Procès de l'attentat du père Hamel : le bouleversant « Je vous salue Marie » d'un rescapé

par Lumen Sam 19 Fév 2022 - 19:23

Procès de l'attentat du père Hamel : le bouleversant « Je vous salue Marie » d'un rescapé

Grièvement blessé pendant l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray, Guy Coponet a revécu la journée du 26 juillet 2016 à la cour d’assises de Paris. Jusqu’à réciter à la barre la dernière prière qu’il croyait faire de sa vie.

Procès de l'attentat du père Hamel : le bouleversant « Je vous salue Marie » d'un rescapé Guy_coponet

Procès de l'attentat du père Hamel : le bouleversant « Je vous salue Marie » d'un rescapé Guy_coponet

Les survivants de la prise d'otages sœur Danielle Delafosse et Guy Coponet dans l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray à l'occasion du 5e anniversaire de l'assassinat du père Jacques Hamel. - JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Publié le 17/02/2022 à 15:08

Il est 9h40, ce mercredi 17 février quand Guy Coponet s’avance à la barre de la cour d’assises de Paris. A 92 ans, le retraité – qui a perdu épouse Janine en avril dernier – est un miraculé. Grièvement blessé par les terroristes de l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray, cet homme à la silhouette frêle est venu raconter ce jour terrible du 26 juillet 2016, le jour même de son anniversaire. « Il faisait beau, le père Hamel était joyeux car il allait partir en vacances, se souvient ce fidèle paroissien. L'entrée dans l'église se faisait par la sacristie (...), une porte étroite. L'office a commencé. En cours de route, on a entendu frapper à la sacristie. Il y avait un jeune qui demandait à voir le Père. La sœur lui a dit qu'il était occupé mais, qu'après la messe, il l'emmènerait au presbytère (...) ».

« Il souffre ! ... Les coups de couteau ! »

L’office se déroule normalement, en petit comité : Guy et son épouse Janine, quelques religieuses et le père Hamel. « Puis, vers la fin de la messe, la porte de la sacristie s'est rouverte, violemment, poursuit Guy Coponet. Ils ont dit de l'arabe (...). Ils ont commencé à se déguiser. L'un a enfilé un manteau, une boîte attachée avec du scotch jaune autour du corps. Ils nous ont pris en otage. Ils m'ont mis dans les mains quelque chose pour enregistrer, photographier (...). Je me suis bien gardé de déplacer quoi que ce soit et je suis resté fidèle à ce qu'ils voulaient. Ils ont commencé à mettre [le Père Hamel] à genoux ». À cet instant, la voix de Guy Coponet se trouble. Il semble revivre la scène, à mesure que les images lui reviennent. « Il souffre ! ... Les coups de couteau, c'est maintenant que ça revient. La souffrance qu'il a pu ressentir à ce moment-là... Le vendredi saint dans la liturgie, le chemin de croix : le Père Jacques Hamel, c'est ce qu'il a subi ! C'est affreux ! ».

Des souvenirs terribles entrecoupés de pointes d'humour

Guy Coponet essaie de se souvenir de tous les détails qui pourraient être utiles à la cour. Il cherche les mots, sans esprit de vengeance ni de colère. « Je ne sais pas ce qui a guidé ces lascars. Je dis ces lascars, j'ai beaucoup de respect. Mais bon, ils l'ont traîné par terre ! (...). Entre les deux, ils m'ont enlevé des mains [l'appareil]. Ils ont filmé ce qui allait se passer après. J'ai continué ce qu'ils m'avaient donné à faire. Là ils l'ont traîné par terre. Il ne devait plus tenir debout tellement ils l'ont massacré. Ils l'ont traîné par terre. Il repoussait de ses pieds le meneur. Pour moi, c'est ça... Quand l'autre approchait de lui, il a dit « Satan va-t’en ! ». Il a parlé deux fois. La deuxième fois, il a pris un air autoritaire. C'était un ordre d'arrêter. J'ai vu que le sang s'est mis à vomir. J'ai vu les lèvres toutes rouges. C'était affreux ! (...) ».

Une fois que les deux assaillants avaient fini « de détruire » le prêtre, Guy Coponet raconte avoir entendu : « C'est à toi, maintenant ! L'ordre donné de continuer avec moi ». Le vieux monsieur évoque les coups qu'il a reçus sur « le côté, le bras, la gorge ». « Puis ils m'ont balancé sur le côté. Je me suis dit : "bouge pas sinon il va te terminer" ». Le retraité précise être tombé sur des marches, évoque les douleurs qu'il éprouve alors, notamment dans le dos. Le vieil homme ponctue son récit de quelques traits d’humour, qui provoquent des rires dans la salle : « Mes hanches ne sont pas grasses chez moi. Il n'y a rien pour amortir ! »

La prière mariale en pleine salle d'audience

Et puis, au cœur de son témoignage, alors qu’il raconte l’arrivée des policiers, Guy Coponet se souvient avoir récité un « Je vous salue Marie », croyant sa dernière heure arrivée. Pris dans l’émotion, il récite alors à la barre la prière mariale à voix haute : « Je vous salue Marie pleine de grâce… ». La cour d’assises est plongée dans une grande stupeur mêlée d’admiration. « La Cour d’assises est souvent le théâtre de grandes émotions, commentera sur Twitter l’avocat Francis Szpiner. Entendre Guy Coponet, le survivant miraculé, réciter le Je vous salue Marie pendant sa déposition fut un grand moment ». La voix de Guy Coponet tremble lorsqu’il arrive à la deuxième partie de la prière. « …et à l'heure de notre mort ! C'est là que j'ai entendu la porte sur le côté s'ouvrir ! J'ai senti quelqu'un me soulever. Il était temps qu'ils arrivent (...) ». Puis le retraité se tourne vers son évêque Mgr Dominique Lebrun, partie civile lui aussi et présent à l'audience : « Merci, vous m'avez été d'un grand secours ! C'est du cœur que je parle ! ».

Il est 10h lorsque l’audition de Guy Coponet se termine. « Votre témoignage est très fort. La cour salue cette résistance et cette résilience », lui adresse le président. « Ça va, ça va », lui répond tout simplement le vieil homme.

Guilhem Dargnies
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