Sur la Médisance - L`Enseignement catholique - 19 ème siècle
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Sur la Médisance - L`Enseignement catholique - 19 ème siècle
Sur la Médisance - L`Enseignement catholique - 19 ème siècle
Par M. l'Aubé GAUREL ,
Source: L`Enseignement catholique de 1863
Le lien de sa langue se rompit, et il parlait à merveille. (Marc 7,35 )
Chrétiens, Chrétiennes, Il est dit de l'homme muet à qui Jésus-Christ, dans l'évangile, rend l'usage de la langue, qu'il parlait à merveille, c'est-à - dire avec raison et justesse. Voilà, certes, un grand éloge, qui devrait pouvoir s'appliquer à tous les hommes, mais que malheureusement un si petit nombre méritent. Bien user de sa langue est chose ardue, rare, difficile; c'est un membre inquiet, indomptable, si bien que l'apôtre saint Jacques n'a pas craint de dire que «celui qui ne pèche pas par la langue est un homme parfait.» (Jacques 3,2 ).
Fermer les oreilles, mettre un bandeau sur ses yeux, mortifier le goût, toutes ces choses, quoique peu aisées, n'accusent point encore la perfection ; celui -là seul a su l'atteindre, au dire de l'apôtre, qui peut mettre un frein à sa langue. Où est cet homme et nous le louerons? On apaise les lions , on musèle les ours, on met à la raison les tigres, «mais nul homme, selon le même apôtre saint Jacques, ne peut dompter sa langue.» : Linguam nullus hominum domare potest. Si nous pouvions écouter en même temps ce qui se dit dans les cours des rois , dans les palais des grands, dans les maisons des riches, dans les boutiques des marchands, sous l'humble toit de l'ouvrier, dans la cabane et dans la chaumière, nous verrions que partout la langue accomplit sa cruelle besogne. Rien ne lui échappe: ni le magistrat, ni le prêtre, ni le riche ni le pauvre, ni surtout la femme et la jeune fille. Il n'est rien qu'elle ne dénigre, qu'elle ne tache, qu'elle ne souille, qu'elle ne flétrisse . « La langue est un mal inquiet, dit saint Augustin, elle est pleine d'un venin mortel, beaucoup plus à craindre que celui des bêtes féroces et des serpents. »
Saint Chrysostome (in Psalm . 100), l'appelle turbulente, semant les haines, la zizanie, les mauvais soupçons, brouillant les amis, troublant l'intérieur des ménages, introduisant les guerres et les discussions au sein des villes. Je n'en finirais pas, Chrétiens, Chrétiennes, si je voulais vous rapporter tout ce qu'ont dit les saints Pères de la malignité de la langue. L'apôtre saint Jacques, dans l'épître que je vous ai déjà citée, a résumé dans deux mots tout ce qui s'en peut dire, lorsqu'il l'a appelée un monde d'iniquités. La langue de l'homme ne s'est pas améliorée depuis le saint apôtre : elle cause encore les mêmes ravages; de sorte qu'il semblerait bien désirable de pouvoir faire un miracle qui serait l'opposé de celui du divin Maître et qui réduirait une foule de langues à un pacifique et précieux silence. Puisque nous ne disposons point d'un tel pouvoir, tâchons du moins, par quelques réflexions solides, de détourner les détracteurs de leur funeste vice. Et d'abord , il n'y a rien , ce me semble, de plus humiliant pour l'homme médisant, que de lui montrer les petits mobiles auxquels il obéit. Un des principaux est l'oisiveté. Que faire quand on ne fait rien ? Personne n'est plus embarrassé du temps que l'oisif. Il s'en défait comme il peut, allant, sans autre motif que son ennui d`un endroit a l`autre et particulièrement chez ceux que comme lui, le temps embarrasse.
De quoi voulez- vous qu'ils s'occupent ? S'entretenir de Dieu leur paraîtrait bien insipides et quant à parler de belles lettres... La matière de conversation à la portée de tout le monde est ancienne et toujours nouvelle car son attrait ne vieillit point pour le misérables cœur de homme, se présente d'elles- même: cette matière, c'est de prochain. Si c`était pour faire son éloge, il ne se pourrait rien de mieux. Mais le cœur de homme est ainsi fait que l'éloge lui semble fades; le blâme, la satire font mieux son affaire et tel est aussi, le thème habituel de ses entretiens.
C`est encore une fois l'oisiveté qui les engendre. Le saint roi David, attribue, la détraction,à la même cause; car il déclare que ceux qui médisent sont assis, c’est-à-dire selon l'interprétation, de saint Ambroise (Docteur de l`Église – 4 ème siècle) , qu'ils ne s'occupent à rien d’utile, c'était pendant que vous étiez assis dit le psalmiste , que vous parliez contre votre frère : Sedens adversus fratrem tuum loquebaris. (Psaume 49,20). C`est dans ce même esprit que saint Chrysostome (Homélie 19) écrivait ces paroles: «Celui qui travaille, ne profère aucune parole indiscrète; et à contre-temps.» Nous pourrions, nous arrêter ici, Chrétiens, Chrétiennes, pour nous étonner de la prodigieuse, malice du cœur humain. On ne craint pas de salir son prochain , pour passer le temps.
On dit en effet : Qu'importent le repos , et l'honneur des hommes, pourvu que l'on parvienne à passer une heure ou deux. A cette cause de d'oisiveté vient s’en joindre une autre qui n'est pas moins frivole; la vanité, et le désir de plaire. On veut passer dans les compagnies pour un homme, d’un agréable commerce, d'un esprit vif et piquant, amusant, qui sait le bel art, d'égayer, d'engager, d’animer et de soutenir la conversation. La critique en est le moyen infaillible: elle trouve dans les coeurs un écho facile, elle appelle le rire, elle anime les physionomies, elle donne des pointes à faire, des épigrammes à lancer, des traits, à aiguiser. On se fait de la sorte, un renom , d'esprit, et c'est tout ce que l'on cherche.Tout le monde veut avoir de l'esprit; on s'y évertue de son mieux comme si la réputation l`homme spirituel valait mieux que celle d'homme de bien. Et ce serait une erreur de croire que cette vaniteuse prétention ne se voit que dans un certain monde; on la trouve par partout, c'est un mal général presque tout le monde trouve, beau, de passer pour plaisant, et chacun médit dans son style. Quelle pitié! on ne fait point de réflexion que genre d'esprit est le pire de tous, et qu'il ne suppose aucun mérite.
Une autre source fort commune des médisance est l`envie et la jalousie. On n`ose pas s'avouer à soi- même une pareille disposition d'esprit, mais elle n'en est pas moins réelle . Que les détracteurs réfléchissent sur eux-mêmes, qu`ils examinent bien quel sentiment les anime, et ils verront que le plus souvent c'est celui d'une basse jalousie. Une telle personne, est bien, posée dans le monde; elle a su trouver des protecteurs et des amis tout semble lui sourire, il n'en faut, pas davantage, pour mériter de tomber sous les coups des détracteur. Tous les biens que l`on voit aux autres, lorsque soi-même on en est privé, sont autant d'excitations pour la langue. La régularité, la vertu ; la modestie, ne sont point a l`abri de ses traits. Elle insinue que cette régularité n`est qu`extérieure, que cette vertu n`est qu’un masque, que cette modestie n`est qu'un trompe l`oeil. Toutes ces belles choses offusquent le détracteur par le fait même qu`elle lui font défaut et il satisfait sa jalousie par des paroles aigres, piquantes, et quelquefois par d`indignes suppositions. Tel est l'esprit des détracteurs. En suivant la pensée d’un saint Père, ou celui dont ont dit du mal est un ennemi, ou un ami, ou bien une personne indifférente. Si c`est un ennemi, il faut avouer qu`on obéit a un esprit de vengeance, qu`on ne parle que par passion , que par haine, et cela est une bassesse. Si c`est un ami (car la médisance ne connaît personne), il est laid de trahir ainsi la loi de l'amitié, de s`élever ainsi contre celui dont il faudrait prendre la défense; de l'exposer aux risées des gens légers, tandis qu’on l`entretient ailleurs de belles paroles, le flattant d`une part et l`outrageant de l'autre ?
Quels il s'agit d`une personne indifférente, c'est-a-dire dont on n'a reçu aucun mauvais office, que signifie la conduite au détracteur à son égard? Je n`ai rien contre cette personne ajoute-t-on et cependant on l`outrage; on la blesse ! Se peut-il rien de plus bas? Je sais bien que le médisant se couvre de beaux prétextes : Il prétend n`agir que par franchise de caractère. Il soutient qu`il y a peut-être de la légèreté, mais non de la malice dans son fait; et que toutes ces petites critiques en usage dans le monde ne sont, au fond, qu`agréables récréations et légitimes délassements. Mais quoi ! Ce n`est donc rien que de violer également toutes les lois de la justice et de la charité ? Les règles de la justice se résument dans ce principe évangélique : Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qui te fût fait. Que le médisant s'examine petite lumière! Voudrait- il qu'on le tournât doucement en ridicule par des traits plus ou moins acérés? Voudrait- il qu'on l’attaquât lâchement, pendant qu`il serait absent et ne pourrait par conséquent se défendre? Voudrait-il qu`on inspectât ses meilleures intentions et que; par de perfides insinuations, on le montre tout autre qu`il ne paraît au dehors? Non, non , personne ne permet ces choses contre lui-même, quoique soi-même de on se les permette souvent contre les autres. La justice est donc violée par de pareils actes ; il est presque inutile de dire que la charité l'est encore plus. La charité est la mère de la concorde et de la paix entre les frères. La charité est douce, patiente, au dire de l'apôtre; elle n'agit point par jalousie, et elle ne pense jamais le mal. Si elle le voit, elle s'en afflige , au lieu de s`en réjouir, et le dissimule au lieu de le montrer,. Si donc quelque chose est en hostilité flagrante avec ce divin principe d`union et d`harmonie; c'est bien la détraction, qui est une source de mauvais soupçons; de rixes et de zizanie.
Le grand apôtre range la médisance dans la même catégorie que l'adultère et le vol, et prononce hardiment que ceux que ce vice infecte, ne peuvent entrer dans le royaume des cieux (1. Corinthiens 6,10). Nous ne trouverons pas, Chrétiens, Chrétiennes, cet arrêt trop sévère si nous arrêtons un moment notre attention sur le mal qui résulte de la détraction. On a très-bien comparé la langue du détracteur à celle de la vipère armée d'un triple dard. Le détracteur fait comme elle une triple blessure : il blesse celui dont il parle, il blesse celui qui l'écoute, il se blesse lui - même. Il blesse d'abord celui dont il parle, puisqu'il rend suspecte , ou diminue, ou anéantit sa bonne renommée , la renommée que la plupart des hommes jugent un bien plus précieux que la vie elle -même. On s'excuse, je l'ai déjà dit, en appelant ces critiques un jeu, comme s`il était permis de jouer avec ce que les hommes regardent comme leur meilleur trésor ! On n'a pas assez de mépris, dans le monde, pour le voleur vulgaire qui ravit le bien d'autrui, et on n'a que de l'estime pour ces voleurs de salon qui fraudent un homme de ce qu'il a de plus cher. Le psalmiste royal (le roi David – roi d`Israël vers 950 Av J.C.) ne partageait pas cette manière de voir ; il compare les dents des détracteurs à celles des lions, et dit que Dieu les brisera dans leur bouche. L'écrivain a voulu par ces paroles énergique nous laisser une vive image du mal de la détraction : c'est une morsure : de lion , c'est une morsure empoisonnée.
Le détracteur blesse en second lieu celui qui l'écoute : il n'est pas rare de trouver, certaines personnes simples, qui s'interdisant à elles-mêmes toute médisance, ne se font faute d'écouter avec complaisance et sans scrupule aucun, celles que l'on fait autour d'elles . Elles pensent que le seul coupable, en pareille circonstance, est celui qui parle, non celui qui écoute, lors même qu'il participe à ce qui est dit par ses rires et par le plaisir visible qu'il y prend. Je suis bien obligé de tirer ces âmes de leur fausse sécurité . Non , non , il n'en est point ainsi. Le détracteur fait celui qui l'écoute le complice de sa faute. Le bien moral que le détracteur, vole, celui qui l'écoute s'en fait le receleur. Ils sont solidaires l'un de l'autre, ils se sont ligués pour une même mauvaise action . La chose semble assez évidente d'elle -même : il n'y aurait point de médisant pour parler, s'il n'y avait point de malicieux pour écouter, et c'est ce qui a fait dire à saint Augustin que la seule différence entre ces deux personnes , c'est que l'une a le démon sur sa langue et l'autre dans son oreille. Je n'ai pas besoin d'insister sur ma troisième proposition , que le détracteur se blesse lui -même : c'est ce qui résulte de tout ce que j'ai avancé. Ne se fait il pas le plus grand mal à lui - même lorsque, par jalousie ou par vaine gloire, il s'établit le censeur de tout ce que font les autres ? Il cherche les applaudissements de ceux qui l'écoutent ; il les obtiendra peut-être , mais qu'il sache bien qu'il n'obtiendra pas également leur estime. On s'amuse parfois des paroles du médisant, mais on se réserve le droit de le mépriser. Il cherche à déshonorer les autres, et il réussit à se déshonorer lui-même.
Il a, qu'il le sache ou non, le renom d'un homme futile, amusant peut- être, mais dont il faut se garder. C'est ainsi que les flèches de son arc finissent par l'atteindre lui-même! Je m'arrête, Chrétiens, Chrétiennes, je crois en avoir dit assez pour vous éloigner d'un vice odieux. Faisons, comme le muet guéri de notre évangile , un bon usage de la langue. Que le bon sens, la gravité, la décence, se montrent dans tous nos discours . Que la charité chrétienne en soit l'âme. Que toutes nos conversations aient pour fruit une mutuelle édification et non une mutuelle ruine. Si nous apprenions à respecter notre âme, nous respecterions aussi notre parole , qui en est le verbe. Cette parole est destinée à être un lien entre les hommes, non à les séparer, à produire l'unité, non la division . Que cette grande et belle vérité soit à l'avenir la règle de tous nos entretiens, et qu'on puisse dire de chacun de nous ce qui est dit , dans l'évangile de ce jour, du muet guéri par le divin Maître, que nous avons parlé avec raison et justesse. Ainsi soit- il.
Par M. l'Aubé GAUREL ,
Source: L`Enseignement catholique de 1863
Le lien de sa langue se rompit, et il parlait à merveille. (Marc 7,35 )
Chrétiens, Chrétiennes, Il est dit de l'homme muet à qui Jésus-Christ, dans l'évangile, rend l'usage de la langue, qu'il parlait à merveille, c'est-à - dire avec raison et justesse. Voilà, certes, un grand éloge, qui devrait pouvoir s'appliquer à tous les hommes, mais que malheureusement un si petit nombre méritent. Bien user de sa langue est chose ardue, rare, difficile; c'est un membre inquiet, indomptable, si bien que l'apôtre saint Jacques n'a pas craint de dire que «celui qui ne pèche pas par la langue est un homme parfait.» (Jacques 3,2 ).
Fermer les oreilles, mettre un bandeau sur ses yeux, mortifier le goût, toutes ces choses, quoique peu aisées, n'accusent point encore la perfection ; celui -là seul a su l'atteindre, au dire de l'apôtre, qui peut mettre un frein à sa langue. Où est cet homme et nous le louerons? On apaise les lions , on musèle les ours, on met à la raison les tigres, «mais nul homme, selon le même apôtre saint Jacques, ne peut dompter sa langue.» : Linguam nullus hominum domare potest. Si nous pouvions écouter en même temps ce qui se dit dans les cours des rois , dans les palais des grands, dans les maisons des riches, dans les boutiques des marchands, sous l'humble toit de l'ouvrier, dans la cabane et dans la chaumière, nous verrions que partout la langue accomplit sa cruelle besogne. Rien ne lui échappe: ni le magistrat, ni le prêtre, ni le riche ni le pauvre, ni surtout la femme et la jeune fille. Il n'est rien qu'elle ne dénigre, qu'elle ne tache, qu'elle ne souille, qu'elle ne flétrisse . « La langue est un mal inquiet, dit saint Augustin, elle est pleine d'un venin mortel, beaucoup plus à craindre que celui des bêtes féroces et des serpents. »
Saint Chrysostome (in Psalm . 100), l'appelle turbulente, semant les haines, la zizanie, les mauvais soupçons, brouillant les amis, troublant l'intérieur des ménages, introduisant les guerres et les discussions au sein des villes. Je n'en finirais pas, Chrétiens, Chrétiennes, si je voulais vous rapporter tout ce qu'ont dit les saints Pères de la malignité de la langue. L'apôtre saint Jacques, dans l'épître que je vous ai déjà citée, a résumé dans deux mots tout ce qui s'en peut dire, lorsqu'il l'a appelée un monde d'iniquités. La langue de l'homme ne s'est pas améliorée depuis le saint apôtre : elle cause encore les mêmes ravages; de sorte qu'il semblerait bien désirable de pouvoir faire un miracle qui serait l'opposé de celui du divin Maître et qui réduirait une foule de langues à un pacifique et précieux silence. Puisque nous ne disposons point d'un tel pouvoir, tâchons du moins, par quelques réflexions solides, de détourner les détracteurs de leur funeste vice. Et d'abord , il n'y a rien , ce me semble, de plus humiliant pour l'homme médisant, que de lui montrer les petits mobiles auxquels il obéit. Un des principaux est l'oisiveté. Que faire quand on ne fait rien ? Personne n'est plus embarrassé du temps que l'oisif. Il s'en défait comme il peut, allant, sans autre motif que son ennui d`un endroit a l`autre et particulièrement chez ceux que comme lui, le temps embarrasse.
De quoi voulez- vous qu'ils s'occupent ? S'entretenir de Dieu leur paraîtrait bien insipides et quant à parler de belles lettres... La matière de conversation à la portée de tout le monde est ancienne et toujours nouvelle car son attrait ne vieillit point pour le misérables cœur de homme, se présente d'elles- même: cette matière, c'est de prochain. Si c`était pour faire son éloge, il ne se pourrait rien de mieux. Mais le cœur de homme est ainsi fait que l'éloge lui semble fades; le blâme, la satire font mieux son affaire et tel est aussi, le thème habituel de ses entretiens.
C`est encore une fois l'oisiveté qui les engendre. Le saint roi David, attribue, la détraction,à la même cause; car il déclare que ceux qui médisent sont assis, c’est-à-dire selon l'interprétation, de saint Ambroise (Docteur de l`Église – 4 ème siècle) , qu'ils ne s'occupent à rien d’utile, c'était pendant que vous étiez assis dit le psalmiste , que vous parliez contre votre frère : Sedens adversus fratrem tuum loquebaris. (Psaume 49,20). C`est dans ce même esprit que saint Chrysostome (Homélie 19) écrivait ces paroles: «Celui qui travaille, ne profère aucune parole indiscrète; et à contre-temps.» Nous pourrions, nous arrêter ici, Chrétiens, Chrétiennes, pour nous étonner de la prodigieuse, malice du cœur humain. On ne craint pas de salir son prochain , pour passer le temps.
On dit en effet : Qu'importent le repos , et l'honneur des hommes, pourvu que l'on parvienne à passer une heure ou deux. A cette cause de d'oisiveté vient s’en joindre une autre qui n'est pas moins frivole; la vanité, et le désir de plaire. On veut passer dans les compagnies pour un homme, d’un agréable commerce, d'un esprit vif et piquant, amusant, qui sait le bel art, d'égayer, d'engager, d’animer et de soutenir la conversation. La critique en est le moyen infaillible: elle trouve dans les coeurs un écho facile, elle appelle le rire, elle anime les physionomies, elle donne des pointes à faire, des épigrammes à lancer, des traits, à aiguiser. On se fait de la sorte, un renom , d'esprit, et c'est tout ce que l'on cherche.Tout le monde veut avoir de l'esprit; on s'y évertue de son mieux comme si la réputation l`homme spirituel valait mieux que celle d'homme de bien. Et ce serait une erreur de croire que cette vaniteuse prétention ne se voit que dans un certain monde; on la trouve par partout, c'est un mal général presque tout le monde trouve, beau, de passer pour plaisant, et chacun médit dans son style. Quelle pitié! on ne fait point de réflexion que genre d'esprit est le pire de tous, et qu'il ne suppose aucun mérite.
Une autre source fort commune des médisance est l`envie et la jalousie. On n`ose pas s'avouer à soi- même une pareille disposition d'esprit, mais elle n'en est pas moins réelle . Que les détracteurs réfléchissent sur eux-mêmes, qu`ils examinent bien quel sentiment les anime, et ils verront que le plus souvent c'est celui d'une basse jalousie. Une telle personne, est bien, posée dans le monde; elle a su trouver des protecteurs et des amis tout semble lui sourire, il n'en faut, pas davantage, pour mériter de tomber sous les coups des détracteur. Tous les biens que l`on voit aux autres, lorsque soi-même on en est privé, sont autant d'excitations pour la langue. La régularité, la vertu ; la modestie, ne sont point a l`abri de ses traits. Elle insinue que cette régularité n`est qu`extérieure, que cette vertu n`est qu’un masque, que cette modestie n`est qu'un trompe l`oeil. Toutes ces belles choses offusquent le détracteur par le fait même qu`elle lui font défaut et il satisfait sa jalousie par des paroles aigres, piquantes, et quelquefois par d`indignes suppositions. Tel est l'esprit des détracteurs. En suivant la pensée d’un saint Père, ou celui dont ont dit du mal est un ennemi, ou un ami, ou bien une personne indifférente. Si c`est un ennemi, il faut avouer qu`on obéit a un esprit de vengeance, qu`on ne parle que par passion , que par haine, et cela est une bassesse. Si c`est un ami (car la médisance ne connaît personne), il est laid de trahir ainsi la loi de l'amitié, de s`élever ainsi contre celui dont il faudrait prendre la défense; de l'exposer aux risées des gens légers, tandis qu’on l`entretient ailleurs de belles paroles, le flattant d`une part et l`outrageant de l'autre ?
Quels il s'agit d`une personne indifférente, c'est-a-dire dont on n'a reçu aucun mauvais office, que signifie la conduite au détracteur à son égard? Je n`ai rien contre cette personne ajoute-t-on et cependant on l`outrage; on la blesse ! Se peut-il rien de plus bas? Je sais bien que le médisant se couvre de beaux prétextes : Il prétend n`agir que par franchise de caractère. Il soutient qu`il y a peut-être de la légèreté, mais non de la malice dans son fait; et que toutes ces petites critiques en usage dans le monde ne sont, au fond, qu`agréables récréations et légitimes délassements. Mais quoi ! Ce n`est donc rien que de violer également toutes les lois de la justice et de la charité ? Les règles de la justice se résument dans ce principe évangélique : Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qui te fût fait. Que le médisant s'examine petite lumière! Voudrait- il qu'on le tournât doucement en ridicule par des traits plus ou moins acérés? Voudrait- il qu'on l’attaquât lâchement, pendant qu`il serait absent et ne pourrait par conséquent se défendre? Voudrait-il qu`on inspectât ses meilleures intentions et que; par de perfides insinuations, on le montre tout autre qu`il ne paraît au dehors? Non, non , personne ne permet ces choses contre lui-même, quoique soi-même de on se les permette souvent contre les autres. La justice est donc violée par de pareils actes ; il est presque inutile de dire que la charité l'est encore plus. La charité est la mère de la concorde et de la paix entre les frères. La charité est douce, patiente, au dire de l'apôtre; elle n'agit point par jalousie, et elle ne pense jamais le mal. Si elle le voit, elle s'en afflige , au lieu de s`en réjouir, et le dissimule au lieu de le montrer,. Si donc quelque chose est en hostilité flagrante avec ce divin principe d`union et d`harmonie; c'est bien la détraction, qui est une source de mauvais soupçons; de rixes et de zizanie.
Le grand apôtre range la médisance dans la même catégorie que l'adultère et le vol, et prononce hardiment que ceux que ce vice infecte, ne peuvent entrer dans le royaume des cieux (1. Corinthiens 6,10). Nous ne trouverons pas, Chrétiens, Chrétiennes, cet arrêt trop sévère si nous arrêtons un moment notre attention sur le mal qui résulte de la détraction. On a très-bien comparé la langue du détracteur à celle de la vipère armée d'un triple dard. Le détracteur fait comme elle une triple blessure : il blesse celui dont il parle, il blesse celui qui l'écoute, il se blesse lui - même. Il blesse d'abord celui dont il parle, puisqu'il rend suspecte , ou diminue, ou anéantit sa bonne renommée , la renommée que la plupart des hommes jugent un bien plus précieux que la vie elle -même. On s'excuse, je l'ai déjà dit, en appelant ces critiques un jeu, comme s`il était permis de jouer avec ce que les hommes regardent comme leur meilleur trésor ! On n'a pas assez de mépris, dans le monde, pour le voleur vulgaire qui ravit le bien d'autrui, et on n'a que de l'estime pour ces voleurs de salon qui fraudent un homme de ce qu'il a de plus cher. Le psalmiste royal (le roi David – roi d`Israël vers 950 Av J.C.) ne partageait pas cette manière de voir ; il compare les dents des détracteurs à celles des lions, et dit que Dieu les brisera dans leur bouche. L'écrivain a voulu par ces paroles énergique nous laisser une vive image du mal de la détraction : c'est une morsure : de lion , c'est une morsure empoisonnée.
Le détracteur blesse en second lieu celui qui l'écoute : il n'est pas rare de trouver, certaines personnes simples, qui s'interdisant à elles-mêmes toute médisance, ne se font faute d'écouter avec complaisance et sans scrupule aucun, celles que l'on fait autour d'elles . Elles pensent que le seul coupable, en pareille circonstance, est celui qui parle, non celui qui écoute, lors même qu'il participe à ce qui est dit par ses rires et par le plaisir visible qu'il y prend. Je suis bien obligé de tirer ces âmes de leur fausse sécurité . Non , non , il n'en est point ainsi. Le détracteur fait celui qui l'écoute le complice de sa faute. Le bien moral que le détracteur, vole, celui qui l'écoute s'en fait le receleur. Ils sont solidaires l'un de l'autre, ils se sont ligués pour une même mauvaise action . La chose semble assez évidente d'elle -même : il n'y aurait point de médisant pour parler, s'il n'y avait point de malicieux pour écouter, et c'est ce qui a fait dire à saint Augustin que la seule différence entre ces deux personnes , c'est que l'une a le démon sur sa langue et l'autre dans son oreille. Je n'ai pas besoin d'insister sur ma troisième proposition , que le détracteur se blesse lui -même : c'est ce qui résulte de tout ce que j'ai avancé. Ne se fait il pas le plus grand mal à lui - même lorsque, par jalousie ou par vaine gloire, il s'établit le censeur de tout ce que font les autres ? Il cherche les applaudissements de ceux qui l'écoutent ; il les obtiendra peut-être , mais qu'il sache bien qu'il n'obtiendra pas également leur estime. On s'amuse parfois des paroles du médisant, mais on se réserve le droit de le mépriser. Il cherche à déshonorer les autres, et il réussit à se déshonorer lui-même.
Il a, qu'il le sache ou non, le renom d'un homme futile, amusant peut- être, mais dont il faut se garder. C'est ainsi que les flèches de son arc finissent par l'atteindre lui-même! Je m'arrête, Chrétiens, Chrétiennes, je crois en avoir dit assez pour vous éloigner d'un vice odieux. Faisons, comme le muet guéri de notre évangile , un bon usage de la langue. Que le bon sens, la gravité, la décence, se montrent dans tous nos discours . Que la charité chrétienne en soit l'âme. Que toutes nos conversations aient pour fruit une mutuelle édification et non une mutuelle ruine. Si nous apprenions à respecter notre âme, nous respecterions aussi notre parole , qui en est le verbe. Cette parole est destinée à être un lien entre les hommes, non à les séparer, à produire l'unité, non la division . Que cette grande et belle vérité soit à l'avenir la règle de tous nos entretiens, et qu'on puisse dire de chacun de nous ce qui est dit , dans l'évangile de ce jour, du muet guéri par le divin Maître, que nous avons parlé avec raison et justesse. Ainsi soit- il.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
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