La Sainte Vierge Marie - La Foi et les Œuvres volume 3 – Vicomte Walsh 19 eme siècle
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La Sainte Vierge Marie - La Foi et les Œuvres volume 3 – Vicomte Walsh 19 eme siècle
La Sainte Vierge Marie - La Foi et les Œuvres volume 3 – Vicomte Walsh 19 eme siècle
L'œuvre de la foi est avant tout une œuvre de réparation. Son action s'étend du ciel à la terre, du trône embrasé des séraphins ( premier cœur des Anges) jusqu'à l'humble ouvrier condamné à gagner à la sueur de son front le pain de chaque jour, jusqu'au pauvre esclave abreuvé d'amertumes quotidiennes, et partout son action est une action réparatrice.
Au ciel elle a comblé les vides causés par la révolte de Lucifer, sur la terre elle a ennobli la nature humaine et montré à l'ouvrier et à l'esclave qu'ils avaient dans la splendeur céleste un Père commun avec le riche et le puissant de ce monde, des droits à l'héritage éternel et des espérances plus grandes. Mais il est une réparation que je ne puis passer sous silence, une réparation dont les effets se sont fait sentir dans la famille et ont influé d'une façon immense sur la société, depuis Jésus- Christ. Je veux parler de la réparation de la femme.
Adam et Ève désobéissant aux ordres de Dieu ( Genèse 3)
Coupable la première aux jours de la désobéissance, la femme avait ressenti plus profondément que l'homme le poids de la malédiction divine; plus entièrement elle s'était effacée et était tombée dans l'abaissement et l'abjection. Cependant dès le premier temps, le Seigneur, en maudissant la terre, en frappant de sa réprobation la désobéissance d’Ève, avait donné une espérance à la femme.
Il l'avait relevée dans la personne de Sara, de Rébecca et de plusieurs héroïnes de l`Ancien Testament; il avait laissé entrevoir ses vues miséricordieuses en faisant monter au rang des ancêtres du Christ Rahab et Bethsabée; l'Écriture contient des pages magnifiques en l'honneur de la femme vertueuse; les livres d'Esther et de Judith sont consacrés à célébrer les actions illustres et les vertus des deux saintes femmes.
Le patriarche Abraham et sa femme Sara vers 2,000 av J.C. ( Genèse 12)
Rebecca, la femme d`Isaac ( Genèse 24,15)
Rahab aidant les Hébreux vers 1100 Av J.C. ( Josué 2,4)
Bethsabée avec son fils le Roi Salomon. ( roi d`Israël vers 950 Av J.C.) ( 1 Rois 1,11)
La reine Esther en Perse lors de l`exil du peuple juif vers le 6 eme siècle Av J.C. ( Esther 20)
Judith ayant vaincu par ruse le général Assyrien Holopherne qui persécutait sa nation vers le 7 eme siècle avant J.C. (Judith 13,11)
Nous avons raconté l'histoire de Suzanne et nous avons mentionné celle de la mère à jamais glorieuse des sept martyrs de Jérusalem sous Antiochus . Mais jusqu'à l'Évangile, ce sont des faits partiels; et puis Dieu était connu uniquement dans la Judée; les autres peuples n'en avaient qu'une science imparfaite, une science incapable d'influer sur la morale des nations, incapable de relever aucun des abaissements du péché.
Suzanne agressée par les deux vieillards (Daniel 13)
Le martyre des sept frères Maccabées sous le règne du tyran grec Antiochus (2 Maccabées 7)
Aussi chez les païens la condition de la femme était-elle humiliante et abjecte. Mais quand la plénitude du temps fut accomplie, quand Dieu eut arrêté d'envoyer son Fils à la terre, une grande réparation eut lieu. L'Éternel choisit pour mère du Sauveur une créature ornée de plus de grâces que jamais Ève n'en posséda. Pour elle il suspendit la loi de la tache originelle; il lui donna une âme Immaculée, il mit en son cœur un torrent d'amour, et pénétra son esprit de lumières si divines que ni les patriarches, ni les prophètes, ni les apôtres, ni aucun des justes du Testament, ni aucun des saints de la loi nouvelle n'approchèrent de la perfection de cette créature, de cette femme bénie et privilégiée.
Cette femme s'appelait Marie. Mais ce n'était point assez de lui donner des vertus et des lumières; comme son ancêtre Abraham, il la destinait à devenir la mère d'une génération nouvelle inconnue jusqu'alors au monde; il l'appelait à essuyer les larmes de toutes les mères, à consoler toutes les afflictions de son sexe, à en être la gloire et l'espérance. Il inspira à son âme le désir de la virginité, il la rendit étrangère aux pensées de la terre; puis quand l'heure eut sonné dans les siècles éternels où le Fils du Très-Haut devait s'unir à la nature humaine, un messager céleste alla trouver Marie pour lui faire part des desseins du Ciel, pour lui annoncer que Dieu avait arrêté ses regards sur elle, qu'il suspendait les lois de la nature encore une fois en son honneur.
Choisie pour donner le jour au Rédempteur du monde, elle gardera sa virginité intacte, elle sera mère, elle sera vierge à la fois; car rien n'est impossible à Dieu. Seul, il engendre son Fils durant l'éternité; seule, Marie lui donnera la vie dans le temps; et ainsi la femme, si humiliée depuis quatre mille ans, s'asseoit sur le plus glorieux des trônes, elle s'élève à une prérogative sans exemple, à une prérogative unique; elle s'approche de Dieu d'une façon inconnue aux séraphins ( Anges) et à aucune des puissances du ciel; elle est mère, en quelque sorte comme Dieu lui-même est père.
Qui jamais a rien vu, qui jamais eût rien imaginé de semblable? Une vierge devient mère par un prodige sans exemple, et son fils est le Dieu Très-Haut, le maître des anges, le Seigneur des dominations des trônes et des chérubins. 0 Eve, pauvre mère trop longtemps abreuvée d'amertume, essuie maintenant tes larmes. L'auréole dont tu fus dépouillée au jour où tu oublias le précepte sacré du Seigneur, l'auréole brillante de grâce a été rendue à ton front, ta race n'est plus une race maudite; loin d'elle la malédiction! Un ordre nouveau a commencé sur la terre : la mère des hommes sera désormais la mère des vivants, la mère des fils du Très-Haut.
Mais sur la terre aucune réhabilitation n'a lieu que par le sacrifice, aucune gloire véritable ne surgira sans naître de l'épreuve et de l'affliction, aucune vertu ne sera digne de respect sans avoir été battue par la tempête, aucune grandeur ne s'asseoira sur le trône sans avoir pour piédestal l'humiliation. Telle est la loi de la justice, la loi de la réparation. Le Fils de Dieu commencera par être le fils de l'homme avant de voir les nations inclinées devant lui; il boira au torrent de toutes les amertumes et de toutes les confusions avant d'être environné de gloire et de félicité. De même sa mère devra participer avec plus d'abondance que toutes les créatures au calice de l'expiation.
Elle sera la reine des martyrs, mais auparavant elle s'abreuvera de toutes les tristesses, de toutes les angoisses, de toutes les souffrances, de tous les tourments de son fils. Elle
sera la reine des anges, mais elle passera par les abaissements de la terre, et la mort exercera sur elle son empire; elle sera la reine des vierges, mais durant la vie rien ne la distinguera du rang des mères ordinaires; elle deviendra la gloire et l'honneur de son sexe, mais les regards de ses contemporains ne découvriront en elle qu'une femme commune. Le Christ a marché par les anéantissements ; Marie n'aura point d'autre partage.
Mais attendez. Au temps a succédé l'éternité, aux jours mortels les jours de récompense, et voici comment le Seigneur prodigue ses dons. Nous ne parlerons pas de la félicité inénarrable des cieux : Dieu seul a pu en sonder les abîmes; nous disons un mot seulement de ce qui s'est passé sous nos yeux.
L'Évangile est prêché par tout l'univers, et chacune des contrées du monde compte des vierges empressées à renoncer aux espérances de la vie. Jérusalem, Corinthe, Rome, et toutes les villes où les apôtres annoncent le divin Crucifié, voient une génération céleste se vouer au culte, à la vie de Marie. Les persécutions surgissent, et les vierges donnent leur vie pour conserver leur virginité; les fastes de l'Église inscrivent des dévouements inouïs jusqu'alors; les noms d'Agnès, de Cécile, d'Agathe, de Catherine d'Alexandrie et d'une foule innombrable d'autres également illustres traverseront les siècles sans jamais rien perdre de leur éclat, sans jamais souffrir l'altération la plus légère.
St-Agnès, vierge et martyre à Rome en l`an 303 alors qu`elle n`avait que 13 ans. ( Agnos en grec signifie – chaste et pure)
Sainte-Cécile, vierge martyre a Rome (Italie) vers l`an 230
Sainte Agathe, vierge et martyre à Catane (Sicile) en Italie en l`an 251
Sainte Catherine d`Alexandrie ( Égypte), vierge et martyre vers l`an 307
Les persécutions ont cessé, et les enfants privilégiées de Marie, les vierges, dédaignent d'habiter au milieu du monde; elles embrassent un nouveau martyre, celui de la pénitence; elles se réunissent en communauté, et des hommes comme St-Jérôme, St-Ambroise , St-Augustin , St- Chrysostôme, considèrent comme une des occupations les plus utiles de leur génie de donner des règles et des enseignements à ces saintes communautés, sanctuaires de vertu et d'innocence, où la vie rappelle le ciel et fait oublier la terre.
Chaque siècle voit ces maisons bénies se multiplier; les filles des rois deviennent les filles de Marie et vont passer leurs jours à côté de la fille pauvre et inconnue au monde, mais connue et aimée de la Reine des cieux, parce qu'elle a sacrifié les faibles espérances que la terre pouvait lui offrir.
Louise-Adelaïde d`Orléans Bourbon-Orleans de la famille royale de France (1698 - 1743)
Et puis quand les temps deviendront mauvais, quand la charité se sera refroidie, quand les dévouements auront diminué, les timides colombes qui n'avaient pas cru pouvoir trouver où poser leur pied, les timides colombes sortiront de l'arche et viendront établir leur demeure en face de toutes les misères humaines, de tous les abaissements, de
tous les vices, de toutes les souffrances et de toutes les angoisses.
Elles se trouveront fortes comme Marie au pied de la croix. Elles s'appelleront sœurs de la Charité, sœurs du bon Pasteur, sœurs de la Croix, sœurs des Pauvres... Mais qu'importent les noms! La charité est le lien commun, Marie la mère et la reine commune. Le malade les verra s'approcher de sa couche de douleur; la prostituée sentira leur main charitable s'abaisser jusqu'à elle pour la tirer de ses malheurs ; l'indigent mangera le pain donné par elles au milieu des rebuts et des confusions ; la pauvre enfant de la campagne et de l'ouvrier recevra de leur tendresse la science de la vertu, du devoir et de l'honneur ; la mère de famille puisera en elles ses consolations; le vieillard apprendra à mourir en bénissant Dieu, et le bon père, penché tout le jour sur un travail accablant, trouvera moins rude le morceau de pain presque insuffisant à réparer ses forces, en voyant les Sœurs partager ses sollicitudes pour sa famille.
Les Sœurs de la Charité au Nouveau-Brunswick vers 1900
Les Petites Sœurs des Pauvres
Ah! si maintenant vous me demandez quelle est la source de tous ces dévouements, je vous répondrai : c'est l'amour de Marie, l'amour de cette femme unique entre les femmes. Parmi cette foule de vierges héroïques, à peine eussiez-vous rencontré un dévouement sans le culte voué à Marie dès leur enfance, sans l'amour dont leur cœur s'est embrasé pour elle. Nous les avons vues sur nos champs de bataille, dans nos hôpitaux, au milieu des cholériques et des pestiférés ; nous les avons rencontrées dans nos prisons, dans nos asiles d'aliénés ; nous les avons trouvées sous le chaume de nos paysans et dans nos hôtels somptueux, et nulle part elles n'étaient déplacées.
La misère ne leur inspirait aucun dégoût, les plaies horribles aucune répugnance, la peste aucune terreur, et la vue des grandeurs humaines aucun regret. Ah! c'est qu'en effet elles étaient au-dessus de nos grandeurs comme au-dessus de ce qui fait l'objet de nos craintes et de nos frayeurs. L'amour est fort comme la mort, rien ne résiste à ses ardeurs, rien n'échappe à ses étreintes.
Mais les vierges sacrées ne constituent pas seules l'empire de Marie. Comme à son fils, les nations lui ont été données en héritage et sa tendresse a rayonné en tous lieux. Tous les cœurs catholiques ont levé vers elle un regard d'espérance, tous lui ont adressé des prières, tous ont réclamé sa puissance et ses grandeurs. Dès le commencement des siècles chrétiens, ses privilèges ont été vénérés en tous lieux ; à peine une voix téméraire et impie a-t-elle osé contester le plus glorieux, celui de la maternité divine, que la ville entière de Constantinople proteste par des cris de réprobation contre l'indigne successeur de Chrysostôme ; le monde s'émeut, les évêques s'assemblent, et, dans la ville d'Éphèse, la ville initiée par Jean l'Évangéliste au culte et à l'amour de Marie, le patriarche d'Alexandrie, saint Cyrille, fait entendre ces belles paroles acclamées par l'univers, parce qu'elles expriment la pensée de l'univers : « Nous vous saluons, ô Mère de Dieu !»
«o Marie! trésor auguste du monde entier, lampe toujours ardente, lumière de l'Église, couronne de la virginité, sceptre de l'orthodoxie, temple indissoluble, Mère et Vierge par qui est béni, dans les saints Évangiles, Celui qui vient au nom du Seigneur ! Nous vous saluons, ô vous qui, dans votre sein virginal, avez enfermé celui qui est immense et incompréhensible ! vous par qui la sainte Trinité est glorifiée et adorée, la croix célébrée et adorée dans tout l'univers ; vous, par qui le ciel triomphe, les anges et les archanges se réjouissent, les démons ( anges déchus) sont mis en fuite; vous, par qui la créature déchue est élevée au ciel ; vous, par qui la créature entière, asservie aux idoles, parvient à la connaissance de la vérité ; vous, par qui le saint baptême et l'onction de l'allégresse sont accordés aux fidèles ; vous, par qui les Églises ont été fondées dans tout l'univers, et par qui les nations sont amenées à la pénitence ! En un mot, vous, par qui le Fils unique de Dieu s'est levé à l'Orient, comme la lumière de ceux qui étaient assis dans les ténèbres et à l'ombre de la mort; vous, par qui les prophètes ont prédit et les apôtres annoncé le salut aux nations, vous, par qui les morts ressuscitent, et par qui les rois règnent au nom de la Trinité sainte ! »
Tous les siècles ont redit avec enthousiasme les paroles de l'archevêque d'Alexandrie, et d'année en année les témoignages d'amour à Marie se sont multipliés. Des églises sans nombre se sont élevées en son honneur, des cathédrales aux proportions grandioses et gigantesques lui furent dédiées. Qui ne connaît Notre-Dame de Chartres, Notre-Dame de Paris, et tant d'autres qu'il serait trop long d'énumérer?
Notre-Dame de Chartres
Notre-Dame de Paris
Quelle église de village n'a un autel consacré à Marie, comme si le culte du Sauveur était incomplet quand celui de sa mère n'y est pas réuni? Quelle bouche chrétienne ne répète plusieurs fois le soir cette belle et touchante Salutation angélique ? Quels enivrants concerts se font entendre d'un bout de l'univers à l'autre pour célébrer la Vierge ! Sous toutes les formes, sur tous les tons Marie est exaltée, bénie et invoquée.
Les graves théologiens établissent dans leurs savants traités les droits incontestables de ses privilèges; les docteurs et les prédicateurs consacrent leur génie à les faire connaître au monde; les écrivains mystiques nous introduisent dans le sanctuaire de ses vertus et les proposent à notre imitation ; les poètes chantent sa gloire, sa miséricorde, sa puissance et ses miracles. Après le nom sacré et adorable de Jésus, nul autre nom n'a inspiré autant d'écrits que le nom à jamais vénéré de Marie.
Chercher à les énumérer, c'est tenter de dire le nombre des étoiles dont scintille la voûte du firmament; et cependant la vie de Marie s'est passée dans l'obscurité; elle a aimé la solitude, le silence, mais elle est la mère de Jésus ! Les rois lui ont soumis leurs royaumes; ils n'ont pas connu, dans leur confiance, de mains plus puissantes; ils n'ont point imaginé de remparts plus solides que sa protection. Les rois ont déposé leur couronne à ses pieds et n'ont jamais été plus assurés de ne pas la voir tomber de leur tête que quand ils en avaient fait hommage à leur reine souveraine; ils lui ont remis leur sceptre, et jamais ils n'ont moins redouté de le sentir se briser entre leurs mains qu'après lui en avoir confié la garde.
Le roi de France Louis XIII, confiant son trône et le Royaume de France à la St-Vierge Marie au 17 eme siècle
Et ces rois, il faut en convenir, étaient d'habiles et puissants politiques ; ils avaient jugé sainement de la valeur des institutions humaines, de la stabilité des empires, du dévouement et de la capacité des hommes quand ils estimaient nécessaire l'intervention du Ciel à la conservation de leur dignité, quand ils intéressaient la mère de Jésus au maintien de leur dynastie.
Ils appartenaient à cette race de rois héroïques dont un d'eux a écrit : «Si le Seigneur ne garde lui-même la cité, en vain se consument en veilles les hommes chargés de sa défense.» Depuis, une autre politique a remplacé la politique des rois chrétiens. Les monarques se sont crus assez puissants pour soutenir leurs trônes par eux-mêmes, les nations assez fortes pour n'avoir plus besoin de chercher un appui au Ciel, ou du moins, peuples et rois ont voulu avoir le principal honneur de leur propre défense.
Nous avons vu tomber tant de trônes, passer tant de rois, se bouleverser tant de peuples, que nous sommes devenu encore plus admirateur de la piété de nos ancêtres et de leur pieuse confiance dans la Reine des cieux. Ce que les rois faisaient autrefois pour leurs royaumes, les villes le faisaient pour leur territoire, les familles pour tous leurs membres. Quand un fléau menaçait une contrée, les regards effrayés se tournaient d'abord vers Marie ; on recourait à elle, on se portait avec empressement vers ses sanctuaires les plus vénérés, et avant d'entreprendre ces saints pèlerinages, on purifiait sa conscience, on se réconciliait avec le Ciel.
Comme autrefois le peuple choisi, on renouvelait l'alliance avec le Seigneur, puis on ne craignait plus de dire à la Vierge : Montrez que vous êtes notre mère ; que par vous il reçoive nos prières, Celui qui, naissant pour notre amour, a bien voulu se rendre dépendant de vous. Et la pieuse confiance des populations n'était jamais trompée. Dieu commandait à l'ange de ne pas exterminer jusqu'à extinction, la miséricorde l'emportait sur la justice, la mère n'invoquait pas inutilement son fils.
Les monuments de la reconnaissance attestent encore de nos jours la vérité de cette assertion. Hélas! les villes comme les royaumes cherchent maintenant ailleurs les remèdes à leurs maux. Nous avons des médecins contre les épidémies, des instruments aratoires contre les disettes et les famines, nous avons des assurances contre la grêle et tous les fléaux du ciel, et nous avons jugé nos ressources assez grandes pour nous passer de l'intervention de Marie. Aujourd'hui les villes ne font plus de vœux à la Reine des anges; elles n'élèvent plus de temples ni d'autels en son honneur; elles n'offrent plus tous les ans les dons qui témoignent des bien faits et de la reconnaissance.
Nous ne prétendons pas non plus que la dévotion à Marie se soit anéantie au milieu de nous; ce que nous déplorons, c'est que cette dévotion ne soit plus l'œuvre de la société, mais des individus seulement; ce que nous déplorons, c'est que les royaumes, les peuples et les cités aient cru pouvoir se passer de Dieu. Le culte de Marie est vivant dans les cœurs catholiques comme il l'était autrefois, mais ce culte a subi le sort de l'Église. Les États ont répudié l'Église, et, par une conséquence nécessaire, ils ont répudié le culte de la Vierge; ils l'ont dédaignée et méconnue.
Mais les familles où la foi ne s'est pas encore éteinte, connaissent Marie. Elles l'aiment, elles la vénèrent et mettent en elle leur confiance. Là on voit la pieuse mère l'invoquer tous les jours et enseigner à son enfant à la prier avec ferveur ; la jeune fille lui confie la garde de sa jeunesse, le jeune homme la prend pour sa protectrice dans la vie, le père lui remet tout le soin de sa maison, le vieillard lui redit plusieurs fois le jour : Sainte Marie, priez pour nous à l'heure de notre mort.
La vie ne se passe pas sans de graves et poignantes sollicitudes pour un père et une mère. Il y a dans les familles des heures d'angoisses, comme il y en a dans les royaumes. C'est alors que le recours à Marie devient plus, ardent et plus vif, alors qu'il y a comme une lutte entre les pauvres enfants qui sont sur la terre et la mère puissante qui est dans les cieux; et cette lutte est plus violente de nos jours qu'aux temps où la foi exerçait davantage son empire, parce que l'impiété a rendu plus probables les châtiments du ciel.
Mais aussi que de victoires cette lutte a produites! Que de merveilles elle a enfantées ! Aujourd'hui plus que jamais Marie aime à montrer qu'elle est mère. Allez à Notre-Dame-des-Victoires, et dites, si vous le pouvez, combien de familles ont trouvé l'espérance et la paix devant cet autel qui n'a rien de remarquable au regard terrestre ! Dites pourquoi toutes les églises du monde, pourquoi toutes les familles de la terre, pourquoi tous les cœurs attristés se tournent vers ce sanctuaire naguère ignoré? Pourquoi tant de témoignages de reconnaissance entourent cette pieuse statue de la Mère de Dieu?
Église Notre-Dame des Victoires de Paris
Ah! c'est que le cœur de Marie s'est ouvert avec plus d'amour là où l'ingratitude et l'iniquité avaient le plus surabondé. Mais, dans ces ex-voto, en vain chercherez-vous l'hommage d'une cité ou d'un royaume ; les cités et les royaumes ne se confient plus à Marie!! Allez dans une autre église de cette ville de Paris, où les saints gémissent au milieu de scandales et de crimes sans nombre, à l'église des sœurs de la Charité de la rue du Bac, église presque inconnue du monde entier.
Chapelle de la rue du Bac à Paris
Apparition de la rue du Bac a Paris en 1830
Là, vous apprendrez comment la Vierge elle-même donna à l'une de ses enfants la médaille miraculeuse. Les impies en ont fait l'objet de leurs dérisions, mais l'univers catholique l'a acceptée avec respect et amour. Les malades s'en sont armés contre la douleur, les justes contre la tentation, les pécheurs contre le désespoir, nos soldats l'ont placée sur leur poitrine devant les murs de Sébastopol, et le chef suprême de l'Église a déclaré dogme de notre sainte foi ces paroles de la médaille : Marie a été conçue sans péché.
La médaille miraculeuse de 1830: O Marie conçue sans péché priez pour nous qui avons recours a vous
Jamais le monde ne soupçonnera les faveurs obtenues par cette dévotion à Marie Immaculée. Dieu seul en sait l'étendue, comme lui seul connaît l'immensité des mérites de la Vierge. Mais ce que les peuples connaissent, ce que les générations se sont transmis d'âge en âge, c'est cette multitude de bienfaits dont la chaîne remonte jusqu'au berceau du catholicisme, bienfaits dus à la dévotion à Marie, bienfaits inspirés par l'amour dont les hommes furent dans tous les temps embrasés pour elle.
L'amour de l'homme, comme sa dévotion, a pour principe les bienfaits reçus ou espérés: l'homme est trop égoïste et trop infortuné pour donner son cœur là où il n'attend rien, là où son espérance a été déçue.
Il a aimé Dieu par-dessus tout, parce que les bienfaits divins l'environnent et le pénètrent de toutes parts ; après Dieu, il a donné la première place à Marie dans ses affections, parce qu'elle a été sa plus insigne bienfaitrice, parce qu'entre tous les amis du Seigneur aucun ne l'a égalée en miséricorde. L'homme s'est moins occupé de la sainteté et des perfections de la Mère du Sauveur que de sa charité sans limites. Il l'aime avant tout parce qu'elle est avant tout sa mère, sa consolatrice, son secours, son refuge, sa protection, sa défense. Elle est pour lui tout cela avant d'être sa reine ; l'homme le sait, il le sent comme l'enfant sent que sa mère est bonne pour lui avant de sentir qu'elle mérite ses hommages et ses respects. Nous ne raconterons pas les bontés de Marie, nous ne chercherons même pas à les mentionner ; il faudrait un livre immense pour cela. Nous aurions à parcourir les royaumes, les cités, les recoins les plus ignorés du globe. Nous la trouverions partout où il y a une souffrance consolée, un noble projet mis à exécution, un repentir salutaire dans le cœur coupable, une résolution généreuse arrêtée pour le Ciel.
Les rayons du soleil n'ont jamais autant échauffé la terre, que Marie le cœur des hommes; jamais la rosée des nuits n'a apporté autant de douce fraîcheur à nos campagnes, que le nom de Marie de baume ineffable à nos peines.
Je devais ces quelques lignes à la Mère de mon Dieu dans un livre consacré à louer les œuvres de la foi. Je sens tout ce qu'elles ont d'imparfait, mais je me console en pensant combien d'illustres génies se consacrent à célébrer ses merveilles, combien de cœurs purs se consument à l'aimer. Comme à son fils, je lui ai offert l'obole de mon respect et de ma pauvreté, et je sais que son regard s'étend avec tendresse jusqu'au dernier de ses enfants.
La foi ne s'est pas bornée à offrir à notre admiration et à notre tendresse cette belle et noble figure de la Vierge, elle lui a donné un cortège digne de sa grandeur et de son amour; elle nous l'a montrée entourée des saints et des anges, et ces saints, ces anges ne sont pas seulement destinés à lui former une cour brillante et nombreuse, mais encore à l'assister, à la seconder dans son ministère de consolation auprès des hommes.
Quand je considère la vie de Marie, j'y vois quelque chose de grandiose et de divin. L'humanité se trouve transportée dans une région fortunée, dans une atmosphère éblouissante ; si quelques infirmités me rappellent encore la terre, l'action céleste me la fait bien vite oublier : là un amour toujours intense, un cœur toujours incliné au bien, une pensée toujours noble et pure, un désir toujours sublime. Là jamais le souffle des tentations, jamais les orages intérieurs de la lutte entre la chair et l'esprit; c'est le sacrifice d'Elie qui s'accomplit par l'action du feu du ciel sans mélange d'aucune flamme étrangère. Je suis dans l'admiration, je bénis Dieu dont les œuvres sont au-dessus des pensées de l'homme, je prends confiance, et une confiance sans bornes; mais en voyant ma nature si ennoblie, en voyant tant de grandeur et de magnificence, je ne me dis pas jusqu'à quel degré il peut m'être donné de m'élever.
Je sens les bienfaits du Ciel incomplets pour moi, il faut que j'arrive jusqu'aux amis de Marie pour comprendre toute la richesse et l'ineffable immensité de son amour. Les saints ont été comme nous soumis à toutes les épreuves et les tribulations de la vie ; nous les trouvons dans tous les rangs, tous les âges, toutes les conditions de la société ; partout ils nous disent ce que nous sommes appelés à devenir. Ils ont été, comme le reste des hommes, conçus dans le péché. Ils sont nés enfants de colère, ils sont entrés en grâce avec Dieu, comme j'y suis entré moi-même. Aucun privilège de naissance, aucune distinction de race ni de famille. Le saint baptême les a introduits dans l'Église comme il m'y a introduit moi-même.
Parmi les hommes, les uns grandissent sous la tutelle de pieux parents, ils se développent comme une fleur douce et suave, ils exhalent de bonne heure le doux parfum des vertus; de bonne heure, ils apparaissent comme des arbres couronnés de fruits abondants ; d'autres, au contraire, entrent dans la vie ballottés par les tempêtes ; ils font de fréquents naufrages, le monde seul semble leur sourire, et puis, quand ils en ont épuisé les amertumes, quand ils ont senti le vice et l'angoisse cachés sous ses brillantes tentures, ils se tournent vers le Ciel, et commencent une vie nouvelle.
Ainsi en fut-il des saints. Les uns, comblés de plus de bienfaits, ont vu leur berceau abrité sous les ailes des anges. Louis de Gonzague, Stanislas Kotska, Bernardin de Sienne, Louis IX de France, ont pu à leur mort offrir au Seigneur, pure et sans tache, la blanche robe de leur baptême.
Saint Louis de Gonzague est un étudiant jésuite mort au service des pestiférés à Rome en 1591
St-Stanislas de Kostka- novice jésuite polonais, 16 eme siècle
St-Bernardin de Sienne – en Italie au 15 eme siècle
Louis IX, le roi St-Louis de France au 13 eme siecle
D'autres ont secoué avec effort la poussière amassée sur leurs vêtements. St-Paul, l'apôtre, St-Augustin, le docteur, St-Madeleine, la pénitente, ont méconnu pendant de longues années les droits du ciel sur leur cœur et sur leur esprit; mais quand ils eurent ouvert les yeux à la lumière, quand la rosée divine du pardon les eut purifiés, ils sont devenus des géants, ils ont brillé comme des astres, et les justes, longtemps scandalisés par leur vie, n'ont pu les suivre que de loin dans les sentiers de la sainteté.
L`apôtre St-Paul
St-Marie Madeleine la pénitente
Saint-Augustin, docteur de l`Église
Le père de famille vient à toutes les heures du jour inviter les hommes à s'enrôler sous sa bannière; hélas ! combien de fois sa voix se perd dans le néant de nos pensées !
Les saints ont été en proie aux tentations pénibles et humiliantes; la conquête du ciel leur a demandé un combat de chaque jour ; la conservation de leur innocence a exigé une vigilance de tous les instants. Les embûches, les dangers de toutes sortes les ont environnés ; ils ont marché sur une terre semée de ronces et d'épines; ils en ont ressenti
toutes les aspérités, et s'ils sont demeurés debout, s'ils ont parcouru la voie ouverte en leur présence, c'est que d'un côté ils s'appuyaient sur la croix du Sauveur, et de l'autre, sur l'humble sentiment de leur indignité. Ainsi en sera-t-il de tous ceux qui tenteront de parcourir la route des vertus.
Quelle gloire, humainement parlant, pourra être comparée à la gloire des saints ? Quels mérites approcheront jamais de leurs mérites ? Le paganisme nous présente ses sages, et je les vois couverts de honte et de confusion ; je les vois esclaves des passions comme le reste des hommes; je cherche des vainqueurs du vice, et je n'en découvre aucun. Ils sont impurs, orgueilleux, querelleurs, avares, envieux; et si je consulte leurs écrits, je les trouve sans charité, sans intelligence de la terre, sans connaissance du cœur humain ; je les trouve aussi impuissants à enseigner le monde qu'à dominer ses instincts pervers. La philosophie moderne ne saurait nous donner plus que le paganisme; là où Dieu a disparu, il n'y a plus que l'homme, et là où l'homme est seul, il y a toujours l'ignorance, presque toujours la corruption.
Les saints ont existé dans tous les rangs de la société. Le savant tient parmi eux un rang distingué, mais il n'est pas seul, ni toujours le plus élevé ; au-dessus de lui sont les humbles pêcheurs de la Galilée, les apôtres; le riche y a trouvé une place, mais à côté et avec autant d'éclat brille le pauvre, dont la vie s'est passée sans aucun des biens de ce monde, ou plutôt tous les deux sont arrivés à la sainteté par une voie unique, le mépris des richesses terrestres.
De faibles enfants, de jeunes vierges, des mères de famille, des vieillards, des infirmes, des personnages pleins de timidité, et des héros que la vue du danger n'a jamais fait pâlir ; tous les rangs, toutes les natures se rencontrent dans l'assemblée des saints, et tous ont conquis le royaume à force de sacrifices, à force de combats; tous ont vaincu les inclinations perverses de l'humanité, méprisé les voluptés de la terre; tous ont traversé la vie sans prêter l'oreille aux vains bruits du monde, sans s'étonner de ses clameurs, sans lui prodiguer autre chose que le dédain et la compassion.
Quand nous abaissons sur nous-mêmes un regard découragé, quand la lutte devient vive et ardente, et que le poids du jour se fait sentir dans sa pesanteur, le souvenir des saints suffit à affermir nos résolutions ébranlées, et à nous inspirer de douces espérances. Nos frères ont triomphé, ils ont cueilli la palme; les tempêtes auxquelles ils furent soumis étaient terribles comme les nôtres, leurs amertumes aussi pleines d'angoisses, leurs dégoûts aussi navrants, leur nature aussi perverse, leurs inclinations aussi humiliantes ! Ils ont cueilli la palme, et nous, frères dégénérés, enfants sans vertu, nous oublierions nos titres de noblesse !
Nous méconnaîtrions le sang qui coule dans nos veines ! Nous inclinerions la tête devant les ennemis du Christ ! Non, les fils du Calvaire ne seront pas les vaincus des fils de Bélial; l'héritage de la croix n'ouvrira pas ses barrières aux bêtes de la forêt; Non, la maison du Seigneur ne deviendra pas le cloaque immonde de Satan !
Mais ce n'est pas assez de nous ranimer par d'illustres exemples, les saints nous ont été donnés comme des protecteurs. Victorieux sur la terre, ils ont gardé leur puissance de vaincre encore après leur mort. Leur prière est toujours puissante et leur charité pour nos misères toujours intense. Invoqués, ils nous écoutent; appelés, ils accourent, et quand ils se mettent de la partie, soyez en sûrs, nos ennemis ne sauraient rien contre nous. Voilà donc une armée toujours au service de l'homme, des héros toujours prêts à le défendre, des protecteurs toujours vigilants et attentifs à ses besoins; voilà les fils de la foi continuant dans le ciel leur œuvre glorieuse, et, après avoir surmonté les dangers de la terre, continuant dans les siècles éternels à édifier les remparts de Sion.
La foi seule offre de pareils spectacles, la foi seule enchaîne le ciel à la terre, l'éternité aux temps, et la félicité à la misère ; la foi seule a pu établir une grande famille en des
lieux si divers et l'unir par des liens si intimes. Les vrais soldats, les héros de la foi, sont les saints ; leur dévouement, leur courage, leur a valu de grands honneurs sur la terre et dans le ciel ; ici-bas, leurs noms sont donnés à la plupart de nos villages et de nos gros bourgs, aux petites églises et à nos vieilles cathédrales. Les populations rustiques savent l'histoire de leurs patrons, et souvent le saint qu'on y honore et que l'on y prie, a scellé de son sang la foi catholique. Les noms des plus grands conquérants ont été effacés de la mémoire populaire, et celui d'un pauvre paysan mort pour Jésus-Christ restera vénéré jusqu'à la fin des âges !
A mesure que l'Église s'étendait sur le monde et y établissait le culte consolant de l'intercession des saints auprès du souverain Maître de toutes choses, la plupart des nations choisissaient pour patron un martyr. A la foi naïve des peuples naissants, il avait semblé que le saint qui avait le plus souffert pour la cause du Dieu crucifié, serait plus écouté du puissant monarque de la terre et des cieux, que tout autre intercesseur; aussi voyons nous, sur les étendards et les bannières des différents royaumes et empires, briller les noms de saint Denis, de saint Édouard, de saint Georges, de saint Jacques, de saint Janvier tous héros chrétiens, bien dignes par leur courage et leur sainteté, de conduire les plus vaillantes nations à la défense de leurs patries respectives.
Étendard de St-Denis en France
Blason de St-Jacques de Compostelle en Espagne
Drapeau de l`Angleterre avec St-Georges
Parmi les martyrs, patrons de nos villes de France, il y en a peu qui aient laissé un nom plus éclatant de courage et de sainteté que saint Symphorien, mis à mort à Autun, alors qu'il n'était qu'adolescent.
Saint-Symphorien d`Autun martyr en Gaule romaine vers l`an 178
Le juge romain avait épuisé sur le corps du jeune chrétien tout ce que l'enfer a pu inventer pour torturer les serviteurs du Christ. Impassible, les yeux élevés vers le ciel, Symphorien pensait au Dieu qu'il allait voir dans le séjour des bienheureux, et à sa mère qu'il laissait sur cette terre profanée par l'idolâtrie et encore sous le joug des adorateurs de Jupiter. Enfin, la sentence du chrétien fut prononcée, et le martyr fut conduit au supplice. Comme il sortait de la ville, voilà que sa vénérable mère, du haut des murs l'exhortait à la mort et lui criait : « —Mon fils, mon fils, Symphorien! ne perds pas de vue le Dieu vivant courage, mon fils, mon Symphorien! comment craindre une mort qui engendre la vie? Élève en haut ton cœur, pense à Celui qui règne dans le ciel. Ce n'est pas la vie qu'on va t'ôter, c'est un échange que tu vas faire de la vie mortelle contre le ciel et son éternité!»
En voyant mourir ce jeune homme, plus d'un mondain prit en pitié sa foi et ses espérances. Aujourd'hui quel nom a surnagé dans cette foule témoin des combats de Symphorien? Un nom seul est demeuré grand et béni comme le nom de tous nos saints patrons, un nom seul est resté comme un signe de ralliement au milieu des épreuves de la vie : c'est le nom de Symphorien. Le nom des saints nous est transmis par la foi ; le parfum brûlé devant l'autel du Seigneur n'a pas une suavité plus douce que la mémoire vénérée du serviteur de Dieu.
A côté des saints, nos protecteurs, à côté de la Vierge, notre mère, il y a encore d'autres amis, d'autres combattants ; il y a les anges à qui Dieu a donné également une mission glorieuse et consolante pour nos infirmités. Créés pour habiter les cieux, ces purs esprits ont reçu de l'éternel ordonnateur du monde la mission de nous assister, de veiller à notre garde, de diriger nos pas à travers les dangers, de nous rappeler au devoir par de salutaires pensées, de nous inspirer l'horreur du mal, et de nous prémunir contre la défaillance de chaque jour. Noble et touchante mission! Les anges la remplissent à notre berceau et ils la continuent jusqu'à notre lit de mort, jusqu'au jour où ils ont conduit notre âme victorieuse aux félicités suprêmes.
Le chrétien dans la solitude a toujours un témoin et un conseiller, dans la tempête un pilote, dans le péril un soutien, dans tous les besoins de la vie un ami sincère et véritable. Dieu l'a tellement aimé qu'il s'est abaissé jusqu'à lui, qu'il lui a donné pour mère, la Reine de l'empire céleste, pour frères, les saints, pour amis, les anges. Voilà les enseignements de la foi. Le monde peut exalter ses grandeurs, faire sonner ses titres de noblesse : le chrétien sera toujours à mes yeux plus grand et plus noble, parce que son Dieu s'est fait homme, parce que Marie est sa mère, parce qu'il est appelé à l'héritage des saints et à la béatitude inénarrable des anges.
L'œuvre de la foi est avant tout une œuvre de réparation. Son action s'étend du ciel à la terre, du trône embrasé des séraphins ( premier cœur des Anges) jusqu'à l'humble ouvrier condamné à gagner à la sueur de son front le pain de chaque jour, jusqu'au pauvre esclave abreuvé d'amertumes quotidiennes, et partout son action est une action réparatrice.
Au ciel elle a comblé les vides causés par la révolte de Lucifer, sur la terre elle a ennobli la nature humaine et montré à l'ouvrier et à l'esclave qu'ils avaient dans la splendeur céleste un Père commun avec le riche et le puissant de ce monde, des droits à l'héritage éternel et des espérances plus grandes. Mais il est une réparation que je ne puis passer sous silence, une réparation dont les effets se sont fait sentir dans la famille et ont influé d'une façon immense sur la société, depuis Jésus- Christ. Je veux parler de la réparation de la femme.
Adam et Ève désobéissant aux ordres de Dieu ( Genèse 3)
Coupable la première aux jours de la désobéissance, la femme avait ressenti plus profondément que l'homme le poids de la malédiction divine; plus entièrement elle s'était effacée et était tombée dans l'abaissement et l'abjection. Cependant dès le premier temps, le Seigneur, en maudissant la terre, en frappant de sa réprobation la désobéissance d’Ève, avait donné une espérance à la femme.
Il l'avait relevée dans la personne de Sara, de Rébecca et de plusieurs héroïnes de l`Ancien Testament; il avait laissé entrevoir ses vues miséricordieuses en faisant monter au rang des ancêtres du Christ Rahab et Bethsabée; l'Écriture contient des pages magnifiques en l'honneur de la femme vertueuse; les livres d'Esther et de Judith sont consacrés à célébrer les actions illustres et les vertus des deux saintes femmes.
Le patriarche Abraham et sa femme Sara vers 2,000 av J.C. ( Genèse 12)
Rebecca, la femme d`Isaac ( Genèse 24,15)
Rahab aidant les Hébreux vers 1100 Av J.C. ( Josué 2,4)
Bethsabée avec son fils le Roi Salomon. ( roi d`Israël vers 950 Av J.C.) ( 1 Rois 1,11)
La reine Esther en Perse lors de l`exil du peuple juif vers le 6 eme siècle Av J.C. ( Esther 20)
Judith ayant vaincu par ruse le général Assyrien Holopherne qui persécutait sa nation vers le 7 eme siècle avant J.C. (Judith 13,11)
Nous avons raconté l'histoire de Suzanne et nous avons mentionné celle de la mère à jamais glorieuse des sept martyrs de Jérusalem sous Antiochus . Mais jusqu'à l'Évangile, ce sont des faits partiels; et puis Dieu était connu uniquement dans la Judée; les autres peuples n'en avaient qu'une science imparfaite, une science incapable d'influer sur la morale des nations, incapable de relever aucun des abaissements du péché.
Suzanne agressée par les deux vieillards (Daniel 13)
Le martyre des sept frères Maccabées sous le règne du tyran grec Antiochus (2 Maccabées 7)
Aussi chez les païens la condition de la femme était-elle humiliante et abjecte. Mais quand la plénitude du temps fut accomplie, quand Dieu eut arrêté d'envoyer son Fils à la terre, une grande réparation eut lieu. L'Éternel choisit pour mère du Sauveur une créature ornée de plus de grâces que jamais Ève n'en posséda. Pour elle il suspendit la loi de la tache originelle; il lui donna une âme Immaculée, il mit en son cœur un torrent d'amour, et pénétra son esprit de lumières si divines que ni les patriarches, ni les prophètes, ni les apôtres, ni aucun des justes du Testament, ni aucun des saints de la loi nouvelle n'approchèrent de la perfection de cette créature, de cette femme bénie et privilégiée.
Cette femme s'appelait Marie. Mais ce n'était point assez de lui donner des vertus et des lumières; comme son ancêtre Abraham, il la destinait à devenir la mère d'une génération nouvelle inconnue jusqu'alors au monde; il l'appelait à essuyer les larmes de toutes les mères, à consoler toutes les afflictions de son sexe, à en être la gloire et l'espérance. Il inspira à son âme le désir de la virginité, il la rendit étrangère aux pensées de la terre; puis quand l'heure eut sonné dans les siècles éternels où le Fils du Très-Haut devait s'unir à la nature humaine, un messager céleste alla trouver Marie pour lui faire part des desseins du Ciel, pour lui annoncer que Dieu avait arrêté ses regards sur elle, qu'il suspendait les lois de la nature encore une fois en son honneur.
Choisie pour donner le jour au Rédempteur du monde, elle gardera sa virginité intacte, elle sera mère, elle sera vierge à la fois; car rien n'est impossible à Dieu. Seul, il engendre son Fils durant l'éternité; seule, Marie lui donnera la vie dans le temps; et ainsi la femme, si humiliée depuis quatre mille ans, s'asseoit sur le plus glorieux des trônes, elle s'élève à une prérogative sans exemple, à une prérogative unique; elle s'approche de Dieu d'une façon inconnue aux séraphins ( Anges) et à aucune des puissances du ciel; elle est mère, en quelque sorte comme Dieu lui-même est père.
Qui jamais a rien vu, qui jamais eût rien imaginé de semblable? Une vierge devient mère par un prodige sans exemple, et son fils est le Dieu Très-Haut, le maître des anges, le Seigneur des dominations des trônes et des chérubins. 0 Eve, pauvre mère trop longtemps abreuvée d'amertume, essuie maintenant tes larmes. L'auréole dont tu fus dépouillée au jour où tu oublias le précepte sacré du Seigneur, l'auréole brillante de grâce a été rendue à ton front, ta race n'est plus une race maudite; loin d'elle la malédiction! Un ordre nouveau a commencé sur la terre : la mère des hommes sera désormais la mère des vivants, la mère des fils du Très-Haut.
Mais sur la terre aucune réhabilitation n'a lieu que par le sacrifice, aucune gloire véritable ne surgira sans naître de l'épreuve et de l'affliction, aucune vertu ne sera digne de respect sans avoir été battue par la tempête, aucune grandeur ne s'asseoira sur le trône sans avoir pour piédestal l'humiliation. Telle est la loi de la justice, la loi de la réparation. Le Fils de Dieu commencera par être le fils de l'homme avant de voir les nations inclinées devant lui; il boira au torrent de toutes les amertumes et de toutes les confusions avant d'être environné de gloire et de félicité. De même sa mère devra participer avec plus d'abondance que toutes les créatures au calice de l'expiation.
Elle sera la reine des martyrs, mais auparavant elle s'abreuvera de toutes les tristesses, de toutes les angoisses, de toutes les souffrances, de tous les tourments de son fils. Elle
sera la reine des anges, mais elle passera par les abaissements de la terre, et la mort exercera sur elle son empire; elle sera la reine des vierges, mais durant la vie rien ne la distinguera du rang des mères ordinaires; elle deviendra la gloire et l'honneur de son sexe, mais les regards de ses contemporains ne découvriront en elle qu'une femme commune. Le Christ a marché par les anéantissements ; Marie n'aura point d'autre partage.
Mais attendez. Au temps a succédé l'éternité, aux jours mortels les jours de récompense, et voici comment le Seigneur prodigue ses dons. Nous ne parlerons pas de la félicité inénarrable des cieux : Dieu seul a pu en sonder les abîmes; nous disons un mot seulement de ce qui s'est passé sous nos yeux.
L'Évangile est prêché par tout l'univers, et chacune des contrées du monde compte des vierges empressées à renoncer aux espérances de la vie. Jérusalem, Corinthe, Rome, et toutes les villes où les apôtres annoncent le divin Crucifié, voient une génération céleste se vouer au culte, à la vie de Marie. Les persécutions surgissent, et les vierges donnent leur vie pour conserver leur virginité; les fastes de l'Église inscrivent des dévouements inouïs jusqu'alors; les noms d'Agnès, de Cécile, d'Agathe, de Catherine d'Alexandrie et d'une foule innombrable d'autres également illustres traverseront les siècles sans jamais rien perdre de leur éclat, sans jamais souffrir l'altération la plus légère.
St-Agnès, vierge et martyre à Rome en l`an 303 alors qu`elle n`avait que 13 ans. ( Agnos en grec signifie – chaste et pure)
Sainte-Cécile, vierge martyre a Rome (Italie) vers l`an 230
Sainte Agathe, vierge et martyre à Catane (Sicile) en Italie en l`an 251
Sainte Catherine d`Alexandrie ( Égypte), vierge et martyre vers l`an 307
Les persécutions ont cessé, et les enfants privilégiées de Marie, les vierges, dédaignent d'habiter au milieu du monde; elles embrassent un nouveau martyre, celui de la pénitence; elles se réunissent en communauté, et des hommes comme St-Jérôme, St-Ambroise , St-Augustin , St- Chrysostôme, considèrent comme une des occupations les plus utiles de leur génie de donner des règles et des enseignements à ces saintes communautés, sanctuaires de vertu et d'innocence, où la vie rappelle le ciel et fait oublier la terre.
Chaque siècle voit ces maisons bénies se multiplier; les filles des rois deviennent les filles de Marie et vont passer leurs jours à côté de la fille pauvre et inconnue au monde, mais connue et aimée de la Reine des cieux, parce qu'elle a sacrifié les faibles espérances que la terre pouvait lui offrir.
Louise-Adelaïde d`Orléans Bourbon-Orleans de la famille royale de France (1698 - 1743)
Et puis quand les temps deviendront mauvais, quand la charité se sera refroidie, quand les dévouements auront diminué, les timides colombes qui n'avaient pas cru pouvoir trouver où poser leur pied, les timides colombes sortiront de l'arche et viendront établir leur demeure en face de toutes les misères humaines, de tous les abaissements, de
tous les vices, de toutes les souffrances et de toutes les angoisses.
Elles se trouveront fortes comme Marie au pied de la croix. Elles s'appelleront sœurs de la Charité, sœurs du bon Pasteur, sœurs de la Croix, sœurs des Pauvres... Mais qu'importent les noms! La charité est le lien commun, Marie la mère et la reine commune. Le malade les verra s'approcher de sa couche de douleur; la prostituée sentira leur main charitable s'abaisser jusqu'à elle pour la tirer de ses malheurs ; l'indigent mangera le pain donné par elles au milieu des rebuts et des confusions ; la pauvre enfant de la campagne et de l'ouvrier recevra de leur tendresse la science de la vertu, du devoir et de l'honneur ; la mère de famille puisera en elles ses consolations; le vieillard apprendra à mourir en bénissant Dieu, et le bon père, penché tout le jour sur un travail accablant, trouvera moins rude le morceau de pain presque insuffisant à réparer ses forces, en voyant les Sœurs partager ses sollicitudes pour sa famille.
Les Sœurs de la Charité au Nouveau-Brunswick vers 1900
Les Petites Sœurs des Pauvres
Ah! si maintenant vous me demandez quelle est la source de tous ces dévouements, je vous répondrai : c'est l'amour de Marie, l'amour de cette femme unique entre les femmes. Parmi cette foule de vierges héroïques, à peine eussiez-vous rencontré un dévouement sans le culte voué à Marie dès leur enfance, sans l'amour dont leur cœur s'est embrasé pour elle. Nous les avons vues sur nos champs de bataille, dans nos hôpitaux, au milieu des cholériques et des pestiférés ; nous les avons rencontrées dans nos prisons, dans nos asiles d'aliénés ; nous les avons trouvées sous le chaume de nos paysans et dans nos hôtels somptueux, et nulle part elles n'étaient déplacées.
La misère ne leur inspirait aucun dégoût, les plaies horribles aucune répugnance, la peste aucune terreur, et la vue des grandeurs humaines aucun regret. Ah! c'est qu'en effet elles étaient au-dessus de nos grandeurs comme au-dessus de ce qui fait l'objet de nos craintes et de nos frayeurs. L'amour est fort comme la mort, rien ne résiste à ses ardeurs, rien n'échappe à ses étreintes.
Mais les vierges sacrées ne constituent pas seules l'empire de Marie. Comme à son fils, les nations lui ont été données en héritage et sa tendresse a rayonné en tous lieux. Tous les cœurs catholiques ont levé vers elle un regard d'espérance, tous lui ont adressé des prières, tous ont réclamé sa puissance et ses grandeurs. Dès le commencement des siècles chrétiens, ses privilèges ont été vénérés en tous lieux ; à peine une voix téméraire et impie a-t-elle osé contester le plus glorieux, celui de la maternité divine, que la ville entière de Constantinople proteste par des cris de réprobation contre l'indigne successeur de Chrysostôme ; le monde s'émeut, les évêques s'assemblent, et, dans la ville d'Éphèse, la ville initiée par Jean l'Évangéliste au culte et à l'amour de Marie, le patriarche d'Alexandrie, saint Cyrille, fait entendre ces belles paroles acclamées par l'univers, parce qu'elles expriment la pensée de l'univers : « Nous vous saluons, ô Mère de Dieu !»
«o Marie! trésor auguste du monde entier, lampe toujours ardente, lumière de l'Église, couronne de la virginité, sceptre de l'orthodoxie, temple indissoluble, Mère et Vierge par qui est béni, dans les saints Évangiles, Celui qui vient au nom du Seigneur ! Nous vous saluons, ô vous qui, dans votre sein virginal, avez enfermé celui qui est immense et incompréhensible ! vous par qui la sainte Trinité est glorifiée et adorée, la croix célébrée et adorée dans tout l'univers ; vous, par qui le ciel triomphe, les anges et les archanges se réjouissent, les démons ( anges déchus) sont mis en fuite; vous, par qui la créature déchue est élevée au ciel ; vous, par qui la créature entière, asservie aux idoles, parvient à la connaissance de la vérité ; vous, par qui le saint baptême et l'onction de l'allégresse sont accordés aux fidèles ; vous, par qui les Églises ont été fondées dans tout l'univers, et par qui les nations sont amenées à la pénitence ! En un mot, vous, par qui le Fils unique de Dieu s'est levé à l'Orient, comme la lumière de ceux qui étaient assis dans les ténèbres et à l'ombre de la mort; vous, par qui les prophètes ont prédit et les apôtres annoncé le salut aux nations, vous, par qui les morts ressuscitent, et par qui les rois règnent au nom de la Trinité sainte ! »
Tous les siècles ont redit avec enthousiasme les paroles de l'archevêque d'Alexandrie, et d'année en année les témoignages d'amour à Marie se sont multipliés. Des églises sans nombre se sont élevées en son honneur, des cathédrales aux proportions grandioses et gigantesques lui furent dédiées. Qui ne connaît Notre-Dame de Chartres, Notre-Dame de Paris, et tant d'autres qu'il serait trop long d'énumérer?
Notre-Dame de Chartres
Notre-Dame de Paris
Quelle église de village n'a un autel consacré à Marie, comme si le culte du Sauveur était incomplet quand celui de sa mère n'y est pas réuni? Quelle bouche chrétienne ne répète plusieurs fois le soir cette belle et touchante Salutation angélique ? Quels enivrants concerts se font entendre d'un bout de l'univers à l'autre pour célébrer la Vierge ! Sous toutes les formes, sur tous les tons Marie est exaltée, bénie et invoquée.
Les graves théologiens établissent dans leurs savants traités les droits incontestables de ses privilèges; les docteurs et les prédicateurs consacrent leur génie à les faire connaître au monde; les écrivains mystiques nous introduisent dans le sanctuaire de ses vertus et les proposent à notre imitation ; les poètes chantent sa gloire, sa miséricorde, sa puissance et ses miracles. Après le nom sacré et adorable de Jésus, nul autre nom n'a inspiré autant d'écrits que le nom à jamais vénéré de Marie.
Chercher à les énumérer, c'est tenter de dire le nombre des étoiles dont scintille la voûte du firmament; et cependant la vie de Marie s'est passée dans l'obscurité; elle a aimé la solitude, le silence, mais elle est la mère de Jésus ! Les rois lui ont soumis leurs royaumes; ils n'ont pas connu, dans leur confiance, de mains plus puissantes; ils n'ont point imaginé de remparts plus solides que sa protection. Les rois ont déposé leur couronne à ses pieds et n'ont jamais été plus assurés de ne pas la voir tomber de leur tête que quand ils en avaient fait hommage à leur reine souveraine; ils lui ont remis leur sceptre, et jamais ils n'ont moins redouté de le sentir se briser entre leurs mains qu'après lui en avoir confié la garde.
Le roi de France Louis XIII, confiant son trône et le Royaume de France à la St-Vierge Marie au 17 eme siècle
Et ces rois, il faut en convenir, étaient d'habiles et puissants politiques ; ils avaient jugé sainement de la valeur des institutions humaines, de la stabilité des empires, du dévouement et de la capacité des hommes quand ils estimaient nécessaire l'intervention du Ciel à la conservation de leur dignité, quand ils intéressaient la mère de Jésus au maintien de leur dynastie.
Ils appartenaient à cette race de rois héroïques dont un d'eux a écrit : «Si le Seigneur ne garde lui-même la cité, en vain se consument en veilles les hommes chargés de sa défense.» Depuis, une autre politique a remplacé la politique des rois chrétiens. Les monarques se sont crus assez puissants pour soutenir leurs trônes par eux-mêmes, les nations assez fortes pour n'avoir plus besoin de chercher un appui au Ciel, ou du moins, peuples et rois ont voulu avoir le principal honneur de leur propre défense.
Nous avons vu tomber tant de trônes, passer tant de rois, se bouleverser tant de peuples, que nous sommes devenu encore plus admirateur de la piété de nos ancêtres et de leur pieuse confiance dans la Reine des cieux. Ce que les rois faisaient autrefois pour leurs royaumes, les villes le faisaient pour leur territoire, les familles pour tous leurs membres. Quand un fléau menaçait une contrée, les regards effrayés se tournaient d'abord vers Marie ; on recourait à elle, on se portait avec empressement vers ses sanctuaires les plus vénérés, et avant d'entreprendre ces saints pèlerinages, on purifiait sa conscience, on se réconciliait avec le Ciel.
Comme autrefois le peuple choisi, on renouvelait l'alliance avec le Seigneur, puis on ne craignait plus de dire à la Vierge : Montrez que vous êtes notre mère ; que par vous il reçoive nos prières, Celui qui, naissant pour notre amour, a bien voulu se rendre dépendant de vous. Et la pieuse confiance des populations n'était jamais trompée. Dieu commandait à l'ange de ne pas exterminer jusqu'à extinction, la miséricorde l'emportait sur la justice, la mère n'invoquait pas inutilement son fils.
Les monuments de la reconnaissance attestent encore de nos jours la vérité de cette assertion. Hélas! les villes comme les royaumes cherchent maintenant ailleurs les remèdes à leurs maux. Nous avons des médecins contre les épidémies, des instruments aratoires contre les disettes et les famines, nous avons des assurances contre la grêle et tous les fléaux du ciel, et nous avons jugé nos ressources assez grandes pour nous passer de l'intervention de Marie. Aujourd'hui les villes ne font plus de vœux à la Reine des anges; elles n'élèvent plus de temples ni d'autels en son honneur; elles n'offrent plus tous les ans les dons qui témoignent des bien faits et de la reconnaissance.
Nous ne prétendons pas non plus que la dévotion à Marie se soit anéantie au milieu de nous; ce que nous déplorons, c'est que cette dévotion ne soit plus l'œuvre de la société, mais des individus seulement; ce que nous déplorons, c'est que les royaumes, les peuples et les cités aient cru pouvoir se passer de Dieu. Le culte de Marie est vivant dans les cœurs catholiques comme il l'était autrefois, mais ce culte a subi le sort de l'Église. Les États ont répudié l'Église, et, par une conséquence nécessaire, ils ont répudié le culte de la Vierge; ils l'ont dédaignée et méconnue.
Mais les familles où la foi ne s'est pas encore éteinte, connaissent Marie. Elles l'aiment, elles la vénèrent et mettent en elle leur confiance. Là on voit la pieuse mère l'invoquer tous les jours et enseigner à son enfant à la prier avec ferveur ; la jeune fille lui confie la garde de sa jeunesse, le jeune homme la prend pour sa protectrice dans la vie, le père lui remet tout le soin de sa maison, le vieillard lui redit plusieurs fois le jour : Sainte Marie, priez pour nous à l'heure de notre mort.
La vie ne se passe pas sans de graves et poignantes sollicitudes pour un père et une mère. Il y a dans les familles des heures d'angoisses, comme il y en a dans les royaumes. C'est alors que le recours à Marie devient plus, ardent et plus vif, alors qu'il y a comme une lutte entre les pauvres enfants qui sont sur la terre et la mère puissante qui est dans les cieux; et cette lutte est plus violente de nos jours qu'aux temps où la foi exerçait davantage son empire, parce que l'impiété a rendu plus probables les châtiments du ciel.
Mais aussi que de victoires cette lutte a produites! Que de merveilles elle a enfantées ! Aujourd'hui plus que jamais Marie aime à montrer qu'elle est mère. Allez à Notre-Dame-des-Victoires, et dites, si vous le pouvez, combien de familles ont trouvé l'espérance et la paix devant cet autel qui n'a rien de remarquable au regard terrestre ! Dites pourquoi toutes les églises du monde, pourquoi toutes les familles de la terre, pourquoi tous les cœurs attristés se tournent vers ce sanctuaire naguère ignoré? Pourquoi tant de témoignages de reconnaissance entourent cette pieuse statue de la Mère de Dieu?
Église Notre-Dame des Victoires de Paris
Ah! c'est que le cœur de Marie s'est ouvert avec plus d'amour là où l'ingratitude et l'iniquité avaient le plus surabondé. Mais, dans ces ex-voto, en vain chercherez-vous l'hommage d'une cité ou d'un royaume ; les cités et les royaumes ne se confient plus à Marie!! Allez dans une autre église de cette ville de Paris, où les saints gémissent au milieu de scandales et de crimes sans nombre, à l'église des sœurs de la Charité de la rue du Bac, église presque inconnue du monde entier.
Chapelle de la rue du Bac à Paris
Apparition de la rue du Bac a Paris en 1830
Là, vous apprendrez comment la Vierge elle-même donna à l'une de ses enfants la médaille miraculeuse. Les impies en ont fait l'objet de leurs dérisions, mais l'univers catholique l'a acceptée avec respect et amour. Les malades s'en sont armés contre la douleur, les justes contre la tentation, les pécheurs contre le désespoir, nos soldats l'ont placée sur leur poitrine devant les murs de Sébastopol, et le chef suprême de l'Église a déclaré dogme de notre sainte foi ces paroles de la médaille : Marie a été conçue sans péché.
La médaille miraculeuse de 1830: O Marie conçue sans péché priez pour nous qui avons recours a vous
Jamais le monde ne soupçonnera les faveurs obtenues par cette dévotion à Marie Immaculée. Dieu seul en sait l'étendue, comme lui seul connaît l'immensité des mérites de la Vierge. Mais ce que les peuples connaissent, ce que les générations se sont transmis d'âge en âge, c'est cette multitude de bienfaits dont la chaîne remonte jusqu'au berceau du catholicisme, bienfaits dus à la dévotion à Marie, bienfaits inspirés par l'amour dont les hommes furent dans tous les temps embrasés pour elle.
L'amour de l'homme, comme sa dévotion, a pour principe les bienfaits reçus ou espérés: l'homme est trop égoïste et trop infortuné pour donner son cœur là où il n'attend rien, là où son espérance a été déçue.
Il a aimé Dieu par-dessus tout, parce que les bienfaits divins l'environnent et le pénètrent de toutes parts ; après Dieu, il a donné la première place à Marie dans ses affections, parce qu'elle a été sa plus insigne bienfaitrice, parce qu'entre tous les amis du Seigneur aucun ne l'a égalée en miséricorde. L'homme s'est moins occupé de la sainteté et des perfections de la Mère du Sauveur que de sa charité sans limites. Il l'aime avant tout parce qu'elle est avant tout sa mère, sa consolatrice, son secours, son refuge, sa protection, sa défense. Elle est pour lui tout cela avant d'être sa reine ; l'homme le sait, il le sent comme l'enfant sent que sa mère est bonne pour lui avant de sentir qu'elle mérite ses hommages et ses respects. Nous ne raconterons pas les bontés de Marie, nous ne chercherons même pas à les mentionner ; il faudrait un livre immense pour cela. Nous aurions à parcourir les royaumes, les cités, les recoins les plus ignorés du globe. Nous la trouverions partout où il y a une souffrance consolée, un noble projet mis à exécution, un repentir salutaire dans le cœur coupable, une résolution généreuse arrêtée pour le Ciel.
Les rayons du soleil n'ont jamais autant échauffé la terre, que Marie le cœur des hommes; jamais la rosée des nuits n'a apporté autant de douce fraîcheur à nos campagnes, que le nom de Marie de baume ineffable à nos peines.
Je devais ces quelques lignes à la Mère de mon Dieu dans un livre consacré à louer les œuvres de la foi. Je sens tout ce qu'elles ont d'imparfait, mais je me console en pensant combien d'illustres génies se consacrent à célébrer ses merveilles, combien de cœurs purs se consument à l'aimer. Comme à son fils, je lui ai offert l'obole de mon respect et de ma pauvreté, et je sais que son regard s'étend avec tendresse jusqu'au dernier de ses enfants.
La foi ne s'est pas bornée à offrir à notre admiration et à notre tendresse cette belle et noble figure de la Vierge, elle lui a donné un cortège digne de sa grandeur et de son amour; elle nous l'a montrée entourée des saints et des anges, et ces saints, ces anges ne sont pas seulement destinés à lui former une cour brillante et nombreuse, mais encore à l'assister, à la seconder dans son ministère de consolation auprès des hommes.
Quand je considère la vie de Marie, j'y vois quelque chose de grandiose et de divin. L'humanité se trouve transportée dans une région fortunée, dans une atmosphère éblouissante ; si quelques infirmités me rappellent encore la terre, l'action céleste me la fait bien vite oublier : là un amour toujours intense, un cœur toujours incliné au bien, une pensée toujours noble et pure, un désir toujours sublime. Là jamais le souffle des tentations, jamais les orages intérieurs de la lutte entre la chair et l'esprit; c'est le sacrifice d'Elie qui s'accomplit par l'action du feu du ciel sans mélange d'aucune flamme étrangère. Je suis dans l'admiration, je bénis Dieu dont les œuvres sont au-dessus des pensées de l'homme, je prends confiance, et une confiance sans bornes; mais en voyant ma nature si ennoblie, en voyant tant de grandeur et de magnificence, je ne me dis pas jusqu'à quel degré il peut m'être donné de m'élever.
Je sens les bienfaits du Ciel incomplets pour moi, il faut que j'arrive jusqu'aux amis de Marie pour comprendre toute la richesse et l'ineffable immensité de son amour. Les saints ont été comme nous soumis à toutes les épreuves et les tribulations de la vie ; nous les trouvons dans tous les rangs, tous les âges, toutes les conditions de la société ; partout ils nous disent ce que nous sommes appelés à devenir. Ils ont été, comme le reste des hommes, conçus dans le péché. Ils sont nés enfants de colère, ils sont entrés en grâce avec Dieu, comme j'y suis entré moi-même. Aucun privilège de naissance, aucune distinction de race ni de famille. Le saint baptême les a introduits dans l'Église comme il m'y a introduit moi-même.
Parmi les hommes, les uns grandissent sous la tutelle de pieux parents, ils se développent comme une fleur douce et suave, ils exhalent de bonne heure le doux parfum des vertus; de bonne heure, ils apparaissent comme des arbres couronnés de fruits abondants ; d'autres, au contraire, entrent dans la vie ballottés par les tempêtes ; ils font de fréquents naufrages, le monde seul semble leur sourire, et puis, quand ils en ont épuisé les amertumes, quand ils ont senti le vice et l'angoisse cachés sous ses brillantes tentures, ils se tournent vers le Ciel, et commencent une vie nouvelle.
Ainsi en fut-il des saints. Les uns, comblés de plus de bienfaits, ont vu leur berceau abrité sous les ailes des anges. Louis de Gonzague, Stanislas Kotska, Bernardin de Sienne, Louis IX de France, ont pu à leur mort offrir au Seigneur, pure et sans tache, la blanche robe de leur baptême.
Saint Louis de Gonzague est un étudiant jésuite mort au service des pestiférés à Rome en 1591
St-Stanislas de Kostka- novice jésuite polonais, 16 eme siècle
St-Bernardin de Sienne – en Italie au 15 eme siècle
Louis IX, le roi St-Louis de France au 13 eme siecle
D'autres ont secoué avec effort la poussière amassée sur leurs vêtements. St-Paul, l'apôtre, St-Augustin, le docteur, St-Madeleine, la pénitente, ont méconnu pendant de longues années les droits du ciel sur leur cœur et sur leur esprit; mais quand ils eurent ouvert les yeux à la lumière, quand la rosée divine du pardon les eut purifiés, ils sont devenus des géants, ils ont brillé comme des astres, et les justes, longtemps scandalisés par leur vie, n'ont pu les suivre que de loin dans les sentiers de la sainteté.
L`apôtre St-Paul
St-Marie Madeleine la pénitente
Saint-Augustin, docteur de l`Église
Le père de famille vient à toutes les heures du jour inviter les hommes à s'enrôler sous sa bannière; hélas ! combien de fois sa voix se perd dans le néant de nos pensées !
Les saints ont été en proie aux tentations pénibles et humiliantes; la conquête du ciel leur a demandé un combat de chaque jour ; la conservation de leur innocence a exigé une vigilance de tous les instants. Les embûches, les dangers de toutes sortes les ont environnés ; ils ont marché sur une terre semée de ronces et d'épines; ils en ont ressenti
toutes les aspérités, et s'ils sont demeurés debout, s'ils ont parcouru la voie ouverte en leur présence, c'est que d'un côté ils s'appuyaient sur la croix du Sauveur, et de l'autre, sur l'humble sentiment de leur indignité. Ainsi en sera-t-il de tous ceux qui tenteront de parcourir la route des vertus.
Quelle gloire, humainement parlant, pourra être comparée à la gloire des saints ? Quels mérites approcheront jamais de leurs mérites ? Le paganisme nous présente ses sages, et je les vois couverts de honte et de confusion ; je les vois esclaves des passions comme le reste des hommes; je cherche des vainqueurs du vice, et je n'en découvre aucun. Ils sont impurs, orgueilleux, querelleurs, avares, envieux; et si je consulte leurs écrits, je les trouve sans charité, sans intelligence de la terre, sans connaissance du cœur humain ; je les trouve aussi impuissants à enseigner le monde qu'à dominer ses instincts pervers. La philosophie moderne ne saurait nous donner plus que le paganisme; là où Dieu a disparu, il n'y a plus que l'homme, et là où l'homme est seul, il y a toujours l'ignorance, presque toujours la corruption.
Les saints ont existé dans tous les rangs de la société. Le savant tient parmi eux un rang distingué, mais il n'est pas seul, ni toujours le plus élevé ; au-dessus de lui sont les humbles pêcheurs de la Galilée, les apôtres; le riche y a trouvé une place, mais à côté et avec autant d'éclat brille le pauvre, dont la vie s'est passée sans aucun des biens de ce monde, ou plutôt tous les deux sont arrivés à la sainteté par une voie unique, le mépris des richesses terrestres.
De faibles enfants, de jeunes vierges, des mères de famille, des vieillards, des infirmes, des personnages pleins de timidité, et des héros que la vue du danger n'a jamais fait pâlir ; tous les rangs, toutes les natures se rencontrent dans l'assemblée des saints, et tous ont conquis le royaume à force de sacrifices, à force de combats; tous ont vaincu les inclinations perverses de l'humanité, méprisé les voluptés de la terre; tous ont traversé la vie sans prêter l'oreille aux vains bruits du monde, sans s'étonner de ses clameurs, sans lui prodiguer autre chose que le dédain et la compassion.
Quand nous abaissons sur nous-mêmes un regard découragé, quand la lutte devient vive et ardente, et que le poids du jour se fait sentir dans sa pesanteur, le souvenir des saints suffit à affermir nos résolutions ébranlées, et à nous inspirer de douces espérances. Nos frères ont triomphé, ils ont cueilli la palme; les tempêtes auxquelles ils furent soumis étaient terribles comme les nôtres, leurs amertumes aussi pleines d'angoisses, leurs dégoûts aussi navrants, leur nature aussi perverse, leurs inclinations aussi humiliantes ! Ils ont cueilli la palme, et nous, frères dégénérés, enfants sans vertu, nous oublierions nos titres de noblesse !
Nous méconnaîtrions le sang qui coule dans nos veines ! Nous inclinerions la tête devant les ennemis du Christ ! Non, les fils du Calvaire ne seront pas les vaincus des fils de Bélial; l'héritage de la croix n'ouvrira pas ses barrières aux bêtes de la forêt; Non, la maison du Seigneur ne deviendra pas le cloaque immonde de Satan !
Mais ce n'est pas assez de nous ranimer par d'illustres exemples, les saints nous ont été donnés comme des protecteurs. Victorieux sur la terre, ils ont gardé leur puissance de vaincre encore après leur mort. Leur prière est toujours puissante et leur charité pour nos misères toujours intense. Invoqués, ils nous écoutent; appelés, ils accourent, et quand ils se mettent de la partie, soyez en sûrs, nos ennemis ne sauraient rien contre nous. Voilà donc une armée toujours au service de l'homme, des héros toujours prêts à le défendre, des protecteurs toujours vigilants et attentifs à ses besoins; voilà les fils de la foi continuant dans le ciel leur œuvre glorieuse, et, après avoir surmonté les dangers de la terre, continuant dans les siècles éternels à édifier les remparts de Sion.
La foi seule offre de pareils spectacles, la foi seule enchaîne le ciel à la terre, l'éternité aux temps, et la félicité à la misère ; la foi seule a pu établir une grande famille en des
lieux si divers et l'unir par des liens si intimes. Les vrais soldats, les héros de la foi, sont les saints ; leur dévouement, leur courage, leur a valu de grands honneurs sur la terre et dans le ciel ; ici-bas, leurs noms sont donnés à la plupart de nos villages et de nos gros bourgs, aux petites églises et à nos vieilles cathédrales. Les populations rustiques savent l'histoire de leurs patrons, et souvent le saint qu'on y honore et que l'on y prie, a scellé de son sang la foi catholique. Les noms des plus grands conquérants ont été effacés de la mémoire populaire, et celui d'un pauvre paysan mort pour Jésus-Christ restera vénéré jusqu'à la fin des âges !
A mesure que l'Église s'étendait sur le monde et y établissait le culte consolant de l'intercession des saints auprès du souverain Maître de toutes choses, la plupart des nations choisissaient pour patron un martyr. A la foi naïve des peuples naissants, il avait semblé que le saint qui avait le plus souffert pour la cause du Dieu crucifié, serait plus écouté du puissant monarque de la terre et des cieux, que tout autre intercesseur; aussi voyons nous, sur les étendards et les bannières des différents royaumes et empires, briller les noms de saint Denis, de saint Édouard, de saint Georges, de saint Jacques, de saint Janvier tous héros chrétiens, bien dignes par leur courage et leur sainteté, de conduire les plus vaillantes nations à la défense de leurs patries respectives.
Étendard de St-Denis en France
Blason de St-Jacques de Compostelle en Espagne
Drapeau de l`Angleterre avec St-Georges
Parmi les martyrs, patrons de nos villes de France, il y en a peu qui aient laissé un nom plus éclatant de courage et de sainteté que saint Symphorien, mis à mort à Autun, alors qu'il n'était qu'adolescent.
Saint-Symphorien d`Autun martyr en Gaule romaine vers l`an 178
Le juge romain avait épuisé sur le corps du jeune chrétien tout ce que l'enfer a pu inventer pour torturer les serviteurs du Christ. Impassible, les yeux élevés vers le ciel, Symphorien pensait au Dieu qu'il allait voir dans le séjour des bienheureux, et à sa mère qu'il laissait sur cette terre profanée par l'idolâtrie et encore sous le joug des adorateurs de Jupiter. Enfin, la sentence du chrétien fut prononcée, et le martyr fut conduit au supplice. Comme il sortait de la ville, voilà que sa vénérable mère, du haut des murs l'exhortait à la mort et lui criait : « —Mon fils, mon fils, Symphorien! ne perds pas de vue le Dieu vivant courage, mon fils, mon Symphorien! comment craindre une mort qui engendre la vie? Élève en haut ton cœur, pense à Celui qui règne dans le ciel. Ce n'est pas la vie qu'on va t'ôter, c'est un échange que tu vas faire de la vie mortelle contre le ciel et son éternité!»
En voyant mourir ce jeune homme, plus d'un mondain prit en pitié sa foi et ses espérances. Aujourd'hui quel nom a surnagé dans cette foule témoin des combats de Symphorien? Un nom seul est demeuré grand et béni comme le nom de tous nos saints patrons, un nom seul est resté comme un signe de ralliement au milieu des épreuves de la vie : c'est le nom de Symphorien. Le nom des saints nous est transmis par la foi ; le parfum brûlé devant l'autel du Seigneur n'a pas une suavité plus douce que la mémoire vénérée du serviteur de Dieu.
A côté des saints, nos protecteurs, à côté de la Vierge, notre mère, il y a encore d'autres amis, d'autres combattants ; il y a les anges à qui Dieu a donné également une mission glorieuse et consolante pour nos infirmités. Créés pour habiter les cieux, ces purs esprits ont reçu de l'éternel ordonnateur du monde la mission de nous assister, de veiller à notre garde, de diriger nos pas à travers les dangers, de nous rappeler au devoir par de salutaires pensées, de nous inspirer l'horreur du mal, et de nous prémunir contre la défaillance de chaque jour. Noble et touchante mission! Les anges la remplissent à notre berceau et ils la continuent jusqu'à notre lit de mort, jusqu'au jour où ils ont conduit notre âme victorieuse aux félicités suprêmes.
Le chrétien dans la solitude a toujours un témoin et un conseiller, dans la tempête un pilote, dans le péril un soutien, dans tous les besoins de la vie un ami sincère et véritable. Dieu l'a tellement aimé qu'il s'est abaissé jusqu'à lui, qu'il lui a donné pour mère, la Reine de l'empire céleste, pour frères, les saints, pour amis, les anges. Voilà les enseignements de la foi. Le monde peut exalter ses grandeurs, faire sonner ses titres de noblesse : le chrétien sera toujours à mes yeux plus grand et plus noble, parce que son Dieu s'est fait homme, parce que Marie est sa mère, parce qu'il est appelé à l'héritage des saints et à la béatitude inénarrable des anges.
Dernière édition par MichelT le Sam 2 Déc 2023 - 5:09, édité 4 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: La Sainte Vierge Marie - La Foi et les Œuvres volume 3 – Vicomte Walsh 19 eme siècle
Les écrivains catholiques au 12 eme et au 13 eme siècle. Source : De la Foi et de ses Œuvres volume 2 - Vicomte Walsh –
Les écrivains catholiques au 12 eme et au 13 eme siècle.
Source : De la Foi et de ses Œuvres volume 2 - Vicomte Walsh – 1858 - (vidéo et images)
Je ne puis, dans un livre comme le mien, m'arrêter longtemps sur un même sujet, je ne puis parcourir tous les siècles placés devant moi. Mon œuvre demanderait d'autres forces que les miennes, elle exigerait une science plus profonde, une érudition plus étendue, un regard plus exercé. J'ai entrepris un pieux pèlerinage à travers les campagnes de la foi, et semblable au voyageur, je me borne à jeter le plus souvent un coup d'œil presque furtif sur les richesses nombreuses dont je suis environné.
Je cueille quelques fleurs çà et là, puis quand le soir est venu je m'efforce d'en tresser une couronne en l'honneur du Roi immortel des cieux. Souvent, je le reconnais, mon goût n'a pas eu toute la sûreté désirable, et parmi ces fleurs odorantes dont j'ai aspiré les parfums, je n'ai point choisi les plus belles. Mais je me console en voyant le Maître suprême témoigner un amour égal à l'humble violette et au lis des vallées, au faible arbuste des champs et au cèdre de la montagne.
Lys des vallées
L`humble violette
Le faible arbuste des champs
Cèdre de la montagne du Liban
Il est magnifique en chacune de ses œuvres, et la louange prodiguée à la plus petite d'entre elles résonnera toujours à ses oreilles avec une douce suavité. J'entreprends aujourd'hui de parler des hommes qui ont marqué dans les sciences aux siècles de saint Bernard et de saint Louis. C'est une vaste tâche, et plus d'une fois je suis exposé à m' égarer, mais pourrais-je traverser ces beaux âges sans m'incliner devant cette foule de savants et saints personnages qui se tiennent sur mon passage comme ces arbres majestueux dont la vue réjouit le regard du voyageur, et l'ombre salutaire le convie au repos?
Le 12eme siècle s'ouvrait par la mort de deux personnages célèbres dans les sciences et la sainteté, Bruno, le fondateur des Chartreux, esprit solide et l'un des hommes les plus savants qui aient illustré l'Église, et Anselme de Cantorbéry, le père de la théologie scolastique en Occident, un de ces génies sublimes dignes de figurer à côté d'Augustin et de Thomas d'Aquin, une de ces intelligences vigoureuses dont les vives lumières sont égalées par les élans du cœur.
St-Bruno de Cologne – fondateur de l`ordre monastique des Chartreux en France (Né vers 1030 et décédé en 1101)
Ordre monastique des Chartreux
Saint Anselme de Canterbury, moine bénédictin italien qui a vécu en Angleterre – père de la théologie scolastique en occident. Il est consacré archevêque de Cantorbéry, le 3 décembre 1093.
La ville de Canterbury au 12 eme siècle. Vers l`an 596, le pape St-Grégoire le Grand demanda au moine St-Augustin et a quarante moines d`Italie de se rendre en Angleterre pour Évangéliser. St-Augustin essaya de gagner la faveur d`un roi dont l`épouse était chrétienne. Ethelbert, le roi du Kent, avait épousé Bertha, une princesse chrétienne fille de Charibert, roi des Francs. Après son mariage avec lui, Bertha était demeurée chrétienne, mais elle n`avait rien fait pour influencer son mari. Quand st-Augustin et ses moines arrivèrent, Ethelbert connaissait quelque peu le christianisme, mais il était toujours païen. Il les accueillis avec une certaine ouverture, leur accorda la permission de prêcher la foi catholique et de faire autant de convertis qu`ils le désiraient. Il leur fit don d`une propriété à Canterbury, sa capitale. Le jour de Noel de l`an 597, plus de dix milles Saxons furent baptisés à Canterbury. La foi chrétienne se répandit rapidement à travers l`Angleterre. On construisit de nombreux monastères.
St-Anselme vivait sous le règne du roi d`Angleterre Guillaume II le roux
D'autres grands hommes occupaient encore la scène, mais ils semblent disparaître devant une gloire plus éclatante, devant un génie plus sublime devant un homme appelé à exercer sur toutes les générations le brillant prestige qu'il exerça sur son époque : nommer saint Bernard, c'est nommer l'homme de notre temps comme l'homme de son siècle. Le cours des âges n'a point affaibli sa renommée, l'oubli ne s'est point étendu sur ses œuvres, ses actions glorieuses font encore palpiter les cœurs, ses écrits réjouissent encore par leur fraîcheur inaltérable, et sept cents ans après sa mort, nous croyons en le lisant entendre la voix d'un ami initié aux secrets de notre âme, accoutumé à nos émotions de chaque jour, instruit de tous nos besoins. Bernard semble né pour exercer la domination.
En vain il soupire après l'obscurité et le silence, en vain il se dérobe à la terre, en vain il fuit les affaires et les sollicitudes temporelles, son histoire n'en sera pas moins l'histoire de l'Église, l'histoire des royaumes de son temps. Voyez-le à son entrée dans la vie : il est âgé de vingt ans, la solitude a pour lui des attraits séduisants, il veut quitter le monde, et le monde se lève contre lui ; des obstacles surgissent de toutes parts; la lutte est pénible et ardente, mais le jeune athlète en sort par une victoire sans exemple dans aucune histoire.
Saint-Bernard de Clairvaux
Les ennemis de ses pieux désirs en deviennent les auxiliaires et les compagnons. Un jour, trente gentilshommes se présentent aux portes du monastère de Cîteaux et se prosternent aux pieds du saint abbé Etienne, en lui demandant l'habit de son Ordre. Ces hommes sont les frères, les oncles, les amis de Bernard, tous ceux qui se sont d'abord opposés à ses desseins. Sa douce éloquence les a gagnés à Jésus-Christ, il les précède en ce jour, et il les offre au vieillard de Cîteaux comme le gage le plus sûr de sa vocation.
Attendez un peu, et d'autres viendront se joindre à ces premiers, attirés par un entraînement divin; le vieux père de Bernard lui-même ne voudra pas s'endormir à l'ombre des tourelles du château des Fontaines ni dans les souvenirs de sa gloire terrestre ; son fils recevra son dernier soupir, et Clairvaux deviendra le lieu de son repos.
A peine engagé dans la milice sainte, Bernard est placé à la tête de ses frères ; encore quelques années et son nom retentit dans toutes les parties du monde. Les princes et les rois le consultent, les papes lui remettent le soin des affaires les plus graves et les plus difficiles, les communautés s'adressent à lui comme à un homme inspiré du Ciel, les particuliers lui demandent des conseils, les regards de l'univers semblent arrêtés vers ce petit recoin du monde où naguère les arbustes sauvages ne laissaient point un passage au voyageur, la Vallée d'Absinthe s'est appelée la vallée brillante et glorieuse, le séjour du bonheur et des pieuses délices, Clairvaux est connu jusqu'aux extrémités de l'Europe. Les princes y sont attirés par le parfum des vertus qui s'en exhale, un pape veut voir de ses yeux les merveilles que la renommée lui apporte, et le spectacle de ces religieux si étrangers à la terre, si morts à eux-mêmes lui arrache des larmes de joie, les cardinaux pleurent d'allégresse et bénissent le Dieu auteur de toute vertu.
Pendant ses 38 ans d'abbatiat, Bernard contribue à la création de 68 abbayes filles de Clairvaux (57 par fondation et 11 par agrégation) dont 35 pour la France, qui à leur tour vont essaimer, si bien qu'au milieu du XIIe siècle, Cîteaux compte pas moins de 343 établissements soit plus que Cluny (environ 300). En 1119, Bernard fait partie du chapitre général des cisterciens convoqué par Étienne Harding, qui donne sa forme définitive à l'ordre. La « Charte de charité » qui y est rédigée est confirmée peu après par Calixte II. En 1132, il fait accepter par le pape l'indépendance de Clairvaux vis-à-vis de Cluny.
Bernard n'est pas seulement le conseiller des princes et des chefs de l'Église, il est l'âme des conciles. On l'y écoute comme un oracle, et ses paroles deviennent la loi adoptée par les évêques. A sa voix les schismes s'évanouissent, les haines disparaissent, les vertus fleurissent, le vice tremble et se cache, l'hérésie chancelle et s'écroule, et lui, toujours humble, n'a de soupirs que pour sa chère solitude, il l'appelle de toute l'ardeur de son âme, comme le centre de sa béatitude ; le monde lui est un fardeau. Pourquoi Dieu l'a-t-il condamné à se mêler aussi souvent des affaires du siècle?
St-Bernard vivait sous le règne du Roi de France Philippe II Auguste.
Et cependant cet homme à qui les sollicitudes de l'Église et le soin de ses frères laissent à peine un instant de repos, cet homme dont la santé est faible et vacillante, si vous l'entendez parler, vous vous demanderez à quel siècle il appartient. Rien n'est enchanteur comme son langage. Les paroles coulent de sa bouche, limpides comme l'onde d'un ruisseau, douces comme un rayon de miel, suaves comme un lis dans toute sa fraîcheur. Sa phrase est harmonieuse comme les accords d'une lyre.
Sermon veille de Noël n°1, de Saint Bernard de Clairvaux, sur ces paroles du martyrologe : Jésus-Christ, fils de Dieu, naît à Bethléem de Juda.
Source : Traduction nouvelle par M. L'ABBÉ CHARPENTIER, édition de 1866. Source: La Caverne du Pèlerin
Dans aucun livre je n'ai rien lu de semblable aux lettres et aux discours de Bernard. Je ne lui connais point de modèles, je doute qu'il puisse avoir des imitateurs. Il a parcouru le champ des Écritures, il y a cueilli des fleurs à chaque pas, et il les a répandues dans ses écrits comme on répand les parfums devant l'autel du Très-Haut. Il a enseigné aux religieux les voies les plus sublimes de la vie mystique, aux évêques et aux papes les devoirs sacrés de leurs fonctions glorieuses, et aux personnes du monde la fuite du péché, la pratique des vertus; il a parlé à chacun suivant ses besoins, et jamais il ne s'est trouvé au-dessous de sa tâche, au-dessous des espérances qu'il avait fait naître.
Bernard est un docteur illustre, un maître dont la parole semble une inspiration céleste. La foi n'a pas eu de champion plus zélé, la charité d'âme plus aimante, l'église d'enfant plus soumis, la vie religieuse de gloire plus éclatante. A côté de saint Bernard, sous ses ailes et l'inspiration de son génie s'élevaient d'autres hommes dont les écrits avaient pour but de continuer la mission de l'abbé de Clairvaux.
Gilbert de Hoïland, en Angleterre, continuait les discours sur le Cantique des cantiques, et sa parole tombait, comme celle de son maître, pleine de savoir, de douceur et de suavité. Guillaume de Saint-Thierry écrivait la vie de Bernard et reproduisait ses discours sur les cantiques en les abrégeant, puis il donnait le livre de la nature et de la dignité de l'amour, et des méditations.
CITATIONS du Bienheureux Gilbert de Hoyland :
« Il est doux, bon Jésus, de te chercher ; il est encore plus doux de te tenir ! »
« Quand tu lis, tu reçois un enseignement sur le Christ, mais quand tu pries, tu es en en conversation familière avec lui »
« A l'amour rien ne suffit, rien de moins que lui-même. L'amour ne saurait se rassasier de lui-même, et cependant il ne peut que se repaître que de lui-même : seul, il est pour lui-même un aliment suffisamment délicieux. L'amour ne veut rien de plus que d'aimer »
« Vraiment l'amour est doux et il est seul à l'être. Tout amour est doux. Pourtant l'amour n'est rien comparé à l'amour du Christ. Car la beauté de celui-ci dépasse toute beauté. « Plus que toute beauté, j'ai aimé la Sagesse » (Sagesse 7, 10). Comment ne serait-il pas rayonnant, Celui qui est l'éclat de la Lumière éternelle ? »
« S'approcher de l'Epoux, c'est s'approcher du Feu » fut la dernière parole de Gilbert de Hoyland, son testament spirituel !
Gilbert de Hoyland (1110-1172)
Arnaud de Bonneval mettait au jour un traité des sept paroles de Jésus-Christ mourant, un autre à la louange de Marie, et douze traités sur les œuvres du Sauveur. Pierre de Blois faisait trembler le vice dans ses discours et ses lettres. Achard de Saint-Victor et évêque d'Avranches était auteur d'un excellent ouvrage intitulé : De l'Abnégation de soi-même.
Ethelrède de Reverby écrivait le Miroir de la charité. Sainte Hildegarde de Bingen, trois livres de révélations. Eadmer, l'ami de saint Anselme, le livre de l'excellence de la Sainte-Vierge, ceux des quatre Vertus qui ont été dans Marie, de la béatitude, etc.
Sainte Hildegarde de Bingen (1098 a 1179) – abbesse en Allemagne, docteur de l`Église, mystique, musicienne, et femme de lettre.
Musique composée par Sainte Hildegarde de Bingen - O Virdissima Virga
Monastère d'Eibingen en Allemagne
ll ne faut pas non plus oublier Pierre le Vénérable, l'ami de saint Bernard, l'un de ces hommes au cœur compatissant, qui font aimer la vertu et laissent une mémoire bénie à la postérité. Les écrits de Pierre sont nombreux et font honneur à sa piété et à son savoir. La foi peut le montrer comme un fils bien-aimé, toujours empressé à étendre son empire.
Pierre le Vénérable, abbé de Cluny
Telle était donc le mouvement donné aux saintes pensées en ces jours. Nous n'avons mentionné que quelques écrivains ; d'autres en grand nombre imitaient leur zèle, et l'école mystique ne devait plus déchoir du haut degré où l'abbé de Clairvaux l'avait placée. Deux hommes surtout se distinguèrent alors.
Le premier, c'est Hugues de Saint- Victor. Lié avec saint Bernard, il adopta ses idées, les réunit dans un système emprunté au platonicisme et à saint Denis l'Aréopagiste, et s'efforça de fondre dans une certaine mesure la scolastique et la mystique. Ses écrits abondent en pensées sublimes et magnifiques. C'est un maître et un grand maître digne de vivre dans la postérité.
Hughes de St-Victor, philosophe, théologien et auteur mystique né en 1096, au manoir de Hartingham en Saxe et décédé en 1141. Les maîtres principaux qui ont influencé Hugues sont : Raban Maur, (lui-même disciple d'Alcuin), Bède le Vénérable, Yves de Chartres et Jean Scot Érigène et quelques autres, peut-être même Denys l'Aréopagite.
Reconstruction par ordinateur de l`Abbaye St-Victor de Paris, une école prestigieuse au Moyen-Age ou Hughes a enseigné. (elle a été détruite au 19 eme siècle)
Bossuet et Fénelon semblent traduire plus d'un passage de ses ouvrages dans leurs immortels chefs-d'oeuvre. Après lui vient Richard de Saint- Victor, son disciple. Comme Hugues, il a pour but d'élever l'âme chrétienne au plus haut degré de la vie surnaturelle et divine, et de lui faire commencer ici-bas la vie du ciel. Les écrits de ces hommes ne sont point les rêveries d'imaginations exaltées, mais les élans d'âmes magnanimes, touchées des misères de l'homme et désireuses de l'entraîner à leur suite vers des régions plus à l'abri du souffle du monde.
Avec saint Bernard ils ont contribué à former saint Bonaventure, le plus grand mystique du siècle de saint Louis. Un tel disciple n'est pas une gloire médiocre. Bonaventure plane sur ce beau siècle par ses écrits sur la vie spirituelle comme saint Thomas par ses œuvres théologiques. Il a révélé tout ce qu'il y avait de douceur et de tendresse dans les présents du ciel à la terre ; il semble appelé à amollir les cœurs les plus insensibles, à faire répandre des larmes délicieuses à la piété, à embraser les âmes d'une ardeur ineffable et divine, à faire goûter combien le Seigneur est doux et son fardeau léger.
Saint-Bonaventure ( né en Italie en 1217 et décédé en France en 1274) était Théologien, archevêque, cardinal, Docteur de l'Église, ministre général des franciscains, il est, à l'instar de Jean Duns Scot et Thomas d'Aquin, l'un des piliers de la théologie chrétienne au Moyen Âge.
L`ordre religieux des Franciscains est fondé par St-François d`Assise en Italie en l`an 1210.
L`ordre franciscain a plus de 800 ans.
La mission de Bonaventure est avant tout de porter à l'amour. Il est, après saint Thomas, le plus grand théologien de son époque; mais dans ses œuvres spirituelles nul ne tentera de lui disputer le premier rang. II a parlé sur tous les degrés de la vie surnaturelle; depuis les humbles commencements de l'âme qui sort du péché jusqu'aux ravissements de l'extase, et partout il s'est exprimé comme un homme qui a médité, approfondi et expérimenté ce qu'il avance ; partout il a répandu les douceurs indicibles d'un cœur brûlant de la divine charité.
Aucun des mouvements de l'âme ne lui est étranger ; on dirait qu'il l'a sondée jusque dans ses replis les plus intimes ; mais toujours pour la dépouiller de ce qui est terrestre et la pénétrer de l'amour des biens célestes. D'un autre côté la théologie scolastique s'étendait de jour en jour, avide d'élever autour de chacune des vérités de la foi des remparts inexpugnables. Elle comptait des cœurs dévoués, des champions valeureux, et son action sur les esprits était immense.
Elle trouvait dans Pierre Lombard un interprète digne d'elle par son savoir et ses vertus. Son livre servit de texte aux leçons de l'université de Paris et fut commenté par les hommes les plus doctes. A la suite de Pierre viennent d'autres illustrations que nous mentionnons en courant : Alain des Iles, Pierre de Poitiers, Gilbert de Cîteaux, Guillaume d'Auxerre, Alexandre de Hales, le maître de saint Bonaventure, Albert le Grand; mais tous ont été éclipsés par un génie du premier ordre, né pour dominer jusqu'à la fin des temps dans les écoles par la profondeur de son génie et la lucidité de sa parole, Thomas d'Aquin, de l'ordre de saint Dominique.
Nous lui devons un mot de plus qu'aux autres : c'est le chef de l'école théologique. Thomas d'Aquin avait traversé des luttes pénibles et douloureuses pour arriver à la vie de Frère Prêcheur, mais il en sortit victorieux. Dès son enfance il s'était épris du désir de la sagesse, et sa passion la plus vive avait été de la connaître et de l'aimer. Il avait admiré en elle l'effusion toute pure de la clarté du Tout-Puissant, le miroir sans tache de la majesté de Dieu et l'image parfaite de sa bonté. Il l'avait vue immuable en elle-même et renouvelant toutes choses, plus belle que le soleil et plus élevée que les étoiles. ll l'avait donc aimée et cherchée dès son entrée dans la vie. Pour elle il méprisa les richesses et les honneurs terrestres, les plaisirs et les félicités du monde, les peines et les persécutions, et la sagesse répondit à ses désirs.
Saint Thomas d'Aquin: né vers 1225 au château de Roccasecca près d'Aquino, en Italie du Sud, mort en 1274 à l'abbaye de Fossanova près de Priverno en Italie, est un religieux de l'ordre dominicain, célèbre pour son œuvre théologique et philosophique.
Nous lui devons un mot de plus qu'aux autres : c'est le chef de l'école théologique. Thomas d'Aquin avait traversé des luttes pénibles et douloureuses pour arriver à la vie de Frère Prêcheur, mais il en sortit victorieux. Dès son enfance il s'était épris du désir de la sagesse, et sa passion la plus vive avait été de la connaître et de l'aimer. Il avait admiré en elle l'effusion toute pure de la clarté du Tout-Puissant, le miroir sans tache de la majesté de Dieu et l'image parfaite de sa bonté. Il l'avait vue immuable en elle-même et renouvelant toutes choses, plus belle que le soleil et plus élevée que les étoiles. ll l'avait donc aimée et cherchée dès son entrée dans la vie. Pour elle il méprisa les richesses et les honneurs terrestres, les plaisirs et les félicités du monde, les peines et les persécutions, et la sagesse répondit à ses désirs.
Elle lui enseigna les profondeurs de la science et lui fit pénétrer ce qu'il y a de plus subtil en tout discours, de plus difficile en toute question. Elle lui donna de parler avec un sens exquis et d'avoir des pensées dignes d'elle-même. Elle le rendit illustre parmi les peuples, et encore adolescent il fut en honneur auprès des vieillards. Les princes de la science témoignèrent leur admiration en le voyant, ils se turent en l'entendant parler, et il légua à la postérité un nom et des écrits immortels.
P. Bonino #3 : Qu'est-ce que saint Thomas peut nous apporter aujourd'hui ?
Et comme dans ces grands siècles tout devait marcher de front, comme la foi communiquait largement ses inspirations, toutes les branches de la science avaient leurs grands hommes. Le droit canon comptait Gratien, dont le nom est demeuré comme celui de Pierre Lombard, saint Raimond de Pennafort, Guillaume Durand, le père de la pratique.
Les Saintes Écritures étaient commentées par presque tous les théologiens sans exception. Comme ils en faisaient sans relâche l'objet de leurs études, les explications qu'ils en donnèrent sont innombrables. Ils trouvaient là de quoi nourrir leur cœur et illuminer leur esprit. L'Écriture est le livre de la foi; l'aimer, c'est aimer la vérité, c'est aimer ses divines inspirations.
L'histoire aussi avait ses hommes chargés de transmettre aux générations ses enseignements et ses actes. Guibert de Nogent écrivait l'histoire des premières croisades ; Guigues le Chartreux la vie de saint Hugues de Grenoble ; l'abbé Suger la vie de Louis le Gros; Pierre Comestor la Bible scolastre ; Césaire de Cologne le Dialogue des miracles; Martin de Pologne une chronique des papes ; Jean Calonne la Mer des histoires ; Henri de Gand le Traité des hommes illustres.
Pierre Comestor la Bible scolastre
La poésie n'était point en oubli, nous lui consacrons un paragraphe spécial. Les arts étaient arrivés à leur apogée dans l'érection de nos cathédrales ; nous leur avons donné un chapitre à part. Telle était donc la foi dans ces siècles si facilement appelés des siècles d'ignorance. Elle avait des grands hommes dans tous les genres, et parce qu'on ne les a pas compris, parce qu'on a jugé trop pénible de lire leurs œuvres, on les a calomniés.
Aujourd'hui il faut une nuée d'écrivains pour composer une encyclopédie; au moyen âge, le dominicain Vincent de Beauvais entreprenait seul et exécutait un semblable travail; Brunetto Latini en faisait autant.
On a multiplié les reproches contre les siècles catholiques, et pourtant nous pourrions défier les âges les plus avancés de donner des hommes supérieurs à saint Bernard, à saint Thomas d'Aquin, à saint Bonaventure, et à plusieurs autres. Nous n'avons fait que nommer ces maîtres vénérables; mais au moins nous sommes heureux d'avoir pu, en passant, leur offrir l'hommage de notre admiration. Ils sont des fils glorieux de la foi, et pendant que leur vie accomplissait ses œuvres, leurs écrits la rendaient illustre à l'univers et la faisaient briller en tous lieux.
DE LA POÉSIE AU MOYEN AGE.
Je n'entreprends pas d'écrire un traité de la poésie au moyen âge; je me propose seulement de faire connaître à mes lecteurs quelques passages des écrits poétiques, si nombreux, produits à cette époque. Ils prouveront, je crois, que dans ces âges comme de nos jours, la foi savait inspirer de douces et touchantes pensées, de belles et attrayantes images, qu'elle savait parler aux cœurs, émouvoir les nobles sentiments, impressionner vivement l'imagination; qu'elle était puissante à ravir l'esprit dans les régions les plus sublimes, à le reposer au milieu des beautés de la nature, à se servir des voix de toutes les créatures pour louer et exalter l'Auteur de la création.
Je ne m'occupe, en aucune manière, des productions profanes : elles ne sont point l'œuvre de la foi. Dans tous les temps les passions ont eu des interprètes, et le moyen âge aussi a compté des hommes empressés à célébrer ce que la religion n'a cessé de poursuivre de ses malédictions et de sa haine. C'est un triomphe facile que celui d'exciter des orages dans le cœur humain, de l'entraîner en flattant ses instincts, de le précipiter au fond de l'abîme en semant de roses les sentiers de la vie, et la poésie me semble étrangement dégénérée de sa haute mission quand elle est descendue à un tel usage de ses ressources.
J'admire le beau langage de la plupart de nos poètes latins, je rends hommage au génie des grands tragiques de notre nation; mais après tout, leur mission qu'est-elle le plus souvent? De couvrir de fleurs les bords du précipice, de faire aimer la plus insatiable et la plus terrible des passions, de troubler l'imagination en la souillant d'images dangereuses. Racine, devenu chrétien, déplorait l'usage qu'il avait fait de ses talents; combien de nos poètes pourraient se lamenter plus légitimement encore!
Jean Racine (1639 à 1699) est un dramaturge et poète français. Consacré par la critique comme l'un des plus grands auteurs français de tragédies, il est l'un des trois dramaturges majeurs, avec Corneille et Molière, de la période classique en France. Racine, devenu chrétien, déplorait l'usage qu'il avait fait de ses talents.
La foi ne cherche pas des triomphes aussi faciles. Elle parle au cœur, mais pour le pénétrer de l'amour des vertus, pour l'embraser de l'amour de son Dieu; elle parle à l'imagination, mais pour lui représenter des images célestes, ou pour la promener parmi les œuvres de la création comme autrefois les anges promenaient nos premiers parents dans les parterres embaumés du paradis terrestre; elle parle à l'esprit, mais pour le transporter vers les hauteurs célestes, pour lui montrer dans l'univers la main du Créateur; elle parle aux sens, mais pour calmer leur effervescence, pour guérir leurs langueurs, pour les faire jouir des douceurs de la paix; elle parle à l'homme tout entier, mais pour lui enseigner sa noble origine, pour lui indiquer ses brillantes destinées et lui dire par quels moyens il arrivera au bonheur et à la félicité.
Et quand, pour lui annoncer de telles merveilles, elle emprunte à la poésie son langage, elle devient passionnée; c'est la mère qui prend tous les tons selon les besoins de son enfant, la mère qui caresse avec tendresse, quand le cœur est défaillant, qui pleure et gémit, quand elle veut essuyer les larmes; qui s'irrite et élève la voix quand elle veut effrayer et détourner de la séduction. Il n'y a point de passion aussi variée que l'amour, il n'y a point de mère aussi aimante que la foi.
Ne lui demandez pas que son langage soit poli et compassé selon toutes les règles de l'art mondain. Elle contemple les générations auxquelles elle s'adresse, et s'il le faut, elle descend jusqu'à balbutier avec elles, mais alors ses paroles résonnent encore comme un murmure de concerts célestes; on dirait un écho des sons harmonieux produits par les harpes des anges dans l'assemblée des saints.
En général, l'expression est humble dans la poésie catholique du moyen âge et la pensée divine. Cependant cette expression se met aussi à la hauteur de la pensée, et alors les poètes ne sont plus des hommes, mais des prophètes envoyés pour raconter les secrets du Ciel. Voyez Thomas d'Aquin célébrant l'ineffable mystère de l'Eucharistie à sa voix le monde se tait et admire; il se demande si l'Esprit du Seigneur n'a pas inspiré chacune des strophes de ces hymnes majestueuses, et si les chérubins ne les redisent pas devant le trône de l'Agneau immolé.
Pange lingua gloriosi - le mystère de l`Eucharistie écrit par St-Thomas d`Aquin au 13 eme siècle
Écoutez Thomas de Celano dans son Dies irae : ne croyez-vous pas assister à la dernière et à la plus solennelle des grandes scènes de l'univers, entendre la trompette qui évoque les morts de leurs tombeaux, voir les nations consternées se presser innombrables autour du Juge suprême?
Thomas de Celano, né vers 1190 à Celano et mort vers 1260 à Tagliacozzo en Italie, est un religieux franciscain et le premier hagiographe de François d'Assise et de Claire d'Assise. En 1221, il est chargé d'une mission de prédication en Allemagne, à l'occasion de laquelle il fonde plusieurs couvents, avant d'être mis à la tête de la custodie de Rhénanie, qui comprenait les maisons franciscaines de Cologne, Worms, Spire et Mayence
-Dies Irae ( Jour de la Colère de Dieu) de Thomas de Celano repris par Wolfgang Amadeus Mozart dans son Requiem - la séparation entre les élus du Paradis et les réprouvés qui vont en enfer.
Dies Irae (Paroles)
(Jour De Colère)
Dies irae
Jour de colère
Dies illa
Que ce jour-là
Solvet saeclum en favilla
Qui verra les siècles réduits en cendres
Teste david cum sybilla
Comme l'avaient prédit David avec Sybille
Quantus tremor est futurus
Alors que la terreur sera annoncée
Quando judex est venturus
Quand le Juge sera de retour
Cunta stricte discus surus
Pour rendre un arrêt impitoyable
Dies irae
Jour de colère
Dies illa
Que ce jour-là
Solvet saeclum en favilla
Qui verra les siècles réduits en cendres
Teste davidcum sybilla
Comme l'avaient prédit David et la Sybille
Ah ! si votre cœur n'a pas vibré jusqu'en ses profondeurs en entendant ce chant divin, ne me parlez plus d'émotion; que jamais le mot sacré de poésie ne vienne se placer sur vos lèvres : vous n'en comprenez pas les accents. Que dirai-je de ce Veni sancte Spiritus, douce effusion d'une âme aimante où la suavité de l'expression vous ravit et vous pénètre comme le nuage d'encens qui s'élève devant l'autel du Seigneur?
Veni Sancte Spiritus (Hymne a l`Esprit-Saint)
Voilà les œuvres du moyen âge, les œuvres des siècles d'ignorance, les chants que l'Église enseignait à ses enfants pour calmer leurs douleurs, ranimer leurs espérances et les empêcher de s'égarer dans les sentiers de la vie. A côté de ces poésies adoptées par la société catholique, il y a d'autres effusions d'amour, d'autres chants sacrés inspirés par la foi. Un recueil de cantiques formerait un livre précieux, digne de figurer à côté des plus touchantes productions du cœur, à côté des plus belles inspirations de l'esprit de l'homme.
Nous ne passerons pas devant ce jardin de la poésie catholique au moyen âge sans cueillir quelques fleurs. Plus le monde s'est montré dédaigneux, plus nous trouvons de justice à ne point marcher sur ses traces. Écoutons François d'Assise, l'homme enivré des délices du divin amour; à lui il appartient de parler un langage digne du Ciel.
St-François d`Assise, fondateur de l`ordre des Franciscains en Italie en l`an 1210
« L'amour m'a mis dans un foyer; l'amour m'a mis dans un foyer, dans un foyer d'amour.» Mon nouvel époux, l'amoureux petit agneau m'a mis un anneau au doigt, puis il m'a mis en prison, et m'a frappé d'un couteau qui m'a partagé le cœur.» Il m'a partagé le cœur, et mon corps est tombé par terre. Le carquois de l'amour décoche des flèches dont le coup est terrible : il a changé ma paix en guerre : je me meurs de délices.» Je me meurs de délices, ne vous en étonnez pas; ces coups sont frappés par une lance amoureuse; le fer est long et large; apprenez qu'il m'a traversé de cent brasses.» Les traits sont tombés si épais, que j'en étais agonisant. J'ai pris un bouclier : ils ont redoublé et m'ont brisé les membres, tant leur force était grande !» Il les a lancés si serrés, que j'ai voulu fuir pour échapper à la mort. Comme je lui criais : tu abuses de ta force, il s'est mis à m'accabler de nouveau.» L'amour m'a mis dans un foyer; l'amour m'a mis dans un foyer, dans un foyer d'amour.» Amour de charité, pourquoi m'as-tu ainsi blessé? Mon cœur arraché de mon sein, brûle et se consume : il ne trouve point d'asile; il ne peut fuir, parce qu'il est enchaîné : il se consume comme la cire dans le feu, il meurt tout vivant, il languit sans relâche : il veut fuir et se trouve au milieu d'une fournaise. Hélas ! où me conduira cette terrible défaillance ! C'est mourir que de vivre ainsi, tant l'ardeur de ce feu est grande !» Avant d'avoir fait cette épreuve, je demandais au Christ son amour. Pensant n'y trouver que délices, je croyais m'y complaire dans une douce paix, à une hauteur où nulle peine ne m'atteindrait; mais j'éprouve un tourment que je ne pouvais imaginer : la chaleur fait fondre mon cœur : je ne puis exprimer tout ce que je souffre; je meurs d'amour et je vis privé de mon cœur.»
Mon cœur blessé par l'amour n'est plus à moi : je n'ai plus ni jugement, ni volonté, ni faculté de jouir ou de sentir. Toute beauté me semble une boue infecte, les délices et les richesses une perdition. Un arbre d'amour, chargé de fruit, est planté dans mon cœur, et me fournit ma nourriture; il fait en moi un tel changement, qu'il rejette au dehors tout ce qu'il y avait de volonté, d'intelligence et de vigueur.» Je n'ai plus d'yeux pour voir la créature : toute mon âme crie vers le Créateur; ni le ciel ni la terre n'ont rien qui me soit doux : tout s'efface devant l'amour du Christ. La lumière du soleil me parait obscure quand je vois cette face resplendissante; les chérubins et leur science; les séraphins et leur amour ne sont rien pour qui voit le Seigneur.» Que personne ne me fasse de reproches si un tel amour me rend insensé. Il n'y a point de cour qui ne se défende, qui puisse fuir les chaînes de l'amour. Comment le cœur ne se consumerait-il point dans une telle fournaise? Oh ! si je pouvais trouver une âme qui me comprît, qui eût pitié de mes angoisses ! Une nouvelle créature est née dans le Christ : je suis dépouillé du vieil homme et devenu un homme nouveau; mais l'amour est devenu si ardent que mon cœur est fendu comme par un glaive, et que les flammes le consument. Je me jette dans les bras du Christ, et je lui crie : 0 amour, faites-moi mourir d'amour »
Voici maintenant un des disciples de François, un homme sur qui son esprit d'amour s'est reposé; le voici prosterné devant la crèche de Bethléem.
« 0 source de tendresse! s'écrie-t-il, qui vous a revêtu des lambeaux d'une pauvreté si dure? Qui vous a porté à vous donner ainsi sans aucun mérite de notre part ? Ah ! c'est la violence de votre amour, c'est l'ardeur de votre charité.» Oui, il a été véhément ce zèle, elle a été brûlante cette ardeur. Le Roi des cieux a été vaincu par ses puissances, il a été son captif; vaincu et enchaîné par ses liens sacrés, il a été revêtu des haillons d'un pauvre enfant.» 0 doux petit enfant ! Enfant sans égal ! Heureux celui à qui il fut donné alors de vous serrer dans ses bras, de baiser vos pieds et vos mains, de consoler vos larmes, et de demeurer sans cesse appliqué à vous servir !» Hélas! pourquoi ne m'a-t-il point été permis de calmer les cris et les plaintes de cet enfant, et de mêler mes pleurs aux siens? Que n'ai-je pu réchauffer ses membres délicats et me tenir toujours vigilant à son berceau !» Non, je le crois, ce tendre enfant n'eût point dédaigné des soins semblables, et même il y eût souri comme un enfant a coutume de faire; il eût pleuré en voyant un pécheur verser des larmes, et il eût aisément pardonné son péché.» Heureux celui qui alors eût pu mériter de servir son admirable mère, et obtenir, par ses ardentes prières, qu'elle voulût bien, au moins une fois le jour, offrir son doux enfant à ses baisers et à ses caresses ! »
Ailleurs, l'humble fils de François se fait poète pour chanter la Croix. Jamais nous n'avons rencontré d'aussi belles paroles, sur le lit de douleur du Sauveur du monde. Nous prenons au hasard. Tout est magnifique dans ce morceau.
« Dans la peine et les tourments, la croix est la douceur qui récrée l'âme pieuse; elle est son refuge assuré. La croix est la porte du ciel; les saints ont mis en elle leur confiance, et partout ils ont été vainqueurs. La croix est la médecine du monde; c'est par elle que la bonté divine a opéré des merveilles. La croix est le salut des âmes; elle est la lumière véritable et brillante, le baume qui réjouit les cœurs. La croix est la vie des bienheureux; elle est le trésor des parfaits; elle est leur gloire et leur félicité. La croix est le miroir de la vertu; elle est le guide glorieux du salut et toute l'espérance des fidèles. La croix est l'étendard d'honneur des élus; elle est leur consolation et tout leur désir. La croix est un vaisseau, elle est un port; elle est un jardin de délices où tout fleurit avec éclat. La croix est une armure impénétrable; elle est un rempart assuré contre lequel le démon voit se briser ses efforts. La croix est un arbre magnifique, arrosé du sang de Jésus-Christ, et abondant en fruits de toute espèce. Oh ! quel sera votre bonheur si, dès maintenant et durant votre vie mortelle, vous dirigez toutes vos pensées vers la croix! Oui, vous serez heureux sans fin, vous qui courez à la recherche de la croix sainte, si la persévérance couronne vos efforts. Cherchez donc la croix; portez la croix; contemplez la croix de Jésus-Christ jusqu'à languir d'amour. »
La croix est le sujet de prédilection des poètes à cette époque. Elle dominait alors sur le monde, et les rois avaient placé leurs trônes à l'ombre de ses ailes. On la chantait comme la source de toute force, de toute puissance, de toute gloire et de toute félicité. La Vierge auguste, la mère de Jésus inspirait aussi nos poètes catholiques. En Allemagne, Walter de Vogelweide chantait ses miséricordes et ses douleurs mortelles avec un amour sans égal; Conrad de Vurtzbourg concentrait dans ses vers tous les rayons de tendresse et de beauté dont elle avait été entourée par la vénération du monde chrétien.
La ville de Münster en Allemagne
Palästinalied ( Chant de Palestine) de Walter de Vogelweide (1170-1230) repris par le groupe allemand Annwn
En Espagne, Alphonse-le-Sage inaugurait la poésie par des cantiques à Marie, et le bénédictin Gonzalès Berceo marchait sur ses traces. La France comptait parmi ses poètes Thibaut, roi de Navarre, qui a chanté la croisade et la sainte Vierge, avec un si pur enthousiasme; le prieur de Coinsy, qui a élevé à Marie un si beau monument dans ses Miracles, puis cette femme d'origine inconnue, à qui son beau talent a mérité le nom de Marie de France. En Italie, une foule de poètes montraient la même ardeur. Le Dante consacrait des stances à Marie dans le dernier chant de son Paradis; Guittone d'Arezzo chantait la glorieuse Mère du bon Jésus : saint Bonaventure la célébrait dans sa prose et dans ses vers; dans sa prose, c'était le docteur qui enseignait, dans ses vers, l'homme séraphique qui dévoilait au monde son amour.
Cantiga 156 pour la Sainte Vierge Marie- Alphonse X Le Sage -Ensemble Fontegara - Espagne 13 eme siècle
Cantiga 10 Rosa Das Rosas ( Rose parmi les roses) pour la Sainte Vierge Marie- Alphonse X Le Sage - Espagne 13 eme siècle - interprétation groupe Malandança
Rosa das rosas
Rose parmi les roses,
Fleur parmi les fleurs,
Maîtresse des maîtresses,
Femme parmi les femmes,
Rose d'élégance et de beauté,
Fleur de joie et de plaisir,
Maîtresse en ton être pieux,
Femme nous délivrant des soucis et douleurs,
Une telle femme chaque homme se doit de l'aimer
Parce qu'elle peut le préserver de tout mal
Et lui pardonner les péchés qu'il commet en ce monde.
De (Pour) cette femme,
Qui est la Dame dont je désire être le troubadour,
Je donne au diable tous les autres amours.
Alfonso X, El Sabio.
Cantigas de Santa Maria, chant 10.
El ladrón devoto de Gonzalo de Berceo - 13 eme siecle -Espagne - Gonzalo de Berceo est un homme d’Église et poète castillan du XIIIe siècle, auteur d’une douzaine de recueils d’inspiration religieuse. Admis comme étant le premier poète identifié en langue espagnole.
Outre une paraphrase sur le Salve regina et le Petit Psautier de la Vierge, nous avons de lui un poème intitulé : Louanges de Marie. C'est encore à lui que nous ferons un emprunt : les œuvres les plus pures de la foi, les œuvres où son esprit se révèle le mieux sans aucun mélange étranger, sont les écrits des saints.
Voici le prologue des Louanges de Marie : « Salut! lys céleste, rose épanouie, mère de l'humilité, reine des anges, sanctuaire de la Divinité. En cette vallée de larmes, donnez-nous le courage. Venez à notre secours, vous que le ciel nous offrit pour avocate au milieu de nos crimes.» Tendre Vierge, vous êtes incomparable : vous avez mérité d'entendre la voix de l'ange, et de concevoir le Fils de Dieu sous le souffle sacré de l'Esprit saint. Vierge avant d'avoir conçu, vous l'êtes encore après. Refuge vraiment unique, hélas! Dans cette vie si inconstante, daignez consoler ceux qui vous servent.» La terre est dans l'étonnement en vous voyant Vierge et Mère à la fois. Notre fragilité ne peut comprendre des merveilles d'une puissance aussi magnifique. Il faut que notre foi s'élève aux célestes hauteurs, et là seulement elle confesse dans la vérité que vous êtes la Mère du Christ, qu'en vous la divinité s'est revêtue de notre chair.» 0 Mère! vous avez engendré un Fils par excellence; née dans le temps, vous avez mis au jour celui qui fut votre père; simple étoile, vous avez produit le soleil; faible créature, vous avez donné la vie à l'Être incréé; petit ruisseau, vous avez fait jaillir la fontaine qui vous alimente; vase fragile, vous avez formé le potier qui vous façonna, et vous êtes demeurée toujours Vierge, toujours immaculée; et par vous, Mère du Christ, la vie que nous avions perdue, nous l'avons recouvrée.» Rose pure, rose d'innocence, rose nouvelle et sans épines, rose épanouie et féconde, rose devenue pour nous un bienfait de Dieu; vous avez été établie Reine des cieux; il n'est personne qui puisse jamais vous être comparé; vous êtes le salut du coupable, vous êtes le soutien de tous nos efforts.» La loi vous a montrée en ses figures; les pages saintes du Testament vous ont annoncée par de nombreuses énigmes, et l'Alliance nouvelle vous a rendue grande entre toutes les femmes, elle vous a élevée au-dessus de toute créature.» Avant l'origine du monde, le Seigneur vous a choisie, alors que dans sa sagesse il jetait les fondements du ciel. Dès ce jour il arrêta de combler par vous, Vierge et Mère, l'abîme ouvert par le péché de notre premier père.» Réjouissez-vous, ô Vierge, ô Mère, réjouissez-vous: c'est par vous que le monde voit ses ruines se réparer. Mêlez les accents de votre joie à ceux dont le ciel retentit. C'est par vous qu'il a été donné de payer à Dieu sans réserve le prix de notre rançon, à vous qu'il a été accordé de délivrer l'homme des malheurs de la ruse infernale dont il fut la victime, et cette gloire est au-dessus de tout éloge. »
Telle était donc la poésie au moyen âge. Elle chantait Dieu, la Vierge et les Saints. Le monde n'avait rien à voir dans ses productions; le Ciel seul en était le juge : c'était son œuvre, c'étaient ses pensées. La terre les recevait comme une rosée bienfaisante destinée à rafraîchir ses trop brûlantes ardeurs. Hélas ! de nos jours, bien rarement la poésie se rappelle sa mission sublime; et cependant que de douleurs à consoler! que d'amertume à adoucir! que d'incendies à éteindre et d'orages à calmer! que d'espérances à ranimer! Le monde s'est desséché au contact des pensées terrestres. Quand les voix divines qui résonnèrent si harmonieusement aux oreilles de nos pères, se feront-elles entendre parmi nous? Quand la foi inspirera-t- elle le génie et conduira-t-elle les cœurs?
Fin
Les écrivains catholiques au 12 eme et au 13 eme siècle.
Source : De la Foi et de ses Œuvres volume 2 - Vicomte Walsh – 1858 - (vidéo et images)
Je ne puis, dans un livre comme le mien, m'arrêter longtemps sur un même sujet, je ne puis parcourir tous les siècles placés devant moi. Mon œuvre demanderait d'autres forces que les miennes, elle exigerait une science plus profonde, une érudition plus étendue, un regard plus exercé. J'ai entrepris un pieux pèlerinage à travers les campagnes de la foi, et semblable au voyageur, je me borne à jeter le plus souvent un coup d'œil presque furtif sur les richesses nombreuses dont je suis environné.
Je cueille quelques fleurs çà et là, puis quand le soir est venu je m'efforce d'en tresser une couronne en l'honneur du Roi immortel des cieux. Souvent, je le reconnais, mon goût n'a pas eu toute la sûreté désirable, et parmi ces fleurs odorantes dont j'ai aspiré les parfums, je n'ai point choisi les plus belles. Mais je me console en voyant le Maître suprême témoigner un amour égal à l'humble violette et au lis des vallées, au faible arbuste des champs et au cèdre de la montagne.
Lys des vallées
L`humble violette
Le faible arbuste des champs
Cèdre de la montagne du Liban
Il est magnifique en chacune de ses œuvres, et la louange prodiguée à la plus petite d'entre elles résonnera toujours à ses oreilles avec une douce suavité. J'entreprends aujourd'hui de parler des hommes qui ont marqué dans les sciences aux siècles de saint Bernard et de saint Louis. C'est une vaste tâche, et plus d'une fois je suis exposé à m' égarer, mais pourrais-je traverser ces beaux âges sans m'incliner devant cette foule de savants et saints personnages qui se tiennent sur mon passage comme ces arbres majestueux dont la vue réjouit le regard du voyageur, et l'ombre salutaire le convie au repos?
Le 12eme siècle s'ouvrait par la mort de deux personnages célèbres dans les sciences et la sainteté, Bruno, le fondateur des Chartreux, esprit solide et l'un des hommes les plus savants qui aient illustré l'Église, et Anselme de Cantorbéry, le père de la théologie scolastique en Occident, un de ces génies sublimes dignes de figurer à côté d'Augustin et de Thomas d'Aquin, une de ces intelligences vigoureuses dont les vives lumières sont égalées par les élans du cœur.
St-Bruno de Cologne – fondateur de l`ordre monastique des Chartreux en France (Né vers 1030 et décédé en 1101)
Ordre monastique des Chartreux
Saint Anselme de Canterbury, moine bénédictin italien qui a vécu en Angleterre – père de la théologie scolastique en occident. Il est consacré archevêque de Cantorbéry, le 3 décembre 1093.
La ville de Canterbury au 12 eme siècle. Vers l`an 596, le pape St-Grégoire le Grand demanda au moine St-Augustin et a quarante moines d`Italie de se rendre en Angleterre pour Évangéliser. St-Augustin essaya de gagner la faveur d`un roi dont l`épouse était chrétienne. Ethelbert, le roi du Kent, avait épousé Bertha, une princesse chrétienne fille de Charibert, roi des Francs. Après son mariage avec lui, Bertha était demeurée chrétienne, mais elle n`avait rien fait pour influencer son mari. Quand st-Augustin et ses moines arrivèrent, Ethelbert connaissait quelque peu le christianisme, mais il était toujours païen. Il les accueillis avec une certaine ouverture, leur accorda la permission de prêcher la foi catholique et de faire autant de convertis qu`ils le désiraient. Il leur fit don d`une propriété à Canterbury, sa capitale. Le jour de Noel de l`an 597, plus de dix milles Saxons furent baptisés à Canterbury. La foi chrétienne se répandit rapidement à travers l`Angleterre. On construisit de nombreux monastères.
St-Anselme vivait sous le règne du roi d`Angleterre Guillaume II le roux
D'autres grands hommes occupaient encore la scène, mais ils semblent disparaître devant une gloire plus éclatante, devant un génie plus sublime devant un homme appelé à exercer sur toutes les générations le brillant prestige qu'il exerça sur son époque : nommer saint Bernard, c'est nommer l'homme de notre temps comme l'homme de son siècle. Le cours des âges n'a point affaibli sa renommée, l'oubli ne s'est point étendu sur ses œuvres, ses actions glorieuses font encore palpiter les cœurs, ses écrits réjouissent encore par leur fraîcheur inaltérable, et sept cents ans après sa mort, nous croyons en le lisant entendre la voix d'un ami initié aux secrets de notre âme, accoutumé à nos émotions de chaque jour, instruit de tous nos besoins. Bernard semble né pour exercer la domination.
En vain il soupire après l'obscurité et le silence, en vain il se dérobe à la terre, en vain il fuit les affaires et les sollicitudes temporelles, son histoire n'en sera pas moins l'histoire de l'Église, l'histoire des royaumes de son temps. Voyez-le à son entrée dans la vie : il est âgé de vingt ans, la solitude a pour lui des attraits séduisants, il veut quitter le monde, et le monde se lève contre lui ; des obstacles surgissent de toutes parts; la lutte est pénible et ardente, mais le jeune athlète en sort par une victoire sans exemple dans aucune histoire.
Saint-Bernard de Clairvaux
Les ennemis de ses pieux désirs en deviennent les auxiliaires et les compagnons. Un jour, trente gentilshommes se présentent aux portes du monastère de Cîteaux et se prosternent aux pieds du saint abbé Etienne, en lui demandant l'habit de son Ordre. Ces hommes sont les frères, les oncles, les amis de Bernard, tous ceux qui se sont d'abord opposés à ses desseins. Sa douce éloquence les a gagnés à Jésus-Christ, il les précède en ce jour, et il les offre au vieillard de Cîteaux comme le gage le plus sûr de sa vocation.
Attendez un peu, et d'autres viendront se joindre à ces premiers, attirés par un entraînement divin; le vieux père de Bernard lui-même ne voudra pas s'endormir à l'ombre des tourelles du château des Fontaines ni dans les souvenirs de sa gloire terrestre ; son fils recevra son dernier soupir, et Clairvaux deviendra le lieu de son repos.
A peine engagé dans la milice sainte, Bernard est placé à la tête de ses frères ; encore quelques années et son nom retentit dans toutes les parties du monde. Les princes et les rois le consultent, les papes lui remettent le soin des affaires les plus graves et les plus difficiles, les communautés s'adressent à lui comme à un homme inspiré du Ciel, les particuliers lui demandent des conseils, les regards de l'univers semblent arrêtés vers ce petit recoin du monde où naguère les arbustes sauvages ne laissaient point un passage au voyageur, la Vallée d'Absinthe s'est appelée la vallée brillante et glorieuse, le séjour du bonheur et des pieuses délices, Clairvaux est connu jusqu'aux extrémités de l'Europe. Les princes y sont attirés par le parfum des vertus qui s'en exhale, un pape veut voir de ses yeux les merveilles que la renommée lui apporte, et le spectacle de ces religieux si étrangers à la terre, si morts à eux-mêmes lui arrache des larmes de joie, les cardinaux pleurent d'allégresse et bénissent le Dieu auteur de toute vertu.
Pendant ses 38 ans d'abbatiat, Bernard contribue à la création de 68 abbayes filles de Clairvaux (57 par fondation et 11 par agrégation) dont 35 pour la France, qui à leur tour vont essaimer, si bien qu'au milieu du XIIe siècle, Cîteaux compte pas moins de 343 établissements soit plus que Cluny (environ 300). En 1119, Bernard fait partie du chapitre général des cisterciens convoqué par Étienne Harding, qui donne sa forme définitive à l'ordre. La « Charte de charité » qui y est rédigée est confirmée peu après par Calixte II. En 1132, il fait accepter par le pape l'indépendance de Clairvaux vis-à-vis de Cluny.
Bernard n'est pas seulement le conseiller des princes et des chefs de l'Église, il est l'âme des conciles. On l'y écoute comme un oracle, et ses paroles deviennent la loi adoptée par les évêques. A sa voix les schismes s'évanouissent, les haines disparaissent, les vertus fleurissent, le vice tremble et se cache, l'hérésie chancelle et s'écroule, et lui, toujours humble, n'a de soupirs que pour sa chère solitude, il l'appelle de toute l'ardeur de son âme, comme le centre de sa béatitude ; le monde lui est un fardeau. Pourquoi Dieu l'a-t-il condamné à se mêler aussi souvent des affaires du siècle?
St-Bernard vivait sous le règne du Roi de France Philippe II Auguste.
Et cependant cet homme à qui les sollicitudes de l'Église et le soin de ses frères laissent à peine un instant de repos, cet homme dont la santé est faible et vacillante, si vous l'entendez parler, vous vous demanderez à quel siècle il appartient. Rien n'est enchanteur comme son langage. Les paroles coulent de sa bouche, limpides comme l'onde d'un ruisseau, douces comme un rayon de miel, suaves comme un lis dans toute sa fraîcheur. Sa phrase est harmonieuse comme les accords d'une lyre.
Sermon veille de Noël n°1, de Saint Bernard de Clairvaux, sur ces paroles du martyrologe : Jésus-Christ, fils de Dieu, naît à Bethléem de Juda.
Source : Traduction nouvelle par M. L'ABBÉ CHARPENTIER, édition de 1866. Source: La Caverne du Pèlerin
Dans aucun livre je n'ai rien lu de semblable aux lettres et aux discours de Bernard. Je ne lui connais point de modèles, je doute qu'il puisse avoir des imitateurs. Il a parcouru le champ des Écritures, il y a cueilli des fleurs à chaque pas, et il les a répandues dans ses écrits comme on répand les parfums devant l'autel du Très-Haut. Il a enseigné aux religieux les voies les plus sublimes de la vie mystique, aux évêques et aux papes les devoirs sacrés de leurs fonctions glorieuses, et aux personnes du monde la fuite du péché, la pratique des vertus; il a parlé à chacun suivant ses besoins, et jamais il ne s'est trouvé au-dessous de sa tâche, au-dessous des espérances qu'il avait fait naître.
Bernard est un docteur illustre, un maître dont la parole semble une inspiration céleste. La foi n'a pas eu de champion plus zélé, la charité d'âme plus aimante, l'église d'enfant plus soumis, la vie religieuse de gloire plus éclatante. A côté de saint Bernard, sous ses ailes et l'inspiration de son génie s'élevaient d'autres hommes dont les écrits avaient pour but de continuer la mission de l'abbé de Clairvaux.
Gilbert de Hoïland, en Angleterre, continuait les discours sur le Cantique des cantiques, et sa parole tombait, comme celle de son maître, pleine de savoir, de douceur et de suavité. Guillaume de Saint-Thierry écrivait la vie de Bernard et reproduisait ses discours sur les cantiques en les abrégeant, puis il donnait le livre de la nature et de la dignité de l'amour, et des méditations.
CITATIONS du Bienheureux Gilbert de Hoyland :
« Il est doux, bon Jésus, de te chercher ; il est encore plus doux de te tenir ! »
« Quand tu lis, tu reçois un enseignement sur le Christ, mais quand tu pries, tu es en en conversation familière avec lui »
« A l'amour rien ne suffit, rien de moins que lui-même. L'amour ne saurait se rassasier de lui-même, et cependant il ne peut que se repaître que de lui-même : seul, il est pour lui-même un aliment suffisamment délicieux. L'amour ne veut rien de plus que d'aimer »
« Vraiment l'amour est doux et il est seul à l'être. Tout amour est doux. Pourtant l'amour n'est rien comparé à l'amour du Christ. Car la beauté de celui-ci dépasse toute beauté. « Plus que toute beauté, j'ai aimé la Sagesse » (Sagesse 7, 10). Comment ne serait-il pas rayonnant, Celui qui est l'éclat de la Lumière éternelle ? »
« S'approcher de l'Epoux, c'est s'approcher du Feu » fut la dernière parole de Gilbert de Hoyland, son testament spirituel !
Gilbert de Hoyland (1110-1172)
Arnaud de Bonneval mettait au jour un traité des sept paroles de Jésus-Christ mourant, un autre à la louange de Marie, et douze traités sur les œuvres du Sauveur. Pierre de Blois faisait trembler le vice dans ses discours et ses lettres. Achard de Saint-Victor et évêque d'Avranches était auteur d'un excellent ouvrage intitulé : De l'Abnégation de soi-même.
Ethelrède de Reverby écrivait le Miroir de la charité. Sainte Hildegarde de Bingen, trois livres de révélations. Eadmer, l'ami de saint Anselme, le livre de l'excellence de la Sainte-Vierge, ceux des quatre Vertus qui ont été dans Marie, de la béatitude, etc.
Sainte Hildegarde de Bingen (1098 a 1179) – abbesse en Allemagne, docteur de l`Église, mystique, musicienne, et femme de lettre.
Musique composée par Sainte Hildegarde de Bingen - O Virdissima Virga
Monastère d'Eibingen en Allemagne
ll ne faut pas non plus oublier Pierre le Vénérable, l'ami de saint Bernard, l'un de ces hommes au cœur compatissant, qui font aimer la vertu et laissent une mémoire bénie à la postérité. Les écrits de Pierre sont nombreux et font honneur à sa piété et à son savoir. La foi peut le montrer comme un fils bien-aimé, toujours empressé à étendre son empire.
Pierre le Vénérable, abbé de Cluny
Telle était donc le mouvement donné aux saintes pensées en ces jours. Nous n'avons mentionné que quelques écrivains ; d'autres en grand nombre imitaient leur zèle, et l'école mystique ne devait plus déchoir du haut degré où l'abbé de Clairvaux l'avait placée. Deux hommes surtout se distinguèrent alors.
Le premier, c'est Hugues de Saint- Victor. Lié avec saint Bernard, il adopta ses idées, les réunit dans un système emprunté au platonicisme et à saint Denis l'Aréopagiste, et s'efforça de fondre dans une certaine mesure la scolastique et la mystique. Ses écrits abondent en pensées sublimes et magnifiques. C'est un maître et un grand maître digne de vivre dans la postérité.
Hughes de St-Victor, philosophe, théologien et auteur mystique né en 1096, au manoir de Hartingham en Saxe et décédé en 1141. Les maîtres principaux qui ont influencé Hugues sont : Raban Maur, (lui-même disciple d'Alcuin), Bède le Vénérable, Yves de Chartres et Jean Scot Érigène et quelques autres, peut-être même Denys l'Aréopagite.
Reconstruction par ordinateur de l`Abbaye St-Victor de Paris, une école prestigieuse au Moyen-Age ou Hughes a enseigné. (elle a été détruite au 19 eme siècle)
Bossuet et Fénelon semblent traduire plus d'un passage de ses ouvrages dans leurs immortels chefs-d'oeuvre. Après lui vient Richard de Saint- Victor, son disciple. Comme Hugues, il a pour but d'élever l'âme chrétienne au plus haut degré de la vie surnaturelle et divine, et de lui faire commencer ici-bas la vie du ciel. Les écrits de ces hommes ne sont point les rêveries d'imaginations exaltées, mais les élans d'âmes magnanimes, touchées des misères de l'homme et désireuses de l'entraîner à leur suite vers des régions plus à l'abri du souffle du monde.
Avec saint Bernard ils ont contribué à former saint Bonaventure, le plus grand mystique du siècle de saint Louis. Un tel disciple n'est pas une gloire médiocre. Bonaventure plane sur ce beau siècle par ses écrits sur la vie spirituelle comme saint Thomas par ses œuvres théologiques. Il a révélé tout ce qu'il y avait de douceur et de tendresse dans les présents du ciel à la terre ; il semble appelé à amollir les cœurs les plus insensibles, à faire répandre des larmes délicieuses à la piété, à embraser les âmes d'une ardeur ineffable et divine, à faire goûter combien le Seigneur est doux et son fardeau léger.
Saint-Bonaventure ( né en Italie en 1217 et décédé en France en 1274) était Théologien, archevêque, cardinal, Docteur de l'Église, ministre général des franciscains, il est, à l'instar de Jean Duns Scot et Thomas d'Aquin, l'un des piliers de la théologie chrétienne au Moyen Âge.
L`ordre religieux des Franciscains est fondé par St-François d`Assise en Italie en l`an 1210.
L`ordre franciscain a plus de 800 ans.
La mission de Bonaventure est avant tout de porter à l'amour. Il est, après saint Thomas, le plus grand théologien de son époque; mais dans ses œuvres spirituelles nul ne tentera de lui disputer le premier rang. II a parlé sur tous les degrés de la vie surnaturelle; depuis les humbles commencements de l'âme qui sort du péché jusqu'aux ravissements de l'extase, et partout il s'est exprimé comme un homme qui a médité, approfondi et expérimenté ce qu'il avance ; partout il a répandu les douceurs indicibles d'un cœur brûlant de la divine charité.
Aucun des mouvements de l'âme ne lui est étranger ; on dirait qu'il l'a sondée jusque dans ses replis les plus intimes ; mais toujours pour la dépouiller de ce qui est terrestre et la pénétrer de l'amour des biens célestes. D'un autre côté la théologie scolastique s'étendait de jour en jour, avide d'élever autour de chacune des vérités de la foi des remparts inexpugnables. Elle comptait des cœurs dévoués, des champions valeureux, et son action sur les esprits était immense.
Elle trouvait dans Pierre Lombard un interprète digne d'elle par son savoir et ses vertus. Son livre servit de texte aux leçons de l'université de Paris et fut commenté par les hommes les plus doctes. A la suite de Pierre viennent d'autres illustrations que nous mentionnons en courant : Alain des Iles, Pierre de Poitiers, Gilbert de Cîteaux, Guillaume d'Auxerre, Alexandre de Hales, le maître de saint Bonaventure, Albert le Grand; mais tous ont été éclipsés par un génie du premier ordre, né pour dominer jusqu'à la fin des temps dans les écoles par la profondeur de son génie et la lucidité de sa parole, Thomas d'Aquin, de l'ordre de saint Dominique.
Nous lui devons un mot de plus qu'aux autres : c'est le chef de l'école théologique. Thomas d'Aquin avait traversé des luttes pénibles et douloureuses pour arriver à la vie de Frère Prêcheur, mais il en sortit victorieux. Dès son enfance il s'était épris du désir de la sagesse, et sa passion la plus vive avait été de la connaître et de l'aimer. Il avait admiré en elle l'effusion toute pure de la clarté du Tout-Puissant, le miroir sans tache de la majesté de Dieu et l'image parfaite de sa bonté. Il l'avait vue immuable en elle-même et renouvelant toutes choses, plus belle que le soleil et plus élevée que les étoiles. ll l'avait donc aimée et cherchée dès son entrée dans la vie. Pour elle il méprisa les richesses et les honneurs terrestres, les plaisirs et les félicités du monde, les peines et les persécutions, et la sagesse répondit à ses désirs.
Saint Thomas d'Aquin: né vers 1225 au château de Roccasecca près d'Aquino, en Italie du Sud, mort en 1274 à l'abbaye de Fossanova près de Priverno en Italie, est un religieux de l'ordre dominicain, célèbre pour son œuvre théologique et philosophique.
Nous lui devons un mot de plus qu'aux autres : c'est le chef de l'école théologique. Thomas d'Aquin avait traversé des luttes pénibles et douloureuses pour arriver à la vie de Frère Prêcheur, mais il en sortit victorieux. Dès son enfance il s'était épris du désir de la sagesse, et sa passion la plus vive avait été de la connaître et de l'aimer. Il avait admiré en elle l'effusion toute pure de la clarté du Tout-Puissant, le miroir sans tache de la majesté de Dieu et l'image parfaite de sa bonté. Il l'avait vue immuable en elle-même et renouvelant toutes choses, plus belle que le soleil et plus élevée que les étoiles. ll l'avait donc aimée et cherchée dès son entrée dans la vie. Pour elle il méprisa les richesses et les honneurs terrestres, les plaisirs et les félicités du monde, les peines et les persécutions, et la sagesse répondit à ses désirs.
Elle lui enseigna les profondeurs de la science et lui fit pénétrer ce qu'il y a de plus subtil en tout discours, de plus difficile en toute question. Elle lui donna de parler avec un sens exquis et d'avoir des pensées dignes d'elle-même. Elle le rendit illustre parmi les peuples, et encore adolescent il fut en honneur auprès des vieillards. Les princes de la science témoignèrent leur admiration en le voyant, ils se turent en l'entendant parler, et il légua à la postérité un nom et des écrits immortels.
P. Bonino #3 : Qu'est-ce que saint Thomas peut nous apporter aujourd'hui ?
Et comme dans ces grands siècles tout devait marcher de front, comme la foi communiquait largement ses inspirations, toutes les branches de la science avaient leurs grands hommes. Le droit canon comptait Gratien, dont le nom est demeuré comme celui de Pierre Lombard, saint Raimond de Pennafort, Guillaume Durand, le père de la pratique.
Les Saintes Écritures étaient commentées par presque tous les théologiens sans exception. Comme ils en faisaient sans relâche l'objet de leurs études, les explications qu'ils en donnèrent sont innombrables. Ils trouvaient là de quoi nourrir leur cœur et illuminer leur esprit. L'Écriture est le livre de la foi; l'aimer, c'est aimer la vérité, c'est aimer ses divines inspirations.
L'histoire aussi avait ses hommes chargés de transmettre aux générations ses enseignements et ses actes. Guibert de Nogent écrivait l'histoire des premières croisades ; Guigues le Chartreux la vie de saint Hugues de Grenoble ; l'abbé Suger la vie de Louis le Gros; Pierre Comestor la Bible scolastre ; Césaire de Cologne le Dialogue des miracles; Martin de Pologne une chronique des papes ; Jean Calonne la Mer des histoires ; Henri de Gand le Traité des hommes illustres.
Pierre Comestor la Bible scolastre
La poésie n'était point en oubli, nous lui consacrons un paragraphe spécial. Les arts étaient arrivés à leur apogée dans l'érection de nos cathédrales ; nous leur avons donné un chapitre à part. Telle était donc la foi dans ces siècles si facilement appelés des siècles d'ignorance. Elle avait des grands hommes dans tous les genres, et parce qu'on ne les a pas compris, parce qu'on a jugé trop pénible de lire leurs œuvres, on les a calomniés.
Aujourd'hui il faut une nuée d'écrivains pour composer une encyclopédie; au moyen âge, le dominicain Vincent de Beauvais entreprenait seul et exécutait un semblable travail; Brunetto Latini en faisait autant.
On a multiplié les reproches contre les siècles catholiques, et pourtant nous pourrions défier les âges les plus avancés de donner des hommes supérieurs à saint Bernard, à saint Thomas d'Aquin, à saint Bonaventure, et à plusieurs autres. Nous n'avons fait que nommer ces maîtres vénérables; mais au moins nous sommes heureux d'avoir pu, en passant, leur offrir l'hommage de notre admiration. Ils sont des fils glorieux de la foi, et pendant que leur vie accomplissait ses œuvres, leurs écrits la rendaient illustre à l'univers et la faisaient briller en tous lieux.
DE LA POÉSIE AU MOYEN AGE.
Je n'entreprends pas d'écrire un traité de la poésie au moyen âge; je me propose seulement de faire connaître à mes lecteurs quelques passages des écrits poétiques, si nombreux, produits à cette époque. Ils prouveront, je crois, que dans ces âges comme de nos jours, la foi savait inspirer de douces et touchantes pensées, de belles et attrayantes images, qu'elle savait parler aux cœurs, émouvoir les nobles sentiments, impressionner vivement l'imagination; qu'elle était puissante à ravir l'esprit dans les régions les plus sublimes, à le reposer au milieu des beautés de la nature, à se servir des voix de toutes les créatures pour louer et exalter l'Auteur de la création.
Je ne m'occupe, en aucune manière, des productions profanes : elles ne sont point l'œuvre de la foi. Dans tous les temps les passions ont eu des interprètes, et le moyen âge aussi a compté des hommes empressés à célébrer ce que la religion n'a cessé de poursuivre de ses malédictions et de sa haine. C'est un triomphe facile que celui d'exciter des orages dans le cœur humain, de l'entraîner en flattant ses instincts, de le précipiter au fond de l'abîme en semant de roses les sentiers de la vie, et la poésie me semble étrangement dégénérée de sa haute mission quand elle est descendue à un tel usage de ses ressources.
J'admire le beau langage de la plupart de nos poètes latins, je rends hommage au génie des grands tragiques de notre nation; mais après tout, leur mission qu'est-elle le plus souvent? De couvrir de fleurs les bords du précipice, de faire aimer la plus insatiable et la plus terrible des passions, de troubler l'imagination en la souillant d'images dangereuses. Racine, devenu chrétien, déplorait l'usage qu'il avait fait de ses talents; combien de nos poètes pourraient se lamenter plus légitimement encore!
Jean Racine (1639 à 1699) est un dramaturge et poète français. Consacré par la critique comme l'un des plus grands auteurs français de tragédies, il est l'un des trois dramaturges majeurs, avec Corneille et Molière, de la période classique en France. Racine, devenu chrétien, déplorait l'usage qu'il avait fait de ses talents.
La foi ne cherche pas des triomphes aussi faciles. Elle parle au cœur, mais pour le pénétrer de l'amour des vertus, pour l'embraser de l'amour de son Dieu; elle parle à l'imagination, mais pour lui représenter des images célestes, ou pour la promener parmi les œuvres de la création comme autrefois les anges promenaient nos premiers parents dans les parterres embaumés du paradis terrestre; elle parle à l'esprit, mais pour le transporter vers les hauteurs célestes, pour lui montrer dans l'univers la main du Créateur; elle parle aux sens, mais pour calmer leur effervescence, pour guérir leurs langueurs, pour les faire jouir des douceurs de la paix; elle parle à l'homme tout entier, mais pour lui enseigner sa noble origine, pour lui indiquer ses brillantes destinées et lui dire par quels moyens il arrivera au bonheur et à la félicité.
Et quand, pour lui annoncer de telles merveilles, elle emprunte à la poésie son langage, elle devient passionnée; c'est la mère qui prend tous les tons selon les besoins de son enfant, la mère qui caresse avec tendresse, quand le cœur est défaillant, qui pleure et gémit, quand elle veut essuyer les larmes; qui s'irrite et élève la voix quand elle veut effrayer et détourner de la séduction. Il n'y a point de passion aussi variée que l'amour, il n'y a point de mère aussi aimante que la foi.
Ne lui demandez pas que son langage soit poli et compassé selon toutes les règles de l'art mondain. Elle contemple les générations auxquelles elle s'adresse, et s'il le faut, elle descend jusqu'à balbutier avec elles, mais alors ses paroles résonnent encore comme un murmure de concerts célestes; on dirait un écho des sons harmonieux produits par les harpes des anges dans l'assemblée des saints.
En général, l'expression est humble dans la poésie catholique du moyen âge et la pensée divine. Cependant cette expression se met aussi à la hauteur de la pensée, et alors les poètes ne sont plus des hommes, mais des prophètes envoyés pour raconter les secrets du Ciel. Voyez Thomas d'Aquin célébrant l'ineffable mystère de l'Eucharistie à sa voix le monde se tait et admire; il se demande si l'Esprit du Seigneur n'a pas inspiré chacune des strophes de ces hymnes majestueuses, et si les chérubins ne les redisent pas devant le trône de l'Agneau immolé.
Pange lingua gloriosi - le mystère de l`Eucharistie écrit par St-Thomas d`Aquin au 13 eme siècle
Écoutez Thomas de Celano dans son Dies irae : ne croyez-vous pas assister à la dernière et à la plus solennelle des grandes scènes de l'univers, entendre la trompette qui évoque les morts de leurs tombeaux, voir les nations consternées se presser innombrables autour du Juge suprême?
Thomas de Celano, né vers 1190 à Celano et mort vers 1260 à Tagliacozzo en Italie, est un religieux franciscain et le premier hagiographe de François d'Assise et de Claire d'Assise. En 1221, il est chargé d'une mission de prédication en Allemagne, à l'occasion de laquelle il fonde plusieurs couvents, avant d'être mis à la tête de la custodie de Rhénanie, qui comprenait les maisons franciscaines de Cologne, Worms, Spire et Mayence
-Dies Irae ( Jour de la Colère de Dieu) de Thomas de Celano repris par Wolfgang Amadeus Mozart dans son Requiem - la séparation entre les élus du Paradis et les réprouvés qui vont en enfer.
Dies Irae (Paroles)
(Jour De Colère)
Dies irae
Jour de colère
Dies illa
Que ce jour-là
Solvet saeclum en favilla
Qui verra les siècles réduits en cendres
Teste david cum sybilla
Comme l'avaient prédit David avec Sybille
Quantus tremor est futurus
Alors que la terreur sera annoncée
Quando judex est venturus
Quand le Juge sera de retour
Cunta stricte discus surus
Pour rendre un arrêt impitoyable
Dies irae
Jour de colère
Dies illa
Que ce jour-là
Solvet saeclum en favilla
Qui verra les siècles réduits en cendres
Teste davidcum sybilla
Comme l'avaient prédit David et la Sybille
Ah ! si votre cœur n'a pas vibré jusqu'en ses profondeurs en entendant ce chant divin, ne me parlez plus d'émotion; que jamais le mot sacré de poésie ne vienne se placer sur vos lèvres : vous n'en comprenez pas les accents. Que dirai-je de ce Veni sancte Spiritus, douce effusion d'une âme aimante où la suavité de l'expression vous ravit et vous pénètre comme le nuage d'encens qui s'élève devant l'autel du Seigneur?
Veni Sancte Spiritus (Hymne a l`Esprit-Saint)
Voilà les œuvres du moyen âge, les œuvres des siècles d'ignorance, les chants que l'Église enseignait à ses enfants pour calmer leurs douleurs, ranimer leurs espérances et les empêcher de s'égarer dans les sentiers de la vie. A côté de ces poésies adoptées par la société catholique, il y a d'autres effusions d'amour, d'autres chants sacrés inspirés par la foi. Un recueil de cantiques formerait un livre précieux, digne de figurer à côté des plus touchantes productions du cœur, à côté des plus belles inspirations de l'esprit de l'homme.
Nous ne passerons pas devant ce jardin de la poésie catholique au moyen âge sans cueillir quelques fleurs. Plus le monde s'est montré dédaigneux, plus nous trouvons de justice à ne point marcher sur ses traces. Écoutons François d'Assise, l'homme enivré des délices du divin amour; à lui il appartient de parler un langage digne du Ciel.
St-François d`Assise, fondateur de l`ordre des Franciscains en Italie en l`an 1210
« L'amour m'a mis dans un foyer; l'amour m'a mis dans un foyer, dans un foyer d'amour.» Mon nouvel époux, l'amoureux petit agneau m'a mis un anneau au doigt, puis il m'a mis en prison, et m'a frappé d'un couteau qui m'a partagé le cœur.» Il m'a partagé le cœur, et mon corps est tombé par terre. Le carquois de l'amour décoche des flèches dont le coup est terrible : il a changé ma paix en guerre : je me meurs de délices.» Je me meurs de délices, ne vous en étonnez pas; ces coups sont frappés par une lance amoureuse; le fer est long et large; apprenez qu'il m'a traversé de cent brasses.» Les traits sont tombés si épais, que j'en étais agonisant. J'ai pris un bouclier : ils ont redoublé et m'ont brisé les membres, tant leur force était grande !» Il les a lancés si serrés, que j'ai voulu fuir pour échapper à la mort. Comme je lui criais : tu abuses de ta force, il s'est mis à m'accabler de nouveau.» L'amour m'a mis dans un foyer; l'amour m'a mis dans un foyer, dans un foyer d'amour.» Amour de charité, pourquoi m'as-tu ainsi blessé? Mon cœur arraché de mon sein, brûle et se consume : il ne trouve point d'asile; il ne peut fuir, parce qu'il est enchaîné : il se consume comme la cire dans le feu, il meurt tout vivant, il languit sans relâche : il veut fuir et se trouve au milieu d'une fournaise. Hélas ! où me conduira cette terrible défaillance ! C'est mourir que de vivre ainsi, tant l'ardeur de ce feu est grande !» Avant d'avoir fait cette épreuve, je demandais au Christ son amour. Pensant n'y trouver que délices, je croyais m'y complaire dans une douce paix, à une hauteur où nulle peine ne m'atteindrait; mais j'éprouve un tourment que je ne pouvais imaginer : la chaleur fait fondre mon cœur : je ne puis exprimer tout ce que je souffre; je meurs d'amour et je vis privé de mon cœur.»
Mon cœur blessé par l'amour n'est plus à moi : je n'ai plus ni jugement, ni volonté, ni faculté de jouir ou de sentir. Toute beauté me semble une boue infecte, les délices et les richesses une perdition. Un arbre d'amour, chargé de fruit, est planté dans mon cœur, et me fournit ma nourriture; il fait en moi un tel changement, qu'il rejette au dehors tout ce qu'il y avait de volonté, d'intelligence et de vigueur.» Je n'ai plus d'yeux pour voir la créature : toute mon âme crie vers le Créateur; ni le ciel ni la terre n'ont rien qui me soit doux : tout s'efface devant l'amour du Christ. La lumière du soleil me parait obscure quand je vois cette face resplendissante; les chérubins et leur science; les séraphins et leur amour ne sont rien pour qui voit le Seigneur.» Que personne ne me fasse de reproches si un tel amour me rend insensé. Il n'y a point de cour qui ne se défende, qui puisse fuir les chaînes de l'amour. Comment le cœur ne se consumerait-il point dans une telle fournaise? Oh ! si je pouvais trouver une âme qui me comprît, qui eût pitié de mes angoisses ! Une nouvelle créature est née dans le Christ : je suis dépouillé du vieil homme et devenu un homme nouveau; mais l'amour est devenu si ardent que mon cœur est fendu comme par un glaive, et que les flammes le consument. Je me jette dans les bras du Christ, et je lui crie : 0 amour, faites-moi mourir d'amour »
Voici maintenant un des disciples de François, un homme sur qui son esprit d'amour s'est reposé; le voici prosterné devant la crèche de Bethléem.
« 0 source de tendresse! s'écrie-t-il, qui vous a revêtu des lambeaux d'une pauvreté si dure? Qui vous a porté à vous donner ainsi sans aucun mérite de notre part ? Ah ! c'est la violence de votre amour, c'est l'ardeur de votre charité.» Oui, il a été véhément ce zèle, elle a été brûlante cette ardeur. Le Roi des cieux a été vaincu par ses puissances, il a été son captif; vaincu et enchaîné par ses liens sacrés, il a été revêtu des haillons d'un pauvre enfant.» 0 doux petit enfant ! Enfant sans égal ! Heureux celui à qui il fut donné alors de vous serrer dans ses bras, de baiser vos pieds et vos mains, de consoler vos larmes, et de demeurer sans cesse appliqué à vous servir !» Hélas! pourquoi ne m'a-t-il point été permis de calmer les cris et les plaintes de cet enfant, et de mêler mes pleurs aux siens? Que n'ai-je pu réchauffer ses membres délicats et me tenir toujours vigilant à son berceau !» Non, je le crois, ce tendre enfant n'eût point dédaigné des soins semblables, et même il y eût souri comme un enfant a coutume de faire; il eût pleuré en voyant un pécheur verser des larmes, et il eût aisément pardonné son péché.» Heureux celui qui alors eût pu mériter de servir son admirable mère, et obtenir, par ses ardentes prières, qu'elle voulût bien, au moins une fois le jour, offrir son doux enfant à ses baisers et à ses caresses ! »
Ailleurs, l'humble fils de François se fait poète pour chanter la Croix. Jamais nous n'avons rencontré d'aussi belles paroles, sur le lit de douleur du Sauveur du monde. Nous prenons au hasard. Tout est magnifique dans ce morceau.
« Dans la peine et les tourments, la croix est la douceur qui récrée l'âme pieuse; elle est son refuge assuré. La croix est la porte du ciel; les saints ont mis en elle leur confiance, et partout ils ont été vainqueurs. La croix est la médecine du monde; c'est par elle que la bonté divine a opéré des merveilles. La croix est le salut des âmes; elle est la lumière véritable et brillante, le baume qui réjouit les cœurs. La croix est la vie des bienheureux; elle est le trésor des parfaits; elle est leur gloire et leur félicité. La croix est le miroir de la vertu; elle est le guide glorieux du salut et toute l'espérance des fidèles. La croix est l'étendard d'honneur des élus; elle est leur consolation et tout leur désir. La croix est un vaisseau, elle est un port; elle est un jardin de délices où tout fleurit avec éclat. La croix est une armure impénétrable; elle est un rempart assuré contre lequel le démon voit se briser ses efforts. La croix est un arbre magnifique, arrosé du sang de Jésus-Christ, et abondant en fruits de toute espèce. Oh ! quel sera votre bonheur si, dès maintenant et durant votre vie mortelle, vous dirigez toutes vos pensées vers la croix! Oui, vous serez heureux sans fin, vous qui courez à la recherche de la croix sainte, si la persévérance couronne vos efforts. Cherchez donc la croix; portez la croix; contemplez la croix de Jésus-Christ jusqu'à languir d'amour. »
La croix est le sujet de prédilection des poètes à cette époque. Elle dominait alors sur le monde, et les rois avaient placé leurs trônes à l'ombre de ses ailes. On la chantait comme la source de toute force, de toute puissance, de toute gloire et de toute félicité. La Vierge auguste, la mère de Jésus inspirait aussi nos poètes catholiques. En Allemagne, Walter de Vogelweide chantait ses miséricordes et ses douleurs mortelles avec un amour sans égal; Conrad de Vurtzbourg concentrait dans ses vers tous les rayons de tendresse et de beauté dont elle avait été entourée par la vénération du monde chrétien.
La ville de Münster en Allemagne
Palästinalied ( Chant de Palestine) de Walter de Vogelweide (1170-1230) repris par le groupe allemand Annwn
En Espagne, Alphonse-le-Sage inaugurait la poésie par des cantiques à Marie, et le bénédictin Gonzalès Berceo marchait sur ses traces. La France comptait parmi ses poètes Thibaut, roi de Navarre, qui a chanté la croisade et la sainte Vierge, avec un si pur enthousiasme; le prieur de Coinsy, qui a élevé à Marie un si beau monument dans ses Miracles, puis cette femme d'origine inconnue, à qui son beau talent a mérité le nom de Marie de France. En Italie, une foule de poètes montraient la même ardeur. Le Dante consacrait des stances à Marie dans le dernier chant de son Paradis; Guittone d'Arezzo chantait la glorieuse Mère du bon Jésus : saint Bonaventure la célébrait dans sa prose et dans ses vers; dans sa prose, c'était le docteur qui enseignait, dans ses vers, l'homme séraphique qui dévoilait au monde son amour.
Cantiga 156 pour la Sainte Vierge Marie- Alphonse X Le Sage -Ensemble Fontegara - Espagne 13 eme siècle
Cantiga 10 Rosa Das Rosas ( Rose parmi les roses) pour la Sainte Vierge Marie- Alphonse X Le Sage - Espagne 13 eme siècle - interprétation groupe Malandança
Rosa das rosas
Rose parmi les roses,
Fleur parmi les fleurs,
Maîtresse des maîtresses,
Femme parmi les femmes,
Rose d'élégance et de beauté,
Fleur de joie et de plaisir,
Maîtresse en ton être pieux,
Femme nous délivrant des soucis et douleurs,
Une telle femme chaque homme se doit de l'aimer
Parce qu'elle peut le préserver de tout mal
Et lui pardonner les péchés qu'il commet en ce monde.
De (Pour) cette femme,
Qui est la Dame dont je désire être le troubadour,
Je donne au diable tous les autres amours.
Alfonso X, El Sabio.
Cantigas de Santa Maria, chant 10.
El ladrón devoto de Gonzalo de Berceo - 13 eme siecle -Espagne - Gonzalo de Berceo est un homme d’Église et poète castillan du XIIIe siècle, auteur d’une douzaine de recueils d’inspiration religieuse. Admis comme étant le premier poète identifié en langue espagnole.
Outre une paraphrase sur le Salve regina et le Petit Psautier de la Vierge, nous avons de lui un poème intitulé : Louanges de Marie. C'est encore à lui que nous ferons un emprunt : les œuvres les plus pures de la foi, les œuvres où son esprit se révèle le mieux sans aucun mélange étranger, sont les écrits des saints.
Voici le prologue des Louanges de Marie : « Salut! lys céleste, rose épanouie, mère de l'humilité, reine des anges, sanctuaire de la Divinité. En cette vallée de larmes, donnez-nous le courage. Venez à notre secours, vous que le ciel nous offrit pour avocate au milieu de nos crimes.» Tendre Vierge, vous êtes incomparable : vous avez mérité d'entendre la voix de l'ange, et de concevoir le Fils de Dieu sous le souffle sacré de l'Esprit saint. Vierge avant d'avoir conçu, vous l'êtes encore après. Refuge vraiment unique, hélas! Dans cette vie si inconstante, daignez consoler ceux qui vous servent.» La terre est dans l'étonnement en vous voyant Vierge et Mère à la fois. Notre fragilité ne peut comprendre des merveilles d'une puissance aussi magnifique. Il faut que notre foi s'élève aux célestes hauteurs, et là seulement elle confesse dans la vérité que vous êtes la Mère du Christ, qu'en vous la divinité s'est revêtue de notre chair.» 0 Mère! vous avez engendré un Fils par excellence; née dans le temps, vous avez mis au jour celui qui fut votre père; simple étoile, vous avez produit le soleil; faible créature, vous avez donné la vie à l'Être incréé; petit ruisseau, vous avez fait jaillir la fontaine qui vous alimente; vase fragile, vous avez formé le potier qui vous façonna, et vous êtes demeurée toujours Vierge, toujours immaculée; et par vous, Mère du Christ, la vie que nous avions perdue, nous l'avons recouvrée.» Rose pure, rose d'innocence, rose nouvelle et sans épines, rose épanouie et féconde, rose devenue pour nous un bienfait de Dieu; vous avez été établie Reine des cieux; il n'est personne qui puisse jamais vous être comparé; vous êtes le salut du coupable, vous êtes le soutien de tous nos efforts.» La loi vous a montrée en ses figures; les pages saintes du Testament vous ont annoncée par de nombreuses énigmes, et l'Alliance nouvelle vous a rendue grande entre toutes les femmes, elle vous a élevée au-dessus de toute créature.» Avant l'origine du monde, le Seigneur vous a choisie, alors que dans sa sagesse il jetait les fondements du ciel. Dès ce jour il arrêta de combler par vous, Vierge et Mère, l'abîme ouvert par le péché de notre premier père.» Réjouissez-vous, ô Vierge, ô Mère, réjouissez-vous: c'est par vous que le monde voit ses ruines se réparer. Mêlez les accents de votre joie à ceux dont le ciel retentit. C'est par vous qu'il a été donné de payer à Dieu sans réserve le prix de notre rançon, à vous qu'il a été accordé de délivrer l'homme des malheurs de la ruse infernale dont il fut la victime, et cette gloire est au-dessus de tout éloge. »
Telle était donc la poésie au moyen âge. Elle chantait Dieu, la Vierge et les Saints. Le monde n'avait rien à voir dans ses productions; le Ciel seul en était le juge : c'était son œuvre, c'étaient ses pensées. La terre les recevait comme une rosée bienfaisante destinée à rafraîchir ses trop brûlantes ardeurs. Hélas ! de nos jours, bien rarement la poésie se rappelle sa mission sublime; et cependant que de douleurs à consoler! que d'amertume à adoucir! que d'incendies à éteindre et d'orages à calmer! que d'espérances à ranimer! Le monde s'est desséché au contact des pensées terrestres. Quand les voix divines qui résonnèrent si harmonieusement aux oreilles de nos pères, se feront-elles entendre parmi nous? Quand la foi inspirera-t- elle le génie et conduira-t-elle les cœurs?
Fin
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
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