***LE BAPTÊME, plonger au cœur de LA VIE*** Avec THEODOM
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***LE BAPTÊME, plonger au cœur de LA VIE*** Avec THEODOM
Le baptême, plonger au cœur de la vie
Le baptême nous évoque plein de choses : le baptême de Jésus par Jean-Baptiste, le baptême des premiers chrétiens, les célébrations de baptêmes auxquelles nous avons assistés.... Voilà une série de vidéos qui explorent à la fois la Bible et la liturgie de l’Église pour aider à mieux comprendre le premier sacrement de la vie chrétienne.
Le baptême nous évoque plein de choses : le baptême de Jésus par Jean-Baptiste, le baptême des premiers chrétiens, les célébrations de baptêmes auxquelles nous avons assistés.... Voilà une série de vidéos qui explorent à la fois la Bible et la liturgie de l’Église pour aider à mieux comprendre le premier sacrement de la vie chrétienne.
1. Nouvelle série, le baptême
Le baptême, c'est le rite d'initiation par excellence dans l’Église Catholique. Certains se posent la question pour eux-mêmes, d'autres pour leurs enfants, d'autres cherchent à comprendre ce que vivent les chrétiens...
Cette série nous dit ce qu'est le baptême à travers le regard de la Bible, des Pères de l’Église, de l'art et de la liturgie. Elle constitue une entrée en matière idéale pour tous ceux qui veulent s'initier à la théologie, se poser des questions sur Dieu et la vie à la suite du Christ, transformée par l'Esprit.
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Le baptême, plonger au cœur de la vie
2. L’origine du baptême, dans la Bible
Dans l’Ancien Testament, le mot « baptême » ou le verbe « baptiser » sont pratiquement absents. En effet, dans la traduction grecque de la Bible, appelée la Septante, le verbe « baptidzô » apparaît seulement quatre fois (ex : 2 R 5,10-14.). En revanche, ce dernier prend une place beaucoup plus importante dans le Nouveau Testament.
L’étymologie du verbe baptiser
Étymologiquement, le verbe grec « baptô » se disait « surtout de la trempe du fer, de la teinture des étoffes[1] ». Progressivement, l’usage de ce verbe se limita à son application de teinture pour laisser la place au « déverbatif baptidzô – plonger dans, et dans le vocabulaire chrétien baptiser[2] ».
C’est dans cette prise de connaissance de l’origine du verbe que je relis le baptême chrétien comme ce moment de grâce qui oriente notre vie, la colore ou la teinte, pas seulement un vernis extérieur mais aussi de l’intérieur, ce qui la forge (à la manière d’une lame qui était trempée). Quant au verbe « baptidzô », il est vrai qu’il ne viendrait à personne l’idée de plonger n’importe quoi à n’importe quel endroit. La plongée dans la vie chrétienne trouve sa raison d’être au cœur de la Bible, elle a un nom porteur d’espérance : « Jésus-Yeshua – Dieu sauve ». La vie chrétienne est fondée sur l’espérance de celui qui sauve.
Les préfigurations du baptême dans l’Ancien Testament
Est ce que dans la bible nous retrouvons ce verbe grec « baptidzô », dont je viens de parler ? en fait quasiment pas dans tout l’Ancien Testament. Il apparaît quelquefois dans le second livre des rois et sinon il ne réapparaît que dans le nouveau testament. Si dans l’Ancien Testament, les termes relatifs au baptême sont quasiment absents, en revanche, les Pères de l’Église[3] démontreront plus tard, au début de l’ère chrétienne, toutes les « préfigurations » du baptême qui y sont présentes. En effet, ils montreront combien le thème de l’eau, lié au baptême, parcourt la première partie de notre Bible. Ainsi, la Torah souligne que l’Esprit de Dieu planait sur les eaux aux origines de la création. Par exemple, Genèse 1, 2 fait déjà le lien entre les eaux et l’Esprit du Seigneur. Ensuite l’histoire de Noé ou tout était détruit, sauf Noé et son arche. Le déluge met en lumière le « rôle purificateur » et de « nouvelle création » traditionnellement alloués à l’eau. La troisième préfiguration du baptême dans l’Ancien Testament est le passage de la mer rouge (ou mer des roseaux) avec Moïse qui permet aux eaux de « libérer les esclaves, de libérer du péché, libérer des adversaires ».. Les prophètes utiliseront aussi l’eau comme élément purificateur (Zacharie 3, 1 – Ezéchiel 34, 26-28). Le rôle de l’eau dans le baptême trouve des préfigurations dans l’Ancien Testament.
Les ablutions de purification
Si l’eau joue un rôle purificateur dans les préfigurations du baptême dans la bible, il faut savoir que l’eau joue un rôle purificateur dans de nombreuses religions, Dans le judaïsme, le moment qui va être clé pour que l’eau prenne son rôle purificateur de manière importante, est l’exil que va subir le peuple juif à Babylone, c’est à dire le moment où il va être déporté en 587 avant JC par les troupes de Nabuchodonosor et emmenés en esclavage à Babylone dans l’actuel Irak jusqu’à leur libération une cinquantaine d’années plus tard, en 538. Et par caravanes successives, ils vont revenir dans les années 520, 515 avant JC jusqu’à Jérusalem, rebâtir Jérusalem et fonder une nouvelle manière de vivre le judaïsme.
C’est dans ce judaïsme là que l’eau va prendre un rôle singulier, un nombre de rites d’eau purificateurs ou d’ablutions vont faire leur apparition et vont perdurer jusqu’à l’époque de Jésus, en particulier avec les pharisiens.
Dans la société juive, les contemporains de Jésus sont classés en différentes catégories. Les juif pieux qu’on appelait hassidiques qui cherchent la justice, à être pieux devant Dieu, à manifester une attention aux affaires de Dieu et pour manifester cette attention aux affaires de Dieu, ils sont attentifs aux détails de la vie, à vivre une forme de purification permanente qui se manifeste par le lavage des mains, des pieds, toutes sortes de rituels où l’eau a son rôle purificateur. Cette purification extérieure rappelle à tout juif la nécessite de se purifier intérieurement s’il veut vraiment se rapprocher de Dieu. il ne s’agit pas simplement de quelque chose d’extérieur, mais de vivre une conversion profonde qui l’aide à entrer en communication avec son Dieu. L’eau joue une rôle fondamental pour s’approcher de Dieu.
A l’époque de Jésus, les juifs pratiquent des baptêmes, en particulier pour les prosélytes, des païens d’origine, qui désirent embrasser la foi juive[4] . Ces personnes devaient recevoir un baptême d’eau tel que nous le recevons dans le christianisme. De la même façon à l’époque de Jésus, il y avait toute une catégorie de personnes qu’on appelle des mouvements baptistes, qui se trouvaient le long du Jourdain, et qui pratiquaient des rituels d’eau, des baptêmes d’eau où ils espéraient recevoir le pardon de leurs péchés.
L’eau joue aussi un rôle purificateur, dans le sens où cette purification extérieure ouvre celui qui la pratique à celle du plus profond de son être, conscient humblement de cette responsabilité personnelle.
Le baptême de Jean
Saint Jean, dit le Baptiste, pratiquait aussi un baptême sur les bords du Jourdain à l’époque de Jésus. Ce dernier envisageait cette plongée comme un moment important de conversion qui permet au pénitent d’avancer dorénavant dans la vie d’une toute autre manière, celle qui lui semble le plus « correspondre au cœur de Dieu » ; la sincérité de la conversion et l’engagement moral qu’elle suppose faisaient de ce baptême un événement non réitérable, unique, et poussant celui qui le désirait à se décider de manière durable à mener une vie plus « pure ».
Le baptême de Jésus
Si Jésus rejoint un jour son cousin Jean-Baptiste pour recevoir ce baptême, ce n’est pas à cause de ses péchés car il n’a pas péché, mais sans doute pour manifester d’une part sa proximité humble avec les pécheurs dont il partage l’existence terrestre, d’autre part pour annoncer sa mort, cette plongée finale pour laquelle l’évangéliste Jean soulignera que du sang et de l’eau sont sortis de son côté (Jean 19, 34).
Le baptême de Jésus marque un tournant en ce sens que la venue de l’Esprit Saint et la voix du Père rejoignent le Fils, invitant ceux qui le reconnaissent comme tel à devenir à leur tour « fils et filles adoptifs du Père dans l’Esprit » et à comprendre progressivement ce que signifie être baptisé dans la mort et la résurrection du Christ.
Nous comprenons donc aujourd’hui que notre baptême n’est pas seulement un effet de purification où l’eau jouerait un rôle important, mais où nous sommes en communion avec ceux qui se sont manifestés au baptême de Jésus ; nous cherchons à entendre la voix du Père et à recevoir l’Esprit Saint, notre baptême chrétien est à la fois donc une décision personnelle de conversion de purification mais aussi un début de confession de foi en celui qui est notre Dieu, Père, Fils et Esprit Saint.
Le baptême chrétien c’est donc de plonger dans la vie du Christ, décider de se convertir, de se purifier, pour s’approcher de lui d’une manière qui corresponde à la personne de Dieu, mais c’est aussi croire en sa personne, pas simplement se convertir mais demander la foi, de sorte que celui qui demande le baptême va entrer en catéchuménat.
Le baptême dans la Foi
À l’invitation claire de Jésus (Matthieu 28, 19), les apôtres et disciples baptiseront au nom de Jésus, (Actes 10, 48) mais aussi du Père et de l’Esprit. Le baptême ouvre à la foi, de sorte qu’il est demandé aux catéchumènes lors de la célébration du baptême : « que demandez-vous ? », et eux de répondre « la foi ».
Si la foi est souvent perçue d’abord comme « personnelle », comme une décision personnelle, elle est aussi celle de l’Église qui la transmet. Comme il est beau de voir que la foi d’une personne peut en sauver d’autres, « ainsi pour Corneille et le geôlier de Philippes (Actes 10,47 ; 16,33)[5] ».
Recevoir l’Esprit Saint
Le baptême n’est pas seulement une immersion dans un effort personnel de conversion mais aussi l’entrée dans une « confession de foi aux trois personnes divines ». Ces deux éléments clés éclairent la phrase de Jean-Baptiste : « Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu » (Luc 3, 16).
Ce feu purificateur, ce feu de la présence de l’Esprit Saint, bienvenu au cœur de ceux qui se convertissent et veulent croire. C’est là tout un chemin de vie que de recevoir cet Esprit. Ainsi, Saint Paul croise des baptisés (par Jean-Baptiste) qui lui disent que, bien qu’ayant reçu le baptême de conversion, ils « n’avaient même pas entendu dire qu’il y avait un Esprit Saint… » (Actes 19, 2).
Connaître l’ Esprit Saint c’est la responsabilité de tout baptisé, entrer en relation avec Dieu, avec celui que le Père et le Fils nous ont envoyé pour le connaître davantage.
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[1] CHANTRAINE P., Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris, Klincksieck, 1999, p.164.
[2] Ibid., p.164.
[3] DI BERNARDINO A. (dir.), Dictionnaire encyclopédique du christianisme ancien, Paris, Cerf, 1990, pp.332-339.
[4] LÉON-DUFOUR X., Dictionnaire du Nouveau Testament, Paris, Éditions du Seuil, 1975, p.138.
[5] LÉON-DUFOUR X., Vocabulaire de théologie biblique, Paris, Cerf, 1962, p.85.
Frère Patrick Gillard
Frère Patrick Gillard a longtemps été aumônier en prison. En 2023, il vit au couvent de Louvain-la-Neuve, où il est aumônier d'étudiants. Il travaille aussi en proximité avec le monde de la prostitution.
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3. Le baptême de conversion, dans la BIble
Dans nos régions, si le baptême est généralement conféré aux jeunes enfants, il l’est de plus en plus souvent à des adultes. Ces derniers ont vécu quelque chose de particulier sur le plan spirituel qui les a poussés à vouloir s’approcher de Dieu, après cette expérience intérieure, avancer sur un chemin de découverte de la foi, le catéchuménat. C’est souvent un grand changement de vie, une conversion qui fait parfois que la manière de vivre ou de percevoir les choses a bougé.
Le baptême de Jean
À l’époque de Jésus existaient des mouvements « baptistes » le long du Jourdain. Parmi ceux qui pratiquaient ces baptêmes de conversion, l’histoire a retenu le nom de l’un d’entre eux : Jean, surnommé le Baptiste. Alors que ce dernier baptisait en Judée, sa réputation s’étendait loin, jusqu’au nord de la Galilée, à la cour du Roi Hérode Antipas (Marc 6, 20),
Jean pratiquait un baptême de conversion, les gens se présentaient sur une rive du Jourdain, proclamaient tout haut leur péchés en décidant intérieurement de se convertir, plongeaient dans le Jourdain et ressortaient de l’autre côté sur l’autre rive, en étant comme nés à une vie nouvelle, en ayant plongé tous leurs péchés dans l’eau du Jourdain pour y être noyés.
Il y avait aussi d’autres baptiseurs tels que d’humbles pêcheurs de la mer de Galilée (Lac de Tibériade), comme André, Jean…
Par l’évangile de Jean, nous savons que ce dernier, André et d’autres étaient des disciples du Baptiste (Jean 1). Sans doute étaient-ce des hommes ayant soif d’essentiel pour avoir quitté leur région et y rejoindre ce lieu de conversion. C’est là au cœur de leur recherche que Saint Jean dira avoir vu un « homme qui allait et venait » (Jean 1, 36) sur les hauteurs être venu recevoir le baptême de Jean-Baptiste, malgré les réticences de ce dernier. Quand il écrit son évangile au soir de sa vie, Saint Jean cite avec précision l’heure à laquelle il a vu Jésus pour la première fois (c’était « vers la dixième heure » (Jean 1, 39) – quatre heures de l’après-midi) ; cette heure, cette rencontre a changé sa vie. Il a ensuite suivi Jésus jusqu’à la croix, comprenant plus avant le sens de ce baptême trois années auparavant.
La signification de l’eau
Jean baptisait dans l’eau. La signification de l’eau peut varier en fonction du fait que le mot soit utilisé au singulier ou au pluriel. Comme dans de nombreuses langues sémitiques, l’eau au singulier est toujours symbole de vie, telle l’eau d’une fontaine ou d’une source. En revanche, les eaux au pluriel désignent les masses d’eau telles que les mers ou les grands lacs et sont davantage symboles de mort ou de danger. S’aventurer en navigation sur la Grande Mer (la Mer Méditerranée aujourd’hui) ne se pratiquait pas en toutes saisons d’une part, mais d’autre part, on essayait toujours de rester le plus possible en vue d’une côte. La mer, symbole de forces occultes de mort. Il en va de même pour comprendre le baptême de conversion ; il comporte ces dimensions de mort et de vie, dans le sens où celui qui se convertit, qui change, est prêt à laisser mourir en lui certaines choses qui ne sont pas nécessaires pour s’ouvrir mieux à d’autres choses qui correspondent à ce qu’on appelle « une vie nouvelle dans le Christ ».
Les eaux de la mort peuvent engloutir notre péché. Nous avons besoin de puiser à la bonne source pour vivre de la vie du Christ ; c’est lui qui est la source d’eau vive, « où iras tu puiser cette eux disait la samaritaine ? tu n’as rien pour puiser ! » et de comprendre par après qu’il est lui même la source d’eau vive
La conversion est le centre de notre vie chrétienne, vouloir changer son cœur .. qui pourrait dire : « moi je n’ai rien a à changer, tout est bien en moi .. »
C‘est parfaitement inconfortable de vivre avec des gens qui ont toujours raison, qui n’ont rien à changer ! en revanche c’est beaucoup plus confortable de vivre avec quelqu’un qui a suffisamment d’humilité pour reconnaître qu’il y a des choses qui pourraient s’améliorer, avancer vers quelque chose de plus harmonieux.
Vivre dans le christ, c’est avoir cette capacité de décision de changer ce qui doit l’ être et de consolider ce qui peut être. L ‘effort de conversion c’est un effort de toute la vie, de sorte que celui qui est baptisé et qui a reçu le pardon de tous ses péchés, est bien conscient qu’après son baptême il continue à pécher.
Le baptême, une conversion une fois pour toute ?
Le baptisé est conscient de l’importance de sa décision de conversion, à reprendre tout au long de sa vie chrétienne. Ainsi, le baptême ouvre aux autres sacrements, notamment celui de la pénitence ou de la réconciliation, appelé communément « confession ». La confession est souvent approchée avec réticence. Le chrétien ne perçoit pas pourquoi il devrait « avouer » ce que Dieu sait déjà, ni pourquoi il a besoin de l’intermédiaire de quelqu’un (un prêtre) pour s’adresser à Dieu en cette matière. C’est là un exercice de grande humilité, mais aussi de grande maturité. Le baptisé désire garder sa vie plongée en Jésus qui a confié les clés à Saint Pierre : « tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans le ciel, tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans le ciel » (Matthieu 16, 19). La confession est comme un moment d’arrêt où le chrétien prend le temps de regarder calmement dans le « rétroviseur de sa vie » et, avec le recul, de reconnaître en toute simplicité qu’il y a des choses qu’il n’aurait jamais dû faire, jamais dû dire, ou en tout cas pas comme ça, ou pas à ce moment-là. Ou, au contraire, qu’il savait mais qu’il n’a rien fait, rien dit alors qu’il aurait pu. Et dans le fond, le regretter sincèrement et décider que si c’était à refaire, il ferait autrement, avec la grâce de Dieu. Pour enfin demander : « Seigneur, est-ce que tu peux me pardonner ? » Cette simple démarche ouvre le cœur du croyant à rester attaché à la grâce baptismale que Dieu a faite de tout pardonner à un moment donné. Il prend au sérieux le don de Dieu reçu dans ce baptême.
La conversion, qu’est-ce que c’est ?
La conversion du cœur aide le baptisé à trouver sa juste place et donc à laisser Dieu avoir la sienne. Souvent, nous pensons que Dieu est partout et, qu’à ce titre, il doit être « disponible » quand nous nous adressons à Lui. Nous Lui parlons si on est de bonne humeur, si on a le temps, si on est « à ça », si on n’est pas en vacances ou le contraire. Sans compter le fait qu’Il est prié de répondre à nos demandes rapidement… C’est le même raisonnement qui nous pousse à estimer que le rendez-vous dominical n’est pas si important puisque Dieu est « à disposition ». Nous risquons de devenir un seigneur dans notre vie spirituelle, parfois pour les meilleurs prétextes. Je ne vais pas aller à la messe car je n’y serais pas vraiment présent à cause de mes préoccupations, comme si nous étions le tout de cette rencontre. Dieu est à la merci de nos décisions. Pourtant, si nous avions un membre de notre famille ou un être aimé hospitalisé aujourd’hui, probablement que nous ferions tout pour nous déplacer auprès de lui, malgré tous nos agendas surchargés. Il ne s’agit pas là seulement d’un déplacement physique extérieur mais aussi d’un déplacement de tout notre être intérieur, dans la mesure où cela nous bouleverse. La question de se sentir appelé par Dieu, bouleversé par Lui, nous déplace, nous bouge, nous change, nous convertit. Il est alors vraiment le Seigneur, Celui pour Qui on se déplace, on change.
La conversion et la confiance en Dieu
La méfiance ou la défiance font alors place progressivement à la confiance. Ainsi, nous quittons les discours accusateurs contre Dieu : « quand tu vois le mal dans le monde, on se demande pourquoi Dieu ne fait rien ». Car il va de soi que nous ferions le bien mieux que Lui bien évidemment… Le baptême ne brise pas notre liberté humaine d’avancer dans la vie de manière lumineuse ou pas. Nous apprenons à écouter le Seigneur et à changer de perspective et de posture pour ne pas commettre d’imposture. Nous percevons que si le mal existe, il est encore et toujours inscrit dans « l’amour de Dieu », dans la mesure où il est l’exercice possible de notre liberté. Dieu pourrait empêcher le mal immédiatement, mais il ne le fait pas. Un jour, Jésus introduit ses amis à cette réalité en racontant l’histoire d’un semeur (Matthieu 16, 24-43), qui fut averti le lendemain de son beau travail du fait que de l’ivraie poussait au milieu du bon grain, au risque de lui porter grand préjudice. Mais, lorsque les serviteurs posèrent la question bien normale d’enlever cette ivraie, le semeur répondit « non ». Cette réponse peut paraître scandaleuse mais elle est avant tout le témoin de la confiance indéfectible de Dieu en notre capacité de conversion et de faire face au mal. Le chrétien ne reçoit pas un baptême magique mais découvre jour après jour comment vivre ce baptême dans des relations justes, ajustées avec les autres et avec Dieu, le poussant à toujours convertir son regard, sa pensée. Il n’y a pas de réelle vie chrétienne sans conversion.
L’idée de conversion est cependant souvent perçue comme difficile, pesante. Pourtant, ce n’est pas toujours vrai. Il est souvent préférable de vivre avec des personnes qui sont capables de changer, d’évoluer, de se convertir. C’est tellement plus confortable et plus heureux. Il est en effet tellement pesant de vivre aux côtés de quelqu’un qui ne change jamais, qui a toujours raison et n’est réceptif qu’à lui-même, égocentrique. La conversion suppose cette sortie de soi, cette capacité de remise en question susceptible d’ouverture à l’autre et même au Tout-Autre.
Dieu est Celui qui se tient dans l’invisible avec une bienveillance infinie et cette bienveillance infinie appelle notre conversion, nous pousse à changer par amour. Le chrétien croit que le péché n’a pas le dernier mot, que Dieu peut tout pardonner et quand il reçoit le baptême, il reçoit le pardon de ses péchés puisqu’ il est plongé dans la mort et la résurrection du Christ. Il entre déjà dans la vie éternelle ; Dieu peut tout pardonner, c’est l’espérance fondamentale du chrétien et tout au long de sa vie, le chrétien vit cet effort de conversion qui l’a mené à recevoir la grâce baptismale, en en prenant soin, c’est le sens de la confession, c’est le sens de la conversion durable. C’est Dieu en fait qui nous aide à nous convertir jour après jour.
Frère Patrick Gillard
Frère Patrick Gillard a longtemps été aumônier en prison. En 2023, il vit au couvent de Louvain-la-Neuve, où il est aumônier d'étudiants. Il travaille aussi en proximité avec le monde de la prostitution.
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4. Baptiser enfant ou adulte ?
Frère Thomas Carrique : On entend souvent des parents qui préfèrent que leurs enfants demandent le baptême eux-mêmes… Au fond, le baptême des petits enfants, on en revient.
Sœur Anne-Claire : Moi, quand tu me poses cette question-là, je ne peux m’empêcher d’entendre Jésus dire à ses apôtres :
« Laissez les petits enfants et ne les empêchez pas de venir à moi, parce que le Royaume de cieux est pour ceux qui leur ressemblent » (Matthieu 19, 14).
Cet amour inconditionnel de Jésus pour les enfants serait une réponse à ta question. Et nous pourrions en rester là, mais ce serait trop facile.
Fr. Thomas : Jésus a raison, il faut laisser les petits enfants venir à lui. Mais les adultes alors ? Eux aussi… eux surtout ? Car n’ont-ils pas l’avantage d’avoir l’usage de leur raison, et de pouvoir décider par eux-mêmes - ce qu’un nourrisson ne saurait faire? D’ailleurs, saint Pierre écrit dans sa lettre :
« Le baptême est l’engagement envers Dieu d’une conscience droite. » (1 Pierre 3, 21)
De plus, puisque les adultes ne sont plus des petits enfants depuis longtemps, c’est le baptême lui-même qui leur donnera de leur ressembler, non pas en “régressant”, mais en… “renaissant”! A Nicodème, qui demandait comment « un homme pouvait naître quand il était vieux », Jésus répondait : « Personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu » (Jean 3, 5). Or il n’y a pas d’âge pour renaître : il n’est jamais trop tard pour se faire baptiser ! Alors que parfois, on se dit qu’il est un peu tôt…
Avoir l’intention
Fr. Thomas : Pour être baptisé de manière efficace, il faut avoir l’intention d’être baptisé. Mais les bébés n’ont pas vraiment d’intentions très marquées, ils n’ont certainement pas l’intention d’être baptisés. A priori, ils ne peuvent donc pas être baptisés.
Sr Anne-Claire : En effet, l’argument est important. Pour y répondre, saint Thomas, au Moyen âge, s’appuie sur un autre théologien, saint Augustin, dans l’Antiquité.
Le baptême apporte une nourriture spirituelle qui peut être comparée à la nourriture terrestre. Or, dans le ventre de leurs mères, les bébés se nourrissent grâce à la bouche de leur mère. De la même manière, les enfants qui reçoivent le baptême, peuvent recevoir la nourriture spirituelle qu’apporte le baptême, par la bouche de l’Eglise.
Être porté par l’Eglise
Fr. Thomas : L’image de l’Eglise comme une mère, c’est un peu étrange, mais cela a le mérite de nous rappeler que l’Eglise, c’est d’abord les chrétiens autour de nous.
Mais qu’en est-il des petits enfants dont les parents ne sont pas chrétiens, ou des orphelins ?
Sr Anne-Claire : En effet, l’Eglise, ce ne sont pas seulement les parents, c’est aussi l’ensemble des croyants et la communion des saints. Saint Thomas a une belle formule :
« Mais la foi d'un seul, ou plutôt la foi de toute l'Église, sert à l'enfant par l'opération du Saint-Esprit qui fait l'unité de l'Église. » (Somme Théologique, IIIa, Qu.68, art.9).
D’ailleurs, le rite d’entrée dans l’Eglise prend tout son sens quand il a lieu pendant la messe dominicale. N’est-ce pas par le baptême qu’on franchit leur seuil et qu’on entre dans l'Église ?
Avoir la foi
Fr. Thomas : Ok, mais il y a autre chose. On considère que le baptême est le “sacrement de la foi”, c'est-à-dire le signe que Dieu donne la foi. Saint Marc nous disait que « Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé » (Marc 16,16), cela peut vouloir dire que le baptême est le signe extérieur de la foi. Or les petits enfants n’ont pas la foi. En effet, la foi est un acte volontaire.
Sr Anne-Claire : En fait, pour répondre à cette objection, on va dire que les enfants croient par les autres. Par le baptême, il y a une solidarité mystérieuse entre les chrétiens et le Christ.
C’est saint Paul qui en parle le premier. Il remarque que de même que, en Adam, il y a une solidarité mystérieuse entre les hommes dans le péché originel et la mort, en Jésus, il y a une solidarité mystérieuse dans la vie, la grâce et la justice.
« Si, en effet, à cause d’un seul homme, par la faute d’un seul, la mort a établi son règne, combien plus, à cause de Jésus Christ et de lui seul, régneront-ils dans la vie, ceux qui reçoivent en abondance le don de la grâce qui les rend justes. » (Romains 5, 17)
Jésus peut donner la foi et la grâce à tout le monde, mais, comme il l’a dit en saint Jean, il le fait par la grâce de l’eau du baptême
« Nul, s'il ne renaît de l'eau et de l'Esprit Saint, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. » (Jean 3, 5)
Recevoir la foi
Fr. Thomas : Alors que pour l’adulte, personne ne le force : c’est lui qui choisit d’aller vers le baptême, comme un grand ! Cela dit, force m’est d’avouer que, même si l’adulte est en effet assez mûr pour avoir la foi par lui-même, celle-ci reste toujours… un don de Dieu. C’est-à-dire que, pour que quelqu’un ait foi en Dieu - et une foi telle qu’on désire recevoir son baptême - nécessairement, il faut que Dieu ait d’abord touché cette personne au point qu’elle croie en Lui. On ne désire pas être sauvé par un Dieu invisible si l’on n’a pas reçu d’abord la grâce de reconnaître en Lui le Sauveur. Cela, il faudrait que même les parents incroyants qui font baptiser leurs enfants le sachent ! Comme le père qui s’écriait devant Jésus, pour que celui-ci sauve et guérisse son enfant :
« Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! » (Marc 9, 24)
Choisir le bien
Fr. Thomas : Tu dis que les bébés peuvent recevoir le baptême, même s’ils n’en ont pas vraiment la volonté, et même si ils ne croient pas. Mais quand on est baptisé, on renonce aussi au mal et on s’engage dans le bien. Or, les bébés n’ont pas la conscience du bien et du mal.
Sr Anne-Claire : La réponse de Thomas peut nous surprendre, car cette bonne conscience, c’est justement par le baptême que l’enfant va la recevoir. L’enfant n’est pas plus intelligent après le baptême, mais il reçoit une conscience du bien et du mal qui se développera ensuite.
Le bien, un chemin
Fr Thomas : Bon, d’accord pour dire que l’enfant est réellement purifié et sauvé dans le baptême, indépendamment de sa volonté et sa foi. Mais quid de la suite ? Le baptême n’est-il pas trop grand pour qu’on le donne à quelqu’un qui, le jour où il sera en âge de le comprendre, en fera peut-être n’importe quoi ? Est-ce que cela ne lui donne pas une trop grande responsabilité, et le risque d’aggraver son cas ?
L’adulte, lui, au moins, a parcouru un long chemin jusqu’à se faire baptiser ; c’est souvent l’histoire d’une vie ! Il mesure davantage la grandeur du don du baptême qu’il reçoit. Cela dit, j’avoue que cela ne le met pas à l’abri d’agir à l’encontre de cette faveur que Dieu lui a faite. D’ailleurs, c’est pour cela que l’Eglise donne les autres sacrements, c’est toujours par rapport au baptême, soit pour le renouveler, soit pour lui faire donner tous ses fruits en fortifiant le baptisé : ainsi, la confirmation nous établit dans l’Esprit, la communion nous donne Jésus lui-même dans son Corps et son Sang, et le sacrement du pardon nous remet dans l’état de grâce originel du baptême, que l’on avait abîmé. Dieu n’est pas avare de ses dons : c’est cela, la sainteté, c’est être si proche de Dieu, trouver en Lui un tel ami, que l’on reçoit tout de Lui, et qu’on finit par lui ressembler ! Saint Jean exprime merveilleusement bien cette condition existentielle du baptisé :
« Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est. » (1 Jean 3, 2)
Sr. Anne-Claire : Ce que je retiens, c’est qu’il n’y a pas à choisir entre un âge et un autre pour le baptême. Il n’y a pas un baptême meilleur que l’autre, plus cohérent ou plus complet, plus précoce ou plus sûr… Il n’y a qu’un seul baptême, donné par Dieu aux hommes en vertu de son amour incroyable pour chacun d’entre nous.
Après, que l’on soit bébé ou adulte, le baptême, c’est l’affaire de toute la vie ! la vie avant la mort, la vie après la mort… la vie avec un grand V. On ne pourra jamais “épuiser” toutes les richesses de l’amour de Dieu, et celles-ci prennent leur source dans le bain du baptême. Après tout, Jésus n’a pas attendu son baptême adulte pour être rempli d’Esprit Saint : cela, il l’était depuis toujours, et donc dès sa conception. Marie non plus n’a pas été “immaculée” seulement à partir de 6 ans, l’âge de raison : elle l’a été depuis toujours, par la grâce de son Fils. Jean le Baptiste (expert en baptême) a dansé dans le ventre même de sa mère, visité par l’Esprit à l’approche de Marie enceinte de Jésus !
Ainsi, pour recevoir le baptême, il n’est jamais trop tard, et jamais trop tôt !
Les questions du Moyen-Age
Sr. Anne-Claire : Dans cette vidéo, on a repris les arguments et contre arguments qui existaient au temps de saint Thomas d’Aquin et qu’il présente dans sa Somme théologique, dans la III° partie sur le Christ et les sacrements, dans la question 68 sur « qui peut recevoir le baptême ? ».
Fr. Thomas : Il reste sûrement des objections, sinon, tout le monde baptiserait les enfants. Mais avec cette vidéo, on comprend comment on faisait de la théologie au siècle où on construisait Notre Dame de Paris. On essayait de répondre aux objections en comprenant l’Ecriture Sainte en profondeur.
Sr. Anne-Claire : Dans les articles suivants, Thomas continue à poser quelques questions : « Peut-on baptiser les enfants de non-chrétiens ? » Il va démontrer pourquoi on ne peut pas baptiser un enfant contre l’avis de ses parents. Il prend l’exemple des enfants de familles juives, qui ne doivent pas être baptisés sans l’accord des parents.
Fr. Thomas : « Peut-on baptiser un enfant avant la naissance ? » Non, car le baptême est une seconde naissance.
Sr. Anne-Claire : « Peut-on baptiser les personnes qui n’ont pas toute leur tête ? »
Fr. Thomas : Oui, car ils sont comme les enfants qui reçoivent le baptême.
Sr Anne Claire : Bon courage, allez lire « la Somme » ...
sœur Anne-Claire Dangeard
Sœur Anne-Claire est dominicaine de la Congrégation Romaine de Saint Dominique. Après quelques années au couvent de Poitiers, d'où elle était responsable des Médias à la Conférence des religieux et religieuses de France, elle est depuis 2021 prieure du couvent de Nancy et en charge de la proposition "Carême dans la Ville". Elle accompagne des groupes de jeunes en pastorale, notamment à travers l’animation d’ateliers d’écriture d’icônes.
frère Thomas Carrique
Frère Thomas Carrique enseignait le français avant d'entrer dans l'Ordre. En 2023, il est frère étudiant au couvent de Lyon.
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Le baptême, plonger au cœur de la vie
5. Les baptêmes improbables
Actuellement, je suis responsable de la pastorale universitaire à l'université de Louvain-la-Neuve en Belgique où j'ai la responsabilité particulière du catéchuménat, donc du baptême, de toute une série de personnes, qui s'approchent de la Foi. Et donc chaque année nous avons entre 10 et 15 étudiants qui reçoivent la grâce du baptême et de la confirmation. Pendant une quinzaine d'années, j'étais aumônier de prison et là, chaque année, nous avions une dizaine de détenus qui recevaient le sacrement du baptême et de la confirmation. Et dans le secteur de la prostitution, je suis aussi engagé à titre volontaire ; il y a plusieurs personnes qui ont suivi un chemin catéchuménal, soit de manière isolée, soit parfois avec un enfant.
Le baptême en prison
En fait quand vous êtes en détention pour une très longue période, vous avez largement le temps de vous interroger. Vous commencez à perdre des gens à l'extérieur. On perd une maman, on perd des proches. Il n’y a plus personne qui vient vous visiter. Et donc surgit au fond de l'âme toute une série de questions que j'appelle des « questions limites » : la question de la souffrance, la question de la mort et parmi les questions limites il y a la question de Dieu. Et c'est dans le cadre de cette question de Dieu, que certains d'entre eux se disent : « En fait c'est possible que j'ai fait des choses qui sont tellement graves et dont je perçois la gravité aujourd'hui au cœur de ma détention, qui font que je ne peux pas rester comme ça. »
Quelqu'un qui décide de s'approcher du baptême dans une prison de longue peine, c'est quelqu'un qui a perçu la gravité de son action, la gravité de l'état de vie qui était le sien avant la détention. Et qui, au fur et à mesure de la détention s'est approché suffisamment de la question de Dieu et de Dieu lui-même, pour que naisse chez lui quelque chose qui le décide à aller plus loin, de rechercher profondément comment vivre d'une manière qui soit juste devant Dieu.
Il n’y a plus grand monde autour de soi après 10, 15, 20, 30 ans, 35 ans de détention. Il n’y a plus grand monde. On est seul, mais aussi seul face à Dieu. Et je crois que la personne de Dieu, c'est le seul peut-être qui n'abandonne vraiment personne. Au cœur de la détention, dans le fond chaque mur lance comme un bruit sourd qui est : « Qui pourra me pardonner ? Qui pourra me pardonner ce que je n'arrive pas à me pardonner à moi-même ? » Et seul Dieu peut faire ça.
Souvenir d’une conversion en prison
Ce que le baptême a changé, c'est d'abord le fait de pouvoir approfondir cette décision. C’est d’abord le fait de se rapprocher de Dieu et de découvrir qu'il est possible que quelqu'un vienne vraiment. Donc il y a des expériences mystiques de détenus. Pour certains d’entre eux, j'estime que Dieu est venu les chercher.
Je me souviens d'un musulman dont la fenêtre de sa cellule était devenue en pleine nuit, comme une porte-fenêtre, tout à fait lumineuse. Tout ce qu'il savait durant cette nuit-là, c'est que c'était Jésus. Et lorsqu'il a demandé à l'aumônier de recevoir le baptême, l'aumônier lui a dit que ce n'était pas possible parce qu'il était d'origine musulmane. Et quand il est arrivé dans notre prison, évidemment, on a pu donner suite.
C'est quelque chose, c'est une démarche qui coûte cher... Quand on était musulman d'origine et qu'on devient chrétien, cela veut dire qu'on ne peut plus circuler de la même façon dans la prison. On risque pas mal d'ennuis dans un préau, dans les lieux communs. C'est une question qui est extrêmement délicate. Ce n'est pas une conversion de surface. C'est quelque chose qui engage jusque dans le concret de la vie en détention. Et elle va être longue quand on est à perpétuité, cette détention, très longue...
Autrement dit, il ne s'agit pas de transformer les conversions qui sont vécues en prison, comme quelque chose qui est une sorte de baume au cœur, de gens qui cherchent un pardon et qui essayent de le trouver facilement. Très loin de là.
La foi des personnes qui se prostituent
Une personne qui se prostitue la plupart du temps (pas toujours, mais la plupart du temps) en fait, perçoit qu'elle est jugée par l'ensemble de la société comme n’étant pas à une place correcte (entre guillemets). Et c'est quelque chose qui nous rend en fait très proche nous, comme religieux... Nous sommes atypiques à notre manière. Ce n’est pas la même chose, mais en fait il y a comme une proximité entre les personnes prostituées et les religieux. C'est l'expérience que je fais absolument quotidiennement.
Le 13 mai, il y a quelques jours, une des personnes prostituées a demandé qu'on fasse un pèlerinage à Banneux. C’est un lieu d'apparition mariale, comme Lourdes. Nous avons vécu un pèlerinage à Banneux avec un ensemble de personnes qui continuent à se prostituer. D'autres pèlerinages sont faits avec des personnes qui ont quitté la prostitution.
La sortie de la prostitution et le baptême
Pour celles qui demandent le baptême actuellement, ce sont essentiellement des personnes qui ont eu un passage en prostitution parfois très long, des dizaines d'années parfois, mais qui ont perçu, à leur sortie de prostitution, que s'approcher de Dieu, c'était naturellement tourner le dos à la prostitution. Elle ont perçu que si Jésus ne jugeait pas une personne prostituée, peut-être qu’il était capable, tout de même, de dire que la prostitution n'est pas un bien tellement durable, qu'il aura sa place au paradis par exemple. La personne prostituée, c'est une personne qui perçoit que la grâce de Dieu est aussi pour elle. Une fois qu’elle a quitté la prostitution, le chemin de conversion peut aller jusqu'au baptême et à ce pardon total du péché.
Alors si on regarde notre approche chrétienne, on peut se dire quand Jésus parle de la prostitution, Il dit que « les prostituées vous précèdent au Royaume des Cieux ». Non pas parce qu'elles sont prostituées... Elle nous précèdent parce que peut-être qu'il y a chez elle une certaine forme d'humilité. J’ai pu le voir, souvent les personnes prostituées sont très peu jugeantes. Elles vont dire un avis et puis elles vont ajouter : « enfin qui suis-je pour juger ».
Clients et proxénètes
Les clients parfois sont victimes d'addiction. Ils sont victimes de difficultés personnelles, sociales, psychologiques, qui remontent à l'enfance. Voilà des gens qui ont besoin de soins, du soin que Dieu peut donner.
On voit Jésus qui raconte l'histoire de l'enfant prodigue, ou du père prodigue. C’est l’histoire de celui qui a tout dépensé avec des filles, comme il est écrit dans le chapitre 15 de saint Luc, et qui revient vers le Père. Il n'a même pas le temps de s'expliquer, que le père tue le veau gras et court à sa rencontre. C'est aussi la responsabilité que nous avons, de courir à la rencontre de ceux qui cherchent une conversion spirituelle.
Il en va de même pour les proxénètes qui sont des criminels. Ces criminels dont nous venons de parler pour le baptême. Parmi eux, parmi les proxénètes, il y en a qui ont reçu le baptême, qui sont ou qui ont été accompagnés dans une démarche catéchuménale. Ces proxénètes, ce sont ceux qui, à la droite et à la gauche du Christ, sur la croix, pour certains d'entre eux, ne vont rien reconnaître, et pour d'autres vont dire : « souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne ».
Et c'est là, je crois, notre responsabilité dans le catéchuménat. C'est de voir que dans un domaine aussi à la marge que celui de la prostitution, se trouvent uniquement des personnes pour qui le Christ a donné sa vie.
Les étudiants et le baptême
Il y a toute une série d'étudiants qui, en fait, profitent de leur temps d'études pour se poser des questions qui avaient été abandonnées lors de l'adolescence. On va retrouver dans le catéchuménat étudiant, des gens qui en fait avaient oublié leur vie chrétienne, et puis qui la redécouvrent, et d'autres qui s'en approchent progressivement.
A la vie à la mort
Certains s'en approchent en ayant été « à la vie à la mort ». Je peux parler de l'une d'entre elles, parce que son témoignage est public. Elle avait voulu se suicider, et pour se suicider elle voulait se jeter sous un train. Et elle a été comme retenue intérieurement. Elle a perçu que cette retenue, c'était Dieu qui la sauvait, elle qui vient d'une famille athée. Et le lendemain elle a appris qu’un de ses meilleurs amis s'était jeté sous le train. Il était décédé et ça l’a marqué, ça la marque encore aujourd'hui, à chaque anniversaire de la mort de cet ami.
Elle a fait tout le parcours catéchuménal et a continué à s'approcher de Dieu. C'est quelqu'un qui fréquente même nos offices du matin et du soir quotidiennement au couvent de Louvain-la-Neuve. Cela veut dire qu’elle n’a pas simplement vécu un chemin vers le baptême mais qu’au-delà du baptême, sa foi est devenue quelque chose qui est constitutif de l'organisation même de sa journée d'étudiante : elle a rencontré le Christ.
Des baptêmes de musulmans
Chez les étudiants, il y a plusieurs musulmans qui se préparent au baptême et qui sont baptisés l'an prochain. Effectivement, la miséricorde de Dieu sur la croix c'est quelque chose. Le fait que le Père, le Fils et l'Esprit Saint sont Dieu, nous différencie radicalement d'un Dieu qui est beaucoup plus lointain. La religion, en soi, n'est pas grand-chose. Devant Dieu, les religions disparaîtront. Ce qui compte pour eux, c'est de rencontrer quelqu'un. Et ce qui fait qu’un musulman d'origine, demande le baptême, en définitive ce n'est pas une conviction sur des données intellectuelles ou rationnelles seulement, mais c’est davantage la rencontre avec Quelqu'un. Et lorsqu'ils ont perçu que Jésus était le Christ, à ce moment-là en fait, ils peuvent vivre un baptême chrétien sans aucune difficulté. Oui, il y a des difficultés familiales mais leur décision elle est bien assise. Ils savent qui est le Christ.
Le mot de la fin ?... Croyez en Dieu et Dieu croira en vous !
Frère Patrick Gillard
Frère Patrick Gillard a longtemps été aumônier en prison. En 2023, il vit au couvent de Louvain-la-Neuve, où il est aumônier d'étudiants. Il travaille aussi en proximité avec le monde de la prostitution.
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Le baptême, plonger au cœur de la vie
6. Comment être baptisé adulte ?
Pour devenir chrétien il y a tout un parcours organisé par l’Eglise, à travers un rituel : on entre dans l’Eglise, non dans un club où il suffirait de payer sa cotisation mais on entre spirituellement dans l’Eglise ; toutes ces étapes sont décrites dans un « Rituel de l’initiation chrétienne » qui décrit l’approche du christianisme, comment on se prépare au baptême, la célébration elle-même et enfin nous rappelle toute l’exigence d’être devenu chrétien : ce n ‘est pas l’affaire d’un moment mais de toute la vie.
Nous avons beaucoup de chance dans l’Eglise car le rituel du baptême a très peu évolué, nous célébrons un baptême au 21° siècle de manière très proche de celui qu’on célébrait au IIème siècle.
Le rituel des sacrements de l’initiation chrétienne aide à percevoir le sens profond du baptême. Il décrit la succession des actes et des paroles qui sont posées et comprend quatre temps et trois étapes distinctes.
Le temps de l’évangélisation, vers l’entrée en catéchuménat
Le premier temps est celui de l’évangélisation, c’est-à-dire cette période où Dieu lui-même touche le cœur de la personne, l’enseigne et l’attire. C’est là l’œuvre de l’Esprit Saint que d’ouvrir des cœurs à Sa présence. Pour s’approcher du Christ, il a bien fallu en entendre parler, soit dans la famille, auprès d’amis, d’une lecture, d’une rencontre et c’est le temps de découverte.
C’est donc un temps de foi et de conversion initiale qui peut aboutir, si la personne le demande et est reçue par l’Église, à une célébration d’entrée en catéchuménat, première étape importante vers le baptême. Le nom est inscrit officiellement parmi ceux qui choisissent de s’approcher du Christ à travers une démarche de baptême.
Les candidats sont invités à répondre à la question « que demandez-vous ? » de la manière suivante : « la foi ».
Ils sont ainsi accueillis pour avancer dans la vie à la recherche de cette foi en Dieu, destinée à grandir au contact de l’Église qui les accueille officiellement. Ils sont alors marqués du signe de la croix du Christ et peuvent même recevoir un nom nouveau, témoignant par là que quelque chose change en profondeur dans leur vie.
Le temps du catéchuménat
Un second temps est donc celui du catéchuménat et de ses rites. C’est une période très importante au cours de laquelle le catéchumène bénéficie d’une catéchèse appropriée et d’une «familiarisation avec la pratique de la vie chrétienne ». Ce temps peut durer plusieurs années, dans certains pays 3 ans, parfois 2, dans certaines circonstances une seule année, il peut même être réduit à une portion congrue en cas d’urgence vitale par exemple.
C’est un temps pour chaque futur chrétien, de découverte du Seigneur de deux manières : nous essayons d’une part de comprendre qui est notre Dieu par la force de la raison. D’autre part le christianisme n’est pas qu’une affaire intellectuelle, mais une affaire spirituelle de rencontre personnelle où le futur chrétien apprend à entrer en conversation avec le Seigneur, à s’adresser à lui ; en effet, l’Eglise est dotée de tant de formes de prières qui peuvent aider le chrétien à trouver son proche chemin, la meilleure manière pour s’adresser au Père, au Fils et à l’Esprit.
Soutenus par les croyants, éventuellement déjà par un parrain et/ou une marraine, il fortifie sa connaissance de Dieu, tant sur le plan intellectuel que sur le plan spirituel.
Il peut participer aux liturgies de la Parole, s’intéresse à tout ce qui concerne la vie chrétienne. Sa connaissance de Dieu qui s’accroît, l’aide progressivement dans son désir de conversion et de rapprochement avec Lui.
Au cours de cette période, le catéchumène peut recevoir une onction réservée à son état et destinée à le fortifier dans son parcours, de même que des bénédictions.
Des prières d’exorcisme sont aussi proposées, rappelant combien l’aide de Dieu est nécessaire à chaque personne qui essaie de vivre une vraie conversion, impliquant nécessairement des luttes et combats spirituels.
La célébration de l’appel décisif
C’est au terme de ce temps qu’une seconde étape sera proposée au catéchumène décidé à demander le baptême, celle de la célébration de l’appel décisif au début du carême précédant la fête de Pâques au cours de laquelle le baptême sera conféré.
Lors de cette célébration, l’évêque interrogera ceux qui ont accompagné les catéchumènes pour savoir si ceux-ci sont prêts de manière définitive, et les catéchumènes eux-mêmes sur leur volonté de recevoir librement les sacrements. Ils peuvent alors être admis avec l’inscription de leur nom au registre des futurs baptisés.
Le temps de la purification, les célébrations des scrutins
Cette étape ouvre sur un troisième temps : celui de la purification et de l’illumination, au début du temps du carême qui va précéder immédiatement la célébration du baptême. Il est donc réduit à 40 jours, le temps du carême. C’est une période plus intense « qui tient plus de la retraite spirituelle que de la catéchèse ».
Pendant ce temps ont lieu trois célébrations de « scrutins », les 3ème, 4ème et 5ème dimanches du temps du carême, aux cours desquelles, après une liturgie de la Parole, les catéchumènes bénéficient encore de prières d’exorcisme. Ces dernières aident le catéchumène dans son combat intense à renforcer le bien qui repose en lui et écarter le mal qui ne correspond pas à la vie en Dieu ; au contraire, il va se concentrer sur ce qu’il y de meilleur en lui pour demander à Dieu de le renforcer. C’est un moment de recherche de guérison et de purification, afin de vivre toujours davantage à la Lumière du Christ (illuminé).
C’est également lors de cette période que l’Église célèbre la tradition du « Credo » et du « Notre Père ».
Celui qui s’approche du baptême découvre ainsi qu’il reçoit la foi et la prière et s’inscrit dans une communauté de personnes qui, comme lui, effectuent cette recherche de Celui qui est « le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jean 14, 6).
Des onctions d’huile des catéchumènes sont également proposées durant ce temps, toujours avec l’objectif de renforcer dans sa foi celui qui s’approche du baptême.
Enfin, ce temps se termine avec le samedi saint, jour où les catéchumènes sont invités à laisser leurs activités habituelles et à prier, parfois avec une célébration commune où la « reddition du Credo occupe une place importante », le candidat ayant appris à faire de la foi de l’Église celle qu’il désire embrasser, non pas seulement parce qu’il l’a entendue, mais parce qu’il décide librement de la faire sienne.
Pour aller plus loin : Rituel de l’initiation chrétienne des adultes, Desclée/Mame, Paris, 1997.
Frère Patrick Gillard
Frère Patrick Gillard a longtemps été aumônier en prison. En 2023, il vit au couvent de Louvain-la-Neuve, où il est aumônier d'étudiants. Il travaille aussi en proximité avec le monde de la prostitution.
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7. Le baptême des adultes, comment ça se passe ?
Au terme du carême, généralement dans la nuit de Pâques, la célébration du baptême proprement dite peut être effectuée. Il est généralement célébré par l évêque et comprend différentes parties.
Toute célébration chrétienne commence par une liturgie de la parole de Dieu. Nous écoutons la parole de Dieu et c’est parce qu’elle nous touche, que nous avons la foi.
La litanie des saints
Au moment de la célébration du baptême, l’assemblée entonnera le chant de la litanie des saints, appelant l’intercession de ces derniers, c’est-à-dire de ceux qui ont pleinement vécu leur baptême jusqu’au bout et qui constituent par là un exemple pour ceux qui veulent vivre chrétiennement. Quel serait en effet celui qui aurait connu dans sa famille ou ses proches une personne exceptionnelle et qui viendrait à l’oublier immédiatement ? L’Église a ce sens de la famille qui n’oublie pas les belles personnes du passé qui peuvent encore tant inspirer notre présent.
La renonciation au mal, et le credo
Le catéchumène est invité à renoncer publiquement au mal ; A trois reprises l’Eglise va lui demander s’il renonce au mal et à Satan. C‘est parce qu’il renonce au mal, qu’il décide cette conversion, qu’il peut ensuite être invité à proclamer sa foi et de nouveau à trois reprises, l’évêque demandera « croyez vous en Dieu, Père, Fils et Saint Esprit ? » le candidat répondra à trois reprises : « je crois » avec force et conviction !
Le baptême d’eau
Ensuite l’évêque procédera à la bénédiction solennelle de l’eau baptismale. Il reçoit alors le baptême d’eau, est plongé dans la mort et la résurrection du Christ, à travers l’eau du baptême. A trois reprises en versant de l’eau au sommet de sa tête, l’évêque lui dira : « je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit »
Le catéchumène est accompagné pour cette démarche par ses parrain et marraine, c’est-à-dire des personnes de référence pour lui, qui ne sont pas forcément de sa famille .. des gens à qui il pourra confier sa vie spirituelle dans sa préparation au baptême mais aussi après son baptême.
Les rites du vêtement et de la lumière
Un second rite après l’eau du baptême est celui du vêtement blanc : il a vécu quelque chose d’intense intérieurement et le vêtement blanc révèle que la purification intérieure qu’il vient de recevoir dans le baptême est tellement forte intérieurement qu’elle ne pourrait faire autrement que de rayonner à l’extérieur, autour de lui. Il est « une création nouvelle dans le Christ », il a revêtu le Christ.
Dernier signe du baptême : celui du cierge allumé
En effet, accompagné de ses parrains et marraines, il reçoit le cierge allumé au cierge pascal. Ce cierge pascal est celui de la lumière du ressuscité dans la nuit de Pâques. Il invite le baptisé à vivre de la lumière du Christ, à ne pas laisser éteindre sa propre lumière (foi), mais à toujours trouver la force de se tourner vers celle de Notre Seigneur, en allant puiser à la bonne source, celle du Christ, en particulier dans les moments sombres de l’existence qui ne manqueront pas de venir de temps à autre. Le cierge allumé rappelle cette responsabilité du chrétien de rester à proximité du Christ, à savoir où puiser sa lumière.
Après tous ces rites, le catéchumènes est baptisé ; il peut recevoir le sacrement de confirmation.
La confirmation
C’est joyeusement que le baptisé reçoit alors le sacrement de la confirmation avec le saint-chrême marquant le baptisé après l’imposition des mains par l’évêque à la manière dont Jésus le faisait : « N., sois marqué de l’Esprit-Saint, le don de Dieu ». On sait par différents écrits (Lettre de Jacques) que les apôtres vont continuer à imposer les mains en différentes circonstances, comme le faisait Jésus
Cette imposition des mains marque la demande de la venue de l’Esprit de Dieu lui même ; c’est l’Esprit Saint qui est sollicité à cet instant présent pour venir marquer le baptisé de sa propre vie, l’évêque utilise une huile parfumée différente de l’onction des catéchumènes utilisée précédemment, qui est le saint-chrême et qui marquera le front du baptisé par l’évêque : « sois marqué de l’Esprit Saint ».
L’Eucharistie
Le baptisé est prêt pour pouvoir enfin communier pleinement au corps et au sang du Christ, à faire une « commune-union » avec lui, car il a intégré son « corps mystique », c’est-à-dire l’Église, après avoir effectué avec une grande sincérité cette longue démarche de conversion et d’apprentissage humble de la vie de foi véritable.
Le temps de la mystagogie
Tout commence alors pour le chrétien ...
Devant le baptisé s’ouvre un dernier temps, celui de la « mystagogie », le temps de vivre simplement la grâce de son baptême et de la répandre autour de soi. Il ne s’agit de rien d’autre que d’approfondir sa foi et de la « traduire toujours plus dans sa vie ». Accompagné par ses parrains et/ou marraines ainsi que par ses pasteurs, il apprend à participer aux assemblées dominicales, à grandir dans la prière et la foi, à l’approfondir, à en témoigner. Chaque baptisé qui a reçu l’Esprit Saint est appelé à devenir lui même un témoin de la foi et de la grâce que Dieu lui donne dans chaque moment de sa vie.
Pour aller plus loin : Rituel de l’initiation chrétienne des adultes, Desclée/Mame, Paris, 1997.
Frère Patrick Gillard
Frère Patrick Gillard a longtemps été aumônier en prison. En 2023, il vit au couvent de Louvain-la-Neuve, où il est aumônier d'étudiants. Il travaille aussi en proximité avec le monde de la prostitution.
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Le baptême, plonger au cœur de la vie
8. Le baptême de désir
Qu’est-ce que le baptême de désir ? Tout le monde sait ce qu’est un baptême : on verse de l’eau sur le baptisé et on dit : je te baptise au nom du père et du fils et du saint esprit. Mais que se passe-t-il quand quelqu’un veut recevoir le baptême et meurt sans avoir pu être baptisé ?
Le cas de la mort de la catéchumène
A priori, ça arrive rarement, le baptême de désir, d’autant plus que n’importe qui peut baptiser, il suffit de vouloir baptiser (on dit, de faire ce que l’Eglise a l’intention de faire), et de prononcer les bonnes paroles en versant de l’eau !
Pourtant, parfois, il arrive qu’un catéchumène meure avant d’être baptisé.
Cette personne était une catéchumène qui avait fait un parcours de quatre années de catéchuménat (au Burkina Faso, en Afrique, le catéchuménat des adultes dure quatre années). C’est vers la fin de la quatrième année qu’elle est décédée brutalement sans recevoir le baptême. On peut penser qu’elle a reçu le baptême de désir, c'est-à-dire qu’elle a tout de même bénéficié des effets du baptême. D’ailleurs, lors de l’enterrement à l’église, elle a vraiment été reconnue comme une croyante chrétienne, enfant de Dieu.
Définition
Cet exemple n’est pas si isolé. D’ailleurs, l’Eglise y a pensé. D’après le catéchisme de l’Eglise Catholique (§1258) :
« le désir du Baptême porte les fruits du Baptême, sans être sacrement. »
Le bon larron
D’une certaine manière, le bon larron est le premier à avoir reçu le baptême de désir. Vous vous souvenez quand Jésus était sur la croix. Il dialogue avec l’un des deux autres condamnés à mort. Le bon larron demande à Jésus :
« Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. »
Et Jésus lui répond : « En vérité, je te le dis, dès aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis » (Luc 23,43).
Le bon larron est mort en confessant la foi, ce que le Christ a estimé suffisant pour qu’il aille au Ciel. On pourrait même dire avec humour qu’il a tout volé jusqu’à voler le Ciel.
S’il n’a pas été baptisé avec la forme du sacrement – qui est la formule trinitaire « au nom du père et du fils et du saint esprit », ni avec la matière du sacrement – qui est l’eau, pourtant, il a gagné le Paradis. Il a bien reçu un baptême de désir.
Le baptême de sang
Ici, il ne s’agit pas du baptême de sang. Ce n’est pas non plus ce qu’on appelle un baptême de sang, quand certaines personnes meurent en martyr pour leur foi sans avoir été baptisées. Le bon larron, lui, est mort à cause de ses crimes et non parce qu’il était croyant.
La foi et les sacrements
Ce baptême de désir, c’est un peu bizarre. Dans l’Evangile de Jean, Jésus dit bien qu’on a besoin du baptême :
« Si un homme ne renaît de l’eau et de l’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu » (Jean 3, 5),
Si on écoutait cette citation, la catéchumène, non baptisée, ne pourrait entrer dans le royaume de Dieu. C’est là que saint Augustin a une réponse, dans son fameux livre : De la Cité de Dieu (13. 7). Il fait remarquer que le même Jésus qui a dit ces paroles, a aussi dit :
« Tout homme qui me confessera devant les hommes, je le confesserai aussi devant mon Père qui est dans les cieux. » (Matthieu 10, 32)
Autrement dit, Jésus donne une grande importance au baptême, mais aussi à la foi des chrétiens.
Ce baptême de désir reste donc exceptionnel : la plupart du temps, quand on désire recevoir le baptême, on le reçoit. Mais si ce n’est pas possible, le baptême de désir est tout aussi efficace pour entrer dans le Royaume de Dieu.
sœur Pascaline Bilgo
Sœur Pascaline Bilgo est dominicaine, de la Présentation de Tours. Elle est originaire du Burkina Faso et, en 2023, elle est doctorante à l'Institut Catholique de Paris, en théologie pastorale.
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Le baptême, plonger au cœur de la vie
9. Le baptême selon le retable des 7 sacrements de van der Weyden
Avant de devenir une interprétation personnelle de l’artiste peintre, sculpteur ou graveur, la représentation du baptême c'est d’abord une figure, une histoire, un geste liturgique et une espérance eschatologique.
Marquée par des accents théologiques, spirituels et ecclésiologiques différents selon les lieux et les temps, la représentation du baptême est donc un miroir de la foi chrétienne.
Au gré d’une nouvelle naissance, le baptême agrège à la communauté des fidèles tous ceux qui confessent leur foi en Jésus-Christ, au nom du Père, du Fils et de l’Esprit.
Un retable du XVe siècle
Un retable du XVe siècle nous offre de ressaisir cette réalité grâce à l’évocation d’une vie chrétienne jalonnée par les sept sacrements.
Peint par Rogier van der Weyden, entre 1453 et 145, le retable dit des Sept Sacrements se trouve aujourd’hui au Musée d’Anvers.
D’un format de trois mètres de largeur et de deux mètres de hauteur, c’est une œuvre immersive où tout un chacun peut faire son chemin dans un espace cathédrale. Le peintre flamand s’inspire en fait de la cathédrale Saint-Michel-et-Sainte-Gudule de Bruxelles, avec sa nef, son chœur et ses bas-côtés représentés avec minutie et maints détails, comme le mendiant à la porte, le chanteur à son pupitre et des fidèles en prière.
La croix au centre
Au cœur de cette cathédrale, le peintre offre à voir une étonnante crucifixion, d’une taille démesurée, surdimensionnée par rapport à l’architecture du lieu. Jésus crucifié, de ses bras en croix, embrasse tout l’espace de la nef.
Au pied de la croix, Marie, sa mère, est évanouie, en pamoison selon le langage médiéval, et soutenue par Jean, le disciple bien aimé. Figures de compassion, Marie femme de Clopas, Marie-Salomé et Marie-Madeleine sont agenouillées au pied de cette croix fichée dans le dallage.
Plantée au cœur de cette cathédrale, le mystère de la croix rappelle que la vie du Christ donnée jusqu’à la fin est au principe de tout sacrement de la rencontre de l’homme avec Dieu, lorsque la vie, selon saint Jean, est donnée en abondance (Jean 10, 10).
L’eau et le sang qui, dans l’Évangile selon saint Jean, s’épanchent du côté du Christ sont, dans la tradition, interprétés par les Pères de l’Église et commentés par saint Thomas d’Aquin comme une figure des sacrements de l’Église, du baptême et de l’eucharistie.
L’Évangile ne précise pas qu’il s’agit du côté droit du Christ, mais les commentateurs ont vu dans la prophétie d’Ezéchiel - au chapitre 47 - une préfiguration de cette réalité :
« De l’eau sortait de dessous le seuil du Temple vers l’Orient. L’eau descendait de dessous le côté droit du Temple, au sud de l’autel. » (Ezéchiel 47, 1)
Il s’agit d’une eau qui, selon le prophète Ézéchiel, assainit les eaux de la mer et suscite la vie partout ailleurs. Or le baptême, comme l’eucharistie, « le plus excellent des sacrements » selon saint Thomas d’Aquin, purifie, sanctifie et vivifie.
Le pèlerinage du chrétien
Dans chacune des chapelles des bas-côtés de la cathédrale, le peintre met en scène la vie de l’Église au gré des sacrements du septénaire médiéval : le baptême, la confirmation, la réconciliation, l’eucharistie, l’ordre, le mariage et l’onction des malades.
Il s’agit non seulement de scènes de la vie des fidèles peintes avec maints détails liturgiques, mais aussi et surtout des stations d’un pèlerinage de vie humaine qui, jalonnée par la célébration des sept sacrements, s’achève sous une fenêtre haute qui, à la faveur du jour, dispense la lumière d’En Haut.
C’est la seule fenêtre qui soit visible de toutes celles des chapelles des bas-côtés et dont l’unicité désigne, au-delà d’elle-même, l’unique chemin vers la vie éternelle que révèle la « lumière née de la lumière ».
Près du baptistère, là-même où un prêtre et des parents célèbrent le baptême d’un nouveau-né, se tient un homme qui, se tenant au seuil d’une chapelles latérales nous introduit dans l’espace cathédrale. C’est un homme qu’on retrouve, étonnamment, dans les autres scènes et qu’on peut identifier par sa physionomie, qu’il soit mature, jeune ou plus âgé, mais aussi par ses habits, notamment lorsqu’il se tient, avec un bâton de pèlerin à la main, devant l’autel du jubé, là-même où un prêtre célèbre l’Eucharistie. D’aucuns sont tentés de le reconnaître dans l’homme à l’agonie dans la scène de la célébration de l’onction des malades. C’est en réalité la figure de l’homme pèlerin, l’homo viator peregrinus, l’homme voyageur, de la tradition spirituelle médiévale qui s’achemine vers sa patrie céleste : la maison du Père.
Près du baptistère, sa présence, désigne le baptême comme le seuil à franchir pour s’acheminer vers la vie éternelle quand, selon l’Évangile selon saint Jean (Jean 17, 3), la vie éternelle c’est de reconnaitre le Père, comme seul et vrai Dieu, Lui qui parmi nous a envoyé son Fils Jésus Christ.
Inaugurée par le baptême, la vie de foi, dans le Christ Jésus, est un chemin de reconnaissance de Dieu, mais aussi de naissance à Dieu quand tout un chacun découvre son identité d’enfant de Dieu.
Les 7 anges
Dans l’espace cathédrale, chacune des sept stations du pèlerinage sacramentel est désignée par un ange qui, de l’une de ses mains, arbore un phylactère où se déploient des citations des épîtres pauliniennes, mais aussi, parfois, des citations des Pères de l’Église, voire de la liturgie.
Le baptême, l’eau de la vie
Au-dessus de la scène du baptême, dans les mains d’un ange vêtu de blanc, l’inscription du phylactère est une paraphrase latine de l’Épitre de saint Paul aux Romains :
« Tous ceux qui, dans l’eau et dans l’Esprit, sont baptisés dans la mort du Christ, renaissent en vérité. »
Dans ce retable de Rogier van der Weyden le baptême est donc étroitement corrélé à la mort du Christ, au gré, visuellement, de l’immense croix planté dans la nef de la cathédrale, mais aussi et surtout, théologiquement, grâce à la citation d’une épître paulinienne :
« Ignorez-vous que baptisés dans le Christ Jésus, c'est dans sa mort que nous avons été baptisés ? » (Romains 6, 3)
Si, dans les eaux du baptême, l’homme est baptisé dans la mort du Christ, il est aussi appelé à vivre sa résurrection dans l’Esprit. Dans le baptême, préfigurée par l’eau qui, du Temple, jaillit, assainit et suscite la vie, la mort du Christ purifie tout être de son péché, offrant à tout un chacun une nouvelle naissance dans la résurrection, selon la volonté du Père, et dès lors une vie en abondance dans l’Esprit Saint
Dans ce retable dit des Sept Sacrements, grâce à l’art du dessin et de la couleur de Rogier van der Weyden, la figure du baptême offre toute sa signification. Le baptême inaugure le chemin de la vie sacramentelle où tout un chacun accomplit son pèlerinage de vie humaine vers le Père, appelé à reconnaître son identité d’enfant de Dieu, à l’image du Fils bien aimé, au gré d’une nouvelle naissance dans l’Esprit Saint.
frère Rémy Valléjo
En 2020, après de nombreuses années à Strasbourg, frère Rémy Valléjo vit au couvent de Lille. Il est responsable des centres culturels "Lumière du Nord" et "Les Dominicains". Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur la mystique rhénane : "Réduit à rien : les derniers jours de maître Eckhart" (Cerf, 2021), "Maître Eckhart : je ne sais pas" (Cerf, 2018), "Au fil du Rhin mystique, lumières rhénanes : de Sainte-Odile à Édith Stein" (Editions du Centre Emmanuel Mounier, 2017)
frère Rémi-Michel Marin-Lamellet
Frère Rémi-Michel est diplômé du CELSA Paris-Sorbonne. En 2023, il est frère étudiant au couvent Saint-Hyacinthe, à Fribourg (Suisse).
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Le baptême, plonger au cœur de la vie
10. Méditer avec l’icône du baptême du Christ
Le saviez-vous, il existe une théologie de l’icône, avec ses grands théologiens et tous les pères de l’Eglise qui ont défendu les icônes pendant la crise iconoclaste au VIIIème siècle. Retenez deux grands noms : Saint Jean Damascène (675-749) et plus près de nous, Leonid Ouspenski (1902-1987). Voici comment Ouspenski nous parle des icônes :
« L’icône transmet le contenu de la sainte Ecriture non sous la forme d’un enseignement théorique, mais de façon liturgique, c’est-à-dire de façon vivante, en s’adressant à toutes les facultés de l’homme. Elle transmet la vérité contenue dans l’Ecriture à la lumière de toute l’expérience spirituelle de l’Eglise, de sa Tradition. »
L’icône du baptême du Christ donne ainsi l’interprétation théologique de l’événement biblique. Elle nous fait aussi découvrir derrière la scène historique un deuxième plan, dogmatique...
La nature humaine de Jésus
Dans l’axe vertical de l’icône, au centre, se tient Jésus, celui qui doit « accomplir toute justice ». L’icône le montre, dans les eaux, nu ou revêtu d’un simple linge sur les hanches. Il apparaît ici dans le Jourdain « selon sa nature humaine », dépouillé de sa dignité divine. Il s’abaisse au moment même où se révèle toute sa majesté. Il est là pour être frère de ceux qui demandent la rémission des péchés. Il assume pleinement sa condition humaine en se soumettant au baptême de Jean-Baptiste qui réprimande les foules : « Repentez-vous, car le Royaume des cieux est proche. »
Jésus ressuscité
La luminosité de son corps contraste avec la noirceur des eaux du Jourdain. Par là, nous est rappelé que le baptême de Jésus est l’anticipation de sa mort et de sa résurrection, telle que Jésus l’a déjà annoncée à ses disciples :
« Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, être baptisé du baptême dans lequel je vais être plongé ? » (Marc 10, 38).
Le Christ descend dans l’obscurité des eaux de la mort, délimitées par le découpage abrupt des rives du fleuve.
Avez-vous remarqué un autre détail ? Son attitude montre son autorité et son assurance : il bénit d’une main, il nous bénit et esquisse un pas en avant comme pour nous inviter à le suivre.
Jésus messie
Le baptême de Jésus au Jourdain inaugure une réalité nouvelle : le Fils devient le Messie, qui par sa soumission à la Loi affranchit tous les hommes. Il commence sa vie publique par cette soumission à la Loi qui trouvera son achèvement dans le don de sa vie sur la croix. Ainsi dans la mort du Fils de Dieu, préfigurée par l’immersion dans les flots du Jourdain, le baptême trouve la plénitude de son sens, il devient sacrement.
En face de Jésus, Jean-Baptiste. Dans son attitude s’exprime toute sa crainte en reconnaissant Jésus :
« C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi, et c’est toi qui viens à moi ! » (Matthieu 3, 14).
Le visage tourné vers lui, Jésus lui a répondu :
« Laisse faire pour le moment, car il convient que nous accomplissions ainsi toute justice. » (Matthieu 3, 15)
La main gauche élevée vers le ciel désigne l’Esprit Saint symbolisé par la colombe. Son autre main est tendue vers Jésus, osant à peine toucher la tête du Fils de Dieu.
Le mystère trinitaire
L’icône révèle aussi le Mystère trinitaire. Portons le regard sur le haut de l’icône. Au centre de la composition, sur la ligne verticale, des rayons de lumière descendent vers le Christ qui se tient dans les eaux. Ils prennent leur origine dans une demi-sphère, en trois cercles concentriques d’un ton bleu-vert, symbole de la Divinité en trois personnes. Souvent, apparaît dans cette sphère la main bénissante du Père :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie. » (Matthieu 3, 17)
Au bout des rayons, on trouve aussi sur certaines icônes la colombe lumineuse que Jean-Baptiste aperçut, symbole de l’Esprit Saint et lien d’amour personnifié entre le Père et le Fils. La lumière se sépare en trois rayons pour signifier que toute action de Dieu est l’œuvre de ces trois Personnes divines. L’icône du baptême du Seigneur est le seul cas où la colombe peut légitimement représenter l’Esprit Saint, parce que le récit évangélique l’impose.
Les anges
C’est ici, au Jourdain, pendant le baptême du Christ, que Dieu révèle le mystère de son être pour la première fois. Les évangiles ne nous parlent pas d’eux. Mais sur la rive opposée, trois anges s’inclinent devant leur maître, les mains voilées en signe de respect devant ce mystère qui les dépasse. Parfois, un ange lève la tête pour contempler le ciel ouvert ou la colombe, pendant que les deux autres anges frémissent d’effroi à la vue du Dieu incarné, immergé dans le Jourdain.
Les eaux du Jourdain
Jetons un dernier regard sur les eaux dans lesquelles le Christ est plongé. Depuis la chute de l’homme, leur rôle est ambigu : elles donnent la fertilité et la vie, mais elles peuvent aussi devenir déluge. Par le baptême du Christ, Dieu en fait l’instrument du salut. L’icône exprime cela en présentant les eaux en tourbillons et par les allégories de la mer et du Jourdain.. Rappelez-vous du psaume 113, repris pendant la célébration liturgique de la fête du Christ :
« Qu’as-tu, mer, à t’enfuir ; Jourdain, à retourner en arrière ? Tremble, terre, devant la face du Dieu de Jacob. » (Psaume 113 A, 5)
A gauche, le dos tourné, un personnage muni d’un vase symbolise le Jourdain. A droite, un autre personnage symbolise la mer. Couronné et chevauchant un dragon, il s’éloigne vers le rivage.
Tous deux représentent aussi les forces de la mort, terrorisées par l’annonce de leur défaite et définitivement vaincues par la mort et la résurrection du Christ.
C’est aussi le sens qu’il faut donner à l’ouverture de la montagne, rappel de la victoire du Christ sur l’enfermement du péché.
Et puis il y a aussi ces poissons dans les eaux du Jourdain. Ils sont symboles du baptême des chrétiens qui ont reçu par le sacrement, la ressemblance avec celui qui est représenté dans les catacombes par le symbole du poisson.
Notre regard revient au Christ qui est le centre de toute la composition. « Il y eut une voix venant des cieux : Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. » Cette parole solennelle du Père exprime sa volonté de donner à l’humanité le Sauveur.
Sur la rive, derrière Jean-Baptiste, un arbuste, avec une hache contre le tronc rappelle sa parole : « Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu. »
La richesse de cette icône nous permet de mieux saisir l’importance de la fête du Baptême du Christ. Elle nous montre ce qu’est la révélation du Christ au monde : comment son geste d’humilité est le dévoilement de sa vraie nature, tout à la fois divine et humaine. Elle nous dévoile aussi le mystère de la Trinité, révélation de la vie divine et révélation de la vraie nature du monde aux yeux de la foi.
sœur Anne-Claire Dangeard
Sœur Anne-Claire est dominicaine de la Congrégation Romaine de Saint Dominique. Après quelques années au couvent de Poitiers, d'où elle était responsable des Médias à la Conférence des religieux et religieuses de France, elle est depuis 2021 prieure du couvent de Nancy et en charge de la proposition "Carême dans la Ville". Elle accompagne des groupes de jeunes en pastorale, notamment à travers l’animation d’ateliers d’écriture d’icônes.
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Re: ***LE BAPTÊME, plonger au cœur de LA VIE*** Avec THEODOM
Le baptême, plonger au cœur de la vie
11. Le baptême, ça change quoi ?
Au fond, à quoi bon le baptême ? Ou, dit autrement : en quoi le baptême est-il nécessaire ? pourquoi devrions-nous être baptisés pour devenir chrétiens ?
En effet, pour paraphraser Tertullien, il semble que nous ne naissions pas chrétiens, mais que nous le devenions.
Dieu a-t-il besoin du baptême ?
Dieu aurait-il besoin des « limites » du baptême pour nous donner son amour ? On pourrait se dire qu’Il s’enferme là dans des contraintes trop humaines pour Lui, au regard de ce salut divin qu’il nous donne avec le Christ. Et l’on peut aussi penser, angoissés, au sort éternel de ceux qui ne reçoivent pas ce sacrement et, devant cette question, être tentés de minorer la nécessité du sacrement.
En effet, si nous sommes déjà créés par Lui par amour et à son image, alors pourquoi en passer par le baptême dans notre rapport avec Dieu ?
Or on ne peut pas s’en passer, et je vais essayer de vous dire pourquoi.
Selon moi, l’essentiel à ne pas perdre de vue pour comprendre la nécessité du baptême se résume à deux choses :
Le baptême et le péché originel
Premièrement, certes, l’homme est créé à l’image de Dieu, mais attention de ne pas oublier le détail qui change tout et qui ne vous aura pas échappé : de fait, les hommes font le mal, ils ne sont pas naturellement saints, n’en déplaise à Rousseau, qui écrivait dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes que « l’homme est naturellement bon, pur, tel qu’il a dû sortir des mains de la nature » et que c’est « la société qui le déprave et pervertit ».
Non, l’homme a été créé bon par Dieu, mais ce n’est pas la « méchante société » qui l’abîme : c’est son propre péché, que nous avons tous en partage, et qui s’appelle le « péché originel » ; c’est inexplicable, mais on voit bien qu’on en hérite tous. Ainsi, tout homme a besoin d’être pardonné et sauvé, ce qu’on comprendra qu’il ne peut faire seul pour lui-même : ce n’est que Dieu qui peut s’en charger ; il ne nous laisse pas seuls dans notre péché, mais Il nous rejoint, se fait connaître, et nous sauve en nous montrant la voie de sa Vie, qu’il nous donne… dans le baptême !
Tertullien, dans son Traité du baptême, compare en ce sens les chrétiens à des petits poissons :
« Mais nous, petits poissons, nous naissons dans l’eau et ce n’est qu’en demeurant en elle que nous sommes sauvés » (I, 3).
Un don gratuit
Ensuite, ce pardon et ce salut sont un don absolument gratuit et inestimable de Dieu pour nous, la preuve de son amour, sans qu’on L’ait aucunement obligé à nous le donner par nos efforts ou notre belle personne : ce n’est pas une récompense, mais c’est LA grâce de Dieu, décisive, qui peut tout, c’est-à-dire sauver et transformer notre vie d’homme. Ne perdons pas de vue cet aspect de CADEAU absolu, qui n’est pas la récompense d’un travail, mais une grâce qui nous engage, et ainsi nous ne confondrons pas le baptême avec un tampon administratif donné après des démarches pénibles, comme une « régularisation » de papiers pour notre citoyenneté des cieux.
Recevoir le baptême, ce n’est pas se plier à une contrainte qui formerait un club restrictif de baptisés : c’est au contraire le moyen par excellence d’être rejoint par l’amour de Dieu qui veut se donner à nous tous, par les mains de l’Eglise et selon notre choix libre, pour notre pardon et notre vie éternelle bienheureuse.
Dieu donne à travers l’Eglise : les sacrements
Là où cela coince peut-être dans nos esprits, c’est cette disproportion entre le don gratuit et universel du salut de Dieu, et les limites humaines de sa réception par les mains de l’Eglise.
Eh oui ! c’est là le propre d’un sacrement. Un sacrement, c’est Dieu qui nous communique sa vie, par un moyen concret que son Eglise va mettre en œuvre. Ce n’est pas de la magie, c’est l’Esprit Saint en action, et cela est toujours fondé dans les évangiles et l’action du Christ pour nous. La seule source en est Dieu, mais il est pratiqué par des hommes pour des hommes, et il s’inscrit donc dans une certaine contingence historique. Croyons-en les évangiles et la vie de Jésus.
Dieu l’a voulu ainsi, Jésus ayant lui-même reçu un baptême et commandé que nous le donnions par toute la terre, et c’est un magnifique mystère, qui doit non pas nous inquiéter mais nous émerveiller, et nous engager à le perpétrer.
Les sacrements de Dieu, et en premier lieu celui du baptême, sont la rencontre de Dieu et de notre histoire, notre liberté d’individus, de peuple, notre choix, notre responsabilité : croyons-nous au Christ, et voulons-nous Le suivre dans son Royaume, dans sa victoire d’amour et de vérité sur le mal ?
Ainsi, tu le vois : si le baptême vient de Dieu, c’est en revanche l’homme qui vient librement au baptême, ou les parents pour leur enfant. Et un baptême reçu bébé peut rester lettre morte si celui qui l’a reçu, l’oublie ou le renie. Le baptême est, en même temps que le don le plus grand, notre plus grande responsabilité : celle du salut de notre âme. Dès lors, le baptême est bon à se déployer dans toute notre existence, chaque jour, dans notre cœur, notre esprit et nos gestes. Pas de limite à la bonté de ce don reçu : il s’agit désormais de le cultiver !
Le baptême nous change
Cela paraît trop simple. Comment un peu d’eau et quelques paroles pourraient-ils faire d’un homme un chrétien, en lui communiquant la vie de Dieu ? Tertullien en avait conscience, lui qui écrivait encore :
« Rien ne choque autant l’esprit des hommes que le contraste entre la simplicité apparente des œuvres divines et la grandeur des effets promis. (...) Sans autre luxe, l’homme descend dans l’eau (...) et en ressort à peine plus propre ou pas du tout. C’est pourquoi on trouve incroyable qu’il puisse par là acquérir l’éternité. » (Tertullien, Du baptême, II, 1)
Le baptême fait de nous des chrétiens, c’est notre être même qui est transformé, notre identité profonde ; mais il s’agit ensuite de le « déployer », de l’illustrer, à un niveau cette fois existentiel, qui fera s’épanouir ce que nous sommes, c’est-à-dire des fils et filles de Dieu à l’image du Christ.
Ainsi, de simples créatures de Dieu à son image, mais défigurées par le mal et notre péché, nous devenons fils et filles adoptives de Dieu, autres Christ en Christ, grâce au Christ. « Voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes » (1 Jean 3, 1). Tertullien écrit d’ailleurs :
« Par là, l’homme est rendu à Dieu selon sa ressemblance (...) car il retrouve cet esprit de Dieu qu’il avait reçu du souffle créateur, mais qu’il avait ensuite perdu par le péché » (Du baptême, V, 7).
Et le sens profond de cette association, de cette conformation, configuration à Jésus Christ, c’est que nous lui sommes intimement associés, notre être même, dans sa Passion et sa Résurrection, dans sa mort au péché et sa vie pour Dieu. Nous disons même que nous faisons partie de son Corps, en quelque façon : être baptisé, c’est faire grandir le Corps du Christ.
Recevoir l’huile, comme le Christ
Pour preuve, Tertullien nous en donne l’illustration par les mots, à propos de l’onction d’huile (de “chrême”), que le baptisé reçoit après l’eau : “Notre nom de “chrétiens” vient de là, de “chrisma” qui signifie onction et qui donne aussi son nom au Seigneur, “Christ”.
Ce sont des historiens non chrétiens (Flavius Josèphe, Pline le Jeune, Tacite…), contemporains des apôtres, qui nous font connaître les premiers ce terme, en associant les hommes qui se réclament de Jésus à leur Dieu : ainsi Tacite, dans ses Annales :
« Ce nom (de chrétien) leur vient de Christ, qui sous le principat de Tibère, avait été livré au supplice par le procurateur Ponce-Pilate »
En recevant le baptême, on reçoit le Christ et la volte-face qu’il a opérée pour nous sur la croix : grâce à lui, nous nous détournons de la mort, et nous embrassons la vie ; nous renions le mensonge et son auteur, Satan, et nous choisissons la Vérité éternelle, Dieu ; nous renonçons à l’esclavage du mal, et nous choisissons la liberté en Dieu ; morts à la mort, nous vivons désormais pour la Vie de Dieu. Sacré programme !
Et il est inscrit dans notre être le plus profond, sans que Dieu change d’avis : à nous désormais de correspondre, de répondre concrètement à cet appel et à cette grâce, en aimant Dieu et le prochain pour l’amour de Dieu.
Alors, à quoi (est) bon le baptême ? A commencer, et à commencer pour de bon. Tertullien encore, à propos de la nécessité du baptême, écrit :
« Autrefois, avant la passion et la résurrection du Seigneur, le salut était obtenu par la foi seule ; mais depuis que pour les croyants, la nativité, la passion et la résurrection sont devenus objets de foi, le baptême fut ajouté, sorte de vêtement pour la foi qui auparavant était nue. »
Et il donne l’exemple de l’apôtre Paul :
« Dès que Paul accéda à la foi, il fut baptisé. C’est bien ce que le Seigneur lui avait ordonné lorsqu’il tomba aveugle : Lève-toi, lui dit-il, et va à Damas, là il te sera montré ce que tu dois faire, c’est-à-dire, recevoir le baptême, la seule chose qui lui manquait ».
Avec lui, tout commence, et par la suite, toute notre vie consistera à revenir à notre baptême, toujours neuf, renouvelé, à la source pure de la grâce qu’est Dieu, à qui nous devons et de qui nous attendons tout.
Frère Thomas Carrique
Frère Thomas Carrique enseignait le français avant d'entrer dans l'Ordre. En 2023, il est frère étudiant au couvent de Lyon.
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Re: ***LE BAPTÊME, plonger au cœur de LA VIE*** Avec THEODOM
Le baptême, plonger au cœur de la vie
12. Le baptême, et après ?
Le baptême, ça change quoi dans la vie ? A Pâques, de nombreux adultes reçoivent le baptême, mais concrètement, on peut se demander en quoi ils sont transformés ?
Le baptême est un sacrement. C’est un signe visible à travers lequel Dieu agit de manière invisible. Et pourtant, il y a des effets concrets.
Un engagement
Avant d’être baptisé, le nouveau baptisé s’engage à renoncer au péché. Voici une des formules de renonciation au péché :
« Célébrant – Pour vivre dans la liberté des enfants de Dieu, rejetez-vous le péché ?
Catéchumène – Oui, je le rejette
Célébrant – Pour échapper au pouvoir du péché, rejetez-vous ce qui conduit au mal ?
Catéchumène – Oui, je le rejette
Célébrant – Pour suivre Jésus Christ, rejetez-vous Satan qui est l'auteur du péché ?
Catéchumène – Oui, je le rejette. »
Certes, tout le monde renonce au mal, mais lors de la célébration du baptême, on marque publiquement cet engagement. On s’engage aussi devant tout le monde à dire la foi. C’est une sorte de profession de foi.
Recevoir la force : prêtre, prophète et roi
Après avoir reçu l’eau du baptême, le baptisé est marqué d’une huile sainte qu’on appelle le Saint Chrême.
« Célébrant – Le Dieu tout-puissant, Père de Jésus le Christ notre Seigneur, vous a libérés du péché et vous a fait renaître de l'eau et de l'Esprit. Désormais, vous faites partie de son peuple, vous êtes membre du Corps du Christ et vous participez à sa dignité de prêtre, de prophète et de roi. Dieu vous marque de l’huile du salut afin que vous demeuriez membre du Christ, prêtre, prophète et roi pour la vie éternelle. »
Il reçoit la force de l’Esprit Saint pour être prêtre, c’est-à-dire pour prier, pour être prophète, c’est-à-dire pour annoncer l’amour de Dieu et dénoncer les injustices, et pour être roi, c’est-à-dire pour se mettre au service de tous. On s’applique encore plus qu’avant à vivre ces trois chemins, avec l’aide de Dieu.
Une création nouvelle
Enfin, on a deux petits rites facultatifs mais vraiment significatifs : la remise du vêtement blanc, d’habit. Et voici ce que dit le prêtre :
« Célébrant – Vous êtes devenus une création nouvelle dans le Christ, vous avez revêtu le Christ, ce vêtement blanc en est le signe. »
Ensuite, le célébrant donne une lumière aux parrains marraines, qui la transmettent au baptisé. Et il termine avec cette expression :
« Célébrant – vous êtes devenu lumière dans le Christ, marchez toujours comme des enfants de lumières, devenez fidèles à la foi de votre baptême. »
Autant de signes pour dire qu’après le baptême on est appelé à changer de vie, à témoigner de notre nouvelle.
La porte des autres sacrements
On dit que le baptême nous fait entrer dans l'Église. C’est le premier des sacrements, on dit aussi que c’est un sacrement d’initiation. Une fois baptisé, on peut recevoir l’eucharistie, la confirmation…
Vous vous souvenez, le baptême nous lave de nos péchés, il nous donne le pardon de Dieu. Et après le baptême, si on pèche à nouveau, on peut recevoir le sacrement de réconciliation (la confession).
sœur Pascaline Bilgo
Sœur Pascaline Bilgo est dominicaine, de la Présentation de Tours. Elle est originaire du Burkina Faso et, en 2023, elle est doctorante à l'Institut Catholique de Paris, en théologie pastorale.
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