Méditations pour le Carême: Adam et Ève jetés hors du Paradis terrestre - Les Tableaux de la Pénitence - Année 1662
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Méditations pour le Carême: Adam et Ève jetés hors du Paradis terrestre - Les Tableaux de la Pénitence - Année 1662
Les Tableaux de la Pénitence
Messire Antoine Godeau
Évêque de Vence
France année 1662
(Avec Images)
Pour ce temps du Carême avant la Semaine Sainte - cinq tableaux de la Pénitence.
Premier Tableau: Adam et Ève jeté hors du Paradis terrestre.
Deuxième Tableau: Antiochos, le roi persécuteur et ses regrets inutiles sur son lit de mort. (Antiochos IV Épiphane – 215 à 164 Av J.C.)
Troisième Tableau: Sainte Marie Madeleine pénitente sur son rocher dans le sud de la Gaule. (La St-Baume)
Quatrième Tableau: L`Enfant prodigue.
Cinquième Tableau: La Pénitence des habitants de Ninive.
Il y a longtemps que les Saints Pères se sont plaints, que les hommes voulaient bien goûter tous les plaisirs du péché, mais qu`ils ne pouvaient se résoudre à goûter les amertumes et à souffrir les travaux de la Pénitence pour les péchés qui doivent être expiés et ainsi en obtenir pardon de la Justice Divine.
Saint-Ambroise ( Évêque de Milan en Italie de l`an 374 a 397) reproche aux chrétiens de son temps, que les Empereurs (il voulait parler de Théodose) se soumettaient a des satisfactions pénibles et humiliantes, quand ils étaient tombés en des fautes considérables, et que les particuliers refusaient orgueilleusement de s'y assujettir. Il dit qu`il était plus facile de trouver des personnes qui eussent conservés la pureté de leur baptême, que d`en rencontrer qui après l`avoir malheureusement perdue, fussent touché de cette perte, et voulaient la réparer par la Pénitence.
Notre époque de luxe et de péché est très éloignée de l`époque de rigueur et de pureté des premiers chrétiens.
Les peuples voudraient marcher par la voie facile et large, mais le chemin de la trop grande indulgence et du relâchement pourrait être périlleux pour le salut éternel. Il faut passer par le chemin tracé par l`Église et réglé sur la prudence Évangélique.
Les Tableaux de la Pénitence donnent des exemples bibliques de l`expiation des fautes et des péchés, de la Pénitence privée ou publique.
Ce sont des Méditations pour nous aider en cette période de Carême qui est une période de confession des péchés, de Méditations sur nos fautes, d`expiation et de Pénitence pour nos péchés avant la fête de Pâques.
Premier Tableau: Adam et Ève jetés hors du Paradis terrestre ( Genèse 2 et 3)
Adam et Ève chassés du Paradis
Cet Ange qui parait à la porte du Jardin, et qui tient un glaive flamboyant, donne beaucoup d’étonnement et de terreur. Le feu de ses yeux et de son visage est encore plus redoutable que celui de son épée. Il semble qu'il en menace ceux que vous voyez un peu plus loin, s’ils songent à rentrer dans ce beau lieu d’où le Seigneur vient de les chasser.
Ils sont tous deux habillés de peaux, et cet habillement a je ne sais quoi de mortel et de lugubre. On dirait que le peintre a voulu représenter la tristesse même en représentant leurs visages. Mais il y a su si bien mêler la sagesse avec la douleur, qu'on lit dans le fond de leur âme, que cette-tristesse les afflige sans leur donner d’impatience, les trouble sans les inquiéter, les humilie sans les abattre, et leur sert tout-ensemble de remède et de châtiment. Cet Homme s’appelle Adam, et cette Femme; Ève.
Ils ne viennent que de sortir des mains de Dieu, et déjà ils sont pécheurs, ils sont bannis, ils sont misérables. Le Créateur, après avoir formé le corps du mari d’une terre rouge,
L`anima par le souffle de sa bouche. Il y répandit une âme ou il grava son Image, et ne la tira ni des Astres, ni de sa Substance, mais la créa à l’heure même, afin qu’avec le corps qu'elle animerait, elle fit de l’homme, le Chef-d’œuvre de l’Univers, et le Roi des Créatures. Il versa dans son entendement une lumière qui lui faisait connaitre les grandeurs de son Auteur, les Obligations dont il lui était redevable, les merveilles de la Nature, et celles qu'il portait en soi-même. Nulle Vapeur n’obscurcissait la sérénité de son esprit, nul travail n'en affaiblissait l’action, nulle fausse apparence ne le jetait dans l’erreur.
Adam et Ève au Paradis terrestre
Ce merveilleux Roi, dans l'étendue de son Empire ne trouvait point de Sujet qu’il ne connut. Il avait donné le nom a tous les animaux, et ces noms expliquaient leur essence.
La Nature n`avait point de voile pour lui, et elle le regardait comme son second maitre. Sa volonté n`était pas moins riche que son entendement. Comme une lumière divine pénétrait celui-ci, un amour céleste remplissait celle-là, et la possédait entièrement. Il en bannissait toutes les faiblesses, toutes les agitations, tous les dérèglements, toutes les légèretés. Il l`élevait au-dessus d`elle-même pour l`attache au Bien souverain par une chaine qui était forte et sans pesanteur pour l`attacher au Bien Souverain. Par l`union a la Beauté immuable, il lui ôtait son inconstance et par l`obéissance à Dieu, elle jouissait de la véritable liberté.
Le paradis terrestre
C`était le séjour de l`Innocence, de la Justice et de la Paix. C`était un trône ou Dieu prenait plaisir à régner en Sa Majesté. C`était un Ciel dont il gouvernait tous les mouvements, une Mer ou ne s`élevait point d`orages, une Terre ou ne croissait pas de poisons. Les vents qui excitent des tempêtes si dangereuses n`étaient point connus. La colère n`y allumait point de feu, la haine n`y jetait point de venin, l`ennui n`y faisait point sentir ses tortures. Enfin les passions n`y osaient paraitre que comme esclaves de la raison, qui n`avait nulle peine à les retenir dans leur devoir, puisque le péché ne les avait pas encore déréglées. Ce n`est pas qu`elle ne put être vaincue aussi bien que triomphante car nulle nécessité ne la déterminait ni à la royauté, ni à la servitude; ni à la pureté, ni à la souillure; ni au bonheur; ni à la misère. Elle disposait de soi-même en souveraine et voulant faire son devoir, elle trouvait la Grace divine toute prête qui lui laissait la liberté de son choix, et lui donnait par ce moyen la principale gloire de l’action, comme le Principal droit à la récompense.
Il avait une beauté virile, qui par un heureux mélange de douceur et de majesté, était parfaitement agréable. Sa taille, son port, son air, témoignaient une grandeur, qui n’avait rien de contraint, ni d`orgueilleux. Tous ses sens étaient vifs; tous leurs organes parfaits et tous leurs rapports fidèles, toutes leurs fonctions réglées. L’âme était leur maîtresse souveraine, et la Raison leur règle inviolable. Une parfaite harmonie accordait les humeurs, pour empêcher que leur combat ne se terminât à la dissolution de ce corps admirable, qui avait pour son privilège une espèce d’immortalité, laquelle consistait à pouvoir ne pas mourir. Cet Homme si sage, si saint, et si heureux, ne sut pas reconnaître sa félicité, ni en jouir comme il devait. Le Démon ( l`ange déchu), qui venait de perdre la sienne par son orgueil, résolut de le rendre compagnon de sa misère et pour exécuter ce dessein, il vit bien qu'il le fallait rendre compagnon de son crime.
Mais comme il savait quelle était la sublimité de son esprit, et la lumière de sa science, il jugea qu’il le devait surprendre, plutôt que de le combattre et tout orgueilleux qu’il est, il n’aima pas tant l’honneur que la sûreté de la Victoire. C’est pourquoi il s’adressa à sa femme, espérant de la tromper plus facilement comme la plus crédule. Il se cache dans le corps d’un Serpent. Cet animal n’avait rien qui pût, ni faire horreur, ni donner de la crainte à Ève, parce qu'elle lui commandait comme à tous les autres.
Le Séducteur commença par une question qui semblait partir du soin qu’il avait de son contentement, lui demandant, pourquoi Dieu ne lui avait pas permis, et à son mari, de manger du fruit de tous les arbres qui étaient dans le Paradis Terrestre. Cela voulait dire tacitement : Pourquoi vous a t`il privé de ce plaisir? Pourquoi vous en permettant la vue, vous en a t`il interdit l`usage comme s`il eut l`idée de vous tourmenter par le désir d`une chose défendue? Le traitre savait bien que Dieu n`avait pas fait cette défense générale mais il veut le calomnier, et faire glisser peu a peu dans l`esprit de la Femme, une secrète indignation contre Lui et la faire douter de la justice du précepte qu`elle a reçu de sa part.
C`est le premier Pourquoi, que cet ennemi de Dieu a fait entendre contre la Vérité et il continuera jusqu` a la fin des siècles à inspirer cette interrogation arrogante aux hérétiques et aux libertins. Ève lui répond : Que son mari et elle mangeraient de tous les fruits qui étaient dans le Jardin; mais pour celui que Dieu avait mis au milieu, il leur avait défendu d`en manger, et de le toucher, de peur de mourir à l`heure même. La réplique du serpent ( de l`Ange déchu) montre bien que son insolence est arrivée au plus haut ou elle pouvait monter. « Vous ne mourrez point, mais Dieu sait que des le moment que vous en mangerez vos yeux s`ouvriront, et vous serez comme des Dieux, sachant le bien et le mal.»
Ève trouvait le fruit fort beau a la vue, et la promesse de devenir semblable à Dieu flattait doucement son amour propre. Elle ne voyait pas la tromperie qui était cachée sous ces belles paroles et pour devenir grande, elle prenait le conseil de l`ennemi de sa grandeur. Dans cet aveuglement elle porta la main sur le fruit qui leur était défendu et en mangea pour contenter son appétit et sa curiosité. Ce ne fut pas assez à cette malheureuse femme, elle en donna à son mari qui en mangea et par complaisance et par vanité pour ne pas fâcher celle qu`il aimait et pour s`affranchir lui-même de cette petite marque de dépendance que Dieu voulait qu`il portât, comme un hommage continuel a Sa Souveraineté après lui avoir donné celle de toutes les autres créatures.
L`Interdiction de Dieu sort aussitôt de son esprit? Il craint de contrister sa femme mais ne craint pas de déplaire a celui de qui il a reçu l`être tout entier. Ta femme te parle et a suivi le conseil d`un serpent, elle veut que tu le suives et tu te laisses emporter à son désir? Tu devais empêcher ta femme de désobéir à Dieu et cette contrainte eu été heureuse pour elle. Mais tu lui laisse commettre une horrible ingratitude et toi-même tu t`en rend coupable. Tes yeux s`ouvrent, mais que vois-tu? Ta nudité qui te fait honte et qui te reproche ton crime. La plus honteuse et la plus déplorable n`est pas celle de ton corps, tu peux la couvrir de feuilles d`arbres mais celle de ton Âme. En un moment il passe de la connaissance de toutes choses a une ignorance d`autant plus fâcheuse qu`elle est la punition de son infidélité.
Tu n`as pas voulu dépendre de Dieu, tu dépendras de la brutalité de ton corps. Tu as désiré de te gouverner toi-même, tu seras laissé a toi-même, et ton amour propre qui a fait ton crime sera ton bourreau et ton châtiment. Tu commandais à toutes les créatures, obéissant à Dieu en une chose fort légère; et tu obéiras à ta concupiscence en des choses très fâcheuses; tu l`as entrainée après toi, et elle t`entraineras après elle. Tu n`as pas fait le bien quand tu pouvais le faire, tu ne pourras pas le faire quand tu le voudras. Tu as péché par un mauvais usage de ta liberté; et tu entreras par-là dans une servitude, qui te rendras incapable de tout bien. Tu étais en la main de ton Conseil et tu seras au pouvoir de tes passions. Tu as choisi le feu et il te brûlera malheureusement.
Le Serpent antique ( l`Ange déchu) a promis a ta femme que vous seriez comme des Dieux; et voila que vous devenez les plus misérables créatures du monde. Vous deviez savoir le bien et le mal comme des Dieux, vous ignorerez l`un comme des bêtes et vous ferez l`autre comme des démons. Ton corps était ton esclave et maintenant il est ton tyran. Les maladies n`osaient l`attaquer et il en sera désormais la proie. Tu avais un Arbre de Vie qui réparait les forces naturelles de ton corps quand par une longue suite d`année il commence à s`affaiblir et maintenant tu ne peux empêcher sa décadence. Tu eusses joui d`une santé continuelle et tu seras sujet a des maladies innombrables. Les remèdes pour guérir seront de second maux et tu descendras dans la tombe avec des douleurs extrêmes et des frayeurs épouvantables. Tandis que je fais ces reproches à ce malheureux rebelle, Dieu lui en fait qui sont terribles bien qu`il n`y ait rien de rude dans les paroles.
Adam au lieu d`avouer sa faute et d`essayer de la diminuer par l’humilité de sa confession, l`augmente par l`orgueil de ses excuses. Il ne se contente pas de chercher à l`amoindrir en la rejetant sur sa femme, disant : Que la femme la lui a donnée, et la lui a fait faire – ( Genèse 3,12) comme si le Créateur avait formé Ève pour lui servir de piège aussi bien que de compagne. Son juge n`avait pas voulu le citer devant lui aussitôt après le crime. Il était descendu dans le Jardin a son ordinaire; il l`avait appelé afin qu`entendant sa voix, il se souvint de son offense.
Mais au lieu de recourir à la Clémence de Dieu, il a recours à la fuite et aux excuses qui ne sont pas moins criminelles que son péché. Il est saisi de crainte a sa voix mais cette crainte est celle d`un esclave qui se voit sur le point d`être châtié et non pas d`un fils qui est touché de repentir pour avoir fâcher son père. Sa présomption le fait trembler et il y a plus de dépit que de regret de son manquement. Sa nudité lui a donné une honte qu`il a essayé de cacher sous des feuilles de figuiers; et son orgueil veut couvrir la honte de son âme sous des excuses qui ne sont pas plus solide que des feuilles d`arbres qui sont le jouet du vent. La confusion qu`il eut confessant son péché lui eut été salutaire, et par elle il eut peut-être évité celle du rigoureux arrêt que son Juge lui prononce. Après ces foudroyante paroles : «Tu es poussière et tu retourneras poussière»; il habille de peaux les deux fautifs et les chasses de ce Jardin de délice, dont a peine ils avaient eu le loisir de considérer la beauté.
Adam et Ève chassés du Paradis terrestre
Car tous les saints-pères sont d`accord qu`ils y demeurèrent fort peu de temps sans être coupables. Dieu se retire et laisse Adam en proie a la douleur alors le nuage d'orgueil qui obscurcissait son entendement, se dissipe. Il découvre l’énormité de sa faute, et en remarque toutes les circonstances qui la peuvent rendre insupportable. Considérant la hauteur où il était élevé, il connait la grandeur de sa chute. Sa Conscience est un témoin qu'il ne peut, ni ne veut démentir, et il demeure d'accord de tout ce qu'elle lui reproche.
Il ne peut s`empêcher qu’elle ne soit son bourreau; il la reçoit même pour son juge. S'il regarde la terre, il voit qu'elle est maudite pour l’amour de lui et par la malédiction d`une Créature qui n’a point de part à son péché, il comprend celle qu’il a méritée par son crime. Il a horreur des épines dont il est cause qu'elle se hérisse mais il en sent dans lui-même de plus dangereuses et de plus piquantes. Les foudres qu’il entend dans l’air, lui font peur; mais ses passions en font gronder de plus terribles dans son âme. Dieu lui a demandé : «Ou es-tu?» Et il se demande à lui-même : « Ou suis-je?» ? J’étais dans un Jardin de Volupté et me voilà dans un précipice de malheurs.
Dieu m’avais mis dans ce premier lieu, comme un grand Roi; et je suis confiné dans ce second, comme un esclave. Dieu ne dédaignait pas de se promener familièrement avec moi; et il me chasse pour jamais de sa présence. J’étais revêtu de l’immortalité, et je suis couvert de la dépouille des bêtes mortes; mais n’est-ce pas l'habillement qui me convient après ma désobéissance ? J'ai suivi le conseil qu’une bête avait donné à ma femme, j’ai aussi peu considéré ce que je faisais, qu’une bête.
Adam et Ève après l`expulsion du Jardin d`Éden (la chute).
J’ai violé la défense de mon Créateur à qui les bêtes obéissent. Je n’ai pu conserver l'Empire qu’il m’avait donné sur les bêtes. J’ai perdu la vie de la Grâce, et avec elle je me suis engagé à perdre celle du Corps. Mes pensées, mes affections, sont toutes mortelles. Je fuis maintenant le triomphe de la Mort, dont je triomphais autrefois. Il est donc bien juste que je porte ses enseignes, comme son esclave. Mon Juge me fait grâce de me vêtir, lui que j’ai voulu dépouiller de la souveraineté qu’il a sur moi. Je suis l’auteur de ma nudité honteuse, et il la couvre. Je me suis rendu sensible aux injures de l’air et il me donne une robe pour m’en défendre.
Quelle bonté! Mais il veut que j’aye en cette robe, un miroir où je voie ma faute, et un précepteur qui m’enseigne les sentiments que je dois suivre. Quelle miséricorde! Oui, Seigneur, je me regarderai toute ma vie dans ce miroir. Autant que j’ai eu de complaisance pour la beauté que j’avais reçue de vous autant j’aurai de confusion pour ma laideur, dont je suis la cause. Je me suis caché quand vous m’appeliez dans le Jardin, et je ne craindrai point maintenant de vous aborder. Mon orgueil m'a fait chercher des excuses à mon offense, quand vous me la reprochiez en particulier et maintenant je la confesse devant Vos Anges; et je veux bien que toutes les Créatures la sachent. Ce n'est point la Femme que vous m’avez donnée qui me l'a fait faire; c'est mon ambition, c’est mon amour propre qui m’y ont porté.
Vous avez eu raison de me chasser de ce beau lieu dont j’ai abusé Il était fait pour un sujet obéissant, et non pas pour un rebelle orgueilleux. Vous l’aviez planté de vos propres mains, afin que je vous y adorasse comme en un Temple Sacré, et non pas afin que par l’idolâtrie de moi-même, j'en fisse un lieu d’abomination. Je devais vous regarder dans ces beautés différentes que Vous y aviez rassemblées, et non pas me mirer en moi-même, pour concevoir un amour qui m’a été si funeste. Enfin, c’était un séjour propre au repos de l’innocence, et non pas aux travaux de la Pénitence dont j’ai besoin.
Adam et Ève adorant Dieu sur un petit autel de pierre après la chute
Si je le regarde, ce n’est pas pour voir comment j'y pourrai rentrer; c'est pour m’accuser moi-même de m'en être fait bannir. Il faut que la vue du Royaume où je commandais, me fasse mieux sentir la dureté de mon exil. Si vous m’eussiez laissé dans le premier, je n’aurais jamais connu que je méritais le second. Ce Chérubin (Ange) qui tient un glaive flamboyant, ne l’emploiera jamais contre moi. Il suffit que je sache que vous ne voulez pas que je rentre dans le Paradis, dont il garde la Porte pour m’ôter toute pensée de
retour. Je m'en éloignerais même, si ce voisinage ne servait à la punition de ma révolte, et à ma Pénitence. Je veux que mes descendants apprennent de moi comme il faut faire, puisqu'ils seront les héritiers de mon crime.
Je veux que s’ils ont excusé leurs fautes comme j`ai fait, ils les confessent à mon exemple; et n'ayant pas voulu demeurer dans le Paradis de cette Église que vous tirerez un jour du coté de votre Fils, comme vous avez tiré Ève du mien; ils trouvent bon que vos Anges Terrestres, c'est à dire vos Prêtres, les en séparent et que s’ils ont porté la main sur des Fruits défendus, on ne leur permette pas de manger sa chair qui sera leur Fruit de Vie. Je veux que s’ils se sont dépouillés de la robe d’innocence ils se couvrent volontiers des haires et des cilices. Que n’ayant point rougi de leur faute, ils ne rougissent point de leur expiation, et puisqu’ils auront semé des épines, il les moissonnent en patience. Je veux qu’ils mangent leur Pain matériel et spirituel à la sueur de leur visage; qu`ils labourent la terre maudite de leurs cœurs avec humilité, afin de la rendre propre à recevoir la semence de la Grâce.
Qu`ils ne se contentent pas de l’affleurer par quelques satisfactions légères, mais qu'ils l’arrosent de larmes, et qu’ils la déchirent par une véritable douleur. Enfin, je veux qu’ils soient spirituellement revêtus de peaux de bêtes mortes; qu'ils se regardent non plus comme ceux qui sont créez à l'Image de Dieu, puisqu’ils l'ont effacée, mais comme des animaux sans raison, puisqu'aussi bien ils en font les œuvres ou ils songent incessamment à la terre, d’où ils sont tirés, et où ils doivent retourner; afin d'en sortir par la gloire que vous promettez aux Pénitents véritables. Enfants d'Adam, c’est votre Père qui parle. Il ne se contente pas que vous admiriez la main du Peintre dans le Tableau de son bonheur, et de sa disgrâce. Il veut que vous profitiez de ses conseils, et que vous les graviez si profondément dans votre cœur, que jamais ils ne s'en effacent. Ne vous amusez pas à l’accuser comme l’auteur de vos maux; songez à profiter des remèdes qu’il vous présente. Vous avez été corrompus par Adam, haïssez cette corruption qui ne peut être criminelle pour vous, si votre volonté ne suit les mouvements de la nature.
Votre origine est souillée, n’y ajouté pas de nouvelles souillures. Votre seconde naissance dans le baptême a effacé la tache de la première; conservez-en la pureté avec un grand soin. Si vous l'avez perdue, tâchez de la recouvrer dans le bain de la pénitence. C’est une source admirable, que le second Adam fait soudre au milieu de son Église, et qui se répand par tout le monde pour purifier les pécheurs, pour rendre féconde la terre stérile de leurs âmes, pour en arracher les épines, et pour y éteindre le feu de la mauvaise convoitise qui les consume. Ne vous contentez pas de la considérer, ou d'y tremper seulement vos mains; plongez-vous y tout-entiers. Demeurez-y autant que vos Pasteurs le jugeront nécessaire. Souffrez avec joie la douleur que ses eaux vous pourront causer et assurez-vous que vous en sortirez comme des Aigles dont la jeunesse est renouvelée, et qui dédaignant de voler terre à terre, s’élèvent au-dessus des nués, et résistent à la violence des vents qui les veulent emporter.
Je veux dire, que si vous satisfaites véritablement à Dieu, et si vous revenez à lui par une conversion sincère, vous ne serez plus attachés à l’amour des choses mortelles, mais vous soupirerez seulement après l'entrée dans le vrai Jardin de délices, qui est le sein de Dieu, où Jésus-Christ est entré le premier comme Chef, pour vous en mériter l’ouverture comme à ses sujets.
Messire Antoine Godeau
Évêque de Vence
France année 1662
(Avec Images)
Pour ce temps du Carême avant la Semaine Sainte - cinq tableaux de la Pénitence.
Premier Tableau: Adam et Ève jeté hors du Paradis terrestre.
Deuxième Tableau: Antiochos, le roi persécuteur et ses regrets inutiles sur son lit de mort. (Antiochos IV Épiphane – 215 à 164 Av J.C.)
Troisième Tableau: Sainte Marie Madeleine pénitente sur son rocher dans le sud de la Gaule. (La St-Baume)
Quatrième Tableau: L`Enfant prodigue.
Cinquième Tableau: La Pénitence des habitants de Ninive.
Il y a longtemps que les Saints Pères se sont plaints, que les hommes voulaient bien goûter tous les plaisirs du péché, mais qu`ils ne pouvaient se résoudre à goûter les amertumes et à souffrir les travaux de la Pénitence pour les péchés qui doivent être expiés et ainsi en obtenir pardon de la Justice Divine.
Saint-Ambroise ( Évêque de Milan en Italie de l`an 374 a 397) reproche aux chrétiens de son temps, que les Empereurs (il voulait parler de Théodose) se soumettaient a des satisfactions pénibles et humiliantes, quand ils étaient tombés en des fautes considérables, et que les particuliers refusaient orgueilleusement de s'y assujettir. Il dit qu`il était plus facile de trouver des personnes qui eussent conservés la pureté de leur baptême, que d`en rencontrer qui après l`avoir malheureusement perdue, fussent touché de cette perte, et voulaient la réparer par la Pénitence.
Notre époque de luxe et de péché est très éloignée de l`époque de rigueur et de pureté des premiers chrétiens.
Les peuples voudraient marcher par la voie facile et large, mais le chemin de la trop grande indulgence et du relâchement pourrait être périlleux pour le salut éternel. Il faut passer par le chemin tracé par l`Église et réglé sur la prudence Évangélique.
Les Tableaux de la Pénitence donnent des exemples bibliques de l`expiation des fautes et des péchés, de la Pénitence privée ou publique.
Ce sont des Méditations pour nous aider en cette période de Carême qui est une période de confession des péchés, de Méditations sur nos fautes, d`expiation et de Pénitence pour nos péchés avant la fête de Pâques.
Premier Tableau: Adam et Ève jetés hors du Paradis terrestre ( Genèse 2 et 3)
Adam et Ève chassés du Paradis
Cet Ange qui parait à la porte du Jardin, et qui tient un glaive flamboyant, donne beaucoup d’étonnement et de terreur. Le feu de ses yeux et de son visage est encore plus redoutable que celui de son épée. Il semble qu'il en menace ceux que vous voyez un peu plus loin, s’ils songent à rentrer dans ce beau lieu d’où le Seigneur vient de les chasser.
Ils sont tous deux habillés de peaux, et cet habillement a je ne sais quoi de mortel et de lugubre. On dirait que le peintre a voulu représenter la tristesse même en représentant leurs visages. Mais il y a su si bien mêler la sagesse avec la douleur, qu'on lit dans le fond de leur âme, que cette-tristesse les afflige sans leur donner d’impatience, les trouble sans les inquiéter, les humilie sans les abattre, et leur sert tout-ensemble de remède et de châtiment. Cet Homme s’appelle Adam, et cette Femme; Ève.
Ils ne viennent que de sortir des mains de Dieu, et déjà ils sont pécheurs, ils sont bannis, ils sont misérables. Le Créateur, après avoir formé le corps du mari d’une terre rouge,
L`anima par le souffle de sa bouche. Il y répandit une âme ou il grava son Image, et ne la tira ni des Astres, ni de sa Substance, mais la créa à l’heure même, afin qu’avec le corps qu'elle animerait, elle fit de l’homme, le Chef-d’œuvre de l’Univers, et le Roi des Créatures. Il versa dans son entendement une lumière qui lui faisait connaitre les grandeurs de son Auteur, les Obligations dont il lui était redevable, les merveilles de la Nature, et celles qu'il portait en soi-même. Nulle Vapeur n’obscurcissait la sérénité de son esprit, nul travail n'en affaiblissait l’action, nulle fausse apparence ne le jetait dans l’erreur.
Adam et Ève au Paradis terrestre
Ce merveilleux Roi, dans l'étendue de son Empire ne trouvait point de Sujet qu’il ne connut. Il avait donné le nom a tous les animaux, et ces noms expliquaient leur essence.
La Nature n`avait point de voile pour lui, et elle le regardait comme son second maitre. Sa volonté n`était pas moins riche que son entendement. Comme une lumière divine pénétrait celui-ci, un amour céleste remplissait celle-là, et la possédait entièrement. Il en bannissait toutes les faiblesses, toutes les agitations, tous les dérèglements, toutes les légèretés. Il l`élevait au-dessus d`elle-même pour l`attache au Bien souverain par une chaine qui était forte et sans pesanteur pour l`attacher au Bien Souverain. Par l`union a la Beauté immuable, il lui ôtait son inconstance et par l`obéissance à Dieu, elle jouissait de la véritable liberté.
Le paradis terrestre
C`était le séjour de l`Innocence, de la Justice et de la Paix. C`était un trône ou Dieu prenait plaisir à régner en Sa Majesté. C`était un Ciel dont il gouvernait tous les mouvements, une Mer ou ne s`élevait point d`orages, une Terre ou ne croissait pas de poisons. Les vents qui excitent des tempêtes si dangereuses n`étaient point connus. La colère n`y allumait point de feu, la haine n`y jetait point de venin, l`ennui n`y faisait point sentir ses tortures. Enfin les passions n`y osaient paraitre que comme esclaves de la raison, qui n`avait nulle peine à les retenir dans leur devoir, puisque le péché ne les avait pas encore déréglées. Ce n`est pas qu`elle ne put être vaincue aussi bien que triomphante car nulle nécessité ne la déterminait ni à la royauté, ni à la servitude; ni à la pureté, ni à la souillure; ni au bonheur; ni à la misère. Elle disposait de soi-même en souveraine et voulant faire son devoir, elle trouvait la Grace divine toute prête qui lui laissait la liberté de son choix, et lui donnait par ce moyen la principale gloire de l’action, comme le Principal droit à la récompense.
Il avait une beauté virile, qui par un heureux mélange de douceur et de majesté, était parfaitement agréable. Sa taille, son port, son air, témoignaient une grandeur, qui n’avait rien de contraint, ni d`orgueilleux. Tous ses sens étaient vifs; tous leurs organes parfaits et tous leurs rapports fidèles, toutes leurs fonctions réglées. L’âme était leur maîtresse souveraine, et la Raison leur règle inviolable. Une parfaite harmonie accordait les humeurs, pour empêcher que leur combat ne se terminât à la dissolution de ce corps admirable, qui avait pour son privilège une espèce d’immortalité, laquelle consistait à pouvoir ne pas mourir. Cet Homme si sage, si saint, et si heureux, ne sut pas reconnaître sa félicité, ni en jouir comme il devait. Le Démon ( l`ange déchu), qui venait de perdre la sienne par son orgueil, résolut de le rendre compagnon de sa misère et pour exécuter ce dessein, il vit bien qu'il le fallait rendre compagnon de son crime.
Mais comme il savait quelle était la sublimité de son esprit, et la lumière de sa science, il jugea qu’il le devait surprendre, plutôt que de le combattre et tout orgueilleux qu’il est, il n’aima pas tant l’honneur que la sûreté de la Victoire. C’est pourquoi il s’adressa à sa femme, espérant de la tromper plus facilement comme la plus crédule. Il se cache dans le corps d’un Serpent. Cet animal n’avait rien qui pût, ni faire horreur, ni donner de la crainte à Ève, parce qu'elle lui commandait comme à tous les autres.
Le Séducteur commença par une question qui semblait partir du soin qu’il avait de son contentement, lui demandant, pourquoi Dieu ne lui avait pas permis, et à son mari, de manger du fruit de tous les arbres qui étaient dans le Paradis Terrestre. Cela voulait dire tacitement : Pourquoi vous a t`il privé de ce plaisir? Pourquoi vous en permettant la vue, vous en a t`il interdit l`usage comme s`il eut l`idée de vous tourmenter par le désir d`une chose défendue? Le traitre savait bien que Dieu n`avait pas fait cette défense générale mais il veut le calomnier, et faire glisser peu a peu dans l`esprit de la Femme, une secrète indignation contre Lui et la faire douter de la justice du précepte qu`elle a reçu de sa part.
C`est le premier Pourquoi, que cet ennemi de Dieu a fait entendre contre la Vérité et il continuera jusqu` a la fin des siècles à inspirer cette interrogation arrogante aux hérétiques et aux libertins. Ève lui répond : Que son mari et elle mangeraient de tous les fruits qui étaient dans le Jardin; mais pour celui que Dieu avait mis au milieu, il leur avait défendu d`en manger, et de le toucher, de peur de mourir à l`heure même. La réplique du serpent ( de l`Ange déchu) montre bien que son insolence est arrivée au plus haut ou elle pouvait monter. « Vous ne mourrez point, mais Dieu sait que des le moment que vous en mangerez vos yeux s`ouvriront, et vous serez comme des Dieux, sachant le bien et le mal.»
Ève trouvait le fruit fort beau a la vue, et la promesse de devenir semblable à Dieu flattait doucement son amour propre. Elle ne voyait pas la tromperie qui était cachée sous ces belles paroles et pour devenir grande, elle prenait le conseil de l`ennemi de sa grandeur. Dans cet aveuglement elle porta la main sur le fruit qui leur était défendu et en mangea pour contenter son appétit et sa curiosité. Ce ne fut pas assez à cette malheureuse femme, elle en donna à son mari qui en mangea et par complaisance et par vanité pour ne pas fâcher celle qu`il aimait et pour s`affranchir lui-même de cette petite marque de dépendance que Dieu voulait qu`il portât, comme un hommage continuel a Sa Souveraineté après lui avoir donné celle de toutes les autres créatures.
L`Interdiction de Dieu sort aussitôt de son esprit? Il craint de contrister sa femme mais ne craint pas de déplaire a celui de qui il a reçu l`être tout entier. Ta femme te parle et a suivi le conseil d`un serpent, elle veut que tu le suives et tu te laisses emporter à son désir? Tu devais empêcher ta femme de désobéir à Dieu et cette contrainte eu été heureuse pour elle. Mais tu lui laisse commettre une horrible ingratitude et toi-même tu t`en rend coupable. Tes yeux s`ouvrent, mais que vois-tu? Ta nudité qui te fait honte et qui te reproche ton crime. La plus honteuse et la plus déplorable n`est pas celle de ton corps, tu peux la couvrir de feuilles d`arbres mais celle de ton Âme. En un moment il passe de la connaissance de toutes choses a une ignorance d`autant plus fâcheuse qu`elle est la punition de son infidélité.
Tu n`as pas voulu dépendre de Dieu, tu dépendras de la brutalité de ton corps. Tu as désiré de te gouverner toi-même, tu seras laissé a toi-même, et ton amour propre qui a fait ton crime sera ton bourreau et ton châtiment. Tu commandais à toutes les créatures, obéissant à Dieu en une chose fort légère; et tu obéiras à ta concupiscence en des choses très fâcheuses; tu l`as entrainée après toi, et elle t`entraineras après elle. Tu n`as pas fait le bien quand tu pouvais le faire, tu ne pourras pas le faire quand tu le voudras. Tu as péché par un mauvais usage de ta liberté; et tu entreras par-là dans une servitude, qui te rendras incapable de tout bien. Tu étais en la main de ton Conseil et tu seras au pouvoir de tes passions. Tu as choisi le feu et il te brûlera malheureusement.
Le Serpent antique ( l`Ange déchu) a promis a ta femme que vous seriez comme des Dieux; et voila que vous devenez les plus misérables créatures du monde. Vous deviez savoir le bien et le mal comme des Dieux, vous ignorerez l`un comme des bêtes et vous ferez l`autre comme des démons. Ton corps était ton esclave et maintenant il est ton tyran. Les maladies n`osaient l`attaquer et il en sera désormais la proie. Tu avais un Arbre de Vie qui réparait les forces naturelles de ton corps quand par une longue suite d`année il commence à s`affaiblir et maintenant tu ne peux empêcher sa décadence. Tu eusses joui d`une santé continuelle et tu seras sujet a des maladies innombrables. Les remèdes pour guérir seront de second maux et tu descendras dans la tombe avec des douleurs extrêmes et des frayeurs épouvantables. Tandis que je fais ces reproches à ce malheureux rebelle, Dieu lui en fait qui sont terribles bien qu`il n`y ait rien de rude dans les paroles.
Adam au lieu d`avouer sa faute et d`essayer de la diminuer par l’humilité de sa confession, l`augmente par l`orgueil de ses excuses. Il ne se contente pas de chercher à l`amoindrir en la rejetant sur sa femme, disant : Que la femme la lui a donnée, et la lui a fait faire – ( Genèse 3,12) comme si le Créateur avait formé Ève pour lui servir de piège aussi bien que de compagne. Son juge n`avait pas voulu le citer devant lui aussitôt après le crime. Il était descendu dans le Jardin a son ordinaire; il l`avait appelé afin qu`entendant sa voix, il se souvint de son offense.
Mais au lieu de recourir à la Clémence de Dieu, il a recours à la fuite et aux excuses qui ne sont pas moins criminelles que son péché. Il est saisi de crainte a sa voix mais cette crainte est celle d`un esclave qui se voit sur le point d`être châtié et non pas d`un fils qui est touché de repentir pour avoir fâcher son père. Sa présomption le fait trembler et il y a plus de dépit que de regret de son manquement. Sa nudité lui a donné une honte qu`il a essayé de cacher sous des feuilles de figuiers; et son orgueil veut couvrir la honte de son âme sous des excuses qui ne sont pas plus solide que des feuilles d`arbres qui sont le jouet du vent. La confusion qu`il eut confessant son péché lui eut été salutaire, et par elle il eut peut-être évité celle du rigoureux arrêt que son Juge lui prononce. Après ces foudroyante paroles : «Tu es poussière et tu retourneras poussière»; il habille de peaux les deux fautifs et les chasses de ce Jardin de délice, dont a peine ils avaient eu le loisir de considérer la beauté.
Adam et Ève chassés du Paradis terrestre
Car tous les saints-pères sont d`accord qu`ils y demeurèrent fort peu de temps sans être coupables. Dieu se retire et laisse Adam en proie a la douleur alors le nuage d'orgueil qui obscurcissait son entendement, se dissipe. Il découvre l’énormité de sa faute, et en remarque toutes les circonstances qui la peuvent rendre insupportable. Considérant la hauteur où il était élevé, il connait la grandeur de sa chute. Sa Conscience est un témoin qu'il ne peut, ni ne veut démentir, et il demeure d'accord de tout ce qu'elle lui reproche.
Il ne peut s`empêcher qu’elle ne soit son bourreau; il la reçoit même pour son juge. S'il regarde la terre, il voit qu'elle est maudite pour l’amour de lui et par la malédiction d`une Créature qui n’a point de part à son péché, il comprend celle qu’il a méritée par son crime. Il a horreur des épines dont il est cause qu'elle se hérisse mais il en sent dans lui-même de plus dangereuses et de plus piquantes. Les foudres qu’il entend dans l’air, lui font peur; mais ses passions en font gronder de plus terribles dans son âme. Dieu lui a demandé : «Ou es-tu?» Et il se demande à lui-même : « Ou suis-je?» ? J’étais dans un Jardin de Volupté et me voilà dans un précipice de malheurs.
Dieu m’avais mis dans ce premier lieu, comme un grand Roi; et je suis confiné dans ce second, comme un esclave. Dieu ne dédaignait pas de se promener familièrement avec moi; et il me chasse pour jamais de sa présence. J’étais revêtu de l’immortalité, et je suis couvert de la dépouille des bêtes mortes; mais n’est-ce pas l'habillement qui me convient après ma désobéissance ? J'ai suivi le conseil qu’une bête avait donné à ma femme, j’ai aussi peu considéré ce que je faisais, qu’une bête.
Adam et Ève après l`expulsion du Jardin d`Éden (la chute).
J’ai violé la défense de mon Créateur à qui les bêtes obéissent. Je n’ai pu conserver l'Empire qu’il m’avait donné sur les bêtes. J’ai perdu la vie de la Grâce, et avec elle je me suis engagé à perdre celle du Corps. Mes pensées, mes affections, sont toutes mortelles. Je fuis maintenant le triomphe de la Mort, dont je triomphais autrefois. Il est donc bien juste que je porte ses enseignes, comme son esclave. Mon Juge me fait grâce de me vêtir, lui que j’ai voulu dépouiller de la souveraineté qu’il a sur moi. Je suis l’auteur de ma nudité honteuse, et il la couvre. Je me suis rendu sensible aux injures de l’air et il me donne une robe pour m’en défendre.
Quelle bonté! Mais il veut que j’aye en cette robe, un miroir où je voie ma faute, et un précepteur qui m’enseigne les sentiments que je dois suivre. Quelle miséricorde! Oui, Seigneur, je me regarderai toute ma vie dans ce miroir. Autant que j’ai eu de complaisance pour la beauté que j’avais reçue de vous autant j’aurai de confusion pour ma laideur, dont je suis la cause. Je me suis caché quand vous m’appeliez dans le Jardin, et je ne craindrai point maintenant de vous aborder. Mon orgueil m'a fait chercher des excuses à mon offense, quand vous me la reprochiez en particulier et maintenant je la confesse devant Vos Anges; et je veux bien que toutes les Créatures la sachent. Ce n'est point la Femme que vous m’avez donnée qui me l'a fait faire; c'est mon ambition, c’est mon amour propre qui m’y ont porté.
Vous avez eu raison de me chasser de ce beau lieu dont j’ai abusé Il était fait pour un sujet obéissant, et non pas pour un rebelle orgueilleux. Vous l’aviez planté de vos propres mains, afin que je vous y adorasse comme en un Temple Sacré, et non pas afin que par l’idolâtrie de moi-même, j'en fisse un lieu d’abomination. Je devais vous regarder dans ces beautés différentes que Vous y aviez rassemblées, et non pas me mirer en moi-même, pour concevoir un amour qui m’a été si funeste. Enfin, c’était un séjour propre au repos de l’innocence, et non pas aux travaux de la Pénitence dont j’ai besoin.
Adam et Ève adorant Dieu sur un petit autel de pierre après la chute
Si je le regarde, ce n’est pas pour voir comment j'y pourrai rentrer; c'est pour m’accuser moi-même de m'en être fait bannir. Il faut que la vue du Royaume où je commandais, me fasse mieux sentir la dureté de mon exil. Si vous m’eussiez laissé dans le premier, je n’aurais jamais connu que je méritais le second. Ce Chérubin (Ange) qui tient un glaive flamboyant, ne l’emploiera jamais contre moi. Il suffit que je sache que vous ne voulez pas que je rentre dans le Paradis, dont il garde la Porte pour m’ôter toute pensée de
retour. Je m'en éloignerais même, si ce voisinage ne servait à la punition de ma révolte, et à ma Pénitence. Je veux que mes descendants apprennent de moi comme il faut faire, puisqu'ils seront les héritiers de mon crime.
Je veux que s’ils ont excusé leurs fautes comme j`ai fait, ils les confessent à mon exemple; et n'ayant pas voulu demeurer dans le Paradis de cette Église que vous tirerez un jour du coté de votre Fils, comme vous avez tiré Ève du mien; ils trouvent bon que vos Anges Terrestres, c'est à dire vos Prêtres, les en séparent et que s’ils ont porté la main sur des Fruits défendus, on ne leur permette pas de manger sa chair qui sera leur Fruit de Vie. Je veux que s’ils se sont dépouillés de la robe d’innocence ils se couvrent volontiers des haires et des cilices. Que n’ayant point rougi de leur faute, ils ne rougissent point de leur expiation, et puisqu’ils auront semé des épines, il les moissonnent en patience. Je veux qu’ils mangent leur Pain matériel et spirituel à la sueur de leur visage; qu`ils labourent la terre maudite de leurs cœurs avec humilité, afin de la rendre propre à recevoir la semence de la Grâce.
Qu`ils ne se contentent pas de l’affleurer par quelques satisfactions légères, mais qu'ils l’arrosent de larmes, et qu’ils la déchirent par une véritable douleur. Enfin, je veux qu’ils soient spirituellement revêtus de peaux de bêtes mortes; qu'ils se regardent non plus comme ceux qui sont créez à l'Image de Dieu, puisqu’ils l'ont effacée, mais comme des animaux sans raison, puisqu'aussi bien ils en font les œuvres ou ils songent incessamment à la terre, d’où ils sont tirés, et où ils doivent retourner; afin d'en sortir par la gloire que vous promettez aux Pénitents véritables. Enfants d'Adam, c’est votre Père qui parle. Il ne se contente pas que vous admiriez la main du Peintre dans le Tableau de son bonheur, et de sa disgrâce. Il veut que vous profitiez de ses conseils, et que vous les graviez si profondément dans votre cœur, que jamais ils ne s'en effacent. Ne vous amusez pas à l’accuser comme l’auteur de vos maux; songez à profiter des remèdes qu’il vous présente. Vous avez été corrompus par Adam, haïssez cette corruption qui ne peut être criminelle pour vous, si votre volonté ne suit les mouvements de la nature.
Votre origine est souillée, n’y ajouté pas de nouvelles souillures. Votre seconde naissance dans le baptême a effacé la tache de la première; conservez-en la pureté avec un grand soin. Si vous l'avez perdue, tâchez de la recouvrer dans le bain de la pénitence. C’est une source admirable, que le second Adam fait soudre au milieu de son Église, et qui se répand par tout le monde pour purifier les pécheurs, pour rendre féconde la terre stérile de leurs âmes, pour en arracher les épines, et pour y éteindre le feu de la mauvaise convoitise qui les consume. Ne vous contentez pas de la considérer, ou d'y tremper seulement vos mains; plongez-vous y tout-entiers. Demeurez-y autant que vos Pasteurs le jugeront nécessaire. Souffrez avec joie la douleur que ses eaux vous pourront causer et assurez-vous que vous en sortirez comme des Aigles dont la jeunesse est renouvelée, et qui dédaignant de voler terre à terre, s’élèvent au-dessus des nués, et résistent à la violence des vents qui les veulent emporter.
Je veux dire, que si vous satisfaites véritablement à Dieu, et si vous revenez à lui par une conversion sincère, vous ne serez plus attachés à l’amour des choses mortelles, mais vous soupirerez seulement après l'entrée dans le vrai Jardin de délices, qui est le sein de Dieu, où Jésus-Christ est entré le premier comme Chef, pour vous en mériter l’ouverture comme à ses sujets.
Dernière édition par MichelT le Mer 10 Mar 2021 - 11:52, édité 2 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: Méditations pour le Carême: Adam et Ève jetés hors du Paradis terrestre - Les Tableaux de la Pénitence - Année 1662
Deuxième Tableau de la Pénitence: Antiochos, le roi persécuteur et ses regrets inutiles sur son lit de mort. (Antiochos IV Épiphane – 215 à 164 Av J.C.)
Une leçon sur les dangers de l`orgueil et de la volonté de puissance.
Mise en situation : Tout commence en 480 av J.C. quand le roi des Perses, Xerxès, a la tête de son armée et de sa flotte envahi la Grèce. Pendant 200 ans de conflits, les Grecs subiront de nombreuses humiliations, mais aussi de belles victoires comme sur mer à Salamine et sur terre a Platées. Au printemps de l`an 334 Av J.C., Alexandre III, roi de Macédoine (Alexandre le Grand) débarque sur les côtes de l`Asie avec 50,000 hommes. C`est le début d`une gigantesque expédition qui va emmener les Grecs jusqu`en Afghanistan et en Inde et a la conquête de l`empire Perse du roi Darius. En 332 Av J.C, les armées d`Alexandre s`emparent de Tyr ( Liban actuel) et ensuite de Gaza avant de poursuivre les opérations en Égypte. Le peuple Juif se trouvera depuis ce temps sous l`influence des Grecs. Alexandre le Grand meurt à Babylone en l`an 323 av J.C. a la tête d`un empire colossal qui va de l`Égypte jusqu`aux Indes. Les généraux grecs et macédoniens d`Alexandre le Grand se partage son empire a sa mort. Les Ptolémées reçoivent la domination sur l`Égypte et Séleucos reçoit la Satrapie de Babylone et de la Syrie qui inclut aussi les territoires des Juifs. Antiochus Épiphane est un des successeurs grecs de Séleucos.
L`Empire d`Alexandre le Grand en 323 av J.C. s`étend de la Grèce jusqu`aux Indes en passant par l`Égypte.
L`époque de la puissance grecque et macédonienne.
ANTIOCHUS, LE ROI PERSÉCUTEUR SUR SON LIT DE MORT (Antiochos IV Épiphane – roi de l`empire grec Séleucide 215 à 164 Av J.C.)
Après le Tableau des deux Rois qui font une Pénitence salutaire; l’un, en ne disant qu’une parole, l'autre en usant bien de sa captivité, voyez celui d'un autre Prince, qui après une Pénitence publique, avec des termes pleins d'humilité, de reconnaissance de ses fautes, et de promesse d'un parfait changement de vie, mais laquelle, avec tout cela ne laisse pas d'être infructueuse.
Le Peintre a représenté sur son visage, les frayeurs dont son âme est agitée. Ce front qu'il retire, montre qu'il souffre beaucoup, et qu'il se fait violence, pour ne pas se plaindre. Ses yeux jettent des regards où le désespoir parait parmi la langueur. Il hausse un peu sa tête sur son chevet, et on voit bien qu'il ne se tient en cette posture qu’avec douleur. Il a les bras hors du lit, et d'une main il fait un geste, qui semble parler du misérable état où il se trouve, à ses officiers qui sont à l’entour de lui.
Antiochus, le roi persécuteur sur son lit de mort
Il les a fait venir dans sa chambre, afin de leur dire le dernier adieu, voyant qu'il ne pouvait plus espérer la guérison, dont jusqu'alors il s’était flatté. Tous paraissent affligés sensiblement de le voir accablé d'un mal aussi extraordinaire que le sien, mais ils sont plus étonnés de ce qu'il leur dit. Ils se regardent tristement les uns les autres, et celui qui est le plus proche de ce pauvre Prince, détourne la tête, ne pouvant supporter l’horrible puanteur, qui sort de tous les endroits de son corps. Chacun exprime le même étonnement et la même affliction. Voila une Couronne et un Sceptre sur un carreau, auprès du lit de ce Roi mourant; et ces marques de sa grandeur, ne servent en l'état où il se trouve que pour lui en faire mieux voir la vanité, et pour augmenter le regret qu'il a d'en être dépouillé, lors qu'il croyait avoir encore de longues années pour en jouir.
Ce Monarque au lit de la mort s'appelle Antiochus. Il portait le surnom d'Illustre mais il ne l'était qu'en cruauté, en tyrannie, et en sacrilèges. Il avait succédé au trône de l'Empire des Grecs, après la mort de Séleucos son frère ( Séleucos IV), ou plutôt il l'avait usurpé sur son fils Démetrios, qui était en otage à Rome, ne se souvenant plus qu'il lui devait sa liberté, ayant été envoyé en sa place.
Carte de la région du Moyen-Orient vers 187 av J.C. La région en vert est le royaume des Grecs Séleucides qui suit le partage de l`empire d`Alexandre le Grand. Les Ptolémée ( grecs) gouvernent l`Égypte. Le peuple juif se retrouvent sous la domination des Grecs Séleucides.
Il s'empara de même de la Syrie, sous prétexte de la tutelle de son neveu Ptolomée, surnommé Philometor, par l’adresse et par l'assistance d'Euménés, et d'Attalus. Mais
ses plus grands crimes furent ceux qu'il commit contre le Peuple, le Temple, et le culte du vrai Dieu ( A cette époque le Christ n`était pas encore venu sur la terre et le temple était encore a Jérusalem). Il n'y avait cruauté qu'il ne pratiquait contre ce Peuple, pour le porter à l’Idolâtrie (a l`adoration des faux dieux des grecs), et il pilla les trésors et les vases sacrés du Temple de Jérusalem, il le profana par des sacrilèges énormes, il interdit l'exercice de la Religion Judaïque et enfin, il n'oublia rien pour mettre en la place du Dieu d'Israël, les idoles et faux dieux des Gentils.
En 170 Av J.C. Antiochus Épiphane ordonne le pillage de Jérusalem et la profanation du Temple. Des milliers de Juifs de tout âges sont tués et des milliers vendus comme esclaves. (2 Maccabées 5, 11-14 et suivant)
La mort des sept frères Macchabées et de leur mère, dont il voulut être témoin, suffisait pour le rendre exécrable à tous les hommes, si les Rois ne trouvaient des flatteurs, qui louent, ou qui défendent leurs actions les plus abominables, et qui font passer leurs sacrilèges, pour des marques de leur piété. Ces saints Martyrs qui méritaient mieux le nom d'Illustres que lui, furent plus étroitement conjoints par le zèle pour les préceptes de leur Religion, qu’ils ne l’étaient déjà par lien familial.
Exécution et martyre des sept frères Maccabées et de leur mère sur ordre d`Antiochus (2 Maccabées chapitre 7).
Icone orthodoxe en l`honneur de la famille martyre des Maccabées.
Un même esprit les anima pour soutenir des tourments, dont la seule vue donnait de l'horreur aux hommes les plus assurés. Ils répondirent par une même bouche, parce qu’ils avaient un même cœur, chacun souffrant en celui qu’il voyait souffrir devant lui, on peut dire que chacun fut deux fois martyr, et que leur mère mourut sept fois avant que de perdre la vie. La Prophétie du plus jeune de ses enfants, qui menaça le Tyran de la colère de Dieu, et de son Jugement épouvantable, ne demeura pas longtemps à s’accomplir.
Comme l’ambition et l’avarice s'étant une fois rendues maitresses de l'âme d’un tyran, y exercent contre elle une rigoureuse tyrannie, et qu'elles ne connaissent plus de bornes Antiochus ayant profané le Temple du Dieu d'Israël, et fait des extorsions horribles dans les hautes Provinces d'Asie, qu'il courut avec ses troupes, voulut enfin piller le Temple de Diane, qui était dans la Ville de Persépolis (en Iran actuel), où on lui rapporta qu'Alexandre après la conquête du Royaume de Perse, avait laissé d'immenses richesses. Mais il ne fut pas heureux en cette dernière impiété, qu'il avait été dans les autres (2 Maccabées chapitre 9). Il trouva une généreuse résistance dans un lieu dont il pensait se rendre maitre sans difficulté et lorsqu'il songeait à faire une conquête, il apprit que ses troupes qui étaient dans la Judée, sous le commandement de Timothée, de Nicanor, et de Lysias, avaient été entièrement défaites par les Juifs, que le bagage de l’armée leur était aussi demeuré; que l'ldole ( un dieu grec) qu'il avait dressée sur l'Autel du Seigneur, était abattue, le Temple purifié, le culte ancien rétabli, et Jérusalem fortifiée de murailles, et la ville de Béthura reprise.
Ces mauvaises nouvelles le mirent en une étrange colère, et se voyant contraint de quitter l'entreprise du Temple de Persépolis, il jura qu'il se vengerait sur les Juifs de ce honteux succès, qu'il les ferait tous passer par le fil de l'épée et qu'il changerait Jérusalem en un grand cimetière de ses habitants. En même temps il commanda à ses troupes de marcher en diligence, et de prendre le chemin de la Palestine. Il monta sur son chariot, et ordonna à celui qui le conduisait, de mener ses chevaux à toute bride, afin de satisfaire bientôt sa vengeance. Mais il ne songeait pas qu'il menaçait le peuple, et la ville de celui qui se nomme Roi des Rois, qui les tire de la poussière, et qui les y remet quand il lui plait, qui confond leur conseil, et leurs conseillers, et qui se montre particulièrement terrible contre eux.
La culture grecque est influente en Orient a cette époque
Car à peine eut-il prononcé l'arrêt que sa colère et son impiété avaient formé dans son esprit que le Seigneur, dont il voulait exterminer les adorateurs, et détruire le culte, le frappa d'un ulcère incurable, et d'une plaie invisible. Une douleur violente commença à déchirer ses entrailles, et à lui faire payer l’usure des supplices qu'il avait exercer contre les Juifs pour les obliger d`abandonner leur Religion. Encore eut’il dut plutôt songer à guérir son mal qu`à tourmenter les autres; toutefois parmi ces maux cruels qu'il souffrait, il avait toujours la ruine des Juifs dans l’esprit et comme il lui tardait d’être dans leur pays, il pressait incessamment son cocher de le mener rapidement. Il lui obéit, et le chariot qui semblait voler plutôt que courir, par cette impétuosité, fut cause de la chute de ce malheureux Prince, qui reconnut trop tard qu'il luttait contre un plus fort que lui.
En tombant il se brisa tout le corps, de sorte qu'en un moment les choses furent extrêmement changées en sa personne. Celui qui était enflé d’un orgueil insupportable, et qui croyait commander aux vagues de la mer, et qui voyait les plus hautes montagnes sous ses pieds, fut contraint de se faire porter sur un brancard, et se vit en un état où il ne pouvait se remuer. Il fallut s`arrêter par force se mettre dans le lit d’où il ne sortit plus.
Antiochus Épiphane tombe en bas de son char de guerre
Ses douleurs s’augmentèrent tous les jours, tous les remèdes qu'on lui fit prendre les aigrirent, au lieu de les adoucir, son corps ne devint qu'une grande plaie où fourmillaient les vers, et d'où sortait une si horrible puanteur, qu'elle était insupportable à ceux qui l'aimaient le plus tendrement; les inquiétudes de son esprit, sa rage de n'avoir pas réussi en l'entreprise de Persépolis, et de ne pouvoir contenter sa haine contre les Juifs, étaient un autre supplice pour lui, qui n'avait pas moins de cruauté que les tourments qu'il endurait en tous ses membres. La mort se présenta à ses yeux, et comme il crut qu'il ne la pouvait évitée il fit venir dans sa chambre tous ses officiers, et les personnes de qualité, en qui il avait une confiance particulière (2 Maccabées chapitre 9). Vous voyez mes chers amis, leur dit-il, un étrange exemple de la fragilité des grandeurs humaines en ma personne. Il y a peu de jours que chacun me regardait peut-être avec envie, et maintenant je crois que chacun me regarde avec pitié.
J'étais un des plus Grands Princes du monde, et je suis le plus misérable des hommes. Je touchais le Ciel de la tête, et me voila abattu d'un coup de foudre aussi violent qu'il est imprévu; je courais par l'Asie comme un torrent, et je me vois attaché dans un lit, où je ne puis me remuer, je nageais dans les délices, et je souffre des douleurs insupportables. Je donnais à mes sens tous les plaisirs qu'ils pouvaient prendre, et ils souffrent tous les maux qu'ils sont capables de souffrir. Le sommeil s'est éloigné de moi, tous les soulagements qu'on me donne, irritent mon mal, et je ne suis pas moins insupportable à moi-même, qu'à ceux qui me servent. Enfin, il faut que je confesse la cause du misérable état où je me trouve. Il n'est plus temps, ni de dissimuler, ni de me raidir contre la puissance qui m'a si justement abattu.
La prospérité m'a caché ce que l'affliction m'a fait connaitre et quoi que ce soit bien tard, je veux avouer en votre présence, qu'il est juste qu'un homme mortel soit soumis à Dieu, et qu'il n'ait pas les desseins, et les pensées de la divinité, étant si éloigné de sa puissance. C'est ce que j'ai fait jusqu'ici. C'est ce que les flatteurs qui m'environnaient m'ont fait faire. C'est où la grandeur de mon rang, ma bonne fortune, mes trésors, mes forces, ma réputation, m'ont porté. Mais la puanteur qui sort de mon corps, les vers qui le dévorent tout en vie, m'apprennent bien que je suis homme. Mon élévation n'a servi qu'à rendre ma chute plus dangereuse. Ma prospérité s'est évanouie comme un songe.
Mes trésors ne me peuvent faire trouver un moment de trêve avec mes douleurs. Mon armée me plaint peut-être mais ses plaintes me sont inutiles, et toute la gloire que je puis avoir acquise en mes autres entreprises est éteinte par le mauvais succès de Persépolis, et par le salut des Juifs que j`avais résolu de sacrifier à ma colère. Je connais, je connais mes amis que les maux que je leur ai faits et que je voulais leur faire sont les causes de ceux que je souffre. Je les ai persécutés sans aucune cause légitime, j'ai porté le fer et le feu dans leur pays, j`ai désolé leurs Provinces, et brûlé leurs villes.
Antiochus Épiphane fait mettre par la force une idole grecque dans le temple de Jérusalem
Il n'y a cruauté que je n`ai exercé à Jérusalem, et comme si ce n`était pas assez d`offenser les hommes, j'ai voulu provoquer contre moi la colère du Dieu qu'ils adorent, et qui est le seul Dieu qu’il faut adorer. J’ai profané son Temple par des sacrifices impies, j'y ai placé des Idoles exécrables, j’ai fait massacrer ses Prêtres, et je l’ai dépouillé de ses vases, de ses ornements, et de toutes ses richesses. Celui que j’offensais si outrageusement dissimulait mon crime, et je croyais ou qu’il ne le connu pas, ou qu'il ne put s'en venger. Mais je vois bien aujourd'hui qu’il ne différait ma punition que pour la rendre plus cruelle et plus honteuse.
Je confesse que je la mérite, et je veux espérer que cette confession fléchira la clémence de celui à qui je veux désormais rendre autant d’honneur, que jusqu’ici je lui ai fait d’injures et d`outrages. J`ai entendu dire mille fois aux Juifs que leur Dieu était infiniment miséricordieux et qu’il n’attendait qu’une larme des plus grands pécheurs pour leur faire grâce. Aujourd’hui je suis en larmes, et soupir en sa présence. Je reconnais que tous les autres dieux sont des Idoles mortes, qui ne peuvent ni voir les maux de ceux qui les adorent, ni les secourir.
J`avais juré que j`exterminerais la nation des Juifs, et je veux maintenant lui donner d'aussi grands privilèges qu'aux Athéniens. J`avais promis de faire de Jérusalem, un grand cimetière et je promets de la rendre une des plus belles Villes de l'Orient. J'avais résolu d'abattre son Temple tout à fait, et je fais dessein de rendre au double toutes les
choses que j'en ai emportées. J'augmenterai ses ornements, je ferai mettre un fonds assuré pour entretenir ses sacrifices. Enfin, je me ferai Juif moi-même, et j'irai par toute la Terre, non pas en Conquérant, comme j'ai fait, mais en messager de la Gloire et de la Puissance de son Dieu a qui je serai obligé de mon Salut.
Antiochos Épiphane
Antiochus parla de cette sorte à ses amis, ô! il paraissait touché d'un si véritable repentir, que si quelque Juif s'y fût rencontré, il eut cru aisément que tant de larmes et de promesses de satisfaction, apaiseraient la colère de Dieu. Mais comme elles ne partaient pas d'un cœur touché d'une sincère Pénitence, et qu'il avait plus de crainte de la mort, qu'il n'avait de regret de ses abominations passées, que de vrai désir d'exécuter ce qu'il promettait ce méchant priait le Seigneur de qui il ne devait pas obtenir miséricorde. Si l'Écriture sainte ne prononçait ces dernières paroles, je n'oserais les écrire. Mais elles y sont gravées en caractères indélébiles, et jusqu'à la fin des siècles, elles doivent faire trembler tous les pécheurs, qui attendent à faire Pénitence au lit de la mort.
Si nous observons celle de la plupart des Chrétiens, nous trouverons qu'après avoir vécu dans une malheureuse insensibilité pour Dieu, et dans des vices énormes, avant que de sortir du monde, ils se confessent, ils reçoivent le saint Viatique, et l'Extrême Onction, ils pleurent, ils soupirent, ils demandent pardon à Dieu, ils avouent leurs désordres tout haut, ils invoquent Jésus-Christ et enfin, ils meurent embrassant le signe de notre Rédemption. Ne faisons pas comme le méchant qui priait le Seigneur et ne devait pas obtenir miséricorde.
Faites réflexion sur votre vie afin qu`on ne la trouve pas semblable a celle de ce Prince sacrilège. Les ambitieux font-ils scrupule pour parvenir aux grandeurs qu’ils désirent, de tromper leurs amis, de ruiner leurs parents, de manquer aux lois les plus saintes de la société civile?
L`ambition n`a t`elle pas introduit cette maxime, que s`il faut violer le droit divin et humain, ce doit être pour régner, et ne l`entend t`on pas jusqu`à tous les degrés de la puissance et de crédit où la vanité fait aspirer les hommes, pour devenir riches? Fait on conscience de piller le pays où l’on est né, par des inventions exécrables? Épargne t`on les veuves et les orphelins? Est-on touché de la misère des hommes, qu`on voit brouter l'herbe comme les bêtes, et qu'on réduit au désespoir? A-t-on quelque respect pour les biens consacrés au Fils de Dieu? Ne les gagne-t-on pas par des voies aussi méchantes que les biens profanes?
Ne les a-t-on pas mis en commerce? Ne fait-on pas un usage plus impie encore que leur acquisition? Quels sacrilèges ne commet-on dans les temples consacrés à l'adoration du Seigneur du Ciel et de la Terre? Quelles impiétés ne profère-t-on contre ses Vérités les plus saintes, et ses Mystères les plus adorables ? Quel orgueil n'ont les Savants, pour un peu de connaissance que l'étude leur a fait acquérir? Quelle vanité est celle des hommes que la fortune élève, ou pour mieux parler, la Providence de Dieu qui s'en veut servir comme d'instruments de sa colère pour punir les autres, et après pour les détruire eux-mêmes? Il est vrai que tous ces pécheurs croient de parole au vrai Dieu, mais ils le renient par leurs œuvres et sans doute ils sont moins excusables que les infidèles qui ne le connaissent point du tout. Or est-il juste que ce Dieu méprisé, offensé, blasphémé par un pécheur insolent, durant le cours d'une longue vie, oublie ses mépris, ses offenses, et ses blasphèmes, lorsqu'il ne peut plus ni l'offenser, ni le mépriser, ni le blasphémer? Il a promis, je l'avoue, de pardonner au coupable, s'il gémissait devant lui mais il entend si c'était d'un gémissement de véritable Pénitence. La Pénitence est un gémissement de Colombe qui regrette son veuvage, et ces Chrétiens sont ou des corbeaux par leurs rapine, ou des aigles par leur orgueil ou des boucs par leur impureté.
Ils ne pleurent pas tant la Grace qu`ils ont perdus, que la vie qu`ils vont perdre. Ce n`est pas le regret d`avoir offensé le Père des miséricordes qui leur met les larmes dans les yeux, et les paroles de Pénitence dans la bouche, c'est la crainte du Dieu des vengeances qui les étonne, le passé ne leur déplaît que parcequ`ils voient un épouvantable avenir devant eux. Ils tremblent en esclaves fugitif, que leur maître a rencontré et qui se voient saisis lorsqu`ils pensaient aller encore bien loin; et non pas en enfant respectueux qui sont fâchés d`avoir déplu à leur Père. Ils reçoivent les Sacrements plutôt qu`ils ne les demandent. On ne leur propose les remèdes de l`âme que lorsqu`on désespère de la santé du corps, et comme les douleurs de celui-ci ont abattu toute la force de celle-là; il ne faut pas s`étonner si elle se trouble à la proposition de se confesser, ou si elle se confesse sans bien songer à ce qu'elle fait.
Car quoi que dans les Chrétiens, on ne loue pas les commencements, mais la fin, toutefois il est certain que dans la Loi commune que Jésus Christ a établie pour les fidèles baptisés, leur fin dépend ou de leur commencement, ou de leur progrès, soit dans le vice soit dans la vertu. Leur Vie doit être semblable à la route du Soleil qui va toujours croissant en lumière et qui ne s`obscurcit pas lorsqu'il se couche sur notre horizon, mais qui va se lever sur un autre pour en dissiper les ténèbres. Et comme c'est à son lever que l’on fait le présage de la journée, si elle sera claire, ou obscure, de même c'est à l’entrée de la vie raisonnable du Chrétien lorsqu’il commence à connaitre ses devoirs, qu'on peut tirer une conséquence presque infaillible de la façon dont il achèvera sa carrière. La bonté de Dieu qui n'a point de bornes, a fait dans les premiers siècles de grands Saints de ceux qui étaient de grands pécheurs. Mais si vous y prenez garde, ils étaient Pécheurs avant que de croire en lui et depuis leur conversion, ils ne sont point retournés à leurs péchés. La Pécheresse en la Cité ne pèche plus. Mathieu ne retourne plus à la Banque. Zachée ne fait plus son ancien commerce. Pierre ne renie pas son Maître une seconde fois; et Paul ne tombe plus dans sa Persécution.
Le Christ dans la maison de Zachée ( Luc 19, 1)
La même observation se peut faire en tous ces illustres Pénitents dont parle l'Histoire Ecclésiastique, lesquels ayant mis la main à la charrue, ne regardèrent plus derrière eux,
mais allèrent toujours en avant, afin d'être propres au Royaume de Dieu. Comment donc en une chose si importante que le Salut éternel, un homme qui fait profession de
croire qu’il y a un Paradis et un Enfer, peut il se porter à violer la Loi ordinaire, sous l'espérance d'une exception?
Lui est-il permis d'être méchant, parce que Dieu est bon? De l'offenser parce qu'il le souffre? De vouloir éprouver jusqu'où peut aller sa patience? D'amasser un trésor de colère parce qu'il a des trésors de miséricorde? d'Implorer sa clémence quand on ne peut se sauver de sa Justice? Aussitôt qu'Adam eut péché, Dieu le fit sortir du Paradis Terrestre, et l’habilla de peaux de bêtes mortes. Le Juge ne différa point de prononcer la sentence, et le criminel s'y soumit avec autant de promptitude que de joie. Puisque les pécheurs l'imitent en son crime, il faut qu'ils l'imitent en sa Pénitence.
Aussitôt qu'ils ont violé les défenses de leur Souverain, ils doivent sortir de leurs délices se revêtir du cilice, mettre la cendre sur leur tête, tremper leur pain de larmes, et travailler sérieusement à défricher leur cœur pour en ôter les épines; fussent-ils assurés de vivre neuf cens ans, ils ne doivent pas différer à satisfaire à Dieu, puisqu'aucune raison ne peut excuser ce délai car s'il y en avait quelqu'une, ce serait, ou que leurs péchés ne méritent pas qu'on les expie par une longue Pénitence, ou que la Loi de l'Évangile ne les y oblige point, ou que Dieu est obligé de leur donner moyen de la faire quand ils voudront, ou qu'ils sont assurés d'avoir assez de temps pour s'en acquitter.
Mais ne savent-ils pas qu'un péché véniel parait énorme à celui qui aime Dieu, et qu'il faut l'expier, ou en cette Vie, ou dans le feu destiné (Purgatoire) pour purger les souillures les plus légères avec lesquelles on en sort? Et si cela est véritable, s'il faut rendre compte au juste Juge d'une seule parole oisive, quel sera celui de tant de médisances, de tant de rapines, de tant de vanités, de tant de haines, de tant d'injustices, de tant d'impuretés, dans lesquelles la plupart des fidèles vivent?
L'Évangile ne dit-il pas qu'on ne sortira point des prisons divines, qu'on n’ait payé jusqu'au dernier denier? ( Matthieu 5,26) De tous les pécheurs dont il raconte la conversion, aucun la remet-il au lendemain? La Pécheresse, (Marie Madeleine) soudain qu'elle connait que le Fils de Dieu est chez Simon le Pharisien, ne va-t-elle pas faire Pénitence publique à ses pieds? Elle était jeune, elle était belle, elle était saine, elle pouvait se promettre aisément de vivre encore longtemps, et d’avoir le loisir de pleurer toutes ses débauches, mais elle savait que cette promesse était trompeuse, et que la vie de l'homme est une Vapeur qui se dissipe lorsqu’on y pense le moins.
Le mauvais arbre tombe quand on le croit le plus fortement enraciné, la cognée est toujours au pied, et quand il est coupé, il n’est bon qu'à jeter au feu. On ne peut obtenir pardon de ses péchés, si l’on n'en conçoit un vrai repentir, joint a une ferme espérance de la rémission, et à une parfaite résolution de s`amender. Et qui peut donner ce repentir qui a son siège dans le cœur, que celui à qui il appartient de le toucher, de l’amollir et de le changer peut le fortifier par une vive espérance , que celui qui en est l’objet, et qui nous a régénéré en elle , comme le dit St-Pierre? ( Premier Épître de St-Pierre – chapitre 2) Qui peut tirer le pécheur de la captivité malheureuse du péché, ou l`empêcher d'y retomber aussitôt qu'il en est sortie, que celui a qui un grand Pénitent ( le Roi David) disait :« Seigneur délivrez-moi de mes nécessités» ( Psaume 24).
L'avare quitte-t-il à la mort des richesses dont il fait ses Idoles? Il ne les peut emporter. L'ambitieux laisse-t-il ses dignités ? elles ne peuvent le suivre dans le cercueil. Le voluptueux, abandonne-t-il ses plaisirs? Son corps n'en est plus capable, et il a perdu l'usage de tous les sens. Je ne dis pas que tous ceux qui attendent de faire Pénitence lors qu'ils vont mourir, la fassent toujours mauvaise, et qu'ils soient damnés mais je n'ai garde aussi d'assurer qu'ils obtiendront miséricorde.
Dans les sociétés humaines, dans le commerce, dans les recherches ambitieuses des honneurs, personne ne veut laisser le certain, pour prendre l'incertain, il n'y a que dans l'affaire du Salut, dans l'acquisition de la vie éternelle, dans la poursuite du Royaume Céleste, que les hommes laissent l'assuré pour le douteux, et qu'ils font vanité de paraître étourdis, et inconsidérés. Certes, il faut que cette négligence procède d'une Foi bien faible, et d'un mépris bien grand des choses qu'on met si fort au hasard. L'un est criminel, et l'autre est tout à fait inexcusable. Mais tous ces deux défauts ne sont que trop communs dans le cœur de la plupart des Chrétiens, qui portent un nom dont ils ne savent, ni la grandeur, ni les obligations. Leur vie doit être une continuelle Pénitence.
Les innocents y sont obligés, comment les coupables pourraient-ils s`en exempter? Il fallait remettre l'offense de lendemain en lendemain, et ne pas la commettre jamais mais il faut à l'heure même satisfaire à Dieu, de peur qu'il ne vienne comme un larron, lorsque nous l’attendrons le moins non pas pour nous enlever ce qui nous appartient, mais pour reprendre ce que nous lui avons dérobé, et pour nous le faire payer au centuple. Heureux ceux qu'il trouvera éveillés, comme des serviteurs fidèles qui ont envie de voir leur Maitre, et non pas endormis comme des esclaves qui dissipent son bien, et qui ne songent point à sa venue.
C'est en ce premier état, où les véritables Chrétiens doivent toujours être, parcequ'ils sont enfants du jour, et non pas de la nuit or le jour est destiné a la veille et au travail, comme la nuit est donnée aux hommes pour le sommeil et pour le repos. Marchons donc sans cesse, tandis que le jour nous éclaire, de peur que nous ne soyons surpris par la nuit de la mort, qui arrêtera notre course, lorsque nous y penserons le moins, et bien souvent sans que nous ayons fait seulement un pas dans les Voies de Dieu.
L’ambitieux veut toujours faire un nouveau progrès dans sa fortune, et s’il se propose un degré où étant arrivé il ne songera plus à passer outre, quand il s'y voit parvenu, il songe à aller plus loin, et jusqu’où la fortune le peut conduire. L’avaricieux travaille continuellement à devenir riche, et ne perd jamais l'attention à ses affaires, pour profiter de toutes les occasions qui se présentent. Le savant ne peut se contenter de ce qu'il sait, et tous les jours quoi que le chemin de la Science soit rude, il tâche de s’y avancer, et il en souffre avec joie toutes les difficultés. Il n’y a que les joies de Dieu où on ne veut point marcher, et où l’on marche négligemment, quand on s'y engage. Au lieu qu`il y faudrait faire des pas de Géant, comme fait le Soleil dans sa course, on y fait des pas de tortue, on s’arrête à tout ce que l’on rencontre, et en s’arrêtant , on recule sans qu’on y prenne garde.
Le Maître de la course survient, il nous demande compte de nos progrès, pour nous donner la couronne selon que nous aurons couru, ou pour nous châtier de notre négligence. Nous n’avons rien à lui offrir, nous voyons la carrière de l’éternité qui se présente à nous, à laquelle nous n'avons point songé; nous voudrions bien y entrer, mais ce n'est plus le temps de la course, et nous sommes jugés sur le lieu où nous avons été surpris.
Les rues d`Athènes dans la Grèce antique
Le roi Antiochos promettait à Dieu d'aller par toute la Terre publier sa Grandeur, s'il voulait lui faire miséricorde; mais c'était à la fin de la carrière de sa vie, et Dieu le voulait punir de ce qu'il avait fait dans les Voies de l'impiété durant tant d'années. S'il ne se fut pas laissé endormir par ses flatteurs, s'il ne se fut pas enorgueillis de sa grandeur, s'il eut veillé sur son cœur pour l'empêcher d'être surpris par toutes les mauvaises convoitises, il eut obtenu la miséricorde, qu'il eut demandée. Mais il n'a fait tant qu'il a vécu, que provoquer la colère de Dieu, c'est pourquoi il est juste qu'il n'obtienne pas la grâce qu'il a méprisée, et dont par là s'est rendu indigne.
Ayons toujours cette terrible image devant les yeux, et pour trouver notre juge favorable à la mort, songeons continuellement durant notre vie, à l`apaiser, et tâchons de nous tenir toujours prêts à partir d'un lieu qui n'est point notre pays, et où nous ne pouvons nous arrêter sans nous rendre indignes de la patrie Céleste.
Une leçon sur les dangers de l`orgueil et de la volonté de puissance.
Mise en situation : Tout commence en 480 av J.C. quand le roi des Perses, Xerxès, a la tête de son armée et de sa flotte envahi la Grèce. Pendant 200 ans de conflits, les Grecs subiront de nombreuses humiliations, mais aussi de belles victoires comme sur mer à Salamine et sur terre a Platées. Au printemps de l`an 334 Av J.C., Alexandre III, roi de Macédoine (Alexandre le Grand) débarque sur les côtes de l`Asie avec 50,000 hommes. C`est le début d`une gigantesque expédition qui va emmener les Grecs jusqu`en Afghanistan et en Inde et a la conquête de l`empire Perse du roi Darius. En 332 Av J.C, les armées d`Alexandre s`emparent de Tyr ( Liban actuel) et ensuite de Gaza avant de poursuivre les opérations en Égypte. Le peuple Juif se trouvera depuis ce temps sous l`influence des Grecs. Alexandre le Grand meurt à Babylone en l`an 323 av J.C. a la tête d`un empire colossal qui va de l`Égypte jusqu`aux Indes. Les généraux grecs et macédoniens d`Alexandre le Grand se partage son empire a sa mort. Les Ptolémées reçoivent la domination sur l`Égypte et Séleucos reçoit la Satrapie de Babylone et de la Syrie qui inclut aussi les territoires des Juifs. Antiochus Épiphane est un des successeurs grecs de Séleucos.
L`Empire d`Alexandre le Grand en 323 av J.C. s`étend de la Grèce jusqu`aux Indes en passant par l`Égypte.
L`époque de la puissance grecque et macédonienne.
ANTIOCHUS, LE ROI PERSÉCUTEUR SUR SON LIT DE MORT (Antiochos IV Épiphane – roi de l`empire grec Séleucide 215 à 164 Av J.C.)
Après le Tableau des deux Rois qui font une Pénitence salutaire; l’un, en ne disant qu’une parole, l'autre en usant bien de sa captivité, voyez celui d'un autre Prince, qui après une Pénitence publique, avec des termes pleins d'humilité, de reconnaissance de ses fautes, et de promesse d'un parfait changement de vie, mais laquelle, avec tout cela ne laisse pas d'être infructueuse.
Le Peintre a représenté sur son visage, les frayeurs dont son âme est agitée. Ce front qu'il retire, montre qu'il souffre beaucoup, et qu'il se fait violence, pour ne pas se plaindre. Ses yeux jettent des regards où le désespoir parait parmi la langueur. Il hausse un peu sa tête sur son chevet, et on voit bien qu'il ne se tient en cette posture qu’avec douleur. Il a les bras hors du lit, et d'une main il fait un geste, qui semble parler du misérable état où il se trouve, à ses officiers qui sont à l’entour de lui.
Antiochus, le roi persécuteur sur son lit de mort
Il les a fait venir dans sa chambre, afin de leur dire le dernier adieu, voyant qu'il ne pouvait plus espérer la guérison, dont jusqu'alors il s’était flatté. Tous paraissent affligés sensiblement de le voir accablé d'un mal aussi extraordinaire que le sien, mais ils sont plus étonnés de ce qu'il leur dit. Ils se regardent tristement les uns les autres, et celui qui est le plus proche de ce pauvre Prince, détourne la tête, ne pouvant supporter l’horrible puanteur, qui sort de tous les endroits de son corps. Chacun exprime le même étonnement et la même affliction. Voila une Couronne et un Sceptre sur un carreau, auprès du lit de ce Roi mourant; et ces marques de sa grandeur, ne servent en l'état où il se trouve que pour lui en faire mieux voir la vanité, et pour augmenter le regret qu'il a d'en être dépouillé, lors qu'il croyait avoir encore de longues années pour en jouir.
Ce Monarque au lit de la mort s'appelle Antiochus. Il portait le surnom d'Illustre mais il ne l'était qu'en cruauté, en tyrannie, et en sacrilèges. Il avait succédé au trône de l'Empire des Grecs, après la mort de Séleucos son frère ( Séleucos IV), ou plutôt il l'avait usurpé sur son fils Démetrios, qui était en otage à Rome, ne se souvenant plus qu'il lui devait sa liberté, ayant été envoyé en sa place.
Carte de la région du Moyen-Orient vers 187 av J.C. La région en vert est le royaume des Grecs Séleucides qui suit le partage de l`empire d`Alexandre le Grand. Les Ptolémée ( grecs) gouvernent l`Égypte. Le peuple juif se retrouvent sous la domination des Grecs Séleucides.
Il s'empara de même de la Syrie, sous prétexte de la tutelle de son neveu Ptolomée, surnommé Philometor, par l’adresse et par l'assistance d'Euménés, et d'Attalus. Mais
ses plus grands crimes furent ceux qu'il commit contre le Peuple, le Temple, et le culte du vrai Dieu ( A cette époque le Christ n`était pas encore venu sur la terre et le temple était encore a Jérusalem). Il n'y avait cruauté qu'il ne pratiquait contre ce Peuple, pour le porter à l’Idolâtrie (a l`adoration des faux dieux des grecs), et il pilla les trésors et les vases sacrés du Temple de Jérusalem, il le profana par des sacrilèges énormes, il interdit l'exercice de la Religion Judaïque et enfin, il n'oublia rien pour mettre en la place du Dieu d'Israël, les idoles et faux dieux des Gentils.
En 170 Av J.C. Antiochus Épiphane ordonne le pillage de Jérusalem et la profanation du Temple. Des milliers de Juifs de tout âges sont tués et des milliers vendus comme esclaves. (2 Maccabées 5, 11-14 et suivant)
La mort des sept frères Macchabées et de leur mère, dont il voulut être témoin, suffisait pour le rendre exécrable à tous les hommes, si les Rois ne trouvaient des flatteurs, qui louent, ou qui défendent leurs actions les plus abominables, et qui font passer leurs sacrilèges, pour des marques de leur piété. Ces saints Martyrs qui méritaient mieux le nom d'Illustres que lui, furent plus étroitement conjoints par le zèle pour les préceptes de leur Religion, qu’ils ne l’étaient déjà par lien familial.
Exécution et martyre des sept frères Maccabées et de leur mère sur ordre d`Antiochus (2 Maccabées chapitre 7).
Icone orthodoxe en l`honneur de la famille martyre des Maccabées.
Un même esprit les anima pour soutenir des tourments, dont la seule vue donnait de l'horreur aux hommes les plus assurés. Ils répondirent par une même bouche, parce qu’ils avaient un même cœur, chacun souffrant en celui qu’il voyait souffrir devant lui, on peut dire que chacun fut deux fois martyr, et que leur mère mourut sept fois avant que de perdre la vie. La Prophétie du plus jeune de ses enfants, qui menaça le Tyran de la colère de Dieu, et de son Jugement épouvantable, ne demeura pas longtemps à s’accomplir.
Comme l’ambition et l’avarice s'étant une fois rendues maitresses de l'âme d’un tyran, y exercent contre elle une rigoureuse tyrannie, et qu'elles ne connaissent plus de bornes Antiochus ayant profané le Temple du Dieu d'Israël, et fait des extorsions horribles dans les hautes Provinces d'Asie, qu'il courut avec ses troupes, voulut enfin piller le Temple de Diane, qui était dans la Ville de Persépolis (en Iran actuel), où on lui rapporta qu'Alexandre après la conquête du Royaume de Perse, avait laissé d'immenses richesses. Mais il ne fut pas heureux en cette dernière impiété, qu'il avait été dans les autres (2 Maccabées chapitre 9). Il trouva une généreuse résistance dans un lieu dont il pensait se rendre maitre sans difficulté et lorsqu'il songeait à faire une conquête, il apprit que ses troupes qui étaient dans la Judée, sous le commandement de Timothée, de Nicanor, et de Lysias, avaient été entièrement défaites par les Juifs, que le bagage de l’armée leur était aussi demeuré; que l'ldole ( un dieu grec) qu'il avait dressée sur l'Autel du Seigneur, était abattue, le Temple purifié, le culte ancien rétabli, et Jérusalem fortifiée de murailles, et la ville de Béthura reprise.
Ces mauvaises nouvelles le mirent en une étrange colère, et se voyant contraint de quitter l'entreprise du Temple de Persépolis, il jura qu'il se vengerait sur les Juifs de ce honteux succès, qu'il les ferait tous passer par le fil de l'épée et qu'il changerait Jérusalem en un grand cimetière de ses habitants. En même temps il commanda à ses troupes de marcher en diligence, et de prendre le chemin de la Palestine. Il monta sur son chariot, et ordonna à celui qui le conduisait, de mener ses chevaux à toute bride, afin de satisfaire bientôt sa vengeance. Mais il ne songeait pas qu'il menaçait le peuple, et la ville de celui qui se nomme Roi des Rois, qui les tire de la poussière, et qui les y remet quand il lui plait, qui confond leur conseil, et leurs conseillers, et qui se montre particulièrement terrible contre eux.
La culture grecque est influente en Orient a cette époque
Car à peine eut-il prononcé l'arrêt que sa colère et son impiété avaient formé dans son esprit que le Seigneur, dont il voulait exterminer les adorateurs, et détruire le culte, le frappa d'un ulcère incurable, et d'une plaie invisible. Une douleur violente commença à déchirer ses entrailles, et à lui faire payer l’usure des supplices qu'il avait exercer contre les Juifs pour les obliger d`abandonner leur Religion. Encore eut’il dut plutôt songer à guérir son mal qu`à tourmenter les autres; toutefois parmi ces maux cruels qu'il souffrait, il avait toujours la ruine des Juifs dans l’esprit et comme il lui tardait d’être dans leur pays, il pressait incessamment son cocher de le mener rapidement. Il lui obéit, et le chariot qui semblait voler plutôt que courir, par cette impétuosité, fut cause de la chute de ce malheureux Prince, qui reconnut trop tard qu'il luttait contre un plus fort que lui.
En tombant il se brisa tout le corps, de sorte qu'en un moment les choses furent extrêmement changées en sa personne. Celui qui était enflé d’un orgueil insupportable, et qui croyait commander aux vagues de la mer, et qui voyait les plus hautes montagnes sous ses pieds, fut contraint de se faire porter sur un brancard, et se vit en un état où il ne pouvait se remuer. Il fallut s`arrêter par force se mettre dans le lit d’où il ne sortit plus.
Antiochus Épiphane tombe en bas de son char de guerre
Ses douleurs s’augmentèrent tous les jours, tous les remèdes qu'on lui fit prendre les aigrirent, au lieu de les adoucir, son corps ne devint qu'une grande plaie où fourmillaient les vers, et d'où sortait une si horrible puanteur, qu'elle était insupportable à ceux qui l'aimaient le plus tendrement; les inquiétudes de son esprit, sa rage de n'avoir pas réussi en l'entreprise de Persépolis, et de ne pouvoir contenter sa haine contre les Juifs, étaient un autre supplice pour lui, qui n'avait pas moins de cruauté que les tourments qu'il endurait en tous ses membres. La mort se présenta à ses yeux, et comme il crut qu'il ne la pouvait évitée il fit venir dans sa chambre tous ses officiers, et les personnes de qualité, en qui il avait une confiance particulière (2 Maccabées chapitre 9). Vous voyez mes chers amis, leur dit-il, un étrange exemple de la fragilité des grandeurs humaines en ma personne. Il y a peu de jours que chacun me regardait peut-être avec envie, et maintenant je crois que chacun me regarde avec pitié.
J'étais un des plus Grands Princes du monde, et je suis le plus misérable des hommes. Je touchais le Ciel de la tête, et me voila abattu d'un coup de foudre aussi violent qu'il est imprévu; je courais par l'Asie comme un torrent, et je me vois attaché dans un lit, où je ne puis me remuer, je nageais dans les délices, et je souffre des douleurs insupportables. Je donnais à mes sens tous les plaisirs qu'ils pouvaient prendre, et ils souffrent tous les maux qu'ils sont capables de souffrir. Le sommeil s'est éloigné de moi, tous les soulagements qu'on me donne, irritent mon mal, et je ne suis pas moins insupportable à moi-même, qu'à ceux qui me servent. Enfin, il faut que je confesse la cause du misérable état où je me trouve. Il n'est plus temps, ni de dissimuler, ni de me raidir contre la puissance qui m'a si justement abattu.
La prospérité m'a caché ce que l'affliction m'a fait connaitre et quoi que ce soit bien tard, je veux avouer en votre présence, qu'il est juste qu'un homme mortel soit soumis à Dieu, et qu'il n'ait pas les desseins, et les pensées de la divinité, étant si éloigné de sa puissance. C'est ce que j'ai fait jusqu'ici. C'est ce que les flatteurs qui m'environnaient m'ont fait faire. C'est où la grandeur de mon rang, ma bonne fortune, mes trésors, mes forces, ma réputation, m'ont porté. Mais la puanteur qui sort de mon corps, les vers qui le dévorent tout en vie, m'apprennent bien que je suis homme. Mon élévation n'a servi qu'à rendre ma chute plus dangereuse. Ma prospérité s'est évanouie comme un songe.
Mes trésors ne me peuvent faire trouver un moment de trêve avec mes douleurs. Mon armée me plaint peut-être mais ses plaintes me sont inutiles, et toute la gloire que je puis avoir acquise en mes autres entreprises est éteinte par le mauvais succès de Persépolis, et par le salut des Juifs que j`avais résolu de sacrifier à ma colère. Je connais, je connais mes amis que les maux que je leur ai faits et que je voulais leur faire sont les causes de ceux que je souffre. Je les ai persécutés sans aucune cause légitime, j'ai porté le fer et le feu dans leur pays, j`ai désolé leurs Provinces, et brûlé leurs villes.
Antiochus Épiphane fait mettre par la force une idole grecque dans le temple de Jérusalem
Il n'y a cruauté que je n`ai exercé à Jérusalem, et comme si ce n`était pas assez d`offenser les hommes, j'ai voulu provoquer contre moi la colère du Dieu qu'ils adorent, et qui est le seul Dieu qu’il faut adorer. J’ai profané son Temple par des sacrifices impies, j'y ai placé des Idoles exécrables, j’ai fait massacrer ses Prêtres, et je l’ai dépouillé de ses vases, de ses ornements, et de toutes ses richesses. Celui que j’offensais si outrageusement dissimulait mon crime, et je croyais ou qu’il ne le connu pas, ou qu'il ne put s'en venger. Mais je vois bien aujourd'hui qu’il ne différait ma punition que pour la rendre plus cruelle et plus honteuse.
Je confesse que je la mérite, et je veux espérer que cette confession fléchira la clémence de celui à qui je veux désormais rendre autant d’honneur, que jusqu’ici je lui ai fait d’injures et d`outrages. J`ai entendu dire mille fois aux Juifs que leur Dieu était infiniment miséricordieux et qu’il n’attendait qu’une larme des plus grands pécheurs pour leur faire grâce. Aujourd’hui je suis en larmes, et soupir en sa présence. Je reconnais que tous les autres dieux sont des Idoles mortes, qui ne peuvent ni voir les maux de ceux qui les adorent, ni les secourir.
J`avais juré que j`exterminerais la nation des Juifs, et je veux maintenant lui donner d'aussi grands privilèges qu'aux Athéniens. J`avais promis de faire de Jérusalem, un grand cimetière et je promets de la rendre une des plus belles Villes de l'Orient. J'avais résolu d'abattre son Temple tout à fait, et je fais dessein de rendre au double toutes les
choses que j'en ai emportées. J'augmenterai ses ornements, je ferai mettre un fonds assuré pour entretenir ses sacrifices. Enfin, je me ferai Juif moi-même, et j'irai par toute la Terre, non pas en Conquérant, comme j'ai fait, mais en messager de la Gloire et de la Puissance de son Dieu a qui je serai obligé de mon Salut.
Antiochos Épiphane
Antiochus parla de cette sorte à ses amis, ô! il paraissait touché d'un si véritable repentir, que si quelque Juif s'y fût rencontré, il eut cru aisément que tant de larmes et de promesses de satisfaction, apaiseraient la colère de Dieu. Mais comme elles ne partaient pas d'un cœur touché d'une sincère Pénitence, et qu'il avait plus de crainte de la mort, qu'il n'avait de regret de ses abominations passées, que de vrai désir d'exécuter ce qu'il promettait ce méchant priait le Seigneur de qui il ne devait pas obtenir miséricorde. Si l'Écriture sainte ne prononçait ces dernières paroles, je n'oserais les écrire. Mais elles y sont gravées en caractères indélébiles, et jusqu'à la fin des siècles, elles doivent faire trembler tous les pécheurs, qui attendent à faire Pénitence au lit de la mort.
Si nous observons celle de la plupart des Chrétiens, nous trouverons qu'après avoir vécu dans une malheureuse insensibilité pour Dieu, et dans des vices énormes, avant que de sortir du monde, ils se confessent, ils reçoivent le saint Viatique, et l'Extrême Onction, ils pleurent, ils soupirent, ils demandent pardon à Dieu, ils avouent leurs désordres tout haut, ils invoquent Jésus-Christ et enfin, ils meurent embrassant le signe de notre Rédemption. Ne faisons pas comme le méchant qui priait le Seigneur et ne devait pas obtenir miséricorde.
Faites réflexion sur votre vie afin qu`on ne la trouve pas semblable a celle de ce Prince sacrilège. Les ambitieux font-ils scrupule pour parvenir aux grandeurs qu’ils désirent, de tromper leurs amis, de ruiner leurs parents, de manquer aux lois les plus saintes de la société civile?
L`ambition n`a t`elle pas introduit cette maxime, que s`il faut violer le droit divin et humain, ce doit être pour régner, et ne l`entend t`on pas jusqu`à tous les degrés de la puissance et de crédit où la vanité fait aspirer les hommes, pour devenir riches? Fait on conscience de piller le pays où l’on est né, par des inventions exécrables? Épargne t`on les veuves et les orphelins? Est-on touché de la misère des hommes, qu`on voit brouter l'herbe comme les bêtes, et qu'on réduit au désespoir? A-t-on quelque respect pour les biens consacrés au Fils de Dieu? Ne les gagne-t-on pas par des voies aussi méchantes que les biens profanes?
Ne les a-t-on pas mis en commerce? Ne fait-on pas un usage plus impie encore que leur acquisition? Quels sacrilèges ne commet-on dans les temples consacrés à l'adoration du Seigneur du Ciel et de la Terre? Quelles impiétés ne profère-t-on contre ses Vérités les plus saintes, et ses Mystères les plus adorables ? Quel orgueil n'ont les Savants, pour un peu de connaissance que l'étude leur a fait acquérir? Quelle vanité est celle des hommes que la fortune élève, ou pour mieux parler, la Providence de Dieu qui s'en veut servir comme d'instruments de sa colère pour punir les autres, et après pour les détruire eux-mêmes? Il est vrai que tous ces pécheurs croient de parole au vrai Dieu, mais ils le renient par leurs œuvres et sans doute ils sont moins excusables que les infidèles qui ne le connaissent point du tout. Or est-il juste que ce Dieu méprisé, offensé, blasphémé par un pécheur insolent, durant le cours d'une longue vie, oublie ses mépris, ses offenses, et ses blasphèmes, lorsqu'il ne peut plus ni l'offenser, ni le mépriser, ni le blasphémer? Il a promis, je l'avoue, de pardonner au coupable, s'il gémissait devant lui mais il entend si c'était d'un gémissement de véritable Pénitence. La Pénitence est un gémissement de Colombe qui regrette son veuvage, et ces Chrétiens sont ou des corbeaux par leurs rapine, ou des aigles par leur orgueil ou des boucs par leur impureté.
Ils ne pleurent pas tant la Grace qu`ils ont perdus, que la vie qu`ils vont perdre. Ce n`est pas le regret d`avoir offensé le Père des miséricordes qui leur met les larmes dans les yeux, et les paroles de Pénitence dans la bouche, c'est la crainte du Dieu des vengeances qui les étonne, le passé ne leur déplaît que parcequ`ils voient un épouvantable avenir devant eux. Ils tremblent en esclaves fugitif, que leur maître a rencontré et qui se voient saisis lorsqu`ils pensaient aller encore bien loin; et non pas en enfant respectueux qui sont fâchés d`avoir déplu à leur Père. Ils reçoivent les Sacrements plutôt qu`ils ne les demandent. On ne leur propose les remèdes de l`âme que lorsqu`on désespère de la santé du corps, et comme les douleurs de celui-ci ont abattu toute la force de celle-là; il ne faut pas s`étonner si elle se trouble à la proposition de se confesser, ou si elle se confesse sans bien songer à ce qu'elle fait.
Car quoi que dans les Chrétiens, on ne loue pas les commencements, mais la fin, toutefois il est certain que dans la Loi commune que Jésus Christ a établie pour les fidèles baptisés, leur fin dépend ou de leur commencement, ou de leur progrès, soit dans le vice soit dans la vertu. Leur Vie doit être semblable à la route du Soleil qui va toujours croissant en lumière et qui ne s`obscurcit pas lorsqu'il se couche sur notre horizon, mais qui va se lever sur un autre pour en dissiper les ténèbres. Et comme c'est à son lever que l’on fait le présage de la journée, si elle sera claire, ou obscure, de même c'est à l’entrée de la vie raisonnable du Chrétien lorsqu’il commence à connaitre ses devoirs, qu'on peut tirer une conséquence presque infaillible de la façon dont il achèvera sa carrière. La bonté de Dieu qui n'a point de bornes, a fait dans les premiers siècles de grands Saints de ceux qui étaient de grands pécheurs. Mais si vous y prenez garde, ils étaient Pécheurs avant que de croire en lui et depuis leur conversion, ils ne sont point retournés à leurs péchés. La Pécheresse en la Cité ne pèche plus. Mathieu ne retourne plus à la Banque. Zachée ne fait plus son ancien commerce. Pierre ne renie pas son Maître une seconde fois; et Paul ne tombe plus dans sa Persécution.
Le Christ dans la maison de Zachée ( Luc 19, 1)
La même observation se peut faire en tous ces illustres Pénitents dont parle l'Histoire Ecclésiastique, lesquels ayant mis la main à la charrue, ne regardèrent plus derrière eux,
mais allèrent toujours en avant, afin d'être propres au Royaume de Dieu. Comment donc en une chose si importante que le Salut éternel, un homme qui fait profession de
croire qu’il y a un Paradis et un Enfer, peut il se porter à violer la Loi ordinaire, sous l'espérance d'une exception?
Lui est-il permis d'être méchant, parce que Dieu est bon? De l'offenser parce qu'il le souffre? De vouloir éprouver jusqu'où peut aller sa patience? D'amasser un trésor de colère parce qu'il a des trésors de miséricorde? d'Implorer sa clémence quand on ne peut se sauver de sa Justice? Aussitôt qu'Adam eut péché, Dieu le fit sortir du Paradis Terrestre, et l’habilla de peaux de bêtes mortes. Le Juge ne différa point de prononcer la sentence, et le criminel s'y soumit avec autant de promptitude que de joie. Puisque les pécheurs l'imitent en son crime, il faut qu'ils l'imitent en sa Pénitence.
Aussitôt qu'ils ont violé les défenses de leur Souverain, ils doivent sortir de leurs délices se revêtir du cilice, mettre la cendre sur leur tête, tremper leur pain de larmes, et travailler sérieusement à défricher leur cœur pour en ôter les épines; fussent-ils assurés de vivre neuf cens ans, ils ne doivent pas différer à satisfaire à Dieu, puisqu'aucune raison ne peut excuser ce délai car s'il y en avait quelqu'une, ce serait, ou que leurs péchés ne méritent pas qu'on les expie par une longue Pénitence, ou que la Loi de l'Évangile ne les y oblige point, ou que Dieu est obligé de leur donner moyen de la faire quand ils voudront, ou qu'ils sont assurés d'avoir assez de temps pour s'en acquitter.
Mais ne savent-ils pas qu'un péché véniel parait énorme à celui qui aime Dieu, et qu'il faut l'expier, ou en cette Vie, ou dans le feu destiné (Purgatoire) pour purger les souillures les plus légères avec lesquelles on en sort? Et si cela est véritable, s'il faut rendre compte au juste Juge d'une seule parole oisive, quel sera celui de tant de médisances, de tant de rapines, de tant de vanités, de tant de haines, de tant d'injustices, de tant d'impuretés, dans lesquelles la plupart des fidèles vivent?
L'Évangile ne dit-il pas qu'on ne sortira point des prisons divines, qu'on n’ait payé jusqu'au dernier denier? ( Matthieu 5,26) De tous les pécheurs dont il raconte la conversion, aucun la remet-il au lendemain? La Pécheresse, (Marie Madeleine) soudain qu'elle connait que le Fils de Dieu est chez Simon le Pharisien, ne va-t-elle pas faire Pénitence publique à ses pieds? Elle était jeune, elle était belle, elle était saine, elle pouvait se promettre aisément de vivre encore longtemps, et d’avoir le loisir de pleurer toutes ses débauches, mais elle savait que cette promesse était trompeuse, et que la vie de l'homme est une Vapeur qui se dissipe lorsqu’on y pense le moins.
Le mauvais arbre tombe quand on le croit le plus fortement enraciné, la cognée est toujours au pied, et quand il est coupé, il n’est bon qu'à jeter au feu. On ne peut obtenir pardon de ses péchés, si l’on n'en conçoit un vrai repentir, joint a une ferme espérance de la rémission, et à une parfaite résolution de s`amender. Et qui peut donner ce repentir qui a son siège dans le cœur, que celui à qui il appartient de le toucher, de l’amollir et de le changer peut le fortifier par une vive espérance , que celui qui en est l’objet, et qui nous a régénéré en elle , comme le dit St-Pierre? ( Premier Épître de St-Pierre – chapitre 2) Qui peut tirer le pécheur de la captivité malheureuse du péché, ou l`empêcher d'y retomber aussitôt qu'il en est sortie, que celui a qui un grand Pénitent ( le Roi David) disait :« Seigneur délivrez-moi de mes nécessités» ( Psaume 24).
L'avare quitte-t-il à la mort des richesses dont il fait ses Idoles? Il ne les peut emporter. L'ambitieux laisse-t-il ses dignités ? elles ne peuvent le suivre dans le cercueil. Le voluptueux, abandonne-t-il ses plaisirs? Son corps n'en est plus capable, et il a perdu l'usage de tous les sens. Je ne dis pas que tous ceux qui attendent de faire Pénitence lors qu'ils vont mourir, la fassent toujours mauvaise, et qu'ils soient damnés mais je n'ai garde aussi d'assurer qu'ils obtiendront miséricorde.
Dans les sociétés humaines, dans le commerce, dans les recherches ambitieuses des honneurs, personne ne veut laisser le certain, pour prendre l'incertain, il n'y a que dans l'affaire du Salut, dans l'acquisition de la vie éternelle, dans la poursuite du Royaume Céleste, que les hommes laissent l'assuré pour le douteux, et qu'ils font vanité de paraître étourdis, et inconsidérés. Certes, il faut que cette négligence procède d'une Foi bien faible, et d'un mépris bien grand des choses qu'on met si fort au hasard. L'un est criminel, et l'autre est tout à fait inexcusable. Mais tous ces deux défauts ne sont que trop communs dans le cœur de la plupart des Chrétiens, qui portent un nom dont ils ne savent, ni la grandeur, ni les obligations. Leur vie doit être une continuelle Pénitence.
Les innocents y sont obligés, comment les coupables pourraient-ils s`en exempter? Il fallait remettre l'offense de lendemain en lendemain, et ne pas la commettre jamais mais il faut à l'heure même satisfaire à Dieu, de peur qu'il ne vienne comme un larron, lorsque nous l’attendrons le moins non pas pour nous enlever ce qui nous appartient, mais pour reprendre ce que nous lui avons dérobé, et pour nous le faire payer au centuple. Heureux ceux qu'il trouvera éveillés, comme des serviteurs fidèles qui ont envie de voir leur Maitre, et non pas endormis comme des esclaves qui dissipent son bien, et qui ne songent point à sa venue.
C'est en ce premier état, où les véritables Chrétiens doivent toujours être, parcequ'ils sont enfants du jour, et non pas de la nuit or le jour est destiné a la veille et au travail, comme la nuit est donnée aux hommes pour le sommeil et pour le repos. Marchons donc sans cesse, tandis que le jour nous éclaire, de peur que nous ne soyons surpris par la nuit de la mort, qui arrêtera notre course, lorsque nous y penserons le moins, et bien souvent sans que nous ayons fait seulement un pas dans les Voies de Dieu.
L’ambitieux veut toujours faire un nouveau progrès dans sa fortune, et s’il se propose un degré où étant arrivé il ne songera plus à passer outre, quand il s'y voit parvenu, il songe à aller plus loin, et jusqu’où la fortune le peut conduire. L’avaricieux travaille continuellement à devenir riche, et ne perd jamais l'attention à ses affaires, pour profiter de toutes les occasions qui se présentent. Le savant ne peut se contenter de ce qu'il sait, et tous les jours quoi que le chemin de la Science soit rude, il tâche de s’y avancer, et il en souffre avec joie toutes les difficultés. Il n’y a que les joies de Dieu où on ne veut point marcher, et où l’on marche négligemment, quand on s'y engage. Au lieu qu`il y faudrait faire des pas de Géant, comme fait le Soleil dans sa course, on y fait des pas de tortue, on s’arrête à tout ce que l’on rencontre, et en s’arrêtant , on recule sans qu’on y prenne garde.
Le Maître de la course survient, il nous demande compte de nos progrès, pour nous donner la couronne selon que nous aurons couru, ou pour nous châtier de notre négligence. Nous n’avons rien à lui offrir, nous voyons la carrière de l’éternité qui se présente à nous, à laquelle nous n'avons point songé; nous voudrions bien y entrer, mais ce n'est plus le temps de la course, et nous sommes jugés sur le lieu où nous avons été surpris.
Les rues d`Athènes dans la Grèce antique
Le roi Antiochos promettait à Dieu d'aller par toute la Terre publier sa Grandeur, s'il voulait lui faire miséricorde; mais c'était à la fin de la carrière de sa vie, et Dieu le voulait punir de ce qu'il avait fait dans les Voies de l'impiété durant tant d'années. S'il ne se fut pas laissé endormir par ses flatteurs, s'il ne se fut pas enorgueillis de sa grandeur, s'il eut veillé sur son cœur pour l'empêcher d'être surpris par toutes les mauvaises convoitises, il eut obtenu la miséricorde, qu'il eut demandée. Mais il n'a fait tant qu'il a vécu, que provoquer la colère de Dieu, c'est pourquoi il est juste qu'il n'obtienne pas la grâce qu'il a méprisée, et dont par là s'est rendu indigne.
Ayons toujours cette terrible image devant les yeux, et pour trouver notre juge favorable à la mort, songeons continuellement durant notre vie, à l`apaiser, et tâchons de nous tenir toujours prêts à partir d'un lieu qui n'est point notre pays, et où nous ne pouvons nous arrêter sans nous rendre indignes de la patrie Céleste.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: Méditations pour le Carême: Adam et Ève jetés hors du Paradis terrestre - Les Tableaux de la Pénitence - Année 1662
Troisième Tableau de la Pénitence: Sainte Marie Madeleine faisant pénitence dans le sud de la Gaule (France) vers 45 Ap J.C.
Sainte Marie Madeleine la pécheresse convertie par le Christ
Dès les premiers siècles chrétiens, pénitents, saints, rois, papes, viennent accomplir leur pèlerinage à la grotte de la Sainte-Baume ( Sud de la France) auprès de Sainte Marie-Madeleine ( Marie de Madgala). Cette femme est celle dont le Christ a chassé sept démons. Une fois purifiée, elle devient avec les douze et quelques autres femmes, disciple de Jésus-Christ, notre Seigneur. Elle est l’un des rares disciples à se tenir au pied de la croix, versant toutes ses larmes à celui qui s’offre sur le bois de la croix. Au matin de Pâques, sainte Marie-Madeleine reconnaît dans le jardinier le Christ ressuscité. Il lui demande d’annoncer à ses apôtres qu’il est ressuscité. Selon la légende, peu de temps après, Marie-Madeleine embarque avec son frère Lazare et sa soeur Marthe pour l’occident ( vers l`an 45 ap J.C.). Elle arrive aux Saintes Maries de la Mer ( Sud de la Gaule -France). Elle accompagne Lazare à Marseille. Elle continue son chemin en suivant le cours de l’Huveaune et vient s’établir à la Sainte-Baume pour y passer les trente dernières années de sa vie. Elle offre toute sa vie en pénitence pour la conversion des pécheurs. Les pèlerins qui viennent encore aujourd’hui à la grotte seront surpris par la présence inestimable de la sainte qui conduit tous ceux qui s’y disposent au Christ notre Seigneur.
Le rocher de la Pénitence – Marie Magdeleine - Grotte de la St-Baume selon la tradition provençale
Selon la Légende Doré de Jacques de Voragine: Quatorze ans après la Passion du Christ, les disciples répandaient la parole en diverses contrées. St-Pierre confia Marie Madeleine a Saint Maximin, l`un des soixante-douze disciples du Seigneur. Pendant les persécutions, Saint Maximin, Marie-Madeleine, son frère Lazare, sa sœur Marthe, leur servante Martille, saint Cédon et d`autres chrétiens furent embarqués sur un bateau et envoyés a la dérive dans l`espérance qu`ils mourraient en mer. Ils réussirent a se rendre dans le sud de la Gaule ou ils commencèrent a prêcher la parole de l`Évangile.
SAINTE MAGDELEINE DANS SON ROCHER, vulgairement appelé LA SAINTE BAUME.
Un Pharisien pria le Fils de Dieu de venir manger avec lui. Il ne refusa pas cette grâce a un homme qui semblait lui vouloir rendre quelque honneur, quoi qu'il vit dans son cœur des sentiments bien éloignés du véritable respect qu'il veut qu'on lui rende. Il se met à table avec d'autres personnes de la même secte. Mais il ne songe pas tant à manger, qu'à rassasier la Pécheresse, qui l'y doit venir trouver, pressée de la faim de la justice. Elle n'a point d'autre nom dans la ville de Naim; mais c'est trop peu dire, non seulement elle est pécheresse en la Cité, mais elle est le péché de la Cité, et de toute la Province de Galilée. Si vous demandez sa naissance, elle est noble. Elle a un frère qui est un homme juste, et une sœur qui donne des exemples de vertu à toute la ville de Jérusalem dont leur maison est voisine.
Mais elle n'a pu souffrir ces censeurs domestiques du désordre de sa vie et pour contenter sa passion avec plus de liberté, et moins de honte, elle s'est séparée d'eux, oubliant ce qu'elle devait à son propre honneur. Il ne faut donc pas s'étonner, si elle ne se souvient plus de ce qu'elle doit à sa famille.
St-Marie de Magdala (Marie Madeleine)
L'amour impur dont elle est esclave, lui a mis un bandeau si épais sur les yeux de l'esprit, qu'elle ne voit plus, ni la beauté de la vertu, ni l'éclat d'une bonne réputation, ni l'infamie des mauvais bruits qui courent d'elle partout. Elle n’entend plus les remords de sa conscience; comment entendrait-elle les contes que toute la ville fait à son désavantage ? La Nature lui avait donné de merveilleuses grâces du corps, et l'on ne pouvait rien souhaiter pour une beauté accomplie, qui ne se trouvait en sa personne. Elle était d’une taille au dessus de la moyenne, et sa grandeur toutefois n'avait rien que de majestueux. Les fleurs qui s’épanouissent au lever du Soleil, ne sont pas si fraiches que son visage, où paraissait une certaine hardiesse mêlée de quelque modestie, qui n’attirait pas l’insolence des effrontés, et qui n'offensait pas aussi la sévérité des plus retenus.
Ses yeux semblaient lancer des foudres plutôt que des regards, et ils étaient d’autant plus dangereux, que ne montrant que de la douceur, ils faisaient des ravages cruels dans les cœurs de la jeunesse. C’était la proie qu’elle cherchait. C’était à cette malheureuse prise qu’elle employait les présents que Dieu lui avait faits. Elle ne songeait pas qu’elle s’en servait contre leur Auteur et qu'en abusant d’eux, elle s’abusait elle-même, qu'en voulant prendre les autres, elle se prenait dans ses propres filets, qu'en répandant du feu, elle se mettait en cendre; qu'en présentant du poison, elle en ressentait les effets. En un mot, que voulant que tous les hommes l'adorassent elle faisait ses Bourreaux et ses Tyrans de tous les hommes. Elle seule pouvait dire combien ses conquêtes lui coutait de soins, d'artifices, et d'inquiétudes et combien de bassesses il lui fallait faire pour les conserver; quelles craintes la travaillaient, quand elle soupçonnait que ses esclaves songeaient à la liberté et combien de jalousies il fallait guérir par des contraintes insupportables; combien de reproches ou d'extravagances elle était obligée de souffrir.
En un mot, il n'y a que la pécheresse qui puisse bien exprimer les amertumes qui corrompaient toutes les douceurs de son péché. Lors qu'elle y paraissait le plus engagée, une lumière céleste qu'elle n'avait ni demandée, ni attendue éclairât tout d`un coup son esprit, et lui fit connaitre les abominations de sa vie. Ce ne fut pas pour elle l'illumination d'un éclair, qui fait voir tout ce qui est dans une chambre, et qui la laisse un moment après dans une profonde obscurité. Ce fut une clarté distincte et constante, qui en un moment dissipa la nuit où son âme était ensevelie et lui montra jusqu'à ses moindres taches.
Elle connut en un instant, que le corps ne lui était pas donné pour le souiller, comme elle avait fait mais pour y adorer Dieu, dont il avait l'honneur d'être le Temple. Que plus il était accompli, plus elle était obligée d'être reconnaissante, et d'en faire un usage honnête et que quand il n'y aurait que les Lois de l'honnêteté naturelle, et civile, son débordement qui les offensait, ne pouvait être excusable. Elle connut que sa beauté dont elle était idolâtre, n'ayant point l'honnêteté pour compagne, la devait plutôt affliger et la confondre, que la rendre vaine, puisqu'elle ne servait qu'à la diffamer davantage, à l'exposer à plus de voleurs, à la jeter dans de plus grands précipices, et à l'éloigner davantage de son Salut.
Sanctuaire de la St-Baume - lieu de retraite et pénitence de Sainte Marie Madeleine
Elle connut que le temps et les maladies lui ôteraient bientôt cet éclat trompeur, qui l'éblouissait plus dangereusement que les autres. Elle était l'esclave de tous ceux qui la nommaient leur Reine. Qu`il n'y avait rien de si pesant pour elle, que ces chaines qu'elle appelait des roses; rien de si troublé, que les jours qui lui paraissaient les plus sereins rien de si amer, que ses délices et rien de si passager que ses plaisirs; rien de si faux que ses joies. Elle connut que sa vie faisait honte à sa condition; qu'elle se déshonorait en déshonorant sa famille, qu'elle faisait blasphémer contre la Loi de Moise, dont elle faisait profession. Elle connut qu'elle était l'abomination de Dieu, l'horreur des Anges, le triomphe du Diable ( de l`Ange déchu), l'instrument de sa malice, l'organe de ses tromperies, l'opprobre de sa nation, le scandale de la ville, le jouet des débauchés, et l’aversion de tous les gens de bien.
Elle connut qu'après la mort qu'elle ne pouvait éviter, et qui la pouvait surprendre, lorsque sa pensée en serait la plus éloignée, il restait un épouvantable jugement où il lui fallait comparaitre et que le Juge qui devait prononcer son Arrêt, serait celui qu'elle avait offensé avec tant d’ingratitude, et d'obstination. Elle connut que ses larmes, ses soupirs, ses promesses, son repentir, ne le fléchiraient point. Qu’il était Tout-Puissant pour venger les injures qu'elle lui avait faites, aussi bien qu’inexorable et que sa vengeance ne serait bornée que par une éternité de tourments qui n’avaient point de consolation. La Pécheresse connaissant ces terribles vérités, fut saisie d’une frayeur qui pensa troubler son esprit.
Le Démon (l`Ange déchu) prévoyant où aboutirait cette connaissance, tâcha de l’obscurcir, et de la rendre inutile, par la diminution de ses crimes, qu’il lui représentait fort légers, et par l'espérance de l’impunité, ou d`un facile pardon dans un âge plus avancé. Voyant que cet artifice ne réussissait pas, il les lui faisait paraitre si énormes, qu’il lui enlevait toute espérance de miséricorde et enfin que ne voyant point de biens futurs dont elle put se promettre de pouvoir jouir, elle s'arrêta aux délices présentes, et ne songea plus à les abandonner. Mais par la même lumière, qu'il voulait éteindre, elle connut que c'était son ennemi qui lui donnait des conseils; que son Tyran lui promettait la liberté que son empoisonneur contrefaisait le personnage de son médecin mais que celui qui pouvait exécuter vers elle cet office, était dans la maison d'un Pharisien où il l'attendait qu'en son juge elle trouverait son Avocat; qu'en son Roi offensé, elle rencontrerait un Père bénin; que les mains qui la pourraient justement lier de chaînes éternelles, et l'envoyer dans les Enfers pour la punir de celles qu'elle avait fait recevoir à tant de cœurs, devait être son libérateur et que sans qu'elle lui parla, il découvrirait ses plaies les plus cachées.
Sainte Marie Madeleine prêche aux pêcheurs de son rocher de la Sainte Baume
Je ne veux donc plus tarder davantage, dit-elle, à l'aller chercher. Les maux que j'ai découverts par sa grâce, sont trop dangereux pour en différer le remède tant soit peu, il ne s'agit pas de trouver une santé plus forte, il est question de sauver ma Vie. Je confesse que la bienséance ne veut pas que j'aille dans la maison d'un homme où je ne suis point appelée, et où pour dire la vérité, je suis connue pour une infâme pécheresse. Et pourquoi n'ai-je pas regardé à une bienséance plus importante, qui me devait empêcher de faire de ma maison, un lieu de si grand scandale? Une véritable pudeur ne m'a pas empêchée de me corrompre; et une mauvaise honte, m'empêchera de me purifier. Je me suis montrée avec impudence dans les compagnies dans les Synagogues, dans les places publiques, pour surprendre le cœur des hommes et je craindrai de me montrer dans un festin, pour gagner l'amour de mon Sauveur? Je n'ai point rougi quand on m'a regardée comme une pécheresse infâme et je rougirais en me faisant regarder comme une Pénitente humiliée?
Le Pharisien qui a convié mon Juge, sera offensé de me voir approcher de sa table mais ce n'est pas à lui à qui j'ai à répondre. Ses injures me doivent être douces, et son mépris souhaitable, puisque je me suis rendue l'opprobre de tout le monde. Il n'importe que la compagnie se scandalise de ma présence pourvu que Jésus la souffre. C'est lui que je cherche, c'est à lui que je veux plaire, c'est de lui seul que j'ai maintenant besoin. La pécheresse étant ainsi résolue, sort de sa maison en un équipage bien différent de celui où elle était accoutumé de paraitre. Au lieu qu'elle ne sortait jamais sans avoir longtemps consulté son miroir, elle le casse par une sainte colère, comme un des principaux complices de sa vanité, et de ses fautes. Ses cheveux qu’elle rangeait avec tant de soin, lui tombent en désordre sur les épaules, et la couvrent presque toute. Elle a pris une méchante robe d’une couleur obscure et elle n’a ni perles, ni pendants d'oreilles, ni bracelets, ni ceinture.
Enfin, on ne lui, voit aucun de ces ornements qui ne la rendaient pas moins galante que superbe en ses habits. Elle porte seulement dans ses mains, une grande boite de parfum. Ses yeux font couler des ruisseaux de larmes; on l'entend soupirer tout haut, et de temps en temps, elle se frappe la poitrine. Ceux qui la virent en cet état si étrange, furent tellement surpris, qu'ils la méconnurent, ou qu'ils jugèrent que quelque passion violente lui avait fait perdre l'esprit. Mais sans prendre garde ni à leurs discours ni à leurs risées, elle va droit chez Simon le Pharisien, et elle entre dans la salle où Jésus était à table avec une grande compagnie. Elle n’osa se mettre vis à vis de ce chaste Juge, pour n’offenser pas ses yeux par la vue d’une personne qui avait été si infâme en ses impudicités. Mais appréhendant avec raison, la Majesté qui reluisait sur sa face, elle se tint derrière lui, et n'osant ni ne pouvant expliquer par sa langue les sentiments de son cœur, sa confusion, sa douleur, ses crimes, et ses espérances, elle remit cet office aux larmes dont elle commença de mouiller ses pieds.
Sainte Marie Madeleine chez Simon le pharisien au pied de Jésus-Christ
Mais le langage muet était bien plus expressif et plus puissant, que les discours les plus enflammés qu'elle eusse pu faire. Son Juge l'entendait parfaitement et quoi qu'il ne fit point de réponse pour lui témoigner combien il l'avait agréable, il était tout à fait gagné. Elle éteignit tout le feu de sa colère, par l'eau qui sortait moins de ses yeux que de son cœur. La contrition qui tire le sang du cœur de la Pécheresse, fait un changement plus admirable, le convertissant dans ses yeux, en une eau qui entretient son espérance, qui nourrit sa charité, et qui sert d'une viande délicieuse au Juge qui l'allait condamner. Non seulement elle explique sa douleur par ses larmes, mais elle expie par leur cours, les péchés qui les lui font répandre si abondamment.
Ses larmes sont sa confession, et sa satisfaction en même temps. Elles lavent le fard dont ses joues ont été couvertes, et éteignent le mauvais feu que ses yeux ont allumé dans les âmes, durant tant d'années, par des regards déshonnêtes. A des ris indiscrets, elle fait succéder une salutaire et sainte tristesse à des discours impudents, un silence respectueux à des caresses effrontées, une humiliation discrète, aux pieds de son Rédempteur. Après les avoir arrosés de ses pleurs, elle les essuies de ses cheveux. De ces cheveux, qui sont la superfluité du corps, elle en avait fait les principaux instruments de ses conquêtes malheureuses et elle veut aujourd'hui qu'ils soient les instruments de la bienheureuse victoire que Jésus gagne sur son cœur, dont il peut bien se nommer le Conquérant. La vanité en avait composé des filets pour prendre les cœurs qui appartiennent à Dieu et ne pouvant lui rendre ses larcins, elle consacre à son secours ceux qui ont aidé à faire le vol et en même temps elle en essuie les taches que cet enlèvement a imprimées dans son âme. Les ennemis de Jésus seront contraints de lécher la poussière de ses pieds, mais la pécheresse qui a été de ce nombre a la permission de les baiser. S'il lui accorde cette faveur, ce n'est pas qu'il dissimule son péché, mais c'est qu'il approuve sa Pénitence.
Elle n'est plus ce qu'elle a été, et ce qu'il semble qu'elle soit encore; la pécheresse de la Cité, le flambeau de la jeunesse, la peste des esprits, le triomphe de l'impureté. Mais elle est la merveille de la Grace, l'exemple des Pénitents, la consolation des Pécheurs, le trophée de la Charité divine. Elle ne fait que de sortir de l'amour des Créatures et toutefois dans la carrière de l'amour sacré, elle a fait un si grand progrès, que celui qu'elle commence d'aimer dit hautement : Elle a beaucoup aimé et pour cela beaucoup de péchés lui sont pardonnés (Luc 7,47).
Le Pharisien qui s`était scandalisé de voir qu'il souffrait qu'elle le toucha, et qui de là avait tiré une fort mauvaise conséquence, qu'il n'était pas Prophète, se scandalise bien davantage, entendant parler de la rémission des offenses dont elle était accusée publiquement. L'orgueil le porte à ce jugement indiscret, et l'humilité fait endurer cette injure à la pécheresse, qui ne doit plus être appelée de ce nom, puisqu'elle est devenue disciple de celui qui ne peut souffrir rien de souillé. Aussi prend-il sa défense contre son accusateur et ne se contentant pas de devenir son Avocat, il devient son Panégyriste, et la loue de toutes les Vertus, la louant de l'excès merveilleux de sa Charité, qui est la Mère et la Reine des vertus.
Encore qu'elle ne veuille, ni ne puisse douter de la certitude de son absolution, toutefois son amour ne peut consentir à la recevoir à si bon marché. Tandis que son Libérateur est sur la terre, elle le suit comme une esclave qu'il a conquise, et qui veut continuellement publier sa victoire, et honorer son Triomphe. Elle ne l'abandonne pas quand tous ses Apôtres le quittent; mais elle le suit jusques sur le Calvaire, où le voyant mourir, elle meurt avec lui, non pas par la main des bourreaux, mais par celle de l'amour qui perce son cœur d'un coup mortel, et qui ne séparant pas son âme d'avec son corps, l'oblige désormais à vivre comme si elle en était séparée.
Marie-Madeleine au pied de la Croix le Vendredi de la Passion du Christ
C'est en effet comme elle a vécu dans son rocher. Ne voyant plus sur la terre celui qui faisait toutes ses joies par sa présence, elle eut bien désiré d'en sortir; mais n'ayant pas obtenu cette grâce, elle voulut demeurer dans le monde, et le quitter en même temps conserver sa vie, et toutefois être morte. L'amour lui donna l'invention d'accorder ces choses qui étaient contraires dans la Nature. Il l'enferma toute vivante dans une caverne et la mit entre les Anges et les hommes, n'étant pas encore glorieuse comme ceux-là, mais n'ayant plus ni les sentiments, ni la façon de vivre de ceux-ci. Car elle ne se nourrit plus de viandes terrestres. Elle n'a plus besoin d'habillements, elle ne parle à personne, elle n'entend pas même la parole de Dieu, elle ne participe pas aux sacrés Mystères.
Son Maitre lui a défendu de le toucher, parce qu'il n'était pas encore monté vers son Père et maintenant qu'il est assis à sa droite, elle ne veut pas toucher au Sacrement de son Corps, par un respect que lui inspire une humble et amoureuse Pénitence. C'est la Pénitence qu'elle a prise pour lui tenir lieu de son Maitre, pour la consoler de son absence, pour être sa joie, son trésor. Le souvenir de ses péchés la fait soupirer agréablement, quoi que douloureusement pour celui dont elle en a reçu un pardon si facile, et si assuré. Elle ne le veut pas considérer dans l'éclat de sa gloire, mais elle se le représente toujours à table chez le Pharisien. Elle admire toujours la douceur avec laquelle il la souffrait à ses pieds. Elle lui offre des larmes de joie pour reconnaitre la grâce qu'il lui fit alors de recevoir des larmes de douleur. Elle soupire de ce qu'elle a eu besoin de soupirs.
Le Christ apparait a Sainte Marie-Madeleine le matin de la résurrection (Jean 20,11)
Les derniers qu'elle pousse sont des Échos des premiers mais des Échos qui font encore mieux entendre qu'eux, ce qu'ils répètent. Le désir de se voir délivrée de sa prison les entretient; et en gémissant de ne l'avoir pas reconnue durant les erreurs de sa jeunesse, elle gémit d'être obligée à y demeurer, maintenant qu'elle sent la pesanteur de sa servitude. Le manger de son Maitre était de faire la Volonté de son Père, c'est aussi le sien et cet aliment admirable entretenant la vigueur de de son Esprit, ne laisse pas défaillir son corps. Si elle ne reçoit point la chair divine de Jésus, sous le Symbole dont il la couvre pour la nourriture ordinaire des fidèles; elle ne laisse pas d'être nourrie par une Communion spirituelle, qui approche de celle des Bienheureux, dont elle mène la Vie. S’il faut juger de la bonté des aliments dont vie quelqu'un, par ses forces, et par son embonpoint, Madeleine ne pouvait être nourrie que de celui qui est la vertu de Dieu, soutenant des combats si difficiles dans sa grotte, et y montrant une vigueur si admirable, une pénitence si ferme, une tranquillité si profonde, et une persévérance si uniforme.
Pécheurs, qui dites que vous êtes Pénitents, vous voyez ce Tableau d’une véritable Pénitence mais il faut qu’il se change pour vous en un miroir, et que vous vous y regardiez attentivement, afin de voir s'il y a quelques traits en quoi vous lui soyez tant soit peu semblables. Vous avez abusé comme la Pécheresse, l’un des dons de l'Esprit, l’autre des Grâces naturelles du corps; celui-ci de ses richesses, celui-là de son autorité. Vous avez été le scandale des lieux de votre demeure, et vous n'avez point rougi quand tous les gens de bien rougissaient pour vous. Mais lorsque celui que vous offensiez si insolemment, vous a donné une lumière par laquelle vous avez commencé à reconnaitre l'infamie et le malheur de l'état de votre conscience; avez-vous comme la Magdeleine, tout aussitôt cherché le Sauveur? Combien d'années se sont écoulées depuis que vous dites, nous voulons nous convertir.
Ce sera demain, ce sera demain, il nous faut encore un peu de temps pour dénouer les chaines que nous ne pourrions briser sans faire un bruit qui déshonorerait d'autres personnes avec nous. Cruels ménagers d'une fausse et fragile réputation des hommes, pour laquelle vous différez à acquérir la véritable estime de la Justice, devant Dieu, et devant ses Anges ! Vous vous trompez et les liens qui vous attachent, ne se dénouent point, il les faut couper tout d'un coup, autrement ils s'entrelacent davantage, et on n'en voit plus le bout pour les prendre. Vous vous convertirez demain et le moment où vous parlez, sera peut être le dernier de votre vie.
Le Christ chez Marthe et Marie
Quel demain vous demeurera si cet accident vous arrive, que l'épouvantable éternité de la damnation qui n'aura plus ni hier, ni demain, mais qui sera un aujourd'hui de tourments insupportables, et qui ne s'écoulera jamais? Pourquoi donc aussitôt que vous connaissez que Jésus vous attend, n'allez-vous pas à lui? Il n'est pas sur un Tribunal pour vous condamner, mais il est à une Table Sacrée pour vous faire Grâce, et pour vous nourrir de son Eucharistie, quand il vous aura purifié. Sortez donc de ces malheureuses occasions du péché où vous avez demeuré jusqu'ici. Vous prenez ce séjour pour un Palais, et ce n'est en vérité qu'un tombeau. Vous y pensez vivre, et vous êtes morts. Toute sa pompe n'a rien que de funeste pour vous. Ces richesses, ces ornements, ces délices dont vous le croyez rempli, sont des illusions qui trompent vos sens, et qui ne sont en effet que des fantômes agréables. N'écoutez point les conseils de la raison corrompue, ou de la bienséance du siècle, qui vous veulent faire sortir de vos chaines avec prudence, et avec honneur,
Quand le feu est pris dans une maison, s'amuse-t-on à se maquiller? On n'a pas loisir seulement de couvrir sa nudité, et on ne songe qu'à son salut. Le Monde dira que vous avez l'esprit faible, que vous vous êtes laissez épouvanter par des frayeurs tout à fait vaines, que les scrupules vous ont troublé le jugement, que vous n'avez pas été prudent en votre retraite, qu'il fallait considérer davantage votre résolution, que les exercices où vous vous engagez, ne sont conformes ni à votre âge, ni à vos forces, ni à l'usage ordinaire, enfin, que vous sautez d'une extrémité à l'autre, et que cette violence de zèle ne sera pas de durée.
Si le Monde était ou votre juge, ou votre ami, je vous permettrais de l'écouter, et de suivre ses avis. Mais ne savez-vous pas qu'il est l'ennemi de votre Sauveur, et par conséquent le vôtre. Ne savez-vous pas que c'est un traître, qui ne peut donner que de perfides conseils et un aveugle qui ne peut que faire tomber dans la fosse, ceux qui le prennent pour guide et un empoisonneur qui n'étant lui-même que poison, le fait glisser dans le cœur de tous ceux qui respirent son haleine?
Défiez-vous donc de ce malheureux Conseiller dont toutes les pensées sont pleines d'injustice et de malignité. Il est déjà jugé par le Fils de Dieu, comment pouvez-vous prendre un coupable condamné, pour votre juge ? Au Baptême n'avez-vous pas renoncé à ses pompes, à ses délices, à toutes ses Lois. Le Juge des vivants et des morts; vous examinera-il sur la bienséance, la prudence, et la doctrine du Monde, dont il est venu confondre la sagesse, et abolir les Maximes. Le Monde l'a fait mettre sur la Croix, lorsqu'il était encore mortel. Le Monde le crucifie encore tous les jours et le Monde lui fait une guerre continuelle et quand vous recherchez sa Grace, vous prendrez les ordres de son irréconciliable ennemi. Quand vous commettez des péchés énormes, vous ne craignez pas les jugements du Monde, ni ce malheureux : « que dira t`on?» Et maintenant qu'il est question de faire une action de vertu, vous le redoutez?
Vous n'avez point eu de honte de votre fureur dans vos malheureuses amours et vous craignez d'être trop ardents dans un amour où la médiocrité est un grand défaut. Vous
avez voulu que le Soleil éclairât vos débauches et vous ne voulez pas qu'il voie les règlements de votre nouvelle vie. Vous avez blasphémé hautement le nom du Seigneur et vous n'oseriez prononcer Ses louanges qu'en secret. Il a toujours été temps pour vous, de prendre de mauvais plaisirs, de contenter vos passions déréglées et jamais vous. ne trouvez le temps de goûter des joies innocentes, et de suivre les mouvements raisonnables du Saint Esprit?
Vous ne remettez pas un divertissement criminel au lendemain; et vous remettez à plusieurs années la guérison de votre âme, et les soins de votre Salut? Venez donc, venez donc, et ne tardez point, puis que le moindre retardement est de si grande importance. Que l'on vous estime légers, faibles, imprudents, il n'importe, pourvu que votre Juge vous pardonne vos légèretés, vos faiblesses, et vos imprudences anciennes. Quitter un mauvais maitre pour en prendre un bon, laisser la mollesse d'une vie criminelle, pour embrasser la sévérité d'une vie sainte et se glorifier du mépris des enfants du Siècle, c'est constance, et non pas légèreté c'est fermeté de cœur, et non pas faiblesse d'esprit, c'est générosité, et non pas impudence. L'Homme n'ayant pour son partage en l'état de sa corruption, que le mensonge, et le péché, ce n'est pas merveille qu'il se trompe, et qu'il soit trompé, qu'il se souille et qu'il souille aussi les autres. Mais c'est une chose pitoyable qu'il veuille demeurer dans l'erreur, et dans la souillure. Comme l'effort qu'il fait pour en sortir, est noble et digne d'une grande louange, sa demeure en un état si malheureux, est très honteuse.
La sagesse du siècle peut condamner ce changement, comme il lui plaira mais la sagesse de Dieu l'ordonne, et l'approuve. Les Anges prennent plaisir à voir cette bienheureuse inconstance et l'Église en bénit et en remercie l'Auteur. Mais prenez garde, ô Saints Pénitents, quand vous viendrez trouver votre Sauveur, de ne pas vous présenter tout d'un coup devant ses yeux? Magdeleine se jette à ses pieds et c`est le lieu qu'elle vous marque pour; votre première station. Encore est-ce une grande Grace, quand le Fils du Dieu vivant souffre que des Enfants du siècle les touchent. La terre est leur escabeau mais elle lui obéit, elle tremble quand il en émeut les fondements, elle demeure immobile sur un de ses doigts, dont il la porte, et elle produit toutes les choses qu’il lui a ordonné de produire, lorsqu'il l'a créée.
La ville de Naim est au sud de Nazareth en Galilée
Et n'est-il pas vrai que ses menaces ont longtemps retenti à vos oreilles sans vous émouvoir? Que vous avez incessamment roulé non pas autour du Soleil, mais autour du feu de vos convoitises déréglées? Que vous n’avez produit que des épines ou des fruits de mort? Ne vous est-ce donc pas un grand honneur de mettre votre tête sous ces pieds divins? ( Romains 10,15) Cette place n’est elle pas plus glorieuse pour vous que tous les trésors du Monde? Ces pieds vous doivent paraitre infiniment beaux, puisque non seulement ils vous annoncent une paix générale, mais qu'ils sont la vôtre particulière, et qu’ils vous comblent de tant de biens admirables. Ces pieds ne sont pas d'un airain brûlant, mais ils sont de laine, ( Apocalypse 1,15) et la lenteur qu'ils ont eu à vous châtier, l’a bien montrée pour votre Salut.
Prosternez -vous donc hardiment devant eux et par cette soumission à votre Souverain, réparez les fautes que vous avez faites en vous prosternant aux pieds des créatures, qui étaient vos égales. Alors vous dégradiez d'honneur, maintenant vous le recouvrerez, et vous vous ferez un degré aux mains, et à la bouche de votre Roi, et de votre Dieu. Vos pieds ont couru légèrement dans les voies de l'iniquité et il faut qu'ils suivent les traces des pieds de Jésus, dans les voies de la Justice, et qu'ils apprennent d'eux à marcher. Lucifer ( le prince des Anges déchus) qui se levait comme un astre étincelant de clarté, n'est devenu un Démon ténébreux et le Prince des ténèbres, que parce qu'il n'a pas voulu adorer les pieds de Jésus, lorsque l'Incarnation lui fut révélée.
Et vous, saint Pénitents, vous allez devenir des Anges lumineux, d'enfants de ténèbres que vous étiez, si vous adorez humblement les pieds de votre Sauveur. Vous ne les voyez pas ces pieds bienheureux, mais voila ceux des Prêtres qui tiennent sa place, et qui sont les Juges qu'il a établis pour vous recevoir en grâce. Ce n'est pas assez de vous agenouiller, devant-eux, pour confesser vos désordres, il faut que l'orgueil de l'esprit, il faut que la vanité du cœur, il faut que l'amour de votre corps, se prosternent en même temps, par une humble, prompte, fidèle, joyeuse, et constante obéissance aux remèdes qu'ils vous ordonneront pour guérir.
Magdeleine leur apprend quels ils doivent être. Elle soupire, elle gémit, elle jette des ruisseaux de larmes, elle en arrose les pieds de Jésus, elle les essuie de ses cheveux, elle les embaume de ses parfums. Donc si vos Juges visibles vous disent de la part du Juge invisible, sans l'absolution duquel la leur ne peut être véritable, il faut effacer les taches de votre âme par beaucoup de larmes, il faut longtemps gémir devant Dieu et il faut trembler, il faut soupirer, il faut employer les superfluités passées, au soulagement de ces pauvres, il faut par les actions d'une véritable Pénitence parfumer l'Église d'une bonne Odeur, après l'avoir offensé par la mauvaise vapeur de vos crimes (péchés), il faut sortir du monde ou de corps ou d'esprit pour le moins, il ne faut plus aimer sa vanité, ses pompes, ses plaisirs et il faut faire servir à votre Salut, ce qui servait à votre perte; il faut toujours se souvenir de vos infidélités, toujours craindre le jugement de celui qui jugera les Juges, et devant lequel un enfant d'un jour n'est pas sans souillure.
Il faut des remèdes violents pour chasser un mal enraciné, et dangereux et il faut songer à recouvrer une santé (spirituelle) qui soit de durée, et non pas à faire une cure palliative, qui ne soit que pour quelques Jours. Quand, dis-je, les Ministres du Dieu vivant vous parleront de cette sorte, vous voyant à leurs pieds, n'alléguez pas des excuses qui ne peuvent être que des excuses de péché. Criminels, ne faites pas la Loi à vos Juges et ne formez pas vous mêmes l'Arrêt de vos satisfactions, sur votre délicatesse, et sur votre impénitence. Écoutez leur voix comme un Oracle sacré, où il ne vous est pas permis de rien retrancher et souvenez -vous que le Médecin ne doit pas prendre de son malade, l'ordre de son régime pour le guérir.
St-Marie Madeleine en pénitente
Combien de fois avez-vous pleuré ou d'amour où de colère, ou de douleur, dans vos mauvaises passions? Pourquoi trouvez-vous les larmes insupportables et honteuses, quand on vous les demande pour expier ces mauvaises amours, ces colères extravagantes, et ces douleurs déraisonnables? Que n'avez-vous souffert sur la terre, et sur la mer, dans des voyages que l'ambition, l'avarice, que la volupté vous faisait faire? Faut-il que vous ne soyez délicats que quand il s'agit de faire le chemin du Ciel? Les grands festins ont ruiné votre santé et maintenant vous craignez quelques jours d'abstinence, comme si l'on vous ordonnait de prendre quelque poison? Vous avez eu le venin des aspics sous la langue ( mauvaises paroles, mensonges, ect) , et vous ne voulez pas que le silence l'en chasse? Vous vous êtes corrompus dans les mauvaises conversations, et vous ne pouvez souffrir quelques heures de retraite?
Vous ne savez si vos péchés que vous venez de déclarer au Prêtre vous seront pardonnés et vous ne voulez rien faire, de ce qui peut raisonnablement vous assurer du pardon? Le miroir de Magdeleine en sa retraite de trente-trois ans, dans une caverne affreuse et en son jeûne continuel, et en son silence, qui n'était interrompu que par les hymnes qu'elle chantait avec les Anges sept fois le jour en sa solitude sans aucune consolation en ses larmes, qui ne tarissaient jamais; en sa tristesse où son amour trouvait ses délices, ne vous fait-il pas et des leçons et des reproches tout-ensemble? Regardez-vous dans cette glace, Pénitents délicats, mais après vous y être vus, n`oubliez pas les taches de votre visage, et lavez-les comme cette grande Sainte dans la Fontaine des larmes d'une sincère Pénitence.
Sainte Marie Madeleine la pécheresse convertie par le Christ
Dès les premiers siècles chrétiens, pénitents, saints, rois, papes, viennent accomplir leur pèlerinage à la grotte de la Sainte-Baume ( Sud de la France) auprès de Sainte Marie-Madeleine ( Marie de Madgala). Cette femme est celle dont le Christ a chassé sept démons. Une fois purifiée, elle devient avec les douze et quelques autres femmes, disciple de Jésus-Christ, notre Seigneur. Elle est l’un des rares disciples à se tenir au pied de la croix, versant toutes ses larmes à celui qui s’offre sur le bois de la croix. Au matin de Pâques, sainte Marie-Madeleine reconnaît dans le jardinier le Christ ressuscité. Il lui demande d’annoncer à ses apôtres qu’il est ressuscité. Selon la légende, peu de temps après, Marie-Madeleine embarque avec son frère Lazare et sa soeur Marthe pour l’occident ( vers l`an 45 ap J.C.). Elle arrive aux Saintes Maries de la Mer ( Sud de la Gaule -France). Elle accompagne Lazare à Marseille. Elle continue son chemin en suivant le cours de l’Huveaune et vient s’établir à la Sainte-Baume pour y passer les trente dernières années de sa vie. Elle offre toute sa vie en pénitence pour la conversion des pécheurs. Les pèlerins qui viennent encore aujourd’hui à la grotte seront surpris par la présence inestimable de la sainte qui conduit tous ceux qui s’y disposent au Christ notre Seigneur.
Le rocher de la Pénitence – Marie Magdeleine - Grotte de la St-Baume selon la tradition provençale
Selon la Légende Doré de Jacques de Voragine: Quatorze ans après la Passion du Christ, les disciples répandaient la parole en diverses contrées. St-Pierre confia Marie Madeleine a Saint Maximin, l`un des soixante-douze disciples du Seigneur. Pendant les persécutions, Saint Maximin, Marie-Madeleine, son frère Lazare, sa sœur Marthe, leur servante Martille, saint Cédon et d`autres chrétiens furent embarqués sur un bateau et envoyés a la dérive dans l`espérance qu`ils mourraient en mer. Ils réussirent a se rendre dans le sud de la Gaule ou ils commencèrent a prêcher la parole de l`Évangile.
SAINTE MAGDELEINE DANS SON ROCHER, vulgairement appelé LA SAINTE BAUME.
Un Pharisien pria le Fils de Dieu de venir manger avec lui. Il ne refusa pas cette grâce a un homme qui semblait lui vouloir rendre quelque honneur, quoi qu'il vit dans son cœur des sentiments bien éloignés du véritable respect qu'il veut qu'on lui rende. Il se met à table avec d'autres personnes de la même secte. Mais il ne songe pas tant à manger, qu'à rassasier la Pécheresse, qui l'y doit venir trouver, pressée de la faim de la justice. Elle n'a point d'autre nom dans la ville de Naim; mais c'est trop peu dire, non seulement elle est pécheresse en la Cité, mais elle est le péché de la Cité, et de toute la Province de Galilée. Si vous demandez sa naissance, elle est noble. Elle a un frère qui est un homme juste, et une sœur qui donne des exemples de vertu à toute la ville de Jérusalem dont leur maison est voisine.
Mais elle n'a pu souffrir ces censeurs domestiques du désordre de sa vie et pour contenter sa passion avec plus de liberté, et moins de honte, elle s'est séparée d'eux, oubliant ce qu'elle devait à son propre honneur. Il ne faut donc pas s'étonner, si elle ne se souvient plus de ce qu'elle doit à sa famille.
St-Marie de Magdala (Marie Madeleine)
L'amour impur dont elle est esclave, lui a mis un bandeau si épais sur les yeux de l'esprit, qu'elle ne voit plus, ni la beauté de la vertu, ni l'éclat d'une bonne réputation, ni l'infamie des mauvais bruits qui courent d'elle partout. Elle n’entend plus les remords de sa conscience; comment entendrait-elle les contes que toute la ville fait à son désavantage ? La Nature lui avait donné de merveilleuses grâces du corps, et l'on ne pouvait rien souhaiter pour une beauté accomplie, qui ne se trouvait en sa personne. Elle était d’une taille au dessus de la moyenne, et sa grandeur toutefois n'avait rien que de majestueux. Les fleurs qui s’épanouissent au lever du Soleil, ne sont pas si fraiches que son visage, où paraissait une certaine hardiesse mêlée de quelque modestie, qui n’attirait pas l’insolence des effrontés, et qui n'offensait pas aussi la sévérité des plus retenus.
Ses yeux semblaient lancer des foudres plutôt que des regards, et ils étaient d’autant plus dangereux, que ne montrant que de la douceur, ils faisaient des ravages cruels dans les cœurs de la jeunesse. C’était la proie qu’elle cherchait. C’était à cette malheureuse prise qu’elle employait les présents que Dieu lui avait faits. Elle ne songeait pas qu’elle s’en servait contre leur Auteur et qu'en abusant d’eux, elle s’abusait elle-même, qu'en voulant prendre les autres, elle se prenait dans ses propres filets, qu'en répandant du feu, elle se mettait en cendre; qu'en présentant du poison, elle en ressentait les effets. En un mot, que voulant que tous les hommes l'adorassent elle faisait ses Bourreaux et ses Tyrans de tous les hommes. Elle seule pouvait dire combien ses conquêtes lui coutait de soins, d'artifices, et d'inquiétudes et combien de bassesses il lui fallait faire pour les conserver; quelles craintes la travaillaient, quand elle soupçonnait que ses esclaves songeaient à la liberté et combien de jalousies il fallait guérir par des contraintes insupportables; combien de reproches ou d'extravagances elle était obligée de souffrir.
En un mot, il n'y a que la pécheresse qui puisse bien exprimer les amertumes qui corrompaient toutes les douceurs de son péché. Lors qu'elle y paraissait le plus engagée, une lumière céleste qu'elle n'avait ni demandée, ni attendue éclairât tout d`un coup son esprit, et lui fit connaitre les abominations de sa vie. Ce ne fut pas pour elle l'illumination d'un éclair, qui fait voir tout ce qui est dans une chambre, et qui la laisse un moment après dans une profonde obscurité. Ce fut une clarté distincte et constante, qui en un moment dissipa la nuit où son âme était ensevelie et lui montra jusqu'à ses moindres taches.
Elle connut en un instant, que le corps ne lui était pas donné pour le souiller, comme elle avait fait mais pour y adorer Dieu, dont il avait l'honneur d'être le Temple. Que plus il était accompli, plus elle était obligée d'être reconnaissante, et d'en faire un usage honnête et que quand il n'y aurait que les Lois de l'honnêteté naturelle, et civile, son débordement qui les offensait, ne pouvait être excusable. Elle connut que sa beauté dont elle était idolâtre, n'ayant point l'honnêteté pour compagne, la devait plutôt affliger et la confondre, que la rendre vaine, puisqu'elle ne servait qu'à la diffamer davantage, à l'exposer à plus de voleurs, à la jeter dans de plus grands précipices, et à l'éloigner davantage de son Salut.
Sanctuaire de la St-Baume - lieu de retraite et pénitence de Sainte Marie Madeleine
Elle connut que le temps et les maladies lui ôteraient bientôt cet éclat trompeur, qui l'éblouissait plus dangereusement que les autres. Elle était l'esclave de tous ceux qui la nommaient leur Reine. Qu`il n'y avait rien de si pesant pour elle, que ces chaines qu'elle appelait des roses; rien de si troublé, que les jours qui lui paraissaient les plus sereins rien de si amer, que ses délices et rien de si passager que ses plaisirs; rien de si faux que ses joies. Elle connut que sa vie faisait honte à sa condition; qu'elle se déshonorait en déshonorant sa famille, qu'elle faisait blasphémer contre la Loi de Moise, dont elle faisait profession. Elle connut qu'elle était l'abomination de Dieu, l'horreur des Anges, le triomphe du Diable ( de l`Ange déchu), l'instrument de sa malice, l'organe de ses tromperies, l'opprobre de sa nation, le scandale de la ville, le jouet des débauchés, et l’aversion de tous les gens de bien.
Elle connut qu'après la mort qu'elle ne pouvait éviter, et qui la pouvait surprendre, lorsque sa pensée en serait la plus éloignée, il restait un épouvantable jugement où il lui fallait comparaitre et que le Juge qui devait prononcer son Arrêt, serait celui qu'elle avait offensé avec tant d’ingratitude, et d'obstination. Elle connut que ses larmes, ses soupirs, ses promesses, son repentir, ne le fléchiraient point. Qu’il était Tout-Puissant pour venger les injures qu'elle lui avait faites, aussi bien qu’inexorable et que sa vengeance ne serait bornée que par une éternité de tourments qui n’avaient point de consolation. La Pécheresse connaissant ces terribles vérités, fut saisie d’une frayeur qui pensa troubler son esprit.
Le Démon (l`Ange déchu) prévoyant où aboutirait cette connaissance, tâcha de l’obscurcir, et de la rendre inutile, par la diminution de ses crimes, qu’il lui représentait fort légers, et par l'espérance de l’impunité, ou d`un facile pardon dans un âge plus avancé. Voyant que cet artifice ne réussissait pas, il les lui faisait paraitre si énormes, qu’il lui enlevait toute espérance de miséricorde et enfin que ne voyant point de biens futurs dont elle put se promettre de pouvoir jouir, elle s'arrêta aux délices présentes, et ne songea plus à les abandonner. Mais par la même lumière, qu'il voulait éteindre, elle connut que c'était son ennemi qui lui donnait des conseils; que son Tyran lui promettait la liberté que son empoisonneur contrefaisait le personnage de son médecin mais que celui qui pouvait exécuter vers elle cet office, était dans la maison d'un Pharisien où il l'attendait qu'en son juge elle trouverait son Avocat; qu'en son Roi offensé, elle rencontrerait un Père bénin; que les mains qui la pourraient justement lier de chaînes éternelles, et l'envoyer dans les Enfers pour la punir de celles qu'elle avait fait recevoir à tant de cœurs, devait être son libérateur et que sans qu'elle lui parla, il découvrirait ses plaies les plus cachées.
Sainte Marie Madeleine prêche aux pêcheurs de son rocher de la Sainte Baume
Je ne veux donc plus tarder davantage, dit-elle, à l'aller chercher. Les maux que j'ai découverts par sa grâce, sont trop dangereux pour en différer le remède tant soit peu, il ne s'agit pas de trouver une santé plus forte, il est question de sauver ma Vie. Je confesse que la bienséance ne veut pas que j'aille dans la maison d'un homme où je ne suis point appelée, et où pour dire la vérité, je suis connue pour une infâme pécheresse. Et pourquoi n'ai-je pas regardé à une bienséance plus importante, qui me devait empêcher de faire de ma maison, un lieu de si grand scandale? Une véritable pudeur ne m'a pas empêchée de me corrompre; et une mauvaise honte, m'empêchera de me purifier. Je me suis montrée avec impudence dans les compagnies dans les Synagogues, dans les places publiques, pour surprendre le cœur des hommes et je craindrai de me montrer dans un festin, pour gagner l'amour de mon Sauveur? Je n'ai point rougi quand on m'a regardée comme une pécheresse infâme et je rougirais en me faisant regarder comme une Pénitente humiliée?
Le Pharisien qui a convié mon Juge, sera offensé de me voir approcher de sa table mais ce n'est pas à lui à qui j'ai à répondre. Ses injures me doivent être douces, et son mépris souhaitable, puisque je me suis rendue l'opprobre de tout le monde. Il n'importe que la compagnie se scandalise de ma présence pourvu que Jésus la souffre. C'est lui que je cherche, c'est à lui que je veux plaire, c'est de lui seul que j'ai maintenant besoin. La pécheresse étant ainsi résolue, sort de sa maison en un équipage bien différent de celui où elle était accoutumé de paraitre. Au lieu qu'elle ne sortait jamais sans avoir longtemps consulté son miroir, elle le casse par une sainte colère, comme un des principaux complices de sa vanité, et de ses fautes. Ses cheveux qu’elle rangeait avec tant de soin, lui tombent en désordre sur les épaules, et la couvrent presque toute. Elle a pris une méchante robe d’une couleur obscure et elle n’a ni perles, ni pendants d'oreilles, ni bracelets, ni ceinture.
Enfin, on ne lui, voit aucun de ces ornements qui ne la rendaient pas moins galante que superbe en ses habits. Elle porte seulement dans ses mains, une grande boite de parfum. Ses yeux font couler des ruisseaux de larmes; on l'entend soupirer tout haut, et de temps en temps, elle se frappe la poitrine. Ceux qui la virent en cet état si étrange, furent tellement surpris, qu'ils la méconnurent, ou qu'ils jugèrent que quelque passion violente lui avait fait perdre l'esprit. Mais sans prendre garde ni à leurs discours ni à leurs risées, elle va droit chez Simon le Pharisien, et elle entre dans la salle où Jésus était à table avec une grande compagnie. Elle n’osa se mettre vis à vis de ce chaste Juge, pour n’offenser pas ses yeux par la vue d’une personne qui avait été si infâme en ses impudicités. Mais appréhendant avec raison, la Majesté qui reluisait sur sa face, elle se tint derrière lui, et n'osant ni ne pouvant expliquer par sa langue les sentiments de son cœur, sa confusion, sa douleur, ses crimes, et ses espérances, elle remit cet office aux larmes dont elle commença de mouiller ses pieds.
Sainte Marie Madeleine chez Simon le pharisien au pied de Jésus-Christ
Mais le langage muet était bien plus expressif et plus puissant, que les discours les plus enflammés qu'elle eusse pu faire. Son Juge l'entendait parfaitement et quoi qu'il ne fit point de réponse pour lui témoigner combien il l'avait agréable, il était tout à fait gagné. Elle éteignit tout le feu de sa colère, par l'eau qui sortait moins de ses yeux que de son cœur. La contrition qui tire le sang du cœur de la Pécheresse, fait un changement plus admirable, le convertissant dans ses yeux, en une eau qui entretient son espérance, qui nourrit sa charité, et qui sert d'une viande délicieuse au Juge qui l'allait condamner. Non seulement elle explique sa douleur par ses larmes, mais elle expie par leur cours, les péchés qui les lui font répandre si abondamment.
Ses larmes sont sa confession, et sa satisfaction en même temps. Elles lavent le fard dont ses joues ont été couvertes, et éteignent le mauvais feu que ses yeux ont allumé dans les âmes, durant tant d'années, par des regards déshonnêtes. A des ris indiscrets, elle fait succéder une salutaire et sainte tristesse à des discours impudents, un silence respectueux à des caresses effrontées, une humiliation discrète, aux pieds de son Rédempteur. Après les avoir arrosés de ses pleurs, elle les essuies de ses cheveux. De ces cheveux, qui sont la superfluité du corps, elle en avait fait les principaux instruments de ses conquêtes malheureuses et elle veut aujourd'hui qu'ils soient les instruments de la bienheureuse victoire que Jésus gagne sur son cœur, dont il peut bien se nommer le Conquérant. La vanité en avait composé des filets pour prendre les cœurs qui appartiennent à Dieu et ne pouvant lui rendre ses larcins, elle consacre à son secours ceux qui ont aidé à faire le vol et en même temps elle en essuie les taches que cet enlèvement a imprimées dans son âme. Les ennemis de Jésus seront contraints de lécher la poussière de ses pieds, mais la pécheresse qui a été de ce nombre a la permission de les baiser. S'il lui accorde cette faveur, ce n'est pas qu'il dissimule son péché, mais c'est qu'il approuve sa Pénitence.
Elle n'est plus ce qu'elle a été, et ce qu'il semble qu'elle soit encore; la pécheresse de la Cité, le flambeau de la jeunesse, la peste des esprits, le triomphe de l'impureté. Mais elle est la merveille de la Grace, l'exemple des Pénitents, la consolation des Pécheurs, le trophée de la Charité divine. Elle ne fait que de sortir de l'amour des Créatures et toutefois dans la carrière de l'amour sacré, elle a fait un si grand progrès, que celui qu'elle commence d'aimer dit hautement : Elle a beaucoup aimé et pour cela beaucoup de péchés lui sont pardonnés (Luc 7,47).
Le Pharisien qui s`était scandalisé de voir qu'il souffrait qu'elle le toucha, et qui de là avait tiré une fort mauvaise conséquence, qu'il n'était pas Prophète, se scandalise bien davantage, entendant parler de la rémission des offenses dont elle était accusée publiquement. L'orgueil le porte à ce jugement indiscret, et l'humilité fait endurer cette injure à la pécheresse, qui ne doit plus être appelée de ce nom, puisqu'elle est devenue disciple de celui qui ne peut souffrir rien de souillé. Aussi prend-il sa défense contre son accusateur et ne se contentant pas de devenir son Avocat, il devient son Panégyriste, et la loue de toutes les Vertus, la louant de l'excès merveilleux de sa Charité, qui est la Mère et la Reine des vertus.
Encore qu'elle ne veuille, ni ne puisse douter de la certitude de son absolution, toutefois son amour ne peut consentir à la recevoir à si bon marché. Tandis que son Libérateur est sur la terre, elle le suit comme une esclave qu'il a conquise, et qui veut continuellement publier sa victoire, et honorer son Triomphe. Elle ne l'abandonne pas quand tous ses Apôtres le quittent; mais elle le suit jusques sur le Calvaire, où le voyant mourir, elle meurt avec lui, non pas par la main des bourreaux, mais par celle de l'amour qui perce son cœur d'un coup mortel, et qui ne séparant pas son âme d'avec son corps, l'oblige désormais à vivre comme si elle en était séparée.
Marie-Madeleine au pied de la Croix le Vendredi de la Passion du Christ
C'est en effet comme elle a vécu dans son rocher. Ne voyant plus sur la terre celui qui faisait toutes ses joies par sa présence, elle eut bien désiré d'en sortir; mais n'ayant pas obtenu cette grâce, elle voulut demeurer dans le monde, et le quitter en même temps conserver sa vie, et toutefois être morte. L'amour lui donna l'invention d'accorder ces choses qui étaient contraires dans la Nature. Il l'enferma toute vivante dans une caverne et la mit entre les Anges et les hommes, n'étant pas encore glorieuse comme ceux-là, mais n'ayant plus ni les sentiments, ni la façon de vivre de ceux-ci. Car elle ne se nourrit plus de viandes terrestres. Elle n'a plus besoin d'habillements, elle ne parle à personne, elle n'entend pas même la parole de Dieu, elle ne participe pas aux sacrés Mystères.
Son Maitre lui a défendu de le toucher, parce qu'il n'était pas encore monté vers son Père et maintenant qu'il est assis à sa droite, elle ne veut pas toucher au Sacrement de son Corps, par un respect que lui inspire une humble et amoureuse Pénitence. C'est la Pénitence qu'elle a prise pour lui tenir lieu de son Maitre, pour la consoler de son absence, pour être sa joie, son trésor. Le souvenir de ses péchés la fait soupirer agréablement, quoi que douloureusement pour celui dont elle en a reçu un pardon si facile, et si assuré. Elle ne le veut pas considérer dans l'éclat de sa gloire, mais elle se le représente toujours à table chez le Pharisien. Elle admire toujours la douceur avec laquelle il la souffrait à ses pieds. Elle lui offre des larmes de joie pour reconnaitre la grâce qu'il lui fit alors de recevoir des larmes de douleur. Elle soupire de ce qu'elle a eu besoin de soupirs.
Le Christ apparait a Sainte Marie-Madeleine le matin de la résurrection (Jean 20,11)
Les derniers qu'elle pousse sont des Échos des premiers mais des Échos qui font encore mieux entendre qu'eux, ce qu'ils répètent. Le désir de se voir délivrée de sa prison les entretient; et en gémissant de ne l'avoir pas reconnue durant les erreurs de sa jeunesse, elle gémit d'être obligée à y demeurer, maintenant qu'elle sent la pesanteur de sa servitude. Le manger de son Maitre était de faire la Volonté de son Père, c'est aussi le sien et cet aliment admirable entretenant la vigueur de de son Esprit, ne laisse pas défaillir son corps. Si elle ne reçoit point la chair divine de Jésus, sous le Symbole dont il la couvre pour la nourriture ordinaire des fidèles; elle ne laisse pas d'être nourrie par une Communion spirituelle, qui approche de celle des Bienheureux, dont elle mène la Vie. S’il faut juger de la bonté des aliments dont vie quelqu'un, par ses forces, et par son embonpoint, Madeleine ne pouvait être nourrie que de celui qui est la vertu de Dieu, soutenant des combats si difficiles dans sa grotte, et y montrant une vigueur si admirable, une pénitence si ferme, une tranquillité si profonde, et une persévérance si uniforme.
Pécheurs, qui dites que vous êtes Pénitents, vous voyez ce Tableau d’une véritable Pénitence mais il faut qu’il se change pour vous en un miroir, et que vous vous y regardiez attentivement, afin de voir s'il y a quelques traits en quoi vous lui soyez tant soit peu semblables. Vous avez abusé comme la Pécheresse, l’un des dons de l'Esprit, l’autre des Grâces naturelles du corps; celui-ci de ses richesses, celui-là de son autorité. Vous avez été le scandale des lieux de votre demeure, et vous n'avez point rougi quand tous les gens de bien rougissaient pour vous. Mais lorsque celui que vous offensiez si insolemment, vous a donné une lumière par laquelle vous avez commencé à reconnaitre l'infamie et le malheur de l'état de votre conscience; avez-vous comme la Magdeleine, tout aussitôt cherché le Sauveur? Combien d'années se sont écoulées depuis que vous dites, nous voulons nous convertir.
Ce sera demain, ce sera demain, il nous faut encore un peu de temps pour dénouer les chaines que nous ne pourrions briser sans faire un bruit qui déshonorerait d'autres personnes avec nous. Cruels ménagers d'une fausse et fragile réputation des hommes, pour laquelle vous différez à acquérir la véritable estime de la Justice, devant Dieu, et devant ses Anges ! Vous vous trompez et les liens qui vous attachent, ne se dénouent point, il les faut couper tout d'un coup, autrement ils s'entrelacent davantage, et on n'en voit plus le bout pour les prendre. Vous vous convertirez demain et le moment où vous parlez, sera peut être le dernier de votre vie.
Le Christ chez Marthe et Marie
Quel demain vous demeurera si cet accident vous arrive, que l'épouvantable éternité de la damnation qui n'aura plus ni hier, ni demain, mais qui sera un aujourd'hui de tourments insupportables, et qui ne s'écoulera jamais? Pourquoi donc aussitôt que vous connaissez que Jésus vous attend, n'allez-vous pas à lui? Il n'est pas sur un Tribunal pour vous condamner, mais il est à une Table Sacrée pour vous faire Grâce, et pour vous nourrir de son Eucharistie, quand il vous aura purifié. Sortez donc de ces malheureuses occasions du péché où vous avez demeuré jusqu'ici. Vous prenez ce séjour pour un Palais, et ce n'est en vérité qu'un tombeau. Vous y pensez vivre, et vous êtes morts. Toute sa pompe n'a rien que de funeste pour vous. Ces richesses, ces ornements, ces délices dont vous le croyez rempli, sont des illusions qui trompent vos sens, et qui ne sont en effet que des fantômes agréables. N'écoutez point les conseils de la raison corrompue, ou de la bienséance du siècle, qui vous veulent faire sortir de vos chaines avec prudence, et avec honneur,
Quand le feu est pris dans une maison, s'amuse-t-on à se maquiller? On n'a pas loisir seulement de couvrir sa nudité, et on ne songe qu'à son salut. Le Monde dira que vous avez l'esprit faible, que vous vous êtes laissez épouvanter par des frayeurs tout à fait vaines, que les scrupules vous ont troublé le jugement, que vous n'avez pas été prudent en votre retraite, qu'il fallait considérer davantage votre résolution, que les exercices où vous vous engagez, ne sont conformes ni à votre âge, ni à vos forces, ni à l'usage ordinaire, enfin, que vous sautez d'une extrémité à l'autre, et que cette violence de zèle ne sera pas de durée.
Si le Monde était ou votre juge, ou votre ami, je vous permettrais de l'écouter, et de suivre ses avis. Mais ne savez-vous pas qu'il est l'ennemi de votre Sauveur, et par conséquent le vôtre. Ne savez-vous pas que c'est un traître, qui ne peut donner que de perfides conseils et un aveugle qui ne peut que faire tomber dans la fosse, ceux qui le prennent pour guide et un empoisonneur qui n'étant lui-même que poison, le fait glisser dans le cœur de tous ceux qui respirent son haleine?
Défiez-vous donc de ce malheureux Conseiller dont toutes les pensées sont pleines d'injustice et de malignité. Il est déjà jugé par le Fils de Dieu, comment pouvez-vous prendre un coupable condamné, pour votre juge ? Au Baptême n'avez-vous pas renoncé à ses pompes, à ses délices, à toutes ses Lois. Le Juge des vivants et des morts; vous examinera-il sur la bienséance, la prudence, et la doctrine du Monde, dont il est venu confondre la sagesse, et abolir les Maximes. Le Monde l'a fait mettre sur la Croix, lorsqu'il était encore mortel. Le Monde le crucifie encore tous les jours et le Monde lui fait une guerre continuelle et quand vous recherchez sa Grace, vous prendrez les ordres de son irréconciliable ennemi. Quand vous commettez des péchés énormes, vous ne craignez pas les jugements du Monde, ni ce malheureux : « que dira t`on?» Et maintenant qu'il est question de faire une action de vertu, vous le redoutez?
Vous n'avez point eu de honte de votre fureur dans vos malheureuses amours et vous craignez d'être trop ardents dans un amour où la médiocrité est un grand défaut. Vous
avez voulu que le Soleil éclairât vos débauches et vous ne voulez pas qu'il voie les règlements de votre nouvelle vie. Vous avez blasphémé hautement le nom du Seigneur et vous n'oseriez prononcer Ses louanges qu'en secret. Il a toujours été temps pour vous, de prendre de mauvais plaisirs, de contenter vos passions déréglées et jamais vous. ne trouvez le temps de goûter des joies innocentes, et de suivre les mouvements raisonnables du Saint Esprit?
Vous ne remettez pas un divertissement criminel au lendemain; et vous remettez à plusieurs années la guérison de votre âme, et les soins de votre Salut? Venez donc, venez donc, et ne tardez point, puis que le moindre retardement est de si grande importance. Que l'on vous estime légers, faibles, imprudents, il n'importe, pourvu que votre Juge vous pardonne vos légèretés, vos faiblesses, et vos imprudences anciennes. Quitter un mauvais maitre pour en prendre un bon, laisser la mollesse d'une vie criminelle, pour embrasser la sévérité d'une vie sainte et se glorifier du mépris des enfants du Siècle, c'est constance, et non pas légèreté c'est fermeté de cœur, et non pas faiblesse d'esprit, c'est générosité, et non pas impudence. L'Homme n'ayant pour son partage en l'état de sa corruption, que le mensonge, et le péché, ce n'est pas merveille qu'il se trompe, et qu'il soit trompé, qu'il se souille et qu'il souille aussi les autres. Mais c'est une chose pitoyable qu'il veuille demeurer dans l'erreur, et dans la souillure. Comme l'effort qu'il fait pour en sortir, est noble et digne d'une grande louange, sa demeure en un état si malheureux, est très honteuse.
La sagesse du siècle peut condamner ce changement, comme il lui plaira mais la sagesse de Dieu l'ordonne, et l'approuve. Les Anges prennent plaisir à voir cette bienheureuse inconstance et l'Église en bénit et en remercie l'Auteur. Mais prenez garde, ô Saints Pénitents, quand vous viendrez trouver votre Sauveur, de ne pas vous présenter tout d'un coup devant ses yeux? Magdeleine se jette à ses pieds et c`est le lieu qu'elle vous marque pour; votre première station. Encore est-ce une grande Grace, quand le Fils du Dieu vivant souffre que des Enfants du siècle les touchent. La terre est leur escabeau mais elle lui obéit, elle tremble quand il en émeut les fondements, elle demeure immobile sur un de ses doigts, dont il la porte, et elle produit toutes les choses qu’il lui a ordonné de produire, lorsqu'il l'a créée.
La ville de Naim est au sud de Nazareth en Galilée
Et n'est-il pas vrai que ses menaces ont longtemps retenti à vos oreilles sans vous émouvoir? Que vous avez incessamment roulé non pas autour du Soleil, mais autour du feu de vos convoitises déréglées? Que vous n’avez produit que des épines ou des fruits de mort? Ne vous est-ce donc pas un grand honneur de mettre votre tête sous ces pieds divins? ( Romains 10,15) Cette place n’est elle pas plus glorieuse pour vous que tous les trésors du Monde? Ces pieds vous doivent paraitre infiniment beaux, puisque non seulement ils vous annoncent une paix générale, mais qu'ils sont la vôtre particulière, et qu’ils vous comblent de tant de biens admirables. Ces pieds ne sont pas d'un airain brûlant, mais ils sont de laine, ( Apocalypse 1,15) et la lenteur qu'ils ont eu à vous châtier, l’a bien montrée pour votre Salut.
Prosternez -vous donc hardiment devant eux et par cette soumission à votre Souverain, réparez les fautes que vous avez faites en vous prosternant aux pieds des créatures, qui étaient vos égales. Alors vous dégradiez d'honneur, maintenant vous le recouvrerez, et vous vous ferez un degré aux mains, et à la bouche de votre Roi, et de votre Dieu. Vos pieds ont couru légèrement dans les voies de l'iniquité et il faut qu'ils suivent les traces des pieds de Jésus, dans les voies de la Justice, et qu'ils apprennent d'eux à marcher. Lucifer ( le prince des Anges déchus) qui se levait comme un astre étincelant de clarté, n'est devenu un Démon ténébreux et le Prince des ténèbres, que parce qu'il n'a pas voulu adorer les pieds de Jésus, lorsque l'Incarnation lui fut révélée.
Et vous, saint Pénitents, vous allez devenir des Anges lumineux, d'enfants de ténèbres que vous étiez, si vous adorez humblement les pieds de votre Sauveur. Vous ne les voyez pas ces pieds bienheureux, mais voila ceux des Prêtres qui tiennent sa place, et qui sont les Juges qu'il a établis pour vous recevoir en grâce. Ce n'est pas assez de vous agenouiller, devant-eux, pour confesser vos désordres, il faut que l'orgueil de l'esprit, il faut que la vanité du cœur, il faut que l'amour de votre corps, se prosternent en même temps, par une humble, prompte, fidèle, joyeuse, et constante obéissance aux remèdes qu'ils vous ordonneront pour guérir.
Magdeleine leur apprend quels ils doivent être. Elle soupire, elle gémit, elle jette des ruisseaux de larmes, elle en arrose les pieds de Jésus, elle les essuie de ses cheveux, elle les embaume de ses parfums. Donc si vos Juges visibles vous disent de la part du Juge invisible, sans l'absolution duquel la leur ne peut être véritable, il faut effacer les taches de votre âme par beaucoup de larmes, il faut longtemps gémir devant Dieu et il faut trembler, il faut soupirer, il faut employer les superfluités passées, au soulagement de ces pauvres, il faut par les actions d'une véritable Pénitence parfumer l'Église d'une bonne Odeur, après l'avoir offensé par la mauvaise vapeur de vos crimes (péchés), il faut sortir du monde ou de corps ou d'esprit pour le moins, il ne faut plus aimer sa vanité, ses pompes, ses plaisirs et il faut faire servir à votre Salut, ce qui servait à votre perte; il faut toujours se souvenir de vos infidélités, toujours craindre le jugement de celui qui jugera les Juges, et devant lequel un enfant d'un jour n'est pas sans souillure.
Il faut des remèdes violents pour chasser un mal enraciné, et dangereux et il faut songer à recouvrer une santé (spirituelle) qui soit de durée, et non pas à faire une cure palliative, qui ne soit que pour quelques Jours. Quand, dis-je, les Ministres du Dieu vivant vous parleront de cette sorte, vous voyant à leurs pieds, n'alléguez pas des excuses qui ne peuvent être que des excuses de péché. Criminels, ne faites pas la Loi à vos Juges et ne formez pas vous mêmes l'Arrêt de vos satisfactions, sur votre délicatesse, et sur votre impénitence. Écoutez leur voix comme un Oracle sacré, où il ne vous est pas permis de rien retrancher et souvenez -vous que le Médecin ne doit pas prendre de son malade, l'ordre de son régime pour le guérir.
St-Marie Madeleine en pénitente
Combien de fois avez-vous pleuré ou d'amour où de colère, ou de douleur, dans vos mauvaises passions? Pourquoi trouvez-vous les larmes insupportables et honteuses, quand on vous les demande pour expier ces mauvaises amours, ces colères extravagantes, et ces douleurs déraisonnables? Que n'avez-vous souffert sur la terre, et sur la mer, dans des voyages que l'ambition, l'avarice, que la volupté vous faisait faire? Faut-il que vous ne soyez délicats que quand il s'agit de faire le chemin du Ciel? Les grands festins ont ruiné votre santé et maintenant vous craignez quelques jours d'abstinence, comme si l'on vous ordonnait de prendre quelque poison? Vous avez eu le venin des aspics sous la langue ( mauvaises paroles, mensonges, ect) , et vous ne voulez pas que le silence l'en chasse? Vous vous êtes corrompus dans les mauvaises conversations, et vous ne pouvez souffrir quelques heures de retraite?
Vous ne savez si vos péchés que vous venez de déclarer au Prêtre vous seront pardonnés et vous ne voulez rien faire, de ce qui peut raisonnablement vous assurer du pardon? Le miroir de Magdeleine en sa retraite de trente-trois ans, dans une caverne affreuse et en son jeûne continuel, et en son silence, qui n'était interrompu que par les hymnes qu'elle chantait avec les Anges sept fois le jour en sa solitude sans aucune consolation en ses larmes, qui ne tarissaient jamais; en sa tristesse où son amour trouvait ses délices, ne vous fait-il pas et des leçons et des reproches tout-ensemble? Regardez-vous dans cette glace, Pénitents délicats, mais après vous y être vus, n`oubliez pas les taches de votre visage, et lavez-les comme cette grande Sainte dans la Fontaine des larmes d'une sincère Pénitence.
Dernière édition par MichelT le Dim 14 Fév 2021 - 13:23, édité 1 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: Méditations pour le Carême: Adam et Ève jetés hors du Paradis terrestre - Les Tableaux de la Pénitence - Année 1662
Quatrième Tableau de la Pénitence: Le retour du Fils Prodigue - Luc 15,11
L`Enfant prodigue
Le retour du fils prodigue (Faisant des dépenses excessives et dans ses plaisirs)
Le Peintre en ce Tableau représente des passions bien différentes. Considérez un peu tous les traits du visage de ce jeune homme, qui se jette aux pieds de ce vieillard. Il n'y en a pas un qui ne parle, et qui ne marque le regret, la confusion, la crainte, et l'espérance dont il sent les mouvements dans son cœur. Sa misère ne peut être mieux représentée, ses cheveux sont souillés de poussière et tout hérissés. Il a le visage have, les yeux enfoncés, et les lèvres pâles. La faim qu'il souffre depuis longtemps, l'a mis en ce pitoyable état. Sa robe peut à peine le couvrir, et elle est faite de tant de pièces, qu'on ne peut dire qu'elle soit d'aucune étoffe.
Que cet homme qui l'embrasse a un aspect vénérable et les yeux brillants montrent bien qu'il est transporté de joie, et il en coule quelques larmes le long de ses joues. La posture qu'il fait en s'abaissant pour embrasser le misérable qui lui tient les genoux, est merveilleuse en son raccourcissement, et elle explique bien l'affection du cœur qui la fait faire, voila des serviteurs tout à l'entour. Tous leurs visages ont une mine différente, mais il n'y en a aucun on ne remarque de la joie et de l'étonnement. Ils ont les yeux attachés sur le vieillard, et ils n'attendent que ses ordres pour revêtir le jeune homme, des habillements qu'ils ont entre les mains, et pour le laver.
Dans un coin, voila un personnage, sur le front duquel l'envie qui ronge son cœur, est toute visible, ses regards sont farouches et il se mord les lèvres. Je connais bien qu'en vous faisant remarquer tout ce qui est dans ce Tableau, je vous donne une grande envie de savoir l'histoire qu'il représente. L'original en est dans l'Évangile, et il surpasse infiniment la plus belle copie qu'on en puisse faire. Ce vieillard, est un Père riche, et ce jeune homme un fils prodigue (qui fait des dépenses excessives) et débauché.
L'un a élevé l'autre, avec une mauvaise tendresse, qui n'a servi qu'à le rendre sans respect pour lui, sans crainte pour Dieu, sans amitié pour ses parents, et sans soin de sa conscience. Il a vu dès son enfance pulluler les racines de ses mauvaises inclinations, et il n'a pas eu la force de les couper à l'heure même. Il a pris ses premiers désordres pour des badineries, et pour des preuves d'un esprit jolie. Il a eu peur de le voir sage trop tôt, et il a mieux aimé qu'il produise des épines toutes formées, que des fruits trop avancés.
Il s'est persuadé que ses légèretés se changeraient aisément en vertus solides, sa promptitude en vivacité, son opiniâtreté en constance, sa mollesse en douceur, et en amitié. Il ne l'a pas voulu bien le ployer de peur de le rompre. Les sentiments de la nature ont étouffé ceux de la raison, et sans y penser, il l'a perdu pour avoir trop de peur de le perdre. Car à peine fut-il sorti de cette enfance, ou si les membres étaient innocents, l'esprit ne l'était pas, qu'il reconnut, mais trop tard, qu'il avait porté un serpent dans son sein, lequel ne tarderait guère à le piquer.
En cela il fut si malheureux que de ne pas se tromper. Toutes les mauvaises semences qu'il avait négligé d'arracher, produisirent le fruit qui leur était propre. Il n'y eut jamais un jeune homme si vieux en malice, si dérèglé en ses désirs, si impudent en ses débauches, si obstiné dans ses folies, si indiscret en ses paroles, si insolent en ses entreprises, si aheurté à son sens, et déterminé à se ruiner de conscience, et d'honneur. Il voulut après la perte de deux choses si précieuses y ajouter celle de ses biens. Son Père s'efforçait en vain d'arrêter ce torrent impétueux et sa furie était plus forte que toutes ses remontrances.
Il ne le considérait plus que comme l’ennemi de ses plaisirs, le censeur de sa vie, et l'obstacle de sa félicité. A peine pouvait-il endurer ses corrections les plus douces, et quand elles étaient un peu trop aigres à son goût, il s'emportait à des discours, qui perçaient le cœur du pauvre vieillard. Enfin, ne pouvant plus supporter sa présence, il le vint trouver un jour, et il le força par des prières mêlées de menaces, de lui donner la portion de l'héritage qu'il attendait de lui. Encore qu'elle fut grande, toutefois, comme la jeunesse et la volupté en eurent la disposition, elle fut bientôt dissipée.
La curiosité de voir des pays étrangers, lui fit faire de grands voyages, et en quelque lieu qu'il passait, il y laissait des traces de ses débauches. Ce qui doit servir pour former l'esprit, et pour donner de la prudence, le rendit plus léger et plus inconsidéré. Il n'étudia dans les lieux où il passait, que les mauvaises mœurs des habitants, pour les imiter. Il ne s’informait que de raretés voluptueuses. Il ne voulut connaitre que les personnes les plus corrompues. Il ne fit que des amitiés ou inutiles ou criminelles. Il ne chargea sa mémoire que de mauvaises choses.
Le fils prodigue dissipant son héritage en festins et amusements
Au luxe des habillements, il joignit la magnificence de la table, et la pompe de la suite. Il eut auprès de lui une troupe de flatteurs, qui firent leur Dieu de celui qui leur faisait des libéralités, dont son humeur capricieuse était la mesure; Il n'avait point de vice si honteux dont ils ne fissent une éminente vertu. S'il se taisait, ils le louaient de sagesse. S'il disait des niaiseries, ils les respectaient comme les choses les plus spirituelles du monde. Il ne savait que perdre son bien, et ils l'appelaient libéral. Quelques mauvais desseins qu'il eut pour contenter ses passions, ils s'en rendaient les ministres.
Ses vengeances les plus brutales étaient des ressentiments généreux, ou des effets de justice. Dans ses amours, ils ne connaissaient point d'autres règles pour lui, que les dérèglements de son goût. La place la plus forte qu'il avait envie d'attaquer, lui devenait facile à prendre, par leurs artifices. Enfin cet impudent jeune homme était le plus achevé prodigue qui fut jamais, et qui avait le plus de défenseurs de sa prodigalité. Mais après avoir passé quelques années dans une générale débauche, il tomba dans une pauvreté universelle. Dès que ses parasites commencèrent à la reconnaitre, ils méditèrent leur retraite, et quand il n'eut plus moyen de continuer ses dépenses, il n'eut plus ni flatteurs, ni suivants, ni panégyristes. Celles qui l'avaient adoré durant que sa prodigalité nourrissait leur avarice, ne le connurent plus dès qu'il fut en état de leur être à charge.
Leurs caresses cessèrent avec ses présents, et elles lui alléguèrent l'honneur, quand il n'eut plus de quoi les corrompre. Après avoir entretenu trente valets inutiles, il est contraint de le devenir lui-même d'un homme qui lui donne un troupeau de pourceaux à garder. A la place du dégoût que lui donnait la quantité des viandes que l'on servait sur sa table, il sent les horreurs d'une faim enragée qui le tourmente et il la rassasierait volontiers des choses vilaines que mangent les animaux dont il a le soin, s’il trouvait quelqu'un qui lui en donnât. Si vous voulez rechercher la source de tous ces malheurs, c'est qu'il a quitté la maison paternelle. La convoitise dérèglée qui l'en a tiré, le bannit de sa patrie, le dépouille de sa réputation, ne lui laisse ni les biens de la nature, ni l'innocence des mœurs, ni les sentiments de la religion, ni le mouvement de sa liberté, ni les marques de sa gloire.
D'un citoyen, elle en fait un étranger, d’un fils, un mercenaire, d'un riche, un mendiant, d’un homme libre, un esclave. Elle joint avec les pourceaux celui qu'elle a séparé de
son Père. Elle fait servir à des animaux immondes, celui qui n'a pas voulu servir a la piété paternelle. Il est vrai qu'il ne fallait pas attendre autre chose de sa jeunesse inconsidérée. Toutefois quoi que jeune, il pouvait servir son Père, et s'il ne se fut point éloigné de lui, il n'eut point été empêché par la faiblesse de ses années, de s’acquitter de son devoir. Auprès d'un bon Père, la sujétion est douce, la servitude libre, la pauvreté riche, la possession assurée. Le travail est le partage du Père, et les enfants en recueillent tout le fruit, le prodigue n'a pas su connaitre son bonheur, et il a eu bien de la peine à devenir misérable.
Il n'avait qu'à demeurer dans un lieu où il devait commander, et il s’est allé égarer en un pays éloigné, où il est tombé dans la servitude. La famine l'y a surpris, et il ne pouvait attendre autre chose que le manquement de pain dans la région de ses ennemis. La Nature lui avait donné en la personne de son Père, un maitre légitime à qui il devait s'attacher et la débauche l'a contraint de se mettre au service d'un citoyen moins noble que lui, qui bien loin d'avoir pitié de sa disgrâce, et de le traiter selon sa condition, ou l'entretenant pour le renvoyer à son Père, ou lui donnant un emploi digne d'une personne libre, l'a envoyé à la campagne garder les pourceaux. Encore s'il l'eut fait Pasteur des brebis, il se fut consolé par l’innocence de son exercice, qui a été celui des Patriarches, et d'un des plus Grand Rois d'Israël (le roi David).
Ce traitement si infâme et si rigoureux, servit au Prodigue, à le faire rentrer en lui-même. Il en était sortie, sortant de la maison de son Père, et depuis il n'avait cessé de s'égarer dans les routes de l'iniquité. S'il fut demeuré en lui-même, et qu'il eut voulu entendre la voix de la Nature qu`il obligeait à honorer et a servir toute sa vie, celui qui la lui avait donnée, il eut conservé son innocence et son héritage. Mais cette voix n'était pas assez forte pour se faire entendre parmi les plaisirs, et dans le bruit des compagnies. La voix de la Volupté était bien plus puissante, comme étant plus agréable, et tous ceux qui l'environnaient étaient autant d'Échos malheureusement fidèles, qui enchérissaient dans leur répétition, sur ce qu'elle lui disait. Plus il l'écoute, et plus il s'éloigne de soi-même, où elle craint qu'il ne rentre pour voir la vérité des choses qu'elle lui cache.
Mais quand elle ne peut plus la faire retentir à ses oreilles, et qu'elle l'a infidèlement abandonné, après lui avoir promis une compagnie éternelle, il rentre en soi, il revient à
son bon sens, et comme un autre Nabuchodonosor, il sort de la société des bêtes, pour commencer à converser avec les hommes, commençant à raisonner sur la misère de sa condition. Il la compare à ceux des mercenaires de la maison de son Père, lui qui est fils, et il trouve celle-ci beaucoup plus avantageuse que la sienne, car ils ont du pain en abondance, tandis qu’ici je péris de faim. Remarquez ces degrés de son retour à la félicité de son premier rang, comme je vous ai fait remarquer les degrés qui l'ont conduit dans le fond du précipice. Après qu'il est rentré en soi-même, il ne regarde plus, ni son ancienne condition dont il s’est rendu indigne, pour souhaiter de jouir encore de ses avantages, ni celle de son frère ainé qui goûte le repos de la maison paternelle, mais il songe aux mercenaires qui y sont nourris avec opulence et par cette pensée, il reconnait la faute qu'il a commise d'en être sortie, et la justice de la misère où il se trouve.
Dans la comparaison de leur abondance avec sa nécessité, il fait celle de l'obéissance qu'il devait rendre à son Père, avec l'ingratitude dont il a reconnu ses bienfaits et de la
fausseté des espérances que sa convoitise lui avait données, avec la vérité des malheurs où il se voit abimé, il s'en confesse digne et s'il envie l'état des mercenaires, ce n'est
pas qu'il soit ennuyé de souffrir , mais c'est qu'il se reconnait coupable. L'Espérance accompagne sa douleur. II fait résolution de se lever, et d'aller trouver son Père, et en se servant de ce nom, il marque bien, que comme le respect paternel est rentré dans son cœur, la confiance en la bonté paternelle y est rentrée en même-temps.
La nuit de ses désordres est passée et la grâce l'a réveillé, elle lui a fait dire: je me lèverai, et elle l'a tiré de ce lit malheureux où il était endormi. Elle lui a montré le chemin de la maison paternelle, elle l'a conduit pour y arriver. Peu à peu il s'assure, et de la crainte servile, il passe à la charité filiale. S'il eut commencé par la confiance que donne celle-ci, il eut pu être téméraire et s'il se fût arrêté dans les frayeurs qu'inspire celle-là ,il n'eut eu qu'une fort imparfaite douleur de sa faute. Il ne songe point a employer de médiateur, sachant qu'entre le Père et le fils, il n'est pas besoin qu'un étranger fasse cet office; que l'avocat de celui-ci est dans le cœur de celui là que l'amour naturel qui plaide la cause, la gagne toujours. Voulez-vous savoir ce qui lui fait espérer une bonne réception de son Père, ce qui lui donne une si grande hardiesse, c'est qu'il est son Père, comme il est son juge, c'est qu'il est une portion de celui qu'il a offensé c'est que son juge ne le peut condamner sans détruire la moitié de lui-même.
Il avait joui en un pays éloigné de lui, d'une liberté qui était une véritable servitude et il se promet hardiment de vivre chez lui dans une servitude qui sera une agréable et parfaite liberté. Ensuite de sa résolution, il prépare le discours qu'il lui doit faire, et tous les mots en sont considérables: «Mon Père, lui dit-il, j`ai péché contre le Ciel, et contre-vous, je ne suis pas digne d'être plus nommé votre fils; mettez-moi seulement au rang de vos serviteurs» (Luc 15, 21)
Son Père savait encore mieux que lui, qu'il avait offensé le Dieu du Ciel en sa personne, parce qu'il était instruit que ce Père commun de tous, s'intéresse en l'honneur des Pères particuliers qui sont les images de Sa divine paternité. Il connaissait soit ses tendresses qu'il avait eues pour ce fils ingrat, et par la violence de son affection, il mesurait l'injure qu'il en avait reçue. Toutefois il faut que ce Prodigue confesse sa faute, afin qu'en l'avouant publiquement son Père l'oublie, et lui en accorde aussi un pardon public. Il avait scandalisé le lieu de sa demeure, il avait offensé sa famille, il avait péché contre les Lois naturelles et civiles, il avait fait des injures à beaucoup de personnes; toutefois il ne se souvient, et il ne s’accuse que d’avoir offensé le Ciel et son Père.
Ce n’est pas qu'il compte pour rien les autres offenses qu'il a commises, mais c'est qu’il considère les premières comme les plus exécrables, quoi que les hommes n’en fissent pas peut-être le même jugement. Toute sa confusion vient d’avoir péché contre le Dieu du Ciel, qui ne lui fait point de reproches de son crime, comme ceux qui condamnent ses
débauches, où ils n’ont point d’intérêt. Il ne se soucie pas de leurs censures, mais il ne peut souffrir le remords de sa conscience pour l’injure faite à un père aussi bon que le sien. C'est avec des soupirs et des sanglots qu’en se jetant a ses pieds il l'appelle par ce nom et afin qu’il ne croit pas qu’une trop grande hardiesse, après une si grande faute, le lui mette dans la bouche, il ajoute qu’il n’est plus digne, non pas d’être son fils, mais seulement d`être appelé tel.
Observez l'humilité de sa Pénitence. Il oublie tout ce qu'il est par sa condition, et il ne regarde que ce qu'il est par ses crimes. Il ne se hâte point lui-même, il ne diminue point son ingratitude, il ne dit point : Mon Père, je suis votre fils, qui viens confesser à vos pieds, que vous avez sujet d'être en colère contre moi mais la jeunesse m'a emporté, et vous êtes si bon que vous excuserez aisément mes folies et mes égarements. Il est vrai que je vous ai maltraité, que j'ai fort peu reconnu les bontés que vous avez eus pour moi, que j`ai dissipé mon héritage, et que je mérite que vous me traitiez avec rigueur. Mais je suis vôtre fils, je suis votre sang, et la Nature vous parle pour moi. Écoutez donc sa voix, et recevez mes satisfactions. Remettez-moi en la même posture où j`étais auprès de vous, quand je sortis de votre maison, et assurez vous que je serai plus sage, et plus respectueux à l'avenir.
Les pécheurs qui ne sont Pénitents que de nom, se confessent d'ordinaire de cette sorte, et comme c'est plutôt une excuse orgueilleuse, qu'un humble aveu de leurs crimes, il ne faut pas s'étonner s'ils n'obtiennent point leur grâce de celui qui veut que le cœur humilié, mette dans la bouche des paroles aussi humbles que sincères, que celui-là soit touché d’une foi qui le prépare à la justice, afin que celle-ci fasse une confession qui puisse servir a son Salut. A peine veulent-ils souffrir que leur Père leur fasse quelques reproches, et ils sont bien éloignés des pensées du Prodigue pénitent, qui ne croit pas mériter le nom de fils, bien-loin de songer a recueillir un second héritage; et qui se contente d’être mis au nombre des mercenaires. Il sait qu’il y a différence entre le fils et l`ami, le mercenaire et le serviteur, qu`un homme est fils par le baptême, ami par la vertu, mercenaire par le travail, et serviteur par la crainte.
Il a violé son Baptême, c’est pourquoi il se juge indigne du nom de fils. Il a dissipé toute sa vertu, c’est ce qui l’empêche de prétendre au titre d’ami. Il aime, cela est la cause qu’il ne veut pas être au nombre des serviteurs qui n'agissent que par la crainte. Il choisit le rang des mercenaires, parce qu’il veut réparer ses pertes, expier son oisiveté, recueillir ses forces languissantes, et montrer à son Père qu'après avoir dissipé son bien, il a dessein de contribuer à la richesse de sa maison, par les travaux fidèles et laborieux de la Pénitence.
Ce seul nom vous fait frémir, Pénitents délicats, et vous parlez avec autant de confiance que si vous n’aviez qu'un peu blessé l'amitié paternelle, après une dissipation effroyable des biens de la Nature et de la Grâce, après une séparation insolente de la maison de votre Père Céleste, après une demeure obstinée dans les crimes, après une honteuse servitude sous la tyrannie du Monde, du Diable (l`ange déchu), et de la Chair, après une faim cruelle des plaisirs dont vous ne pouvez plus jouir après avoir offensé le Dieu du Ciel, après en avoir quitté le Royaume, pour prendre les chaines de vos passions, après dis-je, avoir commis des offenses si abominables, vous croyez que l'on vous fait une injure si l'on ne vous revêt d'une robe toute neuve, si l'on ne vous met un collier d'or au cou, si l'on ne vous parfume le corps si l'on ne vous admet dans la maison, et à la table du Père de famille.
A la bonne heure, tirez de la grâce que le Prodigue reçoit, l'espérance d'obtenir celle de vos fautes, mais imitez-le en sa Pénitence, si vous voulez être traitez comme lui. Vous vous êtes égaré à son exemple, vous avez suivi les mêmes routes d’iniquités, et vous êtes tombez dans un même précipice sortez-en aussi de même sorte, et revenez par les mêmes degrés à la Place glorieuse que vous avez perdue si facilement. Ne dites pas toujours nous nous lèverons demain, nous quitterons nos mauvaises amitiés, nous laisserons nos commerces illicites, nous adoucirons l'aigreur de nos ressentiments, nous renoncerons à nos espérances ambitieuses, nous abandonnerons nos délices défendus. Car tandis que vous dites, nous nous lèverons, vous demeurerez toujours dans le sommeil du péché.
La nuit est passée, le jour est venu, et les Chrétiens, qui sont enfants du jour et non pas enfants de ténèbres, doivent y marcher comme des œuvres de lumière. Levez-vous donc, mais pour aller à votre Père. Ce nom vous doit donner une respectueuse crainte, et non pas une frayeur servile, et scrupuleuse. Celle-là est l'introductrice de la charité que vous avez perdue, et qu'il faut essayer de recouvrer. Le moyen d'y parvenir est de s'en croire indigne, et de confesser son ingratitude, sans déguisement et sans excusé de la reconnaitre très énorme et de ne prétendre pas si vite aux avantages d'une filiation que l'on a si tôt méprisée, et dont on a fait une dissipation si déplorable. Il est fâcheux après avoir tenu le rang d’héritier de la maison, de se voir en celui des mercenaires, mais il sera plus fâcheux de se voir en celui des réprouvés et cela, est indubitable quiconque refusera de revenir à la maison paternelle, par le travail d'une véritable Pénitence. Quel travail ne doit sembler doux et léger, pour obtenir une entrée si avantageuse? Si vous étiez mercenaires d'un Tyran, il y aurait sujet de craindre qu'il ne reconnût pas votre travail. Mais c'est chez votre Père et pour votre Père, que vous travaillez ou plutôt c'est dans vôtre propre fond que vous employez votre culture et tous les fruits vous reviendront.
Après avoir demeuré quelque temps debout devant votre Père céleste, il aura pitié de votre malheur, il vous revêtira de la robe d'innocence, il vous donnera le collier d'or de la charité, et enfin, il vous recevra à sa table (communion). Ses autres enfants n'en concevront point de jalousie, au contraire ils s'en réjouiront, et ils chanteront avec ce Père amoureux, un Cantique de joie pour le retour de ce pauvre Prodigue qui s`était perdu, et qui s'est retrouvé et qui avait dissipé toute sa substance, et qui l'a recouvrée, qui avait habité dans un pays de ténèbres, et qui est revenu à une région de lumière enfin, qui s'était mis au service d'un Tyran, et qui est revenu au service de son Père.
Comme tous les biens de celui-là sont fort petits et comme il est extrêmement avare, il ne faut pas s`étonner s'ils font des envieux, et si ceux qui ne les ont pas, tâchent de les
ravir à ceux qui les possèdent, par la violence, ou par l’artifice. Chacun s'en croit le plus digne, parce que c'est par la convoitise qu'il règle son désir, et non pas par la Justice, ou par la connaissance de soi-même, mais il en en tout autrement des biens du Père céleste. Ils sont abondants et précieux, leur source ne tarit point, et le Roi légitime qui les distribue, y fait les Lois d'une sagesse infinie, et d'une justice incorruptible dans leur distribution.
Ceux qui les mènent sont remplis de cette connaissance, aussi bien que de celle de leur indignité. Ils aiment tout ce qu'il aime, et le lien de la charité qui les attache à lui, les attache aux hommes. C'est pourquoi ils le bénissent pour tous les biens qu'il leur donne, et ils en sont aussi aises que s'ils les recevaient eux-mêmes. En effet ce qui est aux uns, est aux autres dans l'admirable union qu'ils ont ensemble par la Grâce divine, qui n'en fait qu'un corps animé d'un même esprit. Mais quoi qu’ils soient sensibles aux richesses qu'elle communique aux innocents, les entretenant dans l'innocence, toutefois ils ont plus de joie pour les miracles qu'elle opère en faveur des pécheurs Pénitents.
La Confession
Car en cela ils imitent les Anges du Ciel, qui sont les premiers membres du Corps de Jésus-Christ. Que dis-je, ils entrent dans les sentiments de Jésus-Christ même, qui est venu pour les Pécheurs, et non pas pour les Justes. Outre cette raison, la puissance de sa grâce, l'excès de son amour, paraissent davantage en la guérison des grands malades, qu'en la conservation de ceux qui ont toujours été sains et on sent une certaine tendresse de charité pour les uns, par la vue de leurs maux, et par le péril qu'ils ont couru que l'on ne sent pas pour les autres, qui ont toujours été en un état d'assurance.
L`Enfant prodigue
Le retour du fils prodigue (Faisant des dépenses excessives et dans ses plaisirs)
Le Peintre en ce Tableau représente des passions bien différentes. Considérez un peu tous les traits du visage de ce jeune homme, qui se jette aux pieds de ce vieillard. Il n'y en a pas un qui ne parle, et qui ne marque le regret, la confusion, la crainte, et l'espérance dont il sent les mouvements dans son cœur. Sa misère ne peut être mieux représentée, ses cheveux sont souillés de poussière et tout hérissés. Il a le visage have, les yeux enfoncés, et les lèvres pâles. La faim qu'il souffre depuis longtemps, l'a mis en ce pitoyable état. Sa robe peut à peine le couvrir, et elle est faite de tant de pièces, qu'on ne peut dire qu'elle soit d'aucune étoffe.
Que cet homme qui l'embrasse a un aspect vénérable et les yeux brillants montrent bien qu'il est transporté de joie, et il en coule quelques larmes le long de ses joues. La posture qu'il fait en s'abaissant pour embrasser le misérable qui lui tient les genoux, est merveilleuse en son raccourcissement, et elle explique bien l'affection du cœur qui la fait faire, voila des serviteurs tout à l'entour. Tous leurs visages ont une mine différente, mais il n'y en a aucun on ne remarque de la joie et de l'étonnement. Ils ont les yeux attachés sur le vieillard, et ils n'attendent que ses ordres pour revêtir le jeune homme, des habillements qu'ils ont entre les mains, et pour le laver.
Dans un coin, voila un personnage, sur le front duquel l'envie qui ronge son cœur, est toute visible, ses regards sont farouches et il se mord les lèvres. Je connais bien qu'en vous faisant remarquer tout ce qui est dans ce Tableau, je vous donne une grande envie de savoir l'histoire qu'il représente. L'original en est dans l'Évangile, et il surpasse infiniment la plus belle copie qu'on en puisse faire. Ce vieillard, est un Père riche, et ce jeune homme un fils prodigue (qui fait des dépenses excessives) et débauché.
L'un a élevé l'autre, avec une mauvaise tendresse, qui n'a servi qu'à le rendre sans respect pour lui, sans crainte pour Dieu, sans amitié pour ses parents, et sans soin de sa conscience. Il a vu dès son enfance pulluler les racines de ses mauvaises inclinations, et il n'a pas eu la force de les couper à l'heure même. Il a pris ses premiers désordres pour des badineries, et pour des preuves d'un esprit jolie. Il a eu peur de le voir sage trop tôt, et il a mieux aimé qu'il produise des épines toutes formées, que des fruits trop avancés.
Il s'est persuadé que ses légèretés se changeraient aisément en vertus solides, sa promptitude en vivacité, son opiniâtreté en constance, sa mollesse en douceur, et en amitié. Il ne l'a pas voulu bien le ployer de peur de le rompre. Les sentiments de la nature ont étouffé ceux de la raison, et sans y penser, il l'a perdu pour avoir trop de peur de le perdre. Car à peine fut-il sorti de cette enfance, ou si les membres étaient innocents, l'esprit ne l'était pas, qu'il reconnut, mais trop tard, qu'il avait porté un serpent dans son sein, lequel ne tarderait guère à le piquer.
En cela il fut si malheureux que de ne pas se tromper. Toutes les mauvaises semences qu'il avait négligé d'arracher, produisirent le fruit qui leur était propre. Il n'y eut jamais un jeune homme si vieux en malice, si dérèglé en ses désirs, si impudent en ses débauches, si obstiné dans ses folies, si indiscret en ses paroles, si insolent en ses entreprises, si aheurté à son sens, et déterminé à se ruiner de conscience, et d'honneur. Il voulut après la perte de deux choses si précieuses y ajouter celle de ses biens. Son Père s'efforçait en vain d'arrêter ce torrent impétueux et sa furie était plus forte que toutes ses remontrances.
Il ne le considérait plus que comme l’ennemi de ses plaisirs, le censeur de sa vie, et l'obstacle de sa félicité. A peine pouvait-il endurer ses corrections les plus douces, et quand elles étaient un peu trop aigres à son goût, il s'emportait à des discours, qui perçaient le cœur du pauvre vieillard. Enfin, ne pouvant plus supporter sa présence, il le vint trouver un jour, et il le força par des prières mêlées de menaces, de lui donner la portion de l'héritage qu'il attendait de lui. Encore qu'elle fut grande, toutefois, comme la jeunesse et la volupté en eurent la disposition, elle fut bientôt dissipée.
La curiosité de voir des pays étrangers, lui fit faire de grands voyages, et en quelque lieu qu'il passait, il y laissait des traces de ses débauches. Ce qui doit servir pour former l'esprit, et pour donner de la prudence, le rendit plus léger et plus inconsidéré. Il n'étudia dans les lieux où il passait, que les mauvaises mœurs des habitants, pour les imiter. Il ne s’informait que de raretés voluptueuses. Il ne voulut connaitre que les personnes les plus corrompues. Il ne fit que des amitiés ou inutiles ou criminelles. Il ne chargea sa mémoire que de mauvaises choses.
Le fils prodigue dissipant son héritage en festins et amusements
Au luxe des habillements, il joignit la magnificence de la table, et la pompe de la suite. Il eut auprès de lui une troupe de flatteurs, qui firent leur Dieu de celui qui leur faisait des libéralités, dont son humeur capricieuse était la mesure; Il n'avait point de vice si honteux dont ils ne fissent une éminente vertu. S'il se taisait, ils le louaient de sagesse. S'il disait des niaiseries, ils les respectaient comme les choses les plus spirituelles du monde. Il ne savait que perdre son bien, et ils l'appelaient libéral. Quelques mauvais desseins qu'il eut pour contenter ses passions, ils s'en rendaient les ministres.
Ses vengeances les plus brutales étaient des ressentiments généreux, ou des effets de justice. Dans ses amours, ils ne connaissaient point d'autres règles pour lui, que les dérèglements de son goût. La place la plus forte qu'il avait envie d'attaquer, lui devenait facile à prendre, par leurs artifices. Enfin cet impudent jeune homme était le plus achevé prodigue qui fut jamais, et qui avait le plus de défenseurs de sa prodigalité. Mais après avoir passé quelques années dans une générale débauche, il tomba dans une pauvreté universelle. Dès que ses parasites commencèrent à la reconnaitre, ils méditèrent leur retraite, et quand il n'eut plus moyen de continuer ses dépenses, il n'eut plus ni flatteurs, ni suivants, ni panégyristes. Celles qui l'avaient adoré durant que sa prodigalité nourrissait leur avarice, ne le connurent plus dès qu'il fut en état de leur être à charge.
Leurs caresses cessèrent avec ses présents, et elles lui alléguèrent l'honneur, quand il n'eut plus de quoi les corrompre. Après avoir entretenu trente valets inutiles, il est contraint de le devenir lui-même d'un homme qui lui donne un troupeau de pourceaux à garder. A la place du dégoût que lui donnait la quantité des viandes que l'on servait sur sa table, il sent les horreurs d'une faim enragée qui le tourmente et il la rassasierait volontiers des choses vilaines que mangent les animaux dont il a le soin, s’il trouvait quelqu'un qui lui en donnât. Si vous voulez rechercher la source de tous ces malheurs, c'est qu'il a quitté la maison paternelle. La convoitise dérèglée qui l'en a tiré, le bannit de sa patrie, le dépouille de sa réputation, ne lui laisse ni les biens de la nature, ni l'innocence des mœurs, ni les sentiments de la religion, ni le mouvement de sa liberté, ni les marques de sa gloire.
D'un citoyen, elle en fait un étranger, d’un fils, un mercenaire, d'un riche, un mendiant, d’un homme libre, un esclave. Elle joint avec les pourceaux celui qu'elle a séparé de
son Père. Elle fait servir à des animaux immondes, celui qui n'a pas voulu servir a la piété paternelle. Il est vrai qu'il ne fallait pas attendre autre chose de sa jeunesse inconsidérée. Toutefois quoi que jeune, il pouvait servir son Père, et s'il ne se fut point éloigné de lui, il n'eut point été empêché par la faiblesse de ses années, de s’acquitter de son devoir. Auprès d'un bon Père, la sujétion est douce, la servitude libre, la pauvreté riche, la possession assurée. Le travail est le partage du Père, et les enfants en recueillent tout le fruit, le prodigue n'a pas su connaitre son bonheur, et il a eu bien de la peine à devenir misérable.
Il n'avait qu'à demeurer dans un lieu où il devait commander, et il s’est allé égarer en un pays éloigné, où il est tombé dans la servitude. La famine l'y a surpris, et il ne pouvait attendre autre chose que le manquement de pain dans la région de ses ennemis. La Nature lui avait donné en la personne de son Père, un maitre légitime à qui il devait s'attacher et la débauche l'a contraint de se mettre au service d'un citoyen moins noble que lui, qui bien loin d'avoir pitié de sa disgrâce, et de le traiter selon sa condition, ou l'entretenant pour le renvoyer à son Père, ou lui donnant un emploi digne d'une personne libre, l'a envoyé à la campagne garder les pourceaux. Encore s'il l'eut fait Pasteur des brebis, il se fut consolé par l’innocence de son exercice, qui a été celui des Patriarches, et d'un des plus Grand Rois d'Israël (le roi David).
Ce traitement si infâme et si rigoureux, servit au Prodigue, à le faire rentrer en lui-même. Il en était sortie, sortant de la maison de son Père, et depuis il n'avait cessé de s'égarer dans les routes de l'iniquité. S'il fut demeuré en lui-même, et qu'il eut voulu entendre la voix de la Nature qu`il obligeait à honorer et a servir toute sa vie, celui qui la lui avait donnée, il eut conservé son innocence et son héritage. Mais cette voix n'était pas assez forte pour se faire entendre parmi les plaisirs, et dans le bruit des compagnies. La voix de la Volupté était bien plus puissante, comme étant plus agréable, et tous ceux qui l'environnaient étaient autant d'Échos malheureusement fidèles, qui enchérissaient dans leur répétition, sur ce qu'elle lui disait. Plus il l'écoute, et plus il s'éloigne de soi-même, où elle craint qu'il ne rentre pour voir la vérité des choses qu'elle lui cache.
Mais quand elle ne peut plus la faire retentir à ses oreilles, et qu'elle l'a infidèlement abandonné, après lui avoir promis une compagnie éternelle, il rentre en soi, il revient à
son bon sens, et comme un autre Nabuchodonosor, il sort de la société des bêtes, pour commencer à converser avec les hommes, commençant à raisonner sur la misère de sa condition. Il la compare à ceux des mercenaires de la maison de son Père, lui qui est fils, et il trouve celle-ci beaucoup plus avantageuse que la sienne, car ils ont du pain en abondance, tandis qu’ici je péris de faim. Remarquez ces degrés de son retour à la félicité de son premier rang, comme je vous ai fait remarquer les degrés qui l'ont conduit dans le fond du précipice. Après qu'il est rentré en soi-même, il ne regarde plus, ni son ancienne condition dont il s’est rendu indigne, pour souhaiter de jouir encore de ses avantages, ni celle de son frère ainé qui goûte le repos de la maison paternelle, mais il songe aux mercenaires qui y sont nourris avec opulence et par cette pensée, il reconnait la faute qu'il a commise d'en être sortie, et la justice de la misère où il se trouve.
Dans la comparaison de leur abondance avec sa nécessité, il fait celle de l'obéissance qu'il devait rendre à son Père, avec l'ingratitude dont il a reconnu ses bienfaits et de la
fausseté des espérances que sa convoitise lui avait données, avec la vérité des malheurs où il se voit abimé, il s'en confesse digne et s'il envie l'état des mercenaires, ce n'est
pas qu'il soit ennuyé de souffrir , mais c'est qu'il se reconnait coupable. L'Espérance accompagne sa douleur. II fait résolution de se lever, et d'aller trouver son Père, et en se servant de ce nom, il marque bien, que comme le respect paternel est rentré dans son cœur, la confiance en la bonté paternelle y est rentrée en même-temps.
La nuit de ses désordres est passée et la grâce l'a réveillé, elle lui a fait dire: je me lèverai, et elle l'a tiré de ce lit malheureux où il était endormi. Elle lui a montré le chemin de la maison paternelle, elle l'a conduit pour y arriver. Peu à peu il s'assure, et de la crainte servile, il passe à la charité filiale. S'il eut commencé par la confiance que donne celle-ci, il eut pu être téméraire et s'il se fût arrêté dans les frayeurs qu'inspire celle-là ,il n'eut eu qu'une fort imparfaite douleur de sa faute. Il ne songe point a employer de médiateur, sachant qu'entre le Père et le fils, il n'est pas besoin qu'un étranger fasse cet office; que l'avocat de celui-ci est dans le cœur de celui là que l'amour naturel qui plaide la cause, la gagne toujours. Voulez-vous savoir ce qui lui fait espérer une bonne réception de son Père, ce qui lui donne une si grande hardiesse, c'est qu'il est son Père, comme il est son juge, c'est qu'il est une portion de celui qu'il a offensé c'est que son juge ne le peut condamner sans détruire la moitié de lui-même.
Il avait joui en un pays éloigné de lui, d'une liberté qui était une véritable servitude et il se promet hardiment de vivre chez lui dans une servitude qui sera une agréable et parfaite liberté. Ensuite de sa résolution, il prépare le discours qu'il lui doit faire, et tous les mots en sont considérables: «Mon Père, lui dit-il, j`ai péché contre le Ciel, et contre-vous, je ne suis pas digne d'être plus nommé votre fils; mettez-moi seulement au rang de vos serviteurs» (Luc 15, 21)
Son Père savait encore mieux que lui, qu'il avait offensé le Dieu du Ciel en sa personne, parce qu'il était instruit que ce Père commun de tous, s'intéresse en l'honneur des Pères particuliers qui sont les images de Sa divine paternité. Il connaissait soit ses tendresses qu'il avait eues pour ce fils ingrat, et par la violence de son affection, il mesurait l'injure qu'il en avait reçue. Toutefois il faut que ce Prodigue confesse sa faute, afin qu'en l'avouant publiquement son Père l'oublie, et lui en accorde aussi un pardon public. Il avait scandalisé le lieu de sa demeure, il avait offensé sa famille, il avait péché contre les Lois naturelles et civiles, il avait fait des injures à beaucoup de personnes; toutefois il ne se souvient, et il ne s’accuse que d’avoir offensé le Ciel et son Père.
Ce n’est pas qu'il compte pour rien les autres offenses qu'il a commises, mais c'est qu’il considère les premières comme les plus exécrables, quoi que les hommes n’en fissent pas peut-être le même jugement. Toute sa confusion vient d’avoir péché contre le Dieu du Ciel, qui ne lui fait point de reproches de son crime, comme ceux qui condamnent ses
débauches, où ils n’ont point d’intérêt. Il ne se soucie pas de leurs censures, mais il ne peut souffrir le remords de sa conscience pour l’injure faite à un père aussi bon que le sien. C'est avec des soupirs et des sanglots qu’en se jetant a ses pieds il l'appelle par ce nom et afin qu’il ne croit pas qu’une trop grande hardiesse, après une si grande faute, le lui mette dans la bouche, il ajoute qu’il n’est plus digne, non pas d’être son fils, mais seulement d`être appelé tel.
Observez l'humilité de sa Pénitence. Il oublie tout ce qu'il est par sa condition, et il ne regarde que ce qu'il est par ses crimes. Il ne se hâte point lui-même, il ne diminue point son ingratitude, il ne dit point : Mon Père, je suis votre fils, qui viens confesser à vos pieds, que vous avez sujet d'être en colère contre moi mais la jeunesse m'a emporté, et vous êtes si bon que vous excuserez aisément mes folies et mes égarements. Il est vrai que je vous ai maltraité, que j'ai fort peu reconnu les bontés que vous avez eus pour moi, que j`ai dissipé mon héritage, et que je mérite que vous me traitiez avec rigueur. Mais je suis vôtre fils, je suis votre sang, et la Nature vous parle pour moi. Écoutez donc sa voix, et recevez mes satisfactions. Remettez-moi en la même posture où j`étais auprès de vous, quand je sortis de votre maison, et assurez vous que je serai plus sage, et plus respectueux à l'avenir.
Les pécheurs qui ne sont Pénitents que de nom, se confessent d'ordinaire de cette sorte, et comme c'est plutôt une excuse orgueilleuse, qu'un humble aveu de leurs crimes, il ne faut pas s'étonner s'ils n'obtiennent point leur grâce de celui qui veut que le cœur humilié, mette dans la bouche des paroles aussi humbles que sincères, que celui-là soit touché d’une foi qui le prépare à la justice, afin que celle-ci fasse une confession qui puisse servir a son Salut. A peine veulent-ils souffrir que leur Père leur fasse quelques reproches, et ils sont bien éloignés des pensées du Prodigue pénitent, qui ne croit pas mériter le nom de fils, bien-loin de songer a recueillir un second héritage; et qui se contente d’être mis au nombre des mercenaires. Il sait qu’il y a différence entre le fils et l`ami, le mercenaire et le serviteur, qu`un homme est fils par le baptême, ami par la vertu, mercenaire par le travail, et serviteur par la crainte.
Il a violé son Baptême, c’est pourquoi il se juge indigne du nom de fils. Il a dissipé toute sa vertu, c’est ce qui l’empêche de prétendre au titre d’ami. Il aime, cela est la cause qu’il ne veut pas être au nombre des serviteurs qui n'agissent que par la crainte. Il choisit le rang des mercenaires, parce qu’il veut réparer ses pertes, expier son oisiveté, recueillir ses forces languissantes, et montrer à son Père qu'après avoir dissipé son bien, il a dessein de contribuer à la richesse de sa maison, par les travaux fidèles et laborieux de la Pénitence.
Ce seul nom vous fait frémir, Pénitents délicats, et vous parlez avec autant de confiance que si vous n’aviez qu'un peu blessé l'amitié paternelle, après une dissipation effroyable des biens de la Nature et de la Grâce, après une séparation insolente de la maison de votre Père Céleste, après une demeure obstinée dans les crimes, après une honteuse servitude sous la tyrannie du Monde, du Diable (l`ange déchu), et de la Chair, après une faim cruelle des plaisirs dont vous ne pouvez plus jouir après avoir offensé le Dieu du Ciel, après en avoir quitté le Royaume, pour prendre les chaines de vos passions, après dis-je, avoir commis des offenses si abominables, vous croyez que l'on vous fait une injure si l'on ne vous revêt d'une robe toute neuve, si l'on ne vous met un collier d'or au cou, si l'on ne vous parfume le corps si l'on ne vous admet dans la maison, et à la table du Père de famille.
A la bonne heure, tirez de la grâce que le Prodigue reçoit, l'espérance d'obtenir celle de vos fautes, mais imitez-le en sa Pénitence, si vous voulez être traitez comme lui. Vous vous êtes égaré à son exemple, vous avez suivi les mêmes routes d’iniquités, et vous êtes tombez dans un même précipice sortez-en aussi de même sorte, et revenez par les mêmes degrés à la Place glorieuse que vous avez perdue si facilement. Ne dites pas toujours nous nous lèverons demain, nous quitterons nos mauvaises amitiés, nous laisserons nos commerces illicites, nous adoucirons l'aigreur de nos ressentiments, nous renoncerons à nos espérances ambitieuses, nous abandonnerons nos délices défendus. Car tandis que vous dites, nous nous lèverons, vous demeurerez toujours dans le sommeil du péché.
La nuit est passée, le jour est venu, et les Chrétiens, qui sont enfants du jour et non pas enfants de ténèbres, doivent y marcher comme des œuvres de lumière. Levez-vous donc, mais pour aller à votre Père. Ce nom vous doit donner une respectueuse crainte, et non pas une frayeur servile, et scrupuleuse. Celle-là est l'introductrice de la charité que vous avez perdue, et qu'il faut essayer de recouvrer. Le moyen d'y parvenir est de s'en croire indigne, et de confesser son ingratitude, sans déguisement et sans excusé de la reconnaitre très énorme et de ne prétendre pas si vite aux avantages d'une filiation que l'on a si tôt méprisée, et dont on a fait une dissipation si déplorable. Il est fâcheux après avoir tenu le rang d’héritier de la maison, de se voir en celui des mercenaires, mais il sera plus fâcheux de se voir en celui des réprouvés et cela, est indubitable quiconque refusera de revenir à la maison paternelle, par le travail d'une véritable Pénitence. Quel travail ne doit sembler doux et léger, pour obtenir une entrée si avantageuse? Si vous étiez mercenaires d'un Tyran, il y aurait sujet de craindre qu'il ne reconnût pas votre travail. Mais c'est chez votre Père et pour votre Père, que vous travaillez ou plutôt c'est dans vôtre propre fond que vous employez votre culture et tous les fruits vous reviendront.
Après avoir demeuré quelque temps debout devant votre Père céleste, il aura pitié de votre malheur, il vous revêtira de la robe d'innocence, il vous donnera le collier d'or de la charité, et enfin, il vous recevra à sa table (communion). Ses autres enfants n'en concevront point de jalousie, au contraire ils s'en réjouiront, et ils chanteront avec ce Père amoureux, un Cantique de joie pour le retour de ce pauvre Prodigue qui s`était perdu, et qui s'est retrouvé et qui avait dissipé toute sa substance, et qui l'a recouvrée, qui avait habité dans un pays de ténèbres, et qui est revenu à une région de lumière enfin, qui s'était mis au service d'un Tyran, et qui est revenu au service de son Père.
Comme tous les biens de celui-là sont fort petits et comme il est extrêmement avare, il ne faut pas s`étonner s'ils font des envieux, et si ceux qui ne les ont pas, tâchent de les
ravir à ceux qui les possèdent, par la violence, ou par l’artifice. Chacun s'en croit le plus digne, parce que c'est par la convoitise qu'il règle son désir, et non pas par la Justice, ou par la connaissance de soi-même, mais il en en tout autrement des biens du Père céleste. Ils sont abondants et précieux, leur source ne tarit point, et le Roi légitime qui les distribue, y fait les Lois d'une sagesse infinie, et d'une justice incorruptible dans leur distribution.
Ceux qui les mènent sont remplis de cette connaissance, aussi bien que de celle de leur indignité. Ils aiment tout ce qu'il aime, et le lien de la charité qui les attache à lui, les attache aux hommes. C'est pourquoi ils le bénissent pour tous les biens qu'il leur donne, et ils en sont aussi aises que s'ils les recevaient eux-mêmes. En effet ce qui est aux uns, est aux autres dans l'admirable union qu'ils ont ensemble par la Grâce divine, qui n'en fait qu'un corps animé d'un même esprit. Mais quoi qu’ils soient sensibles aux richesses qu'elle communique aux innocents, les entretenant dans l'innocence, toutefois ils ont plus de joie pour les miracles qu'elle opère en faveur des pécheurs Pénitents.
La Confession
Car en cela ils imitent les Anges du Ciel, qui sont les premiers membres du Corps de Jésus-Christ. Que dis-je, ils entrent dans les sentiments de Jésus-Christ même, qui est venu pour les Pécheurs, et non pas pour les Justes. Outre cette raison, la puissance de sa grâce, l'excès de son amour, paraissent davantage en la guérison des grands malades, qu'en la conservation de ceux qui ont toujours été sains et on sent une certaine tendresse de charité pour les uns, par la vue de leurs maux, et par le péril qu'ils ont couru que l'on ne sent pas pour les autres, qui ont toujours été en un état d'assurance.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: Méditations pour le Carême: Adam et Ève jetés hors du Paradis terrestre - Les Tableaux de la Pénitence - Année 1662
Cinquième Tableau de la Pénitence: La pénitence de habitants de Ninive - Livre de Jonas
La Pénitence des habitants de Ninive en Assyrie (Ancien Testament – Livre de Jonas)
( Ninive : ville du puissant Royaume d`Assyrie, ville et royaume conquérant au Nord de l`Irak actuel vers l`an 700 Av J.C.)
Note: L'Assyrie est une ancienne région du nord de la Mésopotamie, qui tire son nom de la ville d'Assur, du même nom que sa divinité tutélaire. À partir de cette région s'est formé, au IIe millénaire av. J.-C., un royaume puissant qui devient plus tard un empire. Aux 8 eme et 7eme siècles av. J.-C., l'Assyrie contrôle des territoires s'étendant sur la totalité ou sur une partie de plusieurs pays actuels, comme l'Irak, la Syrie, le Liban, la Turquie et l'Iran. L'armée assyrienne devient une puissance sur laquelle il faut compter et la période néo-assyrienne qui reste celle durant laquelle l'armée de ce royaume est devenue une véritable machine remportant victoire sur victoire, au point de se tailler un empire d'une ampleur jamais atteinte auparavant.
Ninive en Assyrie sur le bord du fleuve Euphrate (Irak actuel)
Cette ville que vous voyez s'appelle Ninive. Il faut trois jours de marche pour la traverser Voyez ce nombre innombrable de maisons qui ont toutes des terrasses selon l'usage de l'Assyrie. Remarquez ces Palais, et ces Temples, dont les faces différentes en leur structure, ne laissent pas de composer un ordre le plus magnifique du Monde.
La ville de Ninive en Assyrie ( Nord de l`Irak actuel)
D'espace en espace, voila des Fontaines dans les carrefours. Dans les unes, ce sont des statues de femmes, d'une grandeur prodigieuse, qui jettent de l'eau. En d'autres bassins, voila des figures d'hommes qui poussent en haut de gros jets d'eau, qui retombent comme une grosse pluie, et le Soleil donnant à travers, il semble qu'il y a des Perles, des Diamants, des Rubis et des Émeraudes. Dans cette grande place tous les habitants de cette populeuse ville sont assemblés, et on ne saurait compter ces visages
Marqués par l'étonnement qu'ils ont d'entendre ce que leur dit un homme qui leur parle à l’autre bout, et qui à son geste, parait lui-même épouvanté de ce qu'il leur dit. Il est habillé à l'a mode des Juifs et aussi est-il de cette nation mais de plus, c'est un Prophète que le Dieu d'Israël, qui est le Dieu de tous les hommes, a envoyé aux Ninivites, pour annoncer la ruine de leur Ville dans quarante jours, s'ils ne font Pénitence.
Quand il reçut ce commandement, le péril qu'il voyait dans l'exécution, l'étonna si fort, qu'au lieu de prendre la route d'Assyrie, il s'enfuit devant la face du Seigneur, alla s`embarquer à Joppé ( Israël actuel) pour venir à Tharse ( sud de la Turquie actuelle).
Le prophète Jonas s`embarque sur un navire a Joppe (en Israël actuel) pour fuir vers Tarse ( sud de la Turquie actuelle) mais a cause d`une tempête en mer, il se retrouve a 200 km de Ninive.
Mais ne savait-il pas que celui dont il négligeait les ordres, a fait la Mer, que comme il l'a renfermée dans ses rivages, il l’en fait sortir, il l'émeut, il la bouleverse, et il l'apaise comme il lui plait? qu'il se promène sur les ailes des vents qu'il les tire de ses trésors, et qu'il les fait souffler avec violence, ou avec douceur, selon qu'il s'en veut servir, pour montrer sa clémence, ou sa colère aux passagers, et aux matelots?
Jonas, c'est ainsi que se nommait ce Prophète timide, et désobéissant était dans la foule de ceux-là, et on ne prenait point garde à lui mais il ne fut que trop tôt distingué des autres. Il s'élève une tempête horrible sans que le Pilote qui était très habile en son art, ni les autres mariniers en eussent vu le moindre signe auparavant. Le Ciel se couvre de nuages si épais, que la lumière du Soleil leur fut tout à fait cachée. Celle des éclairs dont l'air était allumé les éblouissait, au lieu de leur faire voir les choses dont ils avaient besoin. Le tonnerre faisait un bruit si épouvantable, qu'à chaque coup, tous croyaient que le Vaisseau en allait être foudroyé. Les vagues de la Mer mugissaient d'une façon qui n'était pas moins terrible; les vents grondaient horriblement, et le navire exposé à la fureur de tant d'ennemis, tantôt montait jusques très haut, et tantôt descendait jusques aux fond des vagues, avec une raideur, à laquelle celle d'une flèche lancée par la main d'un archer puissant, n'est point comparable.
En cette extrémité, le Pilote n'oublia rien de son art, mais la tempête étant la plus forte, et voyant le timon emporté, l'arbre brisé, toutes les voiles déchirées, et le vaisseau ouvert de tous côtés, sans qu'il eût été allégé par le jet des marchandises dans la Mer; il dit aux passagers, qu'il fallait avoir recours aux dieux, qui pouvaient seuls les garantir du naufrage qu'il prévoyait indubitable. Chacun commença à prier la divinité qu'il connaissait, avec d'autant plus de ferveur, qu'il s'agissait de la perte de sa vie. Jonas, durant cet horrible tumulte, dormait au fond du Vaisseau, et le Pilote le voyant assoupi si tranquillement, lorsque tous les autres tremblaient avec tant de sujet, le réveilla en colère, et l'avertit du danger où il était, afin qu'il invoqua le secours de son Dieu, comme les autres.
Mais comment eut-il osé prier celui devant la face duquel il s'enfuyait, et dont la juste indignation avait excité cette tempête? Les prières ne servant de rien pour l'apaiser, le Pilote fut d'avis de jeter le sort pour savoir si quelqu'un des passagers n'en était point cause, par quelque grand crime qu'il eut commis. Le sort tomba sur Jonas, et il ne fit point de difficulté de confesser la vérité de sa condition, et l'ambassade qu'il n'avait pas voulu exécuter.
Chacun de ceux qui l’entendirent parler du Dieu d’Israël, qui avait fait la Mer et la Terre, fut saisi d’une terreur religieuse, et ils demandèrent à ce pauvre Prophète, ce qu'ils feraient de lui, voyant que l'orage s’augmentait toujours. Il leur dit, qu’ils le jetassent dans la Mer, et que comme c’était à cause de lui que la Mer s`émouvait si horriblement, des qu'il ne serait plus dans le Vaisseau, elle s’apaiserait, et qu’ils aborderaient en assurance dans quelque bon port.
Le prophète Jonas jeté à la mer
Ils le prirent à l’heure même, et à peine fut-il dans l’eau, que le Ciel s’éclaircit, les foudres cessèrent, les vents se turent, les vagues s'adoucirent, et la mer redevint tranquille, comme quand ils s’étaient embarqués. Qui n’eut crut que Jonas était enseveli dans les abymes de cet mer impitoyable, et que sa mort avait punit sa désobéissance. Mais Dieu qui s’en voulait servir pour le salut des Ninivites, lui prépara le ventre d’une Baleine, où ayant demeure trois jours, et trois nuits, il fut jeté par cet animal sur le rivage de la Mer.
Tandis qu’il était dans ce salutaire abyme, qui n’était ni son tombeau puisqu’il vivait encore, ni une demeure propre à un homme vivant, puisqu'il n'y'avait que des poissons
que l'animal avait dévoré pour sa nourriture; il fut éclairé d'une lumière Céleste qui lui fit connaitre sa faute, et la bonté de Dieu tout-ensemble. Il fit des entrailles profondes du monstre qui l'avait englouti, un Temple où il chanta ses louanges. Il fut instruit dans cette ténébreuse école, à obéir mieux une autre fois à son Souverain et la
charité qu'il trouvait dans la baleine qui l'avait sauvé de la fureur de la Mer, lui apprit celle qu'il devait avoir pour les Pécheurs.
Quand Dieu lui dit, qu'il allait menacer ceux de Ninive de leur ruine prochaine, il avait aperçu dans ses menaces, qu'il était résolu de leur pardonner et par un zèle trop rigoureux, il n'avait pas voulu être le Ministre de sa clémence, pour une Ville dont il abhorrait les crimes, et l'impiété. Car pourquoi, disait-il en lui-même, avertir ces méchants qui font gloire de leurs offenses, s'il a véritablement envie de les punir? N'est-ce pas leur ouvrir un chemin pour se sauver, que de leur prescrire un terme si court pour leur perte?
Le Prophète Jonas arrive en vue des murailles de Ninive
J'irai donc dans leur Ville, je la menacerai d'une subversion générale et si dans cet étonnement, ils répandent quelques larmes, Dieu s'apaisera aussitôt, et j'aurai deux déplaisirs tout à la fois, l'un d'être trouvé faux Prophète, et l'autre de voir une Cité impie préservée de la ruine qu'elle mérite.
Le prophète Jonas entre dans la ville de Ninive en Assyrie
Mais après avoir eu pour prison le ventre d'un monstre plus charitable que lui, il change de pensées, et il se résout d'obéir promptement à la volonté de son Maitre, il' entre dans Ninive, et il commence à crier par toutes ses places : Encore quarante jours et Ninive sera renversée!
Ceux qui entendirent cette menace, si extraordinaire faite par la bouche d'un homme inconnu, crurent d'abord qu'il avait perdu le jugement. On lui dit des injures, on le traita
comme un insensé, et comme un séditieux mais il témoigna tant de sagesse en ses réponses, que les Magistrats en furent étonnés, et qu'ils le prièrent de leur expliquer
plus au long ce qu'il voulait dire. Il le fit dans cette assemblée du peuple, que le Peintre a si bien marquée, et il parla à peu prés de cette façon.
«Ninivites, puisque vous voulez savoir au nom de qui je vous annonce la ruine de votre Ville, et pour quelle raison je vous fais cette menace, prêtez moi une favorable audience. Je suis envoyé de la part du Dieu des Juifs, qui est le Dieu de tous les hommes, le Créateur de toutes choses, le Roi des Rois, le Dominateur des Nations, et le Seigneur des armées. C'est lui qui a fait la Terre pour la demeure des enfants des hommes, comme il s'est réservé le Ciel pour le séjour de sa Gloire, c'est lui qui distribue les Couronnes selon la profondeur de ses jugements. Si votre Empire est monté à un si haut comble de prospérité et de grandeur; s'il a durant tant de siècles assujettis tant de nations différentes, c'est sa providence qui l'a fait croitre de cette sorte, qui a conduit les armées de vos Monarques, et qui leur a donné les victoires qu'ils ont remportées. C'est à lui que votre Ville est obligée de ses richesses, et s'il n'en eut béni les fondements, jamais elle ne serait venue à ce point de grandeur, qu'elle parait plutôt une Province qu'une Cité.
Mais comme il l'a laissé venir à cette élévation, par une bonté dont il ne nous est pas permis de pénétrer les raisons, sachez que sa Justice est résolue de la faire périr, pour des causes qui ne sont que trop visibles, et trop légitimes. De quelque côté que je jette les yeux, je ne trouve que des sujets pour le mettre en colère, et pour l'obliger à effectuer sa menace, même avant le terme qu'il vous prescrit. Si je regarde vos Temples, plus ils sont superbes, et plus votre impiété lui fait d'injure, puisqu'ils sont consacrés aux Démons ( anges déchus), qui sont ses esclaves et ses ennemis. Encore n'êtes-vous pas sincères dans le culte que vous estimez religieux. Ces édifices magnifiques, où vous présentez des sacrifices abominables, sont des effets de votre vanité plutôt que de votre dévotion.
Il y est plus entré de sang des pauvres, que de ciment et de bitume, et ce marbre, ce porphyre, ces bois précieux, cet argent, cet or, ces pierreries qui enrichissent la voûte, les parois et les autels, sont les restes du pillage que les riches ont fait, par leurs concussions, leurs vols, et leurs usures. Quand vous y entrez pour prier ces Idoles qui n'ont point d'oreilles pour vous entendre, c'est plutôt, ou pour satisfaire à la coutume, ou pour acquérir la réputation d'être pieux, que par un véritable sentiment de piété.
Il parait bien à vos actions que votre culte pour la Divinité n'est que sur les lèvres, et non pas dans le cœur. Car bien que vous n'adoriez pas la véritable, toutefois, les fausses que vous servez vous prescrivent toute une autre façon de vivre que celle qui est la plus commune parmi-vous. Roi d'Assyrie, permets que je te parle avec la liberté que m'ordonne celui devant qui tous les Rois ne sont que cendre et que boue, qui leur ôte la force, le courage, les trésors, la puissance, et le respect des peuples, quand il veut exercer sur eux les vengeances dont leur orgueil ou leur injustice les rendent dignes.
Ce n'est pas moi qui te parle, c'est ton Maitre et le mien. Il te dit par ma bouche, des vérités que jamais tu n'as entendues de tes flatteurs. Tu es élevé au dessus d'un nombre infini d'hommes qui sont nés de même façon que toi, ta gloire t'éblouit par son éclat, tes armées te rendent superbe par leur force, tu crois que rien n`est capable de te résister que c'est par la force du bras de tes ancêtres, que tant de nations qui t'obéissent, ont été subjuguées, qu'ils ont chassé de leurs Trônes tant de Rois qui sont tes esclaves, comme un Aigle chasse d'autres oiseaux de leurs nids sans que personne ait seulement osé murmurer.
La magnificence de tes Palais, l'amas, des choses les plus précieuses de l'Orient, la somptuosité de tes meubles, la pompe de cette Cour nombreuse qui t'environne, l'adoration plutôt que le respect de tes Satrapes, et de tes Peuples, le luxe de ta table, les caresses de tes femmes et de tes concubines; enfin, l`état heureux ou tu te trouve entre tous les hommes, t`aveugle si fort, qu`au lieu de reconnaitre que tu le tient de la main de Dieu, tu crois être un Dieu toi-même, et tu vis comme si tu l`étais en effet.
Car crains-tu quelque punition pour les crimes abominables que tu commets si hardiment? Respectes-tu, ni Lois divines, ni Lois naturelles, ni Lois civiles, quand tu veux contenter tes passions dérèglées? Tes soupçons ne passent-ils pas pour des preuves quand tu veux perdre quelqu’un dont la vertu et la réputation te donnent de la jalousie? As-tu quelque horreur du sang innocent que tu fais répandre si légèrement? Considères-tu le savoir éminent, la valeur extraordinaire et la haute probité?
Est-ce aux plus dignes que tu donnes les premiers honneurs de ton État? N'est-ce pas aux plus lâches, aux plus complaisants, aux plus infâmes? Que voit-on- autour de toi, que des flatteurs impudents, des railleurs impies, des hommes devenus femmes, et des femmes devenues hommes? Quel soin as-tu de l’honneur des Dieux que tu adores? Ne pilles-tu pas les richesses de leurs Temples quand bon te semble? Ne traites-tu pas leurs Prêtres en esclaves? Ne leur fais-tu pas un crime de leurs remontrances? S’ils résistent à tes mauvaises volontés, ne sont-ils pas, dans ton opinion, des ingrats, des séditieux, et des rebelles? Ceux qui prostituent leur dignité, et qui trahissent leur conscience, pour approuver toutes tes impostures, ne sont-ils pas tes bons serviteurs et tes favoris?
Songes-tu à empêcher que les Grands n'oppressent les petits? As-tu soin que ton peuple vive dans une honnête abondance? Celle-ci ne t'est-elle pas aussitôt suspecte, comme un instrument de rébellion? Au lieu de te contenter de tondre ces brebis dont tu es le Pasteur, ne les écorches-tu pas tous les jours? Les inventions qui te plaisent davantage ne sont-ce pas celles qui te donnent le moyen de tirer jusqu'à la dernière goute de sang de leurs veines? Les Ministres de ces cruelles saignées, ne sont-ils pas, à ton avis, les conservateurs de ton Royaume?
N'est-ce pas pour eux que sont les grâces, les privilèges, la protection et l`impunité? Les voix des misérables qui expirent sous la cruauté des ces bourreaux ne sont-elles pas pour toi des cris de sédition et de révolte? Épargnes-tu la pureté des Vierges qui te plaisent? L'honneur du Mariage t'es-il en quelque considération? Te contentes-tu des plaisirs que la nature permet? Ne suis-tu pas les transports de ta convoitise dans les délices, où tu te plonges si brutalement?
Reconnais tes crimes, Roi malheureux et sache que quand tu aurais mis ton nid dans les nues, la main du Seigneur l'arrachera, et te fera tomber avec ta perfide race, mais d'une chute qui sera mortelle. Rien ne t'en saurait défendre : Encore quarante jours et Ninive sera renversée.
Prêtres, vous abusez de la simplicité des Peuples, et vous faites un commerce d'un culte qui est déjà impie. Vous leur êtes un piège pour les surprendre, une pierre d'achoppement pour les faire tomber et Ardent pour les conduire dans le précipice. Vous leur débités vos songes pour des Oracles, et vous ne vous souciez pas de les perdre en les flattant, pourvu que vous tiriez profit de vos flatteries. Vous vous dites les Interprètes des dieux, et vous n'apprenez aux hommes que ce que votre vanité, ou votre intérêt vous met dans la bouche. Vous nommez le bien, mal, et le mal, bien; vous appelez doux ce qui est amer, et amer ce qui est doux. De la lumière, vous faites des ténèbres, et des ténèbres, la lumière. Vous êtes sages devant vos yeux, et prudents en vous-mêmes, mais votre sagesse n'est que vanité, et votre prudence que fourberie.
Vous êtes puissants, mais c'est en iniquité. Vous manié des choses que vous voulez qu'on croie être saintes avec des mains polluées de toutes sortes de souillures. Vous vous mêlez d'enseigner les autres, et vous faites impudemment tout ce que vous condamnez en eux. Sachez que l`heure de votre punition est arrivée, et que vous serez enveloppés dans la calamité de Ninive : Encore quarante jours, et elle sera renversée.
Magistrats, que ne devez-vous appréhender, et de quelle punition n'êtes-vous digne? La cause de la veuve et de l`orphelin ne peut avoir d'accès auprès de vous, vous laissez oppresser l'une, et pillez l'autre, pourvu que vous ayez part dans le pillage. Vous êtes les compagnons de ceux dont-vous devriez être les Juges; vous aimez les présents, vous craignez l'injustice quand elle est puissante, vous ne vous souciez point de l'innocence lorsqu'elle est faible, vous fermez l'oreille aux cris des misérables, qui ne peuvent vous faire châtier de votre dureté; vous employez votre autorité pour venger vos passions, comme votre tribunal est un asile pour les méchants que vous aimez, ou que vous craignez; il est un piège, et un précipice pour vos ennemis.
Enfin, vous vous servez de l'épée de la Justice en Tyrans vous vous mettez son bandeau sur les yeux pour ne voir ni les Lois divines, ni les Lois humaines, vous n'avez que de fausses balances entre les mains, pour peser les crimes, et vous les faites pencher selon vos intérêts. Craignez, enfin, le Dieu qui vous les a mises entre les mains, et qui vous appelle des dieux , parce que vous avez en votre disposition, la vie et la mort des hommes , dont il est le Créateur. Vous ne pouvez éviter la ruine générale : Encore quarante jours, et Ninive sera renversée.
Peuple, que te puis-je dire, de tes débordements ? As-tu quelque crainte des Dieux que tu adores tous les jours? Si tu crois qu'ils supportent le vice, comment peuvent-ils être des Dieux? Et s'ils le doivent châtier, comment en fais-tu si peu de scrupule? L'infidélité n'est-elle pas dans ton commerce? Le Voisin ne songe-t-il pas incessamment à tromper son voisin. L'intérêt, et l'intérêt bas et chétif n'est-il pas la règle de toutes tes actions? Qui a-t-il dans les paroles les plus douces, que fourbe ? dans les promesses les plus solennelles, que perfidie? dans les amitiés, que déguisements ? dans les conversations, que médisances? dans les desseins, qu'injustice ? dans la prospérité, qu'insolence? dans les afflictions, que blasphèmes? Dans les festins, qu'ivrogneries? dans les réjouissances, qu'excès et ou les pères n'ont point d'amitié pour leurs enfants, ou ils n'en ont qu'une qui leur souffrant toutes choses, les caresse, et les étouffe en même temps.
Les enfants sont sans respect pour leurs pères, et ces épines qu'ils ont élevées avec tant de soin, ne tardent guère à leur faire de cruelles piqures. Les maris sont les tyrans de leurs femmes, par leur mauvais traitement ou leurs adultères, par leur incontinence. Les femmes n'ont plus de pudeur et leur front ne sait ce que c'est que de rougir. Elles font vanité de leurs affections défendues, et appellent la perte de leur honneur, leur victoire, et leur conquête. Elles marchent la tête levée, comme si elles triomphaient de l'honnêteté si lâchement violée. A peine touchent-elles la terre du bout des pieds, comme si elle était indigne de les porter, elle qui les doit bientôt engloutir: Encore quarante jours et Ninive sera renversée.
Ville superbe (orgueilleuse – ville d`orgueil), dont les iniquités sont montées jusques au Trône de Dieu, ne t`enfle point en la fermeté de tes fondements, en la force de tes murailles, en l'épaisseur de tes tours, aux durs marbres de tes Palais. Celui qui t'avertit de ta ruine, en un moment te renversera de fond en comble. Tu pourrais repousser des armées qui te viendraient assaillir, par des troupes plus nombreuses, à qui tu ferais faire des sorties. Tu pourrais te fortifier encore de nouveau pour soutenir leur attaque.
Tu pourrais avoir des machines pour les incommoder. Tu pourrais les lasser par la patience de tes habitants, mais tu ne peux détourner le coup horrible qui ne fera de toi qu'un grand amas de pierres, ou plutôt qu'un tombeau effroyable pour tes habitants : Encore quarante jours, et Ninive sera renversée.
Ninivites, Dieu vous parlant ainsi, vous ouvre un moyen pour éviter ce funeste bouleversement. Il vous avertit qu’il va lever le bras, afin que vous détourniez le coup. Il vous fait voir ce qu’il peut faire par Sa justice, pour votre ruine, afin que vous recouriez à sa bonté, pour votre conservation, Sa menace est une invention ingénieuse de son amour, et il la fait précéder comme un éclair, avant que de lâcher la foudre qui gronde dans Ses paroles. Il déteste le péché, et il ne le peut souffrir sans le châtier, mais il aime les Pécheurs, et il ne les châtie qu'à regret. Encore que vous ayez défiguré Son image en vous, par tant de crimes abominables, il ne laisse pas de l`y reconnaitre, et il en veut conserver les vestiges. Il vous donne quarante jours pour recourir à Sa clémence.
Ce terme est bien long pour des coupables qu'il attend depuis tant d'années à un changement de vie, mais Son amour ne fait point de grâces médiocres. C'est à vous à user avec reconnaissance, et n’espérez pas un plus long délai : Encore quarante jours et Ninive sera renversée.
Cette épouvantable Prédication de Jonas fit un grand bruit dans cette populeuse ville, et le Roi d'Assyrie en apprit les nouvelles avec étonnement. On croyait qu’un homme aussi cruel, et aussi voluptueux que lui, au lieu d'en profiter, ferait punir de mort celui qui faisait des menaces si effroyables, de la part d'un Dieu qu'on n'adorait point dans le pays. Mais il montra en cette occasion qu'il tient le cœur des Rois entre ses mains, et qu'il les tourne, et les incline comme il lui plait.
Car il changea le sien si puissamment, qu'on le vit descendre de son Trône, dépouiller la Pourpre Royale pour se revêtir d'un cilice, quitter sa couronne, et mettre des cendres sur sa tête, comme un Pénitent. Il connut heureusement avec quelles armes il se fallait défendre en cette occasion, et oubliant qu'il était Roi, il se souvint seulement qu'il était le premier pécheur de son Royaume, parce qu'il appréhendait la colère du Roi des Rois.
Mais, ô force admirable de l'humilité de la Pénitence, aussitôt qu'il dépose tous les ornements de la Royauté, et qu'il ne se souvient plus d'être Roi d'Assyrie, il commence à
être un Roi de justice. Ayant donné des exemples scandaleux de volupté, il en voulut donner d'une religieuse abstinence. Il commença à jeûner, et fit publier un jeûne général, qui n'épargnait ni les enfants au berceau, ni les animaux même, afin d'apaiser la colère de ce Dieu qui menaçait Ninive d'une si effroyable ruine, et de faire comme une armée sainte pour opposer à la colère du Seigneur. Il ne se trompa point. Le repentir des hommes produisit le repentir de Dieu. La Pénitence de ceux qui changeaient de vie, fit changer celui qui était immuable, il n'eut point de honte de rétracter l'arrêt de ruine qu'il avait prononcé, de rendre les armes aux prières des criminels, et de paraitre vaincu par ceux qui ne l'attaquaient que par le jeûne. Leur humiliation fit monter leurs cris jusqu'à son Trône, et en chassa les iniquités qui y étaient montées pour demander vengeance contre-eux. Ninive n'est plus une impie, une effrontée, une superbe, Dieu n'est plus un Juge en colère, un Père offensé, et un Roi en fureur. Un petit retranchement de nourriture, raffermit ses fondements, fortifie ses murailles, assure ses Palais, et conserve ses Citoyens.
Le roi et les habitants de Ninive en Assyrie font pénitence pour les crimes et péchés de leur nation
D'une Cité du vice, il se fait une Cité sainte, et celle qui devait servir de théâtre à la plus horrible vengeance qu'on eut jamais vue, devient le trophée de la plus grande miséricorde de Dieu qui sera jamais exercée. O jeûne, qui as conservé tant d'âmes destinées à la mort! ô jeûne qui as désarmé le Dieu des batailles! ô jeûne qui as éteint le feu de ses foudres! ô jeûne qui a fait la paix du Ciel, et d'une Ville! ô jeûne qu'on peut nommer le second fondateur de Ninive! Quel Pénitent, après cet exemple, ne doit recourir à toi comme à un asile inviolable! A qui peux-tu-désormais paraitre ou nouveau, ou trop rigoureux, qu'a ceux qui ont envie de tomber dans la ruine dont Dieu les menace par Sa parole, ou qui ne croient pas que Sa parole soit véritable. Les ennemis nous environnent, la guerre nous est déclarée par la Justice Divine, notre perte ne se peut guères plus éloigner. Où trouverons-nous du secours contre le Tout-Puissant? dans nos entrailles, vidons-les par un jeûne salutaire, faisons-les crier par une faim Pénitente, et assurons-nous que leur voix montera jusqu'au Trône de Dieu, aussi bien que celle des Ninivites, pour obtenir le pardon de nos offenses, et pour lui faire tomber les armes des mains.
Quand nous ne serions pas coupables des crimes, qui ont attiré la colère de Dieu sur notre pays, ne laissons pas de jeûner. Dans Ninive, les enfants qui n'avaient point de part à la malice de leurs citoyens et ce qui est de plus étrange, les animaux qui étaient encore moins coupables que les enfants, ne laissent pas de jeûner et ne serait ce pas une chose infâme et abominable, que les Chrétiens refusassent de faire pour leurs frères, ce que font des bêtes pour le salut des hommes qui abusent d'elles, et s'en servent comme de leurs esclaves?
A plus forte raison ceux à qui les Prêtres ordonnent quelques jeûnes pour leur propre salut, doivent-ils se soumettre à une abstinence si profitable, où ils se montrent moins raisonnables que les bêtes. Elles s'éloignent du précipice ou on les veut pousser et ces pécheurs délicats ne voudraient pas sortir de celui où ils sont tombés, en se privant pour quelques jours du plaisir brutal de boire et de manger. N'est-ce pas être furieux, et désespéré que de se réjouir lorsqu'on doit pleurer pour la mort qu'on a dans le sein? Et ces gourmands qui disent, Mangeons, buvons, nous mourrons demain, ne sont-ils pas en cet état? Jeûnez donc, Pénitents, mais avec joie et en vous privant des viandes qui se corrompent dans l'estomac, rendez-vous dignes de la viande Céleste, c'est-à dire de l'Eucharistie, qui est la semence de la Gloire.
La Pénitence des habitants de Ninive en Assyrie (Ancien Testament – Livre de Jonas)
( Ninive : ville du puissant Royaume d`Assyrie, ville et royaume conquérant au Nord de l`Irak actuel vers l`an 700 Av J.C.)
Note: L'Assyrie est une ancienne région du nord de la Mésopotamie, qui tire son nom de la ville d'Assur, du même nom que sa divinité tutélaire. À partir de cette région s'est formé, au IIe millénaire av. J.-C., un royaume puissant qui devient plus tard un empire. Aux 8 eme et 7eme siècles av. J.-C., l'Assyrie contrôle des territoires s'étendant sur la totalité ou sur une partie de plusieurs pays actuels, comme l'Irak, la Syrie, le Liban, la Turquie et l'Iran. L'armée assyrienne devient une puissance sur laquelle il faut compter et la période néo-assyrienne qui reste celle durant laquelle l'armée de ce royaume est devenue une véritable machine remportant victoire sur victoire, au point de se tailler un empire d'une ampleur jamais atteinte auparavant.
Ninive en Assyrie sur le bord du fleuve Euphrate (Irak actuel)
Cette ville que vous voyez s'appelle Ninive. Il faut trois jours de marche pour la traverser Voyez ce nombre innombrable de maisons qui ont toutes des terrasses selon l'usage de l'Assyrie. Remarquez ces Palais, et ces Temples, dont les faces différentes en leur structure, ne laissent pas de composer un ordre le plus magnifique du Monde.
La ville de Ninive en Assyrie ( Nord de l`Irak actuel)
D'espace en espace, voila des Fontaines dans les carrefours. Dans les unes, ce sont des statues de femmes, d'une grandeur prodigieuse, qui jettent de l'eau. En d'autres bassins, voila des figures d'hommes qui poussent en haut de gros jets d'eau, qui retombent comme une grosse pluie, et le Soleil donnant à travers, il semble qu'il y a des Perles, des Diamants, des Rubis et des Émeraudes. Dans cette grande place tous les habitants de cette populeuse ville sont assemblés, et on ne saurait compter ces visages
Marqués par l'étonnement qu'ils ont d'entendre ce que leur dit un homme qui leur parle à l’autre bout, et qui à son geste, parait lui-même épouvanté de ce qu'il leur dit. Il est habillé à l'a mode des Juifs et aussi est-il de cette nation mais de plus, c'est un Prophète que le Dieu d'Israël, qui est le Dieu de tous les hommes, a envoyé aux Ninivites, pour annoncer la ruine de leur Ville dans quarante jours, s'ils ne font Pénitence.
Quand il reçut ce commandement, le péril qu'il voyait dans l'exécution, l'étonna si fort, qu'au lieu de prendre la route d'Assyrie, il s'enfuit devant la face du Seigneur, alla s`embarquer à Joppé ( Israël actuel) pour venir à Tharse ( sud de la Turquie actuelle).
Le prophète Jonas s`embarque sur un navire a Joppe (en Israël actuel) pour fuir vers Tarse ( sud de la Turquie actuelle) mais a cause d`une tempête en mer, il se retrouve a 200 km de Ninive.
Mais ne savait-il pas que celui dont il négligeait les ordres, a fait la Mer, que comme il l'a renfermée dans ses rivages, il l’en fait sortir, il l'émeut, il la bouleverse, et il l'apaise comme il lui plait? qu'il se promène sur les ailes des vents qu'il les tire de ses trésors, et qu'il les fait souffler avec violence, ou avec douceur, selon qu'il s'en veut servir, pour montrer sa clémence, ou sa colère aux passagers, et aux matelots?
Jonas, c'est ainsi que se nommait ce Prophète timide, et désobéissant était dans la foule de ceux-là, et on ne prenait point garde à lui mais il ne fut que trop tôt distingué des autres. Il s'élève une tempête horrible sans que le Pilote qui était très habile en son art, ni les autres mariniers en eussent vu le moindre signe auparavant. Le Ciel se couvre de nuages si épais, que la lumière du Soleil leur fut tout à fait cachée. Celle des éclairs dont l'air était allumé les éblouissait, au lieu de leur faire voir les choses dont ils avaient besoin. Le tonnerre faisait un bruit si épouvantable, qu'à chaque coup, tous croyaient que le Vaisseau en allait être foudroyé. Les vagues de la Mer mugissaient d'une façon qui n'était pas moins terrible; les vents grondaient horriblement, et le navire exposé à la fureur de tant d'ennemis, tantôt montait jusques très haut, et tantôt descendait jusques aux fond des vagues, avec une raideur, à laquelle celle d'une flèche lancée par la main d'un archer puissant, n'est point comparable.
En cette extrémité, le Pilote n'oublia rien de son art, mais la tempête étant la plus forte, et voyant le timon emporté, l'arbre brisé, toutes les voiles déchirées, et le vaisseau ouvert de tous côtés, sans qu'il eût été allégé par le jet des marchandises dans la Mer; il dit aux passagers, qu'il fallait avoir recours aux dieux, qui pouvaient seuls les garantir du naufrage qu'il prévoyait indubitable. Chacun commença à prier la divinité qu'il connaissait, avec d'autant plus de ferveur, qu'il s'agissait de la perte de sa vie. Jonas, durant cet horrible tumulte, dormait au fond du Vaisseau, et le Pilote le voyant assoupi si tranquillement, lorsque tous les autres tremblaient avec tant de sujet, le réveilla en colère, et l'avertit du danger où il était, afin qu'il invoqua le secours de son Dieu, comme les autres.
Mais comment eut-il osé prier celui devant la face duquel il s'enfuyait, et dont la juste indignation avait excité cette tempête? Les prières ne servant de rien pour l'apaiser, le Pilote fut d'avis de jeter le sort pour savoir si quelqu'un des passagers n'en était point cause, par quelque grand crime qu'il eut commis. Le sort tomba sur Jonas, et il ne fit point de difficulté de confesser la vérité de sa condition, et l'ambassade qu'il n'avait pas voulu exécuter.
Chacun de ceux qui l’entendirent parler du Dieu d’Israël, qui avait fait la Mer et la Terre, fut saisi d’une terreur religieuse, et ils demandèrent à ce pauvre Prophète, ce qu'ils feraient de lui, voyant que l'orage s’augmentait toujours. Il leur dit, qu’ils le jetassent dans la Mer, et que comme c’était à cause de lui que la Mer s`émouvait si horriblement, des qu'il ne serait plus dans le Vaisseau, elle s’apaiserait, et qu’ils aborderaient en assurance dans quelque bon port.
Le prophète Jonas jeté à la mer
Ils le prirent à l’heure même, et à peine fut-il dans l’eau, que le Ciel s’éclaircit, les foudres cessèrent, les vents se turent, les vagues s'adoucirent, et la mer redevint tranquille, comme quand ils s’étaient embarqués. Qui n’eut crut que Jonas était enseveli dans les abymes de cet mer impitoyable, et que sa mort avait punit sa désobéissance. Mais Dieu qui s’en voulait servir pour le salut des Ninivites, lui prépara le ventre d’une Baleine, où ayant demeure trois jours, et trois nuits, il fut jeté par cet animal sur le rivage de la Mer.
Tandis qu’il était dans ce salutaire abyme, qui n’était ni son tombeau puisqu’il vivait encore, ni une demeure propre à un homme vivant, puisqu'il n'y'avait que des poissons
que l'animal avait dévoré pour sa nourriture; il fut éclairé d'une lumière Céleste qui lui fit connaitre sa faute, et la bonté de Dieu tout-ensemble. Il fit des entrailles profondes du monstre qui l'avait englouti, un Temple où il chanta ses louanges. Il fut instruit dans cette ténébreuse école, à obéir mieux une autre fois à son Souverain et la
charité qu'il trouvait dans la baleine qui l'avait sauvé de la fureur de la Mer, lui apprit celle qu'il devait avoir pour les Pécheurs.
Quand Dieu lui dit, qu'il allait menacer ceux de Ninive de leur ruine prochaine, il avait aperçu dans ses menaces, qu'il était résolu de leur pardonner et par un zèle trop rigoureux, il n'avait pas voulu être le Ministre de sa clémence, pour une Ville dont il abhorrait les crimes, et l'impiété. Car pourquoi, disait-il en lui-même, avertir ces méchants qui font gloire de leurs offenses, s'il a véritablement envie de les punir? N'est-ce pas leur ouvrir un chemin pour se sauver, que de leur prescrire un terme si court pour leur perte?
Le Prophète Jonas arrive en vue des murailles de Ninive
J'irai donc dans leur Ville, je la menacerai d'une subversion générale et si dans cet étonnement, ils répandent quelques larmes, Dieu s'apaisera aussitôt, et j'aurai deux déplaisirs tout à la fois, l'un d'être trouvé faux Prophète, et l'autre de voir une Cité impie préservée de la ruine qu'elle mérite.
Le prophète Jonas entre dans la ville de Ninive en Assyrie
Mais après avoir eu pour prison le ventre d'un monstre plus charitable que lui, il change de pensées, et il se résout d'obéir promptement à la volonté de son Maitre, il' entre dans Ninive, et il commence à crier par toutes ses places : Encore quarante jours et Ninive sera renversée!
Ceux qui entendirent cette menace, si extraordinaire faite par la bouche d'un homme inconnu, crurent d'abord qu'il avait perdu le jugement. On lui dit des injures, on le traita
comme un insensé, et comme un séditieux mais il témoigna tant de sagesse en ses réponses, que les Magistrats en furent étonnés, et qu'ils le prièrent de leur expliquer
plus au long ce qu'il voulait dire. Il le fit dans cette assemblée du peuple, que le Peintre a si bien marquée, et il parla à peu prés de cette façon.
«Ninivites, puisque vous voulez savoir au nom de qui je vous annonce la ruine de votre Ville, et pour quelle raison je vous fais cette menace, prêtez moi une favorable audience. Je suis envoyé de la part du Dieu des Juifs, qui est le Dieu de tous les hommes, le Créateur de toutes choses, le Roi des Rois, le Dominateur des Nations, et le Seigneur des armées. C'est lui qui a fait la Terre pour la demeure des enfants des hommes, comme il s'est réservé le Ciel pour le séjour de sa Gloire, c'est lui qui distribue les Couronnes selon la profondeur de ses jugements. Si votre Empire est monté à un si haut comble de prospérité et de grandeur; s'il a durant tant de siècles assujettis tant de nations différentes, c'est sa providence qui l'a fait croitre de cette sorte, qui a conduit les armées de vos Monarques, et qui leur a donné les victoires qu'ils ont remportées. C'est à lui que votre Ville est obligée de ses richesses, et s'il n'en eut béni les fondements, jamais elle ne serait venue à ce point de grandeur, qu'elle parait plutôt une Province qu'une Cité.
Mais comme il l'a laissé venir à cette élévation, par une bonté dont il ne nous est pas permis de pénétrer les raisons, sachez que sa Justice est résolue de la faire périr, pour des causes qui ne sont que trop visibles, et trop légitimes. De quelque côté que je jette les yeux, je ne trouve que des sujets pour le mettre en colère, et pour l'obliger à effectuer sa menace, même avant le terme qu'il vous prescrit. Si je regarde vos Temples, plus ils sont superbes, et plus votre impiété lui fait d'injure, puisqu'ils sont consacrés aux Démons ( anges déchus), qui sont ses esclaves et ses ennemis. Encore n'êtes-vous pas sincères dans le culte que vous estimez religieux. Ces édifices magnifiques, où vous présentez des sacrifices abominables, sont des effets de votre vanité plutôt que de votre dévotion.
Il y est plus entré de sang des pauvres, que de ciment et de bitume, et ce marbre, ce porphyre, ces bois précieux, cet argent, cet or, ces pierreries qui enrichissent la voûte, les parois et les autels, sont les restes du pillage que les riches ont fait, par leurs concussions, leurs vols, et leurs usures. Quand vous y entrez pour prier ces Idoles qui n'ont point d'oreilles pour vous entendre, c'est plutôt, ou pour satisfaire à la coutume, ou pour acquérir la réputation d'être pieux, que par un véritable sentiment de piété.
Il parait bien à vos actions que votre culte pour la Divinité n'est que sur les lèvres, et non pas dans le cœur. Car bien que vous n'adoriez pas la véritable, toutefois, les fausses que vous servez vous prescrivent toute une autre façon de vivre que celle qui est la plus commune parmi-vous. Roi d'Assyrie, permets que je te parle avec la liberté que m'ordonne celui devant qui tous les Rois ne sont que cendre et que boue, qui leur ôte la force, le courage, les trésors, la puissance, et le respect des peuples, quand il veut exercer sur eux les vengeances dont leur orgueil ou leur injustice les rendent dignes.
Ce n'est pas moi qui te parle, c'est ton Maitre et le mien. Il te dit par ma bouche, des vérités que jamais tu n'as entendues de tes flatteurs. Tu es élevé au dessus d'un nombre infini d'hommes qui sont nés de même façon que toi, ta gloire t'éblouit par son éclat, tes armées te rendent superbe par leur force, tu crois que rien n`est capable de te résister que c'est par la force du bras de tes ancêtres, que tant de nations qui t'obéissent, ont été subjuguées, qu'ils ont chassé de leurs Trônes tant de Rois qui sont tes esclaves, comme un Aigle chasse d'autres oiseaux de leurs nids sans que personne ait seulement osé murmurer.
La magnificence de tes Palais, l'amas, des choses les plus précieuses de l'Orient, la somptuosité de tes meubles, la pompe de cette Cour nombreuse qui t'environne, l'adoration plutôt que le respect de tes Satrapes, et de tes Peuples, le luxe de ta table, les caresses de tes femmes et de tes concubines; enfin, l`état heureux ou tu te trouve entre tous les hommes, t`aveugle si fort, qu`au lieu de reconnaitre que tu le tient de la main de Dieu, tu crois être un Dieu toi-même, et tu vis comme si tu l`étais en effet.
Car crains-tu quelque punition pour les crimes abominables que tu commets si hardiment? Respectes-tu, ni Lois divines, ni Lois naturelles, ni Lois civiles, quand tu veux contenter tes passions dérèglées? Tes soupçons ne passent-ils pas pour des preuves quand tu veux perdre quelqu’un dont la vertu et la réputation te donnent de la jalousie? As-tu quelque horreur du sang innocent que tu fais répandre si légèrement? Considères-tu le savoir éminent, la valeur extraordinaire et la haute probité?
Est-ce aux plus dignes que tu donnes les premiers honneurs de ton État? N'est-ce pas aux plus lâches, aux plus complaisants, aux plus infâmes? Que voit-on- autour de toi, que des flatteurs impudents, des railleurs impies, des hommes devenus femmes, et des femmes devenues hommes? Quel soin as-tu de l’honneur des Dieux que tu adores? Ne pilles-tu pas les richesses de leurs Temples quand bon te semble? Ne traites-tu pas leurs Prêtres en esclaves? Ne leur fais-tu pas un crime de leurs remontrances? S’ils résistent à tes mauvaises volontés, ne sont-ils pas, dans ton opinion, des ingrats, des séditieux, et des rebelles? Ceux qui prostituent leur dignité, et qui trahissent leur conscience, pour approuver toutes tes impostures, ne sont-ils pas tes bons serviteurs et tes favoris?
Songes-tu à empêcher que les Grands n'oppressent les petits? As-tu soin que ton peuple vive dans une honnête abondance? Celle-ci ne t'est-elle pas aussitôt suspecte, comme un instrument de rébellion? Au lieu de te contenter de tondre ces brebis dont tu es le Pasteur, ne les écorches-tu pas tous les jours? Les inventions qui te plaisent davantage ne sont-ce pas celles qui te donnent le moyen de tirer jusqu'à la dernière goute de sang de leurs veines? Les Ministres de ces cruelles saignées, ne sont-ils pas, à ton avis, les conservateurs de ton Royaume?
N'est-ce pas pour eux que sont les grâces, les privilèges, la protection et l`impunité? Les voix des misérables qui expirent sous la cruauté des ces bourreaux ne sont-elles pas pour toi des cris de sédition et de révolte? Épargnes-tu la pureté des Vierges qui te plaisent? L'honneur du Mariage t'es-il en quelque considération? Te contentes-tu des plaisirs que la nature permet? Ne suis-tu pas les transports de ta convoitise dans les délices, où tu te plonges si brutalement?
Reconnais tes crimes, Roi malheureux et sache que quand tu aurais mis ton nid dans les nues, la main du Seigneur l'arrachera, et te fera tomber avec ta perfide race, mais d'une chute qui sera mortelle. Rien ne t'en saurait défendre : Encore quarante jours et Ninive sera renversée.
Prêtres, vous abusez de la simplicité des Peuples, et vous faites un commerce d'un culte qui est déjà impie. Vous leur êtes un piège pour les surprendre, une pierre d'achoppement pour les faire tomber et Ardent pour les conduire dans le précipice. Vous leur débités vos songes pour des Oracles, et vous ne vous souciez pas de les perdre en les flattant, pourvu que vous tiriez profit de vos flatteries. Vous vous dites les Interprètes des dieux, et vous n'apprenez aux hommes que ce que votre vanité, ou votre intérêt vous met dans la bouche. Vous nommez le bien, mal, et le mal, bien; vous appelez doux ce qui est amer, et amer ce qui est doux. De la lumière, vous faites des ténèbres, et des ténèbres, la lumière. Vous êtes sages devant vos yeux, et prudents en vous-mêmes, mais votre sagesse n'est que vanité, et votre prudence que fourberie.
Vous êtes puissants, mais c'est en iniquité. Vous manié des choses que vous voulez qu'on croie être saintes avec des mains polluées de toutes sortes de souillures. Vous vous mêlez d'enseigner les autres, et vous faites impudemment tout ce que vous condamnez en eux. Sachez que l`heure de votre punition est arrivée, et que vous serez enveloppés dans la calamité de Ninive : Encore quarante jours, et elle sera renversée.
Magistrats, que ne devez-vous appréhender, et de quelle punition n'êtes-vous digne? La cause de la veuve et de l`orphelin ne peut avoir d'accès auprès de vous, vous laissez oppresser l'une, et pillez l'autre, pourvu que vous ayez part dans le pillage. Vous êtes les compagnons de ceux dont-vous devriez être les Juges; vous aimez les présents, vous craignez l'injustice quand elle est puissante, vous ne vous souciez point de l'innocence lorsqu'elle est faible, vous fermez l'oreille aux cris des misérables, qui ne peuvent vous faire châtier de votre dureté; vous employez votre autorité pour venger vos passions, comme votre tribunal est un asile pour les méchants que vous aimez, ou que vous craignez; il est un piège, et un précipice pour vos ennemis.
Enfin, vous vous servez de l'épée de la Justice en Tyrans vous vous mettez son bandeau sur les yeux pour ne voir ni les Lois divines, ni les Lois humaines, vous n'avez que de fausses balances entre les mains, pour peser les crimes, et vous les faites pencher selon vos intérêts. Craignez, enfin, le Dieu qui vous les a mises entre les mains, et qui vous appelle des dieux , parce que vous avez en votre disposition, la vie et la mort des hommes , dont il est le Créateur. Vous ne pouvez éviter la ruine générale : Encore quarante jours, et Ninive sera renversée.
Peuple, que te puis-je dire, de tes débordements ? As-tu quelque crainte des Dieux que tu adores tous les jours? Si tu crois qu'ils supportent le vice, comment peuvent-ils être des Dieux? Et s'ils le doivent châtier, comment en fais-tu si peu de scrupule? L'infidélité n'est-elle pas dans ton commerce? Le Voisin ne songe-t-il pas incessamment à tromper son voisin. L'intérêt, et l'intérêt bas et chétif n'est-il pas la règle de toutes tes actions? Qui a-t-il dans les paroles les plus douces, que fourbe ? dans les promesses les plus solennelles, que perfidie? dans les amitiés, que déguisements ? dans les conversations, que médisances? dans les desseins, qu'injustice ? dans la prospérité, qu'insolence? dans les afflictions, que blasphèmes? Dans les festins, qu'ivrogneries? dans les réjouissances, qu'excès et ou les pères n'ont point d'amitié pour leurs enfants, ou ils n'en ont qu'une qui leur souffrant toutes choses, les caresse, et les étouffe en même temps.
Les enfants sont sans respect pour leurs pères, et ces épines qu'ils ont élevées avec tant de soin, ne tardent guère à leur faire de cruelles piqures. Les maris sont les tyrans de leurs femmes, par leur mauvais traitement ou leurs adultères, par leur incontinence. Les femmes n'ont plus de pudeur et leur front ne sait ce que c'est que de rougir. Elles font vanité de leurs affections défendues, et appellent la perte de leur honneur, leur victoire, et leur conquête. Elles marchent la tête levée, comme si elles triomphaient de l'honnêteté si lâchement violée. A peine touchent-elles la terre du bout des pieds, comme si elle était indigne de les porter, elle qui les doit bientôt engloutir: Encore quarante jours et Ninive sera renversée.
Ville superbe (orgueilleuse – ville d`orgueil), dont les iniquités sont montées jusques au Trône de Dieu, ne t`enfle point en la fermeté de tes fondements, en la force de tes murailles, en l'épaisseur de tes tours, aux durs marbres de tes Palais. Celui qui t'avertit de ta ruine, en un moment te renversera de fond en comble. Tu pourrais repousser des armées qui te viendraient assaillir, par des troupes plus nombreuses, à qui tu ferais faire des sorties. Tu pourrais te fortifier encore de nouveau pour soutenir leur attaque.
Tu pourrais avoir des machines pour les incommoder. Tu pourrais les lasser par la patience de tes habitants, mais tu ne peux détourner le coup horrible qui ne fera de toi qu'un grand amas de pierres, ou plutôt qu'un tombeau effroyable pour tes habitants : Encore quarante jours, et Ninive sera renversée.
Ninivites, Dieu vous parlant ainsi, vous ouvre un moyen pour éviter ce funeste bouleversement. Il vous avertit qu’il va lever le bras, afin que vous détourniez le coup. Il vous fait voir ce qu’il peut faire par Sa justice, pour votre ruine, afin que vous recouriez à sa bonté, pour votre conservation, Sa menace est une invention ingénieuse de son amour, et il la fait précéder comme un éclair, avant que de lâcher la foudre qui gronde dans Ses paroles. Il déteste le péché, et il ne le peut souffrir sans le châtier, mais il aime les Pécheurs, et il ne les châtie qu'à regret. Encore que vous ayez défiguré Son image en vous, par tant de crimes abominables, il ne laisse pas de l`y reconnaitre, et il en veut conserver les vestiges. Il vous donne quarante jours pour recourir à Sa clémence.
Ce terme est bien long pour des coupables qu'il attend depuis tant d'années à un changement de vie, mais Son amour ne fait point de grâces médiocres. C'est à vous à user avec reconnaissance, et n’espérez pas un plus long délai : Encore quarante jours et Ninive sera renversée.
Cette épouvantable Prédication de Jonas fit un grand bruit dans cette populeuse ville, et le Roi d'Assyrie en apprit les nouvelles avec étonnement. On croyait qu’un homme aussi cruel, et aussi voluptueux que lui, au lieu d'en profiter, ferait punir de mort celui qui faisait des menaces si effroyables, de la part d'un Dieu qu'on n'adorait point dans le pays. Mais il montra en cette occasion qu'il tient le cœur des Rois entre ses mains, et qu'il les tourne, et les incline comme il lui plait.
Car il changea le sien si puissamment, qu'on le vit descendre de son Trône, dépouiller la Pourpre Royale pour se revêtir d'un cilice, quitter sa couronne, et mettre des cendres sur sa tête, comme un Pénitent. Il connut heureusement avec quelles armes il se fallait défendre en cette occasion, et oubliant qu'il était Roi, il se souvint seulement qu'il était le premier pécheur de son Royaume, parce qu'il appréhendait la colère du Roi des Rois.
Mais, ô force admirable de l'humilité de la Pénitence, aussitôt qu'il dépose tous les ornements de la Royauté, et qu'il ne se souvient plus d'être Roi d'Assyrie, il commence à
être un Roi de justice. Ayant donné des exemples scandaleux de volupté, il en voulut donner d'une religieuse abstinence. Il commença à jeûner, et fit publier un jeûne général, qui n'épargnait ni les enfants au berceau, ni les animaux même, afin d'apaiser la colère de ce Dieu qui menaçait Ninive d'une si effroyable ruine, et de faire comme une armée sainte pour opposer à la colère du Seigneur. Il ne se trompa point. Le repentir des hommes produisit le repentir de Dieu. La Pénitence de ceux qui changeaient de vie, fit changer celui qui était immuable, il n'eut point de honte de rétracter l'arrêt de ruine qu'il avait prononcé, de rendre les armes aux prières des criminels, et de paraitre vaincu par ceux qui ne l'attaquaient que par le jeûne. Leur humiliation fit monter leurs cris jusqu'à son Trône, et en chassa les iniquités qui y étaient montées pour demander vengeance contre-eux. Ninive n'est plus une impie, une effrontée, une superbe, Dieu n'est plus un Juge en colère, un Père offensé, et un Roi en fureur. Un petit retranchement de nourriture, raffermit ses fondements, fortifie ses murailles, assure ses Palais, et conserve ses Citoyens.
Le roi et les habitants de Ninive en Assyrie font pénitence pour les crimes et péchés de leur nation
D'une Cité du vice, il se fait une Cité sainte, et celle qui devait servir de théâtre à la plus horrible vengeance qu'on eut jamais vue, devient le trophée de la plus grande miséricorde de Dieu qui sera jamais exercée. O jeûne, qui as conservé tant d'âmes destinées à la mort! ô jeûne qui as désarmé le Dieu des batailles! ô jeûne qui as éteint le feu de ses foudres! ô jeûne qui a fait la paix du Ciel, et d'une Ville! ô jeûne qu'on peut nommer le second fondateur de Ninive! Quel Pénitent, après cet exemple, ne doit recourir à toi comme à un asile inviolable! A qui peux-tu-désormais paraitre ou nouveau, ou trop rigoureux, qu'a ceux qui ont envie de tomber dans la ruine dont Dieu les menace par Sa parole, ou qui ne croient pas que Sa parole soit véritable. Les ennemis nous environnent, la guerre nous est déclarée par la Justice Divine, notre perte ne se peut guères plus éloigner. Où trouverons-nous du secours contre le Tout-Puissant? dans nos entrailles, vidons-les par un jeûne salutaire, faisons-les crier par une faim Pénitente, et assurons-nous que leur voix montera jusqu'au Trône de Dieu, aussi bien que celle des Ninivites, pour obtenir le pardon de nos offenses, et pour lui faire tomber les armes des mains.
Quand nous ne serions pas coupables des crimes, qui ont attiré la colère de Dieu sur notre pays, ne laissons pas de jeûner. Dans Ninive, les enfants qui n'avaient point de part à la malice de leurs citoyens et ce qui est de plus étrange, les animaux qui étaient encore moins coupables que les enfants, ne laissent pas de jeûner et ne serait ce pas une chose infâme et abominable, que les Chrétiens refusassent de faire pour leurs frères, ce que font des bêtes pour le salut des hommes qui abusent d'elles, et s'en servent comme de leurs esclaves?
A plus forte raison ceux à qui les Prêtres ordonnent quelques jeûnes pour leur propre salut, doivent-ils se soumettre à une abstinence si profitable, où ils se montrent moins raisonnables que les bêtes. Elles s'éloignent du précipice ou on les veut pousser et ces pécheurs délicats ne voudraient pas sortir de celui où ils sont tombés, en se privant pour quelques jours du plaisir brutal de boire et de manger. N'est-ce pas être furieux, et désespéré que de se réjouir lorsqu'on doit pleurer pour la mort qu'on a dans le sein? Et ces gourmands qui disent, Mangeons, buvons, nous mourrons demain, ne sont-ils pas en cet état? Jeûnez donc, Pénitents, mais avec joie et en vous privant des viandes qui se corrompent dans l'estomac, rendez-vous dignes de la viande Céleste, c'est-à dire de l'Eucharistie, qui est la semence de la Gloire.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
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