Théodom : * Découvrons la Doctrine Sociale de l'Église *
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Théodom : * Découvrons la Doctrine Sociale de l'Église *
Qu'est-ce que la Doctrine Sociale de l'Eglise ?
1. Chrétiens dans la société, la doctrine sociale de l’Église
1. Chrétiens dans la société, la doctrine sociale de l’Église
Comment vivre en chrétien dans la société ? Les chrétiens ont-ils quelque chose à dire à la société lorsqu’elle fait des choix ? C’est ce que nous croyons.
Avoir la foi, ça change les choses, ça change notre regard sur les autres, sur le travail, sur l’argent, sur la personne humaine… Depuis que notre société actuelle est apparue, façonnée par la démocratie et l’économie d’entreprise, l’Église a développé toute une réflexion riche et profonde pour discerner, à l’écoute de chaque époque, la manière dont la Bible peut aider les chrétiens à œuvrer à un monde plus juste. C’est ce qu’on appelle la doctrine sociale de l’Église...
Pour cette série, vous rencontrerez de nouveaux visages : frère Jacques-Benoît Rauscher, qui enseigne l’éthique à Fribourg, sœur Christine Gautier, de Dax, qui a travaillé sur la théologie du travail, Thomas Ailleret, de la Communauté de l’Emmanuel, en Vendée, et frère Pierre Januard, spécialiste des questions de finance responsable.
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Vivre la Doctrine Sociale de l'Église
2. Vivre la doctrine sociale de l’Église
2. Vivre la doctrine sociale de l’Église
Sœur Christine : On m'a demandé de parler de la « Doctrine Sociale de l’Église », mais moi je sèche un peu, tu ne pourrais pas m'aider ?
Frère Jacques-Benoît : Je comprends que tu sèches un peu : « doctrine » c'est quand même poussiéreux, « social », c'est très marqué…
Sœur Christine : … et « de l'église ». L’Église, elle est née bien avant la doctrine sociale. Tu crois que ça intéresse encore quelqu'un ?
Thomas : … mais moi ça a changé ma vie !
Dans la Bible
Sœur Christine : La doctrine sociale de l’Église c'est vieux comme le monde. Dieu a créé le monde et il nous l’a donné en partage. Il nous invite à le partager. Ça, c'est de la « doctrine sociale » déjà.
Les sabbats dans la Loi
Et puis, dès le début de la Bible dans l'Exode, le Lévitique et le Deutéronome, on va trouver les premières lois qui régissent le « vivre ensemble » du peuple de Dieu dans la « terre promise ». Il y a par exemple dans ces lois, les années sabbatiques, tous les sept ans. Les sabbats, en fait, ils nous aident à vivre notre relation aux biens et aux autres dans la lumière de notre relation à Dieu. Et ça c'est de la « doctrine sociale ». Il y a les années jubilaires tous les cinquante ans, en l'honneur de Dieu, qui a donné la terre à tous et qui veut que personne ne soit privé de la terre. On remet alors les compteurs à zéro. On libère les esclaves, on met la terre au repos et c'est reparti pour un tour.
Le jeûne chez Isaïe
Et puis les grands prophètes ont continué un peu dans ce sillage. Regarde ! Si tu prends Isaïe, il va te parler du jeûne. Le jeune, c'est un acte éminemment personnel qui nous relie à Dieu. Mais en fait, tu ne peux pas être relié à Dieu si tu n’es pas relié aux autres, alors voilà ce qu'il nous dit du jeûne :
Isaïe 58, 6-7 (TOB) : Le jeûne que je préfère, n'est-ce pas ceci : dénouer les liens provenant de la méchanceté, détacher les courroies du joug, renvoyer libres ceux qui ployaient, bref que vous mettiez en pièces tous les jougs ! N'est-ce pas partager ton pain avec l'affamé ?
C'est très concret dans nos vies ! Et c’est de la « doctrine sociale ».
Jésus proclame un Royaume d’accueil
Cependant le plus grand des prophètes c'est Jésus quand même ! Eh bien comment a-t-il inauguré sa prédication dans la synagogue de Nazareth ? Il a repris le prophète Isaïe :
Luc 4, 18-19 (TOB) L'Esprit du Seigneur est sur moi parce qu'il m'a conféré l'onction pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres. Il m'a envoyé proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer les opprimés en liberté, proclamer une année d'accueil par le Seigneur.
Et ça, cela s'accomplit en Jésus. Donc en fait, il nous invite à nous accueillir mutuellement, à libérer les opprimés et nous rejoindre dans notre vie. Et ça c'est de la « doctrine sociale ».
Car en fait, quand tu rencontres Jésus personnellement, ça transforme vraiment la vie. Par exemple Zachée, lui qui était le chef des collecteurs d'impôts, un petit peu voyou, un petit peu voleur, il en mettait dans ses poches au passage. Mais quand il a rencontré Jésus, quand il l'a accueilli chez lui, ça a changé sa vie. il a dit : « je partage la moitié de mes biens aux pauvres » et il a voulu réparer ses torts en redonnant le quadruple. C’est encore de la « doctrine sociale ».
Donc en fait ça a des racines très profondes dans la Bible, la « doctrine sociale », mais ça doit nous rejoindre très concrètement dans notre vie.
Dans l'Église, à l’époque moderne
Frère Jacques-Benoît : Alors la « doctrine sociale de l'Église », elle repose évidemment sur la Bible, sur une longue tradition mais ce qu'on appelle souvent « doctrine sociale de l'Église », c'est surtout les encycliques que les papes ont écrites au cours des siècles et en particulier à partir de la fin du XIXe siècle. Ainsi on peut trouver trois grandes périodes principales quand on parle de « doctrine sociale de l'Église ».
A partir de 1891 : proposer à nouveau les anciennes solutions
La première, elle commence en 1891 avec l'encyclique Rerum Novarum du pape Léon XIII. Il essaye de répondre aux questions qu'on se pose à ce moment-là, notamment à cause du développement de la grande industrie qui change beaucoup de choses dans le monde économique et dans la vie sociale, dans la manière dont se passent les relations entre les personnes. Le pape Léon XIII va essayer de proposer une philosophie chrétienne qui existait déjà au Moyen-Age, mais dans ce nouveau contexte.
Quarante ans après, son successeur Pie XI sort un autre texte qui s'appelle Quadragesimo Anno, en 1931, et là c'est un autre contexte. C'est la crise des années 30, mais il va continuer de préciser à partir de toute une réflexion chrétienne, comment on peut se positionner par rapport à l'économie, par rapport aux relations professionnelles. Notamment il va montrer que, quand on est chrétien, on ne peut pas admettre le communisme, mais on ne peut pas non plus admettre un libéralisme complètement dérégulé.
Cette première période est importante parce qu'elle montre vraiment que l'Église s'intéresse aux évolutions du monde contemporain. Malgré tout, elle est marquée par le fait qu’on a essayé de reproposer des solutions anciennes sans forcément entrer directement dans un dialogue avec le monde contemporain.
Les années 1960 : Le dialogue avec le monde
Une deuxième période dans le développement de la « doctrine sociale de l'Église » peut être située autour des années 1960. C’est un moment où l'Église réfléchit sur son rapport au monde, notamment à travers le Concile Vatican II. C’est aussi le temps de grands bouleversements dans la société. C’est la période de grande croissance et de progrès économiques que l’on appelle les « Trente Glorieuses ». Et en même temps, le monde est sous la menace d'une nouvelle guerre importante entre le bloc soviétique et le bloc occidental.
On peut retenir deux grands textes de cette période : l'encyclique Pacem in Terris, du pape Jean XXIII, en 1963, où Il développe la volonté de l'Église de promouvoir la paix et ensuite l'encyclique Populorum Progressio du pape Paul VI, où il parle du développement des peuples, en particulier des peuples que l’on appelle à l'époque le « tiers-monde », qui accèdent au fur et à mesure à l'indépendance.
Cette période est marquée par le fait que l’on n'est plus tout à fait sûr d’avoir une doctrine qui pourrait parler à toutes les époques, à tous les pays du monde, à tous les peuples. Et on se demande si on n’aurait pas plutôt intérêt à développer des conseils locaux qui seraient donnés par des évêques, plutôt qu’une grande doctrine qui viendrait de Rome. Il y a une réflexion à ce moment-là sur la manière dont l'Église, et en particulier sa « doctrine sociale » pourrait dialoguer avec le monde. Cette deuxième période, s'il fallait la résumer en un mot, ce serait le « dialogue ». C'est l'idée de dire que l'Église est avec d'autres institutions, d'autres courants de pensées, en train de chercher des solutions à des problèmes qui ne sont pas si simples et dont elle ne prétend pas avoir une solution universelle à proposer.
A partir de 1979, l’Église propose, en dialogue
Il y a une troisième période qui commence avec Jean-Paul II. On pourrait un peu dire que c'est la période « doctrine sociale » et « nouvelle évangélisation », parce que le pape Jean-Paul II affirme que l'Église a bien une doctrine à proposer, une doctrine qui est centrée sur la Bible et sur la Tradition et qui en même temps, est en dialogue avec le monde. Il va donc développer toute une série de réflexions pendant son pontificat, par exemple sur le travail, sur le développement, sur les relations économiques.
Ses réflexions vont être poursuivies par ses successeurs le pape Benoît XVI, par exemple avec son encyclique Caritas in Veritate et puis le pape François en 2015 avec l'encyclique Laudato Si, sur l'écologie. François se situe vraiment dans cette perspective de doctrine sociale et nouvelle évangélisation parce qu’il affirme que ce qu’il va dire sur l'écologie est lié aux questions que les hommes se posent mais en même temps il va aller puiser ses réflexions dans toute la tradition judéo-chrétienne, dans la Bible, dans toute une série d'écrits pour montrer qu’aujourd’hui encore, ils peuvent nous parler.
Cette troisième période est certes dans la perspective de la deuxième, c'est à dire une perspective de dialogue. Elle aussi admet qu’on a des problèmes compliqués à régler, et qu’on est un petit peu comme tout le monde, parfois on ne sait pas très bien comment se situer… Mais on se rappelle néanmoins qu'on a l'Évangile, qu'on a une tradition très longue, qui nous permet de nous rappeler qu’on a aussi les réponses que des hommes, à travers les siècles, ont essayé d'apporter sous le regard de Dieu.
Alors voilà trois périodes qui décrivent la « doctrine sociale » avec des grands textes qui les marquent et qui sont comme des boussoles, des points de repère pour avancer sur notre chemin.
En pratique
Thomas Ailleret : Moi, ce que j'aime beaucoup dans la « doctrine sociale de l'Église » c'est qu’il y a cinq principes qui viennent vraiment éclairer plein de situations très concrètes.
La dignité de la personne humaine
Le premier c'est la dignité de la personne humaine. C’est l'idée qu'on est tous infiniment dignes d'être aimés. Et cela concrètement, ça se voit par exemple sur internet dans les discussions où je me demande comment je traite l'autre ? Je crois que ce principe va vraiment nous aider à poser des mots justes quand nous parlons des gens.
Le bien commun
Le deuxième principe c'est le bien commun. Le bien commun c'est ce qu'on essaye de construire ensemble, pour tous ensemble grandir. Et ça je crois que ça vient beaucoup éclairer ce qu'on fait au travail. Quand on travaille, dans une entreprise, une administration, une association, on a toujours un but. Il peut être de nourrir, d’aider, de produire quelque chose pour le bien des clients. Et c'est important de se rappeler à quoi sert l'entreprise dans laquelle on se trouve.
La destination universelle des biens
La troisième chose, c'est le principe de la destination universelle des biens. C'est l'idée que les biens dont on dispose ne sont pas destinés à nous, mais sont destinés à être utilisés pour le bien commun, pour le bien de tous.
Et cela se traduit de manière vraiment très particulière dans le couple. Quand on a des objectifs communs : on veut faire grandir la famille, on veut passer du bon temps ensemble, faire des œuvres de charité, ce serait dommage d'avoir deux portefeuilles.
La subsidiarité
Le quatrième principe c'est la subsidiarité. Ce mot est un peu compliqué, il signifie de faire décider le plus possible par le niveau le plus bas.
Ainsi dans une entreprise, on peut imaginer que ça signifie donner des délégations ou donner des marges de manœuvre aux employés pour qu'ils puissent eux-mêmes construire des choses et contribuer à ce bien commun dont on parlait tout à l'heure.
Mais finalement dans la famille aussi c'est un principe qui est important. J'ai quatre enfants et il y a un moment dans la vie de l'enfant où il doit apprendre à s'habiller tout seul. Il y a aussi un moment dans la vie de l'enfant où il doit apprendre à choisir lui-même les habits qu’il va mettre le lendemain. Et il y a un moment dans la vie de l'enfant, alors beaucoup plus tard, où il va même falloir qu'il ramène de l'argent lui-même pour pouvoir acheter ses habits. Et ça c'est l'apprentissage de la vie et c'est possible si les parents laissent la place. C'est vraiment ça le principe de subsidiarité : laisser la place pour faire grandir.
La solidarité
Et le cinquième principe, c'est la solidarité. Le mot est un peu plus connu pour les chrétiens. Il s’agit vraiment d’accepter de donner de soi pour l'autre. Cela peut se faire de plein de manières différentes : donner un peu d'argent etc…
Je me rappelle un contexte professionnel, il y a de nombreuses années, où il y avait autour de moi beaucoup de mensonges et beaucoup de problèmes sur la vérité. Eh bien dans un contexte comme celui-là, un acte d'amour, un acte de solidarité, c'est peut-être être capable de donner un peu d'informations à la personne qui en a besoin pour bien faire son travail. Et quand on fait ça, on voit tout de suite que ça porte du fruit. Cela réveille les gens autour de nous.
La suite du Christ
Finalement où est-ce que ça nous amène ces cinq principes ? Mais tout simplement à la suite du Christ. Je vais prendre juste deux exemples : La subsidiarité, c'est se mettre à la suite du Christ qui envoie ses apôtres à sa place chasser les démons. Et la solidarité c’est se mettre à la suite du Christ, lui qui est mort pour nous.
sœur Christine Gautier
En 2022, sœur Christine Gautier est moniale contemplative au monastère de Dax. Elle a enseigné la théologie à Rome, à l'Université Pontificale Saint Thomas d'Aquin. Sa thèse avait été remarquée et a reçu le prestigieux prix Henri de Lubac, en 2016 : Collaborateurs de Dieu, Providence et travail humain chez saint Thomas d'Aquin (Cerf, 2015)
Frère Jacques-Benoît Rauscher
Frère Jacques-Benoît Rauscher enseigne la théologie morale et l'éthique sociale à l'Université de Fribourg en Suisse. Avant d'entrer dans l'Ordre dominicain, il était professeur de Sciences Économiques et Sociales et participait à une équipe de recherche en sociologique (Sciences Po/ CNRS). Il a récemment publié quelques ouvrages : L’Église catholique est-elle anticapitaliste ? (Presses de Sciences Po, 2019) - Des enseignants d'élite ? Sociologie des professeurs de classes préparatoires (Cerf, 2019) - Découvrez la doctrine sociale de l’Église avant d'aller voter (Cerf, 2022).
Thomas Ailleret
Thomas Ailleret travaille dans l'industrie, en Vendée, d'où il est bien placé pour s'interroger sur la manière dont notre foi peut nous aider à vivre dans la société. Membre de la communauté de l'Emmanuel, il fait connaître la doctrine sociale de l’Église, par exemple en publiant : "Vivre en chrétien, quésaco ?" (Cerf, 2020).
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L’Église milite pour les femmes
3. L’Église milite pour les femmes
3. L’Église milite pour les femmes
Saint Paul écrit aux Galates : « Il n'y a plus l’homme et la femme ; car tous vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus. » (Galates 3, 28). C’était révolutionnaire à l’époque : tous ont la même dignité comme créatures et enfants de Dieu, mais est-ce vrai dans la pratique ? Et aujourd’hui l’Église s’intéresse-t-elle au sort des femmes ? Agit-elle en leur faveur ? Compte-t-elle sur elles ?
L’Église aussi dénonce un manque d’égalité homme/femme
L’Église s’est risquée plusieurs fois à parler de la place des femmes dans le monde, question sensible pour elle. Partons de notre époque, du Pape François :
« L’organisation des sociétés dans le monde entier est loin de refléter clairement le fait que les femmes ont exactement la même dignité et les mêmes droits que les hommes. On affirme une chose par la parole, mais les décisions et la réalité livrent à cor et à cri un autre message. » (Encyclique Fratelli Tutti, §23)
François note donc un écart entre la théorie (l’égale dignité de la femme par rapport à l’homme) et les pratiques, ainsi que les mentalités qui sont à l’origine de ces pratiques. Ce retard vaut pour les sociétés et pour l’Église aussi d’ailleurs. L’horizon qu’il nous fixe donc comme un défi est de combler ce retard. Mais pourquoi ce retard ?
Le premier féminisme (1850-1945) et l’Église
Petit retour en arrière. Les courants féministes existent depuis plus d’un siècle, ils sont de diverses tendances (les féministes libérales, les socialistes, les postmodernes et autres…), et progressent par vagues et selon une certaine géographie. Nous n’avons pas le temps d’en retracer toute l’histoire et la sociologie mais tentons de situer l'Église dans ce grand mouvement.
A la fin du XIXe siècle et au début du XXe, les féministes militaient pour le droit de vote, les fameuses « suffragettes », d’abord dans le monde anglo-saxon. En France, c’est seulement après la seconde guerre mondiale que nous avons obtenu le droit de vote.
L’Église y tient sa place, avec par exemple, en France, la Ligue des Femmes Françaises, qui permet aux femmes de s’investir en politique dès le début du XXe siècle. D’ailleurs, dès le Moyen Age, des femmes prenaient part aux conciles, des assemblées d'Église locales ou régionales.
Femme au foyer et religieuse missionnaire
Pourtant fin XIXe, le discours officiel de l’Église sur la femme reste très marqué par des représentations de son époque. L'Église commence à se prononcer sur les réalités sociales en 1891, avec la première encyclique sociale de Léon XIII : Rerum Novarum. En latin dans le texte, cela veut dire : « de choses nouvelles ». Voici ce qu’il dit des femmes :
« Il est des travaux moins adaptés à la femme, que la nature destine plutôt aux ouvrages domestiques ; ouvrages d'ailleurs qui sauvegardent admirablement l'honneur de son sexe et répondent mieux, par nature, à ce que demandent la bonne éducation des enfants et la prospérité de la famille. » (Rerum Novarum, §42)
En fait, Léon XIII entend protéger les femmes exploitées par l’économie industrielle et les extraire du travail à la chaîne en usine. La femme au foyer à son époque est ce qui met le plus la femme à l'honneur.
Mais l’Église, ce n’est pas uniquement la voix officielle de l’enseignement du Pape. Le XIXe siècle a aussi vu fleurir une foule d’ordres religieux féminins qui se sont dévoués à des œuvres sociales, entre autres pour la promotion des femmes. Ce sont donc des femmes qui ont pris en main leur destin et cherché à améliorer celui d’autres femmes, en assumant de grosses responsabilités, mais dans le cadre très strict de vœux de pauvreté, chasteté, obéissance et souvent en étant soumises à des hommes d’Église de qui dépendait la survie de leur ordre.
Dans les années 1930 pourtant, l’Église présente encore la situation de la femme au foyer comme un trône royal. Elle rejette une émancipation qu’elle voit comme une corruption de l'esprit de la femme et de la dignité maternelle : une fausse liberté et une égalité non naturelle (Pie XI, 1930, Casti connubi). Mais ce n’est pas le dernier mot de l’Église.
La période conciliaire : l’émancipation louée par les papes.
Avec le Concile Vatican II, dans les années 1960, le discours commence à changer, accueillant tout le mouvement des droits humains et l’intégrant dans son vocabulaire propre. C’est ainsi que le Concile affirme :
« Il est affligeant de constater que ces droits fondamentaux de la personne ne sont pas encore partout garantis. Il en est ainsi lorsque la femme est frustrée de la faculté de choisir librement son époux ou d’élire son état de vie, ou d’accéder à une éducation et une culture semblable à celles que l’on reconnaît à l’homme. » (Gaudium et Spes, §9)
Il devient normal que « les femmes, là où elles ne l’ont pas encore obtenue, réclament la parité de droit et de fait avec les hommes. » (Gaudium et Spes, §9). L'Église accueille alors l'émancipation de la femme comme un progrès. Certes il y a encore du chemin à faire, mais depuis 1965 des pas ont été faits.
Jean-Paul II par exemple, à l’occasion d’une conférence mondiale sur la femme qui s’est tenue à Pékin en 1995, a remercié les femmes et a demandé pardon pour les entraves à la libération de la femme venues d’hommes d’Église. Il lance aussi un appel :
« Il est certain qu'il reste encore beaucoup à faire pour que la condition de femme et de mère n'entraîne aucune discrimination. Il est urgent d'obtenir partout l'égalité effective des droits de la personne et donc la parité des salaires pour un travail égal, la protection des mères qui travaillent, un juste avancement dans la carrière, l'égalité des époux dans le droit de la famille, la reconnaissance de tout ce qui est lié aux droits et aux devoirs du citoyen dans un régime démocratique. »
Les femmes dans l’Église
Là, le Pape Jean-Paul II parle de la place dans la société. Quelques années plus tard, le Pape François a aussi le courage de se pencher sur la situation des femmes dans l’Église, avec une précision : l’Église c’est très majoritairement des laïcs, comme vous et moi, et très minoritairement ceux que l’on appelle des ministres ordonnés : les prêtres. Dans sa première lettre, La joie de l’Evangile (Evangelii Gaudium), François écrit : « Il faut encore élargir les espaces pour une présence féminine plus incisive dans l’Église. » (§103)
Il appelle aussi à ce que les femmes soient présentes dans la vie sociale, et le travail « et dans les divers lieux où sont prises des décisions importantes, aussi bien dans l’Église que dans les structures sociales. »
Soyons francs : s’il lance cet appel, c’est précisément parce qu’il y a un problème… c’est un problème de société dont l’Eglise se saisit, un véritable défi pour devenir cohérent avec ce que l’on affirme en principe sur la femme. C’est pourquoi le pape François ose affirmer que :
« Les revendications des droits légitimes des femmes, (...) posent à l’Église des questions profondes qui la défient et que l’on ne peut éluder superficiellement. » (Evangelii Gaudium, §104)
La tâche est immense et très franchement on peut se demander si ces mots ne vont pas rester lettre morte. Effectivement depuis 2013, à part quelques nominations dans la curie (c’est-à-dire les ministères du Vatican), les mentalités ont-elles vraiment changé ? Disons que ce défi est l’horizon qui, pour une fois, est nettement pointé du doigt dans un texte officiel. Pour atteindre l’horizon, pas d’autre moyen que de faire un pas après l’autre, sans nous décourager si l’horizon semble s’éloigner au fur et à mesure que nous avançons.
Les femmes de l’Évangile
Et puis, si dans l’Évangile les femmes semblent ne pas beaucoup compter, elles ont une présence stratégique. C’est même à deux femmes que Dieu a confié son œuvre de salut, deux Marie. L’une a accepté de devenir la mère de Dieu, au risque de passer pour une fille-mère. Et c’est son audace qui a permis de lancer toute l’humanité dans l’aventure de l’amitié avec Dieu. L’autre, Marie-Madeleine, a été choisie comme premier témoin de la Résurrection et mandatée par Jésus pour annoncer sa victoire sur la mort et sur toute forme de mal. Or sans cette annonce, pas de foi possible. Cela lui a valu le titre bien mérité d’Apôtre des Apôtres. Toutes deux ouvrent un chemin, n’ayons pas peur de nous y engager !
Pour aller plus loin :
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sœur Christine Gautier
En 2022, sœur Christine Gautier est moniale contemplative au monastère de Dax. Elle a enseigné la théologie à Rome, à l'Université Pontificale Saint Thomas d'Aquin. Sa thèse avait été remarquée et a reçu le prestigieux prix Henri de Lubac, en 2016 : Collaborateurs de Dieu, Providence et travail humain chez saint Thomas d'Aquin (Cerf, 2015)
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Re: Théodom : * Découvrons la Doctrine Sociale de l'Église *
S’engager en politique, par amour !
4. S’engager en politique, par amour !
4. S’engager en politique, par amour !
Vous connaissez Ponce Pilate ? Ce procureur romain qui a reçu Jésus au moment de son procès. Voyant que Jésus était condamné de façon injuste, Ponce Pilate a eu cette phrase célèbre : « je m’en lave les mains ». Il voulait dire par là : « je ne vais pas m’engager davantage pour cet homme ». Il ne se rendait sans doute pas compte que cet homme, c’était le Fils de Dieu que, par son manque d’engagement, il contribuait à condamner.
Et nous, quand on refuse de faire un pas, de s’engager pour d’autres, n’est-ce pas pour le Christ qu’on reste indifférent ?
Famille, Église, société, où s’engager ?
L’engagement politique ne consiste pas seulement à être candidat à la présidence de la République ! Nous pouvons nous engager dans la vie de notre quartier, dans la vie de notre entreprise, dans la vie de notre région ou de notre pays… J’entends déjà deux objections à ce que je dis.
Voix off : Perso, je m’engage dans ma famille, et c’est déjà pas mal !
Certes, notre premier devoir, c’est de s’occuper de nos proches. Mais l’amour chrétien ce sont des relations du quotidien qui peuvent s’épanouir toujours plus largement.
L’amour donne une substance authentique à la relation personnelle avec Dieu et avec le prochain. Il est le principe non seulement des micro-relations : rapports amicaux, familiaux, en petits groupes, mais également des macro-relations : rapports sociaux, économiques, politiques. (Benoît XVI, Caritas in Veritate, §2)
Le chrétien est appelé, là où il le peut, à élargir son souci de l’autre à une échelle toujours plus haute. Le pape Pie XI, au début du XXe siècle, disait que l’engagement politique est une forme élevée de charité car elle consiste à se mettre au service d’un grand nombre de personnes (discours du 18 décembre 1927).
Voix off : Oui, mais l’urgence aujourd’hui, c’est quand même l’Église : il n’y a qu’à voir combien il est difficile de trouver des bénévoles !
Le pape Jean-Paul II a beaucoup mis en garde les fidèles chrétiens qui ne voudraient s’engager que dans l’Église (Exhortation apostolique Christifideles Laici, sur la vocation des laïcs dans l’Église et dans le monde, 1988). Il indique que la vocation du fidèle chrétien est de s’engager dans le monde et de porter l’Évangile dans le monde du travail, de la politique etc... Le chrétien est appelé à s’engager au service des autres, au-delà de son cercle familial. Il est appelé à s’engager pour le monde, et pas seulement dans l’Eglise.?
S’engager, c’est faire des compromis ?
Voix off : enfin quand on voit les politiques, voire les associations, c’est un monde cruel et par toujours très net.
Il est vrai que l’engagement n’est jamais facile. Mais une des qualités de celui qui s’engage est de savoir prendre des décisions difficiles dans des contextes incertains. C’est pour cela que la vertu traditionnellement associée à l’engagement politique est la prudence.
Par prudence, il ne faut pas entendre « frilosité » mais capacité à traduire en pratique une exigence de charité.
« Bien que dans les principes généraux, il y ait quelque nécessité, plus on aborde les choses particulières, plus on rencontre de défaillances […]. Dans le domaine de l’action, au contraire, la vérité ou la rectitude pratique n’est pas la même pour tous dans les applications particulières, mais uniquement dans les principes généraux […]. Plus on entre dans les détails, plus les exceptions se multiplient » (saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, Ia IIae, Qu. 94, art. 4.).
Quelles causes choisir ?
Voix off : Comment faire pour s’engager ?
La doctrine sociale de l’Église n’est pas le programme d’un parti politique. L’Église ne donne pas de consignes de vote ou d’engagement pour un parti ou pour un autre. Mais elle donne des éléments de réflexion. Ceux-ci permettent de savoir, dans des situations compliquées, quels choix d’engagement poser dans le domaine politique.
Il s’agit en particulier de défendre la dignité de chaque personne humaine, de construire le bien commun, de vivre de manière solidaire avec chaque homme en particulier avec les plus faibles, et de laisser à chaque homme (y compris aux plus faibles) une certaine liberté d’action, une certaine créativité…
Voix off : Tous les catholiques devraient s’engager de la même manière alors ?
Aujourd’hui certains chrétiens réfléchissent sur la manière la plus adéquate de s’engager. Certains vont faire valoir qu'il est trop difficile de changer les structures de nos sociétés et qu’il vaut mieux créer des petites communautés exemplaires, faire en sorte que nos églises, nos paroisses soient des lieux qui soient des modèles pour le reste de la société. D’autres proposent, au contraire, de faire des petits pas et de s’engager dans des partis politiques, dans des syndicats, dans des associations qui ne sont pas nécessairement chrétiens mais qui, en faisant des propositions concrètes et parfois modestes, pourront changer un petit peu le monde et le rendre plus humain donc plus chrétien.
La doctrine sociale de l’Église est-elle de droite ou de gauche ?
On l’a déjà dit, la doctrine sociale de l’Église n’est pas le programme d’un parti politique. Certains de ses principes pourraient être utilisés, s’ils sont pris isolément, par tel ou tel courant politique. Prise toute seule, la dignité de l’homme pourrait, par exemple, virer à de l’individualisme. La subsidiarité pourrait aboutir à une forme de libéralisme qui défend l’autonomie de l’entreprise, une limitation du rôle de l’État… Autant de valeurs qui sont plutôt classées à droite.
Mais prise isolément, la recherche du bien commun peut facilement conduire à une forme de communisme. Et prise toute seule la solidarité pourrait être perçue comme une valeur marquée à gauche.
Autrement dit à gauche comme à droite on pourrait trouver des valeurs qui permettent de se réclamer de la doctrine sociale de l'Église. Mais la doctrine sociale de l'Église n’est pas un supermarché où l’on fait son choix parmi un ensemble de notions. Ces quatre notions (solidarité, subsidiarité, bien commun et dignité de la personne) sont liées les unes aux autres. Au fond, la doctrine sociale de l'Église, c’est comme une espèce de catamaran qui fonctionnerait sur quatre bouées. Parfois, en fonction des situations, il faut plutôt s’appuyer sur l’une ou sur l’autre. Mais pour avancer, il ne faut en perdre aucune !
Tout chrétien est appelé à être un saint. Et un saint n’est pas seulement quelqu’un qui évite de faire le mal. C’est quelqu’un qui fait le bien et pour cela accepte de prendre des risques. Acceptons de prendre des risques ! Car il y a aujourd’hui encore dans nos quartiers, dans nos communautés, dans nos villes, dans nos pays, à travers le monde des personnes qui attendent notre engagement et vis-à-vis desquelles nous ne pouvons pas nous comporter comme de petits Ponce Pilate !!
Pour aller plus loin :
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Frère Jacques-Benoît Rauscher
Frère Jacques-Benoît Rauscher enseigne la théologie morale et l'éthique sociale à l'Université de Fribourg en Suisse. Avant d'entrer dans l'Ordre dominicain, il était professeur de Sciences Économiques et Sociales et participait à une équipe de recherche en sociologique (Sciences Po/ CNRS). Il a récemment publié quelques ouvrages : L’Église catholique est-elle anticapitaliste ? (Presses de Sciences Po, 2019) - Des enseignants d'élite ? Sociologie des professeurs de classes préparatoires (Cerf, 2019) - Découvrez la doctrine sociale de l’Église avant d'aller voter (Cerf, 2022).
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Re: Théodom : * Découvrons la Doctrine Sociale de l'Église *
Tous dignes ! Un peu de respect SVP !
Bonjour à tous,
S'il y a bien une cause qui fait l'unanimité, c'est la dignité de la personne.
Pourtant, tout le monde ne l'entend pas de la même manière. Dans cette vidéo, frère Jacques-Benoît Rauscher nous explique les fondements théologiques de la dignité de toute personne humaine, créée à l'image de Dieu et appelée à la sainteté.
Cela ne va pas de soi, il nous faut en permanence être vigilant, voire nous battre, pour que chacun soit respecté.
C'est ce qu'ont fait en leur temps deux grands chrétiens : frère Antonio de Montesinos, ce dominicain qui prêchait contre l'esclavage au XVIe siècle, et Dorothy Day, cette mystique qui défendait la cause des ouvriers et la paix aux États-Unis. Découvrez ces deux figures originales qui peuvent nous inspirer aujourd'hui !
5. Tous dignes ! Un peu de respect SVP.
Préserver la dignité humaine… tout le monde est d’accord avec le principe. Mais en pratique c’est beaucoup plus compliqué. Regardez : certains vont parler du « droit de mourir dans la dignité » pour légitimer le suicide assisté ou l’euthanasie. D’autres vont vous dire que de telles pratiques sont contraires à la dignité de l’homme qui implique que la vie soit préservée jusqu’au bout. Alors qu’entend-on par « dignité humaine » ? Le chrétien a-t-il une vision spécifique de cette dignité ?
D’où vient la dignité des personnes humaines ?
Pour un chrétien la dignité de l’homme est fondamentale parce qu'elle vient directement de Dieu. Pour bien le comprendre il faut se rappeler que, dans le livre de la Genèse, on nous dit que Dieu crée l’homme à son image et à sa ressemblance. Il est au sommet de toutes les créatures matérielles et il a une part de lui-même qui le rapproche des créatures spirituelles.
En plus, le Fils de Dieu lui-même s’est fait homme en Jésus-Christ. L’homme a donc une très haute dignité parce qu’il est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu et qu’il est appelé à participer à la vie de Dieu.
Dieu connaît chaque personne par son nom et chaque personne a du prix à ses yeux. Un passage du prophète Isaïe dans l’Ancien Testament le résume très bien :
« Ainsi parle le SEIGNEUR qui t'a créé, Jacob, qui t'a formé, Israël: Ne crains pas, car je t'ai racheté, je t'ai appelé par ton nom, tu es à moi. » (Isaïe 43, 1)
Rappeler cela est fondamental quand on parle de questions morales ou éthiques. Le risque est en effet de foncer tête baissée sur des problèmes à régler, sur des questions techniques.
Souvent, je crois qu’on ne peut pas bien discuter si on ne revient pas à la base. La base c’est d’où on vient et où on va. D’où on vient ? De Dieu qui nous veut à son image et à sa ressemblance ! Où on va ? Vers Dieu pour partager le bonheur de le voir dans l’éternité. Avant toute question sur la vie personnelle ou sociale de chacun, rappelons-nous ces choses fondamentales. Les oublier ce serait comme se lancer dans une opération chirurgicale en oubliant qu’un être humain a besoin de respirer de l’air ou réfléchir à la décoration d’une maison avant d’en avoir posé les fondations. L’homme vient de Dieu et va vers Dieu. C’est de là qu’il tire sa dignité.
Et ça change quoi concrètement ?
En fait, si vous voulez comprendre beaucoup de prises de position de l’Église, gardez en tête la défense de la dignité humaine, vous verrez le fil qui les relie toutes. Le pape François l’exprime très bien dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium en 2013 : Il parle dans le même passage (§§ 210-215) : des migrants, des personnes réduites à des formes d’esclavage moderne, des minorités persécutées, des femmes discriminées, des enfants à naître, mais aussi de la Création fragile à préserver.
Même un enfant tout petit ou encore à naître, même une personne très malade ou très âgée porte en elle-même une dignité qui lui vient du fait qu’elle appartient à une humanité créée par Dieu. Cette dignité n’est pas liée au fait qu’elle peut réfléchir ou non, parler ou non, être en rapport ou non avec son entourage… L’être humain, tout être humain, de sa conception à sa mort naturelle, a une dignité parce qu’il est créé, racheté, accompagné par Dieu. Rien ne peut effacer en la personne humaine cette dignité profonde qui vient de Dieu.
On le voit bien, la question de la défense des plus pauvres, la défense du respect de la vie, de son origine à sa fin à travers (par exemple l’opposition à l’avortement ou l’euthanasie) sont des éléments cohérents dans la pensée de l’Église qui découlent directement de sa conception de la dignité de l’être humain. On n’a donc pas à choisir entre la défense des positions de l’Église sur la vie et /ou sur les positions sociales. Tout cela est un ensemble parce que c’est bien l’humain, créé et sauvé par Dieu, dont chaque chrétien est appelé à défendre la dignité.
Voix off : Comment agir pour préserver la dignité humaine ?
Pour répondre à cette question, je ne voudrais pas vous livrer un grand discours. Je voudrais plutôt vous présenter deux exemples.
Frère Antonio de Montesinos, défenseur des indiens
Le premier est celui d’un homme, un religieux dominicain du XVIe siècle. Il avait été envoyé sur l’île d’Hispaniola en Amérique latine, l'actuelle île sur laquelle se trouve Haïti et la République dominicaine. Il s’appelait frère Antonio de Montesinos. Lors de l’Avent 1511, il a dénoncé avec une grande force l’esclavage auquel les indiens avaient été réduits par les colons européens. Reprenant l’expression de saint Jean-Baptiste, il s’était écrié : « je suis la voix qui crie dans le désert » ajoutant à propos des Indiens: « ne sont-ils pas des hommes ! » Le sermon de Montesinos a eu un écho énorme et il a été reçu jusqu’à la cour du roi d’Espagne. Considérant la manière dont Dieu traite les hommes et voyant un tel contraste avec l’esclavage des Indiens, il avait compris la nécessité de se révolter. Dieu et sa parole sont un rempart pour protéger la dignité de l’être humain quand il est maltraité.
Dorothy Day, défenseure des travailleurs et de la paix
L’autre exemple que je voudrais vous proposer est beaucoup plus proche de nous. Il s’agit d’une femme du XXe siècle. Elle s’appelle Dorothy Day et a vécu aux Etats-Unis. Elle a milité pour la reconnaissance des droits des femmes. Elle a aussi cherché à secourir les plus discriminés dans la société de son temps. Dorothy Day, qui, avant sa conversion, a connu une vie sentimentale mouvementée, a aussi vécu un avortement, s’est convertie au moment de la naissance de son premier enfant. Elle s’est émerveillée devant cette vie qu’elle et le père de son enfant avaient pu mettre au monde. Elle a été portée par la grandeur de la vocation humaine. Devenue chrétienne, elle est restée militante. Elle a, en particulier, cherché à accueillir les plus pauvres dans des communautés qu’elle a fondées. Mais elle est surtout connue pour son engagement pacifiste. En raison de sa foi, elle ne pouvait accepter la guerre, qu’elle voyait comme une blessure dans le Corps du Christ dont elle se savait membre et auquel tous les hommes ont vocation à appartenir.
Son procès en béatification a été ouvert par le pape Jean-Paul II et le pape François l’a souvent citée comme modèle. Un bel exemple de la défense de la dignité humaine, comprise comme émerveillement face à la vie, lutte contre toute violence faite à cette vie, engagement pour l’égalité des hommes et des femmes.
La dignité humaine c’est donc un fondement de toute action chrétienne. Elle est comme la signature du chrétien qui n’est fidèle à sa vocation que s’il rappelle à tous (et d’abord à lui-même) que l’homme a été fait par Dieu et que le but de sa vie est le bonheur de voir Dieu. Courage, donc. Battons-nous donc pour la dignité de l’être humain partout où elle est menacée ! A nous d’être les Montesinos ou les Dorothy Day de notre temps !
Pour aller plus loin :
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Frère Jacques-Benoît Rauscher
Frère Jacques-Benoît Rauscher enseigne la théologie morale et l'éthique sociale à l'Université de Fribourg en Suisse. Avant d'entrer dans l'Ordre dominicain, il était professeur de Sciences Économiques et Sociales et participait à une équipe de recherche en sociologique (Sciences Po/ CNRS). Il a récemment publié quelques ouvrages : L’Église catholique est-elle anticapitaliste ? (Presses de Sciences Po, 2019) - Des enseignants d'élite ? Sociologie des professeurs de classes préparatoires (Cerf, 2019) - Découvrez la doctrine sociale de l’Église avant d'aller voter (Cerf, 2022).
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Re: Théodom : * Découvrons la Doctrine Sociale de l'Église *
Les critères non négotiables, une utopie ?
Bonjour à tous,
Voter est une chance mais ce n'est pas facile quand on a des critères de foi et d'éthique !
Alors comment choisir ? Nous avons personnellement des critères non-négociables, qui peuvent être différents de ceux de notre voisin à l'église. Mais existe-t-il une liste de thèmes fondamentaux sur laquelle l’Église s'est prononcée ?
Dans cette vidéo, sœur Christine Gautier, dominicaine et Thomas Ailleret échangent librement sur ce sujet. Ils nous aident à mettre en perspective ces "critères non-négociables" de choix dans l'engagement du citoyen chrétien.
6. Les critères non négotiables, une utopie ?
Thomas : « Puisque tu es tiède – ni brûlant ni froid – je vais te vomir de ma bouche » (Apocalypse 3, 16) . Si je vote, je veux un candidat qui soit saint, je ne veux pas voter pour un tiède.
Sœur Christine : Tu y vas peut-être un peu fort, non ?
Thomas : Eh bien, pour moi la foi c’est ce qu’il y a de plus important dans ma vie. C’est un truc qui me brûle… Quand je regarde tous ces programmes politiques, il n’y en a pas un qui me semble compatible avec la foi. Bref, j’ai l’impression que pour voter, il faudrait que je fasse des compromis, que je sois un tiède. Et ça, c’est hors de question. Je préfère encore voter blanc.
Voter, c’est une nécessité…
Sœur Christine : Je crois qu’il y a d’abord une chose importante à retenir… c’est qu’il faut voter. Rappelle-toi combien c’est une chose précieuse que d’avoir le droit de vote. Il y a des gens qui sont morts pour cela et qui en meurent encore aujourd’hui !
Thomas : Oui, ok mais il y a 100 ans tu avais encore de vrais partis chrétiens. En effet, théoriquement je suis d’accord avec toi. Mais en pratique c’est autre chose, tu as vu ce qu’ils racontent les candidats aux élections depuis plusieurs années ?
Sœur Christine : Attends, ne plonge pas tout de suite dans tes programmes ! Le droit de vote c’est une formidable manière de se mettre au service du bien commun. Oui ! Quand on vote, on vote pour un projet de société qui doit avoir pour but de nous faire grandir, tous ensemble, et chacun individuellement, vers notre perfection.
…parce que nous vivons en société
Thomas : Vers notre perfection… tu y vas un peu fort là !
Sœur Christine : Non, elle passe par là, notre perfection. On a besoin d’un État bien organisé pour vivre bien et marcher vers Dieu. Passe-moi ta Bible. Tu vois, saint Paul y dit :
« J’encourage, avant tout, à faire des demandes, des prières, des intercessions et des actions de grâce pour tous les hommes, pour les chefs d’État et tous ceux qui exercent l’autorité, afin que nous puissions mener notre vie dans la tranquillité et le calme, en toute piété et dignité. Cette prière est bonne et agréable à Dieu notre Sauveur, car il veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité. » (1 Timothée 2, 1-4).
La manière dont est organisé notre État, dont il est gouverné, a des conséquences sur notre route vers Dieu.
Thomas : Tu aurais des exemples un peu concrets ?
Sœur Christine : Oui. Regarde tout simplement les ravages qui peuvent être causés par un voisin qui met sa musique à fond tous les soirs. Heureusement que la police peut intervenir. Regarde les poubelles, heureusement qu’on a un service de ramassage de déchets qui nous évite de polluer l’environnement pour nous et nos voisins. On le voit bien, pour protéger le bien commun, il faut des personnes dédiées… qui ne pensent pas d’abord à leurs propres intérêts, mais essayent vraiment de faire au mieux pour nous tous !
Les critères non négociables
Thomas : OK. J’entends; on a besoin d’être organisés pour construire une belle société. Mais il y a des choses sur lesquelles on ne devrait jamais revenir, or le principe de la démocratie c’est que c’est le choix de la majorité qui l’emporte, qu’il soit bon ou non. Donc j’en reviens à ma question de départ : il y a plein de partis pour lesquels un chrétien ne peut pas voter. En fait, je pense que presque tous sont dans ce cas.
Sœur Christine : Certes tout ne se discute pas. Il y a des choses qu’un chrétien ne peut pas négocier. Mais attention, qu’est-ce que ça veut dire “négocier” ? Est-ce que la définition de ce qui est bien ou mal se négocie ? : Non ! Est-ce qu’on a le droit de négocier les personnes qu’on aime et celles qu’on aurait le droit de ne pas aimer ? Non !
Thomas : Oui, je te suis… l’amour n’est jamais négociable. Si j’aime ma famille, je dois aussi vivre cet amour à l’égard de mes collègues de travail, des personnes qui sont loin, des migrants… Je n’imagine pas le Royaume des cieux avec des barbelés aux frontières ou avec des managers qui pratiquent le harcèlement.
Sœur Christine : Oui, nous sommes appelés à un amour complet. Si on écarte des personnes du champ de notre amour, on risque d’évacuer, dans le même mouvement, des choses auxquelles on tient. Écarte le migrant qui apparaît comme un poids pour la société, et on finira par ne plus protéger les personnes faibles de notre entourage (enfants à naître, personnes handicapées ou âgées vulnérables).
Thomas : OK. Mais moi, pendant les élections de 2012, j’ai juste entendu parler de trois critères non négociables pour décider pour qui voter quand on est catholique : défense du mariage, euthanasie et avortement. C’est plus important que le reste, non ?
Sœur Christine : Attention, la Conférence des Évêques de France avait cité beaucoup plus que trois critères à cette occasion. Quand elle nous parle de critères non négociables, elle parle aussi de la liberté d’éducation des enfants, de la lutte contre l’esclavage moderne, de la liberté religieuse, d’une économie au service de la personne et du bien commun et de la défense de la paix…
Le sens des priorités
Thomas : OK, ça ratisse large ! Mais du coup, on commence par quoi ?
Sœur Christine : Effectivement, on commence par la famille… L'Église, quand elle veut résumer toute sa doctrine sociale, dans ce qu’on appelle le « Compendium », met la famille en premier, avant le travail, l’économie, etc. Ce n’est pas anodin.
On commence par la famille, non pas pour dire que les autres critères ne seraient pas importants. Mais parce que l’amour s’apprend d’abord en famille ! Eh oui ! Et une fois qu’on a appris à pardonner en famille, à voir la personne pour un peu plus que ce qu’elle rapporte financièrement, à accepter la différence, à se protéger contre les coups durs, on devient capable de le faire dans un cadre plus large… Au travail, dans le quartier, dans la société…
En revanche, si on se referme sur la famille pour la protéger envers et contre tous… On loupe la vocation de la famille qui est d’ouvrir un amour sans limite, sans bornes, sans frontière !
Thomas : Oui. Du coup, j’ai plein de questions pratiques à poser aux candidats : Mettent-ils l’amour comme point focal de leur action ? Quelles barrières leur programme propose-t-il de casser ? Divise-t-il les personnes entre elles au sein même de cette communauté nationale ? Est-il ouvert à un « nous » toujours plus grand ? Comment sont traitées les personnes qui n’appartiennent pas au premier cercle de mes contacts ?
Voter, c’est prendre un risque
Thomas : Mais si je trouve qu’ils sont tous à un niveau insuffisant, est-ce que le vote blanc n’est pas une solution ?
Sœur Christine : C’est toujours possible, mais on ne peut pas oublier qu’en faisant cela, on laisse justement la voie libre aux pires solutions de ceux qui visent une politique de fermeture.
Thomas : Oui, tout à fait d’accord. Il peut parfois être difficile de trouver le meilleur candidat, mais mieux vaut voter pour un candidat imparfait que de ne pas voter du tout. C’est déjà mettre du poids dans la balance.
Sœur Christine : La réalité est toujours complexe. La politique c’est du pratique. Et comme le disait saint Thomas, il n’y a pas de certitude dans les vérités pratiques, contrairement aux vérités théoriques : 2+2=4 pour tout le monde, mais il y a 1000 manières de cuire des œufs. Dans la pratique, il y a toujours une prise de risque. La prudence, c’est-à-dire l’intelligence pratique, nous guide aussi là-dedans.
Thomas : Du coup, c’est pour ça qu’il y a des opinions politiques différentes chez les chrétiens. En fonction des situations dans lesquelles nous nous trouvons, de notre histoire, de notre réflexion, peut-être de nos erreurs de jugement, nous pouvons avoir des opinions politiques différentes. Évidemment il faut tous être attentifs à respecter les critères fondamentaux dont on a parlé. Et ce n’est pas un scandale si des chrétiens pensent différemment les uns des autres. La pluralité est un cadeau de Dieu.
Pour aller plus loin :
Un site passionnant sur la Doctrine sociale de l’Eglise :
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Une réflexion de référence de la Conférence des évêques de France sur le vote des chrétiens : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien][/size]
Thomas Ailleret
Thomas Ailleret travaille dans l'industrie, en Vendée, d'où il est bien placé pour s'interroger sur la manière dont notre foi peut nous aider à vivre dans la société. Membre de la communauté de l'Emmanuel, il fait connaître la doctrine sociale de l’Église, par exemple en publiant : "Vivre en chrétien, quésaco ?" (Cerf, 2020).
sœur Christine Gautier
En 2022, sœur Christine Gautier est moniale contemplative au monastère de Dax. Elle a enseigné la théologie à Rome, à l'Université Pontificale Saint Thomas d'Aquin. Sa thèse avait été remarquée et a reçu le prestigieux prix Henri de Lubac, en 2016 : Collaborateurs de Dieu, Providence et travail humain chez saint Thomas d'Aquin (Cerf, 2015)
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Lumen- Date d'inscription : 09/11/2021
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Re: Théodom : * Découvrons la Doctrine Sociale de l'Église *
Accueillir l'étranger, une évidence ?
Bonjour à tous,
L'accueil de l'étranger est une question importante dans nos élections. Certains se demandent si on doit accueillir tout le monde, alors que d'autres s'engagent pour donner aux migrants un minimum de dignité.
Dans cette vidéo, sans angélisme ni cynisme, mais avec réalisme et générosité, frère Jacques-Benoît Rauscher nous explique comment la Bible et la tradition de l'Église peuvent nous aider à nous forger une opinion sur la question.
7. Accueillir l’étranger
Dans le monde, il y a toujours plus de migrants. Aujourd’hui, les migrants internationaux, ceux qui ne vivent pas dans leur pays d’origine, représentent un humain sur 30 : 280 millions de personnes en 2020 contre 173 en 2000. Pas étonnant que ça préoccupe le pape François ! Pourtant, certains se demandent un peu de quoi il se mêle quand il nous demande de les accueillir ! Mais au fond, que disent la Bible et la tradition chrétienne sur cette question ?
On peut trouver dans la Bible dans la tradition chrétienne deux éléments a priori opposés sur cette question.
La dignité de l’étranger d’Abraham à Jésus
Le premier est, il faut le dire, le plus important. Il consiste à reconnaître la grande dignité de l’étranger et la nécessité de l’accueillir.
On le voit à travers de grandes figures bibliques comme Abraham dans le livre de la Genèse, qui accueille des étrangers dont il se rendra compte plus tard qu’ils sont en fait Dieu lui-même.
On peut le voir dans la vie du Christ. Dès son enfance, il est obligé de fuir en Égypte avec Marie et Joseph et peut ainsi être identifié à tous les migrants.
On peut aussi l’entendre de la bouche du Christ. Dans l’Évangile de Matthieu où le Christ nous dit, au chapitre 25, que celui qui a accueilli l’étranger, c’est lui-même qu’il a accueilli.
L’hospitalité, une vertu chrétienne
La pratique de l’hospitalité est d’ailleurs présentée comme une des formes les plus élevées de la charité chrétienne. Et, à travers l’histoire, notamment les moines et les religieux se sont caractérisés par un accueil inconditionnel des personnes qui se présentaient à la porte de leur monastère. Pensez aux monastères bénédictins ou encore à l’hospice du Grand Saint Bernard entre la Suisse et l’Italie.
On peut aussi noter que l’une des salles du palais des Nations Unies à Genève est consacrée à un dominicain, Francisco de Vitoria, qui a promu la circulation des hommes au-delà de toute frontière au XVIe siècle.
Encore dans la période contemporaine, des papes comme le pape Benoit XVI ont indiqué que les migrations étaient un signe des temps qui permettaient de vivre profondément la charité chrétienne.
L’étranger comme un risque…
Mais on trouve aussi dans la Bible et la Tradition, l’idée que l’étranger, le migrant qui vient d’une autre culture, peut détourner le croyant de Dieu, peut déstabiliser la société dans laquelle il se trouve, parce que, précisément, il est porteur d’autres traditions.
Cela est particulièrement présent dans l’Ancien Testament. Le livre du Deutéronome invite par exemple les Hébreux à ne pas se marier avec des membres d’un autre peuple de peur qu’ils les détournent du Dieu d’Israël (Deutéronome 7, 1-4)
Mais cette perspective est reprise par de grands saints chrétiens, comme saint Thomas d’Aquin. Dans son ouvrage politique le De Regno, il indique que la présence d’étrangers en trop grand nombre est susceptible de déstabiliser un Etat en introduisant de nouvelles coutumes.
…à ne pas exagérer.
De fait, l'enseignement de l'Église aujourd’hui indique bien que s'il existe des risques importants de déstabilisation des sociétés, il faut limiter l’accueil des personnes en situation de migration. Ces éléments nous montrent que la Bible et l’Eglise ne sont favorables à un accueil sans réflexion.
Cependant, les papes insistent pour que cet argument soit manipulé avec précaution. Le pape Jean XXIII (Pacem in terris, 11 avril 1963, § 25 et § 106) et le pape François (Fratelli tutti, 3 octobre 2020, § 141) ont ainsi insisté pour que les chrétiens se pensent d’abord membres de la « famille humaine » et ne cherchent pas à défendre leur particularité nationale. Le pape Jean-Paul II rappelait quant à lui clairement qu’une logique « nationaliste » est incompatible avec la pratique catholique (Message pour la 85è journée mondiale des migrants, 2 février 1999, n°2).
Donc ne pas accueillir si un grave déséquilibre menace, c’est possible. Mais ne pas accueillir pour affirmer qu’une appartenance nationale est supérieure au lien qui nous unit à la famille humaine, ce n’est clairement pas un argument recevable.
La richesse de l’étranger : Pierre Claverie
Enfin, dans la Bible et la tradition chrétienne, l’étranger n’est pas seulement celui qu’il faut accueillir par hospitalité ou dont il faudrait malgré tout se méfier. Il est aussi celui qui est porteur d’une grande richesse. Cela transparaît déjà dans l’Ancien Testament. Les juifs sont invités à considérer ce qu’il y a de bon dans d’autres cultures pour se tourner vers Dieu. La Tradition chrétienne a aussi souligné cet aspect particulier au cours des siècles.
Mais c’est particulièrement au XXème siècle que cette dimension a été spécialement soulignée. On peut penser à la figure de saint Charles de Foucauld, ou, plus près de nous encore, des martyrs d’Algérie.
Je voudrais tout spécialement mentionner la figure du Bienheureux Pierre Claverie. Dominicain et évêque d’Oran, il a été tué avec son chauffeur, Mohamed, en août 1996 pendant la décennie qui a ensanglanté toute l’Algérie. Il affirmait quelques temps avant de mourir :
« Que l’autre, que tous les autres, soient la passion et la blessure par lesquelles Dieu pourra faire irruption dans les forteresses de notre suffisance pour y faire naître une humanité nouvelle et fraternelle. Il y va de l’avenir de la foi dans notre monde »
L’autre, et en particulier, l’étranger me fait grandir par sa différence. Cette image de l’étranger riche est reprise par le pape François dans son encyclique Fratelli tutti de 2020. Il indique que c’est une dimension trop peu prise en compte quand on envisage aujourd’hui la question des migrations.
La solidarité
Au fond, les migrations nous mettent devant un des grands piliers de la « doctrine sociale de l'Église » : la solidarité.
La solidarité chrétienne repose directement sur la conviction que chaque homme est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Si je suis solidaire du migrant c’est parce que je pense que Dieu a donné le monde à tout homme sans distinction et que celui qui doit fuir sa terre doit pouvoir être accueilli sur une terre dont je ne suis pas propriétaire mais seulement gestionnaire. A ce titre, l’étranger a, comme moi, le droit de vivre dans un monde qui appartient tout entier à Dieu.
La solidarité chrétienne repose aussi sur l’idée que tout homme est appelé à faire partie du corps mystique du Christ. À ce titre, être solidaire du migrant, même s’il n’est pas chrétien, consiste à être solidaire de quelqu’un qui est appelé à être un des membres de ce corps du Christ, à être membre du corps auquel j'appartiens.
L’attention de l’Église pour l’étranger n’est donc pas une position anecdotique. C’est une longue et ancienne tradition, qu’il ne s’agit pas de rejeter et qu’il ne s’agit pas d’appliquer sans discernement ni sans prudence. Elle nous introduit à la solidarité chrétienne, qui consiste toujours à s’ouvrir à plus large que le cercle de nos communautés, que le cercle de nos familles. Elle se vit toujours dans une perspective universelle car nous sommes tous frères !
Pour aller plus loin :
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Frère Jacques-Benoît Rauscher
Frère Jacques-Benoît Rauscher enseigne la théologie morale et l'éthique sociale à l'Université de Fribourg en Suisse. Avant d'entrer dans l'Ordre dominicain, il était professeur de Sciences Économiques et Sociales et participait à une équipe de recherche en sociologique (Sciences Po/ CNRS). Il a récemment publié quelques ouvrages : L’Église catholique est-elle anticapitaliste ? (Presses de Sciences Po, 2019) - Des enseignants d'élite ? Sociologie des professeurs de classes préparatoires (Cerf, 2019) - Découvrez la doctrine sociale de l’Église avant d'aller voter (Cerf, 2022).
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Re: Théodom : * Découvrons la Doctrine Sociale de l'Église *
Devenir saint au boulot ? Le travail, une mission ?
Bonjour à toutes et tous,
L’Évangile interroge notre vision de la société et nos grands choix politiques, mais il inspire aussi notre vie de tous les jours. Chaque matin, nous sommes invités à vivre une nouvelle journée à la suite du Christ et nous en passons une bonne partie à travailler. Est-ce pour gagner de l'argent, s'occuper ou pour rencontrer des collègues ? L'écriture et la tradition de l'Église voient dans l'expérience du travail un moyen de se sanctifier.
Dans cette vidéo, sœur Christine Gautier nous fait découvrir une vraie spiritualité du travail, à l'écoute de saint Paul, de saint Thomas d'Aquin et de grands papes du XXe siècle. L'Église encourage une collaboration des différents groupes humains en favorisant la participation et l'expression des dons de chacun. Ainsi le travail pourra nous rendre meilleurs ensemble !
8. Le travail, une mission ? Devenir saint au boulot ?
Chaque matin, nous commençons à vivre une nouvelle journée à la suite du Christ, et bien souvent, cette journée a lieu au travail. Alors, pourquoi travailler ? Est-ce simplement pour gagner de l'argent ou pour rencontrer des gens sympas ? A moins que ce soit aussi pour se sanctifier ? Dans cette vidéo, sœur Christine Gautier nous fait découvrir une vraie spiritualité du travail, à l'écoute de saint Paul, de saint Thomas et de grands papes du XXe siècle. Le travail peut nous rendre meilleur ! C'est de l'inventivité partagée ! Un principe important de la doctrine sociale de l’Église, c'est le principe de subsidiarité, on en entend parler en politique, mais c'est aussi au boulot qu'il est mis en pratique...
Quand on lit le début de la Genèse, on a l’impression que le travail, ce n’est pas super : Dieu prend tout de suite un jour de repos, le 7e jour, et il maudit Adam en lui disant qu’il travaillera à la sueur de son front, après le péché originel. Pourtant, si on continue le Livre, les patriarches sont des bosseurs, leurs entreprises leur réussissent, et c’est grâce à cela qu’ils vivent les promesses de Dieu. Alors le travail, une corvée ou une mission ?
Saint Paul nous dit : « celui qui ne travaille pas, qu’il ne mange pas non plus ». (1 Thessaloniciens 4, 11 et à nouveau 2 Thessaloniciens 3, 10-12) Eh oui ! Il est nécessaire de travailler pour manger, c’est d’ailleurs la première définition du travail pour le pape Léon XIII, dans l’encyclique Rerum Novarum : « le travail est le moyen universel de pourvoir aux besoins de la vie » (§8). Donc le travail est une nécessité qui nous concerne tous pour rester en vie.
Dénoncer la souffrance au travail
Et parfois cette nécessité est une fatalité pénible : quand je suis sous la pression de mon employeur, des rendements et reportings qui quantifient les performances, des échéances, des flux tendus, mais aussi des embouteillages pour aller travailler, des open-space bruyants ou encore du télétravail solitaire et ennuyeux… Oui, il y a des conditions de travail qui peuvent être dégradantes et contraires à la dignité de l’homme, et c’est pour cela que le Pape Léon XIII, en 1891, s’est emparé de la question sociale pour la mettre au cœur du message de l’Eglise. Pas de bonne nouvelle de l’Évangile si on ignore toutes les injustices perpétrées dans le monde du travail issu de la Révolution Industrielle. C’est la naissance de la doctrine Sociale de l’Église.
Pour Léon XIII, le travail est noble mais il est honteux et inhumain de s’enrichir en imposant des conditions de travail inhumaines, au-dessus des forces physiques et psychiques de la personne. C’est ainsi que Léon XIII propose une réflexion sur les droits et devoirs des employeurs et des employés. En effet, à cette époque la relation patrons-ouvriers cristallise la plupart des injustices sociales.
Par exemple, le juste salaire doit permettre à l’ouvrier et à sa famille de subvenir à leurs besoins, de devenir propriétaire et de mettre sa famille à l’abri en cas de coup dur. Cette réflexion a été prolongée par ses successeurs qui ont influencé l’évolution du droit du travail.
Il rappelle aussi la nature du travail comme source féconde à laquelle est redevable une nation qui en tire sa prospérité.
Le travail, un lien avec la société
90 ans plus tard, pour l’anniversaire de ce premier texte, le pape Jean-Paul II approfondit la compréhension du travail dans une nouvelle lettre intitulée Laborem Exercens, les 2 premiers mots de la lettre en latin. En français ça donne :
« C'EST PAR LE TRAVAIL que l'homme doit se procurer le pain quotidien et contribuer au progrès continuel des sciences et de la technique, et surtout à l'élévation constante, culturelle et morale, de la société dans laquelle il vit en communauté avec ses frères. » (Laborem Exercens §1)
Là, le regard s’élargit, le travail n’est plus uniquement mon travail pour me sustenter, mais il s’intègre dans un processus beaucoup plus vaste, qui englobe des interactions avec la société, qui suppose une histoire puisque les élévations ou progrès d’une époque à l’autre se fondent sur l’héritage légué par la génération précédente.
Autre élargissement : Jean Paul II précise que le travail ne se limite pas au travail salarié, il est toute activité dont l’homme est sujet, en tant que personne capable de décider d’elle-même, maître de son destin en quelque sorte. Le travail comporte aussi un aspect objectif : c’est la technique, mais elle est toujours le fruit d’un travail et reste un instrument, au service d’un autre travail. Alors bien des formes de travail contribuent aussi à la prospérité d’une nation, même s’ils ne sont pas quantifiables en termes de PIB. Celui-ci serait bien plus important si on comptait le travail des femmes aux foyers ! Sans oublier de prendre en compte toutes les formes de bénévolat.
Le travail nous rend meilleur
Dans cette vision, même si le travail peut parfois être pénible, il n’est pas une fatalité au sens de fardeau écrasant. D’ailleurs Jean-Paul II, reprenant les catégories de saint Thomas d’Aquin, le classe parmi les biens ardus c’est-à-dire difficiles à atteindre, parce qu’ils requièrent une préparation, une application, de l’exercice pour acquérir dextérité ou compétence. Ardu certes, mais bon ! Il n’est pas seulement « utile », en vue d’obtenir quelque chose, ni seulement agréable, dont on peut « jouir », mais, « il est un bien « digne », c'est-à-dire qu'il correspond à la dignité de l'homme, un bien qui exprime cette dignité et qui l'accroît. (Laborem Exercens, §9).
Le travail se rapproche donc de la vertu, une qualité acquise qui qualifie de l’intérieur l’homme, le rend bon en même temps qu’elle lui permet d’agir bien, avec aisance et bonheur. Alors l’homme en travaillant se fait du bien à lui-même et aux autres.
C’est pour ça que Jean-Paul II défend aussi le « droit au travail » (Centesimus Annus, §43).
Le travail, c’est de l’inventivité partagée
Saint Thomas donne une autre explication du travail. Il se réfère à Aristote, qui note que l’homme n’est pas pourvu de griffes, ni de fourrures ou autres comme les animaux ; pour se nourrir et se vêtir, mais à la place il a beaucoup mieux : la main alliée à la raison.
« Cela convenait mieux à une nature douée de raison, infiniment fertile en conceptions, et capable de se procurer des instruments en nombre infini. » (saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, Ia-IIae, Qu. 91, Art. 3, ad. 2)
Donc nous ne fonctionnons pas sur le registre de l’instinct animal pour satisfaire nos besoins mais sur l’alliance de la raison et de la main, appelée organe des organes. En effet, elle représente tous les instruments de travail, un simple marteau ou bien un ordinateur par exemple. Cette alliance peut fournir à l’homme « des outils d’une infinité de modèles et pour une infinité d’usages » (ST, I, 76, 5, ad 4) Ainsi : « C’est par son ingéniosité que l’homme pourvoit à ses besoins ». (I-II, 95, 1), et cela d’autant plus que l’homme est sociable et par la parole peut « faire jaillir aux yeux d’autrui tout le contenu de sa pensée » (De Regno, I, 1). Essentiel pour le travail de groupe !
L’homme est donc un génie d’inventivité et découvre des voies toujours nouvelles pour subvenir à ses besoins et ceux de ses proches, car une des fins du travail pour saint Thomas est aussi de faire l’aumône, autrement dit, d’aider ceux qui sont plus vulnérables et ne pourraient pas subvenir tous seuls à leurs besoins, à commencer par les enfants.
Le principe de subsidiarité
Notre travail ne se limite donc pas à notre personne : nous travaillons toujours avec d’autres, nous participons à la même œuvre : c’est la participation. Pour que chacun trouve un espace propice à sa participation, une place doit lui être concrètement laissée : quelle décision peut-il prendre ? quel budget lui est alloué ? En entreprise, ces questions doivent être travaillées par le management et c’est précisément ce qu’on appelle la subsidiarité : comment l’échelon supérieur (le chef) permet à chacun de participer au mieux à l’ouvrage collectif, au bien commun.
Un adage résume ainsi la subsidiarité : autant d’autorité que nécessaire, autant de liberté que possible. C’est-à-dire en négatif : ne pas réguler plus que nécessaire, ne priver aucun échelon du droit d’exercer ses responsabilités ; et en positif : encourager chacun à prendre ses responsabilités et si nécessaire l’y aider.
Si la société, la commune, l’entreprise, la famille, les associations, chaque groupe à son niveau, contribuent à créer les conditions d’une participation de chacun et que tous nous mettons nos dons au service du bien là où nous sommes, alors le travail atteindra cet objectif noble et large que nous indique le pape François :
« [Le travail] n’est pas seulement un moyen de gagner sa vie, mais aussi une voie pour l’épanouissement personnel, en vue d’établir des relations saines, de se réaliser, de partager des dons, de se sentir coresponsable de l’amélioration du monde et en définitive de vivre comme peuple. » (Fratelli Tutti, §162)
Pour résumer : Par mon travail au sens large, je mets en œuvre ma capacité créative (alliance de la main et de la raison). En lien avec d’autres je contribue à produire des biens qui répondent aux besoins humains. Et en cela je me fais du bien, je me réalise et ensemble nous construisons le monde, un monde habitable, un monde fraternel.
Pour aller plus loin :
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sœur Christine Gautier
En 2022, sœur Christine Gautier est moniale contemplative au monastère de Dax. Elle a enseigné la théologie à Rome, à l'Université Pontificale Saint Thomas d'Aquin. Sa thèse avait été remarquée et a reçu le prestigieux prix Henri de Lubac, en 2016 : Collaborateurs de Dieu, Providence et travail humain chez saint Thomas d'Aquin (Cerf, 2015)
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Lumen- Date d'inscription : 09/11/2021
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Re: Théodom : * Découvrons la Doctrine Sociale de l'Église *
Entreprise : concilier bien commun et bénéfices
Bonjour à toutes et tous,
Nous avons déjà défini les enjeux d'une spiritualité du travail au plan individuel, mais s'autorise-t-on à l'étendre au niveau de l'entreprise ? L'entreprise doit répondre à certains objectifs (rentabilité, respect des conditions de travail et de l'environnement ...) mais plus largement sa vocation est de se mettre au service du bien commun.
Dans cette vidéo, Thomas Ailleret, auteur de Vivre en chrétien, quésaco ?, une introduction à la Doctrine sociale de l’Église, livre sa vision positive de l'entreprise. Cadre dans l'industrie, il nous montre que l'entreprise peut vraiment participer à l’œuvre de Dieu.
9. Entreprise : concilier bien commun et bénéfices
On entend souvent que le but de l’entreprise, c’est le profit ; ou que l’argent, c’est le nerf de la guerre. Tout ça n’est pas très motivant quand on se réveille le matin pour aller travailler… Pourtant nous sommes nombreux à travailler en entreprise et à y être heureux. On apprécie les relations, on sent que notre travail est utile, on progresse soi-même… Bref, une autre force que l’argent est en jeu… Sans doute bien plus forte !
Quand on vous demande ce que vous faites comme travail, répondez-vous que vous produisez de l’argent ? Sans doute pas ! Composer de belles compositions fleuries permet de témoigner de l’amour ou de l’amitié. Au restaurant, bien nourrir ses clients. A l’hôpital, prodiguer les meilleurs soins aux patients. Au tribunal, participer à la juste défense de ses clients. En ville, assurer la sécurité, etc. C’est là la contribution de chacun au bien commun.
Mais c’est quoi le bien commun ?
Le bien commun, c’est cet ensemble de conditions sociales qui nous permettent chacun, et tous en groupe, d’atteindre notre perfection de manière plus aisée et plus complète. Ça passe par une bonne justice, de la sécurité, une monnaie stable, mais aussi par des choses beaucoup plus concrètes : de quoi se nourrir, s’amuser, collaborer… Savoir que Dieu nous a créés capables de construire toutes ces belles choses nous indique que notre vocation individuelle passe par ce chemin collectif. C’est ce que dit saint Thomas d’Aquin quand il associe le bien particulier de chacun au bien de tous, c’est-à-dire au bien commun.
« Celui qui cherche le bien général de la multitude cherche conséquemment son bien propre » (saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IIa-IIae, Qu. 47, art. 10).
C’est à ce but que travaillent toutes nos entreprises, associations, administrations, bref, toutes nos organisations, chacune avec leur style propre !
En entreprise, le bien des différents partenaires
Le problème, c’est que la tâche est lourde ! Il y a tant à faire ! Et donc nous y travaillons à plusieurs ! Pour cela, on fait rentrer dans notre cercle différentes personnes que nous apprenons à aimer de manière parfois très concrète. Le chemin pour aller de l’individu vers la société toute entière est long, et parsemé d’embûches, mais il est possible d’y aller petit à petit. Prenons l’exemple de l’entreprise :
Il est fréquent de s’entraider dans une équipe lorsqu’un collègue a besoin d’aide pour accomplir son travail.
Mais finalement, toutes les personnes qui travaillent dans l’entreprise ont le même objectif : soigner des patients, fournir du pain, véhiculer des gens…
Attention, ce n’est que le début ! L’entreprise a pour but de permettre au client de réaliser quelque chose de bon pour lui… En tant qu’employé de cette entreprise, on collabore à un projet du client. On a donc un intérêt commun, un bien commun, avec lui.
Les fournisseurs sont également dans notre cercle : ils nous aident à réaliser notre mission !
L’inspecteur du travail, les actionnaires et les autres partenaires sont également là pour s’assurer que l’action de l’entreprise soit réellement un bien pour la société, chacun avec leur apport particulier : la conformité à la loi, la bonne orientation des décisions principales, etc…
Enfin, soyons fous : on collabore également avec… nos concurrents ! Rien de pire qu’un monopole pour le client ! Le concurrent, par son existence, nous incite à être plus efficace, à chercher à mieux comprendre les besoins du client, à préserver son pouvoir d’achat, à le rendre plus satisfait. Les concurrents d’une entreprise et cette entreprise ont un objectif commun … ils construisent le même bien commun !
Les papes parlent de l’entreprise
En 1991, dans l'encyclique Centesimus Annus que Jean-Paul II a écrite pour fêter les cent ans de la Doctrine Sociale, ou plutôt de la première encyclique sociale Rerum Novarum, il disait :
« Le marché libre soit l'instrument le plus approprié pour répartir les ressources et répondre efficacement aux besoins » (Centesimus Annus, §34)
On entend parfois des entrepreneurs dire qu’ils sont heureux d’avoir de bons concurrents parce que ça les incite à bien faire ! J’aime vraiment voir la doctrine sociale comme un jaillissement d’amour, un débordement d’amour. On le voit bien ici avec l’entreprise, ça peut aller très loin… Le pape François nous-même nous y appelle dans son encyclique Fratelli Tutti sur la fraternité.
« Il est possible, en commençant par le bas et le niveau initial, de lutter pour ce qui est le plus concret et le plus local, jusqu’à atteindre les confins de la patrie et du monde. Les difficultés qui semblent énormes sont une opportunité pour grandir et non une excuse à une tristesse inerte qui favorise la soumission. » (Fratelli Tutti, §78)
Un monde où on aime ses concurrents, c’est trop beau pour être vrai ? Je crois que c’est quelque chose qui se tente.
Tous reliés
On peut se demander ce que l’Église a à dire de ces réalités économiques. Et pourtant, les papes et les conciles se sont exprimés sur toutes sortes de choses qui peuvent aider à collaborer au bien. En 2004, ces textes ont été classés et rassemblés dans un document appelé le Compendium de la doctrine sociale. On y découvre que
« …un vrai marché concurrentiel est un instrument efficace pour atteindre d'importants objectifs de justice: modérer les excès de profit des entreprises; répondre aux exigences des consommateurs ; réaliser une meilleure utilisation et une économie des ressources ; récompenser les efforts des entreprises et l'habileté d'innovation et faire circuler l'information de façon qu'il soit vraiment possible de confronter et d'acquérir les produits dans un contexte de saine concurrence. » (Compendium, §347)
Qu’on en soit déjà là ou pas, l’essentiel est de comprendre qu’au travail, nous sommes tous reliés, et que ce qui nous relie est le bien commun que nous recherchons tous ensemble. Aujourd’hui, plus rien ne se fait tout seul, et c’est toujours en groupe qu’on réalise notre travail. « Tous frères », nous dit le pape François !
Pour résumer, là, aujourd’hui, on peut chacun se demander où on en est… L’amour du collègue, ça marche, OK.. Mais l’amour des collègues d’autres services ? du client ? des fournisseurs ? des inspecteurs ? des concurrents ? Le premier échelon qui nous met en face d’un “eux” contre “nous” est celui sur lequel il nous faut travailler pour progresser vers un bien qui soit un peu plus commun ! Un collectif de travail, c’est un bateau à manœuvrer ensemble pour construire le bien commun… Tâchons donc d’utiliser tous les bras disponibles, même les plus inattendus !
Pour aller plus loin :
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Thomas Ailleret
Thomas Ailleret travaille dans l'industrie, en Vendée, d'où il est bien placé pour s'interroger sur la manière dont notre foi peut nous aider à vivre dans la société. Membre de la communauté de l'Emmanuel, il fait connaître la doctrine sociale de l’Église, par exemple en publiant : "Vivre en chrétien, quésaco ?" (Cerf, 2020).
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Lumen- Date d'inscription : 09/11/2021
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Re: Théodom : * Découvrons la Doctrine Sociale de l'Église *
La sainteté est elle allergique à l'argent ?
Bonjour à toutes et tous,
Jésus a souvent évoqué, avec ses contemporains, le sujet de l'usage de l'argent. Dans les actes des apôtres, la première communauté chrétienne mettait tout en commun. S'en inspirant, beaucoup de saints choisissent radicalement la pauvreté. Cela fait d'ailleurs partie des voeux religieux. Si l'argent n'a pas d'odeur, est-il toujours anti-évangélique ?
Dans cette vidéo, sœur Christine Gautier, moniale dominicaine à Dax, n'hésite pas à bousculer nos principes. L'argent peut se mettre au service de l'amour. Jésus le traduit en récit dans la parabole du Bon Samaritain.
10. La sainteté, allergique à l’argent ?
« Tous les croyants ensemble mettaient tout en commun ; ils vendaient leurs propriétés et leurs biens et en partageaient le prix entre tous selon les besoins de chacun » (Actes 4, 44-45)
Les premières communautés chrétiennes ont mis la barre un peu haute, mais ce n’est pas un peu utopique ? Ou communiste ? Soyons un peu plus réalistes mais demandons-nous si c’est possible, aujourd’hui, d’avoir des biens et de vivre aussi de partage et de gratuité ?
L’argent est nécessaire pour vivre et ce thème revient d’ailleurs souvent dans l’Évangile. Par exemple Jésus nous met en garde en ce qui concerne l’argent et les richesses.
Vous ne l’emporterez pas au paradis
Première mise en garde : nous n’emporterons pas nos biens dans la tombe. Ainsi Jésus interpelle l’homme riche qui ne sachant que faire des produits de ses récoltes, se construit des greniers toujours plus grands :
« Insensé, cette nuit même on va te redemander ton âme. Et ce que tu as amassé, qui l’aura ? Ainsi en est-il de celui qui thésaurise pour lui-même, au lieu de s’enrichir en vue de Dieu. » (Luc 12, 20-21)
Donc l’accumulation pour soi est insensée car la vie terrestre n’est pas le tout de la vie, nous sommes faits pour un au-delà où tout est gratuit car son unique valeur est l’amour. Si nous nous fermons à l’amour comme le riche de la parabole qui ignorait le pauvre Lazare mendiant à sa porte, nous pouvons être exclus du Royaume (Luc 16, 19-31).
Les marchands du Temple
Deuxième mise en garde : il ne faut pas mêler la religion et l’argent, faire un commerce de la religion. C’est le sens de l’altercation de Jésus avec les vendeurs du temple quand il leur reproche d’avoir fait de la maison de son Père une maison de commerce (Jean 2, 16). Les dons de Dieu sont gratuits, on n’achète pas Dieu, ni ses dons, ni son pardon, c’est GRATIS ! Dieu est donc mis à part de tous nos systèmes d’échanges monétaires et en cela il a une exclusivité. En conséquence, à nous de choisir notre maître : soit Dieu, soit l’argent, mais on ne peut servir deux maîtres.
Rendez à César ce qui est à César
Troisième recommandation : ne pas fuir nos responsabilités civiles. Quand Jésus dit : « rendez à César ce qui est à César » (Luc 20, 25), il souligne l’autonomie du pouvoir (représenté par l’effigie de César figurant sur la pièce), autonomie par rapport à Dieu. Mais choisir de servir Dieu ne nous place pas au-dessus de l’organisation concrète de la société et ne nous dédouane pas de payer nos impôts.
Ayant écarté ces usages erronés de l’argent, il reste le bon usage. Et là aussi l’Évangile nous donne quelques pistes.
Faire fructifier ses talents
Tout d’abord, faire fructifier l’argent reçu, c’est la parabole des talents (Matthieu 25, 14-30). Précisons qu’un talent vaut 6.000 deniers soit l’équivalent du salaire quotidien pour 600.000 journées de travail agricole. Colossal ! Mais c’est le propre de la parabole d’exagérer. Cette pointe attire notre regard sur le message que Jésus veut faire passer. Tout d’abord le don est énorme, il dépasse tout calcul humain de possibles revenus du travail. Et pourtant, ce don énorme ne fructifie pas sans notre collaboration. Puisque Dieu a confiance en nous, répondons en confiance !
Le bon Samaritain
Deuxième bonne pratique : être guidé par la solidarité, le sens du partage, la miséricorde envers ceux qui sont dans le besoin, puisque toute richesse est un don et les biens de la terre sont pour tous. Dans ce domaine, la quantité importe moins que l’intention et l’intensité d’amour dans le partage. Vous connaissez l’histoire du Bon Samaritain qui partage son temps et deux deniers pour qu’un inconnu tabassé puisse être soigné. C’est peu, mais suffisant pour que l’homme se relève de l’agression et vive.
L’argent au service de l’amour.
VOIX OFF : Et alors, que faire aujourd’hui, alors que l’économie est plus complexe que jamais, pour que l’argent soit au service de l’amour ?
L’argent, au temps de Jésus comme de nos jours, est une valeur conventionnelle qui nous permet d’échanger des biens et des services. Si l’on parle d’échange, on indique d’emblée des relations, des réseaux d’échange où est en jeu la justice. Mais quel système peut garantir la justice dans les échanges ?
Le Pape Benoît XVI a abordé ces questions en pleine crise financière mondiale dans son encyclique Caritas in Veritate (L’amour dans la Vérité), du 19 juin 2009. Cette lettre aurait dû être publiée en 2007 pour célébrer les 40 ans d’une lettre précédente de Paul VI Populorum Progressio (Le progrès des peuples) mais la complexité de la crise de 2008 a requis des approfondissements et du temps de recul. Le thème central de la lettre de Benoît XVI, comme de celle de Paul VI, est le progrès. Mais celui-ci ne peut se réduire à des taux de croissance du PIB, la crise financière systémique qui a plongé le monde dans la récession, donnait d’ailleurs raison au Pape.
Pour Paul VI, en 1967, il n’y a de réel développement que s’il regarde tout homme et tout l’homme : c’est ce qu’on appelle le développement intégral. Développement de tout homme car « toute vie est vocation » que l’on soit femme ou homme, riche ou pauvre… et développement de tout l’homme, on n’a pas que des besoins économiques, mais notre développement inclut d’autres dimensions humaines comme l’éducation, la culture, la spiritualité… Benoît XVI reprend cette approche en affirmant que le moteur d’un tel développement n’est pas premièrement l’argent mais l’amour dans la vérité, et son origine est en Dieu. L’homme a toujours ce désir d’amour et de vérité en lui, c’est une vocation qui lui vient de Dieu et le pousse à agir pour l’amour et la vérité.
L’économie de la gratuité
VOIX OFF : Et alors on peut injecter dans l’économie de l’amour ? Du don ? de la gratuité ?
Le marché peut parfois être injuste, donner lieu à de la spéculation qui fait monter artificiellement les prix. L’argent et la production de richesses sont bons en vue d’améliorer notre qualité de vie, si l’on n’oublie pas la visée de bien commun, qui est le bien de tous. L’État peut chercher à garantir ce bien commun. Par exemple, il peut être amené à réguler les prix, fixer un salaire minimum, ou avoir une politique de redistribution pour rétablir la justice.
Mais cela ne suffira jamais à résoudre toutes les injustices et on ne peut déléguer la solidarité uniquement à l’État. Si l’on revient à la source de toute richesse qui est Dieu, si l’on se rappelle que tout est donné, alors pour vivre pleinement notre humanité selon le plan de Dieu, il faut en fait intégrer de la gratuité, du don, de la non-réciprocité, ce que le marché ne peut pas comprendre.
Pour cette raison, à côté du marché et de l’État, il faut penser la société civile (c’est-à-dire les corps intermédiaires entre l’État et le marché, par exemple les associations en tout genre, à but lucratif ou non). Pour Jean Paul II la société civile est « le cadre le plus approprié pour une économie de la gratuité et de la fraternité » (Centesimus Annus, §35). Benoît XVI a voulu remettre ce principe de gratuité au centre de l’économie :
À l’époque de la mondialisation, l’activité économique ne peut faire abstraction de la gratuité, qui répand et alimente la solidarité et la responsabilité pour la justice et pour le bien commun auprès de ses différents sujets et acteurs. (Caritas in Veritate, §38)
Voici donc un principe qui aide le chrétien à bien utiliser son argent : introduire de la gratuité. Ainsi, il manifeste la présence de Dieu, son amour, au cœur des échanges économiques.
Notre trésor est plus que notre argent : c’est tout le bien que nous pouvons faire avec cet argent en le gérant bien dans le souci de tous.
sœur Christine Gautier
En 2022, sœur Christine Gautier est moniale contemplative au monastère de Dax. Elle a enseigné la théologie à Rome, à l'Université Pontificale Saint Thomas d'Aquin. Sa thèse avait été remarquée et a reçu le prestigieux prix Henri de Lubac, en 2016 : Collaborateurs de Dieu, Providence et travail humain chez saint Thomas d'Aquin (Cerf, 2015)
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Re: Théodom : * Découvrons la Doctrine Sociale de l'Église *
Pour une finance responsable
Bonjour à toutes et tous,
Comme chrétien et comme épargnant, que puis-je faire avec mon argent ? Est-ce que je vais financer des oeuvres de mort ou de vie ? Vais-je rechercher le seul profit ou un tout petit peu améliorer le monde avec mes économies ?
Voilà des sujets bien concrets ! Le pape lui-même incite les financiers à être toujours plus responsables et l’Église catholique en France a beaucoup réfléchi à l'utilisation de l'épargne.
Dans cette vidéo, frère Pierre Januard, enseignant et chercheur en théologie et en économie, nous introduit à la finance solidaire.
11. Une finance responsable ?
On peut tous changer le monde avec notre argent, qu’on en ait beaucoup ou qu’on n’en ait pas beaucoup. Quand on achète ou quand on met de côté, notre argent travaille à des choses différentes ! Alors, à mon niveau personnel, comme chrétien et comme épargnant, que puis-je faire avec mon argent ?
Comme le dit Jean Paul II dans l’encyclique Centesimus Annus :
« Il est “nécessaire de s'employer à modeler un style de vie dans lequel les éléments qui déterminent les choix de consommation, d'épargne et d'investissement soient la recherche du vrai, du beau et du bon, ainsi que la communion avec les autres hommes pour une croissance commune. » (Centesimus Annus, §36)
La naissance de la finance solidaire
Et concrètement ? Dans plusieurs pays comme la France, ce sont les communautés religieuses et les associations catholiques qui, dans les années 1980, ont jeté les bases de la finance responsable en demandant à des sociétés financières de leur proposer des placements plus éthiques.
Peu à peu, ce qu'on appelle aujourd'hui l'Investissement socialement responsable (ISR), sous toutes ses formes, s'est développé pour permettre à tous ceux qui détiennent des économies de les placer avec un souci le plus éthique possible.
Si aujourd'hui vous allez voir votre banquier, il est fort probable qu'il vous propose différents types de placements plus ou moins éthiques ou responsables… Mais comment savoir ce qui est vraiment éthique et ce qui n’est qu’une opération commerciale ?
Les lebels d’investissement socialement responsables
Voix off : Déjà, c’est quoi l’investissement socialement responsable ?
Cela consiste à proposer des placements de gestion collective comme des SICAV ou des fonds communs de placement qui investissent dans des grandes entreprises cotées en bourse qui se comportent bien au plan de l'environnement, de leur politique sociale et de la gouvernance. Chaque banque, chaque société de gestion qui propose ce type de placement va appliquer ses propres critères d'analyse et sa propre méthodologie, pour noter ces entreprises. Elle peut recourir aussi à des agences de notation extra-financière extérieures qui vont évaluer les bonnes pratiques de ces entreprises.
Voix off : Et il n’y a pas de labels, comme pour le café ?
Pour aider à s'y retrouver, plusieurs pays, comme la France, ont mis en place différents types de labels. Il existe un label mis en place par l’État pour vérifier que les placements sélectionnent vraiment les entreprises dans lesquelles ils investissent et que cette sélection exerce un impact positif sur l'économie. Autrement dit, il faut que les entreprises sélectionnées dans ces placements fassent plutôt mieux que les autres en matière d’environnement, de social et de gouvernance. Ce label atteste aussi que les sociétés de gestion communiquent sérieusement auprès de leurs clients sur la qualité réelle de ces placements. C’est le label ISR, investissement socialement responsable.
Vous trouverez aussi d'autres labels plus spécialisés. Il existe un label qui assure que le placement investit en majorité dans des entreprises engagées dans la transition écologique et énergétique. C’est le label Greenfin pour « finance verte ».
Voix off : Et ces labels, ils sont suffisants pour les chrétiens ?
Bien entendu aucun label n'est parfait… Comme dans nos pays, les repères éthiques peuvent varier selon les obédiences philosophiques ou religieuses, ces labels ne s'engagent pas aussi loin que nous pourrions le souhaiter sur ce qui fait le propre de la doctrine sociale de l'Église. Ils en restent souvent à un consensus éthique assez large. Mais ces labels ont au moins le mérite d'exister. Ils constituent pourrions-nous dire un premier filtre.
L’économie sociale et solidaire
Voix off : Alors il y une autre solution pour placer son argent ?
Dans l'univers de la finance éthique, il existe aussi un autre type de placement qui est l'investissement solidaire. Cela consiste à investir dans des entreprises de l'économie sociale et solidaire. Cela permet de soutenir des entreprises solidaires qui font par exemple du microcrédit dans les pays en développement, ou qui aident au retour à l'emploi, ou qui développent l'habitat pour les personnes défavorisées. On peut noter que les entreprises solidaires les plus solides, qui sont le plus souvent retenues dans ces fonds, sont souvent des entreprises d'inspiration catholique ou même parfois qui émanent directement d'une institution catholique comme c'est le cas pour la Sidi qui fait du microcrédit, et qui dépend du CCFD Terre-solidaire qui est l’organisme de l’Église catholique de France qui œuvre pour le développement international.
La France fait figure de pionnière à travers un modèle particulier : vous investissez dans un placement constitué à 90% d'entreprises cotées classiques et à 10% d'entreprises solidaires. C’est ce qu'on appelle les « fonds solidaires ou 90/10 », que beaucoup d'épargnants d'autres pays nous envient. Grâce à l'épargne salariale et désormais à l'assurance-vie, dans lesquelles ces placements sont largement proposés, ces fonds se développent beaucoup. Pour ces placements solidaires il existe également un label mis en œuvre par l'association Finansol.
Toujours plus… responsable
Voix off : On y est alors, on a trouvé la finance qu’il nous faut comme chrétien ?
Non, les derniers textes du Vatican comme le texte « Questions économiques et financières » de 2018 nous invitent à voir plus loin. Lorsque nous plaçons notre argent, nous rémunérons les professionnels par lesquels nous passons. Jusqu'à présent, la finance éthique consistait à regarder ce dans quoi nous investissions. La nouvelle étape, encore en chantier, consiste à regarder qui nous rémunérons à travers tous les frais de gestion. Est-ce que la société financière à laquelle je m'adresse a de bonnes pratiques comme entreprise en matière d'environnement, de vie sociale ou de gouvernance ? Est-ce que les techniques financières de gestion sont au service du bien commun et du développement économique ? Par exemple, est-ce que les fonds investissent à long terme dans les entreprises ou est-ce qu'ils font de la spéculation à très court terme ? Il est donc important de se renseigner sur la réputation et sur les pratiques des sociétés de gestion ou des banques auxquelles je m'adresse.
Pour conclure il n'y a sans doute pas de placement parfait mais il existe aujourd'hui de nombreuses manières pour essayer de promouvoir par mes économies l'enseignement social de l'Église. Que vous épargniez peu ou beaucoup, regardez dans quoi vous investissez et qui vous rémunérez ! Alors vous serez heureux d'avoir apporté votre pierre à la promotion d'un monde plus juste, plus respectueux des hommes et des femmes et de la planète.
frère Pierre Januard
Frère Pierre Januard est enseignant et chercheur en théologie et en économie et directeur de la recherche chez un conseiller en investissement financier spécialisé en finance éthique. Il a publié sur la perception des risques économiques et financiers au Moyen Age : "Analysis risk and commercial risk: the first treatment of usury in Thomas Aquinas’s Commentary on the Sentences" (dans The European Journal of the History of Economic Thought, 2021) et "Risks on trade: The activity of the merchant in Thomas Aquinas’s Commentary on the Sentences" (dans History of Economic Ideas, 2022).
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