Yann Raison du Cleuziou : « Il existe une forme de réserve des catholiques pratiquants à l’égard du vote RN »
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Yann Raison du Cleuziou : « Il existe une forme de réserve des catholiques pratiquants à l’égard du vote RN »
Yann Raison du Cleuziou : « Il existe une forme de réserve des catholiques pratiquants à l’égard du vote RN »
Spécialiste de la sociologie et de l'histoire du catholicisme français, Yann Raison du Cleuziou est maître de conférences en science politique à l'université de Bordeaux. Il remarque la fragmentation du vote des catholiques pratiquants lors des élections européennes ainsi que leur désaffection pour la droite et le centre.
Lors des élections européennes du 9 juin 2024, les catholiques pratiquants réguliers ont placé la liste RN en tête de leurs suffrages avec 18 % des voix selon un sondage de l'Ifop. - Alain ROBERT/SIPA
Spécialiste de la sociologie et de l'histoire du catholicisme français, Yann Raison du Cleuziou est maître de conférences en science politique à l'université de Bordeaux. Il remarque la fragmentation du vote des catholiques pratiquants lors des élections européennes ainsi que leur désaffection pour la droite et le centre.
Lors des élections européennes du 9 juin 2024, les catholiques pratiquants réguliers ont placé la liste RN en tête de leurs suffrages avec 18 % des voix selon un sondage de l'Ifop. - Alain ROBERT/SIPA
Comment analyser de manière pertinente le vote des catholiques à ces élections européennes ?
La première remarque, qui est capitale, c’est que tous les catholiques ne votent pas en tant que catholique. Environ 45 % des Français de plus de 18 ans se disent catholiques… Il faut donc s’interroger sur le groupe pertinent à interroger pour parler d’électorat catholique. Deux sociologues, Guy Michelat et Michel Simon, ont répondu à cette question dans les années 70 : leurs enquêtes montrent que les seuls catholiques à donner une dimension religieuse à leur vote, ce sont les catholiques pratiquants réguliers, c’est-à-dire ceux qui vont à la messe minimum une fois par mois. C’est toujours vrai aujourd’hui. Deux enquêtes, de l’Ipsos et de l’Ifop, ont étudié leur vote lors des élections européennes en France. Des variations très importantes sont à remarquer dans leurs résultats. Il faut donc analyser ces données avec précaution.
Quels sont les principaux enseignements du vote des catholiques pratiquants réguliers le 9 juin dernier ?
Ce qui est net c’est que parmi les pratiquants réguliers, il y a un affaissement du vote pour le centre. En 2019 selon l’Ifop, 43% des pratiquants réguliers avaient voté pour la liste de la majorité présidentielle conduite par Nathalie Loiseau. Cette année, ce choix électoral est plus faible. Mais on a un très fort différentiel entre les deux instituts qui se sont penchés sur le vote des catholiques : 10 % selon l’Ifop et 21 % selon Ipsos. Le détachement est net mais on ne peut dire s’il excède ou non celui du reste des électeurs.
Le Rassemblement National (RN) est sorti grand gagnant de cette élection au niveau national. Comment les catholiques pratiquants réguliers se sont-ils positionnés par rapport à la liste de Jordan Bardella ?
C’est l’autre enseignement de ce scrutin. Si on compare le vote des pratiquants réguliers aux moyennes nationales, on voit qu’ils votent tendanciellement moins que le reste des Français pour le RN. Si on prend les scores avancés par les instituts de sondage chez les catholiques pratiquants réguliers – 18 % pour l’Ifop et 26 % pour Ipsos -, ils restent en dessous du score de Jordan Bardella au niveau national (31,4 %). Ce n’est pas étonnant même si la tendance est à l’alignement du vote des catholiques pratiquants sur les scores nationaux. On peut dire qu’il y a une banalisation du vote RN chez les catholiques, c’est une tendance mesurable depuis une dizaine d’années. Cette banalisation n’invalide malgré tout pas le constat qu’il existe une forme de réserve des pratiquants réguliers à l’égard du vote RN…
Est-ce que cela signifie que les catholiques pratiquants réguliers sont moins perméables à l’extrême droite ?
Je ne dirais pas cela… Si on veut mesurer l’attraction de cette population pour l’extrême droite, le vote pour la liste Reconquête! est très instructif. Si ce vote est bien plus minoritaire chez les pratiquants réguliers – 10 ou 12 % selon l’institut de sondage -, il s’agit du double de la moyenne nationale. Cela témoigne d’une véritable attractivité. Le vote pour Marion Maréchal exprime donc un phénomène de radicalisation politique spécifique aux pratiquants réguliers puisqu’on ne retrouve pas cette tendance dans le reste de la population. C’était déjà le cas à la présidentielle.
Leur vote semble particulièrement dispersé…
En effet, un autre constat important est que l’électorat catholique pratiquant régulier est extrêmement fragmenté. Auparavant c’était un bloc derrière la droite de gouvernement.
Justement, quelle a été l’attitude des catholiques pratiquants réguliers à l’égard de la liste Les Républicains (LR) ?
En sociologie électorale, on sait que les catholiques pratiquants réguliers furent des électeurs fidèles de la droite de gouvernement. On a toujours eu environ 70 % des catholiques pratiquants qui votaient pour la droite de gouvernement. Ce constat commence à s’émousser à partir de 2017 où François Fillon obtient tout de même 55 % des voix des pratiquants réguliers. Valérie Pécresse, elle, n’avait obtenu que 9 % de leurs suffrages. On retrouve cette tendance aux élections européennes de 2024 même si on constate que François-Xavier Bellamy fait un beau score, puisqu’il double sa moyenne nationale parmi les pratiquants réguliers avec 16 % selon l’Ifop et Ipsos. Quand LR a un candidat plus identifié au catholicisme, qu’il a un positionnement plus conservateur sur les questions sociétales, il bénéficie d’une part plus importante de l’électorat catholique pratiquant régulier. Même s’il faut souligner que 16 %, par rapport à ce qu’a été le taux de vote pour la droite de gouvernement, cela reste un échec.
Plusieurs documents épiscopaux ont été publiés avant l’élection pour appeler les catholiques à choisir des listes « favorisant la construction européenne ». Force est de constater qu’ils ont peu été écoutés en France. Ce genre de document a-t-il habituellement une influence sur le vote des catholiques ?
Il n’y a rien de nouveau : les textes des conférences épiscopales qu’elles soient nationales ou européennes, n’ont aucune influence sur le vote des catholiques. Ils sont totalement autonomisés de toute consigne cléricale depuis des décennies. Il n’y a pas d’effet et il ne faut pas s’en étonner.
Propos recueillis par Cyriac Zeller
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Lumen- Date d'inscription : 09/11/2021
Localisation : France
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