Les écrivains catholiques au 12 eme et au 13 eme siècle. Source : De la Foi et de ses Œuvres volume 2 - Vicomte Walsh –
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Les écrivains catholiques au 12 eme et au 13 eme siècle. Source : De la Foi et de ses Œuvres volume 2 - Vicomte Walsh –
Les écrivains catholiques au 12 eme et au 13 eme siècle.
Source : De la Foi et de ses Œuvres volume 2 - Vicomte Walsh – 1858 - (vidéo et images)
Je ne puis, dans un livre comme le mien, m'arrêter longtemps sur un même sujet, je ne puis parcourir tous les siècles placés devant moi. Mon œuvre demanderait d'autres forces que les miennes, elle exigerait une science plus profonde, une érudition plus étendue, un regard plus exercé. J'ai entrepris un pieux pèlerinage à travers les campagnes de la foi, et semblable au voyageur, je me borne à jeter le plus souvent un coup d'œil presque furtif sur les richesses nombreuses dont je suis environné.
Je cueille quelques fleurs çà et là, puis quand le soir est venu je m'efforce d'en tresser une couronne en l'honneur du Roi immortel des cieux. Souvent, je le reconnais, mon goût n'a pas eu toute la sûreté désirable, et parmi ces fleurs odorantes dont j'ai aspiré les parfums, je n'ai point choisi les plus belles. Mais je me console en voyant le Maître suprême témoigner un amour égal à l'humble violette et au lis des vallées, au faible arbuste des champs et au cèdre de la montagne.
Lys des vallées
L`humble violette
Le faible arbuste des champs
Cèdre de la montagne du Liban
Il est magnifique en chacune de ses œuvres, et la louange prodiguée à la plus petite d'entre elles résonnera toujours à ses oreilles avec une douce suavité. J'entreprends aujourd'hui de parler des hommes qui ont marqué dans les sciences aux siècles de saint Bernard et de saint Louis. C'est une vaste tâche, et plus d'une fois je suis exposé à m' égarer, mais pourrais-je traverser ces beaux âges sans m'incliner devant cette foule de savants et saints personnages qui se tiennent sur mon passage comme ces arbres majestueux dont la vue réjouit le regard du voyageur, et l'ombre salutaire le convie au repos?
Le 12eme siècle s'ouvrait par la mort de deux personnages célèbres dans les sciences et la sainteté, Bruno, le fondateur des Chartreux, esprit solide et l'un des hommes les plus savants qui aient illustré l'Église, et Anselme de Cantorbéry, le père de la théologie scolastique en Occident, un de ces génies sublimes dignes de figurer à côté d'Augustin et de Thomas d'Aquin, une de ces intelligences vigoureuses dont les vives lumières sont égalées par les élans du cœur.
St-Bruno de Cologne – fondateur de l`ordre monastique des Chartreux en France (Né vers 1030 et décédé en 1101)
Ordre monastique des Chartreux
Saint Anselme de Canterbury, moine bénédictin italien qui a vécu en Angleterre – père de la théologie scolastique en occident. Il est consacré archevêque de Cantorbéry, le 3 décembre 1093.
La ville de Canterbury au 12 eme siècle. Vers l`an 596, le pape St-Grégoire le Grand demanda au moine St-Augustin et a quarante moines d`Italie de se rendre en Angleterre pour Évangéliser. St-Augustin essaya de gagner la faveur d`un roi dont l`épouse était chrétienne. Ethelbert, le roi du Kent, avait épousé Bertha, une princesse chrétienne fille de Charibert, roi des Francs. Après son mariage avec lui, Bertha était demeurée chrétienne, mais elle n`avait rien fait pour influencer son mari. Quand st-Augustin et ses moines arrivèrent, Ethelbert connaissait quelque peu le christianisme, mais il était toujours païen. Il les accueillis avec une certaine ouverture, leur accorda la permission de prêcher la foi catholique et de faire autant de convertis qu`ils le désiraient. Il leur fit don d`une propriété à Canterbury, sa capitale. Le jour de Noel de l`an 597, plus de dix milles Saxons furent baptisés à Canterbury. La foi chrétienne se répandit rapidement à travers l`Angleterre. On construisit de nombreux monastères.
St-Anselme vivait sous le règne du roi d`Angleterre Guillaume II le roux
D'autres grands hommes occupaient encore la scène, mais ils semblent disparaître devant une gloire plus éclatante, devant un génie plus sublime devant un homme appelé à exercer sur toutes les générations le brillant prestige qu'il exerça sur son époque : nommer saint Bernard, c'est nommer l'homme de notre temps comme l'homme de son siècle. Le cours des âges n'a point affaibli sa renommée, l'oubli ne s'est point étendu sur ses œuvres, ses actions glorieuses font encore palpiter les cœurs, ses écrits réjouissent encore par leur fraîcheur inaltérable, et sept cents ans après sa mort, nous croyons en le lisant entendre la voix d'un ami initié aux secrets de notre âme, accoutumé à nos émotions de chaque jour, instruit de tous nos besoins. Bernard semble né pour exercer la domination.
En vain il soupire après l'obscurité et le silence, en vain il se dérobe à la terre, en vain il fuit les affaires et les sollicitudes temporelles, son histoire n'en sera pas moins l'histoire de l'Église, l'histoire des royaumes de son temps. Voyez-le à son entrée dans la vie : il est âgé de vingt ans, la solitude a pour lui des attraits séduisants, il veut quitter le monde, et le monde se lève contre lui ; des obstacles surgissent de toutes parts; la lutte est pénible et ardente, mais le jeune athlète en sort par une victoire sans exemple dans aucune histoire.
Saint-Bernard de Clairvaux
Les ennemis de ses pieux désirs en deviennent les auxiliaires et les compagnons. Un jour, trente gentilshommes se présentent aux portes du monastère de Cîteaux et se prosternent aux pieds du saint abbé Etienne, en lui demandant l'habit de son Ordre. Ces hommes sont les frères, les oncles, les amis de Bernard, tous ceux qui se sont d'abord opposés à ses desseins. Sa douce éloquence les a gagnés à Jésus-Christ, il les précède en ce jour, et il les offre au vieillard de Cîteaux comme le gage le plus sûr de sa vocation.
Attendez un peu, et d'autres viendront se joindre à ces premiers, attirés par un entraînement divin; le vieux père de Bernard lui-même ne voudra pas s'endormir à l'ombre des tourelles du château des Fontaines ni dans les souvenirs de sa gloire terrestre ; son fils recevra son dernier soupir, et Clairvaux deviendra le lieu de son repos.
A peine engagé dans la milice sainte, Bernard est placé à la tête de ses frères ; encore quelques années et son nom retentit dans toutes les parties du monde. Les princes et les rois le consultent, les papes lui remettent le soin des affaires les plus graves et les plus difficiles, les communautés s'adressent à lui comme à un homme inspiré du Ciel, les particuliers lui demandent des conseils, les regards de l'univers semblent arrêtés vers ce petit recoin du monde où naguère les arbustes sauvages ne laissaient point un passage au voyageur, la Vallée d'Absinthe s'est appelée la vallée brillante et glorieuse, le séjour du bonheur et des pieuses délices, Clairvaux est connu jusqu'aux extrémités de l'Europe. Les princes y sont attirés par le parfum des vertus qui s'en exhale, un pape veut voir de ses yeux les merveilles que la renommée lui apporte, et le spectacle de ces religieux si étrangers à la terre, si morts à eux-mêmes lui arrache des larmes de joie, les cardinaux pleurent d'allégresse et bénissent le Dieu auteur de toute vertu.
Pendant ses 38 ans d'abbatiat, Bernard contribue à la création de 68 abbayes filles de Clairvaux (57 par fondation et 11 par agrégation) dont 35 pour la France, qui à leur tour vont essaimer, si bien qu'au milieu du XIIe siècle, Cîteaux compte pas moins de 343 établissements soit plus que Cluny (environ 300). En 1119, Bernard fait partie du chapitre général des cisterciens convoqué par Étienne Harding, qui donne sa forme définitive à l'ordre. La « Charte de charité » qui y est rédigée est confirmée peu après par Calixte II. En 1132, il fait accepter par le pape l'indépendance de Clairvaux vis-à-vis de Cluny.
Bernard n'est pas seulement le conseiller des princes et des chefs de l'Église, il est l'âme des conciles. On l'y écoute comme un oracle, et ses paroles deviennent la loi adoptée par les évêques. A sa voix les schismes s'évanouissent, les haines disparaissent, les vertus fleurissent, le vice tremble et se cache, l'hérésie chancelle et s'écroule, et lui, toujours humble, n'a de soupirs que pour sa chère solitude, il l'appelle de toute l'ardeur de son âme, comme le centre de sa béatitude ; le monde lui est un fardeau. Pourquoi Dieu l'a-t-il condamné à se mêler aussi souvent des affaires du siècle?
St-Bernard vivait sous le règne du Roi de France Philippe II Auguste.
Et cependant cet homme à qui les sollicitudes de l'Église et le soin de ses frères laissent à peine un instant de repos, cet homme dont la santé est faible et vacillante, si vous l'entendez parler, vous vous demanderez à quel siècle il appartient. Rien n'est enchanteur comme son langage. Les paroles coulent de sa bouche, limpides comme l'onde d'un ruisseau, douces comme un rayon de miel, suaves comme un lis dans toute sa fraîcheur. Sa phrase est harmonieuse comme les accords d'une lyre.
Sermon veille de Noël n°1, de Saint Bernard de Clairvaux, sur ces paroles du martyrologe : Jésus-Christ, fils de Dieu, naît à Bethléem de Juda.
Source : Traduction nouvelle par M. L'ABBÉ CHARPENTIER, édition de 1866. Source: La Caverne du Pèlerin
Dans aucun livre je n'ai rien lu de semblable aux lettres et aux discours de Bernard. Je ne lui connais point de modèles, je doute qu'il puisse avoir des imitateurs. Il a parcouru le champ des Écritures, il y a cueilli des fleurs à chaque pas, et il les a répandues dans ses écrits comme on répand les parfums devant l'autel du Très-Haut. Il a enseigné aux religieux les voies les plus sublimes de la vie mystique, aux évêques et aux papes les devoirs sacrés de leurs fonctions glorieuses, et aux personnes du monde la fuite du péché, la pratique des vertus; il a parlé à chacun suivant ses besoins, et jamais il ne s'est trouvé au-dessous de sa tâche, au-dessous des espérances qu'il avait fait naître.
Bernard est un docteur illustre, un maître dont la parole semble une inspiration céleste. La foi n'a pas eu de champion plus zélé, la charité d'âme plus aimante, l'église d'enfant plus soumis, la vie religieuse de gloire plus éclatante. A côté de saint Bernard, sous ses ailes et l'inspiration de son génie s'élevaient d'autres hommes dont les écrits avaient pour but de continuer la mission de l'abbé de Clairvaux.
Gilbert de Hoïland, en Angleterre, continuait les discours sur le Cantique des cantiques, et sa parole tombait, comme celle de son maître, pleine de savoir, de douceur et de suavité. Guillaume de Saint-Thierry écrivait la vie de Bernard et reproduisait ses discours sur les cantiques en les abrégeant, puis il donnait le livre de la nature et de la dignité de l'amour, et des méditations.
CITATIONS du Bienheureux Gilbert de Hoyland :
« Il est doux, bon Jésus, de te chercher ; il est encore plus doux de te tenir ! »
« Quand tu lis, tu reçois un enseignement sur le Christ, mais quand tu pries, tu es en en conversation familière avec lui »
« A l'amour rien ne suffit, rien de moins que lui-même. L'amour ne saurait se rassasier de lui-même, et cependant il ne peut que se repaître que de lui-même : seul, il est pour lui-même un aliment suffisamment délicieux. L'amour ne veut rien de plus que d'aimer »
« Vraiment l'amour est doux et il est seul à l'être. Tout amour est doux. Pourtant l'amour n'est rien comparé à l'amour du Christ. Car la beauté de celui-ci dépasse toute beauté. « Plus que toute beauté, j'ai aimé la Sagesse » (Sagesse 7, 10). Comment ne serait-il pas rayonnant, Celui qui est l'éclat de la Lumière éternelle ? »
« S'approcher de l'Epoux, c'est s'approcher du Feu » fut la dernière parole de Gilbert de Hoyland, son testament spirituel !
Gilbert de Hoyland (1110-1172)
Arnaud de Bonneval mettait au jour un traité des sept paroles de Jésus-Christ mourant, un autre à la louange de Marie, et douze traités sur les œuvres du Sauveur. Pierre de Blois faisait trembler le vice dans ses discours et ses lettres. Achard de Saint-Victor et évêque d'Avranches était auteur d'un excellent ouvrage intitulé : De l'Abnégation de soi-même.
Ethelrède de Reverby écrivait le Miroir de la charité. Sainte Hildegarde de Bingen, trois livres de révélations. Eadmer, l'ami de saint Anselme, le livre de l'excellence de la Sainte-Vierge, ceux des quatre Vertus qui ont été dans Marie, de la béatitude, etc.
Sainte Hildegarde de Bingen (1098 a 1179) – abbesse en Allemagne, docteur de l`Église, mystique, musicienne, et femme de lettre.
Musique composée par Sainte Hildegarde de Bingen - O Virdissima Virga
Monastère d'Eibingen en Allemagne
ll ne faut pas non plus oublier Pierre le Vénérable, l'ami de saint Bernard, l'un de ces hommes au cœur compatissant, qui font aimer la vertu et laissent une mémoire bénie à la postérité. Les écrits de Pierre sont nombreux et font honneur à sa piété et à son savoir. La foi peut le montrer comme un fils bien-aimé, toujours empressé à étendre son empire.
Pierre le Vénérable, abbé de Cluny
Telle était donc le mouvement donné aux saintes pensées en ces jours. Nous n'avons mentionné que quelques écrivains ; d'autres en grand nombre imitaient leur zèle, et l'école mystique ne devait plus déchoir du haut degré où l'abbé de Clairvaux l'avait placée. Deux hommes surtout se distinguèrent alors.
Le premier, c'est Hugues de Saint- Victor. Lié avec saint Bernard, il adopta ses idées, les réunit dans un système emprunté au platonicisme et à saint Denis l'Aréopagiste, et s'efforça de fondre dans une certaine mesure la scolastique et la mystique. Ses écrits abondent en pensées sublimes et magnifiques. C'est un maître et un grand maître digne de vivre dans la postérité.
Hughes de St-Victor, philosophe, théologien et auteur mystique né en 1096, au manoir de Hartingham en Saxe et décédé en 1141. Les maîtres principaux qui ont influencé Hugues sont : Raban Maur, (lui-même disciple d'Alcuin), Bède le Vénérable, Yves de Chartres et Jean Scot Érigène et quelques autres, peut-être même Denys l'Aréopagite.
Reconstruction par ordinateur de l`Abbaye St-Victor de Paris, une école prestigieuse au Moyen-Age ou Hughes a enseigné. (elle a été détruite au 19 eme siècle)
Bossuet et Fénelon semblent traduire plus d'un passage de ses ouvrages dans leurs immortels chefs-d'oeuvre. Après lui vient Richard de Saint- Victor, son disciple. Comme Hugues, il a pour but d'élever l'âme chrétienne au plus haut degré de la vie surnaturelle et divine, et de lui faire commencer ici-bas la vie du ciel. Les écrits de ces hommes ne sont point les rêveries d'imaginations exaltées, mais les élans d'âmes magnanimes, touchées des misères de l'homme et désireuses de l'entraîner à leur suite vers des régions plus à l'abri du souffle du monde.
Avec saint Bernard ils ont contribué à former saint Bonaventure, le plus grand mystique du siècle de saint Louis. Un tel disciple n'est pas une gloire médiocre. Bonaventure plane sur ce beau siècle par ses écrits sur la vie spirituelle comme saint Thomas par ses œuvres théologiques. Il a révélé tout ce qu'il y avait de douceur et de tendresse dans les présents du ciel à la terre ; il semble appelé à amollir les cœurs les plus insensibles, à faire répandre des larmes délicieuses à la piété, à embraser les âmes d'une ardeur ineffable et divine, à faire goûter combien le Seigneur est doux et son fardeau léger.
Saint-Bonaventure ( né en Italie en 1217 et décédé en France en 1274) était Théologien, archevêque, cardinal, Docteur de l'Église, ministre général des franciscains, il est, à l'instar de Jean Duns Scot et Thomas d'Aquin, l'un des piliers de la théologie chrétienne au Moyen Âge.
L`ordre religieux des Franciscains est fondé par St-François d`Assise en Italie en l`an 1210.
L`ordre franciscain a plus de 800 ans.
La mission de Bonaventure est avant tout de porter à l'amour. Il est, après saint Thomas, le plus grand théologien de son époque; mais dans ses œuvres spirituelles nul ne tentera de lui disputer le premier rang. II a parlé sur tous les degrés de la vie surnaturelle; depuis les humbles commencements de l'âme qui sort du péché jusqu'aux ravissements de l'extase, et partout il s'est exprimé comme un homme qui a médité, approfondi et expérimenté ce qu'il avance ; partout il a répandu les douceurs indicibles d'un cœur brûlant de la divine charité.
Aucun des mouvements de l'âme ne lui est étranger ; on dirait qu'il l'a sondée jusque dans ses replis les plus intimes ; mais toujours pour la dépouiller de ce qui est terrestre et la pénétrer de l'amour des biens célestes. D'un autre côté la théologie scolastique s'étendait de jour en jour, avide d'élever autour de chacune des vérités de la foi des remparts inexpugnables. Elle comptait des cœurs dévoués, des champions valeureux, et son action sur les esprits était immense.
Elle trouvait dans Pierre Lombard un interprète digne d'elle par son savoir et ses vertus. Son livre servit de texte aux leçons de l'université de Paris et fut commenté par les hommes les plus doctes. A la suite de Pierre viennent d'autres illustrations que nous mentionnons en courant : Alain des Iles, Pierre de Poitiers, Gilbert de Cîteaux, Guillaume d'Auxerre, Alexandre de Hales, le maître de saint Bonaventure, Albert le Grand; mais tous ont été éclipsés par un génie du premier ordre, né pour dominer jusqu'à la fin des temps dans les écoles par la profondeur de son génie et la lucidité de sa parole, Thomas d'Aquin, de l'ordre de saint Dominique.
Nous lui devons un mot de plus qu'aux autres : c'est le chef de l'école théologique. Thomas d'Aquin avait traversé des luttes pénibles et douloureuses pour arriver à la vie de Frère Prêcheur, mais il en sortit victorieux. Dès son enfance il s'était épris du désir de la sagesse, et sa passion la plus vive avait été de la connaître et de l'aimer. Il avait admiré en elle l'effusion toute pure de la clarté du Tout-Puissant, le miroir sans tache de la majesté de Dieu et l'image parfaite de sa bonté. Il l'avait vue immuable en elle-même et renouvelant toutes choses, plus belle que le soleil et plus élevée que les étoiles. ll l'avait donc aimée et cherchée dès son entrée dans la vie. Pour elle il méprisa les richesses et les honneurs terrestres, les plaisirs et les félicités du monde, les peines et les persécutions, et la sagesse répondit à ses désirs.
Saint Thomas d'Aquin: né vers 1225 au château de Roccasecca près d'Aquino, en Italie du Sud, mort en 1274 à l'abbaye de Fossanova près de Priverno en Italie, est un religieux de l'ordre dominicain, célèbre pour son œuvre théologique et philosophique.
Nous lui devons un mot de plus qu'aux autres : c'est le chef de l'école théologique. Thomas d'Aquin avait traversé des luttes pénibles et douloureuses pour arriver à la vie de Frère Prêcheur, mais il en sortit victorieux. Dès son enfance il s'était épris du désir de la sagesse, et sa passion la plus vive avait été de la connaître et de l'aimer. Il avait admiré en elle l'effusion toute pure de la clarté du Tout-Puissant, le miroir sans tache de la majesté de Dieu et l'image parfaite de sa bonté. Il l'avait vue immuable en elle-même et renouvelant toutes choses, plus belle que le soleil et plus élevée que les étoiles. ll l'avait donc aimée et cherchée dès son entrée dans la vie. Pour elle il méprisa les richesses et les honneurs terrestres, les plaisirs et les félicités du monde, les peines et les persécutions, et la sagesse répondit à ses désirs.
Elle lui enseigna les profondeurs de la science et lui fit pénétrer ce qu'il y a de plus subtil en tout discours, de plus difficile en toute question. Elle lui donna de parler avec un sens exquis et d'avoir des pensées dignes d'elle-même. Elle le rendit illustre parmi les peuples, et encore adolescent il fut en honneur auprès des vieillards. Les princes de la science témoignèrent leur admiration en le voyant, ils se turent en l'entendant parler, et il légua à la postérité un nom et des écrits immortels.
P. Bonino [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] : Qu'est-ce que saint Thomas peut nous apporter aujourd'hui ?
Et comme dans ces grands siècles tout devait marcher de front, comme la foi communiquait largement ses inspirations, toutes les branches de la science avaient leurs grands hommes. Le droit canon comptait Gratien, dont le nom est demeuré comme celui de Pierre Lombard, saint Raimond de Pennafort, Guillaume Durand, le père de la pratique.
Les Saintes Écritures étaient commentées par presque tous les théologiens sans exception. Comme ils en faisaient sans relâche l'objet de leurs études, les explications qu'ils en donnèrent sont innombrables. Ils trouvaient là de quoi nourrir leur cœur et illuminer leur esprit. L'Écriture est le livre de la foi; l'aimer, c'est aimer la vérité, c'est aimer ses divines inspirations.
L'histoire aussi avait ses hommes chargés de transmettre aux générations ses enseignements et ses actes. Guibert de Nogent écrivait l'histoire des premières croisades ; Guigues le Chartreux la vie de saint Hugues de Grenoble ; l'abbé Suger la vie de Louis le Gros; Pierre Comestor la Bible scolastre ; Césaire de Cologne le Dialogue des miracles; Martin de Pologne une chronique des papes ; Jean Calonne la Mer des histoires ; Henri de Gand le Traité des hommes illustres.
Pierre Comestor la Bible scolastre
La poésie n'était point en oubli, nous lui consacrons un paragraphe spécial. Les arts étaient arrivés à leur apogée dans l'érection de nos cathédrales ; nous leur avons donné un chapitre à part. Telle était donc la foi dans ces siècles si facilement appelés des siècles d'ignorance. Elle avait des grands hommes dans tous les genres, et parce qu'on ne les a pas compris, parce qu'on a jugé trop pénible de lire leurs œuvres, on les a calomniés.
Aujourd'hui il faut une nuée d'écrivains pour composer une encyclopédie; au moyen âge, le dominicain Vincent de Beauvais entreprenait seul et exécutait un semblable travail; Brunetto Latini en faisait autant.
On a multiplié les reproches contre les siècles catholiques, et pourtant nous pourrions défier les âges les plus avancés de donner des hommes supérieurs à saint Bernard, à saint Thomas d'Aquin, à saint Bonaventure, et à plusieurs autres. Nous n'avons fait que nommer ces maîtres vénérables; mais au moins nous sommes heureux d'avoir pu, en passant, leur offrir l'hommage de notre admiration. Ils sont des fils glorieux de la foi, et pendant que leur vie accomplissait ses œuvres, leurs écrits la rendaient illustre à l'univers et la faisaient briller en tous lieux.
DE LA POÉSIE AU MOYEN AGE.
Je n'entreprends pas d'écrire un traité de la poésie au moyen âge; je me propose seulement de faire connaître à mes lecteurs quelques passages des écrits poétiques, si nombreux, produits à cette époque. Ils prouveront, je crois, que dans ces âges comme de nos jours, la foi savait inspirer de douces et touchantes pensées, de belles et attrayantes images, qu'elle savait parler aux cœurs, émouvoir les nobles sentiments, impressionner vivement l'imagination; qu'elle était puissante à ravir l'esprit dans les régions les plus sublimes, à le reposer au milieu des beautés de la nature, à se servir des voix de toutes les créatures pour louer et exalter l'Auteur de la création.
Je ne m'occupe, en aucune manière, des productions profanes : elles ne sont point l'œuvre de la foi. Dans tous les temps les passions ont eu des interprètes, et le moyen âge aussi a compté des hommes empressés à célébrer ce que la religion n'a cessé de poursuivre de ses malédictions et de sa haine. C'est un triomphe facile que celui d'exciter des orages dans le cœur humain, de l'entraîner en flattant ses instincts, de le précipiter au fond de l'abîme en semant de roses les sentiers de la vie, et la poésie me semble étrangement dégénérée de sa haute mission quand elle est descendue à un tel usage de ses ressources.
J'admire le beau langage de la plupart de nos poètes latins, je rends hommage au génie des grands tragiques de notre nation; mais après tout, leur mission qu'est-elle le plus souvent? De couvrir de fleurs les bords du précipice, de faire aimer la plus insatiable et la plus terrible des passions, de troubler l'imagination en la souillant d'images dangereuses. Racine, devenu chrétien, déplorait l'usage qu'il avait fait de ses talents; combien de nos poètes pourraient se lamenter plus légitimement encore!
Jean Racine (1639 à 1699) est un dramaturge et poète français. Consacré par la critique comme l'un des plus grands auteurs français de tragédies, il est l'un des trois dramaturges majeurs, avec Corneille et Molière, de la période classique en France. Racine, devenu chrétien, déplorait l'usage qu'il avait fait de ses talents.
La foi ne cherche pas des triomphes aussi faciles. Elle parle au cœur, mais pour le pénétrer de l'amour des vertus, pour l'embraser de l'amour de son Dieu; elle parle à l'imagination, mais pour lui représenter des images célestes, ou pour la promener parmi les œuvres de la création comme autrefois les anges promenaient nos premiers parents dans les parterres embaumés du paradis terrestre; elle parle à l'esprit, mais pour le transporter vers les hauteurs célestes, pour lui montrer dans l'univers la main du Créateur; elle parle aux sens, mais pour calmer leur effervescence, pour guérir leurs langueurs, pour les faire jouir des douceurs de la paix; elle parle à l'homme tout entier, mais pour lui enseigner sa noble origine, pour lui indiquer ses brillantes destinées et lui dire par quels moyens il arrivera au bonheur et à la félicité.
Et quand, pour lui annoncer de telles merveilles, elle emprunte à la poésie son langage, elle devient passionnée; c'est la mère qui prend tous les tons selon les besoins de son enfant, la mère qui caresse avec tendresse, quand le cœur est défaillant, qui pleure et gémit, quand elle veut essuyer les larmes; qui s'irrite et élève la voix quand elle veut effrayer et détourner de la séduction. Il n'y a point de passion aussi variée que l'amour, il n'y a point de mère aussi aimante que la foi.
Ne lui demandez pas que son langage soit poli et compassé selon toutes les règles de l'art mondain. Elle contemple les générations auxquelles elle s'adresse, et s'il le faut, elle descend jusqu'à balbutier avec elles, mais alors ses paroles résonnent encore comme un murmure de concerts célestes; on dirait un écho des sons harmonieux produits par les harpes des anges dans l'assemblée des saints.
En général, l'expression est humble dans la poésie catholique du moyen âge et la pensée divine. Cependant cette expression se met aussi à la hauteur de la pensée, et alors les poètes ne sont plus des hommes, mais des prophètes envoyés pour raconter les secrets du Ciel. Voyez Thomas d'Aquin célébrant l'ineffable mystère de l'Eucharistie à sa voix le monde se tait et admire; il se demande si l'Esprit du Seigneur n'a pas inspiré chacune des strophes de ces hymnes majestueuses, et si les chérubins ne les redisent pas devant le trône de l'Agneau immolé.
Pange lingua gloriosi - le mystère de l`Eucharistie écrit par St-Thomas d`Aquin au 13 eme siècle
Écoutez Thomas de Celano dans son Dies irae : ne croyez-vous pas assister à la dernière et à la plus solennelle des grandes scènes de l'univers, entendre la trompette qui évoque les morts de leurs tombeaux, voir les nations consternées se presser innombrables autour du Juge suprême?
Thomas de Celano, né vers 1190 à Celano et mort vers 1260 à Tagliacozzo en Italie, est un religieux franciscain et le premier hagiographe de François d'Assise et de Claire d'Assise. En 1221, il est chargé d'une mission de prédication en Allemagne, à l'occasion de laquelle il fonde plusieurs couvents, avant d'être mis à la tête de la custodie de Rhénanie, qui comprenait les maisons franciscaines de Cologne, Worms, Spire et Mayence
-Dies Irae ( Jour de la Colère de Dieu) de Thomas de Celano repris par Wolfgang Amadeus Mozart dans son Requiem - la séparation entre les élus du Paradis et les réprouvés qui vont en enfer.
Dies Irae (Paroles)
(Jour De Colère)
Dies irae
Jour de colère
Dies illa
Que ce jour-là
Solvet saeclum en favilla
Qui verra les siècles réduits en cendres
Teste david cum sybilla
Comme l'avaient prédit David avec Sybille
Quantus tremor est futurus
Alors que la terreur sera annoncée
Quando judex est venturus
Quand le Juge sera de retour
Cunta stricte discus surus
Pour rendre un arrêt impitoyable
Dies irae
Jour de colère
Dies illa
Que ce jour-là
Solvet saeclum en favilla
Qui verra les siècles réduits en cendres
Teste davidcum sybilla
Comme l'avaient prédit David et la Sybille
Ah ! si votre cœur n'a pas vibré jusqu'en ses profondeurs en entendant ce chant divin, ne me parlez plus d'émotion; que jamais le mot sacré de poésie ne vienne se placer sur vos lèvres : vous n'en comprenez pas les accents. Que dirai-je de ce Veni sancte Spiritus, douce effusion d'une âme aimante où la suavité de l'expression vous ravit et vous pénètre comme le nuage d'encens qui s'élève devant l'autel du Seigneur?
Veni Sancte Spiritus (Hymne a l`Esprit-Saint)
Voilà les œuvres du moyen âge, les œuvres des siècles d'ignorance, les chants que l'Église enseignait à ses enfants pour calmer leurs douleurs, ranimer leurs espérances et les empêcher de s'égarer dans les sentiers de la vie. A côté de ces poésies adoptées par la société catholique, il y a d'autres effusions d'amour, d'autres chants sacrés inspirés par la foi. Un recueil de cantiques formerait un livre précieux, digne de figurer à côté des plus touchantes productions du cœur, à côté des plus belles inspirations de l'esprit de l'homme.
Nous ne passerons pas devant ce jardin de la poésie catholique au moyen âge sans cueillir quelques fleurs. Plus le monde s'est montré dédaigneux, plus nous trouvons de justice à ne point marcher sur ses traces. Écoutons François d'Assise, l'homme enivré des délices du divin amour; à lui il appartient de parler un langage digne du Ciel.
St-François d`Assise, fondateur de l`ordre des Franciscains en Italie en l`an 1210
« L'amour m'a mis dans un foyer; l'amour m'a mis dans un foyer, dans un foyer d'amour.» Mon nouvel époux, l'amoureux petit agneau m'a mis un anneau au doigt, puis il m'a mis en prison, et m'a frappé d'un couteau qui m'a partagé le cœur.» Il m'a partagé le cœur, et mon corps est tombé par terre. Le carquois de l'amour décoche des flèches dont le coup est terrible : il a changé ma paix en guerre : je me meurs de délices.» Je me meurs de délices, ne vous en étonnez pas; ces coups sont frappés par une lance amoureuse; le fer est long et large; apprenez qu'il m'a traversé de cent brasses.» Les traits sont tombés si épais, que j'en étais agonisant. J'ai pris un bouclier : ils ont redoublé et m'ont brisé les membres, tant leur force était grande !» Il les a lancés si serrés, que j'ai voulu fuir pour échapper à la mort. Comme je lui criais : tu abuses de ta force, il s'est mis à m'accabler de nouveau.» L'amour m'a mis dans un foyer; l'amour m'a mis dans un foyer, dans un foyer d'amour.» Amour de charité, pourquoi m'as-tu ainsi blessé? Mon cœur arraché de mon sein, brûle et se consume : il ne trouve point d'asile; il ne peut fuir, parce qu'il est enchaîné : il se consume comme la cire dans le feu, il meurt tout vivant, il languit sans relâche : il veut fuir et se trouve au milieu d'une fournaise. Hélas ! où me conduira cette terrible défaillance ! C'est mourir que de vivre ainsi, tant l'ardeur de ce feu est grande !» Avant d'avoir fait cette épreuve, je demandais au Christ son amour. Pensant n'y trouver que délices, je croyais m'y complaire dans une douce paix, à une hauteur où nulle peine ne m'atteindrait; mais j'éprouve un tourment que je ne pouvais imaginer : la chaleur fait fondre mon cœur : je ne puis exprimer tout ce que je souffre; je meurs d'amour et je vis privé de mon cœur.»
Mon cœur blessé par l'amour n'est plus à moi : je n'ai plus ni jugement, ni volonté, ni faculté de jouir ou de sentir. Toute beauté me semble une boue infecte, les délices et les richesses une perdition. Un arbre d'amour, chargé de fruit, est planté dans mon cœur, et me fournit ma nourriture; il fait en moi un tel changement, qu'il rejette au dehors tout ce qu'il y avait de volonté, d'intelligence et de vigueur.» Je n'ai plus d'yeux pour voir la créature : toute mon âme crie vers le Créateur; ni le ciel ni la terre n'ont rien qui me soit doux : tout s'efface devant l'amour du Christ. La lumière du soleil me parait obscure quand je vois cette face resplendissante; les chérubins et leur science; les séraphins et leur amour ne sont rien pour qui voit le Seigneur.» Que personne ne me fasse de reproches si un tel amour me rend insensé. Il n'y a point de cour qui ne se défende, qui puisse fuir les chaînes de l'amour. Comment le cœur ne se consumerait-il point dans une telle fournaise? Oh ! si je pouvais trouver une âme qui me comprît, qui eût pitié de mes angoisses ! Une nouvelle créature est née dans le Christ : je suis dépouillé du vieil homme et devenu un homme nouveau; mais l'amour est devenu si ardent que mon cœur est fendu comme par un glaive, et que les flammes le consument. Je me jette dans les bras du Christ, et je lui crie : 0 amour, faites-moi mourir d'amour »
Voici maintenant un des disciples de François, un homme sur qui son esprit d'amour s'est reposé; le voici prosterné devant la crèche de Bethléem.
« 0 source de tendresse! s'écrie-t-il, qui vous a revêtu des lambeaux d'une pauvreté si dure? Qui vous a porté à vous donner ainsi sans aucun mérite de notre part ? Ah ! c'est la violence de votre amour, c'est l'ardeur de votre charité.» Oui, il a été véhément ce zèle, elle a été brûlante cette ardeur. Le Roi des cieux a été vaincu par ses puissances, il a été son captif; vaincu et enchaîné par ses liens sacrés, il a été revêtu des haillons d'un pauvre enfant.» 0 doux petit enfant ! Enfant sans égal ! Heureux celui à qui il fut donné alors de vous serrer dans ses bras, de baiser vos pieds et vos mains, de consoler vos larmes, et de demeurer sans cesse appliqué à vous servir !» Hélas! pourquoi ne m'a-t-il point été permis de calmer les cris et les plaintes de cet enfant, et de mêler mes pleurs aux siens? Que n'ai-je pu réchauffer ses membres délicats et me tenir toujours vigilant à son berceau !» Non, je le crois, ce tendre enfant n'eût point dédaigné des soins semblables, et même il y eût souri comme un enfant a coutume de faire; il eût pleuré en voyant un pécheur verser des larmes, et il eût aisément pardonné son péché.» Heureux celui qui alors eût pu mériter de servir son admirable mère, et obtenir, par ses ardentes prières, qu'elle voulût bien, au moins une fois le jour, offrir son doux enfant à ses baisers et à ses caresses ! »
Ailleurs, l'humble fils de François se fait poète pour chanter la Croix. Jamais nous n'avons rencontré d'aussi belles paroles, sur le lit de douleur du Sauveur du monde. Nous prenons au hasard. Tout est magnifique dans ce morceau.
« Dans la peine et les tourments, la croix est la douceur qui récrée l'âme pieuse; elle est son refuge assuré. La croix est la porte du ciel; les saints ont mis en elle leur confiance, et partout ils ont été vainqueurs. La croix est la médecine du monde; c'est par elle que la bonté divine a opéré des merveilles. La croix est le salut des âmes; elle est la lumière véritable et brillante, le baume qui réjouit les cœurs. La croix est la vie des bienheureux; elle est le trésor des parfaits; elle est leur gloire et leur félicité. La croix est le miroir de la vertu; elle est le guide glorieux du salut et toute l'espérance des fidèles. La croix est l'étendard d'honneur des élus; elle est leur consolation et tout leur désir. La croix est un vaisseau, elle est un port; elle est un jardin de délices où tout fleurit avec éclat. La croix est une armure impénétrable; elle est un rempart assuré contre lequel le démon voit se briser ses efforts. La croix est un arbre magnifique, arrosé du sang de Jésus-Christ, et abondant en fruits de toute espèce. Oh ! quel sera votre bonheur si, dès maintenant et durant votre vie mortelle, vous dirigez toutes vos pensées vers la croix! Oui, vous serez heureux sans fin, vous qui courez à la recherche de la croix sainte, si la persévérance couronne vos efforts. Cherchez donc la croix; portez la croix; contemplez la croix de Jésus-Christ jusqu'à languir d'amour. »
La croix est le sujet de prédilection des poètes à cette époque. Elle dominait alors sur le monde, et les rois avaient placé leurs trônes à l'ombre de ses ailes. On la chantait comme la source de toute force, de toute puissance, de toute gloire et de toute félicité. La Vierge auguste, la mère de Jésus inspirait aussi nos poètes catholiques. En Allemagne, Walter de Vogelweide chantait ses miséricordes et ses douleurs mortelles avec un amour sans égal; Conrad de Vurtzbourg concentrait dans ses vers tous les rayons de tendresse et de beauté dont elle avait été entourée par la vénération du monde chrétien.
La ville de Münster en Allemagne
Palästinalied ( Chant de Palestine) de Walter de Vogelweide (1170-1230) repris par le groupe allemand Annwn
En Espagne, Alphonse-le-Sage inaugurait la poésie par des cantiques à Marie, et le bénédictin Gonzalès Berceo marchait sur ses traces. La France comptait parmi ses poètes Thibaut, roi de Navarre, qui a chanté la croisade et la sainte Vierge, avec un si pur enthousiasme; le prieur de Coinsy, qui a élevé à Marie un si beau monument dans ses Miracles, puis cette femme d'origine inconnue, à qui son beau talent a mérité le nom de Marie de France. En Italie, une foule de poètes montraient la même ardeur. Le Dante consacrait des stances à Marie dans le dernier chant de son Paradis; Guittone d'Arezzo chantait la glorieuse Mère du bon Jésus : saint Bonaventure la célébrait dans sa prose et dans ses vers; dans sa prose, c'était le docteur qui enseignait, dans ses vers, l'homme séraphique qui dévoilait au monde son amour.
Cantiga 156 pour la Sainte Vierge Marie- Alphonse X Le Sage -Ensemble Fontegara - Espagne 13 eme siècle
Cantiga 10 Rosa Das Rosas ( Rose parmi les roses) pour la Sainte Vierge Marie- Alphonse X Le Sage - Espagne 13 eme siècle - interprétation groupe Malandança
Rosa das rosas
Rose parmi les roses,
Fleur parmi les fleurs,
Maîtresse des maîtresses,
Femme parmi les femmes,
Rose d'élégance et de beauté,
Fleur de joie et de plaisir,
Maîtresse en ton être pieux,
Femme nous délivrant des soucis et douleurs,
Une telle femme chaque homme se doit de l'aimer
Parce qu'elle peut le préserver de tout mal
Et lui pardonner les péchés qu'il commet en ce monde.
De (Pour) cette femme,
Qui est la Dame dont je désire être le troubadour,
Je donne au diable tous les autres amours.
Alfonso X, El Sabio.
Cantigas de Santa Maria, chant 10.
El ladrón devoto de Gonzalo de Berceo - 13 eme siecle -Espagne - Gonzalo de Berceo est un homme d’Église et poète castillan du XIIIe siècle, auteur d’une douzaine de recueils d’inspiration religieuse. Admis comme étant le premier poète identifié en langue espagnole.
Outre une paraphrase sur le Salve regina et le Petit Psautier de la Vierge, nous avons de lui un poème intitulé : Louanges de Marie. C'est encore à lui que nous ferons un emprunt : les œuvres les plus pures de la foi, les œuvres où son esprit se révèle le mieux sans aucun mélange étranger, sont les écrits des saints.
Voici le prologue des Louanges de Marie : « Salut! lys céleste, rose épanouie, mère de l'humilité, reine des anges, sanctuaire de la Divinité. En cette vallée de larmes, donnez-nous le courage. Venez à notre secours, vous que le ciel nous offrit pour avocate au milieu de nos crimes.» Tendre Vierge, vous êtes incomparable : vous avez mérité d'entendre la voix de l'ange, et de concevoir le Fils de Dieu sous le souffle sacré de l'Esprit saint. Vierge avant d'avoir conçu, vous l'êtes encore après. Refuge vraiment unique, hélas! Dans cette vie si inconstante, daignez consoler ceux qui vous servent.» La terre est dans l'étonnement en vous voyant Vierge et Mère à la fois. Notre fragilité ne peut comprendre des merveilles d'une puissance aussi magnifique. Il faut que notre foi s'élève aux célestes hauteurs, et là seulement elle confesse dans la vérité que vous êtes la Mère du Christ, qu'en vous la divinité s'est revêtue de notre chair.» 0 Mère! vous avez engendré un Fils par excellence; née dans le temps, vous avez mis au jour celui qui fut votre père; simple étoile, vous avez produit le soleil; faible créature, vous avez donné la vie à l'Être incréé; petit ruisseau, vous avez fait jaillir la fontaine qui vous alimente; vase fragile, vous avez formé le potier qui vous façonna, et vous êtes demeurée toujours Vierge, toujours immaculée; et par vous, Mère du Christ, la vie que nous avions perdue, nous l'avons recouvrée.» Rose pure, rose d'innocence, rose nouvelle et sans épines, rose épanouie et féconde, rose devenue pour nous un bienfait de Dieu; vous avez été établie Reine des cieux; il n'est personne qui puisse jamais vous être comparé; vous êtes le salut du coupable, vous êtes le soutien de tous nos efforts.» La loi vous a montrée en ses figures; les pages saintes du Testament vous ont annoncée par de nombreuses énigmes, et l'Alliance nouvelle vous a rendue grande entre toutes les femmes, elle vous a élevée au-dessus de toute créature.» Avant l'origine du monde, le Seigneur vous a choisie, alors que dans sa sagesse il jetait les fondements du ciel. Dès ce jour il arrêta de combler par vous, Vierge et Mère, l'abîme ouvert par le péché de notre premier père.» Réjouissez-vous, ô Vierge, ô Mère, réjouissez-vous: c'est par vous que le monde voit ses ruines se réparer. Mêlez les accents de votre joie à ceux dont le ciel retentit. C'est par vous qu'il a été donné de payer à Dieu sans réserve le prix de notre rançon, à vous qu'il a été accordé de délivrer l'homme des malheurs de la ruse infernale dont il fut la victime, et cette gloire est au-dessus de tout éloge. »
Telle était donc la poésie au moyen âge. Elle chantait Dieu, la Vierge et les Saints. Le monde n'avait rien à voir dans ses productions; le Ciel seul en était le juge : c'était son œuvre, c'étaient ses pensées. La terre les recevait comme une rosée bienfaisante destinée à rafraîchir ses trop brûlantes ardeurs. Hélas ! de nos jours, bien rarement la poésie se rappelle sa mission sublime; et cependant que de douleurs à consoler! que d'amertume à adoucir! que d'incendies à éteindre et d'orages à calmer! que d'espérances à ranimer! Le monde s'est desséché au contact des pensées terrestres. Quand les voix divines qui résonnèrent si harmonieusement aux oreilles de nos pères, se feront-elles entendre parmi nous? Quand la foi inspirera-t- elle le génie et conduira-t-elle les cœurs?
Fin
Source : De la Foi et de ses Œuvres volume 2 - Vicomte Walsh – 1858 - (vidéo et images)
Je ne puis, dans un livre comme le mien, m'arrêter longtemps sur un même sujet, je ne puis parcourir tous les siècles placés devant moi. Mon œuvre demanderait d'autres forces que les miennes, elle exigerait une science plus profonde, une érudition plus étendue, un regard plus exercé. J'ai entrepris un pieux pèlerinage à travers les campagnes de la foi, et semblable au voyageur, je me borne à jeter le plus souvent un coup d'œil presque furtif sur les richesses nombreuses dont je suis environné.
Je cueille quelques fleurs çà et là, puis quand le soir est venu je m'efforce d'en tresser une couronne en l'honneur du Roi immortel des cieux. Souvent, je le reconnais, mon goût n'a pas eu toute la sûreté désirable, et parmi ces fleurs odorantes dont j'ai aspiré les parfums, je n'ai point choisi les plus belles. Mais je me console en voyant le Maître suprême témoigner un amour égal à l'humble violette et au lis des vallées, au faible arbuste des champs et au cèdre de la montagne.
Lys des vallées
L`humble violette
Le faible arbuste des champs
Cèdre de la montagne du Liban
Il est magnifique en chacune de ses œuvres, et la louange prodiguée à la plus petite d'entre elles résonnera toujours à ses oreilles avec une douce suavité. J'entreprends aujourd'hui de parler des hommes qui ont marqué dans les sciences aux siècles de saint Bernard et de saint Louis. C'est une vaste tâche, et plus d'une fois je suis exposé à m' égarer, mais pourrais-je traverser ces beaux âges sans m'incliner devant cette foule de savants et saints personnages qui se tiennent sur mon passage comme ces arbres majestueux dont la vue réjouit le regard du voyageur, et l'ombre salutaire le convie au repos?
Le 12eme siècle s'ouvrait par la mort de deux personnages célèbres dans les sciences et la sainteté, Bruno, le fondateur des Chartreux, esprit solide et l'un des hommes les plus savants qui aient illustré l'Église, et Anselme de Cantorbéry, le père de la théologie scolastique en Occident, un de ces génies sublimes dignes de figurer à côté d'Augustin et de Thomas d'Aquin, une de ces intelligences vigoureuses dont les vives lumières sont égalées par les élans du cœur.
St-Bruno de Cologne – fondateur de l`ordre monastique des Chartreux en France (Né vers 1030 et décédé en 1101)
Ordre monastique des Chartreux
Saint Anselme de Canterbury, moine bénédictin italien qui a vécu en Angleterre – père de la théologie scolastique en occident. Il est consacré archevêque de Cantorbéry, le 3 décembre 1093.
La ville de Canterbury au 12 eme siècle. Vers l`an 596, le pape St-Grégoire le Grand demanda au moine St-Augustin et a quarante moines d`Italie de se rendre en Angleterre pour Évangéliser. St-Augustin essaya de gagner la faveur d`un roi dont l`épouse était chrétienne. Ethelbert, le roi du Kent, avait épousé Bertha, une princesse chrétienne fille de Charibert, roi des Francs. Après son mariage avec lui, Bertha était demeurée chrétienne, mais elle n`avait rien fait pour influencer son mari. Quand st-Augustin et ses moines arrivèrent, Ethelbert connaissait quelque peu le christianisme, mais il était toujours païen. Il les accueillis avec une certaine ouverture, leur accorda la permission de prêcher la foi catholique et de faire autant de convertis qu`ils le désiraient. Il leur fit don d`une propriété à Canterbury, sa capitale. Le jour de Noel de l`an 597, plus de dix milles Saxons furent baptisés à Canterbury. La foi chrétienne se répandit rapidement à travers l`Angleterre. On construisit de nombreux monastères.
St-Anselme vivait sous le règne du roi d`Angleterre Guillaume II le roux
D'autres grands hommes occupaient encore la scène, mais ils semblent disparaître devant une gloire plus éclatante, devant un génie plus sublime devant un homme appelé à exercer sur toutes les générations le brillant prestige qu'il exerça sur son époque : nommer saint Bernard, c'est nommer l'homme de notre temps comme l'homme de son siècle. Le cours des âges n'a point affaibli sa renommée, l'oubli ne s'est point étendu sur ses œuvres, ses actions glorieuses font encore palpiter les cœurs, ses écrits réjouissent encore par leur fraîcheur inaltérable, et sept cents ans après sa mort, nous croyons en le lisant entendre la voix d'un ami initié aux secrets de notre âme, accoutumé à nos émotions de chaque jour, instruit de tous nos besoins. Bernard semble né pour exercer la domination.
En vain il soupire après l'obscurité et le silence, en vain il se dérobe à la terre, en vain il fuit les affaires et les sollicitudes temporelles, son histoire n'en sera pas moins l'histoire de l'Église, l'histoire des royaumes de son temps. Voyez-le à son entrée dans la vie : il est âgé de vingt ans, la solitude a pour lui des attraits séduisants, il veut quitter le monde, et le monde se lève contre lui ; des obstacles surgissent de toutes parts; la lutte est pénible et ardente, mais le jeune athlète en sort par une victoire sans exemple dans aucune histoire.
Saint-Bernard de Clairvaux
Les ennemis de ses pieux désirs en deviennent les auxiliaires et les compagnons. Un jour, trente gentilshommes se présentent aux portes du monastère de Cîteaux et se prosternent aux pieds du saint abbé Etienne, en lui demandant l'habit de son Ordre. Ces hommes sont les frères, les oncles, les amis de Bernard, tous ceux qui se sont d'abord opposés à ses desseins. Sa douce éloquence les a gagnés à Jésus-Christ, il les précède en ce jour, et il les offre au vieillard de Cîteaux comme le gage le plus sûr de sa vocation.
Attendez un peu, et d'autres viendront se joindre à ces premiers, attirés par un entraînement divin; le vieux père de Bernard lui-même ne voudra pas s'endormir à l'ombre des tourelles du château des Fontaines ni dans les souvenirs de sa gloire terrestre ; son fils recevra son dernier soupir, et Clairvaux deviendra le lieu de son repos.
A peine engagé dans la milice sainte, Bernard est placé à la tête de ses frères ; encore quelques années et son nom retentit dans toutes les parties du monde. Les princes et les rois le consultent, les papes lui remettent le soin des affaires les plus graves et les plus difficiles, les communautés s'adressent à lui comme à un homme inspiré du Ciel, les particuliers lui demandent des conseils, les regards de l'univers semblent arrêtés vers ce petit recoin du monde où naguère les arbustes sauvages ne laissaient point un passage au voyageur, la Vallée d'Absinthe s'est appelée la vallée brillante et glorieuse, le séjour du bonheur et des pieuses délices, Clairvaux est connu jusqu'aux extrémités de l'Europe. Les princes y sont attirés par le parfum des vertus qui s'en exhale, un pape veut voir de ses yeux les merveilles que la renommée lui apporte, et le spectacle de ces religieux si étrangers à la terre, si morts à eux-mêmes lui arrache des larmes de joie, les cardinaux pleurent d'allégresse et bénissent le Dieu auteur de toute vertu.
Pendant ses 38 ans d'abbatiat, Bernard contribue à la création de 68 abbayes filles de Clairvaux (57 par fondation et 11 par agrégation) dont 35 pour la France, qui à leur tour vont essaimer, si bien qu'au milieu du XIIe siècle, Cîteaux compte pas moins de 343 établissements soit plus que Cluny (environ 300). En 1119, Bernard fait partie du chapitre général des cisterciens convoqué par Étienne Harding, qui donne sa forme définitive à l'ordre. La « Charte de charité » qui y est rédigée est confirmée peu après par Calixte II. En 1132, il fait accepter par le pape l'indépendance de Clairvaux vis-à-vis de Cluny.
Bernard n'est pas seulement le conseiller des princes et des chefs de l'Église, il est l'âme des conciles. On l'y écoute comme un oracle, et ses paroles deviennent la loi adoptée par les évêques. A sa voix les schismes s'évanouissent, les haines disparaissent, les vertus fleurissent, le vice tremble et se cache, l'hérésie chancelle et s'écroule, et lui, toujours humble, n'a de soupirs que pour sa chère solitude, il l'appelle de toute l'ardeur de son âme, comme le centre de sa béatitude ; le monde lui est un fardeau. Pourquoi Dieu l'a-t-il condamné à se mêler aussi souvent des affaires du siècle?
St-Bernard vivait sous le règne du Roi de France Philippe II Auguste.
Et cependant cet homme à qui les sollicitudes de l'Église et le soin de ses frères laissent à peine un instant de repos, cet homme dont la santé est faible et vacillante, si vous l'entendez parler, vous vous demanderez à quel siècle il appartient. Rien n'est enchanteur comme son langage. Les paroles coulent de sa bouche, limpides comme l'onde d'un ruisseau, douces comme un rayon de miel, suaves comme un lis dans toute sa fraîcheur. Sa phrase est harmonieuse comme les accords d'une lyre.
Sermon veille de Noël n°1, de Saint Bernard de Clairvaux, sur ces paroles du martyrologe : Jésus-Christ, fils de Dieu, naît à Bethléem de Juda.
Source : Traduction nouvelle par M. L'ABBÉ CHARPENTIER, édition de 1866. Source: La Caverne du Pèlerin
Dans aucun livre je n'ai rien lu de semblable aux lettres et aux discours de Bernard. Je ne lui connais point de modèles, je doute qu'il puisse avoir des imitateurs. Il a parcouru le champ des Écritures, il y a cueilli des fleurs à chaque pas, et il les a répandues dans ses écrits comme on répand les parfums devant l'autel du Très-Haut. Il a enseigné aux religieux les voies les plus sublimes de la vie mystique, aux évêques et aux papes les devoirs sacrés de leurs fonctions glorieuses, et aux personnes du monde la fuite du péché, la pratique des vertus; il a parlé à chacun suivant ses besoins, et jamais il ne s'est trouvé au-dessous de sa tâche, au-dessous des espérances qu'il avait fait naître.
Bernard est un docteur illustre, un maître dont la parole semble une inspiration céleste. La foi n'a pas eu de champion plus zélé, la charité d'âme plus aimante, l'église d'enfant plus soumis, la vie religieuse de gloire plus éclatante. A côté de saint Bernard, sous ses ailes et l'inspiration de son génie s'élevaient d'autres hommes dont les écrits avaient pour but de continuer la mission de l'abbé de Clairvaux.
Gilbert de Hoïland, en Angleterre, continuait les discours sur le Cantique des cantiques, et sa parole tombait, comme celle de son maître, pleine de savoir, de douceur et de suavité. Guillaume de Saint-Thierry écrivait la vie de Bernard et reproduisait ses discours sur les cantiques en les abrégeant, puis il donnait le livre de la nature et de la dignité de l'amour, et des méditations.
CITATIONS du Bienheureux Gilbert de Hoyland :
« Il est doux, bon Jésus, de te chercher ; il est encore plus doux de te tenir ! »
« Quand tu lis, tu reçois un enseignement sur le Christ, mais quand tu pries, tu es en en conversation familière avec lui »
« A l'amour rien ne suffit, rien de moins que lui-même. L'amour ne saurait se rassasier de lui-même, et cependant il ne peut que se repaître que de lui-même : seul, il est pour lui-même un aliment suffisamment délicieux. L'amour ne veut rien de plus que d'aimer »
« Vraiment l'amour est doux et il est seul à l'être. Tout amour est doux. Pourtant l'amour n'est rien comparé à l'amour du Christ. Car la beauté de celui-ci dépasse toute beauté. « Plus que toute beauté, j'ai aimé la Sagesse » (Sagesse 7, 10). Comment ne serait-il pas rayonnant, Celui qui est l'éclat de la Lumière éternelle ? »
« S'approcher de l'Epoux, c'est s'approcher du Feu » fut la dernière parole de Gilbert de Hoyland, son testament spirituel !
Gilbert de Hoyland (1110-1172)
Arnaud de Bonneval mettait au jour un traité des sept paroles de Jésus-Christ mourant, un autre à la louange de Marie, et douze traités sur les œuvres du Sauveur. Pierre de Blois faisait trembler le vice dans ses discours et ses lettres. Achard de Saint-Victor et évêque d'Avranches était auteur d'un excellent ouvrage intitulé : De l'Abnégation de soi-même.
Ethelrède de Reverby écrivait le Miroir de la charité. Sainte Hildegarde de Bingen, trois livres de révélations. Eadmer, l'ami de saint Anselme, le livre de l'excellence de la Sainte-Vierge, ceux des quatre Vertus qui ont été dans Marie, de la béatitude, etc.
Sainte Hildegarde de Bingen (1098 a 1179) – abbesse en Allemagne, docteur de l`Église, mystique, musicienne, et femme de lettre.
Musique composée par Sainte Hildegarde de Bingen - O Virdissima Virga
Monastère d'Eibingen en Allemagne
ll ne faut pas non plus oublier Pierre le Vénérable, l'ami de saint Bernard, l'un de ces hommes au cœur compatissant, qui font aimer la vertu et laissent une mémoire bénie à la postérité. Les écrits de Pierre sont nombreux et font honneur à sa piété et à son savoir. La foi peut le montrer comme un fils bien-aimé, toujours empressé à étendre son empire.
Pierre le Vénérable, abbé de Cluny
Telle était donc le mouvement donné aux saintes pensées en ces jours. Nous n'avons mentionné que quelques écrivains ; d'autres en grand nombre imitaient leur zèle, et l'école mystique ne devait plus déchoir du haut degré où l'abbé de Clairvaux l'avait placée. Deux hommes surtout se distinguèrent alors.
Le premier, c'est Hugues de Saint- Victor. Lié avec saint Bernard, il adopta ses idées, les réunit dans un système emprunté au platonicisme et à saint Denis l'Aréopagiste, et s'efforça de fondre dans une certaine mesure la scolastique et la mystique. Ses écrits abondent en pensées sublimes et magnifiques. C'est un maître et un grand maître digne de vivre dans la postérité.
Hughes de St-Victor, philosophe, théologien et auteur mystique né en 1096, au manoir de Hartingham en Saxe et décédé en 1141. Les maîtres principaux qui ont influencé Hugues sont : Raban Maur, (lui-même disciple d'Alcuin), Bède le Vénérable, Yves de Chartres et Jean Scot Érigène et quelques autres, peut-être même Denys l'Aréopagite.
Reconstruction par ordinateur de l`Abbaye St-Victor de Paris, une école prestigieuse au Moyen-Age ou Hughes a enseigné. (elle a été détruite au 19 eme siècle)
Bossuet et Fénelon semblent traduire plus d'un passage de ses ouvrages dans leurs immortels chefs-d'oeuvre. Après lui vient Richard de Saint- Victor, son disciple. Comme Hugues, il a pour but d'élever l'âme chrétienne au plus haut degré de la vie surnaturelle et divine, et de lui faire commencer ici-bas la vie du ciel. Les écrits de ces hommes ne sont point les rêveries d'imaginations exaltées, mais les élans d'âmes magnanimes, touchées des misères de l'homme et désireuses de l'entraîner à leur suite vers des régions plus à l'abri du souffle du monde.
Avec saint Bernard ils ont contribué à former saint Bonaventure, le plus grand mystique du siècle de saint Louis. Un tel disciple n'est pas une gloire médiocre. Bonaventure plane sur ce beau siècle par ses écrits sur la vie spirituelle comme saint Thomas par ses œuvres théologiques. Il a révélé tout ce qu'il y avait de douceur et de tendresse dans les présents du ciel à la terre ; il semble appelé à amollir les cœurs les plus insensibles, à faire répandre des larmes délicieuses à la piété, à embraser les âmes d'une ardeur ineffable et divine, à faire goûter combien le Seigneur est doux et son fardeau léger.
Saint-Bonaventure ( né en Italie en 1217 et décédé en France en 1274) était Théologien, archevêque, cardinal, Docteur de l'Église, ministre général des franciscains, il est, à l'instar de Jean Duns Scot et Thomas d'Aquin, l'un des piliers de la théologie chrétienne au Moyen Âge.
L`ordre religieux des Franciscains est fondé par St-François d`Assise en Italie en l`an 1210.
L`ordre franciscain a plus de 800 ans.
La mission de Bonaventure est avant tout de porter à l'amour. Il est, après saint Thomas, le plus grand théologien de son époque; mais dans ses œuvres spirituelles nul ne tentera de lui disputer le premier rang. II a parlé sur tous les degrés de la vie surnaturelle; depuis les humbles commencements de l'âme qui sort du péché jusqu'aux ravissements de l'extase, et partout il s'est exprimé comme un homme qui a médité, approfondi et expérimenté ce qu'il avance ; partout il a répandu les douceurs indicibles d'un cœur brûlant de la divine charité.
Aucun des mouvements de l'âme ne lui est étranger ; on dirait qu'il l'a sondée jusque dans ses replis les plus intimes ; mais toujours pour la dépouiller de ce qui est terrestre et la pénétrer de l'amour des biens célestes. D'un autre côté la théologie scolastique s'étendait de jour en jour, avide d'élever autour de chacune des vérités de la foi des remparts inexpugnables. Elle comptait des cœurs dévoués, des champions valeureux, et son action sur les esprits était immense.
Elle trouvait dans Pierre Lombard un interprète digne d'elle par son savoir et ses vertus. Son livre servit de texte aux leçons de l'université de Paris et fut commenté par les hommes les plus doctes. A la suite de Pierre viennent d'autres illustrations que nous mentionnons en courant : Alain des Iles, Pierre de Poitiers, Gilbert de Cîteaux, Guillaume d'Auxerre, Alexandre de Hales, le maître de saint Bonaventure, Albert le Grand; mais tous ont été éclipsés par un génie du premier ordre, né pour dominer jusqu'à la fin des temps dans les écoles par la profondeur de son génie et la lucidité de sa parole, Thomas d'Aquin, de l'ordre de saint Dominique.
Nous lui devons un mot de plus qu'aux autres : c'est le chef de l'école théologique. Thomas d'Aquin avait traversé des luttes pénibles et douloureuses pour arriver à la vie de Frère Prêcheur, mais il en sortit victorieux. Dès son enfance il s'était épris du désir de la sagesse, et sa passion la plus vive avait été de la connaître et de l'aimer. Il avait admiré en elle l'effusion toute pure de la clarté du Tout-Puissant, le miroir sans tache de la majesté de Dieu et l'image parfaite de sa bonté. Il l'avait vue immuable en elle-même et renouvelant toutes choses, plus belle que le soleil et plus élevée que les étoiles. ll l'avait donc aimée et cherchée dès son entrée dans la vie. Pour elle il méprisa les richesses et les honneurs terrestres, les plaisirs et les félicités du monde, les peines et les persécutions, et la sagesse répondit à ses désirs.
Saint Thomas d'Aquin: né vers 1225 au château de Roccasecca près d'Aquino, en Italie du Sud, mort en 1274 à l'abbaye de Fossanova près de Priverno en Italie, est un religieux de l'ordre dominicain, célèbre pour son œuvre théologique et philosophique.
Nous lui devons un mot de plus qu'aux autres : c'est le chef de l'école théologique. Thomas d'Aquin avait traversé des luttes pénibles et douloureuses pour arriver à la vie de Frère Prêcheur, mais il en sortit victorieux. Dès son enfance il s'était épris du désir de la sagesse, et sa passion la plus vive avait été de la connaître et de l'aimer. Il avait admiré en elle l'effusion toute pure de la clarté du Tout-Puissant, le miroir sans tache de la majesté de Dieu et l'image parfaite de sa bonté. Il l'avait vue immuable en elle-même et renouvelant toutes choses, plus belle que le soleil et plus élevée que les étoiles. ll l'avait donc aimée et cherchée dès son entrée dans la vie. Pour elle il méprisa les richesses et les honneurs terrestres, les plaisirs et les félicités du monde, les peines et les persécutions, et la sagesse répondit à ses désirs.
Elle lui enseigna les profondeurs de la science et lui fit pénétrer ce qu'il y a de plus subtil en tout discours, de plus difficile en toute question. Elle lui donna de parler avec un sens exquis et d'avoir des pensées dignes d'elle-même. Elle le rendit illustre parmi les peuples, et encore adolescent il fut en honneur auprès des vieillards. Les princes de la science témoignèrent leur admiration en le voyant, ils se turent en l'entendant parler, et il légua à la postérité un nom et des écrits immortels.
P. Bonino [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] : Qu'est-ce que saint Thomas peut nous apporter aujourd'hui ?
Et comme dans ces grands siècles tout devait marcher de front, comme la foi communiquait largement ses inspirations, toutes les branches de la science avaient leurs grands hommes. Le droit canon comptait Gratien, dont le nom est demeuré comme celui de Pierre Lombard, saint Raimond de Pennafort, Guillaume Durand, le père de la pratique.
Les Saintes Écritures étaient commentées par presque tous les théologiens sans exception. Comme ils en faisaient sans relâche l'objet de leurs études, les explications qu'ils en donnèrent sont innombrables. Ils trouvaient là de quoi nourrir leur cœur et illuminer leur esprit. L'Écriture est le livre de la foi; l'aimer, c'est aimer la vérité, c'est aimer ses divines inspirations.
L'histoire aussi avait ses hommes chargés de transmettre aux générations ses enseignements et ses actes. Guibert de Nogent écrivait l'histoire des premières croisades ; Guigues le Chartreux la vie de saint Hugues de Grenoble ; l'abbé Suger la vie de Louis le Gros; Pierre Comestor la Bible scolastre ; Césaire de Cologne le Dialogue des miracles; Martin de Pologne une chronique des papes ; Jean Calonne la Mer des histoires ; Henri de Gand le Traité des hommes illustres.
Pierre Comestor la Bible scolastre
La poésie n'était point en oubli, nous lui consacrons un paragraphe spécial. Les arts étaient arrivés à leur apogée dans l'érection de nos cathédrales ; nous leur avons donné un chapitre à part. Telle était donc la foi dans ces siècles si facilement appelés des siècles d'ignorance. Elle avait des grands hommes dans tous les genres, et parce qu'on ne les a pas compris, parce qu'on a jugé trop pénible de lire leurs œuvres, on les a calomniés.
Aujourd'hui il faut une nuée d'écrivains pour composer une encyclopédie; au moyen âge, le dominicain Vincent de Beauvais entreprenait seul et exécutait un semblable travail; Brunetto Latini en faisait autant.
On a multiplié les reproches contre les siècles catholiques, et pourtant nous pourrions défier les âges les plus avancés de donner des hommes supérieurs à saint Bernard, à saint Thomas d'Aquin, à saint Bonaventure, et à plusieurs autres. Nous n'avons fait que nommer ces maîtres vénérables; mais au moins nous sommes heureux d'avoir pu, en passant, leur offrir l'hommage de notre admiration. Ils sont des fils glorieux de la foi, et pendant que leur vie accomplissait ses œuvres, leurs écrits la rendaient illustre à l'univers et la faisaient briller en tous lieux.
DE LA POÉSIE AU MOYEN AGE.
Je n'entreprends pas d'écrire un traité de la poésie au moyen âge; je me propose seulement de faire connaître à mes lecteurs quelques passages des écrits poétiques, si nombreux, produits à cette époque. Ils prouveront, je crois, que dans ces âges comme de nos jours, la foi savait inspirer de douces et touchantes pensées, de belles et attrayantes images, qu'elle savait parler aux cœurs, émouvoir les nobles sentiments, impressionner vivement l'imagination; qu'elle était puissante à ravir l'esprit dans les régions les plus sublimes, à le reposer au milieu des beautés de la nature, à se servir des voix de toutes les créatures pour louer et exalter l'Auteur de la création.
Je ne m'occupe, en aucune manière, des productions profanes : elles ne sont point l'œuvre de la foi. Dans tous les temps les passions ont eu des interprètes, et le moyen âge aussi a compté des hommes empressés à célébrer ce que la religion n'a cessé de poursuivre de ses malédictions et de sa haine. C'est un triomphe facile que celui d'exciter des orages dans le cœur humain, de l'entraîner en flattant ses instincts, de le précipiter au fond de l'abîme en semant de roses les sentiers de la vie, et la poésie me semble étrangement dégénérée de sa haute mission quand elle est descendue à un tel usage de ses ressources.
J'admire le beau langage de la plupart de nos poètes latins, je rends hommage au génie des grands tragiques de notre nation; mais après tout, leur mission qu'est-elle le plus souvent? De couvrir de fleurs les bords du précipice, de faire aimer la plus insatiable et la plus terrible des passions, de troubler l'imagination en la souillant d'images dangereuses. Racine, devenu chrétien, déplorait l'usage qu'il avait fait de ses talents; combien de nos poètes pourraient se lamenter plus légitimement encore!
Jean Racine (1639 à 1699) est un dramaturge et poète français. Consacré par la critique comme l'un des plus grands auteurs français de tragédies, il est l'un des trois dramaturges majeurs, avec Corneille et Molière, de la période classique en France. Racine, devenu chrétien, déplorait l'usage qu'il avait fait de ses talents.
La foi ne cherche pas des triomphes aussi faciles. Elle parle au cœur, mais pour le pénétrer de l'amour des vertus, pour l'embraser de l'amour de son Dieu; elle parle à l'imagination, mais pour lui représenter des images célestes, ou pour la promener parmi les œuvres de la création comme autrefois les anges promenaient nos premiers parents dans les parterres embaumés du paradis terrestre; elle parle à l'esprit, mais pour le transporter vers les hauteurs célestes, pour lui montrer dans l'univers la main du Créateur; elle parle aux sens, mais pour calmer leur effervescence, pour guérir leurs langueurs, pour les faire jouir des douceurs de la paix; elle parle à l'homme tout entier, mais pour lui enseigner sa noble origine, pour lui indiquer ses brillantes destinées et lui dire par quels moyens il arrivera au bonheur et à la félicité.
Et quand, pour lui annoncer de telles merveilles, elle emprunte à la poésie son langage, elle devient passionnée; c'est la mère qui prend tous les tons selon les besoins de son enfant, la mère qui caresse avec tendresse, quand le cœur est défaillant, qui pleure et gémit, quand elle veut essuyer les larmes; qui s'irrite et élève la voix quand elle veut effrayer et détourner de la séduction. Il n'y a point de passion aussi variée que l'amour, il n'y a point de mère aussi aimante que la foi.
Ne lui demandez pas que son langage soit poli et compassé selon toutes les règles de l'art mondain. Elle contemple les générations auxquelles elle s'adresse, et s'il le faut, elle descend jusqu'à balbutier avec elles, mais alors ses paroles résonnent encore comme un murmure de concerts célestes; on dirait un écho des sons harmonieux produits par les harpes des anges dans l'assemblée des saints.
En général, l'expression est humble dans la poésie catholique du moyen âge et la pensée divine. Cependant cette expression se met aussi à la hauteur de la pensée, et alors les poètes ne sont plus des hommes, mais des prophètes envoyés pour raconter les secrets du Ciel. Voyez Thomas d'Aquin célébrant l'ineffable mystère de l'Eucharistie à sa voix le monde se tait et admire; il se demande si l'Esprit du Seigneur n'a pas inspiré chacune des strophes de ces hymnes majestueuses, et si les chérubins ne les redisent pas devant le trône de l'Agneau immolé.
Pange lingua gloriosi - le mystère de l`Eucharistie écrit par St-Thomas d`Aquin au 13 eme siècle
Écoutez Thomas de Celano dans son Dies irae : ne croyez-vous pas assister à la dernière et à la plus solennelle des grandes scènes de l'univers, entendre la trompette qui évoque les morts de leurs tombeaux, voir les nations consternées se presser innombrables autour du Juge suprême?
Thomas de Celano, né vers 1190 à Celano et mort vers 1260 à Tagliacozzo en Italie, est un religieux franciscain et le premier hagiographe de François d'Assise et de Claire d'Assise. En 1221, il est chargé d'une mission de prédication en Allemagne, à l'occasion de laquelle il fonde plusieurs couvents, avant d'être mis à la tête de la custodie de Rhénanie, qui comprenait les maisons franciscaines de Cologne, Worms, Spire et Mayence
-Dies Irae ( Jour de la Colère de Dieu) de Thomas de Celano repris par Wolfgang Amadeus Mozart dans son Requiem - la séparation entre les élus du Paradis et les réprouvés qui vont en enfer.
Dies Irae (Paroles)
(Jour De Colère)
Dies irae
Jour de colère
Dies illa
Que ce jour-là
Solvet saeclum en favilla
Qui verra les siècles réduits en cendres
Teste david cum sybilla
Comme l'avaient prédit David avec Sybille
Quantus tremor est futurus
Alors que la terreur sera annoncée
Quando judex est venturus
Quand le Juge sera de retour
Cunta stricte discus surus
Pour rendre un arrêt impitoyable
Dies irae
Jour de colère
Dies illa
Que ce jour-là
Solvet saeclum en favilla
Qui verra les siècles réduits en cendres
Teste davidcum sybilla
Comme l'avaient prédit David et la Sybille
Ah ! si votre cœur n'a pas vibré jusqu'en ses profondeurs en entendant ce chant divin, ne me parlez plus d'émotion; que jamais le mot sacré de poésie ne vienne se placer sur vos lèvres : vous n'en comprenez pas les accents. Que dirai-je de ce Veni sancte Spiritus, douce effusion d'une âme aimante où la suavité de l'expression vous ravit et vous pénètre comme le nuage d'encens qui s'élève devant l'autel du Seigneur?
Veni Sancte Spiritus (Hymne a l`Esprit-Saint)
Voilà les œuvres du moyen âge, les œuvres des siècles d'ignorance, les chants que l'Église enseignait à ses enfants pour calmer leurs douleurs, ranimer leurs espérances et les empêcher de s'égarer dans les sentiers de la vie. A côté de ces poésies adoptées par la société catholique, il y a d'autres effusions d'amour, d'autres chants sacrés inspirés par la foi. Un recueil de cantiques formerait un livre précieux, digne de figurer à côté des plus touchantes productions du cœur, à côté des plus belles inspirations de l'esprit de l'homme.
Nous ne passerons pas devant ce jardin de la poésie catholique au moyen âge sans cueillir quelques fleurs. Plus le monde s'est montré dédaigneux, plus nous trouvons de justice à ne point marcher sur ses traces. Écoutons François d'Assise, l'homme enivré des délices du divin amour; à lui il appartient de parler un langage digne du Ciel.
St-François d`Assise, fondateur de l`ordre des Franciscains en Italie en l`an 1210
« L'amour m'a mis dans un foyer; l'amour m'a mis dans un foyer, dans un foyer d'amour.» Mon nouvel époux, l'amoureux petit agneau m'a mis un anneau au doigt, puis il m'a mis en prison, et m'a frappé d'un couteau qui m'a partagé le cœur.» Il m'a partagé le cœur, et mon corps est tombé par terre. Le carquois de l'amour décoche des flèches dont le coup est terrible : il a changé ma paix en guerre : je me meurs de délices.» Je me meurs de délices, ne vous en étonnez pas; ces coups sont frappés par une lance amoureuse; le fer est long et large; apprenez qu'il m'a traversé de cent brasses.» Les traits sont tombés si épais, que j'en étais agonisant. J'ai pris un bouclier : ils ont redoublé et m'ont brisé les membres, tant leur force était grande !» Il les a lancés si serrés, que j'ai voulu fuir pour échapper à la mort. Comme je lui criais : tu abuses de ta force, il s'est mis à m'accabler de nouveau.» L'amour m'a mis dans un foyer; l'amour m'a mis dans un foyer, dans un foyer d'amour.» Amour de charité, pourquoi m'as-tu ainsi blessé? Mon cœur arraché de mon sein, brûle et se consume : il ne trouve point d'asile; il ne peut fuir, parce qu'il est enchaîné : il se consume comme la cire dans le feu, il meurt tout vivant, il languit sans relâche : il veut fuir et se trouve au milieu d'une fournaise. Hélas ! où me conduira cette terrible défaillance ! C'est mourir que de vivre ainsi, tant l'ardeur de ce feu est grande !» Avant d'avoir fait cette épreuve, je demandais au Christ son amour. Pensant n'y trouver que délices, je croyais m'y complaire dans une douce paix, à une hauteur où nulle peine ne m'atteindrait; mais j'éprouve un tourment que je ne pouvais imaginer : la chaleur fait fondre mon cœur : je ne puis exprimer tout ce que je souffre; je meurs d'amour et je vis privé de mon cœur.»
Mon cœur blessé par l'amour n'est plus à moi : je n'ai plus ni jugement, ni volonté, ni faculté de jouir ou de sentir. Toute beauté me semble une boue infecte, les délices et les richesses une perdition. Un arbre d'amour, chargé de fruit, est planté dans mon cœur, et me fournit ma nourriture; il fait en moi un tel changement, qu'il rejette au dehors tout ce qu'il y avait de volonté, d'intelligence et de vigueur.» Je n'ai plus d'yeux pour voir la créature : toute mon âme crie vers le Créateur; ni le ciel ni la terre n'ont rien qui me soit doux : tout s'efface devant l'amour du Christ. La lumière du soleil me parait obscure quand je vois cette face resplendissante; les chérubins et leur science; les séraphins et leur amour ne sont rien pour qui voit le Seigneur.» Que personne ne me fasse de reproches si un tel amour me rend insensé. Il n'y a point de cour qui ne se défende, qui puisse fuir les chaînes de l'amour. Comment le cœur ne se consumerait-il point dans une telle fournaise? Oh ! si je pouvais trouver une âme qui me comprît, qui eût pitié de mes angoisses ! Une nouvelle créature est née dans le Christ : je suis dépouillé du vieil homme et devenu un homme nouveau; mais l'amour est devenu si ardent que mon cœur est fendu comme par un glaive, et que les flammes le consument. Je me jette dans les bras du Christ, et je lui crie : 0 amour, faites-moi mourir d'amour »
Voici maintenant un des disciples de François, un homme sur qui son esprit d'amour s'est reposé; le voici prosterné devant la crèche de Bethléem.
« 0 source de tendresse! s'écrie-t-il, qui vous a revêtu des lambeaux d'une pauvreté si dure? Qui vous a porté à vous donner ainsi sans aucun mérite de notre part ? Ah ! c'est la violence de votre amour, c'est l'ardeur de votre charité.» Oui, il a été véhément ce zèle, elle a été brûlante cette ardeur. Le Roi des cieux a été vaincu par ses puissances, il a été son captif; vaincu et enchaîné par ses liens sacrés, il a été revêtu des haillons d'un pauvre enfant.» 0 doux petit enfant ! Enfant sans égal ! Heureux celui à qui il fut donné alors de vous serrer dans ses bras, de baiser vos pieds et vos mains, de consoler vos larmes, et de demeurer sans cesse appliqué à vous servir !» Hélas! pourquoi ne m'a-t-il point été permis de calmer les cris et les plaintes de cet enfant, et de mêler mes pleurs aux siens? Que n'ai-je pu réchauffer ses membres délicats et me tenir toujours vigilant à son berceau !» Non, je le crois, ce tendre enfant n'eût point dédaigné des soins semblables, et même il y eût souri comme un enfant a coutume de faire; il eût pleuré en voyant un pécheur verser des larmes, et il eût aisément pardonné son péché.» Heureux celui qui alors eût pu mériter de servir son admirable mère, et obtenir, par ses ardentes prières, qu'elle voulût bien, au moins une fois le jour, offrir son doux enfant à ses baisers et à ses caresses ! »
Ailleurs, l'humble fils de François se fait poète pour chanter la Croix. Jamais nous n'avons rencontré d'aussi belles paroles, sur le lit de douleur du Sauveur du monde. Nous prenons au hasard. Tout est magnifique dans ce morceau.
« Dans la peine et les tourments, la croix est la douceur qui récrée l'âme pieuse; elle est son refuge assuré. La croix est la porte du ciel; les saints ont mis en elle leur confiance, et partout ils ont été vainqueurs. La croix est la médecine du monde; c'est par elle que la bonté divine a opéré des merveilles. La croix est le salut des âmes; elle est la lumière véritable et brillante, le baume qui réjouit les cœurs. La croix est la vie des bienheureux; elle est le trésor des parfaits; elle est leur gloire et leur félicité. La croix est le miroir de la vertu; elle est le guide glorieux du salut et toute l'espérance des fidèles. La croix est l'étendard d'honneur des élus; elle est leur consolation et tout leur désir. La croix est un vaisseau, elle est un port; elle est un jardin de délices où tout fleurit avec éclat. La croix est une armure impénétrable; elle est un rempart assuré contre lequel le démon voit se briser ses efforts. La croix est un arbre magnifique, arrosé du sang de Jésus-Christ, et abondant en fruits de toute espèce. Oh ! quel sera votre bonheur si, dès maintenant et durant votre vie mortelle, vous dirigez toutes vos pensées vers la croix! Oui, vous serez heureux sans fin, vous qui courez à la recherche de la croix sainte, si la persévérance couronne vos efforts. Cherchez donc la croix; portez la croix; contemplez la croix de Jésus-Christ jusqu'à languir d'amour. »
La croix est le sujet de prédilection des poètes à cette époque. Elle dominait alors sur le monde, et les rois avaient placé leurs trônes à l'ombre de ses ailes. On la chantait comme la source de toute force, de toute puissance, de toute gloire et de toute félicité. La Vierge auguste, la mère de Jésus inspirait aussi nos poètes catholiques. En Allemagne, Walter de Vogelweide chantait ses miséricordes et ses douleurs mortelles avec un amour sans égal; Conrad de Vurtzbourg concentrait dans ses vers tous les rayons de tendresse et de beauté dont elle avait été entourée par la vénération du monde chrétien.
La ville de Münster en Allemagne
Palästinalied ( Chant de Palestine) de Walter de Vogelweide (1170-1230) repris par le groupe allemand Annwn
En Espagne, Alphonse-le-Sage inaugurait la poésie par des cantiques à Marie, et le bénédictin Gonzalès Berceo marchait sur ses traces. La France comptait parmi ses poètes Thibaut, roi de Navarre, qui a chanté la croisade et la sainte Vierge, avec un si pur enthousiasme; le prieur de Coinsy, qui a élevé à Marie un si beau monument dans ses Miracles, puis cette femme d'origine inconnue, à qui son beau talent a mérité le nom de Marie de France. En Italie, une foule de poètes montraient la même ardeur. Le Dante consacrait des stances à Marie dans le dernier chant de son Paradis; Guittone d'Arezzo chantait la glorieuse Mère du bon Jésus : saint Bonaventure la célébrait dans sa prose et dans ses vers; dans sa prose, c'était le docteur qui enseignait, dans ses vers, l'homme séraphique qui dévoilait au monde son amour.
Cantiga 156 pour la Sainte Vierge Marie- Alphonse X Le Sage -Ensemble Fontegara - Espagne 13 eme siècle
Cantiga 10 Rosa Das Rosas ( Rose parmi les roses) pour la Sainte Vierge Marie- Alphonse X Le Sage - Espagne 13 eme siècle - interprétation groupe Malandança
Rosa das rosas
Rose parmi les roses,
Fleur parmi les fleurs,
Maîtresse des maîtresses,
Femme parmi les femmes,
Rose d'élégance et de beauté,
Fleur de joie et de plaisir,
Maîtresse en ton être pieux,
Femme nous délivrant des soucis et douleurs,
Une telle femme chaque homme se doit de l'aimer
Parce qu'elle peut le préserver de tout mal
Et lui pardonner les péchés qu'il commet en ce monde.
De (Pour) cette femme,
Qui est la Dame dont je désire être le troubadour,
Je donne au diable tous les autres amours.
Alfonso X, El Sabio.
Cantigas de Santa Maria, chant 10.
El ladrón devoto de Gonzalo de Berceo - 13 eme siecle -Espagne - Gonzalo de Berceo est un homme d’Église et poète castillan du XIIIe siècle, auteur d’une douzaine de recueils d’inspiration religieuse. Admis comme étant le premier poète identifié en langue espagnole.
Outre une paraphrase sur le Salve regina et le Petit Psautier de la Vierge, nous avons de lui un poème intitulé : Louanges de Marie. C'est encore à lui que nous ferons un emprunt : les œuvres les plus pures de la foi, les œuvres où son esprit se révèle le mieux sans aucun mélange étranger, sont les écrits des saints.
Voici le prologue des Louanges de Marie : « Salut! lys céleste, rose épanouie, mère de l'humilité, reine des anges, sanctuaire de la Divinité. En cette vallée de larmes, donnez-nous le courage. Venez à notre secours, vous que le ciel nous offrit pour avocate au milieu de nos crimes.» Tendre Vierge, vous êtes incomparable : vous avez mérité d'entendre la voix de l'ange, et de concevoir le Fils de Dieu sous le souffle sacré de l'Esprit saint. Vierge avant d'avoir conçu, vous l'êtes encore après. Refuge vraiment unique, hélas! Dans cette vie si inconstante, daignez consoler ceux qui vous servent.» La terre est dans l'étonnement en vous voyant Vierge et Mère à la fois. Notre fragilité ne peut comprendre des merveilles d'une puissance aussi magnifique. Il faut que notre foi s'élève aux célestes hauteurs, et là seulement elle confesse dans la vérité que vous êtes la Mère du Christ, qu'en vous la divinité s'est revêtue de notre chair.» 0 Mère! vous avez engendré un Fils par excellence; née dans le temps, vous avez mis au jour celui qui fut votre père; simple étoile, vous avez produit le soleil; faible créature, vous avez donné la vie à l'Être incréé; petit ruisseau, vous avez fait jaillir la fontaine qui vous alimente; vase fragile, vous avez formé le potier qui vous façonna, et vous êtes demeurée toujours Vierge, toujours immaculée; et par vous, Mère du Christ, la vie que nous avions perdue, nous l'avons recouvrée.» Rose pure, rose d'innocence, rose nouvelle et sans épines, rose épanouie et féconde, rose devenue pour nous un bienfait de Dieu; vous avez été établie Reine des cieux; il n'est personne qui puisse jamais vous être comparé; vous êtes le salut du coupable, vous êtes le soutien de tous nos efforts.» La loi vous a montrée en ses figures; les pages saintes du Testament vous ont annoncée par de nombreuses énigmes, et l'Alliance nouvelle vous a rendue grande entre toutes les femmes, elle vous a élevée au-dessus de toute créature.» Avant l'origine du monde, le Seigneur vous a choisie, alors que dans sa sagesse il jetait les fondements du ciel. Dès ce jour il arrêta de combler par vous, Vierge et Mère, l'abîme ouvert par le péché de notre premier père.» Réjouissez-vous, ô Vierge, ô Mère, réjouissez-vous: c'est par vous que le monde voit ses ruines se réparer. Mêlez les accents de votre joie à ceux dont le ciel retentit. C'est par vous qu'il a été donné de payer à Dieu sans réserve le prix de notre rançon, à vous qu'il a été accordé de délivrer l'homme des malheurs de la ruse infernale dont il fut la victime, et cette gloire est au-dessus de tout éloge. »
Telle était donc la poésie au moyen âge. Elle chantait Dieu, la Vierge et les Saints. Le monde n'avait rien à voir dans ses productions; le Ciel seul en était le juge : c'était son œuvre, c'étaient ses pensées. La terre les recevait comme une rosée bienfaisante destinée à rafraîchir ses trop brûlantes ardeurs. Hélas ! de nos jours, bien rarement la poésie se rappelle sa mission sublime; et cependant que de douleurs à consoler! que d'amertume à adoucir! que d'incendies à éteindre et d'orages à calmer! que d'espérances à ranimer! Le monde s'est desséché au contact des pensées terrestres. Quand les voix divines qui résonnèrent si harmonieusement aux oreilles de nos pères, se feront-elles entendre parmi nous? Quand la foi inspirera-t- elle le génie et conduira-t-elle les cœurs?
Fin
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
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