jean ce que vous avez entendu et ce que vous avez, vu: Les aveugles voient, et les pauvres sont instruits de l'Évangile, et heureux est celui qui ne trouvera point en moi de sujet de scandale.
Considérez que Jésus-Christ ne dit pas ouvertement qu'il est le Messie qui doit venir, mais seulement qu'il fait les actions que l'Écriture attribué au Messie, pour nous apprendre que personne ne doit se louer soi-même sans grande raison; mais dire seulement pour la gloire de Dieu, ce qui suffit à procurer le salut de son prochain. Que le Fils de Dieu enseigne à tous ceux qui ont quelque supériorité, de pratiquer les premiers ce qu'ils commandent à leurs sujets; puisqu’en cette rencontre il aima mieux rendre réponse par ses actions que par sa parole.
Remarquez que Jésus-Christ reprend en mots couverts, les Disciples de saint Jean; lorsqu'il dit : Heureux celui qui ne trouvera point en moi de sujet de scandale; car le grand amour qu'ils avaient pour leur Maitre les empêchait même encore de croire au Fils de Dieu; ce qui nous enseigne de ne faire point de confusion à des pécheurs cachés, comme Jésus-Christ le pratiqua encore une autre fois envers Judas, qu'il reprit couvertement, parce que son péché n'était pas connu.
Or comme ils s'en allaient, Jésus dit aux troupes qui l'environnaient: Qui êtes-vous venu voir au désert? Un Roseau battu du vent ? Ou un homme venu d'habits de délicatesse et de somptuosité ? Ou un Prophète ? Oui certes un Prophète; et plus que Prophète.
Considérez que Jésus-Christ ne fit point l'éloge de saint Jean devant ses Disciples, tant afin de ne point passer pour un flatteur, que de crainte qu'ils ne prissent occasion de tant de louanges, de lui préférer leur maitre, quoique sans raison. Ce qui peut faire voir qu'on doit parler avec prudence et discrétion de la vertu des Saints, en présence des Hérétiques et des impies; de crainte qu'ils n'en prennent occasion de les calomnier.
Considérez que notre Sauveur loue en cette occasion l'austérité des habits, et qu'il approuve la rigueur de la vie des Solitaires et des autres Religieux; mais qu'au contraire il condamne la superfluité et la richesse que les mondains emploient à se vêtir. Que la constance accompagne l'austérité et la pauvreté, parce qu'en effet il n'y a personne si ferme et si confiant à conserver la foi et la vérité contre le monde et contre ses Princes, que ceux qui ont véritablement et sérieusement renoncé à l'esprit du monde, à ses richesses, et à ses pompes.
Qu'il est fort à propos de raconter souvent au peuple, et aux personnes simples les actions vertueuses des Saints, tant en public qu'en particulier.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
111 - PREMIÈRE PRÉDICATION DE ST JEAN-BAPTISTE ( Luc 3,1)
L 'An quinzième de l'Empire de Tibère César, la parole du Seigneur fut adressée à Jean dans le désert.
Considérez pourquoi l'Évangéliste remarque que saint Jean le baptiste fut envoyé durant le règne de Tibère. Il est à croire qu'il le fait pour faire voir clairement que c'était le temps prédit par les Prophètes; afin que les Juifs et les Gentils fussent plus aisément convaincus de leur infidélité, et que d'ailleurs les Chrétiens qui auraient pu être dans le doute, fussent entièrement persuadés du mystère de l'Incarnation.
Observez que l'Évangile parle en termes exprès, de ceux qui gouvernaient les peuples en ce temps-là, comme de l'Empereur romain Tibère, d'Hérode, de Caïphe, d'Anne et d'autres encore, quoi qu'ils ne fussent tous que des scélérats; afin que la grandeur de la Bonté divine parût avec plus d'éclat, puisque dans un siècle où elle était offensée avec le plus d'insolence par ces impies, elle leur offrait même la rémission de leurs péchés.
Remarquez que St Jean ne s'ingère point de prêcher dans le désert qu'après y avoir été appelé de Dieu; afin de faire voir aux Prédicateurs qu'ils ne doivent pas monter en Chaire de leur propre mouvement, par brigue, par vanité, par curiosité, ou par quelque autre motif moins recommandable; mais après en avoir connu la volonté de Dieu dans une Retraite, ou après des prières ferventes et zélées sur ce sujet, ou enfin après en avoir pris le conseil d'un homme prudent.
Il prêchait dans le désert le Baptême de Pénitence four obtenir la rémission des péchés, et en disant : Je suis la voix de celui qui crie dans le désert.
Considérez que quoi que saint Jean eut été sanctifié dans le ventre de sa mère, il avait néanmoins vécu dans un désert, pour éviter les occasions du péché et que nous qui naissons tous dans le péché, et qui nous en souillons encore tous les jours, nous sommes, dis-je, si hardis que de vivre au milieu des occasions d'offenser Dieu, et que souvent même nous les recherchons.
Pensez que saint Jean ne prêche pas dans des villes bien peuplées, et qu'il ne prêche que la Pénitence, pour enseigner par son exemple aux Prédicateurs, quelle est leur obligation d'annoncer la parole de Dieu aux pauvres, aux paysans, et aux gens grossiers et de basse condition; et qu'ils ne doivent pas briguer les grandes Chaires pour y traiter de choses relevées et curieuses, mais qu'il est de leur devoir de s'accommoder à la portée de leurs Auditeurs.
Remarquez qu'un Prédicateur est une voix qui crie dans le désert, lors que ses actions ne répondent pas à ses paroles, et que son âme est pleine de désordres et de dérèglements, comme les déserts ne sont remplis que de bêtes farouches.
Toute vallée sera comblée, toute montagne et toute colline sera ravalée, les choses tordues deviendront droites, les lieux les plus rudes se changeront en beaux chemins, et toute chair verra le salut de Dieu.
Considérez que notre Seigneur veut que nous soyons bien disposés pour entendre sa parole, et que la préparation qu'il désire, est qu'il n'y ait en nous, aucun élèvement de vanité ou de superbe, non plus qu'aucun ravalement de paresse, ou de lâcheté; que nous n'ayons aucune intention oblique, aucune rudesse de rancune, aucun mépris du prochain. Corrigeons donc tous ces défauts, afin qu'il nous trouve parfaitement bien disposés à son arrivée.
Considérez que le Sauveur lui-même en entrant dans le monde, nous a fourni tous ces préparatifs, et qu'il nous a frayé le chemin pour parvenir à la béatitude de la rédemption, par sa grâce, par sa doctrine, par les exemples de ses vertus, notamment de son humilité, de son obéissance, de sa patience et de sa charité. Soyez donc honteux d'avoir si peu profité de sa venue, vous qui faites difficulté d'entrer dans un chemin que tant d'enfants, et tant de jeunes filles ont couru si gaiement, puisqu’ils sont devenus les Martyrs de Jésus-Christ.
SUITE DE LA PREMIÈRE PRÉDICATION DE ST JEAN-BAPTISTE.
L'An quinzième de l'Empire de Tibère.
Considérez premièrement que tous ceux dont il est fait mention dans cet Évangile, quoi que les uns aient été Empereurs, les autres Rois et Gouverneurs de Provinces, les autres souverains Pontifes, et tous en général aient eu un pouvoir absolu, ont cette d'être ce qu'ils étaient, dès il y a longtemps; pour vous apprendre que ces grands noms et ces titres pleins de faste font peu considérables, quoique les hommes en fassent tant d'état.
Pensez que ces Potentats qui sont ici nommés, comparaitront un jour avec nous et avec la plus vile populace, devant un même Juge et devant un même Tribunal. Mais hélas! que ces grands noms sont peu de chose devant Dieu ! Celui qui porte aujourd’hui le nom d'Empereur, de Roi, de Prince et de Pontife, désirera en ce grand jour d'avoir porté celui de valet ou de laquais, et mériter le titre de Chrétien et d'homme de bien. Dieu, dit Job dans le chapitre 34 traitera les Rois, d'Apostats; et les Princes d'impies.
La parole de Dieu s'est reposée dans le désert sur Jean, fils de Zacharie.
Considérez premièrement les avantages de la solitude et des déserts; car c'est dans ces lieux que Dieu parle; c'est là qu'il se communique à saint Jean d'une façon toute particulière. Ce n'est pas dans la maison de Zacharie, quoiqu'il fut si religieux et si saint ce n'est pas dans le Palais d'Hérode, mais c'est dans le désert que la parole de Dieu s'est adressée à saint Jean.
Considérez qu'aussitôt que saint Jean eut connaissance de la volonté de Dieu, il sortit de la solitude pour venir prêcher la Pénitence au bord du Jourdain; d'où l'on doit inférer
qu'il faut obéir quand Dieu nous tire du repos et de la tranquillité, pour nous faire agir d'une autre manière, puisque l'on peut par tout avoir soin de son salut; dans le monde même comme dans le désert.
Il prêcha le Baptême de la Pénitence pour la rémission des péchés.
Pensez premièrement, que les Prédicateurs Évangéliques qui recherchent la gloire de Dieu, et le salut de leur prochain, ne sauraient choisir de sujet de leurs prédications plus
propre, que la Pénitence. C'est par elle que Notre Seigneur et ses Apôtres ont commencé de prêcher. Pensez au besoin que nous avons de faire Pénitence, car elle n'est pas seulement pour les peuples qui habitent sur les bords du Jourdain, mais pour toutes les Nations de la terre; de sorte que vous ne pouvez entrer dans aucune ville, aucun bourg , et même dans aucune maison particulière, de quelque religion, ou de quelque piété qu'elle fasse profession, que vous ne puissiez avec profit et avec quelque sorte de nécessité, y exhorter à faire pénitence, puisque partout il y a quelque chose à reformer. Si nous disons, dit Saint Jean, que nous sommes sans péché, nous nous trompons nous-mêmes, et nous ne disons pas la vérité.
Prenez bien garde aux avantages que nous apporte la Pénitence, car étant établie pour obtenir le pardon de nos péchés, pourquoi la faisons nous si tard? pourquoi la différons-nous? N'est-il pas avantageux et utile d'être quitte de ses dettes ? Résolvez-vous donc de faire pénitence au plutôt, de confesser vos péchés, d'en éviter les occasions, et de satisfaire entièrement à Dieu.
112 - JOSEPH ET MARIE ÉTAIENT DANS L'ADMIRATION.( Luc 2,33)
Joseph et Marie Mère de Jésus étaient dans l'admiration des choses qu'ils entendaient dire de ce divin enfant.
Considérez premièrement que ce père putatif et cette véritable Mère de Jésus étaient dans une admiration extraordinaire de tout ce qui ce disait et se faisait à l'égard de ce divin Enfant, d'autant plus qu'ils ne voyaient rien de particulier en sa personne, qui ne ce rencontrait dans tous les autres enfants; et cela pour vous enseigner que quoi que vous ne voyez rien des yeux du corps de tout ce que vous croyez; vous devez néanmoins donner une entière créance à l'Église, c'est à dire à tant de saints Pères qui rendent de si authentiques témoignages de tout ce que l'on doit croire.
Considérez quelles étaient les mœurs de Jésus enfant, et y conformez les vôtres, parce qu'il ne ce fut pas soumis aux bassesses de l'enfance, si étant en cet état il n'y eut rien eu en lui qui fut très digne d'être imité. Outre que la parole du Sauveur nous assure, que si nous ne devenons comme de petits enfants, nous n'entrerons point dans le Royaume des Cieux.
Siméon dit à Marie: Voici que cet Enfant sera le sujet de la perte, et de la résurrection de plusieurs; il sera même un but de contradiction, et le glaive de douleur transpercera votre âme.
Considérez que Simon prédit les amertumes et les déplaisirs dont Jésus et sa sainte Mère devaient sentir et souffrir les atteintes; et qu'il le fait au milieu de tant de joie et de tant d'allégresse, pour nous faire entendre qu'il n'y a point de joie parfaite en ce monde, et qu'au contraire nous n'y devons attendre qu'une infinité de douleurs et d'afflictions, si nous voulons être de véritables Disciples de Jésus-Christ.
Considérez que la sainte Vierge fût animée par cette triste prophétie à souffrir un grand ombre de douleurs avec son Fils, et qu'elle eut part à sa gloire, qui était de souffrir et de mourir en obéissant à fon Père Éternel; car les afflictions souffertes pour Jésus-Christ, sont si pleines d'honneur et de gloire, que comme ce divin Fils aimait tendrement sa sainte Mère, il voulut qu'elle fut affligée au-delà de tous, les hommes, et que le glaive de la Croix transperçât son âme ce qui a fait que les Saints lui ont donné le titre de Martyre des Martyrs.
Or l`Enfant croissait et s'avançait, étant plein de sagesse, et la grâce de Dieu était avec lui.
Considérez que l'Enfant Jésus avait la connaissance de toutes choses tant divines qu'humaines ; en sorte qu'il n'avait pas besoin de précepteur, et qu'il était agréable et chéri de Dieu et des hommes; car il était exempt de toute tache de péché, et doué de toutes les vertus, et de toutes sortes de dons célestes.
113- DU GRAIN DE MOUTARDE. ( Matthieu 13,31)
Le Royaume des Cieux est semblable à un grain de moutarde, qui étant semé dans un champ, est la plus petite production de toutes les semences, mais quand il a pris accroissement il devient un arbre, les oiseaux de l'air y accourent et font leur demeure dessus ses branches.
Considérez que l'Église, tant militante que triomphante, désignée ici par le Royaume des Cieux, est comparée à un grain de moutarde; et cela pour beaucoup de raisons. La première se peut prendre de l'Église même. En effet, qu'y avait-il de plus petit que l'Église en son commencement ? car elle ne comprenait alors que la sacrée Vierge, les Apôtres et quelques Disciples de Jésus; mais ensuite elle a eu de tels accroissements, qu'elle a eu et aura plusieurs milliards de Chrétiens.
La seconde, de son chef qui est Jésus, qui en son Incarnation, en sa naissance, en sa vie , en sa passion, et enfin en sa mort, a été si petit et si ravalé qu'il semblait n'être pas un homme, mais un ver de terre; l'opprobre des hommes, et presque rien, si je l'ose ainsi dire; et néanmoins personne ne peut ignorer combien il a été élevé par son Père, qui lui a fait présent d'un nom adorable qui l'emporte par-dessus tout autre nom; et de telle manière, qu'avec toute sorte de justice, tous les honneurs que l'on se peut figurer, lui sont dû et dans le Ciel et sur la terre.
La troisième enfin se peut rapporter aux membres de l'Église, qui sont les Chrétiens et principalement les gens de bien; dont les hommes à la vérité font bien peu d'estime; car il n'y a personne qui ne les méprise et ne les persécute comme le rebut de la nature, et néanmoins ils deviennent très-grands devant Dieu, ils sont honorés et en ce monde et en l'autre, à cause de leurs qualités recommandables, et de leurs vertus signalées, en sorte que les puissances de la terre semblent avoir de l'empressement pour s'acquérir leurs faveurs et leurs bonnes grâces.
Considérez que l'Église est encore semblable à un grain de moutarde, si l'on a égard aux moyens dont Dieu se sert pour la gouverner, qui sont sa divine parole, les Sacrements et les vertus.
Pour commencer par la parole divine, soit écrite, soit exposée, soit inspirée, n'est-il pas vrai qu'elle semble être petite, et qu'elle est même méprisée par les Sages du monde? Que si toutefois elle prend racine dans un cœur, elle y opère des prodiges. Elle y introduit le mépris des richesses, des honneurs, des plaisirs et de toutes les choses de la terre; elle lui imprime et lui persuade le désir de posséder Dieu seul dans une maison Religieuse; à quoi suffit l'exemple d'un seul homme, comme peut-être celui de saint Antoine, de saint François, et de tous les autres Fondateurs des Ordres Religieux.
De même, les Sacrements semblent être vils et chétifs en apparence. Dans le Baptême, par exemple, que voyez-vous qu'un peu d'eau? dans l'Eucharistie qu'aperçoit-on que les accidents du pain et du vin ? dans l'Extrême-Onction des malades il n'y a qu'un peu d'huile et ainsi des autres. Ils produisent néanmoins des effets si relevés et d'une si haute nature; que tous les hommes ensemble ne peuvent pas approcher de la moindre de leurs productions.
A l'égard des vertus Chrétiennes et des maximes de l'Évangile, comme de la foi en Jésus crucifié, la plupart des hommes en font si peu d'état, que les Juifs en sont scandalisés, et que les Gentils ( les non-juifs) la traitent de folie; de même que la pauvreté d'esprit, la patience, l'humilité, et leurs semblables, sont tenues par les partisans du monde pour des badineries; et néanmoins si l'une de ces vertus est bien gravée dans une âme, elle l'élèvera au comble d'un parfait bonheur, et de la véritable sagesse.
Considérez et inférez de ce qui est dit, qu'il faut embrasser premièrement l'humilité, qui à bon droit est figurée par le grain de moutarde. Car comme ce grain : 1. Est fort petit: 2. Comme étant jeté dans la terre on le couvre et on le cache: 3 . Comme il se corrompt et est presque anéanti : 4. Comme il germe, comme il prend accroissement et devient arbre : 5. Comme il produit un nombre innombrable d'autres grains : 6. Comme enfin il sert d'ombrage et de retraite aux oiseaux de l'air.
Ainsi celui qui est véritablement humble : 1.Parait peu de chose à soi-même : 2. Il ne sait pas qu'il a cette vertu: 3. Il se croit mort au monde, et qu'il n'est qu'un pur néant : 4. Il fait du progrès dans la vertu, et parvient à une grande sainteté : 5. Les autres vertus en procèdent comme de leur racine : 6. Enfin les Anges et le Roi même des Anges, font leur demeure dans son âme, et y trouvent leur satisfaction. Quoi plus ? Il a l'expérience avantageuse de ce qui est dit dans l'Évangile : que celui qui s'humilie, sera élevé, par la grâce en ce monde, et par la gloire en l'autre.
L 'An quinzième de l'Empire de Tibère César, la parole du Seigneur fut adressée à Jean dans le désert.
Considérez pourquoi l'Évangéliste remarque que saint Jean le baptiste fut envoyé durant le règne de Tibère. Il est à croire qu'il le fait pour faire voir clairement que c'était le temps prédit par les Prophètes; afin que les Juifs et les Gentils fussent plus aisément convaincus de leur infidélité, et que d'ailleurs les Chrétiens qui auraient pu être dans le doute, fussent entièrement persuadés du mystère de l'Incarnation.
Observez que l'Évangile parle en termes exprès, de ceux qui gouvernaient les peuples en ce temps-là, comme de l'Empereur romain Tibère, d'Hérode, de Caïphe, d'Anne et d'autres encore, quoi qu'ils ne fussent tous que des scélérats; afin que la grandeur de la Bonté divine parût avec plus d'éclat, puisque dans un siècle où elle était offensée avec le plus d'insolence par ces impies, elle leur offrait même la rémission de leurs péchés.
Remarquez que St Jean ne s'ingère point de prêcher dans le désert qu'après y avoir été appelé de Dieu; afin de faire voir aux Prédicateurs qu'ils ne doivent pas monter en Chaire de leur propre mouvement, par brigue, par vanité, par curiosité, ou par quelque autre motif moins recommandable; mais après en avoir connu la volonté de Dieu dans une Retraite, ou après des prières ferventes et zélées sur ce sujet, ou enfin après en avoir pris le conseil d'un homme prudent.
Il prêchait dans le désert le Baptême de Pénitence four obtenir la rémission des péchés, et en disant : Je suis la voix de celui qui crie dans le désert.
Considérez que quoi que saint Jean eut été sanctifié dans le ventre de sa mère, il avait néanmoins vécu dans un désert, pour éviter les occasions du péché et que nous qui naissons tous dans le péché, et qui nous en souillons encore tous les jours, nous sommes, dis-je, si hardis que de vivre au milieu des occasions d'offenser Dieu, et que souvent même nous les recherchons.
Pensez que saint Jean ne prêche pas dans des villes bien peuplées, et qu'il ne prêche que la Pénitence, pour enseigner par son exemple aux Prédicateurs, quelle est leur obligation d'annoncer la parole de Dieu aux pauvres, aux paysans, et aux gens grossiers et de basse condition; et qu'ils ne doivent pas briguer les grandes Chaires pour y traiter de choses relevées et curieuses, mais qu'il est de leur devoir de s'accommoder à la portée de leurs Auditeurs.
Remarquez qu'un Prédicateur est une voix qui crie dans le désert, lors que ses actions ne répondent pas à ses paroles, et que son âme est pleine de désordres et de dérèglements, comme les déserts ne sont remplis que de bêtes farouches.
Toute vallée sera comblée, toute montagne et toute colline sera ravalée, les choses tordues deviendront droites, les lieux les plus rudes se changeront en beaux chemins, et toute chair verra le salut de Dieu.
Considérez que notre Seigneur veut que nous soyons bien disposés pour entendre sa parole, et que la préparation qu'il désire, est qu'il n'y ait en nous, aucun élèvement de vanité ou de superbe, non plus qu'aucun ravalement de paresse, ou de lâcheté; que nous n'ayons aucune intention oblique, aucune rudesse de rancune, aucun mépris du prochain. Corrigeons donc tous ces défauts, afin qu'il nous trouve parfaitement bien disposés à son arrivée.
Considérez que le Sauveur lui-même en entrant dans le monde, nous a fourni tous ces préparatifs, et qu'il nous a frayé le chemin pour parvenir à la béatitude de la rédemption, par sa grâce, par sa doctrine, par les exemples de ses vertus, notamment de son humilité, de son obéissance, de sa patience et de sa charité. Soyez donc honteux d'avoir si peu profité de sa venue, vous qui faites difficulté d'entrer dans un chemin que tant d'enfants, et tant de jeunes filles ont couru si gaiement, puisqu’ils sont devenus les Martyrs de Jésus-Christ.
SUITE DE LA PREMIÈRE PRÉDICATION DE ST JEAN-BAPTISTE.
L'An quinzième de l'Empire de Tibère.
Considérez premièrement que tous ceux dont il est fait mention dans cet Évangile, quoi que les uns aient été Empereurs, les autres Rois et Gouverneurs de Provinces, les autres souverains Pontifes, et tous en général aient eu un pouvoir absolu, ont cette d'être ce qu'ils étaient, dès il y a longtemps; pour vous apprendre que ces grands noms et ces titres pleins de faste font peu considérables, quoique les hommes en fassent tant d'état.
Pensez que ces Potentats qui sont ici nommés, comparaitront un jour avec nous et avec la plus vile populace, devant un même Juge et devant un même Tribunal. Mais hélas! que ces grands noms sont peu de chose devant Dieu ! Celui qui porte aujourd’hui le nom d'Empereur, de Roi, de Prince et de Pontife, désirera en ce grand jour d'avoir porté celui de valet ou de laquais, et mériter le titre de Chrétien et d'homme de bien. Dieu, dit Job dans le chapitre 34 traitera les Rois, d'Apostats; et les Princes d'impies.
La parole de Dieu s'est reposée dans le désert sur Jean, fils de Zacharie.
Considérez premièrement les avantages de la solitude et des déserts; car c'est dans ces lieux que Dieu parle; c'est là qu'il se communique à saint Jean d'une façon toute particulière. Ce n'est pas dans la maison de Zacharie, quoiqu'il fut si religieux et si saint ce n'est pas dans le Palais d'Hérode, mais c'est dans le désert que la parole de Dieu s'est adressée à saint Jean.
Considérez qu'aussitôt que saint Jean eut connaissance de la volonté de Dieu, il sortit de la solitude pour venir prêcher la Pénitence au bord du Jourdain; d'où l'on doit inférer
qu'il faut obéir quand Dieu nous tire du repos et de la tranquillité, pour nous faire agir d'une autre manière, puisque l'on peut par tout avoir soin de son salut; dans le monde même comme dans le désert.
Il prêcha le Baptême de la Pénitence pour la rémission des péchés.
Pensez premièrement, que les Prédicateurs Évangéliques qui recherchent la gloire de Dieu, et le salut de leur prochain, ne sauraient choisir de sujet de leurs prédications plus
propre, que la Pénitence. C'est par elle que Notre Seigneur et ses Apôtres ont commencé de prêcher. Pensez au besoin que nous avons de faire Pénitence, car elle n'est pas seulement pour les peuples qui habitent sur les bords du Jourdain, mais pour toutes les Nations de la terre; de sorte que vous ne pouvez entrer dans aucune ville, aucun bourg , et même dans aucune maison particulière, de quelque religion, ou de quelque piété qu'elle fasse profession, que vous ne puissiez avec profit et avec quelque sorte de nécessité, y exhorter à faire pénitence, puisque partout il y a quelque chose à reformer. Si nous disons, dit Saint Jean, que nous sommes sans péché, nous nous trompons nous-mêmes, et nous ne disons pas la vérité.
Prenez bien garde aux avantages que nous apporte la Pénitence, car étant établie pour obtenir le pardon de nos péchés, pourquoi la faisons nous si tard? pourquoi la différons-nous? N'est-il pas avantageux et utile d'être quitte de ses dettes ? Résolvez-vous donc de faire pénitence au plutôt, de confesser vos péchés, d'en éviter les occasions, et de satisfaire entièrement à Dieu.
112 - JOSEPH ET MARIE ÉTAIENT DANS L'ADMIRATION.( Luc 2,33)
Joseph et Marie Mère de Jésus étaient dans l'admiration des choses qu'ils entendaient dire de ce divin enfant.
Considérez premièrement que ce père putatif et cette véritable Mère de Jésus étaient dans une admiration extraordinaire de tout ce qui ce disait et se faisait à l'égard de ce divin Enfant, d'autant plus qu'ils ne voyaient rien de particulier en sa personne, qui ne ce rencontrait dans tous les autres enfants; et cela pour vous enseigner que quoi que vous ne voyez rien des yeux du corps de tout ce que vous croyez; vous devez néanmoins donner une entière créance à l'Église, c'est à dire à tant de saints Pères qui rendent de si authentiques témoignages de tout ce que l'on doit croire.
Considérez quelles étaient les mœurs de Jésus enfant, et y conformez les vôtres, parce qu'il ne ce fut pas soumis aux bassesses de l'enfance, si étant en cet état il n'y eut rien eu en lui qui fut très digne d'être imité. Outre que la parole du Sauveur nous assure, que si nous ne devenons comme de petits enfants, nous n'entrerons point dans le Royaume des Cieux.
Siméon dit à Marie: Voici que cet Enfant sera le sujet de la perte, et de la résurrection de plusieurs; il sera même un but de contradiction, et le glaive de douleur transpercera votre âme.
Considérez que Simon prédit les amertumes et les déplaisirs dont Jésus et sa sainte Mère devaient sentir et souffrir les atteintes; et qu'il le fait au milieu de tant de joie et de tant d'allégresse, pour nous faire entendre qu'il n'y a point de joie parfaite en ce monde, et qu'au contraire nous n'y devons attendre qu'une infinité de douleurs et d'afflictions, si nous voulons être de véritables Disciples de Jésus-Christ.
Considérez que la sainte Vierge fût animée par cette triste prophétie à souffrir un grand ombre de douleurs avec son Fils, et qu'elle eut part à sa gloire, qui était de souffrir et de mourir en obéissant à fon Père Éternel; car les afflictions souffertes pour Jésus-Christ, sont si pleines d'honneur et de gloire, que comme ce divin Fils aimait tendrement sa sainte Mère, il voulut qu'elle fut affligée au-delà de tous, les hommes, et que le glaive de la Croix transperçât son âme ce qui a fait que les Saints lui ont donné le titre de Martyre des Martyrs.
Or l`Enfant croissait et s'avançait, étant plein de sagesse, et la grâce de Dieu était avec lui.
Considérez que l'Enfant Jésus avait la connaissance de toutes choses tant divines qu'humaines ; en sorte qu'il n'avait pas besoin de précepteur, et qu'il était agréable et chéri de Dieu et des hommes; car il était exempt de toute tache de péché, et doué de toutes les vertus, et de toutes sortes de dons célestes.
113- DU GRAIN DE MOUTARDE. ( Matthieu 13,31)
Le Royaume des Cieux est semblable à un grain de moutarde, qui étant semé dans un champ, est la plus petite production de toutes les semences, mais quand il a pris accroissement il devient un arbre, les oiseaux de l'air y accourent et font leur demeure dessus ses branches.
Considérez que l'Église, tant militante que triomphante, désignée ici par le Royaume des Cieux, est comparée à un grain de moutarde; et cela pour beaucoup de raisons. La première se peut prendre de l'Église même. En effet, qu'y avait-il de plus petit que l'Église en son commencement ? car elle ne comprenait alors que la sacrée Vierge, les Apôtres et quelques Disciples de Jésus; mais ensuite elle a eu de tels accroissements, qu'elle a eu et aura plusieurs milliards de Chrétiens.
La seconde, de son chef qui est Jésus, qui en son Incarnation, en sa naissance, en sa vie , en sa passion, et enfin en sa mort, a été si petit et si ravalé qu'il semblait n'être pas un homme, mais un ver de terre; l'opprobre des hommes, et presque rien, si je l'ose ainsi dire; et néanmoins personne ne peut ignorer combien il a été élevé par son Père, qui lui a fait présent d'un nom adorable qui l'emporte par-dessus tout autre nom; et de telle manière, qu'avec toute sorte de justice, tous les honneurs que l'on se peut figurer, lui sont dû et dans le Ciel et sur la terre.
La troisième enfin se peut rapporter aux membres de l'Église, qui sont les Chrétiens et principalement les gens de bien; dont les hommes à la vérité font bien peu d'estime; car il n'y a personne qui ne les méprise et ne les persécute comme le rebut de la nature, et néanmoins ils deviennent très-grands devant Dieu, ils sont honorés et en ce monde et en l'autre, à cause de leurs qualités recommandables, et de leurs vertus signalées, en sorte que les puissances de la terre semblent avoir de l'empressement pour s'acquérir leurs faveurs et leurs bonnes grâces.
Considérez que l'Église est encore semblable à un grain de moutarde, si l'on a égard aux moyens dont Dieu se sert pour la gouverner, qui sont sa divine parole, les Sacrements et les vertus.
Pour commencer par la parole divine, soit écrite, soit exposée, soit inspirée, n'est-il pas vrai qu'elle semble être petite, et qu'elle est même méprisée par les Sages du monde? Que si toutefois elle prend racine dans un cœur, elle y opère des prodiges. Elle y introduit le mépris des richesses, des honneurs, des plaisirs et de toutes les choses de la terre; elle lui imprime et lui persuade le désir de posséder Dieu seul dans une maison Religieuse; à quoi suffit l'exemple d'un seul homme, comme peut-être celui de saint Antoine, de saint François, et de tous les autres Fondateurs des Ordres Religieux.
De même, les Sacrements semblent être vils et chétifs en apparence. Dans le Baptême, par exemple, que voyez-vous qu'un peu d'eau? dans l'Eucharistie qu'aperçoit-on que les accidents du pain et du vin ? dans l'Extrême-Onction des malades il n'y a qu'un peu d'huile et ainsi des autres. Ils produisent néanmoins des effets si relevés et d'une si haute nature; que tous les hommes ensemble ne peuvent pas approcher de la moindre de leurs productions.
A l'égard des vertus Chrétiennes et des maximes de l'Évangile, comme de la foi en Jésus crucifié, la plupart des hommes en font si peu d'état, que les Juifs en sont scandalisés, et que les Gentils ( les non-juifs) la traitent de folie; de même que la pauvreté d'esprit, la patience, l'humilité, et leurs semblables, sont tenues par les partisans du monde pour des badineries; et néanmoins si l'une de ces vertus est bien gravée dans une âme, elle l'élèvera au comble d'un parfait bonheur, et de la véritable sagesse.
Considérez et inférez de ce qui est dit, qu'il faut embrasser premièrement l'humilité, qui à bon droit est figurée par le grain de moutarde. Car comme ce grain : 1. Est fort petit: 2. Comme étant jeté dans la terre on le couvre et on le cache: 3 . Comme il se corrompt et est presque anéanti : 4. Comme il germe, comme il prend accroissement et devient arbre : 5. Comme il produit un nombre innombrable d'autres grains : 6. Comme enfin il sert d'ombrage et de retraite aux oiseaux de l'air.
Ainsi celui qui est véritablement humble : 1.Parait peu de chose à soi-même : 2. Il ne sait pas qu'il a cette vertu: 3. Il se croit mort au monde, et qu'il n'est qu'un pur néant : 4. Il fait du progrès dans la vertu, et parvient à une grande sainteté : 5. Les autres vertus en procèdent comme de leur racine : 6. Enfin les Anges et le Roi même des Anges, font leur demeure dans son âme, et y trouvent leur satisfaction. Quoi plus ? Il a l'expérience avantageuse de ce qui est dit dans l'Évangile : que celui qui s'humilie, sera élevé, par la grâce en ce monde, et par la gloire en l'autre.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
114 - DES OUVRIERS ENVOYÉS A LA VIGNE. (Matthieu 20,1)
Considérez pourquoi l'Église cesse aujourd'hui jusqu'à Pâques, de chanter Alléluia, l'Hymne des Anges, et les autres Cantiques de gaieté Spirituelle. Sans doute parce que ce sont des jours de tristesse, et destinés à faire pénitence de tous les péchés que l'on a commis pendant l'année, ou pendant la vie, qui dure à peine plus de soixante et dix ans; ce qui nous ont figuré les septante années de la captivité de Babylone. Or pour ce qu'il y a du travail à Supporter dans la pénitence, pour ce sujet l'Église propose aujourd’hui l'Évangile des Ouvriers.
Considérez que ces Ouvriers sont envoyés à diverses heures du jour, par le Père de famille pour travailler dans Sa vigne; et que ce Père de famille représente le Père Éternel qui appelle les uns à la Foi ou à la Religion au commencement de leur vie, les autres au milieu, et les autres à la fin; de même qu'il y a des jeunes hommes et des vieillards qui entrent en possession de la vie éternelle; mais qui que ce Soit ne jouit de cette récompense, s'il n'a soigneusement travaillé, et persévéré constamment jusqu’à la fin.
Pensez que votre âme ou celle de votre prochain est votre vigne; et que vous devez la cultiver si vous voulez parvenir à la béatitude éternelle. Pour cet effet taillez-la soigneusement; c'est à dire défaites-vous de toutes sortes de superfluités, car si nous avons de quoi vivre et de quoi nous vêtir, nous devons être satisfait.
Joignez-là à un escalas, c'est à dire à Jésus, en implorant sa grâce; car sans lui nous ne pouvons rien faire. Liez-la avec les chaines d'une bonne résolution d'observer exactement les Règles de la Congrégation de la sacrée Vierge, ou d'embrasser l'état religieux, et de vous y engager par le moyen des vœux ordinaires, si Dieu vous fait tant de grâce que de vous y appeler.
Exposez-la au Soleil, et Supportez avec courage et avec patience, le travail et le hâle du jour; c'est à dire, servez Dieu de grand cœur, et attachez-vous à la pratique des bonnes œuvres avec courage et persévérance; puisqu'il est assuré que celui qui est lâche et nonchalant en ce qui regarde le Service de Dieu, est maudit; et qu'au contraire celui qui s'y emploi avec ferveur, sera hautement récompensé.
Engraissez-la, et la mettez en état de porter beaucoup de fruit par la fréquentation des Sacrements de Pénitence et de l'Eucharistie; car le pain de Jésus-Christ donne de l'embonpoint et entretient la vie pendant l'éternité.
Considérez que les derniers venus et appelés au travail en la dernière heure du jour, reçurent le même salaire que ceux qui s'étaient employés pendant tout le jour, pour nous apprendre que Dieu ne mesure pas notre avancement par la longueur du temps que nous avons employé à son service, mais par l'amour que nous avons pour les solides et véritables vertus, par la grandeur et la ferveur de notre zèle, par les progrès que nous faisons de jour en jour dans la piété, par le mépris que nous avons pour le monde , et pour nous-mêmes, par la conformité de notre volonté avec le bon plaisir de Dieu dans tout ce qui nous arrive, soit qu'il nous soit favorable, soit qu'il nous soit contraire. Pour preuve de cela, ne voyons-nous pas que la Sainteté de plusieurs qui étaient venus au service de Dieu sur le déclin, et même sur la fin de leur vie, a été vérifiée par des miracles?
Pensez sur cette conclusion de Jésus : Beaucoup d'appelés, peu d'élus, combien vous avez de sujet d'appréhender; si vous n'êtes du petit nombre des gens de bien; c'est-à- dire si vous ne tenez le chemin étroit, duquel il est dit dans saint Matthieu, chap. 7 : Que peu de personnes entreprennent de le suivre.
115 - DE LA SEMENCE JETTÉE DANS LA TERRE. ( Matthieu 13,1)
Jésus dit aux troupes: Celui qui sème est sorti pour semer la semence.
Considérez que Dieu qui nous appelle à travailler dans sa vigne; nous fait part aussi de la semence, c'est à dire de sa grâce et de son secours, qui sont les témoignages évidents de sa bonté paternelle envers nous, et qu'il nous communique par divers moyens; comme par la beauté du Ciel et des créatures, par la loi écrite dans les Cœurs ou dans les consciences, par les prédications, par la lecture, par ses inspirations, par les exemples, par les lois de l'Église, par les règles de chaque condition, par la vertu des Sacrements, par les avis que nous donnent nos parents et ceux à qui nous sommes soumis en quelque manière que ce soit; par les maladies, par les guerres, ect.
Voyez ensuite si vous avez usé de tous ces moyens; et sachez que vous serez sans excuse, si vous les avez négligés. Voyez dis-je, si vous en avez bien usé, car si
vous n'en avez fait l'usage que Dieu en a désiré de vous, vous êtes assuré qu'il vous en demandera un compte très exact, et que vous n'aurez rien à lui répliquer, si pour ce manquement il vous condamne à des peines éternelles.
Une partie de cette semence tomba près du chemin, une autre sur des pierres, une autre parmi des épines.
Considérez que trois causes peuvent rendre infructueuse la bonne semence qui a été semée dans le champ de votre cœur par les moyens précédents. La première, si vous n'avez pas une véritable et sérieuse attention aux prédications, aux exhortations tant publiques que particulières, et aux autres choses semblables; si vous n'avez pas dessein d'en faire du profit ; si vous ne faites pas réflexion qu'elles vous regardent en particulier, ou si vous les méprisées.
La seconde, si vous y avez à la vérité quelque attention, mais que nonobstant vous ayez toujours un cœur endurci et de pierre, en sorte que vous ne vouliez point abandonner vos anciennes habitudes et les occasions prochaines du péché, de crainte de souffrir quelque confusion, quelque raillerie, ou quelque peine qui pourrait suivre cet abandonnement.
La troisième enfin, si quoique disposé à tout faire pour votre salut, vous avez pourtant trop d'attache à amasser du bien, au soin de votre ménage, à la chasse, à d'autres semblables divertissements, et à l'étude des lettres tant profanes que sacrées, à dessein d'y exceller par-dessus les autres. Car ce désir déréglé étouffe comme des épines, l'esprit de piété qui vous oblige à prier, à méditer, et à faire pénitence pour vos péchés.
Une autre partie tomba sur de bonne terre, et étant levée elle rendit du fruit au centuple.
Considérez que la bonne terre dont il est ici parlé, n'est autre chose qu'un bon et très-bon cœur, comme Dieu lui-même le fait entendre. Car il n'y a rien de si agréable à Dieu, que l'offrande que vous lui faites de votre cœur; c'est à dire d'une bonne volonté, lorsqu'il jette la semence de sa grâce. C'est pour cela qu'il dit au Chapitre 3. des Proverbes : Mon Fils, donnez-moi votre cœur. Offrez-le lui donc avec cette disposition, et le priez qu'il le tourne, qu'il le change, et qu'il en fasse comme il lui plaira.
Considérez que ceux qui sont préparés à obéir aux Commandements de Dieu (10 Commandements) et de l'Église, de peur de déchoir de la grâce, lui font offre d'un bon cœur; mais que ceux-là , lui en présentent un très-bon, qui sont prêts non seulement de fuir le mal, mais aussi de faire le bien auquel ils ne sont pas obligés par précepte, et de souffrir pour l'amour de Jésus, tous les maux qui se présentent, les afflictions, les peines volontaires, les opprobres et la mort même.
116 - DU JEÛNE ET DU TRESOR QUE L'ON DOIT AMASSER DANS LE CIEL. ( Matthieu 6,17)
Jésus dit à ses Disciples : Lorsque vous jeûnez, parfumez votre tête et lavez votre face, afin que les hommes ne s'aperçoivent pas que vous jeûnez.
Considérez que quoique le jeûne soit observé en secret, et que les macérations du corps soient pratiquées à l'insu de qui que ce soit de tous les hommes : Dieu néanmoins les voit , et en a une connaissance toute particulière, qu'il les agrée et les récompensera dans le Ciel.
Qu'afin que les bonnes œuvres puissent mériter la vie éternelle, elles doivent être faites: 1. Avec humilité, et sans aucun mouvement de vaine gloire. 2. Avec libéralité et sans chagrin; car Dieu aime celui qui donne gaiement, 2. Corinthiens. 9.3. pour la seule gloire de Dieu et de Jésus, car c'est là proprement oindre et parfumer Jésus notre chef, qui est surnommé Christ, c’est-à-dire oint. 4. Avec bonne intention; jeûner, par exemple, à dessein de satisfaire pour ses péchés, d'imiter Jésus et ses Saints, de se mieux disposer à la prière ; car c'est là proprement laver sa face.
Donnez-vous de garde d'amasser des trésors sur la terre, mais amasser-en dans le Ciel, où les voleurs ne fouillent point.
Considérez quels sont les trésors que nous pouvons amasser sur la terre. Ce sont les richesses, les honneurs, les plaisirs, la réputation à cause de l'autorité et du savoir, enfin tout ce que nous pouvons acquérir, ou posséder, mais aussi perdre en cette vie. Au contraire de ceux que nous pouvons amasser dans le Ciel, qui sont les vertus et les bonnes œuvres, qui seules nous accompagnent et nous doivent après la mort, sans pouvoir être enlevées ni dérobées par qui que ce soit, conformément à ce passage: Bienheureux sont ceux qui meurent en la grâce du Seigneur; car leurs bonnes œuvres les accompagnent.
Inférez de là que vous devez faire beaucoup de bonnes œuvres; car un trésor ne se forme que de plusieurs pièces. A propos de quoi considérez à qui proprement sont promis des trésors dans le Ciel. Certes ce n'est qu'à ceux qui souffrent beaucoup de misères pour Jésus, et qui abandonnent tout pour l'amour de lui.
Jésus ajoute : Là où est votre trésor, là est votre cœur, pour vous apprendre que si véritablement vous en avez un dans le Ciel, vous y devez souvent élever votre esprit, et considérer que Dieu qui est votre véritable et très-riche trésor, est présent en tout lieu.
Faites réflexion sur la cérémonie des Cendres, et considérez : 1. Qu'on les applique sur le front, ce qui fort d'un bel enseignement pour pratiquer l'humilité et sur les paroles que le Prêtre prononce : Homme, dit-il, souviens-toi, que tu n'es que poudre, et que tu retourneras en poudre. Genèse. 3. En effet l'humilité est entièrement nécessaire à un criminel qui demande pardon.
2. Ces cendres sont bénites, afin que nous puissions acquérir la bénédiction de la grâce divine. 3. Afin que nous ayons le souvenir de nos fins dernières. 4. Afin que nous persévérions en la grâce jusques aux cendres, c'est à dire jusques à la mort.
Considérez pourquoi l'Église cesse aujourd'hui jusqu'à Pâques, de chanter Alléluia, l'Hymne des Anges, et les autres Cantiques de gaieté Spirituelle. Sans doute parce que ce sont des jours de tristesse, et destinés à faire pénitence de tous les péchés que l'on a commis pendant l'année, ou pendant la vie, qui dure à peine plus de soixante et dix ans; ce qui nous ont figuré les septante années de la captivité de Babylone. Or pour ce qu'il y a du travail à Supporter dans la pénitence, pour ce sujet l'Église propose aujourd’hui l'Évangile des Ouvriers.
Considérez que ces Ouvriers sont envoyés à diverses heures du jour, par le Père de famille pour travailler dans Sa vigne; et que ce Père de famille représente le Père Éternel qui appelle les uns à la Foi ou à la Religion au commencement de leur vie, les autres au milieu, et les autres à la fin; de même qu'il y a des jeunes hommes et des vieillards qui entrent en possession de la vie éternelle; mais qui que ce Soit ne jouit de cette récompense, s'il n'a soigneusement travaillé, et persévéré constamment jusqu’à la fin.
Pensez que votre âme ou celle de votre prochain est votre vigne; et que vous devez la cultiver si vous voulez parvenir à la béatitude éternelle. Pour cet effet taillez-la soigneusement; c'est à dire défaites-vous de toutes sortes de superfluités, car si nous avons de quoi vivre et de quoi nous vêtir, nous devons être satisfait.
Joignez-là à un escalas, c'est à dire à Jésus, en implorant sa grâce; car sans lui nous ne pouvons rien faire. Liez-la avec les chaines d'une bonne résolution d'observer exactement les Règles de la Congrégation de la sacrée Vierge, ou d'embrasser l'état religieux, et de vous y engager par le moyen des vœux ordinaires, si Dieu vous fait tant de grâce que de vous y appeler.
Exposez-la au Soleil, et Supportez avec courage et avec patience, le travail et le hâle du jour; c'est à dire, servez Dieu de grand cœur, et attachez-vous à la pratique des bonnes œuvres avec courage et persévérance; puisqu'il est assuré que celui qui est lâche et nonchalant en ce qui regarde le Service de Dieu, est maudit; et qu'au contraire celui qui s'y emploi avec ferveur, sera hautement récompensé.
Engraissez-la, et la mettez en état de porter beaucoup de fruit par la fréquentation des Sacrements de Pénitence et de l'Eucharistie; car le pain de Jésus-Christ donne de l'embonpoint et entretient la vie pendant l'éternité.
Considérez que les derniers venus et appelés au travail en la dernière heure du jour, reçurent le même salaire que ceux qui s'étaient employés pendant tout le jour, pour nous apprendre que Dieu ne mesure pas notre avancement par la longueur du temps que nous avons employé à son service, mais par l'amour que nous avons pour les solides et véritables vertus, par la grandeur et la ferveur de notre zèle, par les progrès que nous faisons de jour en jour dans la piété, par le mépris que nous avons pour le monde , et pour nous-mêmes, par la conformité de notre volonté avec le bon plaisir de Dieu dans tout ce qui nous arrive, soit qu'il nous soit favorable, soit qu'il nous soit contraire. Pour preuve de cela, ne voyons-nous pas que la Sainteté de plusieurs qui étaient venus au service de Dieu sur le déclin, et même sur la fin de leur vie, a été vérifiée par des miracles?
Pensez sur cette conclusion de Jésus : Beaucoup d'appelés, peu d'élus, combien vous avez de sujet d'appréhender; si vous n'êtes du petit nombre des gens de bien; c'est-à- dire si vous ne tenez le chemin étroit, duquel il est dit dans saint Matthieu, chap. 7 : Que peu de personnes entreprennent de le suivre.
115 - DE LA SEMENCE JETTÉE DANS LA TERRE. ( Matthieu 13,1)
Jésus dit aux troupes: Celui qui sème est sorti pour semer la semence.
Considérez que Dieu qui nous appelle à travailler dans sa vigne; nous fait part aussi de la semence, c'est à dire de sa grâce et de son secours, qui sont les témoignages évidents de sa bonté paternelle envers nous, et qu'il nous communique par divers moyens; comme par la beauté du Ciel et des créatures, par la loi écrite dans les Cœurs ou dans les consciences, par les prédications, par la lecture, par ses inspirations, par les exemples, par les lois de l'Église, par les règles de chaque condition, par la vertu des Sacrements, par les avis que nous donnent nos parents et ceux à qui nous sommes soumis en quelque manière que ce soit; par les maladies, par les guerres, ect.
Voyez ensuite si vous avez usé de tous ces moyens; et sachez que vous serez sans excuse, si vous les avez négligés. Voyez dis-je, si vous en avez bien usé, car si
vous n'en avez fait l'usage que Dieu en a désiré de vous, vous êtes assuré qu'il vous en demandera un compte très exact, et que vous n'aurez rien à lui répliquer, si pour ce manquement il vous condamne à des peines éternelles.
Une partie de cette semence tomba près du chemin, une autre sur des pierres, une autre parmi des épines.
Considérez que trois causes peuvent rendre infructueuse la bonne semence qui a été semée dans le champ de votre cœur par les moyens précédents. La première, si vous n'avez pas une véritable et sérieuse attention aux prédications, aux exhortations tant publiques que particulières, et aux autres choses semblables; si vous n'avez pas dessein d'en faire du profit ; si vous ne faites pas réflexion qu'elles vous regardent en particulier, ou si vous les méprisées.
La seconde, si vous y avez à la vérité quelque attention, mais que nonobstant vous ayez toujours un cœur endurci et de pierre, en sorte que vous ne vouliez point abandonner vos anciennes habitudes et les occasions prochaines du péché, de crainte de souffrir quelque confusion, quelque raillerie, ou quelque peine qui pourrait suivre cet abandonnement.
La troisième enfin, si quoique disposé à tout faire pour votre salut, vous avez pourtant trop d'attache à amasser du bien, au soin de votre ménage, à la chasse, à d'autres semblables divertissements, et à l'étude des lettres tant profanes que sacrées, à dessein d'y exceller par-dessus les autres. Car ce désir déréglé étouffe comme des épines, l'esprit de piété qui vous oblige à prier, à méditer, et à faire pénitence pour vos péchés.
Une autre partie tomba sur de bonne terre, et étant levée elle rendit du fruit au centuple.
Considérez que la bonne terre dont il est ici parlé, n'est autre chose qu'un bon et très-bon cœur, comme Dieu lui-même le fait entendre. Car il n'y a rien de si agréable à Dieu, que l'offrande que vous lui faites de votre cœur; c'est à dire d'une bonne volonté, lorsqu'il jette la semence de sa grâce. C'est pour cela qu'il dit au Chapitre 3. des Proverbes : Mon Fils, donnez-moi votre cœur. Offrez-le lui donc avec cette disposition, et le priez qu'il le tourne, qu'il le change, et qu'il en fasse comme il lui plaira.
Considérez que ceux qui sont préparés à obéir aux Commandements de Dieu (10 Commandements) et de l'Église, de peur de déchoir de la grâce, lui font offre d'un bon cœur; mais que ceux-là , lui en présentent un très-bon, qui sont prêts non seulement de fuir le mal, mais aussi de faire le bien auquel ils ne sont pas obligés par précepte, et de souffrir pour l'amour de Jésus, tous les maux qui se présentent, les afflictions, les peines volontaires, les opprobres et la mort même.
116 - DU JEÛNE ET DU TRESOR QUE L'ON DOIT AMASSER DANS LE CIEL. ( Matthieu 6,17)
Jésus dit à ses Disciples : Lorsque vous jeûnez, parfumez votre tête et lavez votre face, afin que les hommes ne s'aperçoivent pas que vous jeûnez.
Considérez que quoique le jeûne soit observé en secret, et que les macérations du corps soient pratiquées à l'insu de qui que ce soit de tous les hommes : Dieu néanmoins les voit , et en a une connaissance toute particulière, qu'il les agrée et les récompensera dans le Ciel.
Qu'afin que les bonnes œuvres puissent mériter la vie éternelle, elles doivent être faites: 1. Avec humilité, et sans aucun mouvement de vaine gloire. 2. Avec libéralité et sans chagrin; car Dieu aime celui qui donne gaiement, 2. Corinthiens. 9.3. pour la seule gloire de Dieu et de Jésus, car c'est là proprement oindre et parfumer Jésus notre chef, qui est surnommé Christ, c’est-à-dire oint. 4. Avec bonne intention; jeûner, par exemple, à dessein de satisfaire pour ses péchés, d'imiter Jésus et ses Saints, de se mieux disposer à la prière ; car c'est là proprement laver sa face.
Donnez-vous de garde d'amasser des trésors sur la terre, mais amasser-en dans le Ciel, où les voleurs ne fouillent point.
Considérez quels sont les trésors que nous pouvons amasser sur la terre. Ce sont les richesses, les honneurs, les plaisirs, la réputation à cause de l'autorité et du savoir, enfin tout ce que nous pouvons acquérir, ou posséder, mais aussi perdre en cette vie. Au contraire de ceux que nous pouvons amasser dans le Ciel, qui sont les vertus et les bonnes œuvres, qui seules nous accompagnent et nous doivent après la mort, sans pouvoir être enlevées ni dérobées par qui que ce soit, conformément à ce passage: Bienheureux sont ceux qui meurent en la grâce du Seigneur; car leurs bonnes œuvres les accompagnent.
Inférez de là que vous devez faire beaucoup de bonnes œuvres; car un trésor ne se forme que de plusieurs pièces. A propos de quoi considérez à qui proprement sont promis des trésors dans le Ciel. Certes ce n'est qu'à ceux qui souffrent beaucoup de misères pour Jésus, et qui abandonnent tout pour l'amour de lui.
Jésus ajoute : Là où est votre trésor, là est votre cœur, pour vous apprendre que si véritablement vous en avez un dans le Ciel, vous y devez souvent élever votre esprit, et considérer que Dieu qui est votre véritable et très-riche trésor, est présent en tout lieu.
Faites réflexion sur la cérémonie des Cendres, et considérez : 1. Qu'on les applique sur le front, ce qui fort d'un bel enseignement pour pratiquer l'humilité et sur les paroles que le Prêtre prononce : Homme, dit-il, souviens-toi, que tu n'es que poudre, et que tu retourneras en poudre. Genèse. 3. En effet l'humilité est entièrement nécessaire à un criminel qui demande pardon.
2. Ces cendres sont bénites, afin que nous puissions acquérir la bénédiction de la grâce divine. 3. Afin que nous ayons le souvenir de nos fins dernières. 4. Afin que nous persévérions en la grâce jusques aux cendres, c'est à dire jusques à la mort.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
117 - LES SCRIBES ET LES PHARISIENS ( Matthieu 12,38)
Demandent des Prodiges à Jésus notre Maitre, qui parle sur ce propos de la pénitence des Citoyens de Ninive. ( A propos du Livre de Jonas 3,5 - Ancien Testament - la pénitence des gens de Ninive en Assyrie pour leurs péchés individuel et collectifs)
Quelques-uns des Scribes et des Pharisiens dirent à Jésus : Maitre nous voulons que vous nous fassiez voir quelque prodige.
Considérez que Jésus est souvent et sans discernement appellé Maitre par les gens de bien et par les méchants. Les Apôtres et la Magdeleine le nommaient ainsi; de même que les Scribes et les Pharisiens en ce passage de l'Évangile: pour vous apprendre qu'il ne suffit pas de dire à Jésus qu'il est votre Maitre, si vous ne pratiquez effectivement ce qu'il enseigne: Car tous ceux, dit-il, qui me disent; Seigneur, Seigneur, n`entreront pas dans le Royaume des Cieux, mais ceux qui obéiront à la volonté de mon Père qui fait sa demeure dans le Ciel.
Que ce terme, Nous voulons, n'est propre qu'à des personnes superbes et arrogantes, notamment si des inférieurs en usent à l'égard de leurs Supérieurs car c'est le propre de l'humanité d'obéir ponctuellement et en toutes choses à la volonté du Supérieur.
Que trois sortes de gens demandent à Dieu des prodiges. 1. Les Hérétiques et les incrédules, qui n'ajoutent point de foi ni aux Écritures, ni aux Conciles, ni aux Pères de l`Église, ni aux Traditions de l'Église; et semblent dire avec saint Thomas : Si je ne vois, et si je ne touche, je ne croirai point.
Les Pécheurs qui présument d'obtenir de Dieu leur pardon au moment de la mort, quoiqu'ils ne cessent point de pécher. Mais qui ne voit pas que c'est un miracle et un bonheur extraordinaire, que de bien mourir après avoir mal vécu ?
Ceux qui s'exposent à l'occasion du péché, et se persuade follement qu'ils ne pécheront point; parce qu'il se figurent qu'ils n'ont point de mauvaise intention. Celui-là certes qui présume de porter des charbons ardents dans son sein sans se bruler, désire, demande, et prétend un miracle.
Les Citoyens de Ninive s'élèveront au jour du dernier Jugement contre cette Nation, et la condamneront, parce qu'ils ont fait pénitence aussitôt que Jonas la leur a prêchée.
Considérez, que par ces citoyens l'on peut entendre raisonnablement les Turcs, les Barbares, les Infidèles, en un mot tous les Païens, qui ont droit de s'élever un jour contre les Chrétiens, et de leur reprocher que s'ils avaient eu comme eux, la lumière de la foi, l'Évangile et les Sacrements, ils auraient vécu beaucoup plus saintement qu'ils n'ont fait.
Qu'autant qu'il y a encore dans tout le monde de nations, de villes, de bourgs, et de Royaumes aveuglés des ténèbres du paganisme, seront comparés avec nous au jour du dernier Jugement, et que cette comparaison ne tournera qu'à notre honte et à notre confusion.
Que Jonas ne prêcha dans Ninive que pendant un seul jour, et persuada néanmoins au Roi de cette grande ville de se couvrir d'un cilice, de jeûner, et de faire pénitence, mais de notre part quel fruit avons-nous remporté des prédications de tant d'Avents, et de tant de Carêmes?
La Reine du Midi se lèvera contre cette Nation au jour du dernier Jugement, et la condamnera, parce qu'elle est venue des extrémités de la terre, seulement pour entendre et connaitre la sagesse du roi Salomon.
Considérez ce que sont les hommes remplis de vanité, pour s'instruire et satisfaire leurs vaines curiosités. Voilà qu'une Reine de Saba vient des parties du monde les plus reculées, sans autre dessein que d'entendre parler le seul Salomon, et nous lâches et paresseux que nous sommes, à peine faisons-nous un pas pour entendre la parole de Dieu, et pour jouir de Jésus en la Messe, ou en la sainte Communion.
Combien est puissante, et jusqu’où s'étend la réputation d'un homme sage. Elle est certes recommandable jusques dans les extrémités de la terre, et elle entre dans les cabinets des Rois et des Puissances du monde. Hélas ! que ne peuvent les Potentats, s'ils le portent au bien; et au contraire que leurs exemples sont pernicieux, s'ils le portent au mal !
Combien la damnation est à appréhender, le seul nom du dernier Jugement parait si terrible. Jugeons-nous donc, et condamnons nous nous-mêmes, afin que si alors nous sommes jugés, au moins nous ne soyons pas condamnés : j'ai dit, s'écrie le Prophète Royal, que je me condamnerai moi-même à ma confusion de mon injustice devant Dieu, et alors il me pardonnera l'impiété de mon péché.
118 - JE M'EN VAIS; ET VOUS ME CHERCHEREZ. ( Jean 8,21)
Jésus dit aux Juifs: Je m'en vais et vous me chercherez; et vous mourrez, dans votre péché.
Considérez qui est celui qui parle : C'est Jésus notre Maitre, c'est la Sagesse éternelle; c'est celui à qui rien n'est caché, et qui est aussi puissant en œuvres comme en parole. O qu'il est juste et raisonnable que l'on croie ce qu'il dit. Que les termes de cet Évangile sont pleine de menaces et de terreur; capables même de faire trembler le Ciel, qui sera donc celui qui n'en appréhendera pas les suites ?
Que par ces paroles : Je m'en vais, il menace de s'en aller et que deviendrons-nous alors ? quel asile trouverons-nous ? Qu'il menace de la mort; que diront à cela ceux qui n'ont de l'attache que pour les plaisirs, pour les honneurs et pour les richesses du monde ? Qu'il menace de la mort dans le péché: Ah que cette mort est funeste ! Qu'y a-t'il de plus misérable ? Qu'y a-t'il de plus à craindre ? Que peut-on attendre ensuite, qu'un très rigoureux jugement, et la damnation éternelle ? Quelles menaces! Qui ne frémira d'horreur en les lisant?
Certainement ceux qui mènent une vie semblable à celle de ces Juifs, et qui sont endurcis dans leurs péchés et dans le mépris des grâces de Dieu, ont aussi grand sujet d'appréhender de mourir dans leur péché, que cette nation rebelle et opiniâtre.
Et il leur dit : Vous êtes des lieux les plus ravalés, et moi je suis des plus élevé. Vous êtes de ce monde, et je ne suis pas de ce monde.
Considérez, ce que c'est que d'être des lieux les plus ravalés, si ce n'est être de terre, et être attaché à la terre. Ce qu'étant ainsi, combien en trouverez-vous dans le monde,
qui sont de cette nature, et combien peu qui s'élèvent jusques à la pensée des choses célestes ? Pensez à ce que c'est que d'être des lieux les plus élevés, si ce n'est, comme dit l'Apôtre, converser dans le Ciel, et rechercher avant toute autre chose, comme parle Jésus, le Royaume de Dieu. O que ceux qui s'appliquent à cela, sont en petit nombre ! car combien peu y en a t'il qui en abandonnant l'intérêt particulier, ont soin de celui de Dieu?
Pensez aussi combien il est dangereux de faire profession d'être du monde; puisque Jésus en fait si peu d'état, et qu'il proteste si franchement et si hautement qu'il n'en est point. Ah qu'il est avantageux de s'en retirer ! Loin de Babylone, s'écrie saint Bernard.
Ils lui répliquèrent: Qui êtes-vous ? Jésus leur répondit: Je suis le principe, moi qui parle à vous.
Considérez, qui sont ceux qui interrogent Jésus, et lui disent : Qui êtes-vous? Sans doute ceux qui ne s'étaient jamais fait cette demande à eux-mêmes, comme les ambitieux, les superbes, les avares, les envieux, ect, tels qu'étaient les Pharisiens. Il est certes plus avantageux de se la faire à soi-même qu'à d'autres.
Considérez que cette demande : Qui êtes-vous? peut être faite en beaucoup de rencontres, et avec avantage. 1. Sur le point d'approcher de la sacrée Communion. 2. Devant la Confession. 3. Avant que de se coucher. 4. Avant que d'entendre ou célébrer la sainte Messe. 5. Quand l'on va dans quelque lieu consacré à Dieu, ou dans quelque compagnie de gens de bien. 6. Quand l'on est dans le dessein, et dans l'occasion de corriger son prochain. 7. Quand il est question de juger quelqu'un. 8. Enfin quand on monte en chaire pour détourner du vice, et pour exhorter à la vertu.
119 - LES SCRIBES ET LES PHARISIENS ( Matthieu 23,1)
Ont été assis sur la chaire de Moise. Faites tout ce qu'ils vous ordonneront.
Considérez que si l'on est obligé d'honorer les Scribes et les Pharisiens, à cause qu'ils sont assis sur la chaire de Moise, l'on doit avoir sans comparaison beaucoup plus de respect pour le souverain Pontife, pour les Évêques, pour les Curés et pour les Prêtres, qui représentent saint Pierre, les Apôtres et les Disciples de Jésus. Considérez que la malice et la mauvaise vie, dont l'on est coupable, n'empêche pas que l'on n'obtienne la souveraine puissance dans l'Église; car assez souvent les charges et les dignités Ecclésiastiques tombent entre les mains de gens qui n'ont point de probité.
Que s'il faut rendre une parfaite obéissance à ceux qui sont assis sur la chaire de Moise, quoi qu'ils soient méchants et impies, combien plus faut-il honorer et respecter les Prêtres, les Curés et les Prélats, qui mènent une sainte vie, et qui pratiquent ce qu'ils enseignent ?
Ils font toutes leurs actions à dessein d'être vus et considérés des hommes.
Considérez que celui qui est emporté par la faveur ou par la crainte des hommes, ne mérite pas le nom de Chrétien, mais plutôt celui de Scribe ou de Pharisien.
Combien y en a t'il qui ne font aucune bonne œuvre qu'à dessein d'être vus et considérés des hommes ? Ceux-là en premier lieu sont atteints de ce vice, qui faisant en public quelques actions assez louables d'elles-mêmes, se souillent de crimes énormes en particulier! Ceux encore qui persistent dans leurs mauvaises et criminelles habitudes, de peur de perdre une vaine réputation, ou de crainte qu'on ne parle d'eux dans le monde autrement qu'ils ne le désirent. Ceux qui seraient en état et dans le dessein de faire beaucoup de bien, s'ils n'appréhendaient d'en être montrés du doigt par des libertins. Ceux enfin et dont il y a un grand nombre, qui publient et se vantent de leurs bonnes actions; qui sont ravis quand elles sont connues, ou quand on les loue; et qui en attendent ou en espèrent quelque vaine et inutile réputation.
Celui d'entre vous qui est le plus grand, vous doit rendre service.
Considérez que les maximes de l'Évangile sont bien contraires à la manière de vivre des gens du monde, où d'autant plus que l'on est élevé, d'autant plus est ont obligé d'avoir un grand nombre de domestiques; car il semble que toute la grandeur y consiste à avoir une longue suite de valets, au contraire de ceux qui s'efforcent de devenir grands devant Dieu, qui bien loin de vouloir être servis et suivis, ne s'appliquent qu'à se soumettre et à servir les autres.
Considérez que selon cette maxime, les Potentats et les Monarques ( les riches et les puissants) doivent être plus humbles que leurs sujets. Il faut dire la même chose des Prélats, et des Supérieurs Ecclésiastiques, à l'égard de ceux qui leur sont soumis et commis à leur conduite. O qu'il serait à désirer que cet axiome fut gravé sur le portail de nos Universités et des Palais de nos Riches; car il y en a bien peu qui en aient la connaissance; et encore moins qui la mette en pratique.
Qu'il est bien plus avantageux d'être sous la charge d'autrui, que de l'avoir; puisque la bassesse et la soumission est le plus court chemin pour parvenir au comble de la vraie grandeur et de la véritable excellence. Qui sera donc celui qui ne choisira pas plutôt de rendre obéissance que de se faire obéir ? qui sera celui qui n'ambitionnera plutôt d'être disciple ou inférieur, que d'être maitre ou supérieur.
Demandent des Prodiges à Jésus notre Maitre, qui parle sur ce propos de la pénitence des Citoyens de Ninive. ( A propos du Livre de Jonas 3,5 - Ancien Testament - la pénitence des gens de Ninive en Assyrie pour leurs péchés individuel et collectifs)
Quelques-uns des Scribes et des Pharisiens dirent à Jésus : Maitre nous voulons que vous nous fassiez voir quelque prodige.
Considérez que Jésus est souvent et sans discernement appellé Maitre par les gens de bien et par les méchants. Les Apôtres et la Magdeleine le nommaient ainsi; de même que les Scribes et les Pharisiens en ce passage de l'Évangile: pour vous apprendre qu'il ne suffit pas de dire à Jésus qu'il est votre Maitre, si vous ne pratiquez effectivement ce qu'il enseigne: Car tous ceux, dit-il, qui me disent; Seigneur, Seigneur, n`entreront pas dans le Royaume des Cieux, mais ceux qui obéiront à la volonté de mon Père qui fait sa demeure dans le Ciel.
Que ce terme, Nous voulons, n'est propre qu'à des personnes superbes et arrogantes, notamment si des inférieurs en usent à l'égard de leurs Supérieurs car c'est le propre de l'humanité d'obéir ponctuellement et en toutes choses à la volonté du Supérieur.
Que trois sortes de gens demandent à Dieu des prodiges. 1. Les Hérétiques et les incrédules, qui n'ajoutent point de foi ni aux Écritures, ni aux Conciles, ni aux Pères de l`Église, ni aux Traditions de l'Église; et semblent dire avec saint Thomas : Si je ne vois, et si je ne touche, je ne croirai point.
Les Pécheurs qui présument d'obtenir de Dieu leur pardon au moment de la mort, quoiqu'ils ne cessent point de pécher. Mais qui ne voit pas que c'est un miracle et un bonheur extraordinaire, que de bien mourir après avoir mal vécu ?
Ceux qui s'exposent à l'occasion du péché, et se persuade follement qu'ils ne pécheront point; parce qu'il se figurent qu'ils n'ont point de mauvaise intention. Celui-là certes qui présume de porter des charbons ardents dans son sein sans se bruler, désire, demande, et prétend un miracle.
Les Citoyens de Ninive s'élèveront au jour du dernier Jugement contre cette Nation, et la condamneront, parce qu'ils ont fait pénitence aussitôt que Jonas la leur a prêchée.
Considérez, que par ces citoyens l'on peut entendre raisonnablement les Turcs, les Barbares, les Infidèles, en un mot tous les Païens, qui ont droit de s'élever un jour contre les Chrétiens, et de leur reprocher que s'ils avaient eu comme eux, la lumière de la foi, l'Évangile et les Sacrements, ils auraient vécu beaucoup plus saintement qu'ils n'ont fait.
Qu'autant qu'il y a encore dans tout le monde de nations, de villes, de bourgs, et de Royaumes aveuglés des ténèbres du paganisme, seront comparés avec nous au jour du dernier Jugement, et que cette comparaison ne tournera qu'à notre honte et à notre confusion.
Que Jonas ne prêcha dans Ninive que pendant un seul jour, et persuada néanmoins au Roi de cette grande ville de se couvrir d'un cilice, de jeûner, et de faire pénitence, mais de notre part quel fruit avons-nous remporté des prédications de tant d'Avents, et de tant de Carêmes?
La Reine du Midi se lèvera contre cette Nation au jour du dernier Jugement, et la condamnera, parce qu'elle est venue des extrémités de la terre, seulement pour entendre et connaitre la sagesse du roi Salomon.
Considérez ce que sont les hommes remplis de vanité, pour s'instruire et satisfaire leurs vaines curiosités. Voilà qu'une Reine de Saba vient des parties du monde les plus reculées, sans autre dessein que d'entendre parler le seul Salomon, et nous lâches et paresseux que nous sommes, à peine faisons-nous un pas pour entendre la parole de Dieu, et pour jouir de Jésus en la Messe, ou en la sainte Communion.
Combien est puissante, et jusqu’où s'étend la réputation d'un homme sage. Elle est certes recommandable jusques dans les extrémités de la terre, et elle entre dans les cabinets des Rois et des Puissances du monde. Hélas ! que ne peuvent les Potentats, s'ils le portent au bien; et au contraire que leurs exemples sont pernicieux, s'ils le portent au mal !
Combien la damnation est à appréhender, le seul nom du dernier Jugement parait si terrible. Jugeons-nous donc, et condamnons nous nous-mêmes, afin que si alors nous sommes jugés, au moins nous ne soyons pas condamnés : j'ai dit, s'écrie le Prophète Royal, que je me condamnerai moi-même à ma confusion de mon injustice devant Dieu, et alors il me pardonnera l'impiété de mon péché.
118 - JE M'EN VAIS; ET VOUS ME CHERCHEREZ. ( Jean 8,21)
Jésus dit aux Juifs: Je m'en vais et vous me chercherez; et vous mourrez, dans votre péché.
Considérez qui est celui qui parle : C'est Jésus notre Maitre, c'est la Sagesse éternelle; c'est celui à qui rien n'est caché, et qui est aussi puissant en œuvres comme en parole. O qu'il est juste et raisonnable que l'on croie ce qu'il dit. Que les termes de cet Évangile sont pleine de menaces et de terreur; capables même de faire trembler le Ciel, qui sera donc celui qui n'en appréhendera pas les suites ?
Que par ces paroles : Je m'en vais, il menace de s'en aller et que deviendrons-nous alors ? quel asile trouverons-nous ? Qu'il menace de la mort; que diront à cela ceux qui n'ont de l'attache que pour les plaisirs, pour les honneurs et pour les richesses du monde ? Qu'il menace de la mort dans le péché: Ah que cette mort est funeste ! Qu'y a-t'il de plus misérable ? Qu'y a-t'il de plus à craindre ? Que peut-on attendre ensuite, qu'un très rigoureux jugement, et la damnation éternelle ? Quelles menaces! Qui ne frémira d'horreur en les lisant?
Certainement ceux qui mènent une vie semblable à celle de ces Juifs, et qui sont endurcis dans leurs péchés et dans le mépris des grâces de Dieu, ont aussi grand sujet d'appréhender de mourir dans leur péché, que cette nation rebelle et opiniâtre.
Et il leur dit : Vous êtes des lieux les plus ravalés, et moi je suis des plus élevé. Vous êtes de ce monde, et je ne suis pas de ce monde.
Considérez, ce que c'est que d'être des lieux les plus ravalés, si ce n'est être de terre, et être attaché à la terre. Ce qu'étant ainsi, combien en trouverez-vous dans le monde,
qui sont de cette nature, et combien peu qui s'élèvent jusques à la pensée des choses célestes ? Pensez à ce que c'est que d'être des lieux les plus élevés, si ce n'est, comme dit l'Apôtre, converser dans le Ciel, et rechercher avant toute autre chose, comme parle Jésus, le Royaume de Dieu. O que ceux qui s'appliquent à cela, sont en petit nombre ! car combien peu y en a t'il qui en abandonnant l'intérêt particulier, ont soin de celui de Dieu?
Pensez aussi combien il est dangereux de faire profession d'être du monde; puisque Jésus en fait si peu d'état, et qu'il proteste si franchement et si hautement qu'il n'en est point. Ah qu'il est avantageux de s'en retirer ! Loin de Babylone, s'écrie saint Bernard.
Ils lui répliquèrent: Qui êtes-vous ? Jésus leur répondit: Je suis le principe, moi qui parle à vous.
Considérez, qui sont ceux qui interrogent Jésus, et lui disent : Qui êtes-vous? Sans doute ceux qui ne s'étaient jamais fait cette demande à eux-mêmes, comme les ambitieux, les superbes, les avares, les envieux, ect, tels qu'étaient les Pharisiens. Il est certes plus avantageux de se la faire à soi-même qu'à d'autres.
Considérez que cette demande : Qui êtes-vous? peut être faite en beaucoup de rencontres, et avec avantage. 1. Sur le point d'approcher de la sacrée Communion. 2. Devant la Confession. 3. Avant que de se coucher. 4. Avant que d'entendre ou célébrer la sainte Messe. 5. Quand l'on va dans quelque lieu consacré à Dieu, ou dans quelque compagnie de gens de bien. 6. Quand l'on est dans le dessein, et dans l'occasion de corriger son prochain. 7. Quand il est question de juger quelqu'un. 8. Enfin quand on monte en chaire pour détourner du vice, et pour exhorter à la vertu.
119 - LES SCRIBES ET LES PHARISIENS ( Matthieu 23,1)
Ont été assis sur la chaire de Moise. Faites tout ce qu'ils vous ordonneront.
Considérez que si l'on est obligé d'honorer les Scribes et les Pharisiens, à cause qu'ils sont assis sur la chaire de Moise, l'on doit avoir sans comparaison beaucoup plus de respect pour le souverain Pontife, pour les Évêques, pour les Curés et pour les Prêtres, qui représentent saint Pierre, les Apôtres et les Disciples de Jésus. Considérez que la malice et la mauvaise vie, dont l'on est coupable, n'empêche pas que l'on n'obtienne la souveraine puissance dans l'Église; car assez souvent les charges et les dignités Ecclésiastiques tombent entre les mains de gens qui n'ont point de probité.
Que s'il faut rendre une parfaite obéissance à ceux qui sont assis sur la chaire de Moise, quoi qu'ils soient méchants et impies, combien plus faut-il honorer et respecter les Prêtres, les Curés et les Prélats, qui mènent une sainte vie, et qui pratiquent ce qu'ils enseignent ?
Ils font toutes leurs actions à dessein d'être vus et considérés des hommes.
Considérez que celui qui est emporté par la faveur ou par la crainte des hommes, ne mérite pas le nom de Chrétien, mais plutôt celui de Scribe ou de Pharisien.
Combien y en a t'il qui ne font aucune bonne œuvre qu'à dessein d'être vus et considérés des hommes ? Ceux-là en premier lieu sont atteints de ce vice, qui faisant en public quelques actions assez louables d'elles-mêmes, se souillent de crimes énormes en particulier! Ceux encore qui persistent dans leurs mauvaises et criminelles habitudes, de peur de perdre une vaine réputation, ou de crainte qu'on ne parle d'eux dans le monde autrement qu'ils ne le désirent. Ceux qui seraient en état et dans le dessein de faire beaucoup de bien, s'ils n'appréhendaient d'en être montrés du doigt par des libertins. Ceux enfin et dont il y a un grand nombre, qui publient et se vantent de leurs bonnes actions; qui sont ravis quand elles sont connues, ou quand on les loue; et qui en attendent ou en espèrent quelque vaine et inutile réputation.
Celui d'entre vous qui est le plus grand, vous doit rendre service.
Considérez que les maximes de l'Évangile sont bien contraires à la manière de vivre des gens du monde, où d'autant plus que l'on est élevé, d'autant plus est ont obligé d'avoir un grand nombre de domestiques; car il semble que toute la grandeur y consiste à avoir une longue suite de valets, au contraire de ceux qui s'efforcent de devenir grands devant Dieu, qui bien loin de vouloir être servis et suivis, ne s'appliquent qu'à se soumettre et à servir les autres.
Considérez que selon cette maxime, les Potentats et les Monarques ( les riches et les puissants) doivent être plus humbles que leurs sujets. Il faut dire la même chose des Prélats, et des Supérieurs Ecclésiastiques, à l'égard de ceux qui leur sont soumis et commis à leur conduite. O qu'il serait à désirer que cet axiome fut gravé sur le portail de nos Universités et des Palais de nos Riches; car il y en a bien peu qui en aient la connaissance; et encore moins qui la mette en pratique.
Qu'il est bien plus avantageux d'être sous la charge d'autrui, que de l'avoir; puisque la bassesse et la soumission est le plus court chemin pour parvenir au comble de la vraie grandeur et de la véritable excellence. Qui sera donc celui qui ne choisira pas plutôt de rendre obéissance que de se faire obéir ? qui sera celui qui n'ambitionnera plutôt d'être disciple ou inférieur, que d'être maitre ou supérieur.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: MÉDITATIONS CHRÉTIENNES POUR TOUTE L`ANNÉE - Pere Buse`e - Cie de Jésus - année 1708
120 - MÉDECIN GUÉRISSEZ-VOUS VOUS – MÊME ( Luc 4,23)
Jésus dit aux Pharisiens : Je me persuade que vous m'attribuerez, cette façon de parler: Médecin guérissez-vous vous-même, et faites en votre pays d'aussi grandes merveilles que celles que nous avons entendu dire que vous avez, faites à Capharnaüm.
Considérez que ce proverbe, Médecin guérissez vous vous même , peut-être fort à propos attribué à plusieurs sortes de personnes, principalement à ceux qui enseignent ce qu'ils ne pratiquent pas.
Que Jésus n'a point fait tant de miracles en son pays qu'à Capharnaüm : 1. Parce qu'y étant plus connu, il aurait pu y être adoré, ce qu'il ne désirait pas. 2. Parce que plusieurs de ses parents s'en seraient élevés, et auraient cru y avoir quelque part. 3. Parce que nous acquérons ordinairement peu de croyance auprès de ceux qui nous connaissent familièrement. 4. Parce qu'il y avait un plus grand nombre de pauvres dans Capharnaüm, que dans Nazareth. 5. Parce que aussi à Capharnaüm il y avait beaucoup d'incrédules et beaucoup de curieux.
O que l'on est criminel, quand on est curieux, infidèle et superbe!
Il y avait grand nombre de veuves chez, les israélites du temps d'Elie, et néanmoins ce Prophète ne fut envoyé à pas une d'elles, sinon à une bonne veuve qui demeurait à Sarepte au pays de Sidon.
Considérez que Dieu est le maitre de ses dons et de ses grâces; et qu'il en fait part à qui il lui plait; aux uns plus, aux autres moins, et cela avec tant de sagesse , qu'il ne fait tort à personne.
Pensez combien vous êtes obligé à un homme de piété, quand il vous fait la grâce de vous rendre visite, puisque Jésus tient pour une faveur toute particulière, celle que rendit un Prophète à une pauvre veuve. Que ce grand nombre de veuves dont il est ici parlé, signifie que de tout temps il y a eu beaucoup de personnes affligées, car ce n'est pas une chose si nouvelle que d'en voir plusieurs dans la misère, puisque c'est la condition du lieu où nous faisons notre demeure.
Considérez avec quelle circonspection les Prêtres et les Religieux doivent entrer dans les maisons des veuves, comme aussi dans celles des femmes mariées et des filles. Certes ils ne le doivent entreprendre que par l'ordre de Dieu, conformément à ce que nous voyons ici avoir été observé par Elie.
Les Juifs l'entendant ainsi parler, ils furent tous embrasés de colère, en sorte qu'ils le chassèrent hors de la ville, et le menèrent au sommet d'une montagne, pour de là le précipiter, mais il se retira en passant au milieu d'eux sans qu'ils s'en aperçussent.
Considérez combien c'est un grand malheur que d'être enclin à la colère et à l'indignation, car ce vice ne trouble pas seulement la raison , mais en empêche même l'usage, et ne permet pas que l'on soit susceptible de conseil.
Quelle effroyable impiété c'est que de chasser Jésus hors d'une ville, et de le vouloir précipiter. C'est pourtant ce que vous faites lorsque vous vous engagez dans un péché mortel.
Pensez que Jésus passe au milieu de nous, et qu'il s'en retire le plus souvent, lorsque nous abandonnons les pensées de bien faire que nous avions conçues. O Seigneur ! que cela ne nous arrive jamais et faites-nous plutôt s'il vous plait la grâce de demeurer avec nous quand la nuit approche.
121 - DE LA CORRECTION FRATERNELLE. ( Matthieu 18,15)
Jésus dit: Si votre frère vous a offensé, allez, lui en faire la réprimande et la correction particulière entre lui et vous : Que s'il vous écoute, vous aurez fait un grand profit a l'avantage de votre frère.
Considérez que par les lois de Jésus nous sommes obligez de détester non seulement notre péché, mais aussi celui de notre prochain conformément à ce que dit l'Apôtre dans Romains 1. quand il assure que ceux qui commettent le péché, et ceux qui y consentent, sont également coupables.
Qu'une marque très assurée de l'horreur que l'on a conçue du péché, est de le reprendre et de le corriger en sa personne et en celle des autres. Qu'il est besoin d'une grande prudence, et d'avoir bien de l'égard au lieu et au temps, pour faire la correction fraternelle. Que celui qui écoute volontiers et avec patience ceux qui le reprennent, de ses vices, donne lieu d'espérer son amendement et sa conversion.
Que s'il ne vous écoute point, faites-vous accompagner d'une ou deux autres personnes; que si encore il n'en fait point d'état, faites votre plainte à l' Église; et si enfin il n'écoute pas même l'Église, tenez-le pour un Païen ou pour un Publicain.
Considérez combien il est utile pour bien faire, de s'associer avec plusieurs. Malheur, dit l'Écriture, à celui qui est seul, car quand il sera tombé, il n`a personne qui le relève. Eccl. 4.
Pensez que si l'on doit ajouter foi au témoignage de deux ou trois personnes, à plus forte raison l'on doit se soumettre aux ordonnances des Conciles et des saints Pères, qui depuis les Apôtres jusques à présent ont donné des preuves si authentiques et si convaincantes des vérités de notre foi, et des mystères qui y sont adorés. Considérez d'autre part quelle opinion l'on doit avoir des Hérétiques, après que Jésus a prononcé : Tenez pour païens ou pour Publicain, celui qui n'écoutera point l'Église. Matthieu 18.15. Et quel état l'on doit faire de ceux qui publient qu'elle a erré, qu'elle est déchue, depuis plusieurs siècles.
Seigneur, dit saint Pierre, combien de fois pardonnerai-je à mon frère, qui m'aura offensé ? Lui pardonnerai-je jusques à sept fois? Jésus lui dit; Je ne vous dis pas jusques à sept fois, mais jusques a soixante-dix-sept fois.
Considérez que celui qui offense son prochain, n'offense pas seulement un homme, ni un étranger, mais fon propre frère, puisque Dieu étant notre commun Père, nous sommes aussi tous frères. Considérez combien peu d'état nous faisons quelquefois de la clémence et de la bonté de Dieu. Saint Pierre se persuade que c'est faire une action de grande piété que de pardonner sept fois quand l'on est outragé, mais la miséricorde divine va bien au-delà; car pendant que nous vivons, elle n'a point de bornes.
Considérez combien nous sommes éloignés de cette façon d'user d'indulgence, puisqu'à peine pouvons-nous nous résoudre à pardonner une seule fois et néanmoins Dieu est
prêt de pardonner jusques à soixante-dix-sept fois, c'est à dire toutes les fois que nous l'offensons.
O bonté ! ô miséricorde ! ô amour ! Que ceux qui font enclins à la vengeance, et ennemis de la réconciliation, apprennent ici le devoir de véritable Chrétien, et ce qu'en cette qualité ils doivent à leur prochain.
122 - POURQUOI VOS DISCIPLES NE LAVENT-ILS LEURS MAINS. ( Matthieu 15,2)
Les Scribes et les Pharisiens dirent à Jésus notre Maitre: Pourquoi vos disciples ne lavent-ils pas leurs mains quand ils prennent leur réfection ? Jésus leur dit : Et vous pourquoi transgressez-vous le commandement de Dieu, pour vous attacher à votre tradition?
Considérez que l'on s'aperçoit fort aisément des défauts les plus légers du prochain; et difficilement de ses propres crimes les plus énormes; car nous avons des yeux de Lynx
pour voir les péchés d'autrui; mais quand il est question de découvrir les nôtres, nous nous comportons comme si nous étions aveugles. Que ceux qui font profession de servir Dieu, doivent avoir une attention toute particulière sur leurs actions, parce que leurs moindres défauts sont plus facilement censurés, et plus hautement condamnés, que les fautes les plus considérables des autres.
Que le monde est un juge très inique, car il condamne ce que Dieu ne condamne pas, et il approuve ce que Dieu condamne. L'on pèche contre le commandement de Dieu, personne n'en parle, l'on manque à quelque petite civilité, c'est un grand crime. Voilà quel est le génie du monde.
Hypocrites; Isaïe a fort bien dit de vous par esprit de prophétie: Ce peuple m'honore de ses lèvres, mais son cœur est éloigné de moi.
Considérez que le nom d'Hypocrite a été attribué par les Saints à plusieurs sortes de personnes. En effet tel le mérite justement qui ne se le persuade pas. a. Que ceux qui disent et ne font pas; qui promettent et ne s'acquittent pas de leurs promesses; qui parlent autrement qu'ils ne pensent; qui ont en apparence, et à l'extérieur la douceur d'un agneau, mais au dedans et en effet la cruauté des loups et des animaux les plus farouches, honorent Dieu du bout des lèvres, et non pas du fond du cœur.
Ils semblent gens de bien devant les hommes, mais devant Dieu ils sont très criminels. Il feignent de l'humilité, mais leur superbe et leur vanité est connue de Dieu, et de ses Anges.
Car ce qui entre dans la bouche ne souille point l'homme; mais ce qui en sort, le rend impur.
Considérez qu'il y a deux choses en l'homme qui peuvent être souillées: l'intérieur et l'extérieur. A l'égard de l'extérieur, c'est peu de chose qu'il le soit, pourvu que l'intérieur
ne le soit point. Que les souillures du dedans sont bien plus à éviter que celles du dehors, car celles-ci ne touchent que le corps, et les autres infectent l'âme. Outre qu'il n'y a que les hommes à qui les difformités du corps soient désagréables, mais Dieu qui est souverainement bon, a horreur de celles de l`âme.
Que c'est une effroyable corruption que de ne point obéir à Dieu et à son Église, parce que cette désobéissance sortant du fond du cœur, elle empeste l'âme. Il importe fort peu de quoi vous viviez, pourvu que vous ne vous révoltiez point contre Dieu, comme Adam et Ève; ou contre l'Église, comme les Hérétiques, et la plupart des méchants et des impies.
Jésus dit aux Pharisiens : Je me persuade que vous m'attribuerez, cette façon de parler: Médecin guérissez-vous vous-même, et faites en votre pays d'aussi grandes merveilles que celles que nous avons entendu dire que vous avez, faites à Capharnaüm.
Considérez que ce proverbe, Médecin guérissez vous vous même , peut-être fort à propos attribué à plusieurs sortes de personnes, principalement à ceux qui enseignent ce qu'ils ne pratiquent pas.
Que Jésus n'a point fait tant de miracles en son pays qu'à Capharnaüm : 1. Parce qu'y étant plus connu, il aurait pu y être adoré, ce qu'il ne désirait pas. 2. Parce que plusieurs de ses parents s'en seraient élevés, et auraient cru y avoir quelque part. 3. Parce que nous acquérons ordinairement peu de croyance auprès de ceux qui nous connaissent familièrement. 4. Parce qu'il y avait un plus grand nombre de pauvres dans Capharnaüm, que dans Nazareth. 5. Parce que aussi à Capharnaüm il y avait beaucoup d'incrédules et beaucoup de curieux.
O que l'on est criminel, quand on est curieux, infidèle et superbe!
Il y avait grand nombre de veuves chez, les israélites du temps d'Elie, et néanmoins ce Prophète ne fut envoyé à pas une d'elles, sinon à une bonne veuve qui demeurait à Sarepte au pays de Sidon.
Considérez que Dieu est le maitre de ses dons et de ses grâces; et qu'il en fait part à qui il lui plait; aux uns plus, aux autres moins, et cela avec tant de sagesse , qu'il ne fait tort à personne.
Pensez combien vous êtes obligé à un homme de piété, quand il vous fait la grâce de vous rendre visite, puisque Jésus tient pour une faveur toute particulière, celle que rendit un Prophète à une pauvre veuve. Que ce grand nombre de veuves dont il est ici parlé, signifie que de tout temps il y a eu beaucoup de personnes affligées, car ce n'est pas une chose si nouvelle que d'en voir plusieurs dans la misère, puisque c'est la condition du lieu où nous faisons notre demeure.
Considérez avec quelle circonspection les Prêtres et les Religieux doivent entrer dans les maisons des veuves, comme aussi dans celles des femmes mariées et des filles. Certes ils ne le doivent entreprendre que par l'ordre de Dieu, conformément à ce que nous voyons ici avoir été observé par Elie.
Les Juifs l'entendant ainsi parler, ils furent tous embrasés de colère, en sorte qu'ils le chassèrent hors de la ville, et le menèrent au sommet d'une montagne, pour de là le précipiter, mais il se retira en passant au milieu d'eux sans qu'ils s'en aperçussent.
Considérez combien c'est un grand malheur que d'être enclin à la colère et à l'indignation, car ce vice ne trouble pas seulement la raison , mais en empêche même l'usage, et ne permet pas que l'on soit susceptible de conseil.
Quelle effroyable impiété c'est que de chasser Jésus hors d'une ville, et de le vouloir précipiter. C'est pourtant ce que vous faites lorsque vous vous engagez dans un péché mortel.
Pensez que Jésus passe au milieu de nous, et qu'il s'en retire le plus souvent, lorsque nous abandonnons les pensées de bien faire que nous avions conçues. O Seigneur ! que cela ne nous arrive jamais et faites-nous plutôt s'il vous plait la grâce de demeurer avec nous quand la nuit approche.
121 - DE LA CORRECTION FRATERNELLE. ( Matthieu 18,15)
Jésus dit: Si votre frère vous a offensé, allez, lui en faire la réprimande et la correction particulière entre lui et vous : Que s'il vous écoute, vous aurez fait un grand profit a l'avantage de votre frère.
Considérez que par les lois de Jésus nous sommes obligez de détester non seulement notre péché, mais aussi celui de notre prochain conformément à ce que dit l'Apôtre dans Romains 1. quand il assure que ceux qui commettent le péché, et ceux qui y consentent, sont également coupables.
Qu'une marque très assurée de l'horreur que l'on a conçue du péché, est de le reprendre et de le corriger en sa personne et en celle des autres. Qu'il est besoin d'une grande prudence, et d'avoir bien de l'égard au lieu et au temps, pour faire la correction fraternelle. Que celui qui écoute volontiers et avec patience ceux qui le reprennent, de ses vices, donne lieu d'espérer son amendement et sa conversion.
Que s'il ne vous écoute point, faites-vous accompagner d'une ou deux autres personnes; que si encore il n'en fait point d'état, faites votre plainte à l' Église; et si enfin il n'écoute pas même l'Église, tenez-le pour un Païen ou pour un Publicain.
Considérez combien il est utile pour bien faire, de s'associer avec plusieurs. Malheur, dit l'Écriture, à celui qui est seul, car quand il sera tombé, il n`a personne qui le relève. Eccl. 4.
Pensez que si l'on doit ajouter foi au témoignage de deux ou trois personnes, à plus forte raison l'on doit se soumettre aux ordonnances des Conciles et des saints Pères, qui depuis les Apôtres jusques à présent ont donné des preuves si authentiques et si convaincantes des vérités de notre foi, et des mystères qui y sont adorés. Considérez d'autre part quelle opinion l'on doit avoir des Hérétiques, après que Jésus a prononcé : Tenez pour païens ou pour Publicain, celui qui n'écoutera point l'Église. Matthieu 18.15. Et quel état l'on doit faire de ceux qui publient qu'elle a erré, qu'elle est déchue, depuis plusieurs siècles.
Seigneur, dit saint Pierre, combien de fois pardonnerai-je à mon frère, qui m'aura offensé ? Lui pardonnerai-je jusques à sept fois? Jésus lui dit; Je ne vous dis pas jusques à sept fois, mais jusques a soixante-dix-sept fois.
Considérez que celui qui offense son prochain, n'offense pas seulement un homme, ni un étranger, mais fon propre frère, puisque Dieu étant notre commun Père, nous sommes aussi tous frères. Considérez combien peu d'état nous faisons quelquefois de la clémence et de la bonté de Dieu. Saint Pierre se persuade que c'est faire une action de grande piété que de pardonner sept fois quand l'on est outragé, mais la miséricorde divine va bien au-delà; car pendant que nous vivons, elle n'a point de bornes.
Considérez combien nous sommes éloignés de cette façon d'user d'indulgence, puisqu'à peine pouvons-nous nous résoudre à pardonner une seule fois et néanmoins Dieu est
prêt de pardonner jusques à soixante-dix-sept fois, c'est à dire toutes les fois que nous l'offensons.
O bonté ! ô miséricorde ! ô amour ! Que ceux qui font enclins à la vengeance, et ennemis de la réconciliation, apprennent ici le devoir de véritable Chrétien, et ce qu'en cette qualité ils doivent à leur prochain.
122 - POURQUOI VOS DISCIPLES NE LAVENT-ILS LEURS MAINS. ( Matthieu 15,2)
Les Scribes et les Pharisiens dirent à Jésus notre Maitre: Pourquoi vos disciples ne lavent-ils pas leurs mains quand ils prennent leur réfection ? Jésus leur dit : Et vous pourquoi transgressez-vous le commandement de Dieu, pour vous attacher à votre tradition?
Considérez que l'on s'aperçoit fort aisément des défauts les plus légers du prochain; et difficilement de ses propres crimes les plus énormes; car nous avons des yeux de Lynx
pour voir les péchés d'autrui; mais quand il est question de découvrir les nôtres, nous nous comportons comme si nous étions aveugles. Que ceux qui font profession de servir Dieu, doivent avoir une attention toute particulière sur leurs actions, parce que leurs moindres défauts sont plus facilement censurés, et plus hautement condamnés, que les fautes les plus considérables des autres.
Que le monde est un juge très inique, car il condamne ce que Dieu ne condamne pas, et il approuve ce que Dieu condamne. L'on pèche contre le commandement de Dieu, personne n'en parle, l'on manque à quelque petite civilité, c'est un grand crime. Voilà quel est le génie du monde.
Hypocrites; Isaïe a fort bien dit de vous par esprit de prophétie: Ce peuple m'honore de ses lèvres, mais son cœur est éloigné de moi.
Considérez que le nom d'Hypocrite a été attribué par les Saints à plusieurs sortes de personnes. En effet tel le mérite justement qui ne se le persuade pas. a. Que ceux qui disent et ne font pas; qui promettent et ne s'acquittent pas de leurs promesses; qui parlent autrement qu'ils ne pensent; qui ont en apparence, et à l'extérieur la douceur d'un agneau, mais au dedans et en effet la cruauté des loups et des animaux les plus farouches, honorent Dieu du bout des lèvres, et non pas du fond du cœur.
Ils semblent gens de bien devant les hommes, mais devant Dieu ils sont très criminels. Il feignent de l'humilité, mais leur superbe et leur vanité est connue de Dieu, et de ses Anges.
Car ce qui entre dans la bouche ne souille point l'homme; mais ce qui en sort, le rend impur.
Considérez qu'il y a deux choses en l'homme qui peuvent être souillées: l'intérieur et l'extérieur. A l'égard de l'extérieur, c'est peu de chose qu'il le soit, pourvu que l'intérieur
ne le soit point. Que les souillures du dedans sont bien plus à éviter que celles du dehors, car celles-ci ne touchent que le corps, et les autres infectent l'âme. Outre qu'il n'y a que les hommes à qui les difformités du corps soient désagréables, mais Dieu qui est souverainement bon, a horreur de celles de l`âme.
Que c'est une effroyable corruption que de ne point obéir à Dieu et à son Église, parce que cette désobéissance sortant du fond du cœur, elle empeste l'âme. Il importe fort peu de quoi vous viviez, pourvu que vous ne vous révoltiez point contre Dieu, comme Adam et Ève; ou contre l'Église, comme les Hérétiques, et la plupart des méchants et des impies.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
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