LA PRIÈRE – L`Enseignement catholique du 19 ème siècle
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LA PRIÈRE – L`Enseignement catholique du 19 ème siècle
LA PRIÈRE
Après Pâques
Par M. l'abbé GAUREL.
Demandez, et vous recevrez. ( St-JEAN, 16).
Mes frères, Dimanche dernier, en étudiant ce que c'est que Dieu, nous avons vu qu'un de ses principaux attributs est la bonté . Dieu est bon , il est libéral, il est magnifique, il est la source de tout bien , et cette source ne demande qu'à s’épancher sur les créatures. C`est la prière qui ouvre le canal de cette source et en fait couler les eaux. Demandez nous dit Jésus-Christ dans l'Évangile, demandez et vous recevrez. Telle est la bonté de Dieu envers sa créature : il n'attend qu'un mot d'elle pour la combler de ses biens. Et ne croyez pas qu'il se borne à lui accorder sa demande; sa largesse va bien au delà.
Le roi Salomon ( roi d`Israel vers 900 Av J.C.) demande la sagesse, et Dieu lui accorde, en outre, tous les avantages de ce monde. Le serviteur de l'Évangile demande un délai pour le paiement de sa dette , et son maître qui tient, en cet endroit, la place de Jésus - Christ, ne se contente pas de lui accorder un délai ; il lui remet la dette elle-même. Mais, Chrétiens, Chrétiennes, puisque tel est le coeur libéral de Dieu, comment nous arrive- t- il si souvent de ne pas être exaucés ? L'apôtre saint Jacques nous le fait comprendre par ces paroles : «Vous demandez et vous ne recevez point, parce que vous demandez mal.» (Jacques 4,3). Si donc nos prières sont si souvent sans effet, ce n'est pas Dieu qu'il faut en accuser, mais nous -mêmes. La prière, j'entends celle qui mérite ce nom, à une puissance irrésistible sur le cœur de Dieu. Si vous, qui êtes méchants, nous dit- il dans l'Évangile, vous ne savez pas vous refuser aux prières de vos enfants, combien , à plus forte raison , votre Père qui est dans les cieux, accordera - t - il leurs demandes à ceux qui l'implorent!
Encore une fois , c'est donc nous-mêmes qu'il faut accuser . Un auteur de l'antiquité, parlant des prières, les appelle boiteuses : les nôtres ne méritent-elles pas ce nom ? Elles ne le méritent que trop, et c'est de là que viennent notre peu de progrès dans la vertu , nos défaillances si nombreuses, notre pauvreté et notre indigence spirituelle. Si tant de prières que nous avons faites dans notre vie avaient été animées de ces sentiments chrétiens qui font d'elles comme des flèches qui vont au coeur de Dieu , que nous serions riches à cette heure! Tâchons aujourd'hui de porter remède au mal, en nous pénétrant bien de l'excellence de la prière et des conditions auxquelles Dieu l'écoute et l'exauce .
I. L'excellence de la prière peut se déduire de ces deux pensées principales : elle élève l'homme dans le sein de Dieu, elle rend Dieu obéissant à l'homme . Il suit de là , que pour nous faire une juste idée de l'excellence de la prière, il faudrait nous faire une idée de la grandeur de Dieu même. La prière est un entretien de l'âme avec lui, dans lequel, introduite, pour ainsi dire, dans le sanctuaire, elle reconnaît son souverain empire et son propre néant. Quelle fonction sublime ! Rappelons à notre esprit tout ce que la raison et la foi nous enseignent de ce grand Dieu . Il est l'être souverain ; principe, fin et milieu, il est l'éternelle cause de tous les êtres, et lui même n'est causé par rien : il tire sa vie de lui-même, éternellement heureux parce qu'il est éternellement parfait. Auteur du monde, qui n'est qu'un jeu de sa puissance, il le soutient par sa force, il le gouverne par sa sagesse , c'est - à -dire par des lois harmonieuses qui ne sont que sa volonté même. Il parle, et à sa parole, pour me servir des expressions de l'Écriture, le ciel fuit, la terre tremble . Devant ses yeux , l'univers tout entier, l'univers qui nous paraît- infini par sa grandeur, n'est qu'un grain de sable, ou plutôt il n'est pas! Voilà, l'Être ineffable avec lequel l'âme s'entretient dans la prière. Peut-on se figurer, je le répète, une fonction plus auguste et plus sainte ?
C'est dans la prière que, pénétrée d'une lumière céleste, elle aime à contempler le néant du monde et le sien propre pour relever d'autant la grandeur de -celui qu'elle adore . C'est dans la prière que, ravie de ses perfections, elle invite toutes les créatures, depuis la plus petite jusqu'à la plus haute, depuis le brin d'herbe jusqu'au séraphin (un ange des haute hiérarchies) , à louer, à exalter sa grandeur, sa puissance, son infinité ! C'est dans la prière que, se souvenant des bienfaits de Dieu et de ses propres besoins sans cesse renaissants, elle le remercie des bienfaits d'hier et lui demande ceux de demain . Vous le voyez, Chrétiens, Chrétiennes, la prière élève l'homme jusqu'au trône de Dieu . J'avais ajouté, pour relever son excellence , qu'elle rend Dieu obéissant à l'homme. Saint Bernard se sert d'une expression beaucoup plus énergique : «La prière, dit-il, vainc l'invincible , surmonte l'insurmontable.» ( Lib . 3. de Conf. )
Par les charmes innocents de la prière, Daniel fait oublier aux lions leur férocité ; les enfants dans la fournaise font perdre au feu son activité. Paul est converti par la toute -puissance de la prière d'Étienne. Le larron (le voleur qui regrette et reconnaît ses crimes), sur la croix, adresse un mot de prières au Sauveur, et la promesse du ciel en devient le prix . Un pécheur, armé de la prière, désarme le Tout-Puissant ; il lui arrache, pour ainsi dire, la foudre des mains. Que de déterminations de Dieu, cachées aux hommes, qui n'ont pas d'autre cause que la prière d'une pauvre âme faite dans quelque lieu désert! Le soupir d'une pauvre femme peut agiter tout l'océan des choses humaines. Telle est l'excellence de la prière. Deux sortes de personnes paraissent la méconnaître : celles qui ne prient point, celles qui prient mal. Il faut bien l'avouer, il est des hommes chrétiens, ou du moins portant ce nom , qui ne pouvant ignorer la grandeur, la puissance, l'infinité de l'Être suprême, passent les jours, les mois, les années, quelquefois la vie entière sans le prier.
Ils sont sans Dieu dans ce monde, selon la parole de saint Paul (Éphésiens 2) . S'ils y sont, cependant, c'est par sa puissance, s'ils y vivent, c'est de ses bienfaits ; tout ce qu'ils possèdent : avantages de la nature, biens de la fortune, sont autant de présents de sa main libérale. Ils l'ignorent, et ne veulent pas le savoir : ils sont sans Dieu dans ce monde. Ils ont des amis qu'ils entretiennent, des protecteurs qu'ils cultivent, des grands qu'ils honorent, des puissants qu'ils respectent, mais ils n'ont point de Dieu. Or, pensez- vous qu'ils soient en petit nombre, ces hommes moins ingrats encore qu'aveugles? Aujourd'hui, surtout dans les très -grandes villes, on les compte par milliers. De sorte que Dieu semble chassé de ce monde. Le plaisir, la spéculation, les richesses, les cours de la bourse ont usurpé ses autels !
Détournons les yeux de ce spectacle de douleur, pour nous occuper de ces âmes plus heureuses qui prient, mais dont la prière manque de certaines conditions qui la rendent agréable et acceptable à Dieu . La première condition imposée à celui qui prie, s'il veut que Dieu l'exauce s`est, avant sa prières de détacher généralement son coeur de tout mal. Dieu écoute le pécheur tout comme le juste , mais il n'écouterait pas le pécheur, qui voudrait demeurer pécheur. Prier Dieu, et garder en même temps l'amour et le désir du péché dans son cœur c`est parler, à Dieu pour ne lui rien dire, c'est un simple mouvement de la langue et des lèvres , sinon unę hypocrisie. Il est nécessaire que la prière soit pure elle ne le serait point, partant d'un coeur ainsi disposé.
Prenons pour exemple un , pécheur décidé à rester dans ses péchés, et dans cette disposition récitant le Notre Père , comme vous le savez, la reine des prières, l’abrégé merveilleux de tous les droits de Dieu et de tous les besoins de l'homme. Comment peut-il appeler, Dieu mon Père, n'ayant pas pour lui l`âme d’un fils ? Que signifie ce mot : Que votre nom , soit sanctifié, lorsque ce nom , il le blasphème, sinon par ses paroles, du moins par ses actes? Il demande que son règne arrive, et que sa volonté soit faite, lorsque lui-même n'est pas le sujet de Dieu, et qu'en fait de volonté il prétend ne suivre que la sienne ? Il demande, le pain de chaque jour, lorsqu'il ne convoite que richesses, lorsqu'il porte peut-être la dureté jusqu'à refuser de donner la charité pour les pauvres ? Tout le reste de cette divine prière, le condamne également. Il demande à Dieu de lui pardonner comme il pardonne lui-même, et il ne pardonne point, la haine de son concurrent ou de son ennemi est au fond de son coeur. Il demande à Dieu , de ne pas succomber à la tentation , et cette tentation , il la cherche lui-même, il la poursuit, pour ainsi dires en s'engageant dans une foule d'occasions d'où elle sort comme de sa source.
Comment, Chrétiens, Chrétiennes une telle prière serait- elle agréée de Dieu ? Elle ne part pas d'une intention droite. Elle ne part, pas, d’un cœur pur,! Le pieux roi David désirait que sa prière s’élevât vers Dieu, comme la fumés odorante de l'encens. Notre prière montera comme un arôme précieux vers le ciel, lorsque, avant de la faire, nous nous détacherons du péché, qui nous fait les ennemis de Dieu , pour nous tourner du côté de la vertu , qui nous fait ses amis. (Allons en Confession de nos péchés)
Une seconde condition de la prière, c'est d'être faite avec attention de l`esprit, avec affection de la volonté ; attention, et affection que saint Thomas d`Aquin appelle l'âme de la prière, et sans quoi elle ne peut pas plus subsister que le corps sans l'esprit qui l'anime. N`avons nous pas dit que, la prière est un entretien que nous avons avec Dieu? Si, donc, au moment où je traite avec Dieu, mon esprit s`égare jusqu'à perdre volontairement cette attention intérieure, alors ma prière est faible. Ce ne sont pas des paroles, que Dieu demande, mais la bonté du cœur.
Des mots distraits, ce ce n'est pas sans raisons que Dieu rejette de telles prières, puisque par cette manière de prier nous l'offensons. Nous disons à Dieu comme le prophète : «prêtez l`oreille à nos paroles.» «Seigneur, écoutez.» «Seigneur, soyez attentif à la voix de ma prière.» et en même même temps nous portons notre esprit ailleurs: nous demandons que Dieu nous parle, et nous ne lui parlons pas ; nous demandons que Dieu nous écoute, et nous même n`écoutons pas, nous- mêmes, nous ne comprenons pas bien souvent, ce que nous disons. C'est ainsi que des chrétiens prient! Faut- il s'étonner après cela , je le répète encore, que tant de prières demeurent sans effet ? «Vous demandez et vous ne recevez point, nous dit l'apôtre saint-Jacques, parce que vous demandez mal» (Jacques 4,3).
Ce que je blâme, ce sont ces chrétiens dont parle saint Chrysostome ( Hom. in Matth . 16) , qui fléchissent le genou et laissent leur esprit errer librement, qui prononcent des mots de religion , tout en s'occupant dans leur coeur des paroles de leurs amis, du travail, du visage des femmes. Voilà ce qu'il faut blâmer et, surtout, ce qu'il faut éviter.
- La troisième condition d'une prière chrétienne , c'est de ne demander à Dieu que des choses qui nous soient bonnes . --Il y'a Chrétiens, Chrétiennes, deux sortes de biens : les biens spirituels, et les biens matériels; et les deux sortes de biens sont nécessaires à l'homme, à cause de sa double nature. Il faut bien se garder de les mettre sur le même pied. Autant l'âme surpasse le corps, autant les biens spirituels sont au - dessus des biens terrestres: Puisque ces biens différent entreux , ils doivent aussi différer dans l’estime que nous en faisons . «Cherchez d'abord, nous dit le divin Maître, le royaume de Dieu et sa justice.» Il nous a dit d'abord, pour montrer qu'il ne condamne pas les autres biens, mais qu'ils ne doivent venir qu'en leur rang. Ainsi donc, il nous est permis dans nos prières; de nous occuper du corps et de ses divers besoins, mais ce qui doit nous y occuper surtout et avant tout, est notre âme.
Nous ne devons demander les biens du corps que tout autant qu'ils peuvent être utiles au salut de l'âme qui lui est unie. Pour prendre des exemples : la santé est fort utile et presque indispensable à l'accomplissement d'une foule de devoirs ; les richesses peuvent être employées aux œuvres de la charité. C'est cette vérité que Jésus-Christ voulait nous faire entendre, lorsqu'il disait : «Tout ce que vous demanderez à mon père en mon nom, il vous le donnera.» Ce ne serait pas demander au nom de Jésus-Christ que de ne demander la santé que pour être en joie et péchés, les richesses que pour la vaine satisfaction des plaisirs et sans charité. Les païens et les publicains en font tout autant. Souvenons-nous, que nous sommes chrétiens, que nos demandes doivent être faites au nom de Jésus -Christ, et que par conséquent notre devoir est de faire passer avant tout le reste les biens qu'ils nous a mérités par son sang : je veux dire la vertu et la vie éternelle qui en est le prix .
Tout ce que je viens de dire serait inutile , si Jésus- Christ lui-même ne nous enseignait à prier. Demandons- le - lui, comme les apôtres! Comment comprendrions -nous l'excellence de la prière, comprenant si peu notre misère et la grandeur de Dieu ! Comment pourrions nous nous recueillir, sujets, comme nous le sommes, à toutes les impressions du dehors ! Comment pourrions- nous soupirer après les biens invisibles , au milieu de ces biens visibles dont l'appât nous tente sans cesse ! Jésus-Christ seul peut faire ce miracle. Demandons-le - lui. Seigneur, enseignez-nous à prier : Ainsi soit- il.
Après Pâques
Par M. l'abbé GAUREL.
Demandez, et vous recevrez. ( St-JEAN, 16).
Mes frères, Dimanche dernier, en étudiant ce que c'est que Dieu, nous avons vu qu'un de ses principaux attributs est la bonté . Dieu est bon , il est libéral, il est magnifique, il est la source de tout bien , et cette source ne demande qu'à s’épancher sur les créatures. C`est la prière qui ouvre le canal de cette source et en fait couler les eaux. Demandez nous dit Jésus-Christ dans l'Évangile, demandez et vous recevrez. Telle est la bonté de Dieu envers sa créature : il n'attend qu'un mot d'elle pour la combler de ses biens. Et ne croyez pas qu'il se borne à lui accorder sa demande; sa largesse va bien au delà.
Le roi Salomon ( roi d`Israel vers 900 Av J.C.) demande la sagesse, et Dieu lui accorde, en outre, tous les avantages de ce monde. Le serviteur de l'Évangile demande un délai pour le paiement de sa dette , et son maître qui tient, en cet endroit, la place de Jésus - Christ, ne se contente pas de lui accorder un délai ; il lui remet la dette elle-même. Mais, Chrétiens, Chrétiennes, puisque tel est le coeur libéral de Dieu, comment nous arrive- t- il si souvent de ne pas être exaucés ? L'apôtre saint Jacques nous le fait comprendre par ces paroles : «Vous demandez et vous ne recevez point, parce que vous demandez mal.» (Jacques 4,3). Si donc nos prières sont si souvent sans effet, ce n'est pas Dieu qu'il faut en accuser, mais nous -mêmes. La prière, j'entends celle qui mérite ce nom, à une puissance irrésistible sur le cœur de Dieu. Si vous, qui êtes méchants, nous dit- il dans l'Évangile, vous ne savez pas vous refuser aux prières de vos enfants, combien , à plus forte raison , votre Père qui est dans les cieux, accordera - t - il leurs demandes à ceux qui l'implorent!
Encore une fois , c'est donc nous-mêmes qu'il faut accuser . Un auteur de l'antiquité, parlant des prières, les appelle boiteuses : les nôtres ne méritent-elles pas ce nom ? Elles ne le méritent que trop, et c'est de là que viennent notre peu de progrès dans la vertu , nos défaillances si nombreuses, notre pauvreté et notre indigence spirituelle. Si tant de prières que nous avons faites dans notre vie avaient été animées de ces sentiments chrétiens qui font d'elles comme des flèches qui vont au coeur de Dieu , que nous serions riches à cette heure! Tâchons aujourd'hui de porter remède au mal, en nous pénétrant bien de l'excellence de la prière et des conditions auxquelles Dieu l'écoute et l'exauce .
I. L'excellence de la prière peut se déduire de ces deux pensées principales : elle élève l'homme dans le sein de Dieu, elle rend Dieu obéissant à l'homme . Il suit de là , que pour nous faire une juste idée de l'excellence de la prière, il faudrait nous faire une idée de la grandeur de Dieu même. La prière est un entretien de l'âme avec lui, dans lequel, introduite, pour ainsi dire, dans le sanctuaire, elle reconnaît son souverain empire et son propre néant. Quelle fonction sublime ! Rappelons à notre esprit tout ce que la raison et la foi nous enseignent de ce grand Dieu . Il est l'être souverain ; principe, fin et milieu, il est l'éternelle cause de tous les êtres, et lui même n'est causé par rien : il tire sa vie de lui-même, éternellement heureux parce qu'il est éternellement parfait. Auteur du monde, qui n'est qu'un jeu de sa puissance, il le soutient par sa force, il le gouverne par sa sagesse , c'est - à -dire par des lois harmonieuses qui ne sont que sa volonté même. Il parle, et à sa parole, pour me servir des expressions de l'Écriture, le ciel fuit, la terre tremble . Devant ses yeux , l'univers tout entier, l'univers qui nous paraît- infini par sa grandeur, n'est qu'un grain de sable, ou plutôt il n'est pas! Voilà, l'Être ineffable avec lequel l'âme s'entretient dans la prière. Peut-on se figurer, je le répète, une fonction plus auguste et plus sainte ?
C'est dans la prière que, pénétrée d'une lumière céleste, elle aime à contempler le néant du monde et le sien propre pour relever d'autant la grandeur de -celui qu'elle adore . C'est dans la prière que, ravie de ses perfections, elle invite toutes les créatures, depuis la plus petite jusqu'à la plus haute, depuis le brin d'herbe jusqu'au séraphin (un ange des haute hiérarchies) , à louer, à exalter sa grandeur, sa puissance, son infinité ! C'est dans la prière que, se souvenant des bienfaits de Dieu et de ses propres besoins sans cesse renaissants, elle le remercie des bienfaits d'hier et lui demande ceux de demain . Vous le voyez, Chrétiens, Chrétiennes, la prière élève l'homme jusqu'au trône de Dieu . J'avais ajouté, pour relever son excellence , qu'elle rend Dieu obéissant à l'homme. Saint Bernard se sert d'une expression beaucoup plus énergique : «La prière, dit-il, vainc l'invincible , surmonte l'insurmontable.» ( Lib . 3. de Conf. )
Par les charmes innocents de la prière, Daniel fait oublier aux lions leur férocité ; les enfants dans la fournaise font perdre au feu son activité. Paul est converti par la toute -puissance de la prière d'Étienne. Le larron (le voleur qui regrette et reconnaît ses crimes), sur la croix, adresse un mot de prières au Sauveur, et la promesse du ciel en devient le prix . Un pécheur, armé de la prière, désarme le Tout-Puissant ; il lui arrache, pour ainsi dire, la foudre des mains. Que de déterminations de Dieu, cachées aux hommes, qui n'ont pas d'autre cause que la prière d'une pauvre âme faite dans quelque lieu désert! Le soupir d'une pauvre femme peut agiter tout l'océan des choses humaines. Telle est l'excellence de la prière. Deux sortes de personnes paraissent la méconnaître : celles qui ne prient point, celles qui prient mal. Il faut bien l'avouer, il est des hommes chrétiens, ou du moins portant ce nom , qui ne pouvant ignorer la grandeur, la puissance, l'infinité de l'Être suprême, passent les jours, les mois, les années, quelquefois la vie entière sans le prier.
Ils sont sans Dieu dans ce monde, selon la parole de saint Paul (Éphésiens 2) . S'ils y sont, cependant, c'est par sa puissance, s'ils y vivent, c'est de ses bienfaits ; tout ce qu'ils possèdent : avantages de la nature, biens de la fortune, sont autant de présents de sa main libérale. Ils l'ignorent, et ne veulent pas le savoir : ils sont sans Dieu dans ce monde. Ils ont des amis qu'ils entretiennent, des protecteurs qu'ils cultivent, des grands qu'ils honorent, des puissants qu'ils respectent, mais ils n'ont point de Dieu. Or, pensez- vous qu'ils soient en petit nombre, ces hommes moins ingrats encore qu'aveugles? Aujourd'hui, surtout dans les très -grandes villes, on les compte par milliers. De sorte que Dieu semble chassé de ce monde. Le plaisir, la spéculation, les richesses, les cours de la bourse ont usurpé ses autels !
Détournons les yeux de ce spectacle de douleur, pour nous occuper de ces âmes plus heureuses qui prient, mais dont la prière manque de certaines conditions qui la rendent agréable et acceptable à Dieu . La première condition imposée à celui qui prie, s'il veut que Dieu l'exauce s`est, avant sa prières de détacher généralement son coeur de tout mal. Dieu écoute le pécheur tout comme le juste , mais il n'écouterait pas le pécheur, qui voudrait demeurer pécheur. Prier Dieu, et garder en même temps l'amour et le désir du péché dans son cœur c`est parler, à Dieu pour ne lui rien dire, c'est un simple mouvement de la langue et des lèvres , sinon unę hypocrisie. Il est nécessaire que la prière soit pure elle ne le serait point, partant d'un coeur ainsi disposé.
Prenons pour exemple un , pécheur décidé à rester dans ses péchés, et dans cette disposition récitant le Notre Père , comme vous le savez, la reine des prières, l’abrégé merveilleux de tous les droits de Dieu et de tous les besoins de l'homme. Comment peut-il appeler, Dieu mon Père, n'ayant pas pour lui l`âme d’un fils ? Que signifie ce mot : Que votre nom , soit sanctifié, lorsque ce nom , il le blasphème, sinon par ses paroles, du moins par ses actes? Il demande que son règne arrive, et que sa volonté soit faite, lorsque lui-même n'est pas le sujet de Dieu, et qu'en fait de volonté il prétend ne suivre que la sienne ? Il demande, le pain de chaque jour, lorsqu'il ne convoite que richesses, lorsqu'il porte peut-être la dureté jusqu'à refuser de donner la charité pour les pauvres ? Tout le reste de cette divine prière, le condamne également. Il demande à Dieu de lui pardonner comme il pardonne lui-même, et il ne pardonne point, la haine de son concurrent ou de son ennemi est au fond de son coeur. Il demande à Dieu , de ne pas succomber à la tentation , et cette tentation , il la cherche lui-même, il la poursuit, pour ainsi dires en s'engageant dans une foule d'occasions d'où elle sort comme de sa source.
Comment, Chrétiens, Chrétiennes une telle prière serait- elle agréée de Dieu ? Elle ne part pas d'une intention droite. Elle ne part, pas, d’un cœur pur,! Le pieux roi David désirait que sa prière s’élevât vers Dieu, comme la fumés odorante de l'encens. Notre prière montera comme un arôme précieux vers le ciel, lorsque, avant de la faire, nous nous détacherons du péché, qui nous fait les ennemis de Dieu , pour nous tourner du côté de la vertu , qui nous fait ses amis. (Allons en Confession de nos péchés)
Une seconde condition de la prière, c'est d'être faite avec attention de l`esprit, avec affection de la volonté ; attention, et affection que saint Thomas d`Aquin appelle l'âme de la prière, et sans quoi elle ne peut pas plus subsister que le corps sans l'esprit qui l'anime. N`avons nous pas dit que, la prière est un entretien que nous avons avec Dieu? Si, donc, au moment où je traite avec Dieu, mon esprit s`égare jusqu'à perdre volontairement cette attention intérieure, alors ma prière est faible. Ce ne sont pas des paroles, que Dieu demande, mais la bonté du cœur.
Des mots distraits, ce ce n'est pas sans raisons que Dieu rejette de telles prières, puisque par cette manière de prier nous l'offensons. Nous disons à Dieu comme le prophète : «prêtez l`oreille à nos paroles.» «Seigneur, écoutez.» «Seigneur, soyez attentif à la voix de ma prière.» et en même même temps nous portons notre esprit ailleurs: nous demandons que Dieu nous parle, et nous ne lui parlons pas ; nous demandons que Dieu nous écoute, et nous même n`écoutons pas, nous- mêmes, nous ne comprenons pas bien souvent, ce que nous disons. C'est ainsi que des chrétiens prient! Faut- il s'étonner après cela , je le répète encore, que tant de prières demeurent sans effet ? «Vous demandez et vous ne recevez point, nous dit l'apôtre saint-Jacques, parce que vous demandez mal» (Jacques 4,3).
Ce que je blâme, ce sont ces chrétiens dont parle saint Chrysostome ( Hom. in Matth . 16) , qui fléchissent le genou et laissent leur esprit errer librement, qui prononcent des mots de religion , tout en s'occupant dans leur coeur des paroles de leurs amis, du travail, du visage des femmes. Voilà ce qu'il faut blâmer et, surtout, ce qu'il faut éviter.
- La troisième condition d'une prière chrétienne , c'est de ne demander à Dieu que des choses qui nous soient bonnes . --Il y'a Chrétiens, Chrétiennes, deux sortes de biens : les biens spirituels, et les biens matériels; et les deux sortes de biens sont nécessaires à l'homme, à cause de sa double nature. Il faut bien se garder de les mettre sur le même pied. Autant l'âme surpasse le corps, autant les biens spirituels sont au - dessus des biens terrestres: Puisque ces biens différent entreux , ils doivent aussi différer dans l’estime que nous en faisons . «Cherchez d'abord, nous dit le divin Maître, le royaume de Dieu et sa justice.» Il nous a dit d'abord, pour montrer qu'il ne condamne pas les autres biens, mais qu'ils ne doivent venir qu'en leur rang. Ainsi donc, il nous est permis dans nos prières; de nous occuper du corps et de ses divers besoins, mais ce qui doit nous y occuper surtout et avant tout, est notre âme.
Nous ne devons demander les biens du corps que tout autant qu'ils peuvent être utiles au salut de l'âme qui lui est unie. Pour prendre des exemples : la santé est fort utile et presque indispensable à l'accomplissement d'une foule de devoirs ; les richesses peuvent être employées aux œuvres de la charité. C'est cette vérité que Jésus-Christ voulait nous faire entendre, lorsqu'il disait : «Tout ce que vous demanderez à mon père en mon nom, il vous le donnera.» Ce ne serait pas demander au nom de Jésus-Christ que de ne demander la santé que pour être en joie et péchés, les richesses que pour la vaine satisfaction des plaisirs et sans charité. Les païens et les publicains en font tout autant. Souvenons-nous, que nous sommes chrétiens, que nos demandes doivent être faites au nom de Jésus -Christ, et que par conséquent notre devoir est de faire passer avant tout le reste les biens qu'ils nous a mérités par son sang : je veux dire la vertu et la vie éternelle qui en est le prix .
Tout ce que je viens de dire serait inutile , si Jésus- Christ lui-même ne nous enseignait à prier. Demandons- le - lui, comme les apôtres! Comment comprendrions -nous l'excellence de la prière, comprenant si peu notre misère et la grandeur de Dieu ! Comment pourrions nous nous recueillir, sujets, comme nous le sommes, à toutes les impressions du dehors ! Comment pourrions- nous soupirer après les biens invisibles , au milieu de ces biens visibles dont l'appât nous tente sans cesse ! Jésus-Christ seul peut faire ce miracle. Demandons-le - lui. Seigneur, enseignez-nous à prier : Ainsi soit- il.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
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