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Une histoire courte des établissements charitables de l`Église catholique

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Une histoire courte des établissements charitables de l`Église catholique  Empty Une histoire courte des établissements charitables de l`Église catholique

Message par MichelT Mer 26 Jan 2022 - 1:25

Une histoire courte des établissements charitables de l`Église catholique

Source : Histoire de l`ordre Hospitalier du St-Esprit – Abbé Paul Brune - 1892


Une histoire courte des établissements charitables de l`Église catholique  ParSEdH34


La Charité dans l`Église avant le 13 eme siècle

Le premier et véritable fondateur de tous les établissements charitables, c`est Notre Seigneur Jésus-Christ. C`est lui en effet qui a apporté du Ciel sur la terre la charité divine, que l`antiquité païenne (Égypte des pharaons, Mésopotamie, Grèce antique, l`Empire romain païen, ect) n`avait pas connue; c`est lui qui a donné aux hommes : « le précepte nouveau de s`aimer les uns les autres.» (Jean 13,34) Il s`est identifié en quelque sorte avec les pauvres et les petits, en promettant de considérer comme fait à lui-même ce qui serait fait au plus petit d`entre eux. Il a voulu que les relations sociales fussent désormais basées, non plus sur la force brutale et la soumission servile, mais sur l`amour fraternel des hommes entre eux. Et fidèle sur ce point comme en toute choses, « à pratiquer avant d`enseigner,» il a donné pendant sa vie mortelle de touchants exemples de charité, d`éclatant témoignages de son amour immense pour les hommes, amour qu`il voulait allumer dans le cœur de ceux qui croiraient en lui.

L`Église qui devait représenter et continuer Jésus-Christ parmi les hommes , n 'eut garde d 'oublier un de ses enseignements les plus précis, un de ses préceptes les plus exprès. Dès les premiers temps, on reconnaissait les chrétiens à l'affection qui les unissait, et les païens eux-mêmes ne pouvaient se défendre de l'admirer. Les œuvres de miséricorde à l' égard des pauvres, des malades et des affligés étaient dès lors mises au nombre des plus méritoires et des plus conformes à l'esprit de la nouvelle religion . De plus, non contente d 'exhorter ses enfants à imiter chacun en particulier, sur ce point, son divin fondateur, l'Église voulut organiser l'exercice de la charité.

Et c'est là qu 'éclate son rôle éminemment bienfaisant. A elle revient l'honneur d 'avoir su inspirer d 'abord , puis grouper tant de dévouements individuels, et, décuplant leurs forces par l'association , d 'en avoir formé des faisceaux qui devinrent de puissantes sociétés charitables. Elle trouvait d`ailleurs dans sa constitution même et dans la hiérarchie ecclésiastique, le lien nécessaire pour former ces sortes d`associations et maintenir leur unité d`action. Dans les Élises particulières qui avaient une vie a elles, la charité privée des fidèles s`organisa naturellement sous la direction de l`évêque et de son collège de prêtres et de clercs. Ces Églises formèrent des sociétés charitables, les seules que l`on connut alors, dont la vitalité puissante suffit à satisfaire les aspirations généreuses des âmes chrétiennes et leur pieux désirs d`association pour le bien.

Par elles la charité revêtit un caractère social et se trouva solidement organisée. La hiérarchie ecclésiastique leur fournit des cadres qui lui permirent d`encadrer les dévouements individuels, jusqu`au moment ou des ordres religieux spéciaux vinrent soulager en partie les évêques et les clercs des soins de la charité. La charité qui demeure toujours la même en son fond, peut souvent varier en sa forme. L`Église découvre sans peine toutes les maladies de notre corps comme toutes les infirmités de nos âmes.  Mais ces maladies sont variables à l'infini, et l'Église doit aussi sans cesse modifier ses remèdes. De là tant de différences sensibles dans l'organisation de la charité aux différents siècles de l'histoire ecclésiastique. S'il est un fait qui semble acquis à l'histoire, c'est la dissemblance que l'on peut aisément constater entre l'administration de la charité durant les persécutions, et cette même administration quand la paix eut été rendue à l`Église.


L`histoire de la charité peut se résumer en trois phases :

1 - Pendant les persécutions, les pauvres sont secourus à domicile, par les soins du clergé. ( 33 Ap J.C. jusque vers l`an 330 Ap J.C.)

2 - Après les persécutions, des établissements charitables élevés par le clergé et desservis par lui et sous ses ordres donne asile aux malheureux.

3 - Enfin, à partir du 12 eme siècle jusqu`à nos jours, des ordres religieux se vouent au secours des nécessiteux et décharge des soins de l`hospitalité le clergé ordinaire.



Première époque

Pendant les trois premiers siècles l`Église persécutée est condamné à s`ensevelir dans le fond des catacombes, à cacher sa vie, son culte et ses œuvres. Mais dans une situation aussi difficile, sa charité ingénieuse lui fournit le moyen de secourir ceux de ses enfants qui ont besoin de son assistance. Ne pouvant les réunir sans attirer l'attention des persécuteurs païens, elle va aller à eux et charger ses ministres de les secourir à domicile. L 'évêque est établi, par son institution même, père des pauvres ; à lui donc revient de droit la direction de la charité : « O Évêque, prends soin des pauvres, comme le dispensateur de Dieu même, distribue à chacun , aux veuves, aux orphelins, aux délaissés, aux indigents et aux malheureux , ce qui leur est nécessaire selon leurs besoins.»

Il est recommandé à tous les fidèles de remettre entre ses mains leurs aumônes, afin qu'il en fasse une répartition plus judicieuse et plus égale. Mais l`Évêque ne peut suffire à tout; chargé du ministère de la parole et des sacrements, il lui serait impossible de secourir tous ses enfants. Les apôtres eux-mêmes y ont pourvus dès l`origine par l`institution des Diacres : « Le nombre des disciples croissant de jours en jours à Jérusalem, lit-on dans les Actes des Apôtres, il s`éleva parmi les Grecs un murmure contre les Hébreux, de ce que leurs veuves étaient négligées dans la distribution journalière des aumônes. Alors les apôtres assemblèrent la multitude des fidèles et leurs dirent : « Il n`est juste que nous abandonnions la parole de Dieu pour avoir soin des tables; choisissez donc entre vous sept hommes de bon témoignage, remplis du Saint-Esprit et de sagesse pour prendre soin de ce service.» (Actes des apôtres 6,1)

Ainsi furent institués les diacres, pour remplacer les apôtres, puis les évêques leurs successeurs dans le ministère des tables, c`est-à-dire dans l`assistance des pauvres et des nécessiteux. Leurs fonctions sont heureusement résumées dans ces mots des Constitutions Apostoliques : « Que le diacre soit l'oreille, l'oeil, la bouche, le coeur et l'âme de l'évêque. » S'informer exactement des malheureux , les signaler ensuite à l'évêque, les visiter en son nom et leur porter à domicile la nourriture, le vêtement et même l'argent nécessaires, tel était le principal office des diacres. Bien plus, ils devaient tenir un catalogue exact et précis de tous les pauvres et malades , y consignant leur état de fortune et leurs dettes, les ressources qu'ils pouvaient tirer de leur travail, etc . Ce catalogue, ils devaient sans cesse le mettre sous les yeux de l'évêque, qui réglait lui-même le montant et la nature des aumônes et des secours. Pour faciliter la tâche délicate des diacres, la ville de Rome fut de bonne heure divisée en Titres ou régions, dont chacune était confiée aux soins de l'un des sept diacres. Les grandes villes de l'Orient étaient aussi partagées en diaconies.

Une histoire courte des établissements charitables de l`Église catholique  Saint-laurent
Saint-Laurent ( 225 à 258 Ap J.C.) – diacre et martyr à Rome dans les persécution des empereurs romains païens.

La vie des diacres St-Étienne et St-Laurent
fournit le plus illustre témoignage du zèle déployé par les ministres des pauvres et du bien qu`ils accomplissaient. Les fonctions de diacres les mettaient en rapport incessant avec les fidèles de tout âge, de tout sexe, de toute condition; ces relations journalières pouvaient fournir aux ennemis de la foi des prétextes a la calomnie. Une institution apostolique elle aussi y pourvut, Dès le temps des apôtres, de pieuses femmes, dont l`âge et la sainteté écartait tout soupçon, furent adjointes aux diacres. Saint Paul, dans son Épître à Timothée, (1 Timothée 5,9) énumère les qualités qui doivent désigner les diaconesses aux choix des évêques et les Canons apostolique  expliquent leur utilité : « Il arrive quelquefois qu'on ne peut envoyer un diacre dans certaines maisons, à cause des infidèles. Vous y enverrez une diaconesse , afin de prévenir les soupçons des méchants. Celles que vous choisirez devront être fidèles et saintes ; elles seront chargées des divers offices qui concernent les femmes» .

Les diaconesses formaient un ordre véritable et participaient à la cléricature; elles exerçaient leur ministère sous les ordres et la direction des diacres. La hiérarchie sacerdotale et lévitique apparaît donc au premiers siècles, comme la dispensatrice des aumônes du peuple chrétien; « celles-ci en passant par ses mains, prenaient un caractère sacré; elles étaient placés sur l`autel, et elles se répandaient de sur l`autel sur les infortunes humaines.» N`oublions pas toutefois que cette noble prérogative du clergé n`avait rien d`exclusif; il appelait au contraire à lui le concours de toutes les âmes saintes. Clercs et diaconesses, vierges et veuves consacrées à Dieu, tous exerçaient le ministère charitable en vertu même de leur ordre. Bientôt s`adjoignirent à eux de pieux laïques, qui se dévouaient gratuitement au service des pauvres et des malades sous leur direction. Toutes une classe de chrétiens, qui par leur zèle pour la perfection évangélique devinrent la source de l`ordre monastique, les Ascètes, tenaient pour un de leur premier devoirs l`assistance des pauvres et des malades; c`était là une recrue bien précieuse, car les clercs sans les ascètes, n`auraient pu, le plus souvent, suffire aux œuvres multiples de charité qui leur incombaient. Nous retrouverons aux époques suivantes le concours des Ascètes; il prendra même une telle importance, qu`il finira par devenir le principal élément des ordres religieux fondés pour exercer l`hospitalité.

Seconde époque

Une ère nouvelle se lève sur le monde avec la conversion de l`empereur romain Constantin au christianisme ( vers l`an 313 Ap J.C.). Le christianisme devenu la religion officielle de l`empire romain, place l`Église en tête de la société; celle-ci n`est plus réduite : « a mendier pour les pauvres une place a la table des riches.»  C`est à sa propre table qu`elle prétend les nourrir.

Les biens des martyrs restitués, les largesses impériales et les dîmes des fidèles lui assure un patrimoine et des richesses qui la mette à l`abris des éventualités et de l`état précaire de l’âge qui vient de finir. Bientôt a l`aide de ses richesses, s`élève de toutes part des Églises. Les évêques, les diacres, dans leur expérience de trois siècles, ont appris à connaitre toutes les misères; aucune n`est oubliée, toutes auront leur demeure, ou les soins les plus assidus leur seront prodigués. Les enfants, les veuves et les orphelins, les vieillards, les pauvres mendiants, les malades et les infirmes reçoivent de sa main un secours et un asile.  Un des premiers objets de la sollicitude devait être le soin des enfants. On sait le pouvoir monstrueux accordé par les lois de la Grèce et de la Rome antique aux parents sur leurs enfants. La fréquence des infanticides était devenue terrible dans la société païenne. Les malheureux enfants exposés , lorsqu'ils ne périssaient pas, étaient recueillis par des marchands d 'esclaves ou par d 'immondes prostituées qui les destinaient à un trafic infâme. Ce n'était du reste que la mise en pratique d` une maxime du philosophe grec Platon : « Si des enfants naissent de parents trop vieux, l'état ne doit pas les nourrir : qu'on les expose.»

On comprend que les empereurs chrétiens durent faire tous leurs efforts pour adoucir sur ce point les mœurs romaines. Un Édit de l`empereur romain chrétien Constantin ordonnait à tous les officiers fonctionnaires de délivrer des aliments et des vêtements aux parents pauvres et chargés d`enfants. Mais le secours décisif vint de l`Église, ce fut elle qui fonda ces nombreux Brephrotrophia , ou maison d`enfant trouvés – inaugurant cette assistance admirable du jeune âge que nous verrons continué avec tant d`éclat par Gui de Montpellier et son Ordre du Saint-Esprit (en 1180 en France) et restaurée au 16 eme siècle par Saint-Vincent de Paul.

Les orphelins avaient leur établissements spéciaux (Orphanotrophia); les directeurs de ces maisons étaient, selon la disposition des lois, «  les tuteurs de ces enfants et les curateurs de ces adolescents» jusqu`au moment ou rendus capables de gagner honnêtement leurs vies, ils fondaient a leurs tours des familles laborieuses et chrétiennes.  Les vieillards dénués de ressources eurent aussi leurs maisons : (Gerontocomia) ne nous sont guères connus par les textes des lois; cela suffit cependant à prouver que l`Église ne les oublia pas. Le Pape Pélage II ( en 577 Ap J.C.) « fit de sa maison un hôpital pour les personnes pauvres». Au temps du pape Saint-Grégoire, il existait un hôpital pour les vieillards jusque dans le Sinaï ( région désertique de la Palestine). Ayant appris qu`il y manquait du mobilier nécessaire, le Pape y envoyait quinze matelas, trente couvertures, quinze lits et une somme d`argent.

Les pauvres continuaient à être visités a domicile; mais leur secours leur étaient habituellement distribués dans des maisons, appelées en Orient  Ptochotrophia et en Occident Diaconies, parcequ`elles s`élevaient au centre des titres et régions des diacres. L`affluence y était considérable : « Comptez dit St-Jean Chrysostôme, combien l`Église nourrit chaque jour de vierges et de veuves. La liste de ces pauvres s`élève au moins a 3,000 ( à Constantinople – capitale de l`empire romain d`orient à l`époque – Istanboul en Turquie de nos jour) ajoutez-y les détenus des prisons, les malades de l`hôpital, les pauvres valides, les étrangers, les estropiés,  les serviteurs de l'Église , et ceux qui viennent lui demander chaque jour des aliments , des vêtements et autres secours . »  Les clercs des églises et les monastères recueilleront un jour l'héritage des diaconies.

Loger les étrangers et les pauvres passants, tel était d`après le concile de Nicée, le but des refuges nommés Xenodochia. Il faut lire la description enthousiaste que fait St-Jérôme de l`hôtellerie élevée par le patricien Pammachius et la noble dame Fabiola, qui s`y étaient consacrés eux-mêmes au soin des pauvres et des voyageurs. L`assistance et la visite des malades a domicile ne devait pas cesser avec les persécutions; elle continua pendant la paix et l`Église l`a toujours placée au premier rang parmi les œuvres de miséricorde. Mais cette visite ne faisait plus qu `accompagner et suppléer l`assistance dans les hôpitaux. On comprend que la charité de l`Église dut porter principalement sur ce point son ministère secourable; les maisons pour les malades, ou Nosocomia, étaient les plus utiles de ses nouvelles créations; c`est à ce titre que nous les verrons survivre presque seules aux invasions et à l`anarchie de la domination barbare, pour devenir enfin au 13 eme siècle, ces Maisons-Dieu répandues avec une magnifique profusion jusque dans les villages.

Souvent ces Nosocomia élevés par les évêques des 4 eme et 5 eme siècle, ne le cédait point en grandeur a nos hôpitaux modernes. Saint Grégoire de Nysse comparait à une ville celui que Saint Basile avait élevé à Néocésarée (Turquie actuelle - autrefois gréco-romaine et chrétienne); plus de six cents infirmiers étaient sans cesse occupés au soin des malades à Alexandrie (Égypte), du temps de saint Athanase. L 'hôpital fondé à Rome par sainte Fabiola rivalisait de splendeur avec les plus célèbres de l`Orient.

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Sainte Fabiola – Elle fait construire un hôpital à Rome au 4 eme siècle

Après cette revue rapide des établissements charitables sous l`initiative de l`Église, jetons un coup d`œil sur leur gouvernement. Toutes ces maisons relevaient de la juridiction des évêques qui du reste les avaient fondés pour la plupart; l`État n`avait aucune part a leur direction et les lois civiles n`intervenaient que pour sauvegarder les droits de évêques. Les évêques choisissaient eux-mêmes les administrateurs et les serviteurs des hospices. Saint Ambroise plaçait un prêtre a la tête de celui de Milan (Italie). L`historien de Saint-Jean de Chrysostôme rapporte qu`il fit construire plusieurs hôpitaux, ceux qui existaient jusqu`alors étant devenus insuffisant; qu`il plaçait à leur tête deux prêtres choisi parmi les plus pieux et leur adjoignait des médecins, des cuisiniers et aides subalternes. Aucun de ses aides ne devaient être engagé dans le mariage. Les 600 infirmiers chargés du service des hospices d`Alexandrie (ville en Égypte) au temps de Saint-Basile (329 à 379 Ap J.C.) devaient eux aussi demeurer dans le célibat afin d`être plus libre pour leur travaux et vocation. Qui ne verrait dans ces pieux laïcs entièrement à la disposition de l`évêque la continuation des Ascètes du premier âge qui secondaient les diacres dans le soin des pauvres ? Tout porte même à croire que ces ascètes s'engageaient par vœu, pour un temps déterminé, ou même pour la vie. N 'avons-nous pas en effet admiré ce Pammachius échangeant la toge de sénateur contre les livrées de la charité et son émule , sainte Fabiola , se vouant au soin des malades dans son nosocomium de Rome ? Ces illustres exemples ne pouvaient manquer d ' être suivis ; nous en retrouverons la trace à Jérusalem , dans les ordres hospitaliers nés des croisades.

Nous l`avons dit, le caractère dominant de la charité sous les empereurs chrétiens, c`était que chaque misère était mise à part des autres et secourue séparément, les infirmités humaines étaient comme classées en des catégories dont chacune, sauf de rares exceptions avaient son lieu de refuge particulier. Cet état de chose parait avoir survécu à la chute de l`empire romain d`occident et s`être prolongé jusqu`au temps du pape Saint-Grégoire (540 à 604 Ap J.C.), mais depuis le 7 eme siècle jusqu`a la fin du 12 eme siècle nous avons a parcourir la période la plus obscure de l`histoire de la charité catholique.   Voici comme l`éminent écrivain que nous vous avons déjà cité résume cette époque : « C`est dans les villes épiscopales et près des grands centre monastique que les pieux établissements continuaient toujours à subsister et à grandir. Mais le malheur des temps devait les atteindre et les atteignit. Pendant les dernières invasions, ils avaient cru toucher à leur fin; au 7 eme siècle ils connurent de nouveau la prospérité; le 8 eme siècle précipita encore leur déclin.  La forte main de Charlemagne les sut relever de leurs ruines; il les peupla de grandes misères et de grands dévouements. Mais la décadence Carlovingienne fut le signal d`une nouvelle et plus longue décadence. Et ainsi de déclins en résurrections et de résurrections en déclins, purent vivre dans la chrétienté les asiles de toutes nos douleurs.»

Dans cette époque néfaste un seul pouvoir reste debout pour abriter les peuples et les institutions; c`est l`autorité ecclésiastique; l`évêque, père de son peuple selon la foi, devient aussi le protecteur de la cité. Réunissant entre ses mains les deux puissances, a lui seul incombe désormais le soin des pauvres, des veuves et des orphelins; à lui donc de prendre tous les moyens en son pouvoir pour les soulager. Nous connaissons la doctrine de l`Église a ce sujet; Saint-Isidore n`en est que l`écho lorsqu`il écrit : «L`évêque devra prendre grand soin des pauvres, nourrir ceux qui ont faim, vêtir ceux qui sont nus, héberger les voyageurs, racheter les captifs, protéger les veuves et les orphelins. En lui l`hospitalité devra être telle, qu`il reçoive tout le monde avec bienveillance et charité. Car si tous les fidèles désirent entendre la parole de l`Évangile; j`étais étranger et vous m`avez reçu; combien plus l`évêque, dont la maison doit être le domicile de tous.»  

La vie des saints évêques est là pour nous montrer que la pratique répondait à cette théorie suprême. C`est Saint Éloi (évêque en France - 588 à 660 Ap J.C.) - qui nourrissait à tous les jours douze pauvres à sa table, leur donnait à laver et les servait lui-même. C`est Saint Césaire d`Arles (évêque en France – 470 à 542 Ap J.C.) dont la table était a toute heure servie pour les clerc et pour tous les arrivants, même en son absence; c`est Saint Domnole, Évêque du Mans ( France) au 6 eme siècle , qui mangeait avec les pauvres, fondait un hôpital près de la ville  avec 20 religieux et un abbé pour prendre soin des pauvres.

Les conciles et les capitulaires Carolingiens rappelles constamment les évêques a l`exercice de l`hospitalité; les Conciles de Reims (813 Ap J.C.) de Paris (829 Ap J.C.) d`Aix la Chapelle (836 Ap J.C.) , leur commandent d 'avoir toujours à leur table des indigents . Les curés de la campagne étaient tenus à l'hospitalité comme les évêques. Hérard , archevêque de Tours , la leur recommande de la façon la plus pressante ; Hincmar renouvelle les mêmes ordres; il veut que les pasteurs prennent le plus grand soin des pauvres, des infirmes , des orphelins et des voyageurs, qu'ils les reçoivent à leur table et leur donnent l'hospitalité.

Telle était la règle et voila pourquoi on vit s`élever avec le temps près des basiliques cathédrales de vastes hospices qui étaient comme les dépendances des maison épiscopales. Ces hospices se multiplièrent en même temps que l`apostolat fondait de nouvelles églises. Les différents quartiers des villes eurent aussi leur maison charitable, établies dans les titres ou régions et desservies par le clergé de ces circonscriptions.  Partout donc ou il y eut un siège épiscopal, il y eut au moins un hospice. Dans les villes et les bourgs moins importants, a mesure que se fondèrent les paroisses, avec un clergé fixe et sédentaire, ces paroisses eurent aussi leurs maisons de secours car elles se modelaient en tout sur l`église épiscopale.

N`oublions pas ici le rôle important des grands établissements monastiques. A l`époque Carolingienne, le monastère était constitué comme une véritable église, avec son chef, l`abbé, ses clercs pour le service divin, soit à l`église mère, soit dans les prieurés, et son peuple composé des moines laïcs.  Mais comme les églises étaient obligées de nourrir leurs pauvres et de construire des hôpitaux , de même aussi les monastères, véritables églises, durent remplir ce devoir. Les conciles étaient très attentifs à le leur rappeler ; on y trouve de nombreux canons réglant l'hospitalité qui devait s'exercer tant dans les abbayes d'hommes que dans celles de femmes. Les capitulaires donnèrent force de loi à ces prescriptions et les Missi Dominici veillaient à leur exécution d 'une manière toute spéciale. Pour être complet nous devons citer aussi les hospices fondés en très grand nombre par les «saints Irlandais», et destiné a abriter et recevoir leurs compatriotes, qui d`humeur très voyageuse se rendaient en foule a tous les pèlerinages du monde entier, sans craindre les extrémités du froid ni de la chaleur. Mais dès le temps de Charles le Chauve, ( Roi des Francs de l`an 875 a 877 Ap J.C.) ces hospices, comme beaucoup d`autres étaient ou ruinés ou détournés à d`autres usages.

On le voit, c`est dans les églises d`une part, dans les monastères de l`autre, que s`exerçait a cette époque l`hospitalité; et lorsque les rois ou les particuliers fondaient des hospices, les évêques en prenaient de droit la direction. Une lettre du Pape St-Grégoire nous apprend que l`hôpital fondé a Autun (France) par la reine Brunehaut ( 547 a 613 Ap J.C.) et son petit fils Théodoric, était dirigée par un abbé et par conséquent desservi par une communauté de clercs. Cinquante ans auparavant, Childebert, en fondant l`hôpital de Lyon (France), reconnaissait bien le droit des évêques, lorsque, pour assurer  la durée de sa fondation, il faisait décréter par le concile d 'Orléans (549 Ap J.C.) : « que jamais aucun prélat de l'église de Lyon ne pourrait retenir par devers lui ou transférer à sa propre église les dons provenant des souverains susdits et de la charité des fidèles. » Les mêmes prélats devaient veiller « à ce que, des préposés zélés et craignant Dieu s'y succédant toujours selon le but de la fondation , le soin et le nombre des malades, l'accueil des pèlerins y subsistât perpétuellement sans aucune atteinte.» Les hôtelleries et hôpitaux n`avaient déjà plus alors la destination unique et précise que nous leur avons vue auparavant. Ainsi l`hôpital de Lyon est appelé Xenodochium dans le texte précédent, et pourtant il recevait non seulement les voyageurs, mais les malades et les pauvres. Toutefois les hôtelleries des monastères servaient à peu près uniquement a loger les passants et les pauvres.


Troisième époque


Nous touchons l`époque ou l`Europe sort à grand-peine du chaos des invasions des tribus barbares et ou le Moyen-Âge marche vers l`apogée de sa grandeur. Un foi vive et ardente anime les cœurs et fleurit en œuvres pieuses de toutes sortes. Les hospices et hôpitaux , les HÔTELS-DIEU, car c'est à cette époque qu 'apparaît ce beau nom , participent à la rénovation générale . Dès le 11e siècle le grand mouvement commence à se faire sentir . L'Église réforme ses clercs ; la charité et les œuvres de miséricorde progressent à mesure que la foi établit son empire ; les libéralités abondent et permettent aux hôpitaux anciens de s'agrandir , tandis que partout s'en élèvent de nouveaux , et dans des localités même où ces établissements seraient aujourd 'hui inoccupés.

En même temps apparaissent les premiers germes d`ordres religieux spécialement voué au service des maisons de charité. Jusqu`alors ces maisons étaient desservies par des prêtres attachés aux églises et délégués par les évêques pour ce ministère; sous les ordres des prêtres étaient les clercs et de pieux laïcs, hommes et femmes, consacrés au service des pauvres pour un temps ou pour la vie. Cette organisation nous est apparue très clairement dans l`Église primitive jusqu`aux invasions. Les hôpitaux qui se trouvaient placés dans les centres importants reçurent naturellement de grandes largesses et se développèrent en proportion de leur richesse et du zèle de leurs préposés. Quelque`uns se distinguèrent bientôt entre les autres et devinrent des pépinières ou ceux qui fondaient de nouvelles maisons venaient prendre des directeurs habiles. Cette filiation forma des groupes unis par la communauté d`origine et la conformité des observances; telle est l`origine très simple de tous les ordres hospitaliers, qui tinrent une place si considérable dans le moyen-âge féodal.

Les grands ordres hospitaliers et militaires ont tous, sans exception, pris naissance dans un simple hôpital. L`Ordres des Hospitaliers de St-Jean de Jérusalem est le plus ancien des ces instituts. Bien avant les Croisades, si l`on en croit Guillaume de Tyr, des marchands d`Amalfi ( ville italienne), en relation commerciale très fréquente avec la Palestine, avaient obtenus des califes l`autorisation d`élever à Jérusalem un monastère pour des clercs de leur pays, chargés de donner asile aux pèlerins de leur patrie. Comme le nombre de pèlerins de toutes nations allait toujours en croissant, les clerc d`Amalfi, témoins des mauvais traitements que les chrétiens subissaient de la part des infidèles résolurent de les loger pour leur protection. Ils augmentèrent leur bâtiments, d`abord d`un hospice pour les femmes comme étant plus exposées, puis d`un second pour tous les pèlerins étrangers qu`ils placèrent sous l`invocation de St- Jean l'Aumônier , patriarche d'Alexandrie (Égypte), d'où ils prirent leur nom.

Mais déjà la reconnaissance des pèlerins avait transporté dans l`Europe entière la réputation de l`Hôpital de Jérusalem. Dès l`année 1083, il avait une notoriété assez considérable pour qu`on lui fit, dans les pays chrétiens, des donations de territoires, qu`il administrait par des frères et des officiers.  Des Ordres militaires furent créés pour la protection des pèlerins en terre sainte comme l`ordre du Temple et l`ordre Teutonique. En Espagne, l`ordre de St-Jacques de l`Épée est institué pour la protection des pèlerins qui allaient à St-Jacques de Compostelle.  L`affluence considérable de pèlerins à l`église de St-Éloi en Galice (Espagne), auprès du tombeau de St-Jacques avait déterminer les chanoines de cette église à construire d 'abord dans la ville, puis en diverses régions d 'Espagne, des hôpitaux pour leur servir d'asiles. Mais comme les Maures musulmans dépouillaient quantité de pèlerins, des chevaliers s'unirent aux chanoines sous la même règle et se vouèrent à la défense des pieux voyageurs. L`ordre de St-Lazare était voué au soulagement des lépreux.  En 1095, naissait en Dauphiné (France) l`Ordre de l`Hôpital de St-Antoine, destiné au soulagement des malheureux atteints du mal des ardents.

Jacques de Vitry parlant des congrégations de cette époque dit : « Il y a en outre d`autres congrégations , tant d`hommes que de femmes, si nombreuses dans toutes les contrées de l`Occident, qu`elles ne se peuvent compter, se dévouant avec humilité et ferveur au service des pauvres et des malades. Elles vivent selon la règle de saint Augustin , sans biens propres et en commun, sous l'obéissance d'un maître. En revêtant l'habit religieux, ces hommes et ces femmes promettent à Dieu une continence perpétuelle. Ils assistent le jour et la nuit aux heures canoniques, autant que le permettent les soins de l'hospitalité et le service des pauvres du Christ. »

La France possédait nombre de ces communautés, qui pour la plupart avaient formés des filiations quelquefois assez étendues. Telles étaient les congrégations du célèbre hôpital d`Aubrac en Rouergue, de l`Hôtel-Dieu de Paris, des Portecroix de Boulogne, des hôpitaux de Saint-Gervais et Sainte-Catherine a Paris, de Noyon, d`Amiens, d`Abbeville, de Beauvais, de Lille, ect qui tous étaient régis par un maître ayant sous sa responsabilité des frères et sœurs et avaient une constitution disciplinaire sous la règle de Saint-Augustin.

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L`ancien Hôtel-Dieu de Paris

Malheureusement ces communautés si ferventes à l`origine, tombèrent bientôt dans le relâchement, par suite surtout de la présence de personnes séculières et mariées, qui s`y retiraient. L`autorité épiscopale était souvent impuissante à réprimer  des désordres et des abus entretenus par les seigneurs laïcs.  Nous voudrions avoir réussi à mettre en lumière les deux faits qui nous semblent dominer l'histoire primitive de l'assistance charitable . C 'est d 'abord la succession non interrompue de son personnel: clercs, diaconesses et ascètes, ensuite prêtres détachés des églises et aidés de pieux laïcs des deux sexes, successeurs directs des ascètes du premier âge. Lors de la séparation du clergé en séculier et régulier, ce personnel de choix demeure dans la seconde catégorie et forme de véritables communautés religieuses, composées de prêtres, devenus chanoines réguliers , de frères et de soeurs, qui suivent la règle de saint Augustin , c'est- à -dire la règle commune du clergé régulier. Par là est expliquée l'origine de ces innombrables communautés qui desservent les hôpitaux aux XII° et XIIIe siècles , comme aussi leur unanimité à suivre la règle canoniale.  Le second fait est la dépendance des hospice des premiers siècles du pouvoir ecclésiastique jusqu` a l`époque de Louis XIV.  

Fin

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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